Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-07
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 07 avril 1870 07 avril 1870
Description : 1870/04/07 (A5,N1449). 1870/04/07 (A5,N1449).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716878b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro. l-
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro-.
:ABlJNNEMENTS. - Trois mois Six mois Un 211
Paris. 5 fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements 6 11
Administrateur : BOURDILLIAT.
5me année _ JEUI»! 7 AVRIL 1870. — Ne 1449
Rédacteur en ch]': A. DEBAIATHIER-BRAGELONN»
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, rueDrouot
ADMINISTRATION : 13, quai VOIt'airle. -~ 1
PARIS, 6 AVRIL 1870
MONTAUCIEL
. , Les premiers soleils donnent ln. vté'.l l,ti lL^
''corps est plus dispos, la pensée va plus vite.
Si l'on agit, l'action est jeune; si l'on rêve,
le rêve crève toutes les toiles de l'infini.
Il suffit d'un si conditionnel pour créer
une heure de joie.
Quelle affirmation en ferait autant?
Si j.'étais? — Si j'avais? — Si je pouvais?
Et nous restons à cheval sur notre imagi-
. nation tant que le" si ne casse pas. Par mal-
heur il est fragile. Mais par bonheur il se i
raccommode,— et si vite et si bien,—que du
plus neuf au plus usé, il n'y a pas la plus
petite différence..
Si .j'étais! — Ajoutez, selon lesjndi vidus :
Beau, jeune, aimé;
Poète, savant, illustre ; .*
Millionnaire, empereur, député de la
41" circonscription...
Par exemple, les cas sont rares où le si est
suivi de ces mots :
Facteur de la poste,
Clerc d'huissier,
Père de huit enfants,
Condamné à mort.
L'ambition est ascendante : c'est sa loi.
Qui ne connaît le dialogue de Pyrrhus,
roi d'Epire, et de son ministre Cinéas?
PYRRHUS
L'EpiL'e est bien resserrée : ne pourrais-je
pas, pour l'aggrandir, conquérir la Thes-
«alie? . ,
CINÉAS
Après, sire?
PYRRHUS
La Thessalie conquise, nous soumettons
la Macédoine.
CINÉAS
Après ?
PYRRHUS
Nous revenons chez nous par l'Attique et
le PéloponèL-e.
CINÉAS )
Apres?
PYRRHUS
N^'Illyrie nous serre de trop près. Nous
anAexo-ns l'Illyrie.
.LJ. I CINÉAS
^ près ?
1 PYRRHUS
* L'Italie est là, de l'autre côté d'une mer
étroite. Rien qu'à étendre la main!
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Derrière rit-alm, la Sicile. Mes soldats la
connaissent déjà.
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Mais la Sicile, est une colonie carthagi-
noise. Victoire oblige. Nous sommes dans la
nécessité de soumettre Cartilage ou d(,, nous
soumettre à elle. Mes soldats sont braves.
Chaque Epirote vaut dix mercenaires. Na-
turellement Carthage est vaincue.
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Après, mon cher Cinéas?... Nous reve-
nons, tranquillement, nous reposer en
Epire. ;
CINÉAS
Eh bien ! ! Si nous commencions par-la!
Pyrrhus, par malheur pour lui, ne l'en-
tendit pas delà sorte. Il partit.-Un peu de
temps après, — comme il n'en était encore"
qu'au Péloponès?, — une vieille femme
d'Argos lui jeta une tuile sur la tête et le tua
du coup.
Pourquoi, dans nos rêves, — ces magni-
fiques voyages de l'ambition entrepris, —
restons-nous toujours en chemin? Pourquoi
n'allons-nous pas jusqu'au bout? L'esprit se
lasse-t-il donc comme se lasseraient les jam-
bes? L'imagination s'égarc-t-elle comme s'é-
garerait un enfant?... Quoi qu'il en soit,
nous sommes misérablement arrêtés il la fa-
çon de Pyrrhus, et, l'excursion manquée,
nous finissons par renlrer chez nous. •
Rentrer chez soi, c'est très-bien. Encore
faudrait-il auparavant avoir franchi toutes
les bornes, occupé toutes les positions, cou-
ronné toutes les hauteurs ?...
Un poëte, — prenez le mot dans son ac-
ception la plus délicate et la plus élevée, —
Armand Barthet vient de publier sur ce thè-
me un petit livre gros comme rien, mais
qui aborde nettement la question, la pous-se
à bout, tout à fait à bout, si haut eL si loin
qu'on s'en prend la tête et qu'on demeure
abasourdi.
