Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 novembre 1867 24 novembre 1867
Description : 1867/11/24 (A2,N584). 1867/11/24 (A2,N584).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47175865
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
S cent. le numéro . 1
1 1 JOURNAL QUOTIDIEN
H cent le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. Un as.
Paris S fr. 9 fr. 1 S k.
Départements.. 8 il 99
Administrateur: É. DELSAUX.
28 année. — DIMANCHE 24, NOVEMBRE 1867. — No 584
JJireoteur-Propriétaire : j A N N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALKT,_HIRR BRAt7ELONNL
. BUREAUX D ABONNEMENT : S, rue
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Nous rappelons à tous les acheteurs
du présent numéro de LA PETITE PRESSE
qu ils ont LE DROIT de se faire dé-
livrer
LA PRESSE. ILLUSTRÉE du jour pour
5 centimes seulement, soit les deux
journaux pour 10 centimes au lieu de
15 cent., »
Si par hasard quelque marchand de
Paris refusait à des acheteurs'de LA PE-
TITE PRESSE, LA PRESSE ILLUSTRÉE au
prix de 5 centimes, nous prions ces
acheteurs de vouloir bien s'adresser à
nn autre kiosque, et de se souvenir du
. marchand récalcitrant.
PARIS, 23 NOVEMBRE 1867.
L'HOPITAL
A mon ami André Mossel
Les murs sont peints en vert. L'unique fe-'-
nôtre est garnie de ride'aux blancs. Quelques
chaises en paille, une table en bois noir,
composent/le mobilier. Une lumière pâle,
froide, sans rayons, éclaire uniformément la
.chambre.
Le chirurgien, un homme de haute taille,
un peu voûté, large, osseux, la face brune,
ies cheveux gris derrière les oreilles, la bou-
che narquoise, les yeux jaunes et clairs, cause
avec l'interne.
Derrière lui se tiennent les élèves.
La voix de l'iafirmier retentit sur Je seuil
de la première salle.
— Six seulement !... Entrez !... Bon!...
La porte s'ouvrit et se referma.
Le premier qui s'avança était un ouvrier
du briment.
Il s'appuyait d'uti bras sur un des ses ca-
marades; son autre bras reposait sur une
mauvaise cravate en écharpe, d'où l'on voyait
sortir un paquet de linge ensanglanté, — sa
main.
■—Asseyez-vous! dit le chirurgien.
Il défit le linge.
L'autre s'enfonçait les dents dans les lèvres
s- 5our ne pas crier.
— C'est une pierre qui vous a fait ça...
if —Oui, monsieur le docteur.
— Des ciseaux!
Le chirurgien coupa les lambeaux de peau,
enleva les esquilles, fit le pansement, soute-
nant les parties écrasées par des^attelles...
Quand cè fut fini, il regarda le patient.
Le maçon n'avait pas laissé échapper une1
plainte. Mais deux larmes roulaient' sur ëes
joues livides. ;
. — Vous en avez pour un mois !... A un
autre [ .--■ •
— Pardon, monsieur le docteur, mais je
voudrais bien savoir si je resterai estro-
pié?...
1
— Non.
Les larmes de l'ouvrier se séchèrent... Le
sang remonta, à sa joue. n'allongea sa bonne
main vers son ami, et sa voix eut une in-
flexion joyeuse :
-,:. Tu entends? dit-il..— Nous avions peur !
— Dans un mois je serai guéri, Jean I... Jean,
dans un mois je pourrai travailler!...
Il se retournait pour remercier encore...
Mais le docteur l'éloigna d'un geste qui vou-
lait dire: — Bon! Bon!... Laissez-moi la1
paix !... Alors il sorti t. !
1 .... ■ • ' !
! Une femme, tenant un petit enfant sur son
bras, fit un pas du côté de la table. ■ !
— Allons, avancez !
La pauvre femme n'avait pas. l'air bien in-
trépide. Se voyant ainsi interpellée,elle obéit;
mais elle se mit à trembler et demeura,
muette... *
— Qu'avez-vous ?
— Rien, monsieur le docteur, rien, Dieu
merci !..<
Elle regarda smi enfant, et, retrouvant tout
à coup du courage :
— Ce n'est pas moi, dit-elle, c'est mon pe-
tit. Voyez, messieurs, il a tout le corps' bouffi
comme ça. On dirait de la graisse, mais c'est
plus dur. Après cela, il ne se - plaint pas, et,
ajouta-t-elle av'ec un pâle sourire, ce ne sera
peut-être rien...
