Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-06-07
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 juin 1870 07 juin 1870
Description : 1870/06/07 (A5,N1510). 1870/06/07 (A5,N1510).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169385
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE ESSE
5 cent. le numéro.. - journal ouotidié* $ rj \ 5 cent. le numéro.
v—y
'ABONNEMENTS. - Trois ™o(!r Six mots Fn an I
Paris & 0 t8 fr. ]
Départements 6
Administrateur: DOURDILLIAT. 20
. üffie année — MARDI 7 JUIN 1870 — N° 1310
Rédacteur en chef: A. DE BAr.ATiiiTia-BR.A.GtSLOMîf»
BUREAUX D'ABONNEMENT: SRAOLÏRAITAT
ADMINISTRATION: 13, 'Illél.i Vottaira.
PARIS, 6 JUIN 1870
MORT
DE
MADEMOISELLE DE LA VALLIÈRE
(6 juin 1710.)
% & * fc. ^
« Elle aima le roi, et non wraj-iute, c% ,
elle n'aima jamais que lui. »
' Ce mot d'une contemporaine, OTIWBIHIW^
Caylus, explique la popularité légendaire de
. première maîtresse de Louis XIV.
En effet, parmi la foule des drôlesses ti-
trées qui ont tour à tour abusé de la faveur
loyale pour faire leurs orgies en France,
S'enrichir, enrichir leur famille, tout com-
promeLLre et tout brouiller, Mlle de La Val-
lière se'détache comme un figure relative-
ment pure. Elle a souffert de sa faute, elle
l'a expiée; elle n'a jamais essayé de régner,
de gouverner, de tripoter, comme l'ont fait
les autres. -
SQ. liaison avec Louis XIV fut celle d'une
jeune fille avec un jeune homme, du moins
au début. Il y a de la poésie dang son en-
fance passée dans une gentilhommière des en-
virons d'Amboise, dans ses promenades à
travers la campagne, dans ses stations au-
près de la chute d'un moulin que les voya-
geurs en Touraine vissent encore.
Lorsqu'elle arriva à la cour, comme dame
d'honneur de Mme Henriette d'Angleterre,
telle-sœur du roi, c'était une pauvre fille
sans dot, presque orpheline, puisque sa mère
s'était remariée, timide parce qu'elle se sen-
tait sans appui et qu'elle boitait-un peu.
Les cont.emporains, enthousiastes par
flatterie, ont laissé d'elle d'adorables por-
traits de blonde aux yeux bleus, à la taille
flexible, blanchecomme!cs lis,l'air desstatues
grecques «qui satisfont l'idéat sans soulever
.les basses passions. » Son infirmité même
était devenue une grâce, et l'on répondait à
une jeune fille qui s'informait des façons de
plaire :
Soyez boiteuse, ayez quinze ans.
La vérité, je crois, se trouve dans un por-
trait de la galerie de Versailles, décrit avec
infiniment de justesse par l'historien le plus
considérable de Mme de La Vallière, M.
l'abbé H. Duclos.
D'après ce por).rait, elle avait les yeux
saillants, fendus en amande, brunâtres, avec
des cils et des sourcils blonds; ses cheveux
étaient abondants, ses sourcils élevés, com-
me dans les natures passives...
Je cite :
^ «Un beau menton, un peu fort; le nez,
^Voit, un peu fort aussi; la bouche légère-
jèpjt épaisse; les traits sont réguliers et un
pËmmous; la psau blanche; la chair un peu
gme des tempéraments lymphatiques; une
fenjfiresse calme sans grande chaleur; -rien
éroïque, ni même de profondément sen-
sible; de l'imagination peut-être, mais sans
activité ; de la noblesse dans un grand .air
de douceur; être inoffensif et particulière-
ment doux; femme d'inlérieur qui aurait
mieux vécu dans la monotonie d'une exis-
tence ordinaire que dans les hasards de la
vie. »
Cette petite bourgeoise tranquille avait
dix-sept ans, lorsque le roi conçut pour elle
la passion qui devait, pendant dix ans, deve-
nir l'événement de la cour et de la vi!le.
