Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-11-12
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 novembre 1867 12 novembre 1867
Description : 1867/11/12 (A2,N572). 1867/11/12 (A2,N572).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717574z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
S cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois Mois. six mois. Un an.
Paris & fr. 9 fr. t.8 fr.
Départements... tg il 99
--- , Administrateur : E. DELSAUX.
8" année. — MARDI 1:2 NOVEMBRE 1867. — No 572
Directeur-Propriétaire TJANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGELONNE. '
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, RUE
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, LE 11 NOVEMBRE 1867.
LA FILLE DE HOCHE
Samedi, UHG assemblée recueillie assistait,
aux obsèques de madame la comtesse Des
Hov?.
La grande dame, qui venait de mourir, ha-
bi ¡ a: t un hôtel de la»*rue Saint-Dominique.
Pans son salon, à la fois aristocratique et
littéraire, se rencontraient l'Institut et le
• faubourg Sain-t-Germrin.
Ol! y parlait volontiers politique, mais avec
une grande largeur d'idées, car, si madame
la comtesse Des Roys appartenait à la no-
blesse par son mariage, les alliances et les
amitiés, ni elle ni les siens n'avaient oublié
que son père, Lazare Hoche, avaitt, il y a
soixante-dix ans, commandé en chef les ar- '
mées de la république sur le Rhin et dans la !
Vendée.
I
L'histoire intime de Hoche est peu con-
.îi.1 e.
Pourtant sa.' vie privée vaut sa vie pu-
blique.
Tout, dans ses sentiments et dans ses ac- „
tes. respire la grandeur qu'on se plaît à prêter
aux h,éros antiques.
H venait de forcer les lignes de Weissem-
bonrg el de dégager la frontière. Désormai-s
le Rhin était ouvert à nos armes. Le général
victorieux prit ses quartiers d'hiver à Thion-
vi
Quelque temps après il écrivait au repré- j
'Si' (:: :11: t Lacoste, son compagnon à l'armée
de- ia Moselle :
'« Viens dîner un jour à Thionville. Tu y |
verras celle qui doit faire mon bonheur. j
Point, tiohc, mais patriote, et d'une vertueuse
famiiie... B . j
Voici comment le mariage s'était conclu. i
Les habitants de Thionville, désireux de
fêter le général de vingt-six ans, lui avaient
donné un bal. A un moment de la soirée,
Hoche avait passé son bras autour du cou de
son am',lc th'3f de bataillon d'artillerie De- '
b:iie, et l'avait entraîné dams l'embrasure 1
d'une croisée. De 'a, lui-montrant'deux jeunes !
filles avec leur père, il avait dit : —Heureux,
ami, ceux qui seront leurs époux 1...
J Le lendemain, les deux officiers se présen-
taient ehez.M. Dechaux, fournisseur des ar-
te plus honorable et le plus estimé des
citoyens de la viUc.
— Voulez-vous, lui dirent-ils, nous accep-
ter pour gendres? '
lU. Dechaux, pour toute réponse, appela
ses filles et leur présenta les jeunes gens.
Quelques jours après, le double mariage
était décidé.
Un incident le retarda.
Sur un ordre du comité de salut' -public,
Debçlle fut arrêté pour être jugé par un conseil
de guerre.
Il s'agissait d'une de ces accusations un
peu vagues,qu'expliqùaient alors les angoisses
de la chose publique
— Les deux noces, dit M. Dechaux, de-
vaient se faire en même temps....
— Je vous comprends, répliqua Hoche.
Lui-même avait.fait arrêter son amÍ. Mais,
quand vint le jour du jugêmcnt,il se présenta
à la barre comme simple défenseur. 11 rap-
pela les services passés de Debelle, il fit va-
loir son patriotisme, il s'emporta contre ses
accusateurs....
• prêtant;son sabre et ses épaulettes,
il les déposa devant le tribunal :
— Je .ne reprendrai, dit-il, ces insignes du
commandement que lorsque l'innocence de
Debelle sera reconnue et proclamée.
Les juges, à l'unanimité, prononcèrent l'ac-
quittement.