— Rien, en effet, ma brave femme. Avez-
vous d'autres enfants ?
— J'en ai quatre, monsieur le docteur,
mais ça ne fait rien, celui-là n'est pas de
trop, et je suis bien, contente que vous me ras-
suriez. J'étais inquiète, je n'en dormais pas.
On avait beau me dire : Il n'y- a pas de dan-
ger... Moi j'ai voulu venir, J'ai bien fait. Me
voilà tranquille à présent. Ainsi il est inutile
de faire des remèdes?...
— Tout à fait inutile... >
Elle partit tout heureuse, la tête penchée,
berçant le marmot et lui parlant à demi-
voix...
L'interne et les élèves se regardaient.
ï|g savaient que l'enfant était perdu.
— Il en a pour vingt-quatre, heures, dit le
chirurgien. Pouvais-je dire cela à la mère ?
Elle rit maintenant!... Ces imbéciles vien-
nent toujours tro-p tardt
— Est-ce que je viens trop tard aussi, mon-
sieur le docteur ? dit une voix faible comme
un souffle.
Use toux convnlsive, par spasmes, suivit
ces mots.
Une grande jeune fille, en robe d'indienno,
i mince, la poitrine rentréer se tendit debout
devant le groupe du chirurgien et , de ses
?élèves.
Oh ! pour savoir le mal de celle-là, on n"a.-
i vait pas besoin d'interrogatoire.
La pâleur du visage, .la rougeur des pom-
mettes, l'éclat des yeux enfoncés, la démar-
che chancelante, la maigreur, les spasmeà-,
tout dénonçant la phthisie.
Pour sauver cette enfant, on seulement pour
prolonger sa vie de quelques jours, il aurait
fallu Nice, te Midi, les brises tièdes, un ré-
gime fait de mille soins...
Or, elle arrivait à l'hôpital, au mois de ne-
vembre, avec un chiffon de tulle sur la tête,
et i*n _chà!e épais comme une feuille de pa-
pier collé aux épaules et aux reins..
— Quel âge avez-vous, mon enfant?
— Seize ans, monsieur. ^
Seize ans! Il fit mine de l'aus-Bulter.
— Toussez !
Elle toussa. Les larmes lui vinrent aux
yeux. Sa pauvre petite main rouge alla cher-
cher dans la .robe un mouchoir en lam-
beaux.
Avez-vous des parents?
— Non, monsieur.
— Vous vivez seule?
— Toute seule.
— Que faites-vous?
— Monsieur, je fais des cravates. Vous sa-
vez, ces petites cravates qu'on vend trois sous,
sur les boulevards...
— Combien gagnez-vous par jour?
— En ne perchant, pas de temps, quinze
sous.
Il y eut un moment de silence ; la jeune...
fille se remit à tousser.
— Pouvez-vous reverHT? dit enfin le dn-<-
rurgien.
— Oui, monsieur, mais pas ,demain : je re-
porte mon ouvrage; ru après de,"ain.. Enfin,.,
fjÍ vous croyez que ce soit utile.
— C'est indispensable..
— Eh bien ! je revierîdrai.'
L'interne et les élèves' se parlaient à voir,
basse. -,
— Du sil«nce dbnc, messieurs-1 cria le
maître.
Et, fùrieux,,Ies - dents-serrées, l'œil chargé
d'éclairs :
— Les cas soot assaxiintarespants pourtant
aujourd'hui ! ;
L'ouvrière cependant ét ait sortie de' rhôpi-
tal et suivait le trottoir' d'un pas saccadé,
s'arrêtant de tejnps en temips pour porter son
mouchoir à ses lèvres.
— Pauvre fille!' dU'. quelqu'un auprès
d'eUe.
Elle leva la tête et recoin lut là mère du pe-
tit enfant de tout à l'heure.
Alors elle répondit, mas s bien bas, pour
. que l'autre ne l'út l'entendr e. :
— Pauvre femcae !
Ptiis elle essaya de se r* m:iettre en route.
Elle pouvait à peine marcher
En, ce moment, un jeu, eusse homme s'appro-
cha d'elle.
