Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-05
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 05 avril 1870 05 avril 1870
Description : 1870/04/05 (A5,N1447). 1870/04/05 (A5,N1447).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716876h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
6 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un m
£fris\ •/ .g fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 'C il
Administrateur : BOURDILLIAT. ne
«g»
r année — MARDI 5 AVRIL 1870. — N° 1447
-
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONNI
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, mscDvonot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 4 AVRIL 1870
REPRÉSENTATIONS DU DIMANCHE
AGNÈS DE MÉRANIE
Hier, à mon grand regret, je n'ai pu as-
sister à la matinée du théâtre de Cluny,
m'attendrir ou sourire aux moralités du bon
Lachambaudie, m'intéresser aux recherches
érudites d'Augustin Chnllamel, applaudir
aux paroles éloquentes de Léo Lespès. Partie
moi-même d'un des spectacles populaires du
dimanche, j'étais retenu au Châtelet, où l'on
donnait Agnès de Méranie.
Le drame de Ponsard n'avait pas été joué
depuis vingt-cinq ans. Mais il a gardé cette
jeunesse propre aux œuvres fortes, dans les-
quelles le vers est toujours le moule d'une
pensée, qui expriment des idées, des senti-
ments, des passions, qui vivent enfin de la
vie immortelle de l'art.
Le concile, les questions qui s'agitent à
Rome,' donnent en outre au sujet d'Agnès
de Méranie un attrait d'actualité qui est une
garan tie de succès. La discussion y gagne ce
que la poésie y perd. Le public obéit à son
élan; il applaudit, il objurgue, il prend parti
il joue son rôle dans la_-,saHp comme Phi-
lippe-Auguste et le légat du pape Inno-
cent III jouent le leur sur la scène.
Au début, la force de l'Eglise catholique
résidait par-dessus tout dans son unité.
Le monde chrétien acceptait sans discus-
sion les décisions du pape, représentant de
Dieu sur la terre.
Ce pape, tout-puissant dans le domaine
religieux, mais simple.évêque en son parti-
culier, était souvent attaqué et opprimé par
des voisins plus puissants que lai.
Un jour un chef Franc, devenu maître
par la conquête de la moitié de l'Europe, —
Charlemagne, — dit à l'évêque de Rome ;
Saint-Père, faites-moi accepter pour
empereur par les chrétiens qui vous obéis-
sent; en échange, je vous donnerai de gran- |
des propriétés, qui vous permettront de
vivre sans dépendre de personne et d'entre-
tenir des soldats pour vous défendre contre
vos voisins.
x L'évêque accepta.
,,,,\Ce fut le premier concordat.
Uj 'Mais l'entente ne devait pas être de 10n-
jgu| durée.
(" p'un côté, les rois, désireux d'être mal-
'{:rés absolus chez eux, entendirent nommer
)'és évêques dans leurs Etats, disposer des
bénéfices ecclésiastiques, se servir de l'E-
glise comme d'un moyen de domination.
De l 'autre, les papes firent le raisonne-
ment suivant : — Les âmes sont à nous ; - -
qui dit âmes dit aussi ceux qui en ont {"
ge : donc les évêques, les moines, les ..
ses et les couvents ne relèvent que de nous.
Les rois avaient leurs soldats ; les papes
avaient les fidèles.
Les premiers entendaient agir à leur gui-
se ; ils ne devaient pas tarder à méconten-
ter les seconds.
En France, la guerre commença sous le
règne de Philippe-Auguste.
Philippe-Auguste avait fait un mariage
de prince, c 'est-à-dire qu'il avait épousé la
fille d 'un autre prince sans l'avoir jamais
vue. Quand elle arriva à sa cour, il la trouva
laide et désagréable, et prit sur lui de la
renvoyer à ses parents. Après quoi, il en
épousa une autre, jeune, belle et qu'il ai-
mait.
C'était fournir au pape un terrain.
Les sacrements sont l'agent le plljs puis-
sant de l'Eglise; par eux, elle prend le fidèle
au berceau pour le conduire jusqu'à la
tombe.
Si le roi, tenu par sa position de donner
l'exemple, viole un sacrement, ses sujets l'i-
miteront : c'en sera fait de la règle, de la
discipline, de l'autorité de Rome.
