Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-05-08
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 mai 1870 08 mai 1870
Description : 1870/05/08 (A5,N1480). 1870/05/08 (A5,N1480).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47169081
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. 11 le numéro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — TrOIS MOtS Six MOIS IINAN
Paris 5 fr. -q fr. t8 fr.
Départements 6 '1 '1 23
. Adm'inistrateu'i" : BOURDILLIAT.
Õffi(! année — DIMANCHE 8 ,MAI 1870, — N° 14SO
Rédacteur en c/tS/'f A. DE BALATHIER-HRAGELONNI
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: PUI,2 »POUOt
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 7 MAI 1870
UN NOUVEAU SAINT
LA CANONISATION
Le Concile qui siége à Rome v%mt /d^
-in saint.
Saint Urbain, de son vivant, s'appelait
Guillaume. Il était fils de Grimaud, seigneur
de Grisac en Gévaudan. D'abord moine,
docteur en droit civil et en droit canon, il
pl'Ofcssa,à Montpellier et à Avignon.
Le 28 octobre 1362, les cardinaux l'élu-
rent pape, à la place d'Innocent VI ; il prit
alors le nom d'Urbain V.
Les papes habitaient Avignon, et les Ro-
mains se trouvaient fort mal de leur absence.
Le moine français céda aux supplications des
fidèles italiens et rentra avec sa cour à Rome.
Très-bien avec l'empereur Charles IV, il
rétablit l'ordre troublé dans les Etats ponti-
ficaux, fit bâtir force palais et force églises
et n'enrichit pas ses parents avec le bien des
pauvres, ainsi que cela se pratiquait d'ordi-
naire. Aussi laissa-t-il une mémoire estimée,
lorsqu'il fut mort dans le Comlat, où il était
revenu pour respirer un air meilleur.
/
La canonisation est la déclaration solen-
nelle par laquelle le Pape met quel qu'tm
au rang des saints.
Au début, les fidèles ne consultaient pas
le pape, lorsqu'il s'agissait de témoigner leur
admiration et leur reconnaissance aux
hommes qui avaient attesté leurs convictions
devant le martyre et la mort. On élevait des
autels sur leur tombeau; on bâtissait des
églises en leur honneur, et on y transportait
leurs reliques. On les priait d'intercéder le
Seigneur pour les vivants, et on demandait
n. Dieu une place dans le ciel à leurs côtés.
Ces prières, consacrées parla tradition chré-
tienne-, nous sont arrivées dans ce qu'on
appelle le Canon du la messe. De là le moL
Canonisation.
Le peuple fit donc seul les premiers saints,
il ne prodiguait pas cette distinction, efeeux
qui l'obtenaient après leur mort en avaient été
généralement dignes. Mais il en fut d'elle, à
la longue, comme de la. coutume antique
qui consistait à placer au rang des dieux les
,grands généraux et les grands hommes
d'Etat. Les Césars, pour la plupart lâches,
imbéciles et scélérats, ne manquaient jamais
se faire décerner la divinité. Un grand
-iropbre de familles obtinrent de même de la
populaire la canonisation de quel-
iijufun de leurs membres. C'était un honneur,
>f,\I quant au mérite du défunt, on s'habitua
jz n'y plus regarder de trop près.
L'abus devint tel, et il y eut tant de saints,
que les papes durent s'attribuer le monopole
d'en créer de nouveaux. Dès lors, la canoni-
sation eut ses règles comme toute institu-
tion publique. ¡; 1 1 '
Quand la réputation de sainteté de quel-
qu'un est consacrée par l'opinion ou par des
miracles, l'Eglise instruit sa cause. Une
triple enquête est faite : 1° sur la vie du
fidèle, 2° sur les miracles qu'on lui attribue,
3° sur ses écrits. Cette enquête est envoyée
à Rome pour être soumise à une congréga-
tion spéciale, sar l'ordre du pape.
