Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-12
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 12 avril 1870 12 avril 1870
Description : 1870/04/12 (A5,N1454). 1870/04/12 (A5,N1454).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716883n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
B cent. le numéro.
JOURNAL. QUOTIDIEN : . ~ ~ 1
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un ait
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 il T-. -
Administrateur : BoURDiLLIA.T«
—, , .. y
Õme année — MARDI î<2 AVRIL 1870. — N°_ 1434 i,~
.:il"
Rédacteur en chef: A, DE BALATHIER-BRAGELONNS
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, roc'!:)J?ouoi
. ~ ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 11 AVRIL 1870
LES PRÉFACES DE M. ALEXANDRE DUMAS FILS
LA FEMME
II
"Il y a, dans la préface de l'Ami de .¡ éin,,-l
^s, trois affirmations qui me renversent.
le veux les prendre une à une :
1° C'est pOllf la femme qu' Alceste est mis an-
thrope. ,
2° C'est pour elle que rartuffe est sacrilége.
3° La Marguerite de Gœthe, restée sympa-
thique et immaculée dans la mémoire des hom-
mes, est une gaillarde qui s'éprend à première
vue, qui se donne pour un collier, et qui tue son I
enfant /
Jusqu'à présent, j'avais pris AlcesLe pour
l'honnête homme, assez courageux pour être
honnêle tout haut.
Comme M. Alexandre Dumas fils, il a
l'amour du bien, du beau, du juste, de la
famille, de l'humanité, et il croit qu'en de-
hors de l'amour il n'y a rien de possible dans
la vie. - .
01', l'ami qu'il a choisi est un de ces
hommes-filles qui ont la même poignée de
main pour le citoyen intègre et pour le gre-
din ou l'imbécile ; la femme qu'il préfère est
une femme du monde, une poupée égoïste,
qui voudrait être aimée du genre humain
parce que cela flatte sa vanité; les mauvais
poètes qui lui lisent leurs vers demandent
, des éloges et non des avis. Lui, alors, s 'em-
porte et se plaint.i .
Mais son cri n'est pas un cri de colère ;
t'est l'expression de son désespoir de trouver
les êtres réels si loin de l'idéal qu 'il s est
formé. Pourquoi son ami n'est-il pas plus
Sur, sa maîtresse moins coquette ? Pourquoi
les poètes n'ont-ils pas la modestie à défaut
.duraient ? .
S'ils étaient tous ce qu'ils devraient être,
comme il serait heureux, comme sa misan-
thropie fondrait aux rayons de ce bon soleil
de vérité et de justice!...
Voilà Alceste ; ce n'est pas Célimène seu-
lement qui l'assombri.t ; c'est le milieu social
tout entier dans lequel il est forcé de vivre.
Ce milieu lui pèse, et sa déclamation contre
les gens en est bien plutôt une contre les
locBurs que l'éducation leur a données et
les lois qui font les mœurs. C'est^ un
xévblmionnak'e sans le savoir qui ne s 'ac-
^on^dde pas du présent, et qui se dit que
Vout.jp|urrait être mieux parce qu'il a le
^n%r^ent du mieux dans son cœur.
ï. Y
Quant à Tartuffe, on dirait que les comé-
diens et les .critiques ont fait la gageure de
nous le défigurer.
Il est cependant précis comme le sont tou-
tes les créations du génie français.
C'est un garçon d'une intelligence moyen-
ne, à qui l'instruction a créé des besoins et
qui trouve plus commode de s® JL Blaire ces
besoins en dupant autrui qu 'e& Jï livrant
lui-même à un travail pénible eL assujettis-
sant .
Il vit dans un temps où la dé^ution est à
la mode : il se fait dévot pour plaire aux gens
et pour les exploiter. A une autre époque, il
se ferait libre penseur, émigré, soldat de la
Loire, Polonais ou démocrate. Le moyen- lui
est indifférent, pourvu .qu'il atteigne le but,
qui consiste à bien vivre sans travailler.
