Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-17
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 mai 1870 17 mai 1870
Description : 1870/05/17 (A5,N1489). 1870/05/17 (A5,N1489).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169170
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.
iSPHNEMENTS. — 'TrOigrOic Six nids Un un
Paris........ Ii fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11
Administrateur: BOURDILLIAT. ne
1
t
B" année — MARDI 17 MAI 1870, — N" 1489
Rédacteur en chef : A. DE BALATIIrEP...BRAGE.LONNR
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, 118aeDrouot
1 ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 16 MAI 1870
LES COURSES DE LONGCHAMP
LES JOCKEYS
Hurrah! hurrah! hurrah! I ^ ■
La course est terminée. V ";?
Le poteau porte le numéro du
C'est Gladiateur ou Rochefort. ^s«L.. J _
Précédé et suivi par les boxeurs aux ja-
quettes quadrillées, aux cravates rouges ou
bleues, aux chapeaux bleus ou blancs, le
cheval glorieux revient au pas à travers la
foule qui l'acclame.
Bien assis sur sa selle, les reins en avant,
un petit homme en veste de soie caresse de
la main la crinière du cheval. Son visage,
osseux et hâlé, n'exprime ni la fatigue, ni
ia surprise, ni la joie. Trois cent mille re-
gards ne sont-ils pas fixés sur lui? Trois
cent mille bouches ne prononcent-elles pas
son nom? Il convient de se montrer supé-
rieur au succès.
Cependant le cheval passe devant les tri-
bunes. Les acclamations redoublent.
Le voilà dans l'enceinte du pesage. Son
maître s'approche de lui, lui prend la tête
dans ses mains et la contemple une minute
avec orgueuil. Puis viennent les blanches la-
dies, les sfrortsmen, les maquignons, les pa-
rieurs, tout le monde des courses...
Le petit cavalier cependant, après quatre
paroles échangées avec le maître du cheval,
a onfié ce dernier aux soins d'un palefre-
nier. Il disparaît pour revenir bientôt, coiffé
d'une vieille casquette, un mauvais paletot
d'écurie passésursa veste éclatante.
Il se faufile dans les groupes comme un
simple spectateur, cherchant à voir, non à
êlre vu. Mais on le reconnaît, on se le mon-
tre. Les badauds de l'aristocratie admirent
sa petite taille; les badauds de la foule par-
lent avec respect de sa force.
Comme il a retenu le cheval au départ !
Comme il l'a poussé à l'arrivée !... Ce petit
homme à la peau brune, au corps m'aigre,
aux doigts osseux, pourrait lutter contre les
boxeurs pleins d'ale et de bœuf, aux membres
énormes, à la face cramoisie, aux poings pa-
reils à des moignons.
Hurrah encore ! hurrah ! hurrah !
C'est lejockey.
Autrefois, quand la mode était aux nains,
on fabriquait des nains.
Aujourd'hui la mode est aux jockeys, on
brique des jockeys.
'/J&*a méthode est connue.
^iVagit de prendre un enfant, et de quin-
itessÊocier la quantité de nourriture néces-
saire pour que cet enfant puisse vivre, de
f^Ogrà ce qu'il l'absorbe sous le plus petit
volume possible.
/On obtient ainsi un produit grêle, d'un
poids léger, et d'une vigueur disproportion-
née relativement à sa taille.
Ce produit se perfectionne par des exer-
cices violents, qui ont un double but :
Fortifier les membres et empêcher l'em-
bonpoint.
i..e jockey, je ne dirai pas devenu grand,
mais arrivé à san entier développement, dé,.
bute généralement dans la vie par des fonc-
tions modestes, comme celles de valet de
chasse ou de valet d'écurie.
Mais quand la barrière de l'enceinte du
pesage s'est ouverte devant lui, tout change.
Le valet devient un personnage.
Il a droit au respect des sportsmen, et la
considération publique met une auréole à sa
casquette diaprée.
