Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-28
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 28 juin 1870 28 juin 1870
Description : 1870/06/28 (A5,N1531). 1870/06/28 (A5,N1531).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716959b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro.
. JOURNAL QUOTIDIEN
»
-
5 cent, le numéro.
11. 13'ONNEMEN"I'S. - Troîsmois SI* mois fl« lit
Paris 5 fr. 9 fr. ts fr.
Départements 6 il
Administrateur: BOURDILLIAT. ne
1;1 1 année — MARDI 28 JUIN 1870 — N° 1531
J
Rédacteur en chef: A. DE BAr.A.TrnER..BRAGHI.ONN)J
l .
BUREAUX D'ABONNEMENT: rnonreuot
ADMINISTRA : - 13, quai VoUuiru. ,
PARIS, 27 JUIN 1870
LES CANOTIERS DE LA SEINE
-
Ohé! les c¬icrs! C'est aujourd'hui - 4
Accourez, pais rameurs; parez les awtfns ~ - , -
Laissons se reposer notie misaine blanche, J ■ j;,
Et bravons les autans autant que nous psqgron'is, /
Rivayeurs, chalonpiers,
Et vous tous, équipiers,
Ohé! ohé! ohé!
Oh ! hisse ! oh'! hisse !
Que chaque rame
Fende la lame!
et des quais et des ponts entendez-vous les cris,
Les bravos qui saluent les (lambarts de Paris?
Oui, voilà les plaisirs, le bonheur et les cris
Des vrais flambarts de Paris !
Est-ce pour entendre chanter cette poésie
de M. E. Bourget que M. le prince de Join-
ville demande à rentrer en France ?
Le prince est un canotier de la Seine. Le
canotage, tel qu'il est organisé aujourd'hui,
date du jour où il se promena à Neuilly
dans des baleinières montées par six ou huit
matelots. Les amateurs le regardèrent d'a-
bord passer avec respect, puis ils voulurent
lutter et furent battus par les loups de mer.
La Sorcière des Eaux eut sa saison de
gloire.Ensuite, surgirent les équipes rivales :
VEva, la Velléda, le Sans-Souci.
« Aller vite! — Tel était le problème, —
dit M. Pierre Larousse. - L'Eva faisait ve-
nir à grands frais d'Angleterre des embar-
cations nouvelles. A peinè étaient-elles arri-
vées que le constructeur Philippe copiait
leurs fonds, leurs gabarits, leur ligne d'eau,
et, quinze jours après, naviguaient les re-
productions exactes de ces embarcations,
augmentées de tout ce que son esprit en
éveil avait cru devoir y apporter de modifi-
■ cations. Et la lutte continuait sans avantages
décisifs de part ni d'autre, chacun cherchant
toujours à réunir au plus haut degré les
conditions de légèreté et de solidité; car,
pour les embarcations de course, comme
pour les chevaux, il ne faut pas de poids inu-
tile. Aux chevaux de course, on demande
des os, des nerfs, du sang; aux embarca-
tions, il faut de la solidité, de la finesse, de
! la légèreté. Le sang, c'est l'équipe qui le
fournira... »
Il était un canot, le plus beau des canots !
JU n'avait qu'un défaut, c'était d'aller, au fond d'l'eau.
X La itou tra la la la. la la t
La ito(i tra la la!...
: CÀ>rès la chanson de M. E. Bourget, le
va:upeville de MM. Adolphe DupeuLy et
ïtepri Thiéry.
yLe canotage et les lettres ont toujours fra-
ernisé. Le canotage a èu pour parrain
Théophile Gautier, Alphonse Karr, Léon
Gatayes. Théophile Gautier fit une fois un
voyage au long cours du quai d'Orsay au
Havre et du Havre au quai d'Orsay. Au re-
tour, il était décidé à régler ses affaires et à
vivre désormais en canot.
t( Avec le canotage, le Parisien se crée un
plaisir d'un caractère tout idyllique. Il as-
siste au déroulement lent et poétique des
paysages qui bordent le fleuve. Il aborde
sous le saule des petites îles. Dans les eaux
qu'il fréquente -habituellement, Charenton,
Saint-Maur-sur-Marne, Saint-Cloud, Cour-
bevoie, Asnière§, Bezons, etc., il y a des
' parages charmants, des pertuis profonds
et ombrageux où tout est silence et recueil-
lement. Les escales de sa navigation sont
généralement la tonnelle d'une guinguette
ou la salle solitaire d'un cabaret en renom
pour ses fritures et ses mateloltes, son vin
| blanc ou son omelette au lard. Les uns re-
montent fièrement le courant ; les|autres
suivent le fil de l'eau. Si le vent est con-
traire, ils louvoient et passent avec la rapi-
dité de la flèche d'une rive à l'autre. »
Moi, je nage,
J'aime à nager avec rage. 4 1
, Moi je nage
Sur l'eau,
Comme un cachalot.