Le pape n hésita pas; il envoya un légat
à Philippe-Auguste, pour le sommer d'avoir
! à renvoyer sa seconde femme et à reprendre
la première.
Philippe résista d'abord ; ensuite, il cher-
cha à transiger; mais son peuple prit parti
contre lui; il fut obligé de céder. Agnès re-
tourna en Allemagne, Ingerberge- revint à
Paris.
Dans le drame, Agnès meurt. Telle est la :
seule différence de l'invention poétique avec '
l'histoire. • .
?e , ^ suffit de cet exposé pour comprendre le
défaut capital de la pièce de Ponsard. Ses
cinq actes développent une situation unique :
-Partira-t-elle? Ne partira-t-elle pas?.....
Trois actes seulement, et Agnès de Mêrqnie
serait un pur chef-d'œuvre..
^ Même avec ses développements trop .longs,
c est une des œuvres les plus puissantes et
's les plus larges du théâtre contemporain. Les
beaux vers y succèdent aux beaux vers. A
chaque acte on trouve de ces combats d'idées
et de ces duels d'âmes propres aux héros et
. aux héroïnes de Corneille.
Philippe-Auguste explique sa politique à'
un brave soldat, son compagnon et son
ami ;
S ....... Il n'importe à ma cause
, Que j'aie ou non commis le péché qu'on suppose.
. J ai péché, je le veux : entre l'Eglise et moi
C'est un débat privé, qui n'atteint pas le roi.
Qu'on juge le chrétien et qu'on l'excommunie ;
• La peine se mesure à la faute punie. \
3 — Mais sur tous mes sujets étendre l'interdit !
Tourner leur désespoir contre mon nom maudit!
. Par ce sombre calcul d'une vengeance oblique
Me contraindre à fléchir sous la haine publique !
C est attenter au roi; c'est l'usurpation;
^ C est un immense appel à l'insurrection.
- Voilà l'enseignement dont le pape est l'apôtre;
, Si ce n est là son but, qu'on me dise quel autre !
; — N a-t-il rien prétendu que punir un méfait?
Moi seul, j-'avais failli. Mon peuple, qu'a-t-il fait?
Pourquoi le châtier ? Depuis quand la justice
Veut-elle que ce soit l'innocent qui pâtisse ?
Mais non : sa politique i compté froidement
Combien il faut de pleurs pour un soulèvement.
Si je cède une fois, le mal est sans remède;
En toute occasion, il faudra que je cède ;
Par un premier succès le Saint-Père alléché
Dans tout ce qu'on fera saura voir un péché,
Et de l'appel au peuple, une fois efficace,
Agitant devant moi l'éternelle menace,
Sur la rébellion dressant son attentat,
Décidera bientôt des affaires d'Etat. 1
Et comme, chez lui-même, il est si petit prince
Qu'il ne peut repousser l'assaillant le plus mince,
Comme il est obligé de prendre son appui
Ou chez l'un ou chez l'autre, et toujours hors de lui
Selon qu'il entrera dans telle ou telle ligue, ' à.
Il nous infligerait sa misérable intrigue, ' r
Et nous serions tantôt Anglais, tantôt Germains,
Pour le plus grand profit des pontifes romains ! F
— Restons .Français. Je dois, de même fierté d'âme ^
Roi, garder mon royaume, et chevalier, ma dame. ' ç
Oh ! je n'ai pas été si jaloux de mes droits Q
Pour en offrir l'hommage au pape Innocent Trois - E
J Et je n'ai pas paru de mes fleurons avare, ; D
Pour que sur ma couronne on mette une tiare ! N
S'il fallait la briser, ou subir cet affront, ' D
Je me l'arracherais moi-même de mon front; 0
Et je serais plus roi, tombant ainsi du trône/ C(
Que trônant pour le pape, et roi par son aumône. In
Jp
Le légat du pape donne à son tour les rai..; '
3 sons l'Eglise.
3 Quand le pape est d'accord avec le roi de France,
. a chrétienté, qui suit, marche avec assurance.
Le pape est en avant; il a pour son soutien
Son fils aîné, le roi de France très chrétien.