Souvent il devient riche.
Il sait, par sa propre expérience, com-
ment un gentleman se maintient dans un
état de maigreur satisfaisant.
Quoi de.plus simple que de rendre aux
chevaux ce qu'on lui a fait à lui-même?
Le jockey se fait entraîneur.
L'entraînement d'un cheval de course se
paie jusqu'à trois mille francs.
Or, ce cheval est loin de manger de l'a-
voine pour une pareille somme, et les béné-
fices de l'imprésario ne laissent pas'que d'être
assez beaux.
Souvent encore le jockey achète pour son
compte deux ou trois chevaux, et il se pré-
sente sur le turf avec le triple prestige du
propriétaire, de l'entraîneur et du gentle-
man-riders ou jockey amateur.
Voyez ces deux hommes !
L'un est Philippe Dormer Stanhopo, comte
de Chesterfield, lord et pair d'Angleterre.
L'autre est M. Chifney, jockey.
Tous deux causent familièrement; ils dé- -
battent les clauses d'un marché; voilà le
marché conclu :
Priam, à Chifney, appartiendra désormais
. au comte de Chesterfield, qui l'a payé trois
. mille guinées (75,000 fr.) -
* ÏP
Les jockeys se cassent bien un peu les
bras et les jambes dans le cours de leur car-
rière ; mais généralement, ils meurent dans
leur lit. Le célèbre Grimshaw, victime de
son cheval, n'est pas mort sur le turf; il
conduisait, la nuit, par des chemins de tra-
verse ; le cheval s'emporta, il sauta à bas du
siége et fut tué sans blessure d'un ébranle-
ment au cerveau.
. Grimshaw laissait 80,000 livres de rente.
Beaucoup de jockeys meurent riches.
Ils sont plus heureux que les comédiens.
Leur nom reste, et souvent une légende
s'y rattache, qui l'illustre et le perpétue.
Quelques-uns se sont laissé battre exprès
sur le terrain, achetés par les parieurs, mais
ces horse-jockeys sont bientôt connus, dé- !
criés, et mis au ban des clubs.
Je sais une histoire de jockey, très-simple
et très-touchante.
Le héros se nommait Tapley.
Un jour, le pauvre diable se cassa _ une
jambe. Aussitôt son maître, lord H..., con-
voqua les meilleurs ,.chirurgiens. Ceux-ci
décidèrent que l'amputation était indispen-
sable, et quand Tapley sortit de leurs mains,
il avait une ïambe de bois.
On monte assez mal à cheval avec une
jambe deTbois.
Tapley dut renoncer à courir. -
Mais son maître lui avait donné une assez
forte somme en manière d'indemnité. Il
changea de métier, t., de jockey, se fit pa-
rieur.
Au boir*; î'un mois, il avait tout perdu.
Ce mal ^ureux avait une femme et des
enfants.
Il courut chez lord H..., afin de solliciter
un nouveau secours. Lord H... venait de
partir pour les Indes orientales.
Que devenir?
De son ancienne splendeur, Tapley n'avait
conservé qu'une chose, mais une chose à la-
quelle il tenait plus qu'à la vie: une bague
ornée d'un diamant et contenant des crins
de son cheval favori, Gurth, avec lequel il
avait gagné le Derby en 182....
Cette bague, lord H... l'avait fait faire ex- .
près pour son jockey.
Que de fois le père avait raconté cette his-
toire à ses enfants !...
Il n'oubliait aucu^, détail de la grande
journée ; il décrivait longuement les beautés v
de Gurth; il se rappelait jusqu'aux moindres
mots du lord. La péroraison était toujours
la même : la bague passait de main en main
et on l'admirait à l'envi.
C'était un spectacle a la fois bizarre et
navrant que celui de cette nichée de misé-
rables, accroupis au fond d'une cave mal-
saine, et regardant, sous la. clarté d'une
lampe fumeuse, briller un diamant de cent
louis!...