C'est un Parisien qui chante. Les Pari-
siens sont tous marins ou soldats. N'ont-ils
pas une nef dans les armes parlantes de leur
ville? Quand les Normands, un peu après
Charlemagne, remontèrent la Seine et vin-
rent piller Paris dans leurs pirogues, ils
aperçurent, dit la légende, une nuée de pe-
tits bateaux qui fuyaient devant eux.
Peut-être, cependant, serait-il hasardé de
fai$e remonter au neuvième siècle le canotage
tel qu'on le comprend du pont de Bercy au
pont de Chatou.
Avocat, médecin, journaliste, clerc, em-
ployé ou calicot, le canotier est en général un
esprit indépendant, ravi de quitter, une fois
par semaine, le paletot de l'esclavage pour
la vareuse de la liberté.
Plus de Palais, de cabinet, de bureau, d'é-
tude et de magasin, — mais les brumes de la
Seine.
Pour me délasser, je ramerai comme on
ramait sur les galères du roi.
Pour me rafraîchir, je fumerai comme
Jean-Bart.
A moi la vareuse goudronnée du matelot,
la veste en peau de bête du pirate, la cami-
sole rayée du Maltais ; à moi aussi la veste
bleue aux ancres d'or, la casquette à gour-
mette et la chemise à col rabattu.
Je m'appellerai L'Ecureuil, Fil-de-Fer ou
Grâin-de-Sel, Bouffe-Toujours, Boit-sans-
Eau ou Califourchon.
J'arborerai le pavillon qu'il me plaira ; j'o'
béirai au sifflet du commandement ; je triom-
pherai aux régates et je me griserai dans les
tavernes.
Ohé! du canot, ohé!...
Si le capitaine est vainqueur,
Il pourra dir' ensuit' qu' c'est grâce à son barreur,
Car j' sais border un aviron
Et j* dis aux équipiers, tout comme le patron :
Il ne faut pas qu'un canotier
Canne, canne, canne,
Il ne faut pas qu'un canotier
Canote à moitié.
Le triomphe du canotier, il y a quelques
années, c'étaient les régates d'Asnières.
Aujourd'hui, il descend la Seine jusqu'à
son embouchure, et le Havre lui est .aussi
familier que Saint-Cloud.
Ne me suis-je pas promené sur le lac du
Bourget dans le petit yacht de Gabriel Be-
noît Champy, qui est un grand canotier de-
vant Saint-Ouen ?...
Tout n'est pas matelotte et chansons dans
l'existence des marins de Paris.
Les typhons de Saint-Ouen et le mistral
de Saint-Maur sont à redouter.Souvent le ca-
not chavire et il faut gagner le bord à la
nage. On se défie, on lutte de vitesse, on fait
des tours de force.
Un jour,c'est l'arche d ù Diable que deux em-
barcations rivales franchissent en pirouettant.
Une autre fois, il s'agit de remonter la
Marne, et l'on voit les jouteurs intrépides
courbés sur leurs avirons... "
Les embarcations varient. On trouve sur
la Seine des.yoles, des péniches, des gigs, des
cutters, des lougres et des goélettes. Qui ne
se rappelle la pirogue baleinière le Cachalot ?
Presque toutes ces embarcations peuvent re-"
cevoir des voiles. Un assez grand nombre est
en état de tenir la mer. En sport nautique,
nous arriverons, si cela continue, à rivaliser
avec les Anglais.
Londres, on le sait, compte plusieurs clubs
don t les membres possèdent, indivi duel lement
ou en commun, d'admirables yachts avec les-
quels ils vont croiser dans la Manche et dans
le canal Saint-Georges. Ces hardis gentlemen
découvrent des îles, comme Alexandre Dumas
a découvert la Méditerranée. Ils tirent des
mouettes sur les rochers et boivent du vin
de Champagne sur les écueils.
