Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-27
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 27 novembre 1867 27 novembre 1867
Description : 1867/11/27 (A2,N587). 1867/11/27 (A2,N587).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717589d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
- JOURNAL ' QUOTIDIEN
a cent. le numéro
S cent, le numéro
^.SOSMEMEîiTS. — Trois mois. Six mois. Un à A.
Paris .... S fr. 9 fr. i 8 fcj
Départements.. 8 ill ne . i ■ -
Administrateur : E. DELSAUX.
t ~~
cannée. — MERCREDI 27 NOVEMBRE 1867. — No 587
e
.Directezir- Pro-prié taire i JANNIN.
Rédacteur en Chef : A: DE BALATHÏE.R BRAC-'ELONNEJ
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rrae? Drouot.
ADXI,'iISCRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
i daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
et le dimanche en province. ■
PARIS, 26 NOVEMBRE 1867.
GUILLAUME TELL
Reprise de l'opéra de Rossini
Stendhal, un homme d'esprit, ne dédai-
gnait pas d'écrire des préfaces, certain qu'elles
n'ennuieraient pas ses lecteurs.
Il y a une préface à la Vie de Piossini,
parue en 1823 et rééditée en 1854 par MM,
Michel Lévy. ■ -
« Le présent livre, y lit-on, avait été fait
pour être publié en anglais ; c'est une école
de musique qu'il a vue près de la place Beau-
vau, qui a donné à l'auteur l'audace d'impri-
mer en France. »
Depuis 1823, les écoles de musique se sont
multipliées, et si le plus intelligent des admi-
rateurs de Rossini craignait alors de parler de
ce dernier aux Parisiens, il faut reconnaître
que ses successeurs ont pris cruellement leur
revanche.
Pour ma. part, j'offre volontiers une pen-
dule-en prime à qui pourra me montrer dix
numéros consécutifs d'un journal où le nom
de l';n}(cur de Guillaume Tell ne soit pas
prononce.
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Le premier ouvrage de Rossini en France
fut le Siège de Corinthe, et le second le Comte
Ory. Guillaume- Tell, le troisième, ne. vint
511'en 1899.
C'était la plus admirable des compositions,
du maure. Elle n'obtint qu'un accueil tiède,
auquel les amis de l'auteur eussent préféré
une de ces chutes.éclatantes qui permettent
la protestation. ' .
Uossini n'avait alors que trente-sept ans.
Sa jeunesse s'était passée en Italie à mener
une existence que Stendhal décrit de la plus
amusante façon.
D'abord, voici le mécanisme des théâtres
de là-bas : Un riche patricien prend l'entre-
prise du théâtre de la ville où il brille. Il
forme une troupe .et engage un compositeur
qui4ui4a4-wi oflfciM&ôiiveau, en ayant soin
de calculer ses airs pour les voix des sujéts
qui doivent les chanter. Il achète le poëme.
C'est une dépense de soixante à quatre-vingts
francs. L'auteur est quelque pauvre diable,
parasite dans une maison riche du pays. Le
rôle si comique du parasite, si bien petllt'par
Térence, est encore dans toute sa gloire en
Lombardie, où>-la plu.s petite ville a cinq ou
six maisons de cent mille livres de rente.,
'L'imprésario, qui est le chef de l'une de ces
maisons, remet le soin de toutes les affaires
financières de son théâtre à un régisseur, qui
est d'ordinaire l'avocat qui lui sert d'inten-
dant; et lui, l'imprésario, devient amoureux
de la prima donna: le grand objet de curiosité
dans la ville est de savoir s'il lui donnera le
bras en public.