•k
Son Pyrrhus, à lui, est un bon et hon-
nête bourgeois qui s'ennuie; on le nomme
Montauciel. Le nom du héros est le titre du
poëme.
Pour se désennuyer, Montauciel devient
maire de son village. Il administre si bien
.qu'il gagne la croix. Le voilà conseiller-gé-
néral et baron. Naturellement, les électeurs
en font un\lépulé. Une révolution éclate et
no.tre tribun en profite. C'est de la chance,
il est vALque d'arriver au grade de Prési-
dent d^rïlépublique. Mais on en peut dire
aâtant ,tous ceux qui y sont parvenus.
PrJ^J^nt? C'est précaire. Le titre de roi
conviendrait mieux à Montauciel. C'est plus
stable, mieux compris, mieux porté. —Vive
le roi ! — Pour payer sa bienvenue, il rend
à la France sa frontière du Rhin. — La
Prusse résistera? Tant pis pour elle; elle
est battue. — La Russie viendra au secours
de. sa voisine? Elle est réduite en provinces
françaises. — L'Angleterre ne sera pas con-
tente? On la disloque. — L'Europe stupé-
faite reconnaît pour souverain maître Sa
Majesté MONTAUCIEL, premier du nom.
L'Europe? Ce n'est guère... Après avoir battu
Darius, Alexandre a traversé l'Asie.
Aussi l'Asie s'empresse-t-elle, avec moins
• de peine encore, d'ajouter son fleuron à la
couronne de Montauciel.. Après l'Asie, la
Polynésie ; après la Polynésie, l'Afrique ;
après l'Afrique, l'Amérique.
Est-ce assez, ô Majesté?
Votre sceptre s'étend d'un bout du monde à l'autre.
Décidément ce Montauciel a lu de mau-
vais livres. Combien seraient satisfaits
d'un pouvoir sans bornes sur un empire sans
limites! Mais lui, pas. — Après sa rentrée
, à Paris, une rentrée comme jamais féerie
n'a osé en essayer une, il a des idées noires"
il est jaloux, et il répond aux courtisans qui
le félicitent :
Les Empereurs de Rome
Sont allés plus avant... Un Roi? Ce n'est qu'un homme.
h. la terre conquise ils annexaient les cieux.
— Faites-en autant ! lui répondent r en
ihœur s ,s courLisans.
Montauciel s'y décide.
Il devient Dieu.
Alors il s'ennuie.
— Si je redescendais?
Et d'échelon en échelon, — comme nous
avons vu l'escalade, — nous assistons à là
dégringolade de-cette autre échelle de Ja-
cob.
Montauciel n'est plus même maire. Quel
bonheur !
Et moi qui me plaignais ! Ingrat malavisé,
Je vivais trop heureux d'tftt. bonheur trop aisé.
Le vilain rêve ! — Où sont mes livres et ma bêche 1
Où mon fusil de chasse et mes outils de pèche?
Ma tonnelle que couvre une treille aux fruits d'or?
Mon ruisseau d'eau courante et mon bon chien Médor ?
— Oh ! la chanson du coq ! le sentier qui s'égare!
La liberté, l'air pur, le s-oleil, la fanfare!...
Adieu, derniers brouillards d'un rave décevant!..
Je suis redevenu Gros-Jean comme devant.
Tel est ce poëme, où Y Hypothèse dialogue
avec le bourgeois qui monte, et où Y Objection
donne la réplique à l'ambitieux arrivé,- - nï
œuvre singulière,' féerique, amusante, — et
raisonnable, car elle développe cette vérité
que j'ai si souvent émise ici : la politique
est un droit, un devoir, ce n'est pas un mé-
tier. Tout citoyen lui doit une part de sa .
'vie; en faire le but unique et la préoccu-
pation exclusive, c'est attenler à la souve-
raineté commune, manquer à la fois de sens
moral, de patriotisme et de dignité.
Armand Barthet dédie son livre à son
ami M. Charles de Mandre, un candidat,
auquel il vante le charme d'une existence
obscure et utile.
Il va sans dire que ce poétique plaidoyer -
ne convertira personne.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU P E N DU
X
— Le bon gouverneur, sir Robert M...,
poursuivit Roca 'mbole, ne perdait pas l'espoir
de m'arracher de*s aveux.
