Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1866-09-23
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 septembre 1866 23 septembre 1866
Description : 1866/09/23 (N157). 1866/09/23 (N157).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4717341w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
ÉTRANGER
te 70 régiment de la garde nationale de New-York a
formé le projet de venir en Europe l'année prochaine.
C'est le régiment qui deux fois a pris 1ns armes pour la
défense de l'Union, et fourni à l'armée plus de 250
officiers pendant la guerre.
Une invitation signée par plus de 200 Américains de
distinction résidant à Paris lui a été envoyée à New-
York, -et toutes les facilités désirables pour ce voyage
ont été obtenues du gouvernement impérial; il est dé-
cidé maintenant que le régiment partira de Núw- York
en mai prochain, débarquera au Havre et se rendra de
là à Paris, -où il passera 17 à 18 jours.
Puis il ira à Londres et s'y arrêtera probablement une
dizaine de jours ; après quoi il se rendra à Soutliamp-
ton et s'y embarquera pour retourner à New-York.
On calcule que le régiment (officiers et solllals), son
.détachement d'ingénieurs, son excellente musique et
un pelit nombre d'invités qui doivent l'accompagner
formeront un total de 1050 personnes.-— TH.
Un terrible accident est arrivé sur le chemin de fer
central de New-York, à six milles à l'est de Rochcs-
ter.
Le train express parti d'Albani dans la-matinéc a dé-
raillé par suite d'un vice dans l'aiguillage. Il marchait
à toute vitesse, et parcourait une courbe. Le mécani-
cien voyant le danger, siffla aux freins et sauta en ba_'
de la locomotive, qui plongea dans le sable et culbuta. :
Les trois wagons suivant immédiatement celui des baga-i
ges, entrèrent les uns dans les autres comme les anneaux
d'une lorgnette, et s'accumulèrent en débris. Cinq per-
sonnes ont été tuées sur le coup: quarante-cinq ont été
plus ou moins grièvement blessées. Voici les noms des.
morts: David Creighton, de Newton (Canada) ; Leroy |
Shauglmessy, de Rochesler ; Lucius Owen, garde-frein,
de Clyde ; Smith, de Gloversville (New-York) ; et N.
.Somers, de Rosenbloom (New-York).
Les morts et les blessés ont été transportés à Roches-
ter, où ceux-ci ont reçu les soins les plus empressés.
: Un incident piquant a marqué le voyage présidentiel
.sur le chemin de for du Grand-Tronc, un peu avant
d'arriver à Détroit. Un pick-pockel de profession, nommé
Tully, était parvenu, on ne sait comment, à se glisser
dans le train qui conduisait M. Johnson et sa compa-
gnie. On l'a reconnu et tout le monde s'est fouillé.
Quatre bourses manquaient à l'appel, y compris,celle,
-du président des Etats-Unis. Tully a été arrêté ; mais
on n'a rien trouvé de suspect sur sa personne. Qu'était.
devenu le butin? On l'ignore. Il ne se trouvait d'étran-
ger que lui à bord du convoi, et il est cependant diffi-
Silo de. comprendre qu'il n'ait pas eu de complice.
(Courrier de s EtcGls- Unis.)
Nous lisons dans l'EteTt(lai-(I :
Ce qui suit s'est passé sur la Tamise, près Reading.
Des chasseurs avaient un épagneul qui suivait un ba-
teau en longeant la rivière.
Dans un endroit assez isolé au bord de l'eau, le chien
signala tout à .coup, par ses aboiements, 1;1 présnnce:
d'une loutre.
Une lutte ne farda pas à s'engager, et la loutre mor-
dant son adversaire à la tôte l'étreignit fortement.
Les deux combattants roulaient l'un sur l'autre, et le
-chien continuait à pousser des hurlements plaintifs.
Le bateau s'étant rapproché de la rive, la loutre lâcha
prise et plongea immédiatement.
Le pauvre chien était blessé ; il avait le museau dé-
chiré.
L'année dernière, plusieurs loutres avaient été prises
à quelque distance du théâtre de ce comba'
TRIBUNAUX
LE PRIX D'UN BIENFAIT.
De toutes les joies bruyantes de la bonne ville de
Paris, il n'en est pas de plus horripilante que celle que
le dimanche soir ramène périodiquement. Par toutes
las barrières reviennent des tapissières, des chars-à-
* ——— —
» fcanes, des voitures de blanchisseurs, de bouchers, de
tripiers, des véhicules de toutes les formes, de tous les
calibres, bourrées jusqu'aux brancards, d'hommes, da
femmes, d'enfants, tous criant, gesticulant, insultant
les passants quand ils ne les écrasent pas. Malheur à
qui leur barre la route; cheval et conducteur ne con-
naissent plus de frein; garez-vous de ces sauvages des
îles Séguin, Saint-Denis, du Cygne, de Neuilly, des
Ravageurs, car ils ne se gareront pas.
A ceux qui seraient torités de taxer ce tableau d'exa-
gération, on peut répondre par le petit procès que
voici
Dimanche dernier, à onze heures et demie du soir,
quatre de ces amateurs forcenés de la joie, revenant
de Versailles, montés dans, une petite tapissière, par-
couraient la rue de Rivoli au plus grand train de leur
cheval. Ils chantaient, juraient, apostrophaient tous les
passants, ne s'apercevant pas que la sous-ventrière du
cheval était cassée et que la voiture, qui ne gardait
son équilibre que par la rapidité de la course, pouvait
au moindre choc se renverser on arrière et les jeter
sur le pavé.
