Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-06
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 avril 1870 06 avril 1870
Description : 1870/04/06 (A5,N1448). 1870/04/06 (A5,N1448).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716877x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
*> ~ cent. le numéro.
/ _
JOURNAL QUOTIDIEN . 1
~ , , ~ -.VK*.. - A
5 cent. le numéro.
« ■"»*"* ■■ , ■■■!
ABONNEMENTS. — Trofs mois Six mois Un an I
parla 5 fr. »fr. 18 fr.
Départements a il S» I
1,~~- Administratltur: BOURDILLIAT. I
t)me année — MERCREDI t1 AVRIL 1870. — N' 1448
3
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONII#! T
. BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, rucDrooo* '
ADMINISTRATION : 13. cruai Voltaire. 1
PARIS, 5 AVRIL 1870
UN LEGS DE SAINTE-BEUVE
CHAPELAIN
y*
On écrira un jour l'histoire o^WàilièW.
, sion de Sainte-Beuve.
Parmi les épisodes de cette histoire qu'ori
connaît dès à présent, il en est un que je
suis heureux de signaler, car il est tout à
l'honneur du légataire universel de Sainte-
Beuve, M. Troubot, et il atteste le désinté-
, ressèment et la délicatesse d'un homme de
cœur qu'on a essayé de calomnier.
L'autenr des Lundis possédait dans sa bi- I
bliothèque le recueil de la Correspondance
de Cli-0î)êlaiii, volumes autographes
inédits; il y avait ajouté, dans les dernières
années, un sixième volume renfermant à la
fois des poésies imprimées et des poésies
manuscrites. Il était très-fier de ces raretés,
lÙlilri.1it voulu pour rien au monde s'en des-
saisir, mais aimait, il en parler, à s'en occu-
per, à décider de leur sort à venir.
— Je vous léguerai ma Correspondance de
Chapelain, avait-il dit aux administrateurs
de la Bibliothèque impériale.
La promesse demeura à l'état d'intention,
et, l'autre jour, les six volumes allaient être
vendus avec les autres livres de Sainte-
Beuve, lorsque M. rrl'oubat,- de lui-même,
sans y être tenu par aucune clause testamen-
taire, — dit : « — Que le vœu de mon cher
maître soit accompli ! » et envoya les ma-
nuscrits de Chapelain à M. Taschereau.
C'est une bonne fortune pour les lettrés
et une fortune inespérée pour la mémoire de
■ Chapelain, — q.ui se trouve ainsi remise en
lumière à deux siècles de distance, alors
qu'elle n'avait plus pour Panthéon que les '
satires de Boileau.
#
* :S
Le complice du cardinal de Richelieu dans 1
la création de l'Académie Française était un
petit homme, actif, décisif et remuant, dont
la médiocrité tint plus de place que le génie •
d'une demi-douzaine de ses contempo-
rains.
C'était un Parisien, spirituel quand il n'é-
crivait pas, — et il fut spirituel vingt ans,
— qui sut parvenir il tous les résultats du
mérite, sans en avoir d'autre que d'être in-
fatué de lui-même et d'imposer à autrui
la foi qui le' faisait se camper devant sa
- glace et se dire : — Je suis la poésie, le
gpût, la bonne compagnie et le bel esprit
: 'inïus.
gouverneur du fils du grand prévôt, —
de La Trousse, — il débuta dans la vie
:p. r porter l'épée. Cela le gênait bien un peu
,/pour marcher à cause de ses petites jambes,
mais d'autre part cela rehaussait sa mine,
et il ne s'en plaignait pas. Son père, un no-
taire de Paris, un bourgeois de bon sens, le
trouvant fort ridicule avec celte lame pen-
due au côté, pria un de ses amis de dés-ar-
mer son fils à l'amiable.
L'ami se rendit chez Chapelain de bon
matin. 11 lui raconta qu'il avait un duel à
mort avec un bretteur.
— J'ai cherché — ajouta-t-il — un second
de notre monde qui portât l'épée, et j'ai
pensé à vous.
Chapelain pâlit.