Alors, bras dessus', bras' dessous, au milieu
des acclamations des citoyens, parmi les sol-
dats débandés et joyeux qui leur faisaient es-
corte, les deux amis sortirent du tribunal et
arri.vèrent auprès de leurs Lances :
—Nous voilà! Nous vo'ila l crièrent-ils;
les deux noces pourront se faire en même
temps.
Quelques mois plus ta;'d, Hoche, arrêté à
Nice en: plein commandement, était écroué
aux Carmes, puis transféreraïa Conciergerie.
C était peu dti temps avant le neuf thermidor.
On trouvait bonne compagnie dans les prisons.
La mort; passée à l'étal d'habitude, n'ef-
frayait plus. Les prisonniers dînaient ensem-
ble; on jouait la comédie, on s'adressait des
petits vers et l'on .s'offrait des fleurs.
Un jour Hoche reçut un paquet de roses.
Ces roses lui venaient de sa femme.
On faisait l'appel des prisonniers condam-
nés à mourir ce jour-là. ,
L 'un d'eux, un jeune offJcier, Thoiras, calme
comme an feu, tendit sa montre à son général.
Gardez-la toujours ! lui dit-il ; mais, en
échange, donnez-moi une de ces roses.
Hoche défit son bouquet et le partagea entre
les condamnés.. Parmi eux se trouvaient des
femmes qui le remercièrent avec un sourire.
Ce,jour-là, sur l'échafaud, ceux qui allaient
mourir parurent, serrant une rose entre leurs
lèvres...
Cependant de tristes nouvelles assombris-
saient la captivité de Hoche. Son beau-père
fut arrêta; son beau-frère aussi. Il voyait sa
femme seule, abandonnée, et il se reprochait
ce malheur comme s'il eût été son ouvrage.
Le neuf thermidor le délivra enfin.
Il put aller rejoindre ceux qu'il aimait.
Ce général d'armée, comme du reste tous
ceux d'alors, était si pauvre qu'il dut renon-
cer à prendre la diligence pour se rendre à
Thionville.
Il écrivit à sa femme :
« Je suis libre; ma chère Adélaïde ! Ren-
dons grâces au c:ei! Je vais te rejoindre à
pied, comme il convient il un républicain. *
On sait la mort imprévue et prématurée du
vainqueur de VVeissembourg, du pacificateur
de la Vendée.
Il allait prendre le commandement de l'ar-
mée du Rhin. Avant d'a:lèl' se fixer à Stras-
bourg' avec sa famil'e, il s'arrêta quelques
jours à Wetzlar, d'où il se rendit à Francfort.
11 était malade, sa femme se trouvait en route
pour venir le rejoindre. Désireux de guérir
vite, il s'adressa à un empirique qui lui donna
un remède dangereux. Hoche prit ce remède
à grande dose et mourut empoisonné.
Les divers partis s'accusèrent d'un crime
qui n'existait p:i S.
La jeune femme du général arriva à temps
pour l'embrasser et recevoir son dernier sou-
pir. -
Qtia,;d il fut mort, elle resta fidèle à son
souvenir.
; Elle avait une fille unique qu'elle adorait .
« Tu me recommandas, lui écrivait Hoch?.,
de songer à ia fortune demotre enfant;' je lui
laisserai un nom'sans tache; c'esttout tout ce que
je lui dois. a
Le général, en effet, fils d'un cuisinier de
Versailles, enfant du peuple, était pauvpe...
c ^ veuve lui survécut longtemps. Elle est
morte, il n'y a que cinq ou six ans, dans une
petite terre, ,en Normandie, je crois.
Sa fille, Mme la comtesse des Roys, qui
vient de la rejoindre, laisse un fils, auditeur
au conseil d'Etat.
Madame Hoche sortit deux fois seulement
de sa pieuse retraite.
Le 29 juillet 1832, la ville de Versailles
inaugurait la statue du plus illustre de ses
enfants.
Une estrade avait été élevée en face de la
statue recouverte d'un voile, et, sur cette es-
trade, le roi et la famille royale s'étaient pla-
cés. Une foule immense, compacte, s'éten-
dait à perte de vue.
La cérémonie allait commencer. Tout à
coup quelqu'un vint dire au roi que madame
| Hoche se trouvait là, perdue dans cette foule.
Louis-Philippe pria un de ses officiers
d'aller à sa rencontre.