? A ses nouveaux destins initiant le monde,
L'un est l'esprit qui veut, l'autre est le bras qui fonde;
Et tous deux, alliant leur double majesté,
Reçoivent, l'un de l'autre, autant qu'ils ont prêté.
A qui dois-tu, Seigneur, le divin caractère
3 Qui rapproche du ciel les trônes de la terre?
qu'est-ce que le sacre? Est-ce à ton front taché,
" Une huile qui s'efface, après qu'elle a séché?
j Non. De la main de Dieu c'est l'éternelle marque,
C est le pontife saint, qui rend saint le monarque.
Entre tes grands barons, tu n'es qu'un des moins
n6 ?acîre roi, qui te met hors des rangs.
i Ce baiser paternel, que l'Eglise te donne,
Resplendit à ton front mieux que nulle couronne.
Va, le pape n est pas ton ennemi, seigneur;
Il n entend rabaisser tes droits ni ton honneur,
Mais, te considérant comme son porte-glaive,
Il croit se rehausser de tout ce qui t'élève.
Oui, soumets tes vassaux : le Saint-Père est pour toi;
Car la cause de l'ordre est dans le camp du roi;
Sur les mille troncons de leur vaste anarchie,
Comme un pied triomphant, .pose ta,monarchie;
C'est bien. — Mais l'élément d'un ordre régulier,
Du temple social le principal pilier,
C'est la famille, chose avant tout respectable,
Dont la foi conjugale est la base immuable.
Veux-tu donc renverser ton propre monument?
Quoi! tu veux mettre un terme au long déréglement;
Tu veux que la loi règne en place de la force,
Et tu vas dans l hymen appeler le divorce,
Le divorce brutal, le divorce sans frein,
Par où les passions rentrent dans leur terrain !
Quelles lois désormais, quelles mœurs, quel usage '
Vivront où n'aura pu vivre le mariage !
Quel mariage encor pourra rester debout,
Quand le roi, sur le sien, porte le premier coup !
— Roi, ne fais pas d'en haut descendre le scandale !
La licence est partout, quand le trône-l'étalé.
S'il faut accoutumer l'hymen à ces mépris, ■
Plutôt que d'acheter la croisade à tel prix,'
Mieux vaut que sans secours Jérusalem succombe-
| L esprit vivant du Christ est plus saint que sa tombe!.;.'
Agnès se dévoue; elle partira pour laisser
à celui qu'elle aime son trône et sa puissance
mi:: e en suspens :
PhilipP3! mon seigneur! chère âme de ma vie!
Va ! c'est bien à toi seul que je me sacrifie.
Que n'es-tu, comrne moi, de ces humbles esprits
Qui bornent tous leurs vœux sur des êtres chéris,
Et sont reconnaissants aux honneurs de ce mondé
De ne pas visiter leur retraite profonde!
Nous partirions ensemble. Il est dans mon Tyrol
Des bords hospitaliers plus que ce triste sol.
0 mes bois, mes vallons, ma campagne connue,
Comme je guiderais chez vous sa bienvenue!
Immenses horizons, de quel geste orgueilleux,
Je lui déroulerais vos tableaux merveilleux !
Et quel bonheur d'entendre, à son bras suspendue,
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
VIII
8
Rocambole poursuivit :
Ce jour-là, le condamné à mort ne voulut
|>as s expliquer davantage.
L histoire que je veux vous raconter est trop
*ûiiV'?e' j ' l'heure de rentrer dans ma
«ellule est, du reste, sonnée. Mais demain...
Demain, lui dis-je, je trouverai le moyen
t1e passer plusieurs heures avec vous.
Il me regarda avec étonnement.
— Au fait, dit-il enfin, ce serait impossible
pour -un autre, mais, pour vous, il n'y a rien
s impossible, du moment où vous êtes l'homme
^ris.
Et il rentra dans son cachot, tandis^rue je
l'egagnais ma cellule.
Toir le numéro dÍJ 12 juin ISC9.
Une idée m'était venue.
Au moment où l'un des gardiens allait m'en-
fermer, je lui dis :
— Veuillez dire au gouverneur que je désire I
lui parler.
Le gardien s'acquitta du message et, un
quart d heure après, le gouverneur entrait
dans ma cellule.
