Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-19
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 19 novembre 1867 19 novembre 1867
Description : 1867/11/19 (A2,N579). 1867/11/19 (A2,N579).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47175813
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
Sr tenl. le numéro ,
S cent, le numéro
JfcBOifA'SSl-iSTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris S fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. 6 11
Administrateur : E. DELSAUX. SS
e année. —MARDI 49 NOVEMBRE 4867. — N° 8*9
Directeur-Proprié (ai re : JANN. 1 N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIEn BRAGELONNE,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, REIE Droiiot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée, journal hebdoma-
daire à 1 0 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse, le samedi à Paris
et le dimanche en province.
PARIS, LE 18 NOVEMBRE 1867.
LE DISCOURS DU TRONE
En ce moment il est neuf heures.
A midi cet article sera sous presse.
A une heure, les porteurs du journal, épars
dans les rues, s'arrêteront en entendant le
canon dans la direction de la Seine.
L'Empereur sortira des Tuileries. Il traver-
sera le Carrousel entre une double haie de
gai des nationaux et de soldats. 11 entrera au
Louvre...
Là, dans une salle immense, seront réunis
les grands corps de l'Etat, les ambassades, le
monde officiel...
Le canon se taira, et Napoléon III lira le
discours du trône aux représentants de la na- ,
lion. i
i
i
Le discours du trône est le compte rendu !
que fait de la situation de l'Etat celui qui en
est !e chef responsable.
Les chambres doivent se réunir tel jour.
L'Empereur convoque, ce jour-là, les séna-
teurs et les députés, et il leur dit :
— Voilà, messieurs, où nous en sommes.
Vous vous expliquez dès lors la fièvre de
curiosité qui fait battre le pouls parisien.
J'ai essayé de vous décrire un jour la phy-
sionomie des foules. •'
Rien de plus divers.
C'est tantôt un groupe qui se forme autour
de deux ivrognes, tantôt un autre groupe qui
grossit au pied d'un arbre sur lequel s'est
posé un serin échappé de sa cage. Une revue
fait courir cent mille personnes au Champ- i 1
de-Mars. Une illumination attire deux cent ;
_mille spectateurs drns les Champs-Elysées. j
Un mobile: le plaisir. Un caractère : l'absence :
de réflexion. On va là pour s'amuser. On est
écrasé, froissé, poussé. On revient exténué. :
Mais l'on demeure convaincu qu'on a passé ;
une après-midi ou une soirée charmante.
Cela s'appelle d'un beau mot français: la
badauderie.
!
La foule d'aujourd'hui, au contraire, est
grave, préoccupée. Elle se compose surtout
d'hommes.
Ces hommes sont des citoyens. Ils savent
que l'intérêt public et les intérêts privés sont
en jeu.
Aussi voyez quelle animation, plus grande
que l'animation ordinaire, règne à la Bourse.
Là, chacun prétend savoir d'avance ce que
contiendra le discours impérial. — Il est à la
paix, dit l'un. — Il est à la guerre, dit l'autre.
Vingt versions circulent, et des discussions
s'engagent sur tous les points. Cependant
nul ne connaît le discours. Il est vrai que
tout à l'heure, quand il sera affiché et qu'on
.le connaîtra, les interprétations seront aussi
nombreuses que les versions le sont mainte-
nant.
Dans les carrefours et dans les rues, aux
endroits où. se posent d'ordinaire les affiches,
les flâneurs, les petits rentiers, les ouvriers
en costume de travail, même les patronets
dont la casserolle refroidit, et les apprentis
qu'on a envoyés en course pressée, sont grou-
pés, discutant, non comme à la Bourse sur
le discours lui-même, mais bien sur l'heure
précise où ils pourront en,, prendre connais-
sance. Tout à l'heure quelque lettré de la so-
ciété lira à haute voix l'affiche, afin que les
plus éloignés connaissent les paroles de
l'Empereur en mime temps que les plus pro-
ches. •
Mais le spectacle le plus curieux se trouve
sur les quais. La file des voitures commence
à la place de la Concorde et va jusqu'à l'Hô-
tel-de—"Ville. Voitures de maître et de remise,
équipages magnifiques et fiacres à petits che-
vaux et à tringles de fer sont confondus.