— Mon ami, — répondit-il, — une heure
plus tôt j'étais votre homme; mais j'ai juré 1
par ma muse de déposer les armes aujour-
d'hui même. Cédant arma togœ. Vous ne
sauriez m'en vouloir de tenir mon serment.
Dupuis ce jour, en effet, Chapelain, re-
nonçant aux allures militaires, ne se pré-
senta plus dans le monde que sous l'aspect
d'un grimaud de piètre tournure, mais si
content de lui qu'il s'imposait quand même,
que les grands seigneurs, les évoques et les j
précieuses recueillaient ses mots comme des
oracles et les répétaient comme des révéla- p
tions.
Chapelain ne travaillait guère, mais il ex- c
cellait il tirer parti de son travail. Dans la j.
demi-douzaine d'odes qu'il composa pendant q
sa jeunesse, il y en avait une dédiée au car- ^
dinal de Richelieu. Le cardinal, qui se pi- c
quait de littérature, dit que M. Chapelain p
était le plus homme de goût du royaume, et é
lui fit donner par le roi une pension de mille
écus. C'en fut assez pour rendre le poëte cé- y
lèbre. Il s'enfermait pendant des heures, et,
quand on lui demandait la raison de cette
retraite : D
— Je songe,— répondait-il avec modestie, g;
— à doter la France d'un poëme épique. Q
Les débutants assiégeaient sa porte. On
lui dédiait des odes, comme il en avait dédié
à Richelieu. •
Le grand bruit de ton nom te trouble et t'incommode;
L un t'apporte un sonnet, l'autre t'apporte une ode.
Ce distique, si discret dans la louange, est
de Mg&l'évêque de Vence, Godeau. Du reste,
Conrart, Baillet, tous les beaux' esprits de
l'Académie et des salons, faisaient chœur
avec Godeau. M. Chapelain, remplaçant feu
Malherbe, était devenu l'arbitre de la langue
française. S 'il eût eu la continence de garder
son poëme pour lui, il aurait gardé cette si-
tuation toute sa vie.
Par malheur, il fit paraître la Pucelle.
Un flatteur avait dit, en parlant de l'œu-
vre de Chapelain :
Dans mille ans l'on parlera d'elle,
Ou l'on ne parlera de rien.
Quelqu'un répondit : ■"
Depuis vingt ans on parle d'elle;
Dans dix mois, on n'en dira rien.
Un autre poëte, Lignières, traduisit ainsi
un distique latin de Mo;rtmaur :
Nous attendions de Chapelain
Une pucelle
Jeuno et belle.
Vingt ans à la forger il perdit son latin,
. Et de sa main
Il sort enfin
Une vieille sempiternelle.
Mais Je mot le plus cruel fut dit par la
protectrice la plus constante de Chapelain,
Mme la duchesse de Lon-ue-\,ille :
— Cela est parfaitement beau, mais cela
est parfaitement ennuyeux.
Les attaques de-Boileau sont demeurées
célèbres. Molière, La Fontaine, Racine et lui,
trouvaient odieux ce petit homme. imrortarit,
qui distribuait des pensions au nom de Col-
bert après en avoir reçu de Richelieu. Ils
chantaient ses vers sur les airs de Lulli, les
parodiaient, entassaient épigrammes sur
ëpigrammes.
VERS DU STYLE DE CHAPELAIN A METTRE 1
EN CHANT. ]
Droits et roides rochers dont peu tendre est la cime,
De mon flamboyant cœur l'âpre état vous savez. 1
Savez aussi, durs bois, par les hivers lavés, [nime. ]
Qu'holocauste est mon cœur pour un front magna- "
— Cet auteur (toujours Chapelain), avant;
que la Pucelle fût imprimée, passait pour 1er
premier poëte du siècle. L'impression gâttÉ
tout.
,
! Et encore : ■ ...
Maud1t soit l auteur dur, dont l'âpre et rude verve;
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve, '
Et de son lourd marteau martelant le bon sens
A fait de méchants vers douze fois dotras cents î -
Chapelain, entamé dans sa vanité, poussa',
des cris de paon. Il se plaignit à Colbert: îlj
voulut que le ministre intervînt poui>emp&»i
cher Boileau de continuer ses attaques, î ili
Boileau se défendit comme il savait se dé-
fendre :
Attaquer Chapelain ! Ah! c'est un si bon homme!
Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers.
JI est vrai, s 'il m'eût cru, qu'il n'eût point fait de vers.
Il se tue à rimer. Que n'écrit-il en prose?
Voilà ce que l 'on dit. Et que dis-je autre chose ? -
En blâmant ses écrits, ai-je d'un style affreux
Distillé sur sa vie un venin dangereux?
Ma muse, en l 'attaquant, charitable et discrète,
Sait de l homme d'honneur distinguer le poëtè,
Qu'on vante en lui ]a foi, l'honneur, la probité;
Qu'on prise sa candeur et sa civilité ;
Qu 'ii soit doux, complaisant, officieux, sincère,
On le veut, j'y so iscris, et suis prêt à nie taire.
Mais que-pour un modèle on montre ses écrits,
Qu'il soit le mieux rente de tous les beaux esprits;
Comme roi des auteurs qu'on l'élève à l'empire;
Ma bile tlors s'échauffe, et je brûle d'écrire;
Et s'il ne m'est permis de le dire au papier,
J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier,
Faire dire aux roseaux par un nouvel organe :
Midas, le: roi M. dus a des oreilles d'âne.
Chapelain n'osa pas faire imprimer les
douze derniers chants de lû, Pucelle, qui en
avait vingt-quatre. ,
Il était riche, ayant cent mille écus, — ce
qui représenterait bien un million aujour-
d'hui, — et je ne sais combien de sinécures
et de pensions. Il ne se consola des attaques
de ses ennemis qu'en redoublant d'économie
pour devenir plus riche encore.
Son avarice était proverbiale.
« Lorsqu'il fut introduit à l'hôtel Ram-
bouillet, — dit Tallemant des Réaux, — il
avait un habit comme on en portait dix ans
avant; il était en satin colombin, doublé de
panne verte et passementé de petits passe-
ments colombin et vert, à œil de perdrix. Il -
wait toujours les plus ridicules bottes du.
monde et les plus ridicules bas à bottes. On
Y voyait du réseau, au lieu de dentelle. Dc-
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
IX
9
Milon était brave, on le sait.
Mais Milon était comme tous les esprits un
peu étroits, il n'affrontait volontiers que les
périls dont il se rendait eompte.
Il avait peur de l'inconnu.
■ Qu'étaient-ce que ces deux points lumineux
qui brillaient dans les fénèbres?
Milon se le demandait, et c'est pour cela
Qu'il avait peur. quelques
-h Rocambole se leva et fit quelques pas en
avant.
Les deux points lumineux ne changèrent
point de place.
Voir le numéro du 13 juin 1869. *
Alors Rocambole frappa deux coups dans sa
main.
Soudain, les deux points lumineux disparu-
rent.
— Imbécile ! dit alors Rocambole.
— Hein? fit Milon qui sentit diminuer son
oppression.
— Sais-tu ce que c'est?
— Non.
— C'est un chat.
— Suis-je bête! dit Milon.
— Et, puisqu'un chat a pénétré ici, dit Ro-
cambole, c'est qu'il y à une issue quelconque.
— Vous croyez ?
— Dam! et une issue par laquelle nous
pourrons sortir, nous.
— A moins, dit Milon, que le chat n'ait été
emprisonné au même temps que nous.
— C'est impossible.
— Pourquoi? demanda encore Milon.
— Mais parce que nous l'aurions vu plus
tôt.
— Ah! c'est juste.
— Et puis, reprit Rocambole, comment
veux-tu que ce chat se fût trouvé dans les sou- !
terrains?
— Nous y sommes bien, nous? - ;
— Oui, parce que nous avons trouvé l'entrée
qui était murée depuis de longues années.
— Alors...
— Alors je vais t'expliquer ce qui a dû se '
passer,
— Voyons? fit Milon.
— Ce chat était dans quelque cave au-dessus
de nous, lors de l'explosion.
— Bon!
— L'explosion a dû amener quelque crevasse,
quelque effondrement qui lui a permis d'arri-
ver jusqu'ici, à la suite sans doute du violent
effroi qu'il aura éprouvé.