' C'était un des élèves.
'—Mademoiselle,-—ne-ous-- offensez pas,
je vous en prie. J'ai besoisn de cravates, mes
camarades-aussi.... Nous -4 ouîons vous don-
ner notre pratique... Mais,,. pour faire toutes
ces cravates, il faut vous-ga érir d?'ab®rd, vous
soigner... Nous avons es-péné que V01ilS accep-
teriez une petite avance, fai te de bon cœur..,.
Nous ne sommes pas'ric&es non plias...
En même temps, il lui •* giissai.& quelque
chose dans la main.
La-jeune fille baissa 1-a tête,. Le rouge des
pommettes s'étendit au reste du vi;-xage. Elle
chancela. Mais., se redressant tout à. coup, et
lavant vers le cial ses y eux. profonds. :
— Merci ! dit-elle.
Et plus bas :
— Avec cet argent, je'; me-passerai ma der-,
nière fantaisie i j'sachète.'cai des fle/clrs.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
N° 16 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XVI
L'homme gris s'approcha du cab. \ J
mment ! ku dit Shoking qui l'avait vu
passer sans entrer devant le numéro 35, vous
avez donc pas trouvé?
Au lieu de répondre à Shoking l'ho-mne «ri*
•'adressa à l'Irlandaise. 'Wne =US
.... ©Jr îônumérod 1S novembre, j
— Ma bonne, lui dit-il, je ne vous demande
PilS si vous aimiez votre fils et si vous donne-
- riez en ce moment tout votre sang pour J'a.
voir. - "
— Oh [ mon sang et ma vie ! dit-elle. ~ ^
— Ëh bien- ! reprit, l'homme gris avec un ac-"
cent si solennel que la pauvre mère en tressail-
lit, écoutez-moi bien, écoutez-moi sérieusement,
avec calme, si vous voulez revoir votre fils.
Ses larmes s'arrêtèrent subitement, elle atta-
cha son regard sut le visage de l'homme gris et
se suspendit pour ainsi dire à ses lèvres.
Celui-ci reprit :
— La femmô -Chez qui vous avez été est une
nourrisseuse t'l'enfants, ou plutôt une voleuse.
Elle a voulu vot^S voie? 'votre fils, non pour lui
faire du mal, oh ! taSStIT6i,Z-VOUS, mais pour le
vendre à quelque familu® à la recherche d 'uit
liéritier. j
L'Irlandaise voulut pari&T' L'homme gris l'ar-
rêta d'un geste, .. •
— Ecoutez ^ne cotjxt
donc : --ore, dit-ii Vo^ji- -
nriTl' ""°un danger, et il est certain ^
ét alo n" P5uvoir sont bien
et qu ils ne s'at.eodent pas à Vous revoir I
ur si vous vous présentez avec nous ils PI'
cheront l'enfant, et en vertu du ; dr'Ûlt .' IIS
noiw domicile inviolable, ils appelleront les
poRcemen qui vous mettront à la porte et vous'
i ne verrez pas votre fils.... ; , m - |
terreur?'611-! fit-elle en joi8n3nt •-
L'homme gris continua :
— Je s,,tis bien que vous vous adresserez à uns
magistrat de police, fet que celui-ci ordonnera; ;
une enquête. Mais combien de temps durera-
. t-elle ? à Londres, la justice ne va pas vite. <
L'Irlandaise se tordait les mains. ;
r- inSut donc,si vous, voulez revoir votre-fite
tout çle suite... '
— Si je le veux !
— Il faut que vous m'obéissiez, mais av®ïçg!ô-
ment, et ,qtit,, ce que je vous demanderai^voiis le ;
fassiez. . ■ . '
— Oui, dit elle, je vous obéirai, je vovis le jure, , ;
dites , que faut-il faire?
— Il faut rester là, dans cette voiture,
. — Seule?
' — Avec Shc;kin;.; d'abord ; il est possible qae
je me mette à une fenêtre de cotte maison.
— Eh bien ? fit Shoking.
.- Alors, Ijii dit l'homme gris, tu viendras.
Mais il faut que cette femme demeure là.
C'est bien, dit "Sholdng, qui comprenait
\ qu'il avait affaire à un homme aussi sage et aussi
\ prudent qu'il était brave et fort.