Les cochers vêtus de fourrures ont mis
pied à terre, et causent avec, leurs confrères '
en chapeau de cuir et en gilet rouge. Les
chasseurs gigantesques et les valets de @ pied
galonnés échangent ftiiirs appréciations sur
la politique du gouvernement. Tout à l'heure
quand le canon, tonnant de nouveau, annon-
cera la fin de la séance, chacun remontera
devant ou derrière sa voiture, désespéré
d'être forcé d'attendre, pour lire le discours,
que ses maîtres soient rentrés chez eux.
En face du quai du Louvre, la cohue s'agite
f sur le quai Voltaire. Là, se tiennent les es-
1 couades de vendeurs attendant l'apparition du
Moniteur. Aujourd'hui, tout le monde est
marchand de journaux. Tout le monde achète
! pour son compte ou pour celui d'autrui. Tout
! le monde attend ..
| .--mm?
I En présence de cette curiosité universelle,
aucun détail n'est indiffèrent.
| Voici quelques renseignements précis que
je dois à l'obligeance de M. Anselme Pétetin.
Le directeur de l'Imprimerie impériale est
mandé aux Tuileries quelques jours avant
l'ouverture de la session ; une fois, c'est
douze jours, une autre fois dix jours, une
autre fois encore l'avant-veille. Il emporte la
copie et rapporte les épreuves.
Quelquefois l'Empereur lit son discours à
se- ministres. t
Nul n'en prend connaissance, excepté les
personnes auxquelles il le montre lui-même.
I A l'imprimerie, on fait trois compositions
en même temps.
I Let première, sur une feuille petit in-folio,
spécialement imprimée pour l'auteur, est
tirée à un seul exemplaire.
C'est sur cette feuille que l'Empereur lit
son. discours. L'Impératrice, assure-t-on, la
conserve chaque année avec un grand soin.
La seconde composition, petit in-quarto, est
destinée aux ministères, aux services publics,
aux préfectures, aux journaux... Chaquejour-
nal envoie à l'imprimerie impériale un délé-
gué auquel on remet le nombre d'exemplaires
qu'il désire, au moment où le canon annonce
l'ouverture de la séance.
IJjkpjyjuet scellé est déposé sur le bureau
de l'Empereur par M. Petetin. Les exemplai-,
res de ce paquet sont distribués par MM. du
cabinet, principalement par M. Conti.
La troisième composition est celle des af-
fiches qui sont mises à la disposition de M. le
Préfet de police.
L'Empereur est le correcteur d'épreuves le
plus sévère qui soit. Il fait souvent remanier
toute une page, et quelquefois tout un volume.
Exemple : le tome deuxième de la Vie de
César.
Certaines feuilles du tome premier ont été
revues jusqu'à vingt-sept fois.
A une heure précise, au moment où le
cortège impérial quitte les Tuileries, M. Conti
j envoie le discours du Trône au Moniteur*:
Trois compositions sont établies, quelque-
fois quatre.
L'une est donnée aux clicheurs.
Les autres sont imposées pour un tirage-
immédiat.
Dix presses fonctionnent à la fois, dont
chacune tire douze mille exemplaires à:
l'heure.
A deux heures, cent mille exemplaires d&
discours sont prêts à être distribués.
Mais ce nombre est insuffisant et le tirage.,
continue.
La dernière fois, quatre cent mille exem-
plaires ont été mis en vente avant la nuit.
Dès cinq heures du matin, les acheteurs >;
font queue à la porte du Moniteur.
On se bouscule déjà.
Comment mettre un peu de discipline dans
cohue ?
On tire au sort des numéros d'ordre.
Notre ami Strauss, vendeur assermenté,
distribue au fur et à mesure ces numéros.
Il y en a mille.
Chaque porteur a droit à deux cents exem-
plajres.
Il les paye d'avance et va prendre sa
place.
On déjeune sur le quai. ,
A deux heures, la distribution commence.
Des sergents défendent la porte.
— Vous n'entrerez que dix à la fois.
On se jette vingt en avant. Ceux qui sont. r
derrière poussent les plus avancés. Les cris
se mêlent aux rires. Les faces épanouies de-
viennent violettes.
— Dix seulement. Montrez les numéros !
Dans la salle du pliage, Strauss distribue
les exemplaires par un guichet.
Entrée par le quai Voltaire. Sortie par la
rue de Lille.
A peine nos marchands attitrés ou impro-
visés sont-ils dehors que les curieux accou-
rent à leur rencontre.
— Un sou le numéro.
On en donne deux sous, dix sous; on ne
compte pas. Certain numéro, devenu unique,
s'est vendu jusqu'à cinq et dix francs.