C'est un simple chevalier d'industrie qui
opère sans violer le code.
Elmire lui plaît sans doute; il la voit
jeune, belle, élégante, à travers le demi-
sommeil de sa digestion, et il la convoite;
mais ce n'est pas elle qui l'a amené chez
Orgon ; ce n'est pas pour elle qu 'il a joué la
comédie; elle ne figure que pomme partie
dans l'ensemble de ses convoitises, de même
que Célimène n'est qu'une des causes du,dé- !
sespoir d'Alceste.
Molière, — qui était à l'a fois Christophe
Colomb et Olhcl1o (n'en déplaise à M. Alex.
Dumas fils, on peut être les deux),- Molière
tenait compte de la femme sans tout lui as-
servir, ni sans l'asservir elle-même;
.
Pour Marguerite, l'appeler une gaillarde \
est monstrueux. gE
C'est une des créations les plus touchan- SE
tes et les plus vraies du génie dramatique :
c'est toute la femme, — la femme à seize I s:
ans.
Elle sort de l'église o~ elle vient de com- jt
munier, jeune, chaste, pure. Elle a respiré
les parfums de l'encens, entendu les chants e
de l'orgue. Le soleil d'avril brille dans la
rue; le printemps remplit l'air de ses souf-
fles, de ses bourdonnements, de ses harmo-
nies. C'est la saison de l'amour. Un jeune
homme se présente; il s'arrête ; son' regard
pèse sur la vierge qui marche les yeux 1
baissés, mais qui le ressent si elle ne le voit !
pas. Elle rentre chez elle, émue, troublée. 1
Qui ce cavalier peut-il être? ,
Il avait l'air bien elfronté!
Elle se met devant sa glace ; elle lisse ses
cheveux. Elle ouvre une armoire.....
- Eh! quoi, des diamants ! Ils ne sont pas
à moi. Je dirai à ma mère de les porter à
mon confesseur. Mais, avant, si' je jugeais
de leur effet!... - 4
Et l'enfant de mettre un collier et de se
mirer de nouveau !
Le jeune homme revient; il parle d'a-
mour. Elle l'écoute. Mais elle serait en bois
si elle ne l'écoutait pas ! Est-ce qu 'à seize
ans on raisonne comme une vieille? Les dia-
mants, sans doute ils sont beaux, mais ce
n'est pas pour eux que Marguerite se donne;
elle ouvre ses bras à Faust comme Juliette
ouvre les siens à Roméo, pour obéir à î léteri,
nel instinct.
Elle a cédé. Elle devient mère. Elle de-
! . vient folle. Sa mère la maudira ; son frère
aura honte ; le pauvre petit être auquel elle
1 a donné le jour sera déshonoré en naissant.
' Oh! plutôt qu'il meure! Et ejtle le tue.
> Après quoi, désespérée, n'ayant dplus qu'à
1 mourir elle-même, elle se tourne vers Dieu
1 et lui demande grâce au nom de ses douleurs
et de son repentir !
s Voilà celle que vous appelez une gaillarde !
Vous avez le sang froid, monsieur. Moi
ê je l'appelle une victime!
Victime ..de la nature qui lui a donné un
cœur et des sens!
Victime d'un drôle qui pouvait l épouser
et qui a préféré la séduire !
Victime de 'la société qui, moins indul-
gente que Dieu, lui reprochera éternellement
sa faute !
Victime, trois fois victime, et trois fois
sacrée !
Pourquoi ce blasé l'a-t-il choisi e pour su-
Jet?
Pourquoi sa mère ne veillait-ell'e pas sur
elle? .
Pourquoi cette loi impitoyable qui en-
gendre le crime en punissant comme un
crime la première faute d'une enfant?
La femme, dites-vous, est un être infé-
rieur?— Autour de Marguerite, montrez-
moi donc la supériorité ! Si par là vous en-
tendez l'action de Faust, je suis votre ser-
viteur. Nous ne nous entendrons pas !