Les versions varient sur leur première ren-
contre.
Suivant l'une, Louis XIV, se promenant
dans le parc de Fontainebleau, entendit der-
rière une charmille trois jeunes filles qui
parlaient des seigneurs de la cour. Il se ca-
cha pour les écouter, et fut encha'nté lorsque
l'une d'elles s'écria naïvement que le roi
effaçait tous les autres par son air, mais que
la couronne le gâtait puisqu'on ne pouvait
l'aimer.
Suivant un autre récit, une pluie d'orage
surprit la Cour dans les bosquets de Vin-
cennes; les promeneurs étaient épars; le roi
rencontra par hasard Mlle de La Vallière,
et lui offrit sa protection.
La troisième version paraît la plus natu-
relle. Louis sortait de chez sa belle-sœur,
dont il était amoureux; il se plaignit tout
haut de l'état de sa santé; Mlle de La Val-
lière, qui se trouvait là en sa qualilé de
dame .d'honneur de la duchesse, montra
tant d'émotion qu'il lui dit : — « Que vous
êtes bonne, mademoiselle ! » Elle- rougit,
pâlit, demeura muette. Lui, la regarda lon-
guement, et oublia son ancien amour pour
le nouveau.
Quoi qu'il en soit, pendant deux ou trois
ans, la provinciale boiteuse et rougissante
fut l'objet caché de tous les empressements
du roi et de toutes les fêtes de la cour. Elle
résista longtemps ; elle s'enfuit aux Béné-
dictines de Saint-Cloud. Louis alla en per-
sonne se la faire rendre, disant qu'au besoin
il brûlerait le couvent.
Une seconde fois, elle se retira aux Filles
de Sainte-Marie de Chaillot. Lauzun alla ly
chercher par ordre du maître; à la tête de
ses gardes. Comment lutter contre une pas-
sion qui se traduisait par de telles vioknccs?
Mlle de La Vallière n'était-elle pas heu-
reuse, du reste, d'être forcée? Elle revint à
la cour, et bientôt sa liaison avec le roi fut !
connue de tous.
Louis XIV, absolu dans sa vie privée
comme dans sa vie publique, toujours prêt
à diviniser sa fantaisie, convaincu — avec
une solennité qui a pu faire croire à sa sot-
tise — qu'il n'y avait pour le roi ni lois, ni
règles, légitima les enfants qu'il eut de sa
maîtresse, avec le sans-façon le plus inso-
lent.
La reine pleura, mais les grands sei-
gneurs approuvèrent et les évêques se tu-
l'en t.
Deux des quatre enfants de Mlle de La
Vallière seulement vécurent : le comte de
Vermandois, qui fut tué plus tard à Cour-
tray, et Mlle de Blois, qui épousa le prince
de Conti.
Peu à peu, Mlle de La Vallière cessa
d'être la douce créature des premiers jours.
Créée duchesse, reine de fait, si elle resta
à l'écart du gouvernement, du moins voulut-
elle être la première à la cour et à la ville,
De là, une lutte intime, sourde, prolon-
gée entre elle et la reine Marie-Thérèse
d'Autriche.
M. l'abbé Duclos, dans le livre que j'ai
déjà cité, raconte heure par heure cette
guerre de femmes, dont Mme de Mont-
pensier avait parlé avant lui.