Aujourd'hui, mille personnes gagnent eu
moyenne leur napoléon.
C'est le seul résultat du discours du Trôn;
qu'il me soit permis de constater.
TONY RÉVILLON
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
No 11
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XI
Le même effet dut se produire le jour où l'on
vit sortir des rangs des Hébreux cet enfant d L1
nom de David qui se présentait pour combattre
le géant Goliath.
Williàms n'était pas un géant, mais il était si
.JKfôir 4 numéro du 8 jjfiveœbre. -
large d'épaules, si trapu, si solidement campé
sur son torse énorme qu'il rappelait ces her-
cules forains qui soulèvent des poids à bras ten-
dus ou portent des fardeaux à faire reculer un
bœuf.
Celui qui osait se dresser devant, lui et ac-
cepter son défi était de taille ordinaire,. mince,
avec de petits pieds et de petites mains.
Sous son pantalon de laine brune, sous son
habit de gros drap gris fané, auquel il devait son
surnom, on eût juré quelque fils de lord, tant il
avait de noblesse et d'élégance aristocratique
clans l'attitude, le visage et le maintien.
Une femme lui cria ••
— N'y va pas, mon mignon, il ne fera de toi
qu'une bouchée. •
— L'homme gris est fou! dit un des vo-
leurs.
Un autre,qui lui avait vu administrer ces trois
coups de poing dont nous parlions tout àl'heure,
répondit :
— Laissez donc faire ! on ne sait pas...
Les matelots qui étaient nouvellement débar-
qués,. regardèrent l'homme gris avec commisé-
. ration':
— Le pauvre petit, disaient-ils, il ne connaît
pas Williams, on le voit bien.
Quant à Williams» U se mit à rire; mais d'un
rire si franc, si insolent que toute la salle fit
comme lui.
— Va-t-en , mademoiselle, dit-il à l'homme
gris. Veux-tu que je te paye un verre de grog?...
non, n'est-ce pas? Tu aimerais mieux des frian-
dises ?...
Mais son regard rencontra celui de cet adver-
saire qu'il paraissait mépriser si fort, et,comme
de deux lames d'épée qui se heurtent jaillit sou-
dain une étincelle, au choc de ce regard IWil-
liams tressaillit et recula d'un pas.
Il cessa de rire et se mit instinctivement sur
la défensive.
L'homme gris se plaça alors entre l'Irlandaise
et Williams : i
— Je te défends, répéta-t-il, de toucher à
cette femme.
— Hurrah pour l'homme gris! dirent quel-
ques buveurs. '
La voix de cet homme était brè"ve, cassante,
métallique. Son œil jetait des flammes.
— Et moi je ne veux pas 1 dit Williams fu-
rieux.
Et il leva son poing énorme.
Son bras siffla dans l'air comme une masse et
s'abattit sur l'homme gris.
Mais d'un bond celui-ci se jeta en arrière, es-
quiva l'assommeur, et Williams, qui avait réuni
. toutes ses forces da,ns ce coud de Doing.Refdit fin
moment l'équilibre et chancela sur ses jambes
Ce fut rapide et foudroyant comme l'éclair.
L'homme gris se baissa, bondit la tête e,
avant, et cette tête allant frapper le matelot à
pleine poitrine, le renversa.
Williams tomba comme un bœuf soiis la mat
sue.
Certes, en ce, moment, l'homme gris aurai'
pu profiter de sa victoire, et poser uîrpied vain-i
queur sur la poitrine de son adversaire; il au-;
rait même pu tirer son couteau et le plantera -
dans la gorge de Williams, sans que personne!;
y trouvât à redire, tant les hommes à 1 état def ,
nature ont le sentiment et le respect de la forcer
brutale. # . i x
Mais l'homme gris ne profita point de sa viC'..
toire et attendit.
Williams se releva en rugissant.
Cette fois, il brandissait son couteau.
L'homme gris n'avait point ouvert le sien.
Williams se,rua sur lui.
L'homme gris se jeta une seconde fois
côté, le saisit à bras le corps, l'enleva, de terre:,
comme une plume et le rejeta meurtri sur l"
sol, avant qu'il eût pu faire usage de son arme
qui lui échappa des mains dans sa chute.
Alors l'homme gris posa son pied sur le cou*
teau et promena autour de lui un regard trïutf
_
JOURNAL QUOTIDIEN
Sr tenl. le numéro ,
S cent, le numéro
JfcBOifA'SSl-iSTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris S fr. 9 fr. 18 fr.