En ce moment, fort heureusement pour eux, un sol-
dat, voyant le danger, se précipite : d'une 'main il sai-
sit le cheval par la brido pour ralentir graduellement
sa course, en mémo temps que de l'autre il relient le
brancard de la voiture pour l'empêcher de basculer. Lo
brave soldat risquait sa vie. Voici comme ces amis de
la joie lui ont lén -oigné leur reconnaissance :
— Méchant fantassin, mufle, maladroit, veux-tu Il.
cher mon cheval ? Est-ce qu'un tourlourou a la droit
de se m-àler de la cavalerie ?
Ainsi disait le conducteur de la voiture, un gros gar-
çon joufflu, Pierre Maffran, commis droguiste, qui, joi-
gnant la violence à l'insulte, allonge un coup de fouet
au soldat, qui, tout abasourdi de cette étrange sortie,
ne se hâtait pas cependant de lâcher le cheval, essayant
de faire comprendre le service qu'il avait rendu, et
voulant, à tout prix, achever le sauvetage.
Mais Maffran ne l'entendait pas ainsi : dans le service
que lui avait rendu l'intrépide soldat, il ne voyait
qu'une insulte à son amour-propre ; un étranger avait
mis la main sur son cheval ; or, tous les cochers et
charretiers du monde vous diront que c'est le plus grand 1
outrage qui puisse leur être fait. 1
Pour mettre fin à cette scène, il a fallu l'interven
tion des sergents de villo qui ont arrêté Maffran.
Le garçon droguiste vient aujourd'hui expier devant,
le tribunal correctionnol son étrange conduite. Ren-
dons-lui justice, il se répent, il pleure; il comprend
maintenant tous ses torts. Ce n'est plus l'homme dej
dimancho soir, monté sur sa tapissière, le fouet à la!
main, schlaguant tout ce qui se trouve sur son passage:
c'est un gros benêt tout honteux de ce qu'il a fait, eni
grande peur de perdre sa place, craignant Dieu, la;
justice et sa femme, qu'il n'a pas vue depuis six jours,
et qu'il désire revoir, en grand danger d'être battu. !
Le tribunal l'a condamné à un mois de prison. j
(Gazette-des Tribunaux.) j
I
Tribunaux étrangers
UN TÉMOIN A TOUT FAIRE
Un jeune Anglais nommé Edward Barton est traduit
devant M. Pagel, juge du tribunal de police de Tha.mas,
pour s'être permis, à l'endroit d'un étranger, Arnold
Itaindals, élève en pharmacie, une voie de fait dont
tout fumeur comprendra la gravité.
Je rentrais paisiblement chez moi, dit le plaignant,
quand j'ai fait la rencontre de ce jeune homme et d'un
autre individu. Le prévenu fumait un cigare qu'il m'a
lancé tout allumé dans la figure. Je lui demandai ce
que cela signifiait, et pour toute explication il m'a porté
un coup de poing qui a brisé la pipe que j'avais à la
bouche. J'ai appelé un agent et je l'ai fait arrêter.
Julien Lahn, un Allemand, est appelé pour confirmer
cette déclaration.
M. PAGET. — Témoin, quelle est votre profession ?
LE TistoiN. —Ma profession ? mais je fais un peu
de tout.
D. — Très-bien ; mais il ne serait pas mal de pré-
ciser votre état. Voyons êtes-vous peintre 1)
R. — Oui.
1 D. Vitrier?
R. — Aussi.
D. — Carreleur?
R. — tout de même; je peux travailler au bi.
timent.
D. — C'est parfait. Alors vols êtes aussi waeoaî
R. — Certainement.
D. — Et cordonnier, peut-être?
R. — Vous l'avez dit.
D. — Chapelier?
R. — Oui.
D. — Relieur?
R. — Au besoin..
D.—Feriez-vous bien un habit?
R. — Oh 1 très-bien.
M. Paget juge inutile de pousser plus foin l'énumé-
ration des talents de ce témoin extraordinaire, et il de-
mande au prévenu ce qu'il répond à l'accusation dont
il est l'objet.
BARTON. — Rien du tout; ça sera plus tôt fait.
M. PAGET.— Ce qui sera moins vite fait, ce sont les
vingt-et-un jours d'emprisonnement auxquels je vous
I conclaouie, si vous ne payez pas une am8\1do da
40 sftilliugs(50 fr.).
LA CUEILLETTE
On lit dans une correspondance du Abt'(.t, à prôpss.
de la prochaine exposition :
C'est sans doute la connnaissance de ce for-
midable chiffre de soixante-quatorze kilomètres
de routes en tous genres qui a fait germer dans
la tête d'un spéculateur une idée bizarre en ap
parence, mais au fond très-réalisable. Notre
homme veut établir dans l'intérieur du palais du
Champ-de-Mars — exposition et parc — un cer-
tain nombre de stations de chaises roulante?.
Chaque chaise aurait son conducteur ou plutôt,
son pousseur, que l'on retiendrait, que l'on paye-
rait à l'heure ou à la course. Commodément as-
sis, on parcourrait les galeries, les allées ; on
s'arrêterait à volonté. Les vieillards, les fem-
mes, les gens qui redoutent la marche, les in-
firmes seraient heureux de trouver ce nouveau
genre d'omnibus à leur disposition. Nous avons
vu un spécimen de ces chaises roulantes, simple
de forme, mais élégant, très-commode surtout.