-. Ah! c'est possible.
— Donc, reprit Rocambole, nous allons bien
voir si nous ne pourrions pas nous en aller
par où il est venu.
El sur ces mots, le maître ralluma la torche.
'— A présent, cherchons, dit-il.
Et il se mit à explorer leur étroite prison.
Deux blocs, on le sait, fermaient la ga-
lerie.
Rocambole se dirigea vers celui qui était
tombé derrière eux.
C'était dans cette situation que les deux '
points lumineux avaient disparu.
Le roc offrait une sorte de saillie sur laquelle
le chat s'était sans doute arrêté.
Rocambole monta sur cette saillie, puis il
leva la tête.
Alors il vit un trou béant dans la voûte de
la galerie.
— Monte, dit-il à Milon.
Milon arriva sur la saillie.
— Prends la torche, dit encore Rocambole.
Tu me la passeras tout à l'heure.
Et il grimpa sur les épaules du colosse avec
la légèreté d'un clown, et la moitié de son
corps disparut dans le trou.
— A présent, passe-moi hi--torche, dit-il
encore.
Milon obéit.
^Rocambole ,regarda alors au-dessus de sa
tête, puis devant lui.
Il avait devant lui une nouvelle excavation
qui se prolongeait dans le même sous que la
galerie.
— Tiens-toi b;en ! cria-t-Íl à Milon.
Et il jeta sa torche devant lui.
Puis, s'accrochant à une saillie du rocher, il
donna un coup de talon sur les épaules de
Milon, afin de prendre son élan.
Et alors il se trouva dans l'excavation su-
périeure.
La torche ne s'était point éteinte en tom-
bant. ^
Rocambole la ramassa.
— Attends-môi, dit-il à Milon, je vais à la
découverte.
Et il s'avança, marchant avec précaution et
regardant à ses pieds.
Une seconde d'examen lui suffit pour voir
où il était.
Il se trouvait dans une de ces longues caves
que les brasseurs de Londres possèdent au •
bord de la Tamise.
Le sol de cette cave s'était effondré au mo-
ment de l'explosion, et cette crevasse par la-
*> ~ cent. le numéro.
/ _
JOURNAL QUOTIDIEN . 1
~ , , ~ -.VK*.. - A
5 cent. le numéro.
« ■"»*"* ■■ , ■■■!
ABONNEMENTS. — Trofs mois Six mois Un an I
parla 5 fr. »fr. 18 fr.
Départements a il S» I
1,~~- Administratltur: BOURDILLIAT. I
t)me année — MERCREDI t1 AVRIL 1870. — N' 1448
3
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONII#! T
. BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, rucDrooo* '
ADMINISTRATION : 13. cruai Voltaire. 1
PARIS, 5 AVRIL 1870
UN LEGS DE SAINTE-BEUVE
CHAPELAIN
y*
On écrira un jour l'histoire o^WàilièW.
, sion de Sainte-Beuve.
Parmi les épisodes de cette histoire qu'ori
connaît dès à présent, il en est un que je
suis heureux de signaler, car il est tout à
l'honneur du légataire universel de Sainte-
Beuve, M. Troubot, et il atteste le désinté-
, ressèment et la délicatesse d'un homme de
cœur qu'on a essayé de calomnier.
L'autenr des Lundis possédait dans sa bi- I
bliothèque le recueil de la Correspondance
de Cli-0î)êlaiii, volumes autographes
inédits; il y avait ajouté, dans les dernières
années, un sixième volume renfermant à la
fois des poésies imprimées et des poésies
manuscrites. Il était très-fier de ces raretés,
lÙlilri.1it voulu pour rien au monde s'en des-
saisir, mais aimait, il en parler, à s'en occu-
per, à décider de leur sort à venir.
— Je vous léguerai ma Correspondance de
Chapelain, avait-il dit aux administrateurs
de la Bibliothèque impériale.
La promesse demeura à l'état d'intention,
et, l'autre jour, les six volumes allaient être
vendus avec les autres livres de Sainte-
Beuve, lorsque M. rrl'oubat,- de lui-même,
sans y être tenu par aucune clause testamen-
taire, — dit : « — Que le vœu de mon cher
maître soit accompli ! » et envoya les ma-
nuscrits de Chapelain à M. Taschereau.