L'officier mit un quart d'heure 'à forcer la
muraille humaine qui lui barrait le chemin.
Enfin il'arriva, auprès . de JHme Hoche.
Mais quand il fallut* s'avancer avec eUe,
impossible.
Le jeune homme eut une inspiration.
— Place, dit-il, place pour la vcu\e du
général Hoche ! ,
Les plus rapprochés entendirent le rnotç 1:0
murmure couru t; puis l'immense assemblée se
divisa, laissant un passage large de huis
pieds.
Quand Mme Hoche fut arrivée au pied de
l'estrade, le roi descendit- et lui offrit la
main.
Alors la foule éclata en a.ppl" udissements,
et le voile qui recouvrait la statue tomba.
Lorsque le général Cavaignac- mourut, sa
'veuve, en femme (le Piu'arqne, voulut rame-
ner elle-mÔme à Paris la "dépouille de son
mari. Elle passa la .nu!t en wEgon, assise en
face du corps recouvrrt d'un manteau mili-
taire. Les funérailles accomplies, cette force
di'spaiuF. Nerveuse, défaillante et toute brisée,
la pauvre jeune femme était étendue sur un
divan, dans le salon de son père. On annonça.
une visite.
Une .femme vêtue de deuil, vieille et de
ROCAMBOLE
N° 4 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
IV
L'Irlandaise céda.
L'immense aie Londres l'avait tellement
&potivau premier venu. -•
EU? oublia ia r¡Ípnlsion' que lui avait inspirée 1
misn-Ms Fanoche, elle oublia que cette répulsion
avait été partages et plus vivement encore par
Ion iHs.
Yo;r Je numéro du 3 novembre.
Elle ne vit plus qu'une chose, cest que ce
dornier mourait, de froid et de faim.
Mistress Fanocho la prit par le bras et Dési-
gne à Shukin-g de les suivre.
Le mendiant ne se le fit point répéter.
Le trajet était court.
Vers. le' milieu, de Dudley street, il 1 avait
une petite maison comme oïl en voit dans les
beaux quartiers, avec un sous-sol" par devant,
un jardin par derrière, une entrée à portique
supporté par quatre colonneties, et une façade
de trois croisées à guillotine par-étage.
M istress Panache tira de sa poche une clé et I
entra la première.
Le vestibule èta't propre, garni de boiseries
toutes neuves ; le sol était frotté et luisant et
une corbeille de porcelaine renfermant une ;
plante grasse pendait àu.plafond. j
L'escalier était dans le fond..
Sboking aspira l'air bruyamment et mur-
mura :
— Voilà qui vent meilleur que le Dvi1rding
(pension) où je roulais la conduire.
L'I'-'andai=e,e!!o aussi, sentit,un soulagement.
Lie se soutint des blancs cottages et des jolies
maisonnettes des environs de Dublin.
'Mist refes Fanoche poussa une seconde porte
et une clarté asssz vive lit place à la demi obs-
cttrité, qui régnait dans le yestfbule.
L'!r!anda'se se trouva au seuil d'un joli par-
loir où il y avait un (apis à neurs, des HKulbtes
en nbyér verni; - une 'pendule et des vaâea\:ur la',
cheminée et au milieu une LÜ:;'!" autour de la-
quelle une vielle femme,— celte G!" renny
beat, et quatre petites filles de six a ni.)--
ans, prenaient leur repas.
Le bon Shoking se prit à renvoi- l'odeur des
tartines beur; ées et du rotsbeaf tout chaud
| qui fumait sur la L,-tble.
' L'enfant, qui s'était arraché à sa somnolence,
jeta sur ces aliments un regard avide et ne vit
plus mistress Fanoche qui lui avait tant fait
peur.
Quant à la pauvre Irlandaise, elle se mit à
pleurer.
- — Ma tante, dit mistress Fanccho en s'adros-
sant à 1ft grande femme osseuse qui avait, retiré
s oui pince-nez pour mieux voir, voici une. pau-
vre femme et son enfant à qui j'ai offert l'hospi-
tali t/j.