Aussi redoublal\t.it avec moi de petits soins
et d'amabilité. \
Chaque jour je pouvais voir le condamné à
mort et lui prodiguer des consolations.
Chaque jour aussi, Robert M... me di-
sait :
— N'est-ce pas que c'est affreux, un homme
qui va mourir?
- Les jours s'écoulaient.
Un soir sir Robert M..." entra dans ma
chambre et me dit :
— Vous savez que c'est pour demain?
— «Quoi donc?
— L'exécution du condamné.
— Ah! le pauvre homme!
— Voulez-vous toujours y assister?
— Toujours.
— A'ors, il faut que vous changiez de cel-
lule.
— Ali !
— Et. que vous descendiez au rez-de-chaus-
sée,
— Comme il vous plaira.
— Si même...
Et sir Robert parut hésiter et me regarda
d'un air indécis.
— Achevez, lui dis-j>e.
— Si même vous voulez passer la nuit avec
lui...
— Oh! bien volontiers...
— J ; suis convaincu que vo!re conversion
vie résistera pas S cette dernière épreuve.
— La vue du frisle spectacle?
-- D'abord. Mais aussi les angoiss-s du mal-
heureux qui n'a plus que quelques heures à
vivre.
-Cela. est possible, dis-je froidement.
— Oh ! je suis bien sûr, dit sîr Robert M...,
souriant toujours, que vous serez pris d'une
épouvante salutaire.
— Je ne demande pas mieux.
— Et que vous vous attirerez ;la bienveil-
lance de vos juges par des aveux bien francs,
bien complets.
Je ne répondis rien. '
Il reprit : *
— Du reste, vous ne serez pas seul avec le
condamné.
— Vraiment?
— Deux dames des prisons y passeront la
nuit en prière. Vous verrez comme c'est lu-
gubre. ;
— Mais, dis-je à sir Robert, les règlements
ne s'opposent donc pas à cela ?
— Au contraire, répondit-il.
— B îh 1
— La loi permet que le condamné passe la
dernière nuit avec un parent, un ami, ou
même un simple prisonnier de bonne vo-
lonté.
— Eh bien ! je serai ce prisonnier-là.
— Attendez donc, poursuivit sir Robert, il
y a encore une particularité que vous ignorez
bien certainement et que je vais vous ap-
prendre, ".
— Voyons?
— Lc'corps du supplicié appartient à Cal-
craft, qui le vend ordinairement aux chirur-
giens.
— Je sais cela.
— Sa défroque appartient encore à Calcraft.
— Bon!
— Mais la loi veut que la corde soit la pro-
priété du supplicié.
— En vérité!
—- Et il a le droit de la léguer à qui bon lui
semble.
— Et la corde de pendu porte bonheur?
—- On le dit.
— Ce qui fait que, si le condamné me léguait
cette corde, j'aurais quelque chance de n'être
point pendu à mon tour....
— Surtout si vous faites des aveux, dit sir
R0î,\«*t M."
Je me mis à rire.
— Je ne crois pas beaucoup à la vertu de la
corde de pendu, repi it sir Robert; mais enfin
si le condamné veus fait son héritier, je n'y
vois aucun inconvénient; et je tiendrai même
la main à ce qu'elle vous soit remise.
— Vous êtes le plus aimable des gouver-
neurs, lui dis-je.
Il soupira :
— Vrai, répondit-il, si vous faites des aveux,
je vous aimerai comme mon fils.
Et il me quitta.
Une heure après, on me. conduisit dans le
cachot du condamne à mort.
Les dames des prisons s'y trouvaient déjà.
Le mari de Betsy-Justice'me reçut en sou- '
riant :
— C'est poivr demain, me dit-il.
— N'as-tu donc pas peur de la mort? lui
demandai-je.
— Non.. •
Et il leva la main vers la fenêtre du cachot
à travers les barreaux de laquelle on aperce-
vait un coin du ciel.
— Quand un homme meurt pour avoir fait
son devoir, dit-il, il meurt tranquille.
— Tu n'as plus rien à me dire ?
— Plus rien. Vous savez tout. Ah! pardon,
je vous lègue ma corde, vous savez, c'est mon.
droit.
— Oui, le gouverneur me l'a dit.
— Ah !
— Et il est même enchanté de me voir ton
héritier.
Le condamné se prit à sourire.
— Pauvre homme! dit-il,faisant allusion a^
.Voir Iç numéro du 12 juin 1869. '~>
5 cent. le numéro. l-
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro-.