Le résultat de ce premier examen donne
lien à ce qu'on appelle la béatification. Au
bout de quelque temps, la cause est sou-
mise à une autre congrégation et longue-
ment débattue. L'avocat de Dieu défend le
béalifié, qu'attaque l'avocat du diable. Le
tribunal, éclairé par ce débat, déclare s'il y
a lieu, oui ou non, à la .canonisation. C'est
ce qu'on appelle le procès de canonisation.
En cas d'affirmative, le pape signe le décret
qui lait un saint.
* *
Les Saints ont eu un ennemi historique,
Jean de Launoy, docteur en Sorbonne, grand
canoniste, grand érudit, grand pourfendeur
de réputations usurpées. C'était un très-
brave homme,, gallican avec passion, et
d'une indépendance qui étonne pour son
temps.
Un jour, il se démit d'un canonicat lucra-
tif qu'on lui avait accordé :
— Il faut qu'un chanoine chante, et je ne
sais pas chanter.
Il préféra se laisser exclure de la Sorbonne
que de souscrire a la censure prononcée
contre son ami Arnaud le janséniste.
Mais il se fit surtout remarquer par sa
sagacité à découvrir la fausseté de la plupart
des actes de saints. Dans l'Eglise, on l'avait
surnommé le Dénicheur de Saints.
« Il était redoutable au ciel et à la terre,
— a dit dom Bonaventure d'Argonne; — il
a plus détrôné de saints du paradis que dix
papes n'en ont canonisés. » ,
Le fait est que Jean de Launoy, comme
tous les vrais savants, avait pris sa besogne
à cœur. Tout lui faisait ombrage dans le
martyrologe, et il examinait tous les Saints
les uns après les autres, comme les généa-
logistes examinent les titres de noblesse.
— Quand je rencontre le docteur de Lau-
noy, — disait le curé de Saint-Eustache, —
je le salue jusqu'à terre, et ne lui parle que
le chapeau à la main et avec bien de l'hu-
milité, tant j'ai peur qu'il ne m'ôte mon
saint Eustache, qui ne tient à rien!
Le tombeau d'un saint ne laisse pas que
d'être une source de revenus pour la ville
ou le village qui le possède. Aussi M. le
président de Lamoignon pria un jour le ter-
rible docteur de ne pas faire du mal à saint
Yvon, patron d'un de ses villages.
— Comment lui ferais-je du mal? - l'c-.
partit de Launoy; —je n'ai pas l'honneur
de le connaître.
Les canonisations sont devenues fort r.ires
aujourd'hui.
La cour de Rome met une grande pru-
dence dans ses choix; elle ne s'adresse qu'à
des époques ou à des lieux éloignés, dans la
crainte de voir de nouveaux Launoy inter-
venir dans ses procès.
Un autre inconvénient, qu'elle tient beau-
coup à éviter, c'est la précipitation. Il ne
faut pas que les saints aient encore des amis
vivants, qui les aient connus et parlent
d'eux avec une familiarité do mauvais
goût.
C'est ainsi que saint François de Sales
avait été—dans sa jeunesse—lié avec le ma-
réchal de Villeroy. Le vieux maréchal di-
sait :
— J'ai été ravi quand j'ai su M. de Sales un
saint ; il aimait à dire des gravelures et
trompait au jeu ; au reste, le meilleur gen-
tilhomme du monde.
M. de Cosnac, archevêque d'Aix, était
très-vieux, quand il apprit qu'on venait de
canoniser François de Sales:
— Quoi ! — s'écria-t-il, — M. de Genève,
mon ancien ami ! je suis charmé de la for-
tune qu'il vient de faire ; c'était un g
homme, quoiqu'il trichât au piquet.
— Mais, monseigneur, — lui .dit-on, -"
est-il possible qu'un saint friponne au;
jeu?