Ce n'est pas le courage qui manque à nos ca-
notiers pour en faire autant. C'est le temps et
l'argent. Le temps, on finira parle prendre Par"
gent, on le trouvera au moyen de l'association.
Ce sera un grand jour que celui où les flam
bards de la Seine fraterniseront avec ceux de
la Tamise dans quelque cabaret enfumé des
Hébrides ou des Orcades...
Près d'Irma la canotière,
4 Plus d'un étudiant
Songe au plaisir de s'taire,
Tout en soupirant.
Il y a des canotières. On les voit dans les
canots. On les voit aussi à Mabille et à lit
Closerie des Lilas. ■*
Le Paris nouveau a réalisé leur idéal.
Aux buttes Chaumont le bal a lieu sur les
bords du lac dont il a pris le nom : bal dw
lac Saint-Fargeau.
On canote et l'on danse.
Dans l'intervalle des quadrilles on se prtl-
mène dans des avenues'dont l'une s'appelle
« avenue Béranger », et l'autre « avenue
Paul de Kock ». C'est à croire encore à îà
bière de mars, à la grisette, aux mansardes
et aux croquets.
Ohé ! du canot !.".,..
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XCII
92
M. Wasbburne continuait à regarder Mar_
mouset.
— Ali ! dit-il encore, c'est vous qui êtes M.
John Bell ?
— C'est moi.
Et Marmouset retrouva peu à peu son sang-
froid et sa présence d'esprit.
M. Woodmans était fort mal à son aise.
Il connaissait la qualité de M. WasDluirae
et Je pouvoir occulte dont il jouissait.
. \'m: te sumêj'o du H1 juin 1869.
Ce dernier s'adressa alors directement à ]
Marmouset. j
— Vous n'êtes pas venu seul ici? i
— Non certes, dit Marmouset.
— Vous avez amené un fou du nom de
Walter Bruce?
— Oui.
— Et un autre appelé Edouard Cokeries.
— Précisément.
— Où sont-ils ?
M. Woodmans s'empressa de répondre pour
Marmouset :
— Quant à Walter Brute, dit-il, il est ici et
en sûreté.
— Oui, dit M. Wasbhurne. mais l'autre?
— L'autre m'attend à la porte, dit Mar-
mouset.
— Et puis, ajouta M. Wasbhurne, tirant un
carnet de sa poche et le consultant, n'avez-
vous pas aussi un certain sir Arthur?
— Parfaitement. v ;
. — Où est-il ?
— A la porte avec Edward Cokeries.
— Je désirerai* les voir tous les deux.
Marmouset se leva.
— Je vais aller vous les chercher, dit-il.
— Fort bien, reprit M.Wasbhurne, mais je
vais tout de suite vous dire...
Il s'arrêta et regarda une fois encore Mar-
mouset redevenu impassible.
— Eh bien ? fit celui-ci.
— Je dois vous dire que j'ai reçu de Lon-
dres un télégramme.
— Ah !
— Un télégramme vous concernant, vous,
M. John Bell.
— En vérité ! dit Marmouset toujours calme.
— Ce télégramme, poursuivi tM.Wasbhurne,
émane de Scottland Yard, c'est-à-dire de la
police.
- Eh bien!
— Et il me donne l'ordre de vous faire en-
fermer ici, vous, M. John Bell, ainsi que les
personnes de votre, suite.
Marmouset feignit une surprise extrême.
1 Quand à M. Woodmans, il fit un véritable
1 soubresaut sur son siège et s'écria :
— Mais ne vous trompez-vous point, cher
monsieur ?
— Aucunement, dit M. Wasbhurne.
— Songez donc que monsieur est mon col-
lègue ! dit encore M. Woodmans.
— Je le sais. -
— Qu'il est directeur de Bedlam...
— D'accord.
•<
— Qu'enfin, acheva M. WoodmaEs à bout
d'arguments, nous sommes ici dans une mai-
son de fous.
-- Sans doirte.
— Et que me forcer à retenir chez moî moi
collègue-et ami M. Joho Bell, c'est le faire
passer pour fou. Or, vous voyez...
M. Woodmans n'acheva pas; car M. Was-
bhurne tira de sa poche le télégramme et le
lui mit sous les yeux.
Le télégramme, qui portait le timbre de
Scotland Yard, était signé d'un P. R...
C'était la griffe du révérend Patterson,
'Et certes, cette griffe était sans doute bie»
connue de M. 'N oodemans, car il s'inclina avec
un respect rempli .de terreur.