:ABlJNNEMENTS. - Trois mois Six mois Un 211
Paris. 5 fr. 9 fr. 1 s fr.
Départements 6 11
Administrateur : BOURDILLIAT.
5me année _ JEUI»! 7 AVRIL 1870. — Ne 1449
Rédacteur en ch]': A. DEBAIATHIER-BRAGELONN»
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, rueDrouot
ADMINISTRATION : 13, quai VOIt'airle. -~ 1
PARIS, 6 AVRIL 1870
MONTAUCIEL
. , Les premiers soleils donnent ln. vté'.l l,ti lL^
''corps est plus dispos, la pensée va plus vite.
Si l'on agit, l'action est jeune; si l'on rêve,
le rêve crève toutes les toiles de l'infini.
Il suffit d'un si conditionnel pour créer
une heure de joie.
Quelle affirmation en ferait autant?
Si j.'étais? — Si j'avais? — Si je pouvais?
Et nous restons à cheval sur notre imagi-
. nation tant que le" si ne casse pas. Par mal-
heur il est fragile. Mais par bonheur il se i
raccommode,— et si vite et si bien,—que du
plus neuf au plus usé, il n'y a pas la plus
petite différence..
Si .j'étais! — Ajoutez, selon lesjndi vidus :
Beau, jeune, aimé;
Poète, savant, illustre ; .*
Millionnaire, empereur, député de la
41" circonscription...
Par exemple, les cas sont rares où le si est
suivi de ces mots :
Facteur de la poste,
Clerc d'huissier,
Père de huit enfants,
Condamné à mort.
L'ambition est ascendante : c'est sa loi.
Qui ne connaît le dialogue de Pyrrhus,
roi d'Epire, et de son ministre Cinéas?
PYRRHUS
L'EpiL'e est bien resserrée : ne pourrais-je
pas, pour l'aggrandir, conquérir la Thes-
«alie? . ,
CINÉAS
Après, sire?
PYRRHUS
La Thessalie conquise, nous soumettons
la Macédoine.
CINÉAS
Après ?
PYRRHUS
Nous revenons chez nous par l'Attique et
le PéloponèL-e.
CINÉAS )
Apres?
PYRRHUS
N^'Illyrie nous serre de trop près. Nous
anAexo-ns l'Illyrie.
.LJ. I CINÉAS
^ près ?
1 PYRRHUS
* L'Italie est là, de l'autre côté d'une mer
étroite. Rien qu'à étendre la main!
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Derrière rit-alm, la Sicile. Mes soldats la
connaissent déjà.
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Mais la Sicile, est une colonie carthagi-
noise. Victoire oblige. Nous sommes dans la
nécessité de soumettre Cartilage ou d(,, nous
soumettre à elle. Mes soldats sont braves.
Chaque Epirote vaut dix mercenaires. Na-
turellement Carthage est vaincue.
CINÉAS
Après?
PYRRHUS
Après, mon cher Cinéas?... Nous reve-
nons, tranquillement, nous reposer en
Epire. ;
CINÉAS
Eh bien ! ! Si nous commencions par-la!
Pyrrhus, par malheur pour lui, ne l'en-
tendit pas delà sorte. Il partit.-Un peu de
temps après, — comme il n'en était encore"
qu'au Péloponès?, — une vieille femme
d'Argos lui jeta une tuile sur la tête et le tua
du coup.
Pourquoi, dans nos rêves, — ces magni-
fiques voyages de l'ambition entrepris, —
restons-nous toujours en chemin? Pourquoi
n'allons-nous pas jusqu'au bout? L'esprit se
lasse-t-il donc comme se lasseraient les jam-
bes? L'imagination s'égarc-t-elle comme s'é-
garerait un enfant?... Quoi qu'il en soit,
nous sommes misérablement arrêtés il la fa-
çon de Pyrrhus, et, l'excursion manquée,
nous finissons par renlrer chez nous. •
Rentrer chez soi, c'est très-bien. Encore
faudrait-il auparavant avoir franchi toutes
les bornes, occupé toutes les positions, cou-
ronné toutes les hauteurs ?...
Un poëte, — prenez le mot dans son ac-
ception la plus délicate et la plus élevée, —
Armand Barthet vient de publier sur ce thè-
me un petit livre gros comme rien, mais
qui aborde nettement la question, la pous-se
à bout, tout à fait à bout, si haut eL si loin
qu'on s'en prend la tête et qu'on demeure
abasourdi.