Un jour, la mère dit au père :
— Les enfants ont froid.
Tapley sortit et alla vendre son vieux cos-
tume de jockey pour rapporter du charbon.
Un autre jour, la mère dit
— Les enfants ont faim.
L'homme sortit de nouveau; il porta la
bague chez un joaillier, en fit détacher le
diamant et revint avec de Por.
Six mois se passèrent, pendant lesquels
Tapley mit tout en œuvre pour trouver
quelque travail. Rien. Chaque soir, il ren-
trait plus découragé que la veille. Je ne
réponds pas qu'il n'ait parfois demandé z,,u
gin une heure d'oubli. Mais la vue de sa fa-
mille lui redonnait du courage, et il G^T-
chait de nouveau à gagner 1,1. vie. des s: s.
Le ménage logeait dans une de ces cités ue
la misère particulières à Londres. Chaque
semaine, le régisseur venait toucher les
loyers. Ce régisseur était une machine à
quittances, Pas d'argent, la rue.
— Si tu ne trouves pas dix francs ce soir,
les enfants n'auront pas d'abri demain !
Tapley jeta autour de lui un regard af-
freux !
— Dix francs! — dit-il. —Mais je ne les
ai pas, tu le sais bien!... Il n'y a rien, rien,
plus rien ici !...
La femme dit : „ ?
— Il y a la bague. •'
— La, bague! S .. 7
Le jockey regarda le petit cerolê d'or qui
entourait son doigt. Il le regarda longtemps,
puis, relevant le tête :
— Non! - dit-i]. — Non! Je préfère la
rue. 'le froid, la fuun, tout! j'ai vendu -le
diamant.. mai s cela, jamais !... - ' :V'"'T
La mère ne répondit rien; elle al!a au
grabat sur lequel reposaient ses enfants; elle
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
L
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXXVI
SO
Huit jours s'étaient écoulés.
Tom était revenu le matin même de Franc'.
l3eux personnes l'attendaient à la gare,
tf. Simouns et Betsy.
Betsy, mise en liberté seus caution,était re-
'£llue à Londres.
Tom était radieux.
Il rapportait une déclaration signée par le
Yoh' le numéro du 12 juin 1869.
1 lieutenant Percy et les deux autres gardes-
chiourmes.
L'ambassadeur avait légalisé la pièce.
— Maintenant, dit M. Simouns, nous pou-
vons marcher.
Je vais écrire à lord E vandale pour le -prier
de me recevoir.
Tom, qui avait passé la nuit en chemin de
fer, prit un peu de repos.
Puis, à deux heures, comme c'était con-
venu, il alla prendre M. Simouns dans un cab.
. Tous deux se rendirent dans le Wes', Ead.
— Je crois, dit M.' Simouns quand ils fu-
rent à la porte de lord Evandale, je crois qu'il
est inutile, au moins pour le moment, que
vous entriez avec moi.
— Pourquoi cela? dit Tom.
— Parce que, répondit M. Simouns, vous
auriez peut-être vis-à-vis de lui un mouve-
ment d'indignation qui compromettrait tout.
Si j'ai bosoin de vous, je vous ferai ap-
pelai1.
— Comme vous voudrez, répondit Tom.
M. Simouns entra donc seul chez lord Evan-
dale.
Le noble personnage l'attendait dans son
cabinet.
Il ne savait pas ce que le solicitor pouvait
avoir à lui dire.
Mais comme celui-ci s'était longtemps Ge' !
cupé des affaires de la famille Pembleton, il
supposait que c'était une question d'intérêt i
quelconque qui l'amenait. !
M. Simouns demeura debout devant lui.
— De quoi s'agit-il, monsieur Simouns? de-
manda lord Evandale.
— Milord, répondit le solicitor, je me pré-
sente comme l'avoué du frère de Votre Sei-
gneurie.
— Quel frère?