L t grande dame t sseuse adouc:t sa voix, qui
était rauque d'ordinaire comme celle d'un chien
d'a garde, et répondit :
. — Bienvenus les pauvres que Dieu nous en-
vo'e! ..
l— Vous avez- une fameuse chance, ma chère,
dit Shoking à l'oreille de l'Irhn'daige, on vous
aurait oiTert une placé da is le paradis que ce
n'eût p 's été mieux.
Mistresa Fanoche prit les mains de la jeune
femme, qui pleurait toujours :
.— Approches vous du poêle, ma bonne, dit-
elle, chauffez-vous bien!... il fait si froid... et
piis u étiez vous à table avsc'nods.
Et toi. :LU:1 mignon, ajouta t-elle en caressant
l'enfn: qai n'osa plus se reculer, te-fais-je tou-
] '.. u i s p e il r ?
— NOl. répondit-il en regardant les pertes
filles avec une sympathique curiosité.
Alors mistres-s Fanoche se tourna vers Sho-
king,:
—' Vous êtes u-rrbrave homme, mon cher, dit..
elle. Je ne puis pas vous gardera souper, car
jamais un homme n'est eatré ici. Mais buvez un
coup de bière et prenez cetle dem-icouronne.
SÜoking, lui aussi, se sentait voni.r les larmes
aux yeux.
Mais comme il était i lein de dignité, il con-
ti.rU son émotion, accepta le coup de bière, puis
la demi-couronne et murmura gravement.
— Adieu, milady," et Dieu vous, garde !
Bonne nuit, ma chère, ajouta t il en t n iant la
main à l'Irlandaise. Vcus oies en bonnes mains
et je puis m'en aller tranquille.
Et il sortit, saluant avec la courtoisie d'un
gentleman et posant sous son bras gauche son
vieux chapeau sans bords.
Sén!cmi>::t, une fois dans la rue, il nota dans
sa mémoire le nom'de mistress Fii.ncche et le
numéro de la maison.
Puis il s'en alla en se disant:
— Voilà une journée qui finit bien. J'ai bu un
bon coup de bière, j'ai une demi-couronne dans
ma poche, j'ai a-sisté une pauvre femme et son
enfant et si le noMe lord ne s'est pas m
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro
S cent. le numéro
ABONNEMENTS. — Trois Mois. six mois. Un an.
Paris & fr. 9 fr. t.8 fr.
Départements... tg il 99
--- , Administrateur : E. DELSAUX.
8" année. — MARDI 1:2 NOVEMBRE 1867. — No 572
Directeur-Propriétaire TJANNIN.
Rédacteur en chef: A. DE BALATIIIER BRAGELONNE. '
. BUREAUX D'ABONNEMENT : 9, RUE
ADMINISTRATION : 13, place Breda.
PARIS, LE 11 NOVEMBRE 1867.
LA FILLE DE HOCHE
Samedi, UHG assemblée recueillie assistait,
aux obsèques de madame la comtesse Des
Hov?.
La grande dame, qui venait de mourir, ha-
bi ¡ a: t un hôtel de la»*rue Saint-Dominique.
Pans son salon, à la fois aristocratique et
littéraire, se rencontraient l'Institut et le
• faubourg Sain-t-Germrin.
Ol! y parlait volontiers politique, mais avec
une grande largeur d'idées, car, si madame
la comtesse Des Roys appartenait à la no-
blesse par son mariage, les alliances et les
amitiés, ni elle ni les siens n'avaient oublié
que son père, Lazare Hoche, avaitt, il y a
soixante-dix ans, commandé en chef les ar- '
mées de la république sur le Rhin et dans la !
Vendée.
I
L'histoire intime de Hoche est peu con-
.îi.1 e.
Pourtant sa.' vie privée vaut sa vie pu-
blique.
Tout, dans ses sentiments et dans ses ac- „
tes. respire la grandeur qu'on se plaît à prêter
aux h,éros antiques.