Tu as vu le bonhomme, et tu sais s'il est
naïf.
— Oh ! très-naïf, dit Milon.
,, ~7T Robert arriva donc la lèvre souriante,
I'oeil caressant, persuadé que j'allais lui faire
des révélations.
Car il ne suffisait pas à la libre Angleterre
d avoir mis la main sur un homme qui pa-
raissait être un des chefs du fénianisme et le
plus dangereux de tous, sans doute, il lui fal-
lait pénétrer le mystère dont cet homme s'en-
veloppait.
— Monsieur le gouverneur, dis-je alors à
sir Hobert, je désire causer avec vous.
Ah! fit-il d'un ton joyeux, je savais bien
que nous finirions par devenir raisonnable.
— Je n'ai jamais cessé de l'être.
— Ah ! par exemple! ;
Il y avait deux chaises dans ma cellule; il
en prit une et s'assit familièrement auprès de
moi.
(
- Voyons, mon mon cher ami, me i
dit-il, qu avez-vous à me dire?
Mon cher gouverneur, répliquai-je, j'ai
à vous faire une question d'abord. r
— Parlez.
— Si je suis condamné à mort, serai-je r
Danrin ? ||
— Hélas ! je le crains, mon ami. La potence
' ®|^le seul mode de supplice usité en Angle-
i —Bon! et vous pensez que je serai con-
damné?
— A moins que vous ne fassiez des aveux
qui vous attirent l'indulgence de vos juges.
— C est à quoi je songe.
— Ah ! je le savais bien.
Et le bonhomme eut un cri de joie.
— Mais, poursuivis-je en souriant, j'ai be-
soin, auparavant, d'être fixé sur certaines
choses.
— Lesquelles?
— Je vais vous le dire. Je n'ai aucune peur
de la mort.
— Cependant...
— Surtout de la mort pir strangulation. J'ai
même entendu dire...
— Ah! oui, fit-il en clignant de l'œil, je
sais... un préjugé populaire... Mais ne cra'i-
gnez rien, mon ami, m un cher ami. Il faut
voir le visage du supplicié, quand on lui ôte
Je bonnet noir; il est tuméfi ', bleuâtre, hor-
rible à voir! Et la langue !... Oh ! c'est épou-
vantable! .
— En vérité ?
— C'est comme j'ai l'honneur de vous le
dire, mon cher ami. Croyez-moi, faites de.,-
révélations.
— Attendez donc, lui dis-je.
Plus vos révélations seront spontané i
pour-uivit-il, et plu Î vos J-ges...
Je sais cela, ma!?, je vous le répète, je
~ n'ai aucune peur de la mort par strangula- î
3 — Vous avez tort.
°MA0n a la guillotine, c'est
différent... Oh! voilà une mort qui me fait
- peur... Aussi j'avouerais tout de suite.
— On ne peut pas changer pour vous les
. coutumes, me dit-il. Mais je vous affirme que
la pendaison est quelque chose d'horrible.
— Peuh!
— Tenez, poursuivit sir Robert M..., nous
avons ici, en ce moment, un condamné à
! mort.
— Je le sais... ;
son âmelvous saviez quelle épouvante emplit
quîïle^a*S il m 'aparu cependant assez tran-
— Vous êtes dans l 'erretir... Ah! si vous ~
passiez seulement deux ou trois heures en
tête-à-tête avec lui!
- Croyez-vous que son épouvante me ga-
gnerait? -
— J'en suis sûr.
— Vraiment?
Et si la fantaisie vous en prend...
hé! cela me séduit assez.
— Tenez, poursuivit sir Robert M..., je vais
| faire tour vous une chose inouïe...
— Bah !
— Mais que j'ai le droit de faire, après tout.
— Quoi donc?
- Je vais vous faire partager, cette nuit
même, le cachot du condamné à mort.
— Ah' vous feriez celi?
Certaincment. Et je veux que demain
vous - me fassiez appeler en toute hâte.
— Pourquoi ûidr.r?
6 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIDIEN
5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un m
£fris\ •/ .g fr. 9 fr. 18 fr.