Il mériterait d'être adopté.
Un de ces genres de cours fort à la mode au
jourd'hui, peut-être moins sérieux que beaucoup
d'autres, mais ne manquant pas d'un certain in-
térêt, sera donné par l'industrie chocolatièré de
Paris. Ses principaux représentants se sont réu
nis et entendus pour avoir un pavillon ou un
kiosque dans le parc. Là on pourra connaître de
la manière la plus agréable l'histoire de l'indus.
trio du nliopolqt On l'(\nrr:t tl';ibnrd examinei
l'arbre qui produit le cacao; on apprendra en.
suite comment se récolte la fève, de quelle fa-
çon elle se sèche, se prépare ; comment elle est
broyée, triturée, mise en poudre, mélangée,
grâce à de puissantes machines toujours en acti-
vité. On le verra métamorphosé en tablettes de
toutes formes, en rouleaux, en pastilles. Il sera
permis d'en emplir ses poches, et, pour com-
pléter l'étude, avant de quitter le kiosque, de se
faire servir sur une table, par de charmantes
jeunes filles, une tasse de l'excellent aliment
que beaucoup de personnes préfèrent au café.
La Revue maritime et coloniale raconte une bonne
! ruse de guerre inventée par un curé, vers la fin de
: l'année 1703, au moment où l'île de Croix (Morbihan)
était menacée par les Anglais.
j L'amiral Roock, commandant leur flotte qui
! portait 7,000 hommes de débarquement, voulut
s'emparer de l'ile. Un stratagème ingénieux ima-
giné par le curé l'empêcha de débarquer. Ce
brave ecclésiastique fit paraître dans la. partie la
plus élevée de Pile, les femmes et les filles mon.
tées sur des chevaux, en rang avec les hommes, j
et comme on manquait de chevaux en nombre
suffisant, on monta sur des bœufs et sur des -
vaches ; des bâtons placés sur les épaules de ces
cavaliers bizarres faisaient l'effet de mousquets.!
Tout cela joint à des 'corsets et à des bonnets
rouges causa une telle illusion à l'amiral anglais
qu'il n'osa faire avancer ses chaloupes, prenant
ce qu'il voyait pour des troupes régulières.'
Louis XIV, charmé de l'intrépidité et de l'in- -
telligence du curé, lui accorda une pension de
500 livres prélevée sur les revenus de l'évêché
d'Agen, et décida bientôt après qu'en l'absence
d'officiers le vaillant prêtre aurait sous ses ordres
les milices et les gardes-côtes.
Les journaux disent tous les jours, & propos d'un
fait douteux: c'est un canard :
Cette locution est tirée, comme la plupart de ses sem.
blables, d'une comédie.
Laissons, du reste, raconter notre confrère des.
Echos de Paris.
^
En ce temps (18...), Adrien Rouget était un
comique du théâtre des 'Variétés; Kopp a beau-
coup de lui comme jeu et comme physique ; or,
Adrien Rouget jouait le rôle d'un jeune paysan,
dans un vaudeville dont le nom m'échappe.
Ce paysan naïf ayant entendu dire qu'un ca-
nard avait 4té payé 2,000 fr. à un marchand qui
offrait sa marchandise la nuit, en pleine forêt,
eut l'idée, pour faire la somme qui lui manquait,
afin d'obtenir d'un tuteur la femme de son choix,
de mettre un canard dans un panier et d'attendre
en pleine traverse le premier voyageur attardé
pour lui offrir son volatile. Le voyageur, c'était
Odry, l'inimitable Odry ! Celui-ci avait égale-
ment eu connaissance du marchand de canards;
mais il savait que la vue de ce palmipède voulait
dire: La bourse ou la vie !
Il fallait voir la figure effrayée d'Odry en écou-
tant Adrien Rouget lui adresser cette question
— N'auriez-vous pas, par hasard, besoin d'un ;
canard?
— Cela dépend du prix. *
— Oh ! il n'est pas cher : le dernier a été vendu
2,000 francs; je vous laisserai celui-ci pour
1,500 francs. !
— Diable ! ce n'est pas pour rien!
— Si monsieur le trouve trop cher !...
Odry (effrayé). — Qui vous dit que je le trouve
trop cher? Au contraire, monsieur le marchand;
mais je n'ai sur moi que 1,000 fr., et si vous avez
confiance, je vous rapporterai le surplus demain
à minuit. (A part.) Compte là-dessus, brigand l
Adrien (poussant un soupir). — Enfin, mon-
sieur si vous n'avez que 1,000 fr., prenez-le!
Odry (prenant le canard et à part.) — Scélé-
rat. '
Adrien. — Vous dites?
Odry (vivement). — Rien, je regrette d'avoir
si peu. !
Puis, s'emparant du panier et de son contenu,
il s'enfuyait à toutes jambes pendant qu'Adrien.
Rouget murmurait : i
— Quel malheur de n'avoir apporté qu'un
canard ! moi qui croyais que c'était des bêtises t
Le lendemain, le pauvre niais achetait, sans
les marchander, tous les canards du pays.