5 cent. le numéro.
. JOURNAL QUOTIDIEN
»
-
5 cent, le numéro.
11. 13'ONNEMEN"I'S. - Troîsmois SI* mois fl« lit
Paris 5 fr. 9 fr. ts fr.
Départements 6 il
Administrateur: BOURDILLIAT. ne
1;1 1 année — MARDI 28 JUIN 1870 — N° 1531
J
Rédacteur en chef: A. DE BAr.A.TrnER..BRAGHI.ONN)J
l .
BUREAUX D'ABONNEMENT: rnonreuot
ADMINISTRA : - 13, quai VoUuiru. ,
PARIS, 27 JUIN 1870
LES CANOTIERS DE LA SEINE
-
Ohé! les c¬icrs! C'est aujourd'hui - 4
Accourez, pais rameurs; parez les awtfns ~ - , -
Laissons se reposer notie misaine blanche, J ■ j;,
Et bravons les autans autant que nous psqgron'is, /
Rivayeurs, chalonpiers,
Et vous tous, équipiers,
Ohé! ohé! ohé!
Oh ! hisse ! oh'! hisse !
Que chaque rame
Fende la lame!
et des quais et des ponts entendez-vous les cris,
Les bravos qui saluent les (lambarts de Paris?
Oui, voilà les plaisirs, le bonheur et les cris
Des vrais flambarts de Paris !
Est-ce pour entendre chanter cette poésie
de M. E. Bourget que M. le prince de Join-
ville demande à rentrer en France ?
Le prince est un canotier de la Seine. Le
canotage, tel qu'il est organisé aujourd'hui,
date du jour où il se promena à Neuilly
dans des baleinières montées par six ou huit
matelots. Les amateurs le regardèrent d'a-
bord passer avec respect, puis ils voulurent
lutter et furent battus par les loups de mer.
La Sorcière des Eaux eut sa saison de
gloire.Ensuite, surgirent les équipes rivales :
VEva, la Velléda, le Sans-Souci.
« Aller vite! — Tel était le problème, —
dit M. Pierre Larousse. - L'Eva faisait ve-
nir à grands frais d'Angleterre des embar-
cations nouvelles. A peinè étaient-elles arri-
vées que le constructeur Philippe copiait
leurs fonds, leurs gabarits, leur ligne d'eau,
et, quinze jours après, naviguaient les re-
productions exactes de ces embarcations,
augmentées de tout ce que son esprit en
éveil avait cru devoir y apporter de modifi-
■ cations. Et la lutte continuait sans avantages
décisifs de part ni d'autre, chacun cherchant
toujours à réunir au plus haut degré les
conditions de légèreté et de solidité; car,
pour les embarcations de course, comme
pour les chevaux, il ne faut pas de poids inu-
tile. Aux chevaux de course, on demande
des os, des nerfs, du sang; aux embarca-
tions, il faut de la solidité, de la finesse, de
! la légèreté. Le sang, c'est l'équipe qui le
fournira... »
Il était un canot, le plus beau des canots !
JU n'avait qu'un défaut, c'était d'aller, au fond d'l'eau.
X La itou tra la la la. la la t
La ito(i tra la la!...
: CÀ>rès la chanson de M. E. Bourget, le
va:upeville de MM. Adolphe DupeuLy et
ïtepri Thiéry.
yLe canotage et les lettres ont toujours fra-
ernisé. Le canotage a èu pour parrain
Théophile Gautier, Alphonse Karr, Léon
Gatayes. Théophile Gautier fit une fois un
voyage au long cours du quai d'Orsay au
Havre et du Havre au quai d'Orsay. Au re-
tour, il était décidé à régler ses affaires et à
vivre désormais en canot.
t( Avec le canotage, le Parisien se crée un
plaisir d'un caractère tout idyllique. Il as-
siste au déroulement lent et poétique des
paysages qui bordent le fleuve. Il aborde
sous le saule des petites îles. Dans les eaux
qu'il fréquente -habituellement, Charenton,
Saint-Maur-sur-Marne, Saint-Cloud, Cour-
bevoie, Asnière§, Bezons, etc., il y a des
' parages charmants, des pertuis profonds
et ombrageux où tout est silence et recueil-
lement. Les escales de sa navigation sont
généralement la tonnelle d'une guinguette
ou la salle solitaire d'un cabaret en renom
pour ses fritures et ses mateloltes, son vin
| blanc ou son omelette au lard. Les uns re-
montent fièrement le courant ; les|autres
suivent le fil de l'eau. Si le vent est con-
traire, ils louvoient et passent avec la rapi-
dité de la flèche d'une rive à l'autre. »
Moi, je nage,
J'aime à nager avec rage. 4 1
, Moi je nage
Sur l'eau,
Comme un cachalot.