Départements 'C il
Administrateur : BOURDILLIAT. ne
«g»
r année — MARDI 5 AVRIL 1870. — N° 1447
-
Rédacteur en chef: A. DE BALATHIER-BRAGELONNI
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, mscDvonot
ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 4 AVRIL 1870
REPRÉSENTATIONS DU DIMANCHE
AGNÈS DE MÉRANIE
Hier, à mon grand regret, je n'ai pu as-
sister à la matinée du théâtre de Cluny,
m'attendrir ou sourire aux moralités du bon
Lachambaudie, m'intéresser aux recherches
érudites d'Augustin Chnllamel, applaudir
aux paroles éloquentes de Léo Lespès. Partie
moi-même d'un des spectacles populaires du
dimanche, j'étais retenu au Châtelet, où l'on
donnait Agnès de Méranie.
Le drame de Ponsard n'avait pas été joué
depuis vingt-cinq ans. Mais il a gardé cette
jeunesse propre aux œuvres fortes, dans les-
quelles le vers est toujours le moule d'une
pensée, qui expriment des idées, des senti-
ments, des passions, qui vivent enfin de la
vie immortelle de l'art.
Le concile, les questions qui s'agitent à
Rome,' donnent en outre au sujet d'Agnès
de Méranie un attrait d'actualité qui est une
garan tie de succès. La discussion y gagne ce
que la poésie y perd. Le public obéit à son
élan; il applaudit, il objurgue, il prend parti
il joue son rôle dans la_-,saHp comme Phi-
lippe-Auguste et le légat du pape Inno-
cent III jouent le leur sur la scène.
Au début, la force de l'Eglise catholique
résidait par-dessus tout dans son unité.
Le monde chrétien acceptait sans discus-
sion les décisions du pape, représentant de
Dieu sur la terre.
Ce pape, tout-puissant dans le domaine
religieux, mais simple.évêque en son parti-
culier, était souvent attaqué et opprimé par
des voisins plus puissants que lai.
Un jour un chef Franc, devenu maître
par la conquête de la moitié de l'Europe, —
Charlemagne, — dit à l'évêque de Rome ;
Saint-Père, faites-moi accepter pour
empereur par les chrétiens qui vous obéis-
sent; en échange, je vous donnerai de gran- |
des propriétés, qui vous permettront de
vivre sans dépendre de personne et d'entre-
tenir des soldats pour vous défendre contre
vos voisins.
x L'évêque accepta.
,,,,\Ce fut le premier concordat.
Uj 'Mais l'entente ne devait pas être de 10n-
jgu| durée.
(" p'un côté, les rois, désireux d'être mal-
'{:rés absolus chez eux, entendirent nommer
)'és évêques dans leurs Etats, disposer des
bénéfices ecclésiastiques, se servir de l'E-
glise comme d'un moyen de domination.
De l 'autre, les papes firent le raisonne-
ment suivant : — Les âmes sont à nous ; - -
qui dit âmes dit aussi ceux qui en ont {"
ge : donc les évêques, les moines, les ..
ses et les couvents ne relèvent que de nous.
Les rois avaient leurs soldats ; les papes
avaient les fidèles.
Les premiers entendaient agir à leur gui-
se ; ils ne devaient pas tarder à méconten-
ter les seconds.
En France, la guerre commença sous le
règne de Philippe-Auguste.
Philippe-Auguste avait fait un mariage
de prince, c 'est-à-dire qu'il avait épousé la
fille d 'un autre prince sans l'avoir jamais
vue. Quand elle arriva à sa cour, il la trouva
laide et désagréable, et prit sur lui de la
renvoyer à ses parents. Après quoi, il en
épousa une autre, jeune, belle et qu'il ai-
mait.
C'était fournir au pape un terrain.
Les sacrements sont l'agent le plljs puis-
sant de l'Eglise; par eux, elle prend le fidèle
au berceau pour le conduire jusqu'à la
tombe.
Si le roi, tenu par sa position de donner
l'exemple, viole un sacrement, ses sujets l'i-
miteront : c'en sera fait de la règle, de la
discipline, de l'autorité de Rome.
Le pape n hésita pas; il envoya un légat
à Philippe-Auguste, pour le sommer d'avoir
! à renvoyer sa seconde femme et à reprendre
la première.