Départements.. 6 11
Administrateur : E. DELSAUX. SS
e année. —MARDI 49 NOVEMBRE 4867. — N° 8*9
Directeur-Proprié (ai re : JANN. 1 N.
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIEn BRAGELONNE,
BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, REIE Droiiot.
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
La Presse illustrée, journal hebdoma-
daire à 1 0 centimes, est vendue 5 cen-
times seulement à toute personne qui
achète la Petite Presse, le samedi à Paris
et le dimanche en province.
PARIS, LE 18 NOVEMBRE 1867.
LE DISCOURS DU TRONE
En ce moment il est neuf heures.
A midi cet article sera sous presse.
A une heure, les porteurs du journal, épars
dans les rues, s'arrêteront en entendant le
canon dans la direction de la Seine.
L'Empereur sortira des Tuileries. Il traver-
sera le Carrousel entre une double haie de
gai des nationaux et de soldats. 11 entrera au
Louvre...
Là, dans une salle immense, seront réunis
les grands corps de l'Etat, les ambassades, le
monde officiel...
Le canon se taira, et Napoléon III lira le
discours du trône aux représentants de la na- ,
lion. i
i
i
Le discours du trône est le compte rendu !
que fait de la situation de l'Etat celui qui en
est !e chef responsable.
Les chambres doivent se réunir tel jour.
L'Empereur convoque, ce jour-là, les séna-
teurs et les députés, et il leur dit :
— Voilà, messieurs, où nous en sommes.
Vous vous expliquez dès lors la fièvre de
curiosité qui fait battre le pouls parisien.
J'ai essayé de vous décrire un jour la phy-
sionomie des foules. •'
Rien de plus divers.
C'est tantôt un groupe qui se forme autour
de deux ivrognes, tantôt un autre groupe qui
grossit au pied d'un arbre sur lequel s'est
posé un serin échappé de sa cage. Une revue
fait courir cent mille personnes au Champ- i 1
de-Mars. Une illumination attire deux cent ;
_mille spectateurs drns les Champs-Elysées. j
Un mobile: le plaisir. Un caractère : l'absence :
de réflexion. On va là pour s'amuser. On est
écrasé, froissé, poussé. On revient exténué. :
Mais l'on demeure convaincu qu'on a passé ;
une après-midi ou une soirée charmante.
Cela s'appelle d'un beau mot français: la
badauderie.
!
La foule d'aujourd'hui, au contraire, est
grave, préoccupée. Elle se compose surtout
d'hommes.
Ces hommes sont des citoyens. Ils savent
que l'intérêt public et les intérêts privés sont
en jeu.
Aussi voyez quelle animation, plus grande
que l'animation ordinaire, règne à la Bourse.
Là, chacun prétend savoir d'avance ce que
contiendra le discours impérial. — Il est à la
paix, dit l'un. — Il est à la guerre, dit l'autre.
Vingt versions circulent, et des discussions
s'engagent sur tous les points. Cependant
nul ne connaît le discours. Il est vrai que
tout à l'heure, quand il sera affiché et qu'on
.le connaîtra, les interprétations seront aussi
nombreuses que les versions le sont mainte-
nant.
Dans les carrefours et dans les rues, aux
endroits où. se posent d'ordinaire les affiches,
les flâneurs, les petits rentiers, les ouvriers
en costume de travail, même les patronets
dont la casserolle refroidit, et les apprentis
qu'on a envoyés en course pressée, sont grou-
pés, discutant, non comme à la Bourse sur
le discours lui-même, mais bien sur l'heure
précise où ils pourront en,, prendre connais-
sance. Tout à l'heure quelque lettré de la so-
ciété lira à haute voix l'affiche, afin que les
plus éloignés connaissent les paroles de
l'Empereur en mime temps que les plus pro-
ches. •
Mais le spectacle le plus curieux se trouve
sur les quais. La file des voitures commence
à la place de la Concorde et va jusqu'à l'Hô-
tel-de—"Ville. Voitures de maître et de remise,
équipages magnifiques et fiacres à petits che-
vaux et à tringles de fer sont confondus.