— Oh ! —répondit l'archevêque,— il don- ^
nuit pour raison que ce qu'il gagnait était
pour ses pauvres.
p< 1?
Une autre cause de la rareté des canonisa-
tions, c'est la somme d'argent énorme néces-
saire pour payer les frais de la bulle.
t « Plus d'un saint, — dit Pierre Larousse'
dans son Grand Dictionnaire, — s'est arrêté
il. moitié chemin du ciel, faute d'avoir assez
d'argent pour payer le reste de la roule; et
nombre de ceux qui ont reçu la béatification
ne sont pas allés plus loin, parce que leurs
héritiers ont trouvé que cet honneur leur
revenait trop cher. C'est ce qui arriva à Fré-
déric Borro mée, cousin de saint Charles
Borromée. Il avait aussi bien vécu que ce
i dernier, et nulle difficulté ne s'opposait à ce .
qu'il occupât le même rang dans le ciel;
mais les parents reculèrent devant les irais,
disant : •— Nous avons bien assez d'un saint
dans la familie. »
Les communautés ne raisonnaient pas.
ainsi. Riches, désireuses d'accroître leur ré-
putation et de remporter sur les communau-
tés rivales, elles faisaient des efforts inouïs
et dépensaient des fortunes pour avoir une
sainte nouvelie ou un saint nouveau.
Toute cette fièvre est bien tombée; cepen-
dant, on fait encore des saints. Le pape Pie
IX a canonisé les martyrs japonais. Derniè-
rement encore, des délégués de l'Eglise
française partaient pour Rome, afin de de- f
mander la canonisation du curé d'Ars. Ce
curé était un brave et honnête homme, qui
aVilit la réputai ion de donner d'excellents
conseils et de guérir par sa parole toutes
les maladies de l'âme. De quatre ou cinq
départements on allait en pèlerinage dans
son village, dont tous les habitants avaient ■
fait fortune, grâce à lui. Aujourd'hui, fa.
mort les menace de ruine, et ils voudraient
bien une bulle de Rome, pour continuer à
attirer les pèlerins.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XLI
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXVII
41
M. Simouns reprit donc : '
— Celui que vous appelez votre maître et
qui peut bien, après tout, être réellement lord
William, a été convict, me dites-vous?
— Oui, illnnsiour, répondit Tom.
— Il y a près de dix années, selon vous,
qu'il aurait quitté l'Angleterre?
— A peu près.
Voir le numéro du 12 iuin 1869. '
— Par conséquent, il est méconnaissable
pour quiconque n'a pas intérêt à le recon-
naître?
— Hélas !
— Donc votre maître se présentera à lord
Evandale et lord Evandale haussera les épau-
les. Il sera reçu de la même manière, sans
doute, par la femme du lord.
— S'il' f,mt toul vous dire, monsieur, fit
Tom vivement, mon maître a déjà vu lady
Pembleton.
— Ah !
— Et elle ne l'a pas reconnu.
— Raison de plus, poursuivit M. Simouns,
pour que vous acceptiez mes propositions.
— Parlez, monsieur.
— Il m'est facile de deviner que votre maî-
tre et vous revenez d'A ustraJie presque sans
ressources.
Tom ne répondit pas.
— Lord E vandale est fabuleusement riche.
On ramènerait, j'en suis certain, à une tran-
saction.
— De quelle transaction voulez-vous parler?
fit Tom avec vivacité. :
— D'une transaction comme celle-çi, par
exemple, répliqua M. Simouns.
Lord William consentirait à conserver le
nom de Walter Bruce, à retourner en Austra- '
lie...
. — Mais...
— Et lord E vandale lui donnerait trente,
quarante, cinquante mille livres,
—Vous êtes fou, monsieur Simouns, dit Tom
froidement.
— Ah! vous croyez?
— Mon maître ne veut renoncer à aucun de
ses droits.
— Il veut être lord ?
— Oui.
— Et rentrer dans la possession pleine et en-
tière de sa fortune?