La troupe ainsi organisée donne enfin sa
première représentation. C'est un événement,
et tel qu'il n'v en a point à lui comparer à
Paris. Huit f dix mille personnes discutent 1
pendant trois semaines les beautés et les dé-
fauts de l'opéra avec toute la force d'at'ten- *
tion qu'elles ont reçue du ÎILI, et surtout avec :
toute la force de leurs poumons. Cette pre- I
mière représentation, quand elle n'est pas in- ;
terrompue par un esclandre, est ordinaire- j
ment suive de vingt ou trente autres. Après !
quoi, la troupe se disperse. Cela s'appelle une ;
saison. Les chanteurs qui ne sont pas engagés j
se tiennent communément ,'t Bologne et à |
Milan ; là, ils ont dês agents de théâtre qui
s'occupent de les placer et de les voler.
J'ai résumé Stendhal. Je vais le citer tQ^r-
tuellement :
« Pendant dix ans, Rossini mena cette vie
singulière et sans analogue en France. Il par-
courut successivement toutes les villes d'Italie,
passant deux ou trois mois dans chacune. A
son arrivée, il était reçu, fêté, porté aux !
nues par les tfilettanti du pays ; les quinze 1
DU vingt premiers jours se passaient à rece- J
voir des dîners et à hausser les épaules de la
bêtise du librctto. Rossini, outre qu'il a dans I
l'esprit un l'eu étonnant, a été élevé dans la
lecture de l'Arioste, des jcomédiës de Machia-
vel, des Fiabe de Gozzi, des poëmes de Bu-
ratti, et sent fort bien les sottises d'un lihretto.
Tu mi lIai data versi, ma non situazioni, lui
ai-je entendu dire plusieurs fois au poëte
crotté qui se confond en excuses et deux heu-
res après lui apporte'un sonnet, umiliato alla
gloria del pitt [Iran maestro d'Italia e del
mon do.
» Après quinze ou vingt jours de cette vie
dissipée, Rossini commencera à refuser les dî-
ners et les soirées musicales, et, il prétend
s'occuper sérieusement à étudier les voix de
ses acteurs; il les fait chanter au piano, et on
le voit obligé de mutiler les plus belles idées
du monde, parce que le Jénor ne peut pas
atteindre à la note dont sa pensée avait be-
soin, ou parce que la prima donna chante
toujours faux dans le passage de tel ton à tel
autre. Quelquefois, dans toute la troupe, il
n'y a que le basto qui puisse chanter.
Enfin,;vingt jours avant la première re-
présentajon, Hossini, connaissant bien les
voix de s|s chanteurs, se met à écrire. Il se
lève tard, compose au milieu de la conversa-
tion de ses nouveaux amis, qui, quoiqu'il
fasse, no le quittent pas un instant de la
journée. 11 va dîner avec eux à l'Orna, et
souvent souper ; il rentre fort tard, et ses amis
le reconduisent jusqu'à sa porte &n chantant
à tuc-tête de la musique qu'il improvise. Il
rentre enfin, et c'est à celte époque de la jour-
née, vers les trois heures du matin, que lui
sont venues ses idées les plus brillantes. Il les
écrit à la hâte et sans piano, sur de petits bouts
de papier, et le lendemain il les arrange, les
puur parler son langage, en
causant avec ses amis. Figurez-vous un esprit
vif, ardent, que toutes choses frappent, qui
tire parti de tout, qui ne s'embarrasse de rien.
Une seule chose peut paralyser ce génie bril-
lant, toujours creatc-ur, toujours en action,
c'est la présence d'un pédant qui vient lui
parler gloire et théorie, et l'accabler de com-
pliments savants.
» Alors il prend de l'humeur et se permet
des plaisanteries, souvent plus remarquables
par leur énergie grotesque que per la mesure
parfaite et l'atticisme. Un jour, 1*1 de ces fâ-
cheux l'avait relancé jusque dans sa petite
chambre d'auberge et l'empêchait de se lever:
— Vous voulez bien me parler de ma gloire,
s'écrie Rossini; savez-vous, monsieur, quel
est mon véritable titre à l'immortalité? C'est
d'être le plus bel homme de mon/siècle. Ca-
nova m'a dit qu'il compte me prendre un jour
pour modèle d'une statue d'Achille! Et de
;
sauter de son lit, en chemise, cg qui est un
grand manque de respect en ce pays-là. » «*
Placez maintenant l'homme de cette vie &j ,
Paris, en face de l'insuccès d'une œuvre qu'il
sait être la plus belle de toutes ses ,œuvres..
vous comprendrez son mot :
— Je n'écrirai plus rien pour le théâtre.