Puis avisant le passant dont, avec un signe
-'dix;, l'homme gris s'était fait un esclave :
' ' — " ' '-nez gardeï dit-il, on nous écoute.
de eu. - ' ■ J' !qrrs se prit à sourire : -
i" ~ '' . •» nous, fit-il. Allons, c'est con-y!
L'homme ^ • • - v "
— Il est^yee,... Il,'1 . \
venu, n'est-ce pas i , ■!
— Si îe C;tppell T." /
vienar^ . -
— Qui.
— Oh! dit rirïandalsç; ■ en-, lui fanant la,main,,
rendez-moi mon filsJ, e,t je vQQs bénirai ! \
L'homme-gris fit uii signe à son compagnon,,
1t tsus deas s'éloigaqrent cbt teah et se diri- .
jèfent vers la maison de mis'utefss Fanothe.
■ Le premier avait 'iaQUtowné son habit jusqu'au:
menton, posé son ebapeau si*r:}?. cÔté gauche de'
la tète, et. le passait ravnit.iïaj.té. !
A Londres, comme à. Pasis^-Comme partout, r
il y a deux poli^ ofi. , •
Une police sauniclpaie^ en uniforme, les 1 •
policeman ; , ' \
Unie, police -secrète qn'? les criminels' et les. ;
voleurs ne 1 ^connais.^en'; p.''s touJours à pre-
mière- ue, C ir ses agents . enupructent tous les, i
déguisements. , '
Selon le quartier, l'agent dégrisé e&t gcntle-, i
man ou reugh. c'est-à-dire.. homme de la bass-a
classe. •
En bO,utoilllant son. nabi^, ea posant son cha-
peau d'/ùn air cynique, 1 hom.d1.e gris se dormait
aussitôt la tournure d'un 'llc.}'I1?le de police.
L,a mauvaise mine dcomplétait l'illusiô\l.
L'homme gris sonna.
/ Pendant quelques minutes la porte demeura
close; puis enfin,,' de,s pas retentirent à l'inté-
rieur, et la serrure grinça.
Mais la- te,n m^s'ouYi'it pas.. 1 . -
Seul, un petit'guichet grillé laissa voir un
jo.ng pQx ::mné,/de, bé,siclN\. - . , ...
S cent. le numéro . 1
1 1 JOURNAL QUOTIDIEN
H cent le numéro
ABONNEMENTS. — Trois mois. six mois. Un as.
Paris S fr. 9 fr. 1 S k.
Départements.. 8 il 99
Administrateur: É. DELSAUX.
28 année. — DIMANCHE 24, NOVEMBRE 1867. — No 584
JJireoteur-Propriétaire : j A N N r N.
Rédacteur en chef : A. DE BALKT,_HIRR BRAt7ELONNL
. BUREAUX D ABONNEMENT : S, rue
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
Nous rappelons à tous les acheteurs
du présent numéro de LA PETITE PRESSE
qu ils ont LE DROIT de se faire dé-
livrer
LA PRESSE. ILLUSTRÉE du jour pour
5 centimes seulement, soit les deux
journaux pour 10 centimes au lieu de
15 cent., »
Si par hasard quelque marchand de
Paris refusait à des acheteurs'de LA PE-
TITE PRESSE, LA PRESSE ILLUSTRÉE au
prix de 5 centimes, nous prions ces
acheteurs de vouloir bien s'adresser à
nn autre kiosque, et de se souvenir du
. marchand récalcitrant.
PARIS, 23 NOVEMBRE 1867.
L'HOPITAL
A mon ami André Mossel
Les murs sont peints en vert. L'unique fe-'-
nôtre est garnie de ride'aux blancs. Quelques
chaises en paille, une table en bois noir,
composent/le mobilier. Une lumière pâle,
froide, sans rayons, éclaire uniformément la
.chambre.
Le chirurgien, un homme de haute taille,
un peu voûté, large, osseux, la face brune,
ies cheveux gris derrière les oreilles, la bou-
che narquoise, les yeux jaunes et clairs, cause
avec l'interne.
Derrière lui se tiennent les élèves.
La voix de l'iafirmier retentit sur Je seuil
de la première salle.
— Six seulement !... Entrez !... Bon!...
La porte s'ouvrit et se referma.
Le premier qui s'avança était un ouvrier
du briment.