C'est une bonne fortune pour les lettrés
et une fortune inespérée pour la mémoire de
■ Chapelain, — q.ui se trouve ainsi remise en
lumière à deux siècles de distance, alors
qu'elle n'avait plus pour Panthéon que les '
satires de Boileau.
#
* :S
Le complice du cardinal de Richelieu dans 1
la création de l'Académie Française était un
petit homme, actif, décisif et remuant, dont
la médiocrité tint plus de place que le génie •
d'une demi-douzaine de ses contempo-
rains.
C'était un Parisien, spirituel quand il n'é-
crivait pas, — et il fut spirituel vingt ans,
— qui sut parvenir il tous les résultats du
mérite, sans en avoir d'autre que d'être in-
fatué de lui-même et d'imposer à autrui
la foi qui le' faisait se camper devant sa
- glace et se dire : — Je suis la poésie, le
gpût, la bonne compagnie et le bel esprit
: 'inïus.
gouverneur du fils du grand prévôt, —
de La Trousse, — il débuta dans la vie
:p. r porter l'épée. Cela le gênait bien un peu
,/pour marcher à cause de ses petites jambes,
mais d'autre part cela rehaussait sa mine,
et il ne s'en plaignait pas. Son père, un no-
taire de Paris, un bourgeois de bon sens, le
trouvant fort ridicule avec celte lame pen-
due au côté, pria un de ses amis de dés-ar-
mer son fils à l'amiable.
L'ami se rendit chez Chapelain de bon
matin. 11 lui raconta qu'il avait un duel à
mort avec un bretteur.
— J'ai cherché — ajouta-t-il — un second
de notre monde qui portât l'épée, et j'ai
pensé à vous.
Chapelain pâlit.
— Mon ami, — répondit-il, — une heure
plus tôt j'étais votre homme; mais j'ai juré 1
par ma muse de déposer les armes aujour-
d'hui même. Cédant arma togœ. Vous ne
sauriez m'en vouloir de tenir mon serment.
Dupuis ce jour, en effet, Chapelain, re-
nonçant aux allures militaires, ne se pré-
senta plus dans le monde que sous l'aspect
d'un grimaud de piètre tournure, mais si
content de lui qu'il s'imposait quand même,
que les grands seigneurs, les évoques et les j
précieuses recueillaient ses mots comme des
oracles et les répétaient comme des révéla- p
tions.
Chapelain ne travaillait guère, mais il ex- c
cellait il tirer parti de son travail. Dans la j.
demi-douzaine d'odes qu'il composa pendant q
sa jeunesse, il y en avait une dédiée au car- ^
dinal de Richelieu. Le cardinal, qui se pi- c
quait de littérature, dit que M. Chapelain p
était le plus homme de goût du royaume, et é
lui fit donner par le roi une pension de mille
écus. C'en fut assez pour rendre le poëte cé- y
lèbre. Il s'enfermait pendant des heures, et,
quand on lui demandait la raison de cette
retraite : D
— Je songe,— répondait-il avec modestie, g;
— à doter la France d'un poëme épique. Q
Les débutants assiégeaient sa porte. On
lui dédiait des odes, comme il en avait dédié
à Richelieu. •
Le grand bruit de ton nom te trouble et t'incommode;
L un t'apporte un sonnet, l'autre t'apporte une ode.
Ce distique, si discret dans la louange, est
de Mg&l'évêque de Vence, Godeau. Du reste,
Conrart, Baillet, tous les beaux' esprits de
l'Académie et des salons, faisaient chœur
avec Godeau. M. Chapelain, remplaçant feu
Malherbe, était devenu l'arbitre de la langue
française. S 'il eût eu la continence de garder
son poëme pour lui, il aurait gardé cette si-
tuation toute sa vie.
Par malheur, il fit paraître la Pucelle.
Un flatteur avait dit, en parlant de l'œu-
vre de Chapelain :
Dans mille ans l'on parlera d'elle,
Ou l'on ne parlera de rien.