H venait de forcer les lignes de Weissem-
bonrg el de dégager la frontière. Désormai-s
le Rhin était ouvert à nos armes. Le général
victorieux prit ses quartiers d'hiver à Thion-
vi
Quelque temps après il écrivait au repré- j
'Si' (:: :11: t Lacoste, son compagnon à l'armée
de- ia Moselle :
'« Viens dîner un jour à Thionville. Tu y |
verras celle qui doit faire mon bonheur. j
Point, tiohc, mais patriote, et d'une vertueuse
famiiie... B . j
Voici comment le mariage s'était conclu. i
Les habitants de Thionville, désireux de
fêter le général de vingt-six ans, lui avaient
donné un bal. A un moment de la soirée,
Hoche avait passé son bras autour du cou de
son am',lc th'3f de bataillon d'artillerie De- '
b:iie, et l'avait entraîné dams l'embrasure 1
d'une croisée. De 'a, lui-montrant'deux jeunes !
filles avec leur père, il avait dit : —Heureux,
ami, ceux qui seront leurs époux 1...
J Le lendemain, les deux officiers se présen-
taient ehez.M. Dechaux, fournisseur des ar-
te plus honorable et le plus estimé des
citoyens de la viUc.
— Voulez-vous, lui dirent-ils, nous accep-
ter pour gendres? '
lU. Dechaux, pour toute réponse, appela
ses filles et leur présenta les jeunes gens.
Quelques jours après, le double mariage
était décidé.
Un incident le retarda.
Sur un ordre du comité de salut' -public,
Debçlle fut arrêté pour être jugé par un conseil
de guerre.
Il s'agissait d'une de ces accusations un
peu vagues,qu'expliqùaient alors les angoisses
de la chose publique
— Les deux noces, dit M. Dechaux, de-
vaient se faire en même temps....
— Je vous comprends, répliqua Hoche.
Lui-même avait.fait arrêter son amÍ. Mais,
quand vint le jour du jugêmcnt,il se présenta
à la barre comme simple défenseur. 11 rap-
pela les services passés de Debelle, il fit va-
loir son patriotisme, il s'emporta contre ses
accusateurs....
• prêtant;son sabre et ses épaulettes,
il les déposa devant le tribunal :
— Je .ne reprendrai, dit-il, ces insignes du
commandement que lorsque l'innocence de
Debelle sera reconnue et proclamée.
Les juges, à l'unanimité, prononcèrent l'ac-
quittement.
Alors, bras dessus', bras' dessous, au milieu
des acclamations des citoyens, parmi les sol-
dats débandés et joyeux qui leur faisaient es-
corte, les deux amis sortirent du tribunal et
arri.vèrent auprès de leurs Lances :
—Nous voilà! Nous vo'ila l crièrent-ils;
les deux noces pourront se faire en même
temps.
Quelques mois plus ta;'d, Hoche, arrêté à
Nice en: plein commandement, était écroué
aux Carmes, puis transféreraïa Conciergerie.
C était peu dti temps avant le neuf thermidor.
On trouvait bonne compagnie dans les prisons.
La mort; passée à l'étal d'habitude, n'ef-
frayait plus. Les prisonniers dînaient ensem-
ble; on jouait la comédie, on s'adressait des
petits vers et l'on .s'offrait des fleurs.
Un jour Hoche reçut un paquet de roses.
Ces roses lui venaient de sa femme.
On faisait l'appel des prisonniers condam-
nés à mourir ce jour-là. ,
L 'un d'eux, un jeune offJcier, Thoiras, calme
comme an feu, tendit sa montre à son général.
Gardez-la toujours ! lui dit-il ; mais, en
échange, donnez-moi une de ces roses.
Hoche défit son bouquet et le partagea entre
les condamnés.. Parmi eux se trouvaient des
femmes qui le remercièrent avec un sourire.
Ce,jour-là, sur l'échafaud, ceux qui allaient
mourir parurent, serrant une rose entre leurs
lèvres...
Cependant de tristes nouvelles assombris-
saient la captivité de Hoche. Son beau-père
fut arrêta; son beau-frère aussi. Il voyait sa
femme seule, abandonnée, et il se reprochait
ce malheur comme s'il eût été son ouvrage.
Le neuf thermidor le délivra enfin.
Il put aller rejoindre ceux qu'il aimait.
Ce général d'armée, comme du reste tous
ceux d'alors, était si pauvre qu'il dut renon-
cer à prendre la diligence pour se rendre à
Thionville.
Il écrivit à sa femme :
« Je suis libre; ma chère Adélaïde ! Ren-
dons grâces au c:ei! Je vais te rejoindre à
pied, comme il convient il un républicain. *
On sait la mort imprévue et prématurée du
vainqueur de VVeissembourg, du pacificateur
de la Vendée.