Il faut lire, dans les Mémoires de cette
dernière, les épisodes de la campagne de
Flandre, où la reine et la duchesse, en car-
rosse, suivaient l'armée pour rencontrer le
roi. Une page seulement „
« ...La reine alla à la messe à une tri-
bune (après l'arrivée de Mile de La Valliè-
re) ; la duchesse de La Vallière descendit en
bas, et la reine fit fermer la porte de crainte
i qu'elle ne remontât. Quelque précaution
in'elle pût prendre, elle se présenta dcva:.t
'Ife comme nous allions mon'er en carrosse;
a reine ne lui dit rien. A la dînée, elle dé-
fendit de lui porter à manger. Villacerf ne
.aissa pas de lui en faire donner. Tout l'en-
tretien du carrosse ne fut que sur elle ;
Mme de Montespan disait qu'elle admirait
sa hardiesse de s'oser présenter devant la
reine ; elle disait :« — Il est certain que le roi
ne lui a pas mandé de venir ; et, lorsqu'elle
est partie, il faut qu'elle n'ait compté peur
rien le déplaisir qu'elle lui ferait, ni les du-
retés qu'elle devait concevoir qu'elle rece-
vrait de la reino. )' Mme de Montausier et
Mme. .de Bade enchérirent par-dessus toutes
ces doléances; Mme de IVlonféspan, l'une
des-plus scandalisées, reprit et d'à :« — Dieu
me garde d'être la maîtresse du roi ! Si je-
tais assez malheureuse pour cela, je n'aurais
jamais l'effronterie de me présenter devant
la reine. » Ce n'était que pleurs, que plain-
tes ; Mme de La Vallière ne parut pas le
soir il Guise, et la reine défendit à tous les
officiers des troupes de son escorte de laisser
parlir le lendemain qui que ce soit devant
elle, afin que la duchesse ne pül approcher
du roi avant qu'elle l'eût vu. Quand Mme
de La Vallière fut sur une hauteur d'où
elle voyait l'armée, elle comprit que le roi
y devait être ; elle fit aller son carrosse à
travers champs à toute bride. La reine la
vit; elle fut tentée de l'envoyer arrêter
et se mit dans une effroyable colère. 1 out
le monde la supplia de ne le vouloir
point faire, qu'elle dirait elle-même au roi
de quelle façon elle en avait usÓ. Lors-
que le roi fut arrivé au carrosse de la reine,
elle le pressa extrêmement d'y monter; il ne
le voulut pas, disant qu'il était crotté.
Après qu'on Lut mis pied à terre, le roi fut
un mompnt avec, la reine, et s'en alla aussi-
tôt chez Mlle de La Vallière, qui ne se*
montra pas ce soir-là. Le lendemain, elle
vint à la messe dans le carrosse de la reine. »
Mme de Montespan, si sévère pour M'h de
La Vallière, la remplaça bientôt dans la
cceur du roi.
D'abord sa rivale cachée, elle vécut auprès
d'eHe; puis on se fit une guerre ouverte.
Mlle de La Vallière, par amour, par or-
gueil, ne voulait pas céder. Elle supportait
tout, sachant que tant qu'elle serait là elle
garderait la première place.
1 L'heure vint cependant où il fallut partir.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉFISODE)
LA CORDE DU PENDU
71
LXXI
Milon avait laissé retomber ses lunettes sur
'pou nez.
— Voilà le Vall Mail Gazette, dit-il.
Puis, regardant l'horloge qui se trouvait
'. dans la gare :
— Il y a encore vingt minutes avant le dé-
part, ajouta-t-il.
— C'est vrai, dit Marmouset.
i- Et nous avons le temps de causer.
Joir le numéro du 12 juio.
— Causons, fit Marmouset.
— Tu penses bien, reprit Milon, qua le
maitre n'a pas écrit une lettre.
— Commentj dans le.numéro du journal
que tu me donnes, il n'y a pas une lettre?
— Non.
— Mais alors... ces instructions...?
— Tu les trouveras dans le journal.
— Comment cela? .
— Tu trouveras de page en page un mot,
une ligne, une lettre qui sont pointés au
crayon bleu.
— Ah ! fort bien.
— Tu les assembleras et tu sauras ce que
tu as à faire.
— Je comprends.
— Mais comme nous avons le temps, pour-
suivi Milon, je puis te le dire tout de suite.
— Aht
— Tu seras demain matin à Liverpool.
— Fort bien.