— Pourquoi?
— Parce que je ne pourrai jamais faire
mieux.
n'avait trente-sept ans.
-Un peu plus tard , Du'prez débuta dans
Guillaume Tell, et le succès fut immense.
On supplia Rossini de donner un nouvel
opéra.
— Non! non! dit-il, un succès n'ajouterait, .
rien à ma renommée ; une chute pourrait y
porter atteinte ; je n'ai pas hesoin de l'un et
je ne veux pas m'exposer à l'autre....
' N'y avait-il que de l'égoïsme dans cette pa-
role?
Quoi qu'il en'soit, elle a été tenue; car on
ne saurait compter pour une suite de Guil-
lemme Tell et du Barbier de Sévilie, une
Messe, quelques morceaux de piano et les,
coups de canon de la cantate de l'été der-
nier.
Parler aujourd'hui de la partition et du li-
vret de Guillaume Tell serait tomber dans les
redites. ' f
L'opéra a réussi hier comme il réussira
toujours.
Mais le sujet est un de ceux sur lesquels on
aime à revenir. Les légendes héroïques sont
toujours bonnes à citer. ■
Donc,..au commencement du quatorzième
siècle, la maison d'Autriche pesait lourdement
sur la Suisse.
Les archiducs d'Autriche avaient des pro-
priétés dans les principaux cantons.
Sous prétexte de concitoyenneté, ils avaient
offert leur protection toute puissante aux villes
et aux pays libres... Ces derniers avaient
accepté, parce-qu'ils ne pouvaient faire autre-
ment.
Du reste, ils avaient gardé leurs privilèges;
ils s'administraient et se jugeaient eux-
mêmes. C'est seulement en matière de justice
criminelle qu'intervenait le vidame autri-
chien. -
.
ROCAMBOLE
N° 19 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XIX
Les nareotiques sont d'autant plus puissants
que l'organisme de ceux qui les absorbent est
faible.
Le sommeil léthargique de l'Irlandaise avait
duré quatre heures environ.
Yoir îe numéro dL1 8 novembre.
Celui de son fils devait être évidemment beau- î
coup plus long.
Mistrcss Fanoche avait calculé tout cela.
Tandis que Mary allait chercher un cab, la
nourriSSe1128 d'enfants prit le petit Irlandais à
bras le corps et le sortit du lit.
L'enfant ne s'éveilla pas.
Alors mistress Fanoche se mit ù, le rhabiller ;
puis, quand ce fut fini, elle le recoucha sur son
lit, et attendit le retour de la servante.
Elle n'attendit pas longtemps.
Quelques secondes après, une clé tourna dans
la serrure et le bruit d'une voiture vint mourir
à la porte.
C'était. Mary qui revenait.
l'rlary était une robuste Ecossaise de quarante-
cinq ans, au regard dur et farouche, qui servait
mistress Fanoche peut-et e autant par goût que
par intérêT.
Cruelle par naturCi!"elle se plaisait à voir souf-
frir les innocentes créatures que mistress Fano-
che élevait à coups de fouet. -
Mary complétait dignement ce trio de bour-'
rexux en jupons qui vivait dans Dudley-street.
Impassible et sourde, quand il le fallait,
Mary n'ignorait rien des crimes q-ui se commet-
! taient dans cette mystérieuse maison.
Mais OQ l'eût mise à la torture qu'elle n'eût
I rien avoué.. '
— Est-ce que nous allons noyer aussi celui-
là? dit-elle en entrant dans la chambre.
— Non, dit mistrcss Fanoche. On ne noie
pas un enfant qui peut rapporter encore un
millier de livres.
En même temps, mistress Fanoche crut
prudent d'aller, parlementer un peu avec le co-
cher.