Et lord Evandale se mit à rire.
— Votre frère aîné, lord William Pemble-
ton, répliqua M. Simouns gravement.
— Monsieur, répondit lord Evandale, mon
frèro est mort voici près de dix ans.
— C'est ce que tout le monde croit.
— Et c'est la vérité, monsieur.
— Milord, dit f oidement M. Simouns,, il y
a deux hommes que tout le monde croit morts
aussi, et qui sont vivants.
— En vérité !
— Le premier sn, nomme Tom.
Lord E vandale tressaillit.
— Et... le second? fit-il.
— C'est le lieutenant de chiourme Percy.
— Je ne connais pas cet homme.
— C'est pourtant lui, dit M. Simouns tou-
jours impassible, qui a aidé sir George Pem- i
bleton, votre frère, à substituer le cadavre du
galérien Edward Bruce au corps de lord Wil-
liam vivant.
- — Monsieur, dit lord Evandale, puisque
vous êtes si bien renseigné, nous allons causer
à cœur ouvert.
— Je l'espère, milord. -
| . — y a un ad'roit bandit, poursuivit, lord
Evandale,qui se nomme bien réellement Wal-
; ter Bruce ; cet homme a imaginé, pour me sou-
tirer quelque argent, de prétendre qu'il n'éiait
autre que lord Vvilliwm, mon malheureux
frère, mort de la piqûre d'un reptile,
— Et... cet homme..?
— Je me suis borné à le dénoncer à la jus-
'
tice.
— Je sais cela !
— Et je crois que la justice, usant d'indul-
gence, l'a fait enfermer à Bedlam.
— Vous n'en êtes pas sur, milord?
— Oh ! pas plus sûr que cda, après tout.
— Mais cet homme avait une femme et' def
J enfants ?
— C'est possible.
— Et c'est par votre ordre...
— Ah ! pardon, fil lord Evandale avec hau-
four, il mc semble que vous vous permettez
de m'inte roger.
I — Milord. fit M. Simouns, excusez-moi:
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.
iSPHNEMENTS. — 'TrOigrOic Six nids Un un
Paris........ Ii fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 11
Administrateur: BOURDILLIAT. ne
1
t
B" année — MARDI 17 MAI 1870, — N" 1489
Rédacteur en chef : A. DE BALATIIrEP...BRAGE.LONNR
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, 118aeDrouot
1 ADMINISTRATION: 13, quai Voltaire.
PARIS, 16 MAI 1870
LES COURSES DE LONGCHAMP
LES JOCKEYS
Hurrah! hurrah! hurrah! I ^ ■
La course est terminée. V ";?
Le poteau porte le numéro du
C'est Gladiateur ou Rochefort. ^s«L.. J _
Précédé et suivi par les boxeurs aux ja-
quettes quadrillées, aux cravates rouges ou
bleues, aux chapeaux bleus ou blancs, le
cheval glorieux revient au pas à travers la
foule qui l'acclame.
Bien assis sur sa selle, les reins en avant,
un petit homme en veste de soie caresse de
la main la crinière du cheval. Son visage,
osseux et hâlé, n'exprime ni la fatigue, ni
ia surprise, ni la joie. Trois cent mille re-
gards ne sont-ils pas fixés sur lui? Trois
cent mille bouches ne prononcent-elles pas
son nom? Il convient de se montrer supé-
rieur au succès.
Cependant le cheval passe devant les tri-
bunes. Les acclamations redoublent.
Le voilà dans l'enceinte du pesage. Son
maître s'approche de lui, lui prend la tête
dans ses mains et la contemple une minute
avec orgueuil. Puis viennent les blanches la-
dies, les sfrortsmen, les maquignons, les pa-
rieurs, tout le monde des courses...
Le petit cavalier cependant, après quatre
paroles échangées avec le maître du cheval,
a onfié ce dernier aux soins d'un palefre-
nier. Il disparaît pour revenir bientôt, coiffé
d'une vieille casquette, un mauvais paletot
d'écurie passésursa veste éclatante.