Le mal existe. Je le sais comme vous,.
Je sais aussi d'où jl vient.
Les hommes du Nord, les barbares, les
Francs, étant forts et grossiers, adoraient
la faiblesse et la grâce. Ils se mettaient à ge-
noux devant les'femmes dont ils faisaient
des fées. Ils trouvèrent, dans la Gaule, la
loi romaine, si juste, si équitable, si conformé
à la nature, qui donnait à la-femme la sou-
veraineté intérieure et J ui interdisait inflexi-
blement la vie publique. ils adoptèrent la
loi et gardèrent- les mœurs.
De là une contradiction dont nous voyons
aujourd'hui le triste effet.
Mais pourquoi en rendre la femme res*
ponsable? Pourquoi crier à son infériorité?
Ce qu'on appelle l'inégalité des conditions
me révolte. Mais quelque chose de plus ré-
voltant serait cet esclavage que vous vou-,
driez imposer à nos mères, à nos sœurs, a
nos femmes et à nos filles.
Elles ont îeurs fonctions naturelles comme
nous avons les nôtres ; elles sont nos équi-
valentes ,si elles ne.sont pas nos égales. L'a-
mour ne réside pas seulement dans l'attrait
des sens, mais dans un élan de l'âme ; son
caractère, c'est l'adoration.
Or, il n'y a pas de talent qui tienne ! On
n'adore pas un vase ou un moule 1...
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XV
15
Une fois dans la cave, l'abbé Samuel prit la
. lanterne des mains du publicain. I
— Nous n'avons plus besoin de toi, dit-il. i
— Je puis remonter ?
— Oui.
— Vous n'attendez personne?
— Personne absolument.
Le publicain gravit de nouveau les degrés
de l'échelle, laissant Shoking, Marmouset et
l'abbé Samuel dans la cave.
Alors le fénian promena sa main sur la paroi
humide d«a la muraille, cherchant un ressort
sans doute.
Voirie numéro du 12 juin 18&9.
Et, tout à coup, une porte, si-habilement
dissimulée qu'on la confondait avec le ¡m,ur,
s'ouvrit. '
— Voilà notre chemin, dit le prêtre.
La porte démasquait un étroit corridor sou-
terrain.
Tous trois s'y engagèrent l , un après 1 „ autre..
Marmouset cheminait le dernier, tandis que
l'abbé Samuel éclairait la marche avec la lan-
terne qu'il avait prise au publicain.
Le souterrain était comme un boyau d e-
gout, se prolongeait sur un parcours de trente
mètres environ et, aboutissait à un petit esca-
lier de six marches.
Cet escalier aboutissait lui-même à une
porte qui était simplement poussée, car elle
céda sous la main de l'abbé Samuel.
Alors le prêtre éteignit la lanterne. <
- Que faites-vous > donc? demanda lVlar-
mouset.
— Je suis prudent;
Mais où sommes-nous donc ici r
Dans un ca'veau de famille.
— Ah ! vraiment?
Tenez, dit encore l'abbé Samuel, mainte-
nant que la lanterne est éteinte, regardez de-
vant vous.
- Bon! .
— N'apercevez-vous rien?
— Il me semble que je vois un coin du ciel,
au travers d'une fenêtre.
, — Non pas d'une fenêtre, mais d une porte.
En effet, le caveau dans lequel ils venaient,
de pénétrer par ce singulier chemin avait une
porte qui donnait sur le cimetière. è
f L'abbé Samuel tira un verrou et cette porte
s'ouvrit.
— Je sais où est la tombe, dit encore le prê-, »
tre irlandais.
Et il sortit le premier du caveau.
La nuit était noire et le brouillard épais.
— Suivez-moi, dit encore l'abbé Samuel, et
marchez avec précaution; il ne faut pas, au-
tant que possible, marcher sur les tombes,
c'est une profanation..