Quand on prend un cabman sur la voie pu"
blique, un cabman qu'on ne connaît pas, il est
toujours bon de faire prix avec lui, d'abord.
Ensuite mistress Fanoche, avait besoin d'é-
carter tout soupçon de l'esprit de celui qui al-
lait voir placer dans sa voiture un enfant si
parfaitement endormi, qu'on aurait pu croire qu'il
était mort.
Elle s'avança donc sur le seuil de la porte et
dit :
— Hé f cabman?
— Milady ? répondit le cocher.
— Avez-vous un bon cheval ?
— Excellent.
— Tant mieux, car la nuit est bien froide, et
mon pauvre petit finirait par s'enrhumer, si
nous restions longtemps en route.
— Cela dépend où nous irons, milady ?
— A Hampsteadt : combien de milles ?
— Près de quatre, milady.
i. Quel est le prix de la course, mou cher?
r
je suis une pauvre veuve qui n'est pas riche, et
qui est obligée de faire des économies. ■
— Vous me donnerez une couronne milady,
et six pence en plus,si vous êtes trois.
— Soit, mais vous nous mènerez bon
| train... - ■
— Il n'y a pas "deux trotteurs comme le
mien dans Londres, répondit le cocher avec
! orgueil.
Mistress Fanoche rentra dans il maison, mit
1 son chapeau, s'enveloppa dans une bonne pelisse
bien chaude, et dit à Mary :
S — Partons.
| L'Ecossaise avait roulé l'enfant, qui dormait
i toujours, dans un grand plaid qui le couvrait
tout entier et ne laissait voir que son visage.
I — Pauvre petit ! dit le cabman en le regar-
î dant, comme il dort bien.
Mistress Fanocbe ouvrit la portière du cab,
puis, tandis que Mary montait et posait l'enfant
sur ses genoux, elle ferma soigneusement la
porte.
Après quoi elle s'installa à son tour dans le
cab, et dit au cabman :
[ — En route 1
— Quelle rue d'Hampsteadt ? demanda If .
ml)m,tll.
— Dix-huit, Heatii mount, réporidi^ mistress
- JOURNAL ' QUOTIDIEN
a cent. le numéro
S cent, le numéro
^.SOSMEMEîiTS. — Trois mois. Six mois. Un à A.
Paris .... S fr. 9 fr. i 8 fcj
Départements.. 8 ill ne . i ■ -
Administrateur : E. DELSAUX.
t ~~
cannée. — MERCREDI 27 NOVEMBRE 1867. — No 587
e
.Directezir- Pro-prié taire i JANNIN.
Rédacteur en Chef : A: DE BALATHÏE.R BRAC-'ELONNEJ
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, rrae? Drouot.
ADXI,'iISCRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée journal hebdoma-
i daire à 10 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse le samedi à Paris
et le dimanche en province. ■
PARIS, 26 NOVEMBRE 1867.
GUILLAUME TELL
Reprise de l'opéra de Rossini
Stendhal, un homme d'esprit, ne dédai-
gnait pas d'écrire des préfaces, certain qu'elles
n'ennuieraient pas ses lecteurs.
Il y a une préface à la Vie de Piossini,
parue en 1823 et rééditée en 1854 par MM,
Michel Lévy. ■ -
« Le présent livre, y lit-on, avait été fait
pour être publié en anglais ; c'est une école
de musique qu'il a vue près de la place Beau-
vau, qui a donné à l'auteur l'audace d'impri-
mer en France. »
Depuis 1823, les écoles de musique se sont
multipliées, et si le plus intelligent des admi-
rateurs de Rossini craignait alors de parler de
ce dernier aux Parisiens, il faut reconnaître
que ses successeurs ont pris cruellement leur
revanche.
Pour ma. part, j'offre volontiers une pen-
dule-en prime à qui pourra me montrer dix
numéros consécutifs d'un journal où le nom
de l';n}(cur de Guillaume Tell ne soit pas
prononce.
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Le premier ouvrage de Rossini en France
fut le Siège de Corinthe, et le second le Comte
Ory. Guillaume- Tell, le troisième, ne. vint
511'en 1899.