Il se faufile dans les groupes comme un
simple spectateur, cherchant à voir, non à
êlre vu. Mais on le reconnaît, on se le mon-
tre. Les badauds de l'aristocratie admirent
sa petite taille; les badauds de la foule par-
lent avec respect de sa force.
Comme il a retenu le cheval au départ !
Comme il l'a poussé à l'arrivée !... Ce petit
homme à la peau brune, au corps m'aigre,
aux doigts osseux, pourrait lutter contre les
boxeurs pleins d'ale et de bœuf, aux membres
énormes, à la face cramoisie, aux poings pa-
reils à des moignons.
Hurrah encore ! hurrah ! hurrah !
C'est lejockey.
Autrefois, quand la mode était aux nains,
on fabriquait des nains.
Aujourd'hui la mode est aux jockeys, on
brique des jockeys.
'/J&*a méthode est connue.
^iVagit de prendre un enfant, et de quin-
itessÊocier la quantité de nourriture néces-
saire pour que cet enfant puisse vivre, de
f^Ogrà ce qu'il l'absorbe sous le plus petit
volume possible.
/On obtient ainsi un produit grêle, d'un
poids léger, et d'une vigueur disproportion-
née relativement à sa taille.
Ce produit se perfectionne par des exer-
cices violents, qui ont un double but :
Fortifier les membres et empêcher l'em-
bonpoint.
i..e jockey, je ne dirai pas devenu grand,
mais arrivé à san entier développement, dé,.
bute généralement dans la vie par des fonc-
tions modestes, comme celles de valet de
chasse ou de valet d'écurie.
Mais quand la barrière de l'enceinte du
pesage s'est ouverte devant lui, tout change.
Le valet devient un personnage.
Il a droit au respect des sportsmen, et la
considération publique met une auréole à sa
casquette diaprée.
Souvent il devient riche.
Il sait, par sa propre expérience, com-
ment un gentleman se maintient dans un
état de maigreur satisfaisant.
Quoi de.plus simple que de rendre aux
chevaux ce qu'on lui a fait à lui-même?
Le jockey se fait entraîneur.
L'entraînement d'un cheval de course se
paie jusqu'à trois mille francs.
Or, ce cheval est loin de manger de l'a-
voine pour une pareille somme, et les béné-
fices de l'imprésario ne laissent pas'que d'être
assez beaux.
Souvent encore le jockey achète pour son
compte deux ou trois chevaux, et il se pré-
sente sur le turf avec le triple prestige du
propriétaire, de l'entraîneur et du gentle-
man-riders ou jockey amateur.
Voyez ces deux hommes !
L'un est Philippe Dormer Stanhopo, comte
de Chesterfield, lord et pair d'Angleterre.
L'autre est M. Chifney, jockey.
Tous deux causent familièrement; ils dé- -
battent les clauses d'un marché; voilà le
marché conclu :
Priam, à Chifney, appartiendra désormais
. au comte de Chesterfield, qui l'a payé trois
. mille guinées (75,000 fr.) -
* ÏP
Les jockeys se cassent bien un peu les
bras et les jambes dans le cours de leur car-
rière ; mais généralement, ils meurent dans
leur lit. Le célèbre Grimshaw, victime de
son cheval, n'est pas mort sur le turf; il
conduisait, la nuit, par des chemins de tra-
verse ; le cheval s'emporta, il sauta à bas du
siége et fut tué sans blessure d'un ébranle-
ment au cerveau.
. Grimshaw laissait 80,000 livres de rente.
Beaucoup de jockeys meurent riches.
Ils sont plus heureux que les comédiens.
Leur nom reste, et souvent une légende
s'y rattache, qui l'illustre et le perpétue.
Quelques-uns se sont laissé battre exprès
sur le terrain, achetés par les parieurs, mais
ces horse-jockeys sont bientôt connus, dé- !
criés, et mis au ban des clubs.