Il est vrai que la gendarmerie lui apprenait
bientôt leur prix réel, et^ce qui avait motivé le
taux fabuleux du sien.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
X
PLAN DE CAMPAGNE
Dix jours s'étaient écoulés, depuis les événe-
ments que nous avons rapportés dans nos précé-
dents chapitres ; Mlle Angèle Colette, heureuse-
ment moins grièvement blessée qu'on ne l'avait
supposé d'abord, entrait en convalescence, elle
commençait à se lever, le médecin lui avait per-
mis de faire quelques pas, appuyée sur le bras de
son'fiancé pour essayer ses. forces qui revenaient
'peu à peu.
M. Duvauchelle était à Port-au-Prince, il
n'avait pas reparu chez son beau-père depuis le
jour où il avait conduit d'une manière si stoïque
le deuil de sa femme.
L'habitation était toujours occupée militaire-
ment, M. Chauvelin, poursuivait activement une
'enquête, qui malheureusement menaçait d'abou-
(1) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
tir à un résultat négatif, lorsqu'un matin, au
moment où il rentrait à la plantation en compa-
gnie de son escorte, une femme échevelée, à
demi folle de douleur, se présenta tout à coup à
lui, en lui déclarant que sa fille Claircine, âgée de
cinq ans, qui logeait chez sa tante à Bizoton,
avait disparu depuis deux jours, sans qu'il lui
eût été possible de la retrouver.
L'agent, fronça les sourcils à cette révélation,
il hocha la tête à plusieurs'reprises.
— Comment cela s'est-il passé? demanda-t-il.
— Ma sœur est allée avec moi à Port-à-Prince;
c'est pendant notre absence que ma fille a été
j enlevée de la maison de ma soeur : monsieur, je
vous en prie, rendez-moi ma petite Claircine,
ajouta-t-elle, en joignant les mains avec prière.
— Je tâcherai, répondit M. Chauvelin, com-
ment vous nommez-vous? que faites-vous?
— Je me nomme Claire, monsieur, je suis
blanchisseuse.
— Comment se nomme votre sœur?
— Ma sœur se nomme Jeanne, elle est mariée
à Pierre André.
— Pierre André? s'écria l'agent avec surprise.
cet homme ne porte-t-il pas un autre nom en-
core?
— Pardonnez-moi, monsieur, on l'appelle or-
dinairement Congo Pellé.
— Et où est cet homme, le savez-vous?
i — Je l'ignore, monsieur, depuis la disparition
f de ma fitte, je suis comme folle ; je ne vois plus
1 rien, je n'entends plus rien.
— Pauvre femme, rentrez chez vous, dit M.
Chauvelin avec bonté, ne sortez pas de votre
demeure, il est important que je puisse vous
avoir à ma disposition.
— Bien, monsieur; et vous me rendrez ma
fille, n'est-ce pas ? reprit-elle avec anxiété.
— Je l'espère... ayez bon courage.
— Mon Dieu! ma pauvre enfant! murmura
Claire, qui s'éloigna en pleurant.
M. Chauvelin rentra à l'habitation tout pensif.
Il était évident pour lui que le misérable Congo
Pellé avait lui-même enlevé la nièce, mais dans
quel but? A cette question qu'il s'adressait men-
talement, un frisson de crainte et de pitié cou-
rut dans ses veines dont le sang se glaça.
Comment saisirles fils de cette trame odieuse,
et s'emparer de ces misérables?
— Sur mon âme, s'écria-t-il avec résolution,
j'ai promis i1 cette infortunée de lui rendre sa
fille; jeréussirai, ou je périrai: quoi qu'il arrive, je
ferai mon devoir.
Aprf1s avoir pris cette généreuse détermination,
l'agent releva la tête' avec orgueil: il s'était mis
en paix avcc sa conscience ; il était content de
lui.
Il entra, le sourire sur les lèvres, dans la salle
à manger, où la famille du planteur était réunie
et l'attendait pour déjeuner.
A table, dit-il, avec une certaine vivacité,
îe veux en finir une fois pour toutes avec ces mi-
sérables ! Quelles qu'en doivent être les consé-
quence pour moi, il faut que ces insaisissables
assassins soient livrés à la justice.
— Mon Dieu, s'écria Angèle avec crainte, se.
rait-il arrivé un nouveau malheur ?
— Expliquez-vous? dirent les assistants en se
pressant autour de lui.
— Rassurez-vous, aucun nouveau péril no *
vous menace. Voici le fait.
Et il raconta la déposition qui venait de lui
être faite. ^ i
— Pauvre malheureuse ! murmura la jeune
fille. !
— Un tel état de choses ne peut durer plus
longtemps, reprit-il avec énergie. Aussitôt après
déjeuner, je monterai à cheval, et j'irai explorer
les Mornes qui ont jusqu'à présent servi d'impé-
nétrables repaires à ces bandits.
— Bien, lui dit M. Colette en lui serrant affec-
tueusement la main.
Un cheval s'arrêta à la porte de l'habitation J
bientôt un homme parut. ' ' i '
Cet homme était M. Duvauchelle. '
Son visage était calme, mais sombre ; il salua.
silencieusement et jeta un regard circulaire sur
les assistants. En apercevant M. Chauvelin, ses
traits s'éclaircirent; un éclair passa dans ses yeux
et il s'avança vivement vers lui.
GUSTAVE AIMARD.