—Le premier steamer qui chauffera pour Du-
blin se nomme la Crimée, le capitaine" est de
nos amis.
— Ah ! vraiment? Mais nous nous embar-
querons donc?
— Sans doute.
— Et nous irons en Irlande?
— Pas tout à fait.
Marmouset ouvrit de grands yeux.
1 — Du moment où nous nous embarquons,
dit-il, je ne voi* pas où nous nous arrê-
terions en chemin, à moins qu'on ne ,mette
à présent pied à terre en pleine mer.
— C'est que tu ne sais pas h géographie.
— Plaît-il ?
— Ce qui ne fait pas honneur à l'éducation
brillante que le maître et moi nous t'avons
donnée, dit Milon, qui s'était repris à tutoyer
Marmouset.
— Ah ! c'est juste, fit celui-ci, j'oubliais l'île
&0 Man.
— Sans doute, et tous les steamers touchent
au port de Douglas.
— Alors, nous irons jusqu'à l'île de Man ?
- Oui.
— Et là, que ferons-nous ?
t — Ah 1 dit Milon, je ne vais pas avoir le
temps ' de'tout te dire, caf voici M. John Bell
qui s'approche.
— Diable !
— Qu'il te suffise de savoir qu'il y a une
somnambule à l'île de Man. «
— Et nous irons la consulter?
—Ou!, et elle vous dira où se trouve le tré-
sor que cherche M. John Bell.
— Mais puisque nous ne devons pas aile? •
jusqu'en Irlande...
— Chut! le Pall Mail Gazette t'apprendra le
reste. Voicl M. John Bell.
En effet, le directeur de Bedlam, qui trépi-
gnait d'impatience, venait droit 'à sir Ar-
thur.
Sir Arthur posa un shelllng sur la table du
prétendu libraire.
Milon lui rendit six pence et lui dit en
pur anglais :
— Bon voyage, gentleman.
Marmouset fourra le journal dans sa pocha
et rejoignit M. John Bell.
Celui-ci lui dit :
— Le -cabman avait raisont Nous sommtl
5 cent. le numéro.. - journal ouotidié* $ rj \ 5 cent. le numéro.
v—y
'ABONNEMENTS. - Trois ™o(!r Six mots Fn an I
Paris & 0 t8 fr. ]
Départements 6
Administrateur: DOURDILLIAT. 20
. üffie année — MARDI 7 JUIN 1870 — N° 1310
Rédacteur en chef: A. DE BAr.ATiiiTia-BR.A.GtSLOMîf»
BUREAUX D'ABONNEMENT: SRAOLÏRAITAT
ADMINISTRATION: 13, 'Illél.i Vottaira.
PARIS, 6 JUIN 1870
MORT
DE
MADEMOISELLE DE LA VALLIÈRE
(6 juin 1710.)
% & * fc. ^
« Elle aima le roi, et non wraj-iute, c% ,
elle n'aima jamais que lui. »
' Ce mot d'une contemporaine, OTIWBIHIW^
Caylus, explique la popularité légendaire de
. première maîtresse de Louis XIV.
En effet, parmi la foule des drôlesses ti-
trées qui ont tour à tour abusé de la faveur
loyale pour faire leurs orgies en France,
S'enrichir, enrichir leur famille, tout com-
promeLLre et tout brouiller, Mlle de La Val-
lière se'détache comme un figure relative-
ment pure. Elle a souffert de sa faute, elle
l'a expiée; elle n'a jamais essayé de régner,
de gouverner, de tripoter, comme l'ont fait
les autres. -
SQ. liaison avec Louis XIV fut celle d'une
jeune fille avec un jeune homme, du moins
au début. Il y a de la poésie dang son en-
fance passée dans une gentilhommière des en-
virons d'Amboise, dans ses promenades à
travers la campagne, dans ses stations au-
près de la chute d'un moulin que les voya-
geurs en Touraine vissent encore.