— Certainement.
— C'est vous qui êtes fou, et lui encore plus
fou que vous, monsieur Tom, dit le solicitor.
— Oh! monsieur...
— Et je vais vous le prouver, poursuivit
M. Simouns. Un seul homme, je vous l'ai dit,
le lieutenant de chiourme Percy, pourrait ren-
dre un témoignage digne de foi.
- Je trouverai cet homme, je vous le jure!
dit Tom.
— Mais, je vous le repère, cet homme se
gardera bien d'éventer la vérité...'
— Oh! il faudra...
— Et le fî -il, continua M. Simouns, cela ne
nous avancerait pas à grand'chose.
— Pourquoi?
— Parce que le témoignage d'un chiourme,.
c'est-à dire d'un homme aussi bas placé dans:
l'échelle sociale, n'inspire qu'une médiocre:
confiance ; et je vous le répète, ajouta M. Si-
mouns, cet homme est le seul qui pourrait, à
la rigueur, quelque chose.
— Je le retrouverai, répéta Tom.
— Maintenant, dit encore le solicitor, en
supposant que vous retrouviez le lieute-
nant Percy et qu'il consente à parler, vous
supposez, n'est-ce pas, que tout est pour le
mieux?
— Dam !
— Vous êtes tout à fait dans l'erreur.
— Ah! fit Tom.
— Le lord chief-justicenese mêlera point de
la chose. Lord E vandale est pair; il siége au
Parlement; il faut, pour ïs poursuivre, une
autorisation de la Chambre-Haute. La Cham- •
bre y consentira-elle? Il est peu probable.
Vous n'aurez donc alors contre lord E van-
dale que le recours d'un procès.
Et,vous le savez, monsieur Tom, les procès
coûtent cher en Angleterre. Pour mon compter
dit M. Simouns, je ne me chargerais pas d'en-
treprendre celui-là qu'on ne me versât uni *
cautionnement de dix mille livres.
— Dix mille livres ! Exclama Tom.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. 11 le numéro.
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — TrOIS MOtS Six MOIS IINAN
Paris 5 fr. -q fr. t8 fr.
Départements 6 '1 '1 23
. Adm'inistrateu'i" : BOURDILLIAT.
Õffi(! année — DIMANCHE 8 ,MAI 1870, — N° 14SO
Rédacteur en c/tS/'f A. DE BALATHIER-HRAGELONNI
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: PUI,2 »POUOt
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 7 MAI 1870
UN NOUVEAU SAINT
LA CANONISATION
Le Concile qui siége à Rome v%mt /d^
-in saint.
Saint Urbain, de son vivant, s'appelait
Guillaume. Il était fils de Grimaud, seigneur
de Grisac en Gévaudan. D'abord moine,
docteur en droit civil et en droit canon, il
pl'Ofcssa,à Montpellier et à Avignon.
Le 28 octobre 1362, les cardinaux l'élu-
rent pape, à la place d'Innocent VI ; il prit
alors le nom d'Urbain V.
Les papes habitaient Avignon, et les Ro-
mains se trouvaient fort mal de leur absence.
Le moine français céda aux supplications des
fidèles italiens et rentra avec sa cour à Rome.
Très-bien avec l'empereur Charles IV, il
rétablit l'ordre troublé dans les Etats ponti-
ficaux, fit bâtir force palais et force églises
et n'enrichit pas ses parents avec le bien des
pauvres, ainsi que cela se pratiquait d'ordi-
naire. Aussi laissa-t-il une mémoire estimée,
lorsqu'il fut mort dans le Comlat, où il était
revenu pour respirer un air meilleur.
/
La canonisation est la déclaration solen-
nelle par laquelle le Pape met quel qu'tm
au rang des saints.