Les cochers vêtus de fourrures ont mis
pied à terre, et causent avec, leurs confrères '
en chapeau de cuir et en gilet rouge. Les
chasseurs gigantesques et les valets de @ pied
galonnés échangent ftiiirs appréciations sur
la politique du gouvernement. Tout à l'heure
quand le canon, tonnant de nouveau, annon-
cera la fin de la séance, chacun remontera
devant ou derrière sa voiture, désespéré
d'être forcé d'attendre, pour lire le discours,
que ses maîtres soient rentrés chez eux.
En face du quai du Louvre, la cohue s'agite
f sur le quai Voltaire. Là, se tiennent les es-
1 couades de vendeurs attendant l'apparition du
Moniteur. Aujourd'hui, tout le monde est
marchand de journaux. Tout le monde achète
! pour son compte ou pour celui d'autrui. Tout
! le monde attend ..
| .--mm?
I En présence de cette curiosité universelle,
aucun détail n'est indiffèrent.
| Voici quelques renseignements précis que
je dois à l'obligeance de M. Anselme Pétetin.
Le directeur de l'Imprimerie impériale est
mandé aux Tuileries quelques jours avant
l'ouverture de la session ; une fois, c'est
douze jours, une autre fois dix jours, une
autre fois encore l'avant-veille. Il emporte la
copie et rapporte les épreuves.
Quelquefois l'Empereur lit son discours à
se- ministres. t
Nul n'en prend connaissance, excepté les
personnes auxquelles il le montre lui-même.
I A l'imprimerie, on fait trois compositions
en même temps.
I Let première, sur une feuille petit in-folio,
spécialement imprimée pour l'auteur, est
tirée à un seul exemplaire.
C'est sur cette feuille que l'Empereur lit
son. discours. L'Impératrice, assure-t-on, la
conserve chaque année avec un grand soin.
La seconde composition, petit in-quarto, est
destinée aux ministères, aux services publics,
aux préfectures, aux journaux... Chaquejour-
nal envoie à l'imprimerie impériale un délé-
gué auquel on remet le nombre d'exemplaires
qu'il désire, au moment où le canon annonce
l'ouverture de la séance.
IJjkpjyjuet scellé est déposé sur le bureau
de l'Empereur par M. Petetin. Les exemplai-,
res de ce paquet sont distribués par MM. du
cabinet, principalement par M. Conti.
La troisième composition est celle des af-
fiches qui sont mises à la disposition de M. le
Préfet de police.
L'Empereur est le correcteur d'épreuves le
plus sévère qui soit. Il fait souvent remanier
toute une page, et quelquefois tout un volume.
Exemple : le tome deuxième de la Vie de
César.
Certaines feuilles du tome premier ont été
revues jusqu'à vingt-sept fois.
A une heure précise, au moment où le
cortège impérial quitte les Tuileries, M. Conti
j envoie le discours du Trône au Moniteur*:
Trois compositions sont établies, quelque-
fois quatre.
L'une est donnée aux clicheurs.
Les autres sont imposées pour un tirage-
immédiat.
Dix presses fonctionnent à la fois, dont
chacune tire douze mille exemplaires à:
l'heure.
A deux heures, cent mille exemplaires d&
discours sont prêts à être distribués.
Mais ce nombre est insuffisant et le tirage.,
continue.
La dernière fois, quatre cent mille exem-
plaires ont été mis en vente avant la nuit.
Dès cinq heures du matin, les acheteurs >;
font queue à la porte du Moniteur.
On se bouscule déjà.
Comment mettre un peu de discipline dans
cohue ?
On tire au sort des numéros d'ordre.
Notre ami Strauss, vendeur assermenté,
distribue au fur et à mesure ces numéros.
Il y en a mille.
Chaque porteur a droit à deux cents exem-
plajres.
Il les paye d'avance et va prendre sa
place.
On déjeune sur le quai. ,
A deux heures, la distribution commence.
Des sergents défendent la porte.
— Vous n'entrerez que dix à la fois.
On se jette vingt en avant. Ceux qui sont. r
derrière poussent les plus avancés. Les cris
se mêlent aux rires. Les faces épanouies de-
viennent violettes.
— Dix seulement. Montrez les numéros !
Dans la salle du pliage, Strauss distribue
les exemplaires par un guichet.
Entrée par le quai Voltaire. Sortie par la
rue de Lille.
A peine nos marchands attitrés ou impro-
visés sont-ils dehors que les curieux accou-
rent à leur rencontre.
— Un sou le numéro.
On en donne deux sous, dix sous; on ne
compte pas. Certain numéro, devenu unique,
s'est vendu jusqu'à cinq et dix francs.