Lorsqu'elle arriva à la cour, comme dame
d'honneur de Mme Henriette d'Angleterre,
telle-sœur du roi, c'était une pauvre fille
sans dot, presque orpheline, puisque sa mère
s'était remariée, timide parce qu'elle se sen-
tait sans appui et qu'elle boitait-un peu.
Les cont.emporains, enthousiastes par
flatterie, ont laissé d'elle d'adorables por-
traits de blonde aux yeux bleus, à la taille
flexible, blanchecomme!cs lis,l'air desstatues
grecques «qui satisfont l'idéat sans soulever
.les basses passions. » Son infirmité même
était devenue une grâce, et l'on répondait à
une jeune fille qui s'informait des façons de
plaire :
Soyez boiteuse, ayez quinze ans.
La vérité, je crois, se trouve dans un por-
trait de la galerie de Versailles, décrit avec
infiniment de justesse par l'historien le plus
considérable de Mme de La Vallière, M.
l'abbé H. Duclos.
D'après ce por).rait, elle avait les yeux
saillants, fendus en amande, brunâtres, avec
des cils et des sourcils blonds; ses cheveux
étaient abondants, ses sourcils élevés, com-
me dans les natures passives...
Je cite :
^ «Un beau menton, un peu fort; le nez,
^Voit, un peu fort aussi; la bouche légère-
jèpjt épaisse; les traits sont réguliers et un
pËmmous; la psau blanche; la chair un peu
gme des tempéraments lymphatiques; une
fenjfiresse calme sans grande chaleur; -rien
éroïque, ni même de profondément sen-
sible; de l'imagination peut-être, mais sans
activité ; de la noblesse dans un grand .air
de douceur; être inoffensif et particulière-
ment doux; femme d'inlérieur qui aurait
mieux vécu dans la monotonie d'une exis-
tence ordinaire que dans les hasards de la
vie. »
Cette petite bourgeoise tranquille avait
dix-sept ans, lorsque le roi conçut pour elle
la passion qui devait, pendant dix ans, deve-
nir l'événement de la cour et de la vi!le.
Les versions varient sur leur première ren-
contre.
Suivant l'une, Louis XIV, se promenant
dans le parc de Fontainebleau, entendit der-
rière une charmille trois jeunes filles qui
parlaient des seigneurs de la cour. Il se ca-
cha pour les écouter, et fut encha'nté lorsque
l'une d'elles s'écria naïvement que le roi
effaçait tous les autres par son air, mais que
la couronne le gâtait puisqu'on ne pouvait
l'aimer.
Suivant un autre récit, une pluie d'orage
surprit la Cour dans les bosquets de Vin-
cennes; les promeneurs étaient épars; le roi
rencontra par hasard Mlle de La Vallière,
et lui offrit sa protection.
La troisième version paraît la plus natu-
relle. Louis sortait de chez sa belle-sœur,
dont il était amoureux; il se plaignit tout
haut de l'état de sa santé; Mlle de La Val-
lière, qui se trouvait là en sa qualilé de
dame .d'honneur de la duchesse, montra
tant d'émotion qu'il lui dit : — « Que vous
êtes bonne, mademoiselle ! » Elle- rougit,
pâlit, demeura muette. Lui, la regarda lon-
guement, et oublia son ancien amour pour
le nouveau.
Quoi qu'il en soit, pendant deux ou trois
ans, la provinciale boiteuse et rougissante
fut l'objet caché de tous les empressements
du roi et de toutes les fêtes de la cour. Elle
résista longtemps ; elle s'enfuit aux Béné-
dictines de Saint-Cloud. Louis alla en per-
sonne se la faire rendre, disant qu'au besoin
il brûlerait le couvent.
Une seconde fois, elle se retira aux Filles
de Sainte-Marie de Chaillot. Lauzun alla ly
chercher par ordre du maître; à la tête de
ses gardes. Comment lutter contre une pas-
sion qui se traduisait par de telles vioknccs?