Il allait prendre le commandement de l'ar-
mée du Rhin. Avant d'a:lèl' se fixer à Stras-
bourg' avec sa famil'e, il s'arrêta quelques
jours à Wetzlar, d'où il se rendit à Francfort.
11 était malade, sa femme se trouvait en route
pour venir le rejoindre. Désireux de guérir
vite, il s'adressa à un empirique qui lui donna
un remède dangereux. Hoche prit ce remède
à grande dose et mourut empoisonné.
Les divers partis s'accusèrent d'un crime
qui n'existait p:i S.
La jeune femme du général arriva à temps
pour l'embrasser et recevoir son dernier sou-
pir. -
Qtia,;d il fut mort, elle resta fidèle à son
souvenir.
; Elle avait une fille unique qu'elle adorait .
« Tu me recommandas, lui écrivait Hoch?.,
de songer à ia fortune demotre enfant;' je lui
laisserai un nom'sans tache; c'esttout tout ce que
je lui dois. a
Le général, en effet, fils d'un cuisinier de
Versailles, enfant du peuple, était pauvpe...
c ^ veuve lui survécut longtemps. Elle est
morte, il n'y a que cinq ou six ans, dans une
petite terre, ,en Normandie, je crois.
Sa fille, Mme la comtesse des Roys, qui
vient de la rejoindre, laisse un fils, auditeur
au conseil d'Etat.
Madame Hoche sortit deux fois seulement
de sa pieuse retraite.
Le 29 juillet 1832, la ville de Versailles
inaugurait la statue du plus illustre de ses
enfants.
Une estrade avait été élevée en face de la
statue recouverte d'un voile, et, sur cette es-
trade, le roi et la famille royale s'étaient pla-
cés. Une foule immense, compacte, s'éten-
dait à perte de vue.
La cérémonie allait commencer. Tout à
coup quelqu'un vint dire au roi que madame
| Hoche se trouvait là, perdue dans cette foule.
Louis-Philippe pria un de ses officiers
d'aller à sa rencontre.
L'officier mit un quart d'heure 'à forcer la
muraille humaine qui lui barrait le chemin.
Enfin il'arriva, auprès . de JHme Hoche.
Mais quand il fallut* s'avancer avec eUe,
impossible.
Le jeune homme eut une inspiration.
— Place, dit-il, place pour la vcu\e du
général Hoche ! ,
Les plus rapprochés entendirent le rnotç 1:0
murmure couru t; puis l'immense assemblée se
divisa, laissant un passage large de huis
pieds.
Quand Mme Hoche fut arrivée au pied de
l'estrade, le roi descendit- et lui offrit la
main.
Alors la foule éclata en a.ppl" udissements,
et le voile qui recouvrait la statue tomba.
Lorsque le général Cavaignac- mourut, sa
'veuve, en femme (le Piu'arqne, voulut rame-
ner elle-mÔme à Paris la "dépouille de son
mari. Elle passa la .nu!t en wEgon, assise en
face du corps recouvrrt d'un manteau mili-
taire. Les funérailles accomplies, cette force
di'spaiuF. Nerveuse, défaillante et toute brisée,
la pauvre jeune femme était étendue sur un
divan, dans le salon de son père. On annonça.
une visite.
Une .femme vêtue de deuil, vieille et de
ROCAMBOLE
N° 4 LES
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA NOURRISSEUSE D'ENFANTS
IV
L'Irlandaise céda.
L'immense aie Londres l'avait tellement
&potiv
EU? oublia ia r¡Ípnlsion' que lui avait inspirée 1
misn-Ms Fanoche, elle oublia que cette répulsion
avait été partages et plus vivement encore par
Ion iHs.
Yo;r Je numéro du 3 novembre.
Elle ne vit plus qu'une chose, cest que ce
dornier mourait, de froid et de faim.
Mistress Fanocho la prit par le bras et Dési-
gne à Shukin-g de les suivre.
Le mendiant ne se le fit point répéter.
Le trajet était court.