1 (La suite à demain.) •> ;
te 70 régiment de la garde nationale de New-York a
formé le projet de venir en Europe l'année prochaine.
C'est le régiment qui deux fois a pris 1ns armes pour la
défense de l'Union, et fourni à l'armée plus de 250
officiers pendant la guerre.
Une invitation signée par plus de 200 Américains de
distinction résidant à Paris lui a été envoyée à New-
York, -et toutes les facilités désirables pour ce voyage
ont été obtenues du gouvernement impérial; il est dé-
cidé maintenant que le régiment partira de Núw- York
en mai prochain, débarquera au Havre et se rendra de
là à Paris, -où il passera 17 à 18 jours.
Puis il ira à Londres et s'y arrêtera probablement une
dizaine de jours ; après quoi il se rendra à Soutliamp-
ton et s'y embarquera pour retourner à New-York.
On calcule que le régiment (officiers et solllals), son
.détachement d'ingénieurs, son excellente musique et
un pelit nombre d'invités qui doivent l'accompagner
formeront un total de 1050 personnes.-— TH.
Un terrible accident est arrivé sur le chemin de fer
central de New-York, à six milles à l'est de Rochcs-
ter.
Le train express parti d'Albani dans la-matinéc a dé-
raillé par suite d'un vice dans l'aiguillage. Il marchait
à toute vitesse, et parcourait une courbe. Le mécani-
cien voyant le danger, siffla aux freins et sauta en ba_'
de la locomotive, qui plongea dans le sable et culbuta. :
Les trois wagons suivant immédiatement celui des baga-i
ges, entrèrent les uns dans les autres comme les anneaux
d'une lorgnette, et s'accumulèrent en débris. Cinq per-
sonnes ont été tuées sur le coup: quarante-cinq ont été
plus ou moins grièvement blessées. Voici les noms des.
morts: David Creighton, de Newton (Canada) ; Leroy |
Shauglmessy, de Rochesler ; Lucius Owen, garde-frein,
de Clyde ; Smith, de Gloversville (New-York) ; et N.
.Somers, de Rosenbloom (New-York).
Les morts et les blessés ont été transportés à Roches-
ter, où ceux-ci ont reçu les soins les plus empressés.
: Un incident piquant a marqué le voyage présidentiel
.sur le chemin de for du Grand-Tronc, un peu avant
d'arriver à Détroit. Un pick-pockel de profession, nommé
Tully, était parvenu, on ne sait comment, à se glisser
dans le train qui conduisait M. Johnson et sa compa-
gnie. On l'a reconnu et tout le monde s'est fouillé.
Quatre bourses manquaient à l'appel, y compris,celle,
-du président des Etats-Unis. Tully a été arrêté ; mais
on n'a rien trouvé de suspect sur sa personne. Qu'était.
devenu le butin? On l'ignore. Il ne se trouvait d'étran-
ger que lui à bord du convoi, et il est cependant diffi-
Silo de. comprendre qu'il n'ait pas eu de complice.
(Courrier de s EtcGls- Unis.)
Nous lisons dans l'EteTt(lai-(I :
Ce qui suit s'est passé sur la Tamise, près Reading.
Des chasseurs avaient un épagneul qui suivait un ba-
teau en longeant la rivière.
Dans un endroit assez isolé au bord de l'eau, le chien
signala tout à .coup, par ses aboiements, 1;1 présnnce:
d'une loutre.
Une lutte ne farda pas à s'engager, et la loutre mor-
dant son adversaire à la tôte l'étreignit fortement.
Les deux combattants roulaient l'un sur l'autre, et le
-chien continuait à pousser des hurlements plaintifs.
Le bateau s'étant rapproché de la rive, la loutre lâcha
prise et plongea immédiatement.
Le pauvre chien était blessé ; il avait le museau dé-
chiré.
L'année dernière, plusieurs loutres avaient été prises
à quelque distance du théâtre de ce comba'
TRIBUNAUX
LE PRIX D'UN BIENFAIT.
De toutes les joies bruyantes de la bonne ville de
Paris, il n'en est pas de plus horripilante que celle que
le dimanche soir ramène périodiquement. Par toutes
las barrières reviennent des tapissières, des chars-à-
* ——— —
» fcanes, des voitures de blanchisseurs, de bouchers, de
tripiers, des véhicules de toutes les formes, de tous les
calibres, bourrées jusqu'aux brancards, d'hommes, da
femmes, d'enfants, tous criant, gesticulant, insultant
les passants quand ils ne les écrasent pas. Malheur à
qui leur barre la route; cheval et conducteur ne con-
naissent plus de frein; garez-vous de ces sauvages des
îles Séguin, Saint-Denis, du Cygne, de Neuilly, des
Ravageurs, car ils ne se gareront pas.
A ceux qui seraient torités de taxer ce tableau d'exa-
gération, on peut répondre par le petit procès que
voici
Dimanche dernier, à onze heures et demie du soir,
quatre de ces amateurs forcenés de la joie, revenant
de Versailles, montés dans, une petite tapissière, par-
couraient la rue de Rivoli au plus grand train de leur
cheval. Ils chantaient, juraient, apostrophaient tous les
passants, ne s'apercevant pas que la sous-ventrière du
cheval était cassée et que la voiture, qui ne gardait
son équilibre que par la rapidité de la course, pouvait
au moindre choc se renverser on arrière et les jeter
sur le pavé.