Malgré l'obscurité, le prêtre s orientait assra
Ahl dit Marmouset tout bas, vous savez
où est la tombe?
Oui, je me rappelle avoir remarqué la
croix de fer et l'inscription.
- Saviez-vous aussi qu'elle contenait des
papiers ?
— Non; etrcependant...
— Cependant? fit Marmouset..
- Je sais vaguement ce que renferment ees
papiers ?
- Il y a trois mois, poursuivit l'abbé Sa-
muel, un homme vint un jour à l église Sain -
George et demanda à me parler.
— Quel était cet homme?
— C'était Tom, le mari de'Eetsy. ^
— Il n'était donc point encore en prison?
— Non. Tom me racontai on histoire et
supplia de m'intéresser à lui» •'*"
Je pouvais tout, me disait-il, et si je prenais
sa cause en main, il la considérait comme
gagnée. '<
Malheureusement, Tom était Ecossais, pro-
testant, et non affilié au fénianisme.
J'étais sûr d'avance qu.e nos frères refuse-
raient de le servir .et je le lui dis.
Il ne voulut pas en entendue davantage et;'
s'en alla, en me faisant de la mam un geste
d'adieu désespéré.. #
Deux jours @ après, Tom assassinait ^ora
Evandale.
— Mais, dit Marmouset, ne lui aviez-vous
donc pas. parlé deThomme gris?
— En aucune façon. • #
.Alors, comment l'Homme gris a-t-il pu
savoir..?
— Ils se sont vus à Newgate.
— Ah 1 C'est juste.
Et Marmouset aJouta en manière d aparté :
- Je reconnais bien là le maître et sa na-.*.
ture chevaleresque: pour que Rocambole ait
accepté l'héritage de Tom le supplicie, il faut
que cette cause soit j uste.
L'abbé Samuel s'arrêta
— C'est ici, dit-il. -
La nuit était trop noire pour qu ' oilt ■ ^..,
chiffrer l'inscription, mais on voyait ioiv ^
I tinctement la croix de fer. - -
B cent. le numéro.
JOURNAL. QUOTIDIEN : . ~ ~ 1
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un ait
Paris 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 6 il T-. -
Administrateur : BoURDiLLIA.T«
—, , .. y
Õme année — MARDI î<2 AVRIL 1870. — N°_ 1434 i,~
.:il"
Rédacteur en chef: A, DE BALATHIER-BRAGELONNS
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, roc'!:)J?ouoi
. ~ ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 11 AVRIL 1870
LES PRÉFACES DE M. ALEXANDRE DUMAS FILS
LA FEMME
II
"Il y a, dans la préface de l'Ami de .¡ éin,,-l
^s, trois affirmations qui me renversent.
le veux les prendre une à une :
1° C'est pOllf la femme qu' Alceste est mis an-
thrope. ,
2° C'est pour elle que rartuffe est sacrilége.
3° La Marguerite de Gœthe, restée sympa-
thique et immaculée dans la mémoire des hom-
mes, est une gaillarde qui s'éprend à première
vue, qui se donne pour un collier, et qui tue son I
enfant /
Jusqu'à présent, j'avais pris AlcesLe pour
l'honnête homme, assez courageux pour être
honnêle tout haut.
Comme M. Alexandre Dumas fils, il a
l'amour du bien, du beau, du juste, de la
famille, de l'humanité, et il croit qu'en de-
hors de l'amour il n'y a rien de possible dans
la vie. - .
01', l'ami qu'il a choisi est un de ces
hommes-filles qui ont la même poignée de
main pour le citoyen intègre et pour le gre-
din ou l'imbécile ; la femme qu'il préfère est
une femme du monde, une poupée égoïste,
qui voudrait être aimée du genre humain
parce que cela flatte sa vanité; les mauvais
poètes qui lui lisent leurs vers demandent
, des éloges et non des avis. Lui, alors, s 'em-
porte et se plaint.i .