C'est un Parisien qui chante. Les Pari-
siens sont tous marins ou soldats. N'ont-ils
pas une nef dans les armes parlantes de leur
ville? Quand les Normands, un peu après
Charlemagne, remontèrent la Seine et vin-
rent piller Paris dans leurs pirogues, ils
aperçurent, dit la légende, une nuée de pe-
tits bateaux qui fuyaient devant eux.
Peut-être, cependant, serait-il hasardé de
fai$e remonter au neuvième siècle le canotage
tel qu'on le comprend du pont de Bercy au
pont de Chatou.
Avocat, médecin, journaliste, clerc, em-
ployé ou calicot, le canotier est en général un
esprit indépendant, ravi de quitter, une fois
par semaine, le paletot de l'esclavage pour
la vareuse de la liberté.
Plus de Palais, de cabinet, de bureau, d'é-
tude et de magasin, — mais les brumes de la
Seine.
Pour me délasser, je ramerai comme on
ramait sur les galères du roi.
Pour me rafraîchir, je fumerai comme
Jean-Bart.
A moi la vareuse goudronnée du matelot,
la veste en peau de bête du pirate, la cami-
sole rayée du Maltais ; à moi aussi la veste
bleue aux ancres d'or, la casquette à gour-
mette et la chemise à col rabattu.
Je m'appellerai L'Ecureuil, Fil-de-Fer ou
Grâin-de-Sel, Bouffe-Toujours, Boit-sans-
Eau ou Califourchon.
J'arborerai le pavillon qu'il me plaira ; j'o'
béirai au sifflet du commandement ; je triom-
pherai aux régates et je me griserai dans les
tavernes.
Ohé! du canot, ohé!...
Si le capitaine est vainqueur,
Il pourra dir' ensuit' qu' c'est grâce à son barreur,
Car j' sais border un aviron
Et j* dis aux équipiers, tout comme le patron :
Il ne faut pas qu'un canotier
Canne, canne, canne,
Il ne faut pas qu'un canotier
Canote à moitié.
Le triomphe du canotier, il y a quelques
années, c'étaient les régates d'Asnières.
Aujourd'hui, il descend la Seine jusqu'à
son embouchure, et le Havre lui est .aussi
familier que Saint-Cloud.
Ne me suis-je pas promené sur le lac du
Bourget dans le petit yacht de Gabriel Be-
noît Champy, qui est un grand canotier de-
vant Saint-Ouen ?...
Tout n'est pas matelotte et chansons dans
l'existence des marins de Paris.
Les typhons de Saint-Ouen et le mistral
de Saint-Maur sont à redouter.Souvent le ca-
not chavire et il faut gagner le bord à la
nage. On se défie, on lutte de vitesse, on fait
des tours de force.
Un jour,c'est l'arche d ù Diable que deux em-
barcations rivales franchissent en pirouettant.
Une autre fois, il s'agit de remonter la
Marne, et l'on voit les jouteurs intrépides
courbés sur leurs avirons... "
Les embarcations varient. On trouve sur
la Seine des.yoles, des péniches, des gigs, des
cutters, des lougres et des goélettes. Qui ne
se rappelle la pirogue baleinière le Cachalot ?
Presque toutes ces embarcations peuvent re-"
cevoir des voiles. Un assez grand nombre est
en état de tenir la mer. En sport nautique,
nous arriverons, si cela continue, à rivaliser
avec les Anglais.
Londres, on le sait, compte plusieurs clubs
don t les membres possèdent, indivi duel lement
ou en commun, d'admirables yachts avec les-
quels ils vont croiser dans la Manche et dans
le canal Saint-Georges. Ces hardis gentlemen
découvrent des îles, comme Alexandre Dumas
a découvert la Méditerranée. Ils tirent des
mouettes sur les rochers et boivent du vin
de Champagne sur les écueils.
Ce n'est pas le courage qui manque à nos ca-
notiers pour en faire autant. C'est le temps et
l'argent. Le temps, on finira parle prendre Par"
gent, on le trouvera au moyen de l'association.