En ce moment, fort heureusement pour eux, un sol-
dat, voyant le danger, se précipite : d'une 'main il sai-
sit le cheval par la brido pour ralentir graduellement
sa course, en mémo temps que de l'autre il relient le
brancard de la voiture pour l'empêcher de basculer. Lo
brave soldat risquait sa vie. Voici comme ces amis de
la joie lui ont lén -oigné leur reconnaissance :
— Méchant fantassin, mufle, maladroit, veux-tu Il.
cher mon cheval ? Est-ce qu'un tourlourou a la droit
de se m-àler de la cavalerie ?
Ainsi disait le conducteur de la voiture, un gros gar-
çon joufflu, Pierre Maffran, commis droguiste, qui, joi-
gnant la violence à l'insulte, allonge un coup de fouet
au soldat, qui, tout abasourdi de cette étrange sortie,
ne se hâtait pas cependant de lâcher le cheval, essayant
de faire comprendre le service qu'il avait rendu, et
voulant, à tout prix, achever le sauvetage.
Mais Maffran ne l'entendait pas ainsi : dans le service
que lui avait rendu l'intrépide soldat, il ne voyait
qu'une insulte à son amour-propre ; un étranger avait
mis la main sur son cheval ; or, tous les cochers et
charretiers du monde vous diront que c'est le plus grand 1
outrage qui puisse leur être fait. 1
Pour mettre fin à cette scène, il a fallu l'interven
tion des sergents de villo qui ont arrêté Maffran.
Le garçon droguiste vient aujourd'hui expier devant,
le tribunal correctionnol son étrange conduite. Ren-
dons-lui justice, il se répent, il pleure; il comprend
maintenant tous ses torts. Ce n'est plus l'homme dej
dimancho soir, monté sur sa tapissière, le fouet à la!
main, schlaguant tout ce qui se trouve sur son passage:
c'est un gros benêt tout honteux de ce qu'il a fait, eni
grande peur de perdre sa place, craignant Dieu, la;
justice et sa femme, qu'il n'a pas vue depuis six jours,
et qu'il désire revoir, en grand danger d'être battu. !
Le tribunal l'a condamné à un mois de prison. j
(Gazette-des Tribunaux.) j
I
Tribunaux étrangers
UN TÉMOIN A TOUT FAIRE
Un jeune Anglais nommé Edward Barton est traduit
devant M. Pagel, juge du tribunal de police de Tha.mas,
pour s'être permis, à l'endroit d'un étranger, Arnold
Itaindals, élève en pharmacie, une voie de fait dont
tout fumeur comprendra la gravité.
Je rentrais paisiblement chez moi, dit le plaignant,
quand j'ai fait la rencontre de ce jeune homme et d'un
autre individu. Le prévenu fumait un cigare qu'il m'a
lancé tout allumé dans la figure. Je lui demandai ce
que cela signifiait, et pour toute explication il m'a porté
un coup de poing qui a brisé la pipe que j'avais à la
bouche. J'ai appelé un agent et je l'ai fait arrêter.
Julien Lahn, un Allemand, est appelé pour confirmer
cette déclaration.
M. PAGET. — Témoin, quelle est votre profession ?
LE TistoiN. —Ma profession ? mais je fais un peu
de tout.
D. — Très-bien ; mais il ne serait pas mal de pré-
ciser votre état. Voyons êtes-vous peintre 1)
R. — Oui.
1 D. Vitrier?
R. — Aussi.
D. — Carreleur?
R. — tout de même; je peux travailler au bi.
timent.
D. — C'est parfait. Alors vols êtes aussi waeoaî
R. — Certainement.
D. — Et cordonnier, peut-être?
R. — Vous l'avez dit.
D. — Chapelier?
R. — Oui.
D. — Relieur?
R. — Au besoin..
D.—Feriez-vous bien un habit?
R. — Oh 1 très-bien.
M. Paget juge inutile de pousser plus foin l'énumé-
ration des talents de ce témoin extraordinaire, et il de-
mande au prévenu ce qu'il répond à l'accusation dont
il est l'objet.
BARTON. — Rien du tout; ça sera plus tôt fait.
M. PAGET.— Ce qui sera moins vite fait, ce sont les
vingt-et-un jours d'emprisonnement auxquels je vous
I conclaouie, si vous ne payez pas une am8\1do da
40 sftilliugs(50 fr.).
LA CUEILLETTE
On lit dans une correspondance du Abt'(.t, à prôpss.
de la prochaine exposition :
C'est sans doute la connnaissance de ce for-
midable chiffre de soixante-quatorze kilomètres
de routes en tous genres qui a fait germer dans
la tête d'un spéculateur une idée bizarre en ap
parence, mais au fond très-réalisable. Notre
homme veut établir dans l'intérieur du palais du
Champ-de-Mars — exposition et parc — un cer-
tain nombre de stations de chaises roulante?.
Chaque chaise aurait son conducteur ou plutôt,
son pousseur, que l'on retiendrait, que l'on paye-
rait à l'heure ou à la course. Commodément as-
sis, on parcourrait les galeries, les allées ; on
s'arrêterait à volonté. Les vieillards, les fem-
mes, les gens qui redoutent la marche, les in-
firmes seraient heureux de trouver ce nouveau
genre d'omnibus à leur disposition. Nous avons
vu un spécimen de ces chaises roulantes, simple
de forme, mais élégant, très-commode surtout.