Mais son cri n'est pas un cri de colère ;
t'est l'expression de son désespoir de trouver
les êtres réels si loin de l'idéal qu 'il s est
formé. Pourquoi son ami n'est-il pas plus
Sur, sa maîtresse moins coquette ? Pourquoi
les poètes n'ont-ils pas la modestie à défaut
.duraient ? .
S'ils étaient tous ce qu'ils devraient être,
comme il serait heureux, comme sa misan-
thropie fondrait aux rayons de ce bon soleil
de vérité et de justice!...
Voilà Alceste ; ce n'est pas Célimène seu-
lement qui l'assombri.t ; c'est le milieu social
tout entier dans lequel il est forcé de vivre.
Ce milieu lui pèse, et sa déclamation contre
les gens en est bien plutôt une contre les
locBurs que l'éducation leur a données et
les lois qui font les mœurs. C'est^ un
xévblmionnak'e sans le savoir qui ne s 'ac-
^on^dde pas du présent, et qui se dit que
Vout.jp|urrait être mieux parce qu'il a le
^n%r^ent du mieux dans son cœur.
ï. Y
Quant à Tartuffe, on dirait que les comé-
diens et les .critiques ont fait la gageure de
nous le défigurer.
Il est cependant précis comme le sont tou-
tes les créations du génie français.
C'est un garçon d'une intelligence moyen-
ne, à qui l'instruction a créé des besoins et
qui trouve plus commode de s® JL Blaire ces
besoins en dupant autrui qu 'e& Jï livrant
lui-même à un travail pénible eL assujettis-
sant .
Il vit dans un temps où la dé^ution est à
la mode : il se fait dévot pour plaire aux gens
et pour les exploiter. A une autre époque, il
se ferait libre penseur, émigré, soldat de la
Loire, Polonais ou démocrate. Le moyen- lui
est indifférent, pourvu .qu'il atteigne le but,
qui consiste à bien vivre sans travailler.
C'est un simple chevalier d'industrie qui
opère sans violer le code.
Elmire lui plaît sans doute; il la voit
jeune, belle, élégante, à travers le demi-
sommeil de sa digestion, et il la convoite;
mais ce n'est pas elle qui l'a amené chez
Orgon ; ce n'est pas pour elle qu 'il a joué la
comédie; elle ne figure que pomme partie
dans l'ensemble de ses convoitises, de même
que Célimène n'est qu'une des causes du,dé- !
sespoir d'Alceste.
Molière, — qui était à l'a fois Christophe
Colomb et Olhcl1o (n'en déplaise à M. Alex.
Dumas fils, on peut être les deux),- Molière
tenait compte de la femme sans tout lui as-
servir, ni sans l'asservir elle-même;
.
Pour Marguerite, l'appeler une gaillarde \
est monstrueux. gE
C'est une des créations les plus touchan- SE
tes et les plus vraies du génie dramatique :
c'est toute la femme, — la femme à seize I s:
ans.
Elle sort de l'église o~ elle vient de com- jt
munier, jeune, chaste, pure. Elle a respiré
les parfums de l'encens, entendu les chants e
de l'orgue. Le soleil d'avril brille dans la
rue; le printemps remplit l'air de ses souf-
fles, de ses bourdonnements, de ses harmo-
nies. C'est la saison de l'amour. Un jeune
homme se présente; il s'arrête ; son' regard
pèse sur la vierge qui marche les yeux 1
baissés, mais qui le ressent si elle ne le voit !
pas. Elle rentre chez elle, émue, troublée. 1
Qui ce cavalier peut-il être? ,
Il avait l'air bien elfronté!
Elle se met devant sa glace ; elle lisse ses
cheveux. Elle ouvre une armoire.....
- Eh! quoi, des diamants ! Ils ne sont pas
à moi. Je dirai à ma mère de les porter à
mon confesseur. Mais, avant, si' je jugeais
de leur effet!... - 4
Et l'enfant de mettre un collier et de se
mirer de nouveau !