Mlle de La Vallière n'était-elle pas heu-
reuse, du reste, d'être forcée? Elle revint à
la cour, et bientôt sa liaison avec le roi fut !
connue de tous.
Louis XIV, absolu dans sa vie privée
comme dans sa vie publique, toujours prêt
à diviniser sa fantaisie, convaincu — avec
une solennité qui a pu faire croire à sa sot-
tise — qu'il n'y avait pour le roi ni lois, ni
règles, légitima les enfants qu'il eut de sa
maîtresse, avec le sans-façon le plus inso-
lent.
La reine pleura, mais les grands sei-
gneurs approuvèrent et les évêques se tu-
l'en t.
Deux des quatre enfants de Mlle de La
Vallière seulement vécurent : le comte de
Vermandois, qui fut tué plus tard à Cour-
tray, et Mlle de Blois, qui épousa le prince
de Conti.
Peu à peu, Mlle de La Vallière cessa
d'être la douce créature des premiers jours.
Créée duchesse, reine de fait, si elle resta
à l'écart du gouvernement, du moins voulut-
elle être la première à la cour et à la ville,
De là, une lutte intime, sourde, prolon-
gée entre elle et la reine Marie-Thérèse
d'Autriche.
M. l'abbé Duclos, dans le livre que j'ai
déjà cité, raconte heure par heure cette
guerre de femmes, dont Mme de Mont-
pensier avait parlé avant lui.
Il faut lire, dans les Mémoires de cette
dernière, les épisodes de la campagne de
Flandre, où la reine et la duchesse, en car-
rosse, suivaient l'armée pour rencontrer le
roi. Une page seulement „
« ...La reine alla à la messe à une tri-
bune (après l'arrivée de Mile de La Valliè-
re) ; la duchesse de La Vallière descendit en
bas, et la reine fit fermer la porte de crainte
i qu'elle ne remontât. Quelque précaution
in'elle pût prendre, elle se présenta dcva:.t
'Ife comme nous allions mon'er en carrosse;
a reine ne lui dit rien. A la dînée, elle dé-
fendit de lui porter à manger. Villacerf ne
.aissa pas de lui en faire donner. Tout l'en-
tretien du carrosse ne fut que sur elle ;
Mme de Montespan disait qu'elle admirait
sa hardiesse de s'oser présenter devant la
reine ; elle disait :« — Il est certain que le roi
ne lui a pas mandé de venir ; et, lorsqu'elle
est partie, il faut qu'elle n'ait compté peur
rien le déplaisir qu'elle lui ferait, ni les du-
retés qu'elle devait concevoir qu'elle rece-
vrait de la reino. )' Mme de Montausier et
Mme. .de Bade enchérirent par-dessus toutes
ces doléances; Mme de IVlonféspan, l'une
des-plus scandalisées, reprit et d'à :« — Dieu
me garde d'être la maîtresse du roi ! Si je-
tais assez malheureuse pour cela, je n'aurais
jamais l'effronterie de me présenter devant
la reine. » Ce n'était que pleurs, que plain-
tes ; Mme de La Vallière ne parut pas le
soir il Guise, et la reine défendit à tous les
officiers des troupes de son escorte de laisser
parlir le lendemain qui que ce soit devant
elle, afin que la duchesse ne pül approcher
du roi avant qu'elle l'eût vu. Quand Mme
de La Vallière fut sur une hauteur d'où
elle voyait l'armée, elle comprit que le roi
y devait être ; elle fit aller son carrosse à
travers champs à toute bride. La reine la
vit; elle fut tentée de l'envoyer arrêter
et se mit dans une effroyable colère. 1 out
le monde la supplia de ne le vouloir
point faire, qu'elle dirait elle-même au roi
de quelle façon elle en avait usÓ. Lors-
que le roi fut arrivé au carrosse de la reine,
elle le pressa extrêmement d'y monter; il ne
le voulut pas, disant qu'il était crotté.