Il mériterait d'être adopté.
Un de ces genres de cours fort à la mode au
jourd'hui, peut-être moins sérieux que beaucoup
d'autres, mais ne manquant pas d'un certain in-
térêt, sera donné par l'industrie chocolatièré de
Paris. Ses principaux représentants se sont réu
nis et entendus pour avoir un pavillon ou un
kiosque dans le parc. Là on pourra connaître de
la manière la plus agréable l'histoire de l'indus.
trio du nliopolqt On l'(\nrr:t tl';ibnrd examinei
l'arbre qui produit le cacao; on apprendra en.
suite comment se récolte la fève, de quelle fa-
çon elle se sèche, se prépare ; comment elle est
broyée, triturée, mise en poudre, mélangée,
grâce à de puissantes machines toujours en acti-
vité. On le verra métamorphosé en tablettes de
toutes formes, en rouleaux, en pastilles. Il sera
permis d'en emplir ses poches, et, pour com-
pléter l'étude, avant de quitter le kiosque, de se
faire servir sur une table, par de charmantes
jeunes filles, une tasse de l'excellent aliment
que beaucoup de personnes préfèrent au café.
La Revue maritime et coloniale raconte une bonne
! ruse de guerre inventée par un curé, vers la fin de
: l'année 1703, au moment où l'île de Croix (Morbihan)
était menacée par les Anglais.
j L'amiral Roock, commandant leur flotte qui
! portait 7,000 hommes de débarquement, voulut
s'emparer de l'ile. Un stratagème ingénieux ima-
giné par le curé l'empêcha de débarquer. Ce
brave ecclésiastique fit paraître dans la. partie la
plus élevée de Pile, les femmes et les filles mon.
tées sur des chevaux, en rang avec les hommes, j
et comme on manquait de chevaux en nombre
suffisant, on monta sur des bœufs et sur des -
vaches ; des bâtons placés sur les épaules de ces
cavaliers bizarres faisaient l'effet de mousquets.!
Tout cela joint à des 'corsets et à des bonnets
rouges causa une telle illusion à l'amiral anglais
qu'il n'osa faire avancer ses chaloupes, prenant
ce qu'il voyait pour des troupes régulières.'
Louis XIV, charmé de l'intrépidité et de l'in- -
telligence du curé, lui accorda une pension de
500 livres prélevée sur les revenus de l'évêché
d'Agen, et décida bientôt après qu'en l'absence
d'officiers le vaillant prêtre aurait sous ses ordres
les milices et les gardes-côtes.
Les journaux disent tous les jours, & propos d'un
fait douteux: c'est un canard :
Cette locution est tirée, comme la plupart de ses sem.
blables, d'une comédie.
Laissons, du reste, raconter notre confrère des.
Echos de Paris.
^
En ce temps (18...), Adrien Rouget était un
comique du théâtre des 'Variétés; Kopp a beau-
coup de lui comme jeu et comme physique ; or,
Adrien Rouget jouait le rôle d'un jeune paysan,
dans un vaudeville dont le nom m'échappe.
Ce paysan naïf ayant entendu dire qu'un ca-
nard avait 4té payé 2,000 fr. à un marchand qui
offrait sa marchandise la nuit, en pleine forêt,
eut l'idée, pour faire la somme qui lui manquait,
afin d'obtenir d'un tuteur la femme de son choix,
de mettre un canard dans un panier et d'attendre
en pleine traverse le premier voyageur attardé
pour lui offrir son volatile. Le voyageur, c'était
Odry, l'inimitable Odry ! Celui-ci avait égale-
ment eu connaissance du marchand de canards;
mais il savait que la vue de ce palmipède voulait
dire: La bourse ou la vie !
Il fallait voir la figure effrayée d'Odry en écou-
tant Adrien Rouget lui adresser cette question
— N'auriez-vous pas, par hasard, besoin d'un ;
canard?
— Cela dépend du prix. *
— Oh ! il n'est pas cher : le dernier a été vendu
2,000 francs; je vous laisserai celui-ci pour
1,500 francs. !
— Diable ! ce n'est pas pour rien!
— Si monsieur le trouve trop cher !...
Odry (effrayé). — Qui vous dit que je le trouve
trop cher? Au contraire, monsieur le marchand;
mais je n'ai sur moi que 1,000 fr., et si vous avez
confiance, je vous rapporterai le surplus demain
à minuit. (A part.) Compte là-dessus, brigand l
Adrien (poussant un soupir). — Enfin, mon-
sieur si vous n'avez que 1,000 fr., prenez-le!
Odry (prenant le canard et à part.) — Scélé-
rat. '
Adrien. — Vous dites?
Odry (vivement). — Rien, je regrette d'avoir
si peu. !
Puis, s'emparant du panier et de son contenu,
il s'enfuyait à toutes jambes pendant qu'Adrien.
Rouget murmurait : i
— Quel malheur de n'avoir apporté qu'un
canard ! moi qui croyais que c'était des bêtises t
Le lendemain, le pauvre niais achetait, sans
les marchander, tous les canards du pays.
Il est vrai que la gendarmerie lui apprenait
bientôt leur prix réel, et^ce qui avait motivé le
taux fabuleux du sien.