Le jeune homme revient; il parle d'a-
mour. Elle l'écoute. Mais elle serait en bois
si elle ne l'écoutait pas ! Est-ce qu 'à seize
ans on raisonne comme une vieille? Les dia-
mants, sans doute ils sont beaux, mais ce
n'est pas pour eux que Marguerite se donne;
elle ouvre ses bras à Faust comme Juliette
ouvre les siens à Roméo, pour obéir à î léteri,
nel instinct.
Elle a cédé. Elle devient mère. Elle de-
! . vient folle. Sa mère la maudira ; son frère
aura honte ; le pauvre petit être auquel elle
1 a donné le jour sera déshonoré en naissant.
' Oh! plutôt qu'il meure! Et ejtle le tue.
> Après quoi, désespérée, n'ayant dplus qu'à
1 mourir elle-même, elle se tourne vers Dieu
1 et lui demande grâce au nom de ses douleurs
et de son repentir !
s Voilà celle que vous appelez une gaillarde !
Vous avez le sang froid, monsieur. Moi
ê je l'appelle une victime!
Victime ..de la nature qui lui a donné un
cœur et des sens!
Victime d'un drôle qui pouvait l épouser
et qui a préféré la séduire !
Victime de 'la société qui, moins indul-
gente que Dieu, lui reprochera éternellement
sa faute !
Victime, trois fois victime, et trois fois
sacrée !
Pourquoi ce blasé l'a-t-il choisi e pour su-
Jet?
Pourquoi sa mère ne veillait-ell'e pas sur
elle? .
Pourquoi cette loi impitoyable qui en-
gendre le crime en punissant comme un
crime la première faute d'une enfant?
La femme, dites-vous, est un être infé-
rieur?— Autour de Marguerite, montrez-
moi donc la supériorité ! Si par là vous en-
tendez l'action de Faust, je suis votre ser-
viteur. Nous ne nous entendrons pas !
Le mal existe. Je le sais comme vous,.
Je sais aussi d'où jl vient.
Les hommes du Nord, les barbares, les
Francs, étant forts et grossiers, adoraient
la faiblesse et la grâce. Ils se mettaient à ge-
noux devant les'femmes dont ils faisaient
des fées. Ils trouvèrent, dans la Gaule, la
loi romaine, si juste, si équitable, si conformé
à la nature, qui donnait à la-femme la sou-
veraineté intérieure et J ui interdisait inflexi-
blement la vie publique. ils adoptèrent la
loi et gardèrent- les mœurs.
De là une contradiction dont nous voyons
aujourd'hui le triste effet.
Mais pourquoi en rendre la femme res*
ponsable? Pourquoi crier à son infériorité?
Ce qu'on appelle l'inégalité des conditions
me révolte. Mais quelque chose de plus ré-
voltant serait cet esclavage que vous vou-,
driez imposer à nos mères, à nos sœurs, a
nos femmes et à nos filles.
Elles ont îeurs fonctions naturelles comme
nous avons les nôtres ; elles sont nos équi-
valentes ,si elles ne.sont pas nos égales. L'a-
mour ne réside pas seulement dans l'attrait
des sens, mais dans un élan de l'âme ; son
caractère, c'est l'adoration.
Or, il n'y a pas de talent qui tienne ! On
n'adore pas un vase ou un moule 1...
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XV
15
Une fois dans la cave, l'abbé Samuel prit la
. lanterne des mains du publicain. I
— Nous n'avons plus besoin de toi, dit-il. i
— Je puis remonter ?
— Oui.
— Vous n'attendez personne?
— Personne absolument.
Le publicain gravit de nouveau les degrés
de l'échelle, laissant Shoking, Marmouset et
l'abbé Samuel dans la cave.
Alors le fénian promena sa main sur la paroi
humide d«a la muraille, cherchant un ressort
sans doute.
Voirie numéro du 12 juin 18&9.