Aujourd'hui, mille personnes gagnent eu
moyenne leur napoléon.
C'est le seul résultat du discours du Trôn;
qu'il me soit permis de constater.
TONY RÉVILLON
ROCAMBOLE
LES
MISÈRES DE LONDRES
PAR
PONSON DU TERRAIL
No 11
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
XI
Le même effet dut se produire le jour où l'on
vit sortir des rangs des Hébreux cet enfant d L1
nom de David qui se présentait pour combattre
le géant Goliath.
Williàms n'était pas un géant, mais il était si
.JKfôir 4 numéro du 8 jjfiveœbre. -
large d'épaules, si trapu, si solidement campé
sur son torse énorme qu'il rappelait ces her-
cules forains qui soulèvent des poids à bras ten-
dus ou portent des fardeaux à faire reculer un
bœuf.
Celui qui osait se dresser devant, lui et ac-
cepter son défi était de taille ordinaire,. mince,
avec de petits pieds et de petites mains.
Sous son pantalon de laine brune, sous son
habit de gros drap gris fané, auquel il devait son
surnom, on eût juré quelque fils de lord, tant il
avait de noblesse et d'élégance aristocratique
clans l'attitude, le visage et le maintien.
Une femme lui cria ••
— N'y va pas, mon mignon, il ne fera de toi
qu'une bouchée. •
— L'homme gris est fou! dit un des vo-
leurs.
Un autre,qui lui avait vu administrer ces trois
coups de poing dont nous parlions tout àl'heure,
répondit :
— Laissez donc faire ! on ne sait pas...
Les matelots qui étaient nouvellement débar-
qués,. regardèrent l'homme gris avec commisé-
. ration':
— Le pauvre petit, disaient-ils, il ne connaît
pas Williams, on le voit bien.
Quant à Williams» U se mit à rire; mais d'un
rire si franc, si insolent que toute la salle fit
comme lui.
— Va-t-en , mademoiselle, dit-il à l'homme
gris. Veux-tu que je te paye un verre de grog?...
non, n'est-ce pas? Tu aimerais mieux des frian-
dises ?...
Mais son regard rencontra celui de cet adver-
saire qu'il paraissait mépriser si fort, et,comme
de deux lames d'épée qui se heurtent jaillit sou-
dain une étincelle, au choc de ce regard IWil-
liams tressaillit et recula d'un pas.
Il cessa de rire et se mit instinctivement sur
la défensive.
L'homme gris se plaça alors entre l'Irlandaise
et Williams : i
— Je te défends, répéta-t-il, de toucher à
cette femme.
— Hurrah pour l'homme gris! dirent quel-
ques buveurs. '
La voix de cet homme était brè"ve, cassante,
métallique. Son œil jetait des flammes.
— Et moi je ne veux pas 1 dit Williams fu-
rieux.
Et il leva son poing énorme.
Son bras siffla dans l'air comme une masse et
s'abattit sur l'homme gris.
Mais d'un bond celui-ci se jeta en arrière, es-
quiva l'assommeur, et Williams, qui avait réuni
. toutes ses forces da,ns ce coud de Doing.Refdit fin
moment l'équilibre et chancela sur ses jambes
Ce fut rapide et foudroyant comme l'éclair.
L'homme gris se baissa, bondit la tête e,
avant, et cette tête allant frapper le matelot à
pleine poitrine, le renversa.
Williams tomba comme un bœuf soiis la mat
sue.
Certes, en ce, moment, l'homme gris aurai'
pu profiter de sa victoire, et poser uîrpied vain-i
queur sur la poitrine de son adversaire; il au-;
rait même pu tirer son couteau et le plantera -
dans la gorge de Williams, sans que personne!;
y trouvât à redire, tant les hommes à 1 état def ,
nature ont le sentiment et le respect de la forcer
brutale. # . i x
Mais l'homme gris ne profita point de sa viC'..
toire et attendit.
Williams se releva en rugissant.
Cette fois, il brandissait son couteau.
L'homme gris n'avait point ouvert le sien.
Williams se,rua sur lui.
L'homme gris se jeta une seconde fois
côté, le saisit à bras le corps, l'enleva, de terre:,
comme une plume et le rejeta meurtri sur l"
sol, avant qu'il eût pu faire usage de son arme
qui lui échappa des mains dans sa chute.
Alors l'homme gris posa son pied sur le cou*
teau et promena autour de lui un regard trïutf
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