Quelqu'un répondit : ■"
Depuis vingt ans on parle d'elle;
Dans dix mois, on n'en dira rien.
Un autre poëte, Lignières, traduisit ainsi
un distique latin de Mo;rtmaur :
Nous attendions de Chapelain
Une pucelle
Jeuno et belle.
Vingt ans à la forger il perdit son latin,
. Et de sa main
Il sort enfin
Une vieille sempiternelle.
Mais Je mot le plus cruel fut dit par la
protectrice la plus constante de Chapelain,
Mme la duchesse de Lon-ue-\,ille :
— Cela est parfaitement beau, mais cela
est parfaitement ennuyeux.
Les attaques de-Boileau sont demeurées
célèbres. Molière, La Fontaine, Racine et lui,
trouvaient odieux ce petit homme. imrortarit,
qui distribuait des pensions au nom de Col-
bert après en avoir reçu de Richelieu. Ils
chantaient ses vers sur les airs de Lulli, les
parodiaient, entassaient épigrammes sur
ëpigrammes.
VERS DU STYLE DE CHAPELAIN A METTRE 1
EN CHANT. ]
Droits et roides rochers dont peu tendre est la cime,
De mon flamboyant cœur l'âpre état vous savez. 1
Savez aussi, durs bois, par les hivers lavés, [nime. ]
Qu'holocauste est mon cœur pour un front magna- "
— Cet auteur (toujours Chapelain), avant;
que la Pucelle fût imprimée, passait pour 1er
premier poëte du siècle. L'impression gâttÉ
tout.
,
! Et encore : ■ ...
Maud1t soit l auteur dur, dont l'âpre et rude verve;
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve, '
Et de son lourd marteau martelant le bon sens
A fait de méchants vers douze fois dotras cents î -
Chapelain, entamé dans sa vanité, poussa',
des cris de paon. Il se plaignit à Colbert: îlj
voulut que le ministre intervînt poui>emp&»i
cher Boileau de continuer ses attaques, î ili
Boileau se défendit comme il savait se dé-
fendre :
Attaquer Chapelain ! Ah! c'est un si bon homme!
Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers.
JI est vrai, s 'il m'eût cru, qu'il n'eût point fait de vers.
Il se tue à rimer. Que n'écrit-il en prose?
Voilà ce que l 'on dit. Et que dis-je autre chose ? -
En blâmant ses écrits, ai-je d'un style affreux
Distillé sur sa vie un venin dangereux?
Ma muse, en l 'attaquant, charitable et discrète,
Sait de l homme d'honneur distinguer le poëtè,
Qu'on vante en lui ]a foi, l'honneur, la probité;
Qu'on prise sa candeur et sa civilité ;
Qu 'ii soit doux, complaisant, officieux, sincère,
On le veut, j'y so iscris, et suis prêt à nie taire.
Mais que-pour un modèle on montre ses écrits,
Qu'il soit le mieux rente de tous les beaux esprits;
Comme roi des auteurs qu'on l'élève à l'empire;
Ma bile tlors s'échauffe, et je brûle d'écrire;
Et s'il ne m'est permis de le dire au papier,
J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier,
Faire dire aux roseaux par un nouvel organe :
Midas, le: roi M. dus a des oreilles d'âne.
Chapelain n'osa pas faire imprimer les
douze derniers chants de lû, Pucelle, qui en
avait vingt-quatre. ,
Il était riche, ayant cent mille écus, — ce
qui représenterait bien un million aujour-
d'hui, — et je ne sais combien de sinécures
et de pensions. Il ne se consola des attaques
de ses ennemis qu'en redoublant d'économie
pour devenir plus riche encore.
Son avarice était proverbiale.
« Lorsqu'il fut introduit à l'hôtel Ram-
bouillet, — dit Tallemant des Réaux, — il
avait un habit comme on en portait dix ans
avant; il était en satin colombin, doublé de
panne verte et passementé de petits passe-
ments colombin et vert, à œil de perdrix. Il -
wait toujours les plus ridicules bottes du.
monde et les plus ridicules bas à bottes. On
Y voyait du réseau, au lieu de dentelle. Dc-
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
IX
9
Milon était brave, on le sait.