C'était la plus admirable des compositions,
du maure. Elle n'obtint qu'un accueil tiède,
auquel les amis de l'auteur eussent préféré
une de ces chutes.éclatantes qui permettent
la protestation. ' .
Uossini n'avait alors que trente-sept ans.
Sa jeunesse s'était passée en Italie à mener
une existence que Stendhal décrit de la plus
amusante façon.
D'abord, voici le mécanisme des théâtres
de là-bas : Un riche patricien prend l'entre-
prise du théâtre de la ville où il brille. Il
forme une troupe .et engage un compositeur
qui4ui4a4-wi oflfciM&ôiiveau, en ayant soin
de calculer ses airs pour les voix des sujéts
qui doivent les chanter. Il achète le poëme.
C'est une dépense de soixante à quatre-vingts
francs. L'auteur est quelque pauvre diable,
parasite dans une maison riche du pays. Le
rôle si comique du parasite, si bien petllt'par
Térence, est encore dans toute sa gloire en
Lombardie, où>-la plu.s petite ville a cinq ou
six maisons de cent mille livres de rente.,
'L'imprésario, qui est le chef de l'une de ces
maisons, remet le soin de toutes les affaires
financières de son théâtre à un régisseur, qui
est d'ordinaire l'avocat qui lui sert d'inten-
dant; et lui, l'imprésario, devient amoureux
de la prima donna: le grand objet de curiosité
dans la ville est de savoir s'il lui donnera le
bras en public.
La troupe ainsi organisée donne enfin sa
première représentation. C'est un événement,
et tel qu'il n'v en a point à lui comparer à
Paris. Huit f dix mille personnes discutent 1
pendant trois semaines les beautés et les dé-
fauts de l'opéra avec toute la force d'at'ten- *
tion qu'elles ont reçue du ÎILI, et surtout avec :
toute la force de leurs poumons. Cette pre- I
mière représentation, quand elle n'est pas in- ;
terrompue par un esclandre, est ordinaire- j
ment suive de vingt ou trente autres. Après !
quoi, la troupe se disperse. Cela s'appelle une ;
saison. Les chanteurs qui ne sont pas engagés j
se tiennent communément ,'t Bologne et à |
Milan ; là, ils ont dês agents de théâtre qui
s'occupent de les placer et de les voler.
J'ai résumé Stendhal. Je vais le citer tQ^r-
tuellement :
« Pendant dix ans, Rossini mena cette vie
singulière et sans analogue en France. Il par-
courut successivement toutes les villes d'Italie,
passant deux ou trois mois dans chacune. A
son arrivée, il était reçu, fêté, porté aux !
nues par les tfilettanti du pays ; les quinze 1
DU vingt premiers jours se passaient à rece- J
voir des dîners et à hausser les épaules de la
bêtise du librctto. Rossini, outre qu'il a dans I
l'esprit un l'eu étonnant, a été élevé dans la
lecture de l'Arioste, des jcomédiës de Machia-
vel, des Fiabe de Gozzi, des poëmes de Bu-
ratti, et sent fort bien les sottises d'un lihretto.
Tu mi lIai data versi, ma non situazioni, lui
ai-je entendu dire plusieurs fois au poëte
crotté qui se confond en excuses et deux heu-
res après lui apporte'un sonnet, umiliato alla
gloria del pitt [Iran maestro d'Italia e del
mon do.
» Après quinze ou vingt jours de cette vie
dissipée, Rossini commencera à refuser les dî-
ners et les soirées musicales, et, il prétend
s'occuper sérieusement à étudier les voix de
ses acteurs; il les fait chanter au piano, et on
le voit obligé de mutiler les plus belles idées
du monde, parce que le Jénor ne peut pas
atteindre à la note dont sa pensée avait be-
soin, ou parce que la prima donna chante
toujours faux dans le passage de tel ton à tel
autre. Quelquefois, dans toute la troupe, il
n'y a que le basto qui puisse chanter.