Je sais une histoire de jockey, très-simple
et très-touchante.
Le héros se nommait Tapley.
Un jour, le pauvre diable se cassa _ une
jambe. Aussitôt son maître, lord H..., con-
voqua les meilleurs ,.chirurgiens. Ceux-ci
décidèrent que l'amputation était indispen-
sable, et quand Tapley sortit de leurs mains,
il avait une ïambe de bois.
On monte assez mal à cheval avec une
jambe deTbois.
Tapley dut renoncer à courir. -
Mais son maître lui avait donné une assez
forte somme en manière d'indemnité. Il
changea de métier, t., de jockey, se fit pa-
rieur.
Au boir*; î'un mois, il avait tout perdu.
Ce mal ^ureux avait une femme et des
enfants.
Il courut chez lord H..., afin de solliciter
un nouveau secours. Lord H... venait de
partir pour les Indes orientales.
Que devenir?
De son ancienne splendeur, Tapley n'avait
conservé qu'une chose, mais une chose à la-
quelle il tenait plus qu'à la vie: une bague
ornée d'un diamant et contenant des crins
de son cheval favori, Gurth, avec lequel il
avait gagné le Derby en 182....
Cette bague, lord H... l'avait fait faire ex- .
près pour son jockey.
Que de fois le père avait raconté cette his-
toire à ses enfants !...
Il n'oubliait aucu^, détail de la grande
journée ; il décrivait longuement les beautés v
de Gurth; il se rappelait jusqu'aux moindres
mots du lord. La péroraison était toujours
la même : la bague passait de main en main
et on l'admirait à l'envi.
C'était un spectacle a la fois bizarre et
navrant que celui de cette nichée de misé-
rables, accroupis au fond d'une cave mal-
saine, et regardant, sous la. clarté d'une
lampe fumeuse, briller un diamant de cent
louis!...
Un jour, la mère dit au père :
— Les enfants ont froid.
Tapley sortit et alla vendre son vieux cos-
tume de jockey pour rapporter du charbon.
Un autre jour, la mère dit
— Les enfants ont faim.
L'homme sortit de nouveau; il porta la
bague chez un joaillier, en fit détacher le
diamant et revint avec de Por.
Six mois se passèrent, pendant lesquels
Tapley mit tout en œuvre pour trouver
quelque travail. Rien. Chaque soir, il ren-
trait plus découragé que la veille. Je ne
réponds pas qu'il n'ait parfois demandé z,,u
gin une heure d'oubli. Mais la vue de sa fa-
mille lui redonnait du courage, et il G^T-
chait de nouveau à gagner 1,1. vie. des s: s.
Le ménage logeait dans une de ces cités ue
la misère particulières à Londres. Chaque
semaine, le régisseur venait toucher les
loyers. Ce régisseur était une machine à
quittances, Pas d'argent, la rue.
— Si tu ne trouves pas dix francs ce soir,
les enfants n'auront pas d'abri demain !
Tapley jeta autour de lui un regard af-
freux !
— Dix francs! — dit-il. —Mais je ne les
ai pas, tu le sais bien!... Il n'y a rien, rien,
plus rien ici !...
La femme dit : „ ?
— Il y a la bague. •'
— La, bague! S .. 7
Le jockey regarda le petit cerolê d'or qui
entourait son doigt. Il le regarda longtemps,
puis, relevant le tête :
— Non! - dit-i]. — Non! Je préfère la
rue. 'le froid, la fuun, tout! j'ai vendu -le
diamant.. mai s cela, jamais !... - ' :V'"'T
La mère ne répondit rien; elle al!a au
grabat sur lequel reposaient ses enfants; elle
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
L
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXXVI
SO
Huit jours s'étaient écoulés.
Tom était revenu le matin même de Franc'.
l3eux personnes l'attendaient à la gare,
tf. Simouns et Betsy.