Mais Milon était comme tous les esprits un
peu étroits, il n'affrontait volontiers que les
périls dont il se rendait eompte.
Il avait peur de l'inconnu.
■ Qu'étaient-ce que ces deux points lumineux
qui brillaient dans les fénèbres?
Milon se le demandait, et c'est pour cela
Qu'il avait peur. quelques
-h Rocambole se leva et fit quelques pas en
avant.
Les deux points lumineux ne changèrent
point de place.
Voir le numéro du 13 juin 1869. *
Alors Rocambole frappa deux coups dans sa
main.
Soudain, les deux points lumineux disparu-
rent.
— Imbécile ! dit alors Rocambole.
— Hein? fit Milon qui sentit diminuer son
oppression.
— Sais-tu ce que c'est?
— Non.
— C'est un chat.
— Suis-je bête! dit Milon.
— Et, puisqu'un chat a pénétré ici, dit Ro-
cambole, c'est qu'il y à une issue quelconque.
— Vous croyez ?
— Dam! et une issue par laquelle nous
pourrons sortir, nous.
— A moins, dit Milon, que le chat n'ait été
emprisonné au même temps que nous.
— C'est impossible.
— Pourquoi? demanda encore Milon.
— Mais parce que nous l'aurions vu plus
tôt.
— Ah! c'est juste.
— Et puis, reprit Rocambole, comment
veux-tu que ce chat se fût trouvé dans les sou- !
terrains?
— Nous y sommes bien, nous? - ;
— Oui, parce que nous avons trouvé l'entrée
qui était murée depuis de longues années.
— Alors...
— Alors je vais t'expliquer ce qui a dû se '
passer,
— Voyons? fit Milon.
— Ce chat était dans quelque cave au-dessus
de nous, lors de l'explosion.
— Bon!
— L'explosion a dû amener quelque crevasse,
quelque effondrement qui lui a permis d'arri-
ver jusqu'ici, à la suite sans doute du violent
effroi qu'il aura éprouvé.
-. Ah! c'est possible.
— Donc, reprit Rocambole, nous allons bien
voir si nous ne pourrions pas nous en aller
par où il est venu.
El sur ces mots, le maître ralluma la torche.
'— A présent, cherchons, dit-il.
Et il se mit à explorer leur étroite prison.
Deux blocs, on le sait, fermaient la ga-
lerie.
Rocambole se dirigea vers celui qui était
tombé derrière eux.
C'était dans cette situation que les deux '
points lumineux avaient disparu.
Le roc offrait une sorte de saillie sur laquelle
le chat s'était sans doute arrêté.
Rocambole monta sur cette saillie, puis il
leva la tête.
Alors il vit un trou béant dans la voûte de
la galerie.
— Monte, dit-il à Milon.
Milon arriva sur la saillie.
— Prends la torche, dit encore Rocambole.
Tu me la passeras tout à l'heure.
Et il grimpa sur les épaules du colosse avec
la légèreté d'un clown, et la moitié de son
corps disparut dans le trou.
— A présent, passe-moi hi--torche, dit-il
encore.
Milon obéit.
^Rocambole ,regarda alors au-dessus de sa
tête, puis devant lui.
Il avait devant lui une nouvelle excavation
qui se prolongeait dans le même sous que la
galerie.
— Tiens-toi b;en ! cria-t-Íl à Milon.
Et il jeta sa torche devant lui.
Puis, s'accrochant à une saillie du rocher, il
donna un coup de talon sur les épaules de
Milon, afin de prendre son élan.
Et alors il se trouva dans l'excavation su-
périeure.
La torche ne s'était point éteinte en tom-
bant. ^
Rocambole la ramassa.
— Attends-môi, dit-il à Milon, je vais à la
découverte.
Et il s'avança, marchant avec précaution et
regardant à ses pieds.
Une seconde d'examen lui suffit pour voir
où il était.
Il se trouvait dans une de ces longues caves
que les brasseurs de Londres possèdent au •
bord de la Tamise.
Le sol de cette cave s'était effondré au mo-
ment de l'explosion, et cette crevasse par la-
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