•k
Son Pyrrhus, à lui, est un bon et hon-
nête bourgeois qui s'ennuie; on le nomme
Montauciel. Le nom du héros est le titre du
poëme.
Pour se désennuyer, Montauciel devient
maire de son village. Il administre si bien
.qu'il gagne la croix. Le voilà conseiller-gé-
néral et baron. Naturellement, les électeurs
en font un\lépulé. Une révolution éclate et
no.tre tribun en profite. C'est de la chance,
il est vALque d'arriver au grade de Prési-
dent d^rïlépublique. Mais on en peut dire
aâtant ,tous ceux qui y sont parvenus.
PrJ^J^nt? C'est précaire. Le titre de roi
conviendrait mieux à Montauciel. C'est plus
stable, mieux compris, mieux porté. —Vive
le roi ! — Pour payer sa bienvenue, il rend
à la France sa frontière du Rhin. — La
Prusse résistera? Tant pis pour elle; elle
est battue. — La Russie viendra au secours
de. sa voisine? Elle est réduite en provinces
françaises. — L'Angleterre ne sera pas con-
tente? On la disloque. — L'Europe stupé-
faite reconnaît pour souverain maître Sa
Majesté MONTAUCIEL, premier du nom.
L'Europe? Ce n'est guère... Après avoir battu
Darius, Alexandre a traversé l'Asie.
Aussi l'Asie s'empresse-t-elle, avec moins
• de peine encore, d'ajouter son fleuron à la
couronne de Montauciel.. Après l'Asie, la
Polynésie ; après la Polynésie, l'Afrique ;
après l'Afrique, l'Amérique.
Est-ce assez, ô Majesté?
Votre sceptre s'étend d'un bout du monde à l'autre.
Décidément ce Montauciel a lu de mau-
vais livres. Combien seraient satisfaits
d'un pouvoir sans bornes sur un empire sans
limites! Mais lui, pas. — Après sa rentrée
, à Paris, une rentrée comme jamais féerie
n'a osé en essayer une, il a des idées noires"
il est jaloux, et il répond aux courtisans qui
le félicitent :
Les Empereurs de Rome
Sont allés plus avant... Un Roi? Ce n'est qu'un homme.
h. la terre conquise ils annexaient les cieux.
— Faites-en autant ! lui répondent r en
ihœur s ,s courLisans.
Montauciel s'y décide.
Il devient Dieu.
Alors il s'ennuie.
— Si je redescendais?
Et d'échelon en échelon, — comme nous
avons vu l'escalade, — nous assistons à là
dégringolade de-cette autre échelle de Ja-
cob.
Montauciel n'est plus même maire. Quel
bonheur !
Et moi qui me plaignais ! Ingrat malavisé,
Je vivais trop heureux d'tftt. bonheur trop aisé.
Le vilain rêve ! — Où sont mes livres et ma bêche 1
Où mon fusil de chasse et mes outils de pèche?
Ma tonnelle que couvre une treille aux fruits d'or?
Mon ruisseau d'eau courante et mon bon chien Médor ?
— Oh ! la chanson du coq ! le sentier qui s'égare!
La liberté, l'air pur, le s-oleil, la fanfare!...
Adieu, derniers brouillards d'un rave décevant!..
Je suis redevenu Gros-Jean comme devant.
Tel est ce poëme, où Y Hypothèse dialogue
avec le bourgeois qui monte, et où Y Objection
donne la réplique à l'ambitieux arrivé,- - nï
œuvre singulière,' féerique, amusante, — et
raisonnable, car elle développe cette vérité
que j'ai si souvent émise ici : la politique
est un droit, un devoir, ce n'est pas un mé-
tier. Tout citoyen lui doit une part de sa .
'vie; en faire le but unique et la préoccu-
pation exclusive, c'est attenler à la souve-
raineté commune, manquer à la fois de sens
moral, de patriotisme et de dignité.
Armand Barthet dédie son livre à son
ami M. Charles de Mandre, un candidat,
auquel il vante le charme d'une existence
obscure et utile.
Il va sans dire que ce poétique plaidoyer -
ne convertira personne.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU P E N DU
X
— Le bon gouverneur, sir Robert M...,
poursuivit Roca 'mbole, ne perdait pas l'espoir
de m'arracher de*s aveux.