Il s'appuyait d'uti bras sur un des ses ca-
marades; son autre bras reposait sur une
mauvaise cravate en écharpe, d'où l'on voyait
sortir un paquet de linge ensanglanté, — sa
main.
■—Asseyez-vous! dit le chirurgien.
Il défit le linge.
L'autre s'enfonçait les dents dans les lèvres
s- 5our ne pas crier.
— C'est une pierre qui vous a fait ça...
if —Oui, monsieur le docteur.
— Des ciseaux!
Le chirurgien coupa les lambeaux de peau,
enleva les esquilles, fit le pansement, soute-
nant les parties écrasées par des^attelles...
Quand cè fut fini, il regarda le patient.
Le maçon n'avait pas laissé échapper une1
plainte. Mais deux larmes roulaient' sur ëes
joues livides. ;
. — Vous en avez pour un mois !... A un
autre [ .--■ •
— Pardon, monsieur le docteur, mais je
voudrais bien savoir si je resterai estro-
pié?...
1
— Non.
Les larmes de l'ouvrier se séchèrent... Le
sang remonta, à sa joue. n'allongea sa bonne
main vers son ami, et sa voix eut une in-
flexion joyeuse :
-,:. Tu entends? dit-il..— Nous avions peur !
— Dans un mois je serai guéri, Jean I... Jean,
dans un mois je pourrai travailler!...
Il se retournait pour remercier encore...
Mais le docteur l'éloigna d'un geste qui vou-
lait dire: — Bon! Bon!... Laissez-moi la1
paix !... Alors il sorti t. !
1 .... ■ • ' !
! Une femme, tenant un petit enfant sur son
bras, fit un pas du côté de la table. ■ !
— Allons, avancez !
La pauvre femme n'avait pas. l'air bien in-
trépide. Se voyant ainsi interpellée,elle obéit;
mais elle se mit à trembler et demeura,
muette... *
— Qu'avez-vous ?
— Rien, monsieur le docteur, rien, Dieu
merci !..<
Elle regarda smi enfant, et, retrouvant tout
à coup du courage :
— Ce n'est pas moi, dit-elle, c'est mon pe-
tit. Voyez, messieurs, il a tout le corps' bouffi
comme ça. On dirait de la graisse, mais c'est
plus dur. Après cela, il ne se - plaint pas, et,
ajouta-t-elle av'ec un pâle sourire, ce ne sera
peut-être rien...
— Rien, en effet, ma brave femme. Avez-
vous d'autres enfants ?
— J'en ai quatre, monsieur le docteur,
mais ça ne fait rien, celui-là n'est pas de
trop, et je suis bien, contente que vous me ras-
suriez. J'étais inquiète, je n'en dormais pas.
On avait beau me dire : Il n'y- a pas de dan-
ger... Moi j'ai voulu venir, J'ai bien fait. Me
voilà tranquille à présent. Ainsi il est inutile
de faire des remèdes?...
— Tout à fait inutile... >
Elle partit tout heureuse, la tête penchée,
berçant le marmot et lui parlant à demi-
voix...
L'interne et les élèves se regardaient.
ï|g savaient que l'enfant était perdu.
— Il en a pour vingt-quatre, heures, dit le
chirurgien. Pouvais-je dire cela à la mère ?
Elle rit maintenant!... Ces imbéciles vien-
nent toujours tro-p tardt
— Est-ce que je viens trop tard aussi, mon-
sieur le docteur ? dit une voix faible comme
un souffle.
Use toux convnlsive, par spasmes, suivit
ces mots.
Une grande jeune fille, en robe d'indienno,
i mince, la poitrine rentréer se tendit debout
devant le groupe du chirurgien et , de ses
?élèves.
Oh ! pour savoir le mal de celle-là, on n"a.-
i vait pas besoin d'interrogatoire.
La pâleur du visage, .la rougeur des pom-
mettes, l'éclat des yeux enfoncés, la démar-
che chancelante, la maigreur, les spasmeà-,
tout dénonçant la phthisie.
Pour sauver cette enfant, on seulement pour
prolonger sa vie de quelques jours, il aurait
fallu Nice, te Midi, les brises tièdes, un ré-
gime fait de mille soins...
Or, elle arrivait à l'hôpital, au mois de ne-
vembre, avec un chiffon de tulle sur la tête,
et i*n _chà!e épais comme une feuille de pa-
pier collé aux épaules et aux reins..