Après qu'on Lut mis pied à terre, le roi fut
un mompnt avec, la reine, et s'en alla aussi-
tôt chez Mlle de La Vallière, qui ne se*
montra pas ce soir-là. Le lendemain, elle
vint à la messe dans le carrosse de la reine. »
Mme de Montespan, si sévère pour M'h de
La Vallière, la remplaça bientôt dans la
cceur du roi.
D'abord sa rivale cachée, elle vécut auprès
d'eHe; puis on se fit une guerre ouverte.
Mlle de La Vallière, par amour, par or-
gueil, ne voulait pas céder. Elle supportait
tout, sachant que tant qu'elle serait là elle
garderait la première place.
1 L'heure vint cependant où il fallut partir.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉFISODE)
LA CORDE DU PENDU
71
LXXI
Milon avait laissé retomber ses lunettes sur
'pou nez.
— Voilà le Vall Mail Gazette, dit-il.
Puis, regardant l'horloge qui se trouvait
'. dans la gare :
— Il y a encore vingt minutes avant le dé-
part, ajouta-t-il.
— C'est vrai, dit Marmouset.
i- Et nous avons le temps de causer.
Joir le numéro du 12 juio.
— Causons, fit Marmouset.
— Tu penses bien, reprit Milon, qua le
maitre n'a pas écrit une lettre.
— Commentj dans le.numéro du journal
que tu me donnes, il n'y a pas une lettre?
— Non.
— Mais alors... ces instructions...?
— Tu les trouveras dans le journal.
— Comment cela? .
— Tu trouveras de page en page un mot,
une ligne, une lettre qui sont pointés au
crayon bleu.
— Ah ! fort bien.
— Tu les assembleras et tu sauras ce que
tu as à faire.
— Je comprends.
— Mais comme nous avons le temps, pour-
suivi Milon, je puis te le dire tout de suite.
— Aht
— Tu seras demain matin à Liverpool.
— Fort bien.
—Le premier steamer qui chauffera pour Du-
blin se nomme la Crimée, le capitaine" est de
nos amis.
— Ah ! vraiment? Mais nous nous embar-
querons donc?
— Sans doute.
— Et nous irons en Irlande?
— Pas tout à fait.
Marmouset ouvrit de grands yeux.
1 — Du moment où nous nous embarquons,
dit-il, je ne voi* pas où nous nous arrê-
terions en chemin, à moins qu'on ne ,mette
à présent pied à terre en pleine mer.
— C'est que tu ne sais pas h géographie.
— Plaît-il ?
— Ce qui ne fait pas honneur à l'éducation
brillante que le maître et moi nous t'avons
donnée, dit Milon, qui s'était repris à tutoyer
Marmouset.
— Ah ! c'est juste, fit celui-ci, j'oubliais l'île
&0 Man.
— Sans doute, et tous les steamers touchent
au port de Douglas.
— Alors, nous irons jusqu'à l'île de Man ?
- Oui.
— Et là, que ferons-nous ?
t — Ah 1 dit Milon, je ne vais pas avoir le
temps ' de'tout te dire, caf voici M. John Bell
qui s'approche.
— Diable !
— Qu'il te suffise de savoir qu'il y a une
somnambule à l'île de Man. «
— Et nous irons la consulter?
—Ou!, et elle vous dira où se trouve le tré-
sor que cherche M. John Bell.
— Mais puisque nous ne devons pas aile? •
jusqu'en Irlande...
— Chut! le Pall Mail Gazette t'apprendra le
reste. Voicl M. John Bell.
En effet, le directeur de Bedlam, qui trépi-
gnait d'impatience, venait droit 'à sir Ar-
thur.
Sir Arthur posa un shelllng sur la table du
prétendu libraire.
Milon lui rendit six pence et lui dit en
pur anglais :
— Bon voyage, gentleman.
Marmouset fourra le journal dans sa pocha
et rejoignit M. John Bell.
Celui-ci lui dit :
— Le -cabman avait raisont Nous sommtl
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