Au début, les fidèles ne consultaient pas
le pape, lorsqu'il s'agissait de témoigner leur
admiration et leur reconnaissance aux
hommes qui avaient attesté leurs convictions
devant le martyre et la mort. On élevait des
autels sur leur tombeau; on bâtissait des
églises en leur honneur, et on y transportait
leurs reliques. On les priait d'intercéder le
Seigneur pour les vivants, et on demandait
n. Dieu une place dans le ciel à leurs côtés.
Ces prières, consacrées parla tradition chré-
tienne-, nous sont arrivées dans ce qu'on
appelle le Canon du la messe. De là le moL
Canonisation.
Le peuple fit donc seul les premiers saints,
il ne prodiguait pas cette distinction, efeeux
qui l'obtenaient après leur mort en avaient été
généralement dignes. Mais il en fut d'elle, à
la longue, comme de la. coutume antique
qui consistait à placer au rang des dieux les
,grands généraux et les grands hommes
d'Etat. Les Césars, pour la plupart lâches,
imbéciles et scélérats, ne manquaient jamais
se faire décerner la divinité. Un grand
-iropbre de familles obtinrent de même de la
populaire la canonisation de quel-
iijufun de leurs membres. C'était un honneur,
>f,\I quant au mérite du défunt, on s'habitua
jz n'y plus regarder de trop près.
L'abus devint tel, et il y eut tant de saints,
que les papes durent s'attribuer le monopole
d'en créer de nouveaux. Dès lors, la canoni-
sation eut ses règles comme toute institu-
tion publique. ¡; 1 1 '
Quand la réputation de sainteté de quel-
qu'un est consacrée par l'opinion ou par des
miracles, l'Eglise instruit sa cause. Une
triple enquête est faite : 1° sur la vie du
fidèle, 2° sur les miracles qu'on lui attribue,
3° sur ses écrits. Cette enquête est envoyée
à Rome pour être soumise à une congréga-
tion spéciale, sar l'ordre du pape.
Le résultat de ce premier examen donne
lien à ce qu'on appelle la béatification. Au
bout de quelque temps, la cause est sou-
mise à une autre congrégation et longue-
ment débattue. L'avocat de Dieu défend le
béalifié, qu'attaque l'avocat du diable. Le
tribunal, éclairé par ce débat, déclare s'il y
a lieu, oui ou non, à la .canonisation. C'est
ce qu'on appelle le procès de canonisation.
En cas d'affirmative, le pape signe le décret
qui lait un saint.
* *
Les Saints ont eu un ennemi historique,
Jean de Launoy, docteur en Sorbonne, grand
canoniste, grand érudit, grand pourfendeur
de réputations usurpées. C'était un très-
brave homme,, gallican avec passion, et
d'une indépendance qui étonne pour son
temps.
Un jour, il se démit d'un canonicat lucra-
tif qu'on lui avait accordé :
— Il faut qu'un chanoine chante, et je ne
sais pas chanter.
Il préféra se laisser exclure de la Sorbonne
que de souscrire a la censure prononcée
contre son ami Arnaud le janséniste.
Mais il se fit surtout remarquer par sa
sagacité à découvrir la fausseté de la plupart
des actes de saints. Dans l'Eglise, on l'avait
surnommé le Dénicheur de Saints.
« Il était redoutable au ciel et à la terre,
— a dit dom Bonaventure d'Argonne; — il
a plus détrôné de saints du paradis que dix
papes n'en ont canonisés. » ,
Le fait est que Jean de Launoy, comme
tous les vrais savants, avait pris sa besogne
à cœur. Tout lui faisait ombrage dans le
martyrologe, et il examinait tous les Saints
les uns après les autres, comme les généa-
logistes examinent les titres de noblesse.
— Quand je rencontre le docteur de Lau-
noy, — disait le curé de Saint-Eustache, —
je le salue jusqu'à terre, et ne lui parle que
le chapeau à la main et avec bien de l'hu-
milité, tant j'ai peur qu'il ne m'ôte mon
saint Eustache, qui ne tient à rien!