— Quel âge avez-vous, mon enfant?
— Seize ans, monsieur. ^
Seize ans! Il fit mine de l'aus-Bulter.
— Toussez !
Elle toussa. Les larmes lui vinrent aux
yeux. Sa pauvre petite main rouge alla cher-
cher dans la .robe un mouchoir en lam-
beaux.
Avez-vous des parents?
— Non, monsieur.
— Vous vivez seule?
— Toute seule.
— Que faites-vous?
— Monsieur, je fais des cravates. Vous sa-
vez, ces petites cravates qu'on vend trois sous,
sur les boulevards...
— Combien gagnez-vous par jour?
— En ne perchant, pas de temps, quinze
sous.
Il y eut un moment de silence ; la jeune...
fille se remit à tousser.
— Pouvez-vous reverHT? dit enfin le dn-<-
rurgien.
— Oui, monsieur, mais pas ,demain : je re-
porte mon ouvrage; ru après de,"ain.. Enfin,.,
fjÍ vous croyez que ce soit utile.
— C'est indispensable..
— Eh bien ! je revierîdrai.'
L'interne et les élèves' se parlaient à voir,
basse. -,
— Du sil«nce dbnc, messieurs-1 cria le
maître.
Et, fùrieux,,Ies - dents-serrées, l'œil chargé
d'éclairs :
— Les cas soot assaxiintarespants pourtant
aujourd'hui ! ;
L'ouvrière cependant ét ait sortie de' rhôpi-
tal et suivait le trottoir' d'un pas saccadé,
s'arrêtant de tejnps en temips pour porter son
mouchoir à ses lèvres.
— Pauvre fille!' dU'. quelqu'un auprès
d'eUe.
Elle leva la tête et recoin lut là mère du pe-
tit enfant de tout à l'heure.
Alors elle répondit, mas s bien bas, pour
. que l'autre ne l'út l'entendr e. :
— Pauvre femcae !
Ptiis elle essaya de se r* m:iettre en route.
Elle pouvait à peine marcher
En, ce moment, un jeu, eusse homme s'appro-
cha d'elle.
' C'était un des élèves.
'—Mademoiselle,-—ne-ous-- offensez pas,
je vous en prie. J'ai besoisn de cravates, mes
camarades-aussi.... Nous -4 ouîons vous don-
ner notre pratique... Mais,,. pour faire toutes
ces cravates, il faut vous-ga érir d?'ab®rd, vous
soigner... Nous avons es-péné que V01ilS accep-
teriez une petite avance, fai te de bon cœur..,.
Nous ne sommes pas'ric&es non plias...
En même temps, il lui •* giissai.& quelque
chose dans la main.
La-jeune fille baissa 1-a tête,. Le rouge des
pommettes s'étendit au reste du vi;-xage. Elle
chancela. Mais., se redressant tout à. coup, et
lavant vers le cial ses y eux. profonds. :
— Merci ! dit-elle.
Et plus bas :
— Avec cet argent, je'; me-passerai ma der-,
nière fantaisie i j'sachète.'cai des fle/clrs.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
N° 16 LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XVI
L'homme gris s'approcha du cab. \ J
mment ! ku dit Shoking qui l'avait vu
passer sans entrer devant le numéro 35, vous
avez donc pas trouvé?
Au lieu de répondre à Shoking l'ho-mne «ri*
•'adressa à l'Irlandaise. 'Wne =US
.... ©Jr îônumérod 1S novembre, j
— Ma bonne, lui dit-il, je ne vous demande
PilS si vous aimiez votre fils et si vous donne-
- riez en ce moment tout votre sang pour J'a.
voir. - "
— Oh [ mon sang et ma vie ! dit-elle. ~ ^
— Ëh bien- ! reprit, l'homme gris avec un ac-"
cent si solennel que la pauvre mère en tressail-
lit, écoutez-moi bien, écoutez-moi sérieusement,
avec calme, si vous voulez revoir votre fils.
Ses larmes s'arrêtèrent subitement, elle atta-
cha son regard sut le visage de l'homme gris et
se suspendit pour ainsi dire à ses lèvres.
Celui-ci reprit :
— La femmô -Chez qui vous avez été est une
nourrisseuse t'l'enfants, ou plutôt une voleuse.