Et, tout à coup, une porte, si-habilement
dissimulée qu'on la confondait avec le ¡m,ur,
s'ouvrit. '
— Voilà notre chemin, dit le prêtre.
La porte démasquait un étroit corridor sou-
terrain.
Tous trois s'y engagèrent l , un après 1 „ autre..
Marmouset cheminait le dernier, tandis que
l'abbé Samuel éclairait la marche avec la lan-
terne qu'il avait prise au publicain.
Le souterrain était comme un boyau d e-
gout, se prolongeait sur un parcours de trente
mètres environ et, aboutissait à un petit esca-
lier de six marches.
Cet escalier aboutissait lui-même à une
porte qui était simplement poussée, car elle
céda sous la main de l'abbé Samuel.
Alors le prêtre éteignit la lanterne. <
- Que faites-vous > donc? demanda lVlar-
mouset.
— Je suis prudent;
Mais où sommes-nous donc ici r
Dans un ca'veau de famille.
— Ah ! vraiment?
Tenez, dit encore l'abbé Samuel, mainte-
nant que la lanterne est éteinte, regardez de-
vant vous.
- Bon! .
— N'apercevez-vous rien?
— Il me semble que je vois un coin du ciel,
au travers d'une fenêtre.
, — Non pas d'une fenêtre, mais d une porte.
En effet, le caveau dans lequel ils venaient,
de pénétrer par ce singulier chemin avait une
porte qui donnait sur le cimetière. è
f L'abbé Samuel tira un verrou et cette porte
s'ouvrit.
— Je sais où est la tombe, dit encore le prê-, »
tre irlandais.
Et il sortit le premier du caveau.
La nuit était noire et le brouillard épais.
— Suivez-moi, dit encore l'abbé Samuel, et
marchez avec précaution; il ne faut pas, au-
tant que possible, marcher sur les tombes,
c'est une profanation..
Malgré l'obscurité, le prêtre s orientait assra
Ahl dit Marmouset tout bas, vous savez
où est la tombe?
Oui, je me rappelle avoir remarqué la
croix de fer et l'inscription.
- Saviez-vous aussi qu'elle contenait des
papiers ?
— Non; etrcependant...
— Cependant? fit Marmouset..
- Je sais vaguement ce que renferment ees
papiers ?
- Il y a trois mois, poursuivit l'abbé Sa-
muel, un homme vint un jour à l église Sain -
George et demanda à me parler.
— Quel était cet homme?
— C'était Tom, le mari de'Eetsy. ^
— Il n'était donc point encore en prison?
— Non. Tom me racontai on histoire et
supplia de m'intéresser à lui» •'*"
Je pouvais tout, me disait-il, et si je prenais
sa cause en main, il la considérait comme
gagnée. '<
Malheureusement, Tom était Ecossais, pro-
testant, et non affilié au fénianisme.
J'étais sûr d'avance qu.e nos frères refuse-
raient de le servir .et je le lui dis.
Il ne voulut pas en entendue davantage et;'
s'en alla, en me faisant de la mam un geste
d'adieu désespéré.. #
Deux jours @ après, Tom assassinait ^ora
Evandale.
— Mais, dit Marmouset, ne lui aviez-vous
donc pas. parlé deThomme gris?
— En aucune façon. • #
.Alors, comment l'Homme gris a-t-il pu
savoir..?
— Ils se sont vus à Newgate.
— Ah 1 C'est juste.
Et Marmouset aJouta en manière d aparté :
- Je reconnais bien là le maître et sa na-.*.
ture chevaleresque: pour que Rocambole ait
accepté l'héritage de Tom le supplicie, il faut
que cette cause soit j uste.
L'abbé Samuel s'arrêta
— C'est ici, dit-il. -
La nuit était trop noire pour qu ' oilt ■ ^..,
chiffrer l'inscription, mais on voyait ioiv ^
I tinctement la croix de fer. - -
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