Le tombeau d'un saint ne laisse pas que
d'être une source de revenus pour la ville
ou le village qui le possède. Aussi M. le
président de Lamoignon pria un jour le ter-
rible docteur de ne pas faire du mal à saint
Yvon, patron d'un de ses villages.
— Comment lui ferais-je du mal? - l'c-.
partit de Launoy; —je n'ai pas l'honneur
de le connaître.
Les canonisations sont devenues fort r.ires
aujourd'hui.
La cour de Rome met une grande pru-
dence dans ses choix; elle ne s'adresse qu'à
des époques ou à des lieux éloignés, dans la
crainte de voir de nouveaux Launoy inter-
venir dans ses procès.
Un autre inconvénient, qu'elle tient beau-
coup à éviter, c'est la précipitation. Il ne
faut pas que les saints aient encore des amis
vivants, qui les aient connus et parlent
d'eux avec une familiarité do mauvais
goût.
C'est ainsi que saint François de Sales
avait été—dans sa jeunesse—lié avec le ma-
réchal de Villeroy. Le vieux maréchal di-
sait :
— J'ai été ravi quand j'ai su M. de Sales un
saint ; il aimait à dire des gravelures et
trompait au jeu ; au reste, le meilleur gen-
tilhomme du monde.
M. de Cosnac, archevêque d'Aix, était
très-vieux, quand il apprit qu'on venait de
canoniser François de Sales:
— Quoi ! — s'écria-t-il, — M. de Genève,
mon ancien ami ! je suis charmé de la for-
tune qu'il vient de faire ; c'était un g
homme, quoiqu'il trichât au piquet.
— Mais, monseigneur, — lui .dit-on, -"
est-il possible qu'un saint friponne au;
jeu?
— Oh ! —répondit l'archevêque,— il don- ^
nuit pour raison que ce qu'il gagnait était
pour ses pauvres.
p< 1?
Une autre cause de la rareté des canonisa-
tions, c'est la somme d'argent énorme néces-
saire pour payer les frais de la bulle.
t « Plus d'un saint, — dit Pierre Larousse'
dans son Grand Dictionnaire, — s'est arrêté
il. moitié chemin du ciel, faute d'avoir assez
d'argent pour payer le reste de la roule; et
nombre de ceux qui ont reçu la béatification
ne sont pas allés plus loin, parce que leurs
héritiers ont trouvé que cet honneur leur
revenait trop cher. C'est ce qui arriva à Fré-
déric Borro mée, cousin de saint Charles
Borromée. Il avait aussi bien vécu que ce
i dernier, et nulle difficulté ne s'opposait à ce .
qu'il occupât le même rang dans le ciel;
mais les parents reculèrent devant les irais,
disant : •— Nous avons bien assez d'un saint
dans la familie. »
Les communautés ne raisonnaient pas.
ainsi. Riches, désireuses d'accroître leur ré-
putation et de remporter sur les communau-
tés rivales, elles faisaient des efforts inouïs
et dépensaient des fortunes pour avoir une
sainte nouvelie ou un saint nouveau.
Toute cette fièvre est bien tombée; cepen-
dant, on fait encore des saints. Le pape Pie
IX a canonisé les martyrs japonais. Derniè-
rement encore, des délégués de l'Eglise
française partaient pour Rome, afin de de- f
mander la canonisation du curé d'Ars. Ce
curé était un brave et honnête homme, qui
aVilit la réputai ion de donner d'excellents
conseils et de guérir par sa parole toutes
les maladies de l'âme. De quatre ou cinq
départements on allait en pèlerinage dans
son village, dont tous les habitants avaient ■
fait fortune, grâce à lui. Aujourd'hui, fa.
mort les menace de ruine, et ils voudraient
bien une bulle de Rome, pour continuer à
attirer les pèlerins.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XLI
Journal d'un fou de Bedlam
CHAPITRE XXVII
41
M. Simouns reprit donc : '
— Celui que vous appelez votre maître et
qui peut bien, après tout, être réellement lord
William, a été convict, me dites-vous?