Elle a voulu vot^S voie? 'votre fils, non pour lui
faire du mal, oh ! taSStIT6i,Z-VOUS, mais pour le
vendre à quelque familu® à la recherche d 'uit
liéritier. j
L'Irlandaise voulut pari&T' L'homme gris l'ar-
rêta d'un geste, .. •
— Ecoutez ^ne cotjxt
donc : --ore, dit-ii Vo^ji- -
nriTl' ""°un danger, et il est certain ^
ét alo n" P5uvoir sont bien
et qu ils ne s'at.eodent pas à Vous revoir I
ur si vous vous présentez avec nous ils PI'
cheront l'enfant, et en vertu du ; dr'Ûlt .' IIS
noiw domicile inviolable, ils appelleront les
poRcemen qui vous mettront à la porte et vous'
i ne verrez pas votre fils.... ; , m - |
terreur?'611-! fit-elle en joi8n3nt •-
L'homme gris continua :
— Je s,,tis bien que vous vous adresserez à uns
magistrat de police, fet que celui-ci ordonnera; ;
une enquête. Mais combien de temps durera-
. t-elle ? à Londres, la justice ne va pas vite. <
L'Irlandaise se tordait les mains. ;
r- inSut donc,si vous, voulez revoir votre-fite
tout çle suite... '
— Si je le veux !
— Il faut que vous m'obéissiez, mais av®ïçg!ô-
ment, et ,qtit,, ce que je vous demanderai^voiis le ;
fassiez. . ■ . '
— Oui, dit elle, je vous obéirai, je vovis le jure, , ;
dites , que faut-il faire?
— Il faut rester là, dans cette voiture,
. — Seule?
' — Avec Shc;kin;.; d'abord ; il est possible qae
je me mette à une fenêtre de cotte maison.
— Eh bien ? fit Shoking.
.- Alors, Ijii dit l'homme gris, tu viendras.
Mais il faut que cette femme demeure là.
C'est bien, dit "Sholdng, qui comprenait
\ qu'il avait affaire à un homme aussi sage et aussi
\ prudent qu'il était brave et fort.
Puis avisant le passant dont, avec un signe
-'dix;, l'homme gris s'était fait un esclave :
' ' — " ' '-nez gardeï dit-il, on nous écoute.
de eu. - ' ■ J' !qrrs se prit à sourire : -
i" ~ '' . •» nous, fit-il. Allons, c'est con-y!
L'homme ^ • • - v "
— Il est^yee,... Il,'1 . \
venu, n'est-ce pas i , ■!
— Si îe C;tppell T." /
vienar^ . -
— Qui.
— Oh! dit rirïandalsç; ■ en-, lui fanant la,main,,
rendez-moi mon filsJ, e,t je vQQs bénirai ! \
L'homme-gris fit uii signe à son compagnon,,
1t tsus deas s'éloigaqrent cbt teah et se diri- .
jèfent vers la maison de mis'utefss Fanothe.
■ Le premier avait 'iaQUtowné son habit jusqu'au:
menton, posé son ebapeau si*r:}?. cÔté gauche de'
la tète, et. le passait ravnit.iïaj.té. !
A Londres, comme à. Pasis^-Comme partout, r
il y a deux poli^ ofi. , •
Une police sauniclpaie^ en uniforme, les 1 •
policeman ; , ' \
Unie, police -secrète qn'? les criminels' et les. ;
voleurs ne 1 ^connais.^en'; p.''s touJours à pre-
mière- ue, C ir ses agents . enupructent tous les, i
déguisements. , '
Selon le quartier, l'agent dégrisé e&t gcntle-, i
man ou reugh. c'est-à-dire.. homme de la bass-a
classe. •
En bO,utoilllant son. nabi^, ea posant son cha-
peau d'/ùn air cynique, 1 hom.d1.e gris se dormait
aussitôt la tournure d'un 'llc.}'I1?le de police.
L,a mauvaise mine dcomplétait l'illusiô\l.
L'homme gris sonna.
/ Pendant quelques minutes la porte demeura
close; puis enfin,,' de,s pas retentirent à l'inté-
rieur, et la serrure grinça.
Mais la- te,n m^s'ouYi'it pas.. 1 . -
Seul, un petit'guichet grillé laissa voir un
jo.ng pQx ::mné,/de, bé,siclN\. - . , ...
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