Enfin,;vingt jours avant la première re-
présentajon, Hossini, connaissant bien les
voix de s|s chanteurs, se met à écrire. Il se
lève tard, compose au milieu de la conversa-
tion de ses nouveaux amis, qui, quoiqu'il
fasse, no le quittent pas un instant de la
journée. 11 va dîner avec eux à l'Orna, et
souvent souper ; il rentre fort tard, et ses amis
le reconduisent jusqu'à sa porte &n chantant
à tuc-tête de la musique qu'il improvise. Il
rentre enfin, et c'est à celte époque de la jour-
née, vers les trois heures du matin, que lui
sont venues ses idées les plus brillantes. Il les
écrit à la hâte et sans piano, sur de petits bouts
de papier, et le lendemain il les arrange, les
puur parler son langage, en
causant avec ses amis. Figurez-vous un esprit
vif, ardent, que toutes choses frappent, qui
tire parti de tout, qui ne s'embarrasse de rien.
Une seule chose peut paralyser ce génie bril-
lant, toujours creatc-ur, toujours en action,
c'est la présence d'un pédant qui vient lui
parler gloire et théorie, et l'accabler de com-
pliments savants.
» Alors il prend de l'humeur et se permet
des plaisanteries, souvent plus remarquables
par leur énergie grotesque que per la mesure
parfaite et l'atticisme. Un jour, 1*1 de ces fâ-
cheux l'avait relancé jusque dans sa petite
chambre d'auberge et l'empêchait de se lever:
— Vous voulez bien me parler de ma gloire,
s'écrie Rossini; savez-vous, monsieur, quel
est mon véritable titre à l'immortalité? C'est
d'être le plus bel homme de mon/siècle. Ca-
nova m'a dit qu'il compte me prendre un jour
pour modèle d'une statue d'Achille! Et de
;
sauter de son lit, en chemise, cg qui est un
grand manque de respect en ce pays-là. » «*
Placez maintenant l'homme de cette vie &j ,
Paris, en face de l'insuccès d'une œuvre qu'il
sait être la plus belle de toutes ses ,œuvres..
vous comprendrez son mot :
— Je n'écrirai plus rien pour le théâtre.
— Pourquoi?
— Parce que je ne pourrai jamais faire
mieux.
n'avait trente-sept ans.
-Un peu plus tard , Du'prez débuta dans
Guillaume Tell, et le succès fut immense.
On supplia Rossini de donner un nouvel
opéra.
— Non! non! dit-il, un succès n'ajouterait, .
rien à ma renommée ; une chute pourrait y
porter atteinte ; je n'ai pas hesoin de l'un et
je ne veux pas m'exposer à l'autre....
' N'y avait-il que de l'égoïsme dans cette pa-
role?
Quoi qu'il en'soit, elle a été tenue; car on
ne saurait compter pour une suite de Guil-
lemme Tell et du Barbier de Sévilie, une
Messe, quelques morceaux de piano et les,
coups de canon de la cantate de l'été der-
nier.
Parler aujourd'hui de la partition et du li-
vret de Guillaume Tell serait tomber dans les
redites. ' f
L'opéra a réussi hier comme il réussira
toujours.
Mais le sujet est un de ceux sur lesquels on
aime à revenir. Les légendes héroïques sont
toujours bonnes à citer. ■
Donc,..au commencement du quatorzième
siècle, la maison d'Autriche pesait lourdement
sur la Suisse.
Les archiducs d'Autriche avaient des pro-
priétés dans les principaux cantons.
Sous prétexte de concitoyenneté, ils avaient
offert leur protection toute puissante aux villes
et aux pays libres... Ces derniers avaient
accepté, parce-qu'ils ne pouvaient faire autre-
ment.
Du reste, ils avaient gardé leurs privilèges;
ils s'administraient et se jugeaient eux-
mêmes. C'est seulement en matière de justice
criminelle qu'intervenait le vidame autri-
chien. -
.