Aussi redoublal\t.it avec moi de petits soins
et d'amabilité. \
Chaque jour je pouvais voir le condamné à
mort et lui prodiguer des consolations.
Chaque jour aussi, Robert M... me di-
sait :
— N'est-ce pas que c'est affreux, un homme
qui va mourir?
- Les jours s'écoulaient.
Un soir sir Robert M..." entra dans ma
chambre et me dit :
— Vous savez que c'est pour demain?
— «Quoi donc?
— L'exécution du condamné.
— Ah! le pauvre homme!
— Voulez-vous toujours y assister?
— Toujours.
— A'ors, il faut que vous changiez de cel-
lule.
— Ali !
— Et. que vous descendiez au rez-de-chaus-
sée,
— Comme il vous plaira.
— Si même...
Et sir Robert parut hésiter et me regarda
d'un air indécis.
— Achevez, lui dis-j>e.
— Si même vous voulez passer la nuit avec
lui...
— Oh! bien volontiers...
— J ; suis convaincu que vo!re conversion
vie résistera pas S cette dernière épreuve.
— La vue du frisle spectacle?
-- D'abord. Mais aussi les angoiss-s du mal-
heureux qui n'a plus que quelques heures à
vivre.
-Cela. est possible, dis-je froidement.
— Oh ! je suis bien sûr, dit sîr Robert M...,
souriant toujours, que vous serez pris d'une
épouvante salutaire.
— Je ne demande pas mieux.
— Et que vous vous attirerez ;la bienveil-
lance de vos juges par des aveux bien francs,
bien complets.
Je ne répondis rien. '
Il reprit : *
— Du reste, vous ne serez pas seul avec le
condamné.
— Vraiment?
— Deux dames des prisons y passeront la
nuit en prière. Vous verrez comme c'est lu-
gubre. ;
— Mais, dis-je à sir Robert, les règlements
ne s'opposent donc pas à cela ?
— Au contraire, répondit-il.
— B îh 1
— La loi permet que le condamné passe la
dernière nuit avec un parent, un ami, ou
même un simple prisonnier de bonne vo-
lonté.
— Eh bien ! je serai ce prisonnier-là.
— Attendez donc, poursuivit sir Robert, il
y a encore une particularité que vous ignorez
bien certainement et que je vais vous ap-
prendre, ".
— Voyons?
— Lc'corps du supplicié appartient à Cal-
craft, qui le vend ordinairement aux chirur-
giens.
— Je sais cela.
— Sa défroque appartient encore à Calcraft.
— Bon!
— Mais la loi veut que la corde soit la pro-
priété du supplicié.
— En vérité!
—- Et il a le droit de la léguer à qui bon lui
semble.
— Et la corde de pendu porte bonheur?
—- On le dit.
— Ce qui fait que, si le condamné me léguait
cette corde, j'aurais quelque chance de n'être
point pendu à mon tour....
— Surtout si vous faites des aveux, dit sir
R0î,\«*t M."
Je me mis à rire.
— Je ne crois pas beaucoup à la vertu de la
corde de pendu, repi it sir Robert; mais enfin
si le condamné veus fait son héritier, je n'y
vois aucun inconvénient; et je tiendrai même
la main à ce qu'elle vous soit remise.
— Vous êtes le plus aimable des gouver-
neurs, lui dis-je.
Il soupira :
— Vrai, répondit-il, si vous faites des aveux,
je vous aimerai comme mon fils.
Et il me quitta.
Une heure après, on me. conduisit dans le
cachot du condamne à mort.
Les dames des prisons s'y trouvaient déjà.
Le mari de Betsy-Justice'me reçut en sou- '
riant :
— C'est poivr demain, me dit-il.
— N'as-tu donc pas peur de la mort? lui
demandai-je.
— Non.. •
Et il leva la main vers la fenêtre du cachot
à travers les barreaux de laquelle on aperce-
vait un coin du ciel.
— Quand un homme meurt pour avoir fait
son devoir, dit-il, il meurt tranquille.
— Tu n'as plus rien à me dire ?
— Plus rien. Vous savez tout. Ah! pardon,
je vous lègue ma corde, vous savez, c'est mon.
droit.
— Oui, le gouverneur me l'a dit.
— Ah !
— Et il est même enchanté de me voir ton
héritier.
Le condamné se prit à sourire.
— Pauvre homme! dit-il,faisant allusion a^
.Voir Iç numéro du 12 juin 1869. '~>
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