— Oui, illnnsiour, répondit Tom.
— Il y a près de dix années, selon vous,
qu'il aurait quitté l'Angleterre?
— A peu près.
Voir le numéro du 12 iuin 1869. '
— Par conséquent, il est méconnaissable
pour quiconque n'a pas intérêt à le recon-
naître?
— Hélas !
— Donc votre maître se présentera à lord
Evandale et lord Evandale haussera les épau-
les. Il sera reçu de la même manière, sans
doute, par la femme du lord.
— S'il' f,mt toul vous dire, monsieur, fit
Tom vivement, mon maître a déjà vu lady
Pembleton.
— Ah !
— Et elle ne l'a pas reconnu.
— Raison de plus, poursuivit M. Simouns,
pour que vous acceptiez mes propositions.
— Parlez, monsieur.
— Il m'est facile de deviner que votre maî-
tre et vous revenez d'A ustraJie presque sans
ressources.
Tom ne répondit pas.
— Lord E vandale est fabuleusement riche.
On ramènerait, j'en suis certain, à une tran-
saction.
— De quelle transaction voulez-vous parler?
fit Tom avec vivacité. :
— D'une transaction comme celle-çi, par
exemple, répliqua M. Simouns.
Lord William consentirait à conserver le
nom de Walter Bruce, à retourner en Austra- '
lie...
. — Mais...
— Et lord E vandale lui donnerait trente,
quarante, cinquante mille livres,
—Vous êtes fou, monsieur Simouns, dit Tom
froidement.
— Ah! vous croyez?
— Mon maître ne veut renoncer à aucun de
ses droits.
— Il veut être lord ?
— Oui.
— Et rentrer dans la possession pleine et en-
tière de sa fortune?
— Certainement.
— C'est vous qui êtes fou, et lui encore plus
fou que vous, monsieur Tom, dit le solicitor.
— Oh! monsieur...
— Et je vais vous le prouver, poursuivit
M. Simouns. Un seul homme, je vous l'ai dit,
le lieutenant de chiourme Percy, pourrait ren-
dre un témoignage digne de foi.
- Je trouverai cet homme, je vous le jure!
dit Tom.
— Mais, je vous le repère, cet homme se
gardera bien d'éventer la vérité...'
— Oh! il faudra...
— Et le fî -il, continua M. Simouns, cela ne
nous avancerait pas à grand'chose.
— Pourquoi?
— Parce que le témoignage d'un chiourme,.
c'est-à dire d'un homme aussi bas placé dans:
l'échelle sociale, n'inspire qu'une médiocre:
confiance ; et je vous le répète, ajouta M. Si-
mouns, cet homme est le seul qui pourrait, à
la rigueur, quelque chose.
— Je le retrouverai, répéta Tom.
— Maintenant, dit encore le solicitor, en
supposant que vous retrouviez le lieute-
nant Percy et qu'il consente à parler, vous
supposez, n'est-ce pas, que tout est pour le
mieux?
— Dam !
— Vous êtes tout à fait dans l'erreur.
— Ah! fit Tom.
— Le lord chief-justicenese mêlera point de
la chose. Lord E vandale est pair; il siége au
Parlement; il faut, pour ïs poursuivre, une
autorisation de la Chambre-Haute. La Cham- •
bre y consentira-elle? Il est peu probable.
Vous n'aurez donc alors contre lord E van-
dale que le recours d'un procès.
Et,vous le savez, monsieur Tom, les procès
coûtent cher en Angleterre. Pour mon compter
dit M. Simouns, je ne me chargerais pas d'en-
treprendre celui-là qu'on ne me versât uni *
cautionnement de dix mille livres.
— Dix mille livres ! Exclama Tom.
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