Ce sera un grand jour que celui où les flam
bards de la Seine fraterniseront avec ceux de
la Tamise dans quelque cabaret enfumé des
Hébrides ou des Orcades...
Près d'Irma la canotière,
4 Plus d'un étudiant
Songe au plaisir de s'taire,
Tout en soupirant.
Il y a des canotières. On les voit dans les
canots. On les voit aussi à Mabille et à lit
Closerie des Lilas. ■*
Le Paris nouveau a réalisé leur idéal.
Aux buttes Chaumont le bal a lieu sur les
bords du lac dont il a pris le nom : bal dw
lac Saint-Fargeau.
On canote et l'on danse.
Dans l'intervalle des quadrilles on se prtl-
mène dans des avenues'dont l'une s'appelle
« avenue Béranger », et l'autre « avenue
Paul de Kock ». C'est à croire encore à îà
bière de mars, à la grisette, aux mansardes
et aux croquets.
Ohé ! du canot !.".,..
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XCII
92
M. Wasbburne continuait à regarder Mar_
mouset.
— Ali ! dit-il encore, c'est vous qui êtes M.
John Bell ?
— C'est moi.
Et Marmouset retrouva peu à peu son sang-
froid et sa présence d'esprit.
M. Woodmans était fort mal à son aise.
Il connaissait la qualité de M. WasDluirae
et Je pouvoir occulte dont il jouissait.
. \'m: te sumêj'o du H1 juin 1869.
Ce dernier s'adressa alors directement à ]
Marmouset. j
— Vous n'êtes pas venu seul ici? i
— Non certes, dit Marmouset.
— Vous avez amené un fou du nom de
Walter Bruce?
— Oui.
— Et un autre appelé Edouard Cokeries.
— Précisément.
— Où sont-ils ?
M. Woodmans s'empressa de répondre pour
Marmouset :
— Quant à Walter Brute, dit-il, il est ici et
en sûreté.
— Oui, dit M. Wasbhurne. mais l'autre?
— L'autre m'attend à la porte, dit Mar-
mouset.
— Et puis, ajouta M. Wasbhurne, tirant un
carnet de sa poche et le consultant, n'avez-
vous pas aussi un certain sir Arthur?
— Parfaitement. v ;
. — Où est-il ?
— A la porte avec Edward Cokeries.
— Je désirerai* les voir tous les deux.
Marmouset se leva.
— Je vais aller vous les chercher, dit-il.
— Fort bien, reprit M.Wasbhurne, mais je
vais tout de suite vous dire...
Il s'arrêta et regarda une fois encore Mar-
mouset redevenu impassible.
— Eh bien ? fit celui-ci.
— Je dois vous dire que j'ai reçu de Lon-
dres un télégramme.
— Ah !
— Un télégramme vous concernant, vous,
M. John Bell.
— En vérité ! dit Marmouset toujours calme.
— Ce télégramme, poursuivi tM.Wasbhurne,
émane de Scottland Yard, c'est-à-dire de la
police.
- Eh bien!
— Et il me donne l'ordre de vous faire en-
fermer ici, vous, M. John Bell, ainsi que les
personnes de votre, suite.
Marmouset feignit une surprise extrême.
1 Quand à M. Woodmans, il fit un véritable
1 soubresaut sur son siège et s'écria :
— Mais ne vous trompez-vous point, cher
monsieur ?
— Aucunement, dit M. Wasbhurne.
— Songez donc que monsieur est mon col-
lègue ! dit encore M. Woodmans.
— Je le sais. -
— Qu'il est directeur de Bedlam...
— D'accord.
•<
— Qu'enfin, acheva M. WoodmaEs à bout
d'arguments, nous sommes ici dans une mai-
son de fous.
-- Sans doirte.
— Et que me forcer à retenir chez moî moi
collègue-et ami M. Joho Bell, c'est le faire
passer pour fou. Or, vous voyez...
M. Woodmans n'acheva pas; car M. Was-
bhurne tira de sa poche le télégramme et le
lui mit sous les yeux.
Le télégramme, qui portait le timbre de
Scotland Yard, était signé d'un P. R...
C'était la griffe du révérend Patterson,
'Et certes, cette griffe était sans doute bie»
connue de M. 'N oodemans, car il s'inclina avec
un respect rempli .de terreur.
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