Vers. le' milieu, de Dudley street, il 1 avait
une petite maison comme oïl en voit dans les
beaux quartiers, avec un sous-sol" par devant,
un jardin par derrière, une entrée à portique
supporté par quatre colonneties, et une façade
de trois croisées à guillotine par-étage.
M istress Panache tira de sa poche une clé et I
entra la première.
Le vestibule èta't propre, garni de boiseries
toutes neuves ; le sol était frotté et luisant et
une corbeille de porcelaine renfermant une ;
plante grasse pendait àu.plafond. j
L'escalier était dans le fond..
Sboking aspira l'air bruyamment et mur-
mura :
— Voilà qui vent meilleur que le Dvi1rding
(pension) où je roulais la conduire.
L'I'-'andai=e,e!!o aussi, sentit,un soulagement.
Lie se soutint des blancs cottages et des jolies
maisonnettes des environs de Dublin.
'Mist refes Fanoche poussa une seconde porte
et une clarté asssz vive lit place à la demi obs-
cttrité, qui régnait dans le yestfbule.
L'!r!anda'se se trouva au seuil d'un joli par-
loir où il y avait un (apis à neurs, des HKulbtes
en nbyér verni; - une 'pendule et des vaâea\:ur la',
cheminée et au milieu une LÜ:;'!" autour de la-
quelle une vielle femme,— celte G!" renny
beat, et quatre petites filles de six a ni.)--
ans, prenaient leur repas.
Le bon Shoking se prit à renvoi- l'odeur des
tartines beur; ées et du rotsbeaf tout chaud
| qui fumait sur la L,-tble.
' L'enfant, qui s'était arraché à sa somnolence,
jeta sur ces aliments un regard avide et ne vit
plus mistress Fanoche qui lui avait tant fait
peur.
Quant à la pauvre Irlandaise, elle se mit à
pleurer.
- — Ma tante, dit mistress Fanccho en s'adros-
sant à 1ft grande femme osseuse qui avait, retiré
s oui pince-nez pour mieux voir, voici une. pau-
vre femme et son enfant à qui j'ai offert l'hospi-
tali t/j.
L t grande dame t sseuse adouc:t sa voix, qui
était rauque d'ordinaire comme celle d'un chien
d'a garde, et répondit :
. — Bienvenus les pauvres que Dieu nous en-
vo'e! ..
l— Vous avez- une fameuse chance, ma chère,
dit Shoking à l'oreille de l'Irhn'daige, on vous
aurait oiTert une placé da is le paradis que ce
n'eût p 's été mieux.
Mistresa Fanoche prit les mains de la jeune
femme, qui pleurait toujours :
.— Approches vous du poêle, ma bonne, dit-
elle, chauffez-vous bien!... il fait si froid... et
piis u étiez vous à table avsc'nods.
Et toi. :LU:1 mignon, ajouta t-elle en caressant
l'enfn: qai n'osa plus se reculer, te-fais-je tou-
] '.. u i s p e il r ?
— NOl. répondit-il en regardant les pertes
filles avec une sympathique curiosité.
Alors mistres-s Fanoche se tourna vers Sho-
king,:
—' Vous êtes u-rrbrave homme, mon cher, dit..
elle. Je ne puis pas vous gardera souper, car
jamais un homme n'est eatré ici. Mais buvez un
coup de bière et prenez cetle dem-icouronne.
SÜoking, lui aussi, se sentait voni.r les larmes
aux yeux.
Mais comme il était i lein de dignité, il con-
ti.rU son émotion, accepta le coup de bière, puis
la demi-couronne et murmura gravement.
— Adieu, milady," et Dieu vous, garde !
Bonne nuit, ma chère, ajouta t il en t n iant la
main à l'Irlandaise. Vcus oies en bonnes mains
et je puis m'en aller tranquille.
Et il sortit, saluant avec la courtoisie d'un
gentleman et posant sous son bras gauche son
vieux chapeau sans bords.
Sén!cmi>::t, une fois dans la rue, il nota dans
sa mémoire le nom'de mistress Fii.ncche et le
numéro de la maison.
Puis il s'en alla en se disant:
— Voilà une journée qui finit bien. J'ai bu un
bon coup de bière, j'ai une demi-couronne dans
ma poche, j'ai a-sisté une pauvre femme et son
enfant et si le noMe lord ne s'est pas m
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