Betsy, mise en liberté seus caution,était re-
'£llue à Londres.
Tom était radieux.
Il rapportait une déclaration signée par le
Yoh' le numéro du 12 juin 1869.
1 lieutenant Percy et les deux autres gardes-
chiourmes.
L'ambassadeur avait légalisé la pièce.
— Maintenant, dit M. Simouns, nous pou-
vons marcher.
Je vais écrire à lord E vandale pour le -prier
de me recevoir.
Tom, qui avait passé la nuit en chemin de
fer, prit un peu de repos.
Puis, à deux heures, comme c'était con-
venu, il alla prendre M. Simouns dans un cab.
. Tous deux se rendirent dans le Wes', Ead.
— Je crois, dit M.' Simouns quand ils fu-
rent à la porte de lord Evandale, je crois qu'il
est inutile, au moins pour le moment, que
vous entriez avec moi.
— Pourquoi cela? dit Tom.
— Parce que, répondit M. Simouns, vous
auriez peut-être vis-à-vis de lui un mouve-
ment d'indignation qui compromettrait tout.
Si j'ai bosoin de vous, je vous ferai ap-
pelai1.
— Comme vous voudrez, répondit Tom.
M. Simouns entra donc seul chez lord Evan-
dale.
Le noble personnage l'attendait dans son
cabinet.
Il ne savait pas ce que le solicitor pouvait
avoir à lui dire.
Mais comme celui-ci s'était longtemps Ge' !
cupé des affaires de la famille Pembleton, il
supposait que c'était une question d'intérêt i
quelconque qui l'amenait. !
M. Simouns demeura debout devant lui.
— De quoi s'agit-il, monsieur Simouns? de-
manda lord Evandale.
— Milord, répondit le solicitor, je me pré-
sente comme l'avoué du frère de Votre Sei-
gneurie.
— Quel frère?
Et lord Evandale se mit à rire.
— Votre frère aîné, lord William Pemble-
ton, répliqua M. Simouns gravement.
— Monsieur, répondit lord Evandale, mon
frèro est mort voici près de dix ans.
— C'est ce que tout le monde croit.
— Et c'est la vérité, monsieur.
— Milord, dit f oidement M. Simouns,, il y
a deux hommes que tout le monde croit morts
aussi, et qui sont vivants.
— En vérité !
— Le premier sn, nomme Tom.
Lord E vandale tressaillit.
— Et... le second? fit-il.
— C'est le lieutenant de chiourme Percy.
— Je ne connais pas cet homme.
— C'est pourtant lui, dit M. Simouns tou-
jours impassible, qui a aidé sir George Pem- i
bleton, votre frère, à substituer le cadavre du
galérien Edward Bruce au corps de lord Wil-
liam vivant.
- — Monsieur, dit lord Evandale, puisque
vous êtes si bien renseigné, nous allons causer
à cœur ouvert.
— Je l'espère, milord. -
| . — y a un ad'roit bandit, poursuivit, lord
Evandale,qui se nomme bien réellement Wal-
; ter Bruce ; cet homme a imaginé, pour me sou-
tirer quelque argent, de prétendre qu'il n'éiait
autre que lord Vvilliwm, mon malheureux
frère, mort de la piqûre d'un reptile,
— Et... cet homme..?
— Je me suis borné à le dénoncer à la jus-
'
tice.
— Je sais cela !
— Et je crois que la justice, usant d'indul-
gence, l'a fait enfermer à Bedlam.
— Vous n'en êtes pas sur, milord?
— Oh ! pas plus sûr que cda, après tout.
— Mais cet homme avait une femme et' def
J enfants ?
— C'est possible.
— Et c'est par votre ordre...
— Ah ! pardon, fil lord Evandale avec hau-
four, il mc semble que vous vous permettez
de m'inte roger.
I — Milord. fit M. Simouns, excusez-moi:
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