ROCAMBOLE
N° 19 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XIX
Les nareotiques sont d'autant plus puissants
que l'organisme de ceux qui les absorbent est
faible.
Le sommeil léthargique de l'Irlandaise avait
duré quatre heures environ.
Yoir îe numéro dL1 8 novembre.
Celui de son fils devait être évidemment beau- î
coup plus long.
Mistrcss Fanoche avait calculé tout cela.
Tandis que Mary allait chercher un cab, la
nourriSSe1128 d'enfants prit le petit Irlandais à
bras le corps et le sortit du lit.
L'enfant ne s'éveilla pas.
Alors mistress Fanoche se mit ù, le rhabiller ;
puis, quand ce fut fini, elle le recoucha sur son
lit, et attendit le retour de la servante.
Elle n'attendit pas longtemps.
Quelques secondes après, une clé tourna dans
la serrure et le bruit d'une voiture vint mourir
à la porte.
C'était. Mary qui revenait.
l'rlary était une robuste Ecossaise de quarante-
cinq ans, au regard dur et farouche, qui servait
mistress Fanoche peut-et e autant par goût que
par intérêT.
Cruelle par naturCi!"elle se plaisait à voir souf-
frir les innocentes créatures que mistress Fano-
che élevait à coups de fouet. -
Mary complétait dignement ce trio de bour-'
rexux en jupons qui vivait dans Dudley-street.
Impassible et sourde, quand il le fallait,
Mary n'ignorait rien des crimes q-ui se commet-
! taient dans cette mystérieuse maison.
Mais OQ l'eût mise à la torture qu'elle n'eût
I rien avoué.. '
— Est-ce que nous allons noyer aussi celui-
là? dit-elle en entrant dans la chambre.
— Non, dit mistrcss Fanoche. On ne noie
pas un enfant qui peut rapporter encore un
millier de livres.
En même temps, mistress Fanoche crut
prudent d'aller, parlementer un peu avec le co-
cher.
Quand on prend un cabman sur la voie pu"
blique, un cabman qu'on ne connaît pas, il est
toujours bon de faire prix avec lui, d'abord.
Ensuite mistress Fanoche, avait besoin d'é-
carter tout soupçon de l'esprit de celui qui al-
lait voir placer dans sa voiture un enfant si
parfaitement endormi, qu'on aurait pu croire qu'il
était mort.
Elle s'avança donc sur le seuil de la porte et
dit :
— Hé f cabman?
— Milady ? répondit le cocher.
— Avez-vous un bon cheval ?
— Excellent.
— Tant mieux, car la nuit est bien froide, et
mon pauvre petit finirait par s'enrhumer, si
nous restions longtemps en route.
— Cela dépend où nous irons, milady ?
— A Hampsteadt : combien de milles ?
— Près de quatre, milady.
i. Quel est le prix de la course, mou cher?
r
je suis une pauvre veuve qui n'est pas riche, et
qui est obligée de faire des économies. ■
— Vous me donnerez une couronne milady,
et six pence en plus,si vous êtes trois.
— Soit, mais vous nous mènerez bon
| train... - ■
— Il n'y a pas "deux trotteurs comme le
mien dans Londres, répondit le cocher avec
! orgueil.
Mistress Fanoche rentra dans il maison, mit
1 son chapeau, s'enveloppa dans une bonne pelisse
bien chaude, et dit à Mary :
S — Partons.
| L'Ecossaise avait roulé l'enfant, qui dormait
i toujours, dans un grand plaid qui le couvrait
tout entier et ne laissait voir que son visage.
I — Pauvre petit ! dit le cabman en le regar-
î dant, comme il dort bien.
Mistress Fanocbe ouvrit la portière du cab,
puis, tandis que Mary montait et posait l'enfant
sur ses genoux, elle ferma soigneusement la
porte.
Après quoi elle s'installa à son tour dans le
cab, et dit au cabman :
[ — En route 1
— Quelle rue d'Hampsteadt ? demanda If .
ml)m,tll.
— Dix-huit, Heatii mount, réporidi^ mistress
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