LES VAUDOUX
LES CANNIBALES
DE SAINT-DOMINGUE
PAR
GUSTAVE AIMARD
Suite (1)
X
PLAN DE CAMPAGNE
Dix jours s'étaient écoulés, depuis les événe-
ments que nous avons rapportés dans nos précé-
dents chapitres ; Mlle Angèle Colette, heureuse-
ment moins grièvement blessée qu'on ne l'avait
supposé d'abord, entrait en convalescence, elle
commençait à se lever, le médecin lui avait per-
mis de faire quelques pas, appuyée sur le bras de
son'fiancé pour essayer ses. forces qui revenaient
'peu à peu.
M. Duvauchelle était à Port-au-Prince, il
n'avait pas reparu chez son beau-père depuis le
jour où il avait conduit d'une manière si stoïque
le deuil de sa femme.
L'habitation était toujours occupée militaire-
ment, M. Chauvelin, poursuivait activement une
'enquête, qui malheureusement menaçait d'abou-
(1) Voir les numéros parus depuis le 28 août.
tir à un résultat négatif, lorsqu'un matin, au
moment où il rentrait à la plantation en compa-
gnie de son escorte, une femme échevelée, à
demi folle de douleur, se présenta tout à coup à
lui, en lui déclarant que sa fille Claircine, âgée de
cinq ans, qui logeait chez sa tante à Bizoton,
avait disparu depuis deux jours, sans qu'il lui
eût été possible de la retrouver.
L'agent, fronça les sourcils à cette révélation,
il hocha la tête à plusieurs'reprises.
— Comment cela s'est-il passé? demanda-t-il.
— Ma sœur est allée avec moi à Port-à-Prince;
c'est pendant notre absence que ma fille a été
j enlevée de la maison de ma soeur : monsieur, je
vous en prie, rendez-moi ma petite Claircine,
ajouta-t-elle, en joignant les mains avec prière.
— Je tâcherai, répondit M. Chauvelin, com-
ment vous nommez-vous? que faites-vous?
— Je me nomme Claire, monsieur, je suis
blanchisseuse.
— Comment se nomme votre sœur?
— Ma sœur se nomme Jeanne, elle est mariée
à Pierre André.
— Pierre André? s'écria l'agent avec surprise.
cet homme ne porte-t-il pas un autre nom en-
core?
— Pardonnez-moi, monsieur, on l'appelle or-
dinairement Congo Pellé.
— Et où est cet homme, le savez-vous?
i — Je l'ignore, monsieur, depuis la disparition
f de ma fitte, je suis comme folle ; je ne vois plus
1 rien, je n'entends plus rien.
— Pauvre femme, rentrez chez vous, dit M.
Chauvelin avec bonté, ne sortez pas de votre
demeure, il est important que je puisse vous
avoir à ma disposition.
— Bien, monsieur; et vous me rendrez ma
fille, n'est-ce pas ? reprit-elle avec anxiété.
— Je l'espère... ayez bon courage.
— Mon Dieu! ma pauvre enfant! murmura
Claire, qui s'éloigna en pleurant.
M. Chauvelin rentra à l'habitation tout pensif.
Il était évident pour lui que le misérable Congo
Pellé avait lui-même enlevé la nièce, mais dans
quel but? A cette question qu'il s'adressait men-
talement, un frisson de crainte et de pitié cou-
rut dans ses veines dont le sang se glaça.
Comment saisirles fils de cette trame odieuse,
et s'emparer de ces misérables?
— Sur mon âme, s'écria-t-il avec résolution,
j'ai promis i1 cette infortunée de lui rendre sa
fille; jeréussirai, ou je périrai: quoi qu'il arrive, je
ferai mon devoir.
Aprf1s avoir pris cette généreuse détermination,
l'agent releva la tête' avec orgueil: il s'était mis
en paix avcc sa conscience ; il était content de
lui.
Il entra, le sourire sur les lèvres, dans la salle
à manger, où la famille du planteur était réunie
et l'attendait pour déjeuner.
A table, dit-il, avec une certaine vivacité,
îe veux en finir une fois pour toutes avec ces mi-
sérables ! Quelles qu'en doivent être les consé-
quence pour moi, il faut que ces insaisissables
assassins soient livrés à la justice.
— Mon Dieu, s'écria Angèle avec crainte, se.
rait-il arrivé un nouveau malheur ?
— Expliquez-vous? dirent les assistants en se
pressant autour de lui.
— Rassurez-vous, aucun nouveau péril no *
vous menace. Voici le fait.
Et il raconta la déposition qui venait de lui
être faite. ^ i
— Pauvre malheureuse ! murmura la jeune
fille. !
— Un tel état de choses ne peut durer plus
longtemps, reprit-il avec énergie. Aussitôt après
déjeuner, je monterai à cheval, et j'irai explorer
les Mornes qui ont jusqu'à présent servi d'impé-
nétrables repaires à ces bandits.
— Bien, lui dit M. Colette en lui serrant affec-
tueusement la main.
Un cheval s'arrêta à la porte de l'habitation J
bientôt un homme parut. ' ' i '
Cet homme était M. Duvauchelle. '
Son visage était calme, mais sombre ; il salua.
silencieusement et jeta un regard circulaire sur
les assistants. En apercevant M. Chauvelin, ses
traits s'éclaircirent; un éclair passa dans ses yeux
et il s'avança vivement vers lui.
GUSTAVE AIMARD.
1 (La suite à demain.) •> ;
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