Philippe résista d'abord ; ensuite, il cher-
cha à transiger; mais son peuple prit parti
contre lui; il fut obligé de céder. Agnès re-
tourna en Allemagne, Ingerberge- revint à
Paris.
Dans le drame, Agnès meurt. Telle est la :
seule différence de l'invention poétique avec '
l'histoire. • .
?e , ^ suffit de cet exposé pour comprendre le
défaut capital de la pièce de Ponsard. Ses
cinq actes développent une situation unique :
-Partira-t-elle? Ne partira-t-elle pas?.....
Trois actes seulement, et Agnès de Mêrqnie
serait un pur chef-d'œuvre..
^ Même avec ses développements trop .longs,
c est une des œuvres les plus puissantes et
's les plus larges du théâtre contemporain. Les
beaux vers y succèdent aux beaux vers. A
chaque acte on trouve de ces combats d'idées
et de ces duels d'âmes propres aux héros et
. aux héroïnes de Corneille.
Philippe-Auguste explique sa politique à'
un brave soldat, son compagnon et son
ami ;
S ....... Il n'importe à ma cause
, Que j'aie ou non commis le péché qu'on suppose.
. J ai péché, je le veux : entre l'Eglise et moi
C'est un débat privé, qui n'atteint pas le roi.
Qu'on juge le chrétien et qu'on l'excommunie ;
• La peine se mesure à la faute punie. \
3 — Mais sur tous mes sujets étendre l'interdit !
Tourner leur désespoir contre mon nom maudit!
. Par ce sombre calcul d'une vengeance oblique
Me contraindre à fléchir sous la haine publique !
C est attenter au roi; c'est l'usurpation;
^ C est un immense appel à l'insurrection.
- Voilà l'enseignement dont le pape est l'apôtre;
, Si ce n est là son but, qu'on me dise quel autre !
; — N a-t-il rien prétendu que punir un méfait?
Moi seul, j-'avais failli. Mon peuple, qu'a-t-il fait?
Pourquoi le châtier ? Depuis quand la justice
Veut-elle que ce soit l'innocent qui pâtisse ?
Mais non : sa politique i compté froidement
Combien il faut de pleurs pour un soulèvement.
Si je cède une fois, le mal est sans remède;
En toute occasion, il faudra que je cède ;
Par un premier succès le Saint-Père alléché
Dans tout ce qu'on fera saura voir un péché,
Et de l'appel au peuple, une fois efficace,
Agitant devant moi l'éternelle menace,
Sur la rébellion dressant son attentat,
Décidera bientôt des affaires d'Etat. 1
Et comme, chez lui-même, il est si petit prince
Qu'il ne peut repousser l'assaillant le plus mince,
Comme il est obligé de prendre son appui
Ou chez l'un ou chez l'autre, et toujours hors de lui
Selon qu'il entrera dans telle ou telle ligue, ' à.
Il nous infligerait sa misérable intrigue, ' r
Et nous serions tantôt Anglais, tantôt Germains,
Pour le plus grand profit des pontifes romains ! F
— Restons .Français. Je dois, de même fierté d'âme ^
Roi, garder mon royaume, et chevalier, ma dame. ' ç
Oh ! je n'ai pas été si jaloux de mes droits Q
Pour en offrir l'hommage au pape Innocent Trois - E
J Et je n'ai pas paru de mes fleurons avare, ; D
Pour que sur ma couronne on mette une tiare ! N
S'il fallait la briser, ou subir cet affront, ' D
Je me l'arracherais moi-même de mon front; 0
Et je serais plus roi, tombant ainsi du trône/ C(
Que trônant pour le pape, et roi par son aumône. In
Jp
Le légat du pape donne à son tour les rai..; '
3 sons l'Eglise.
3 Quand le pape est d'accord avec le roi de France,
. a chrétienté, qui suit, marche avec assurance.
Le pape est en avant; il a pour son soutien
Son fils aîné, le roi de France très chrétien.
? A ses nouveaux destins initiant le monde,
L'un est l'esprit qui veut, l'autre est le bras qui fonde;
Et tous deux, alliant leur double majesté,
Reçoivent, l'un de l'autre, autant qu'ils ont prêté.
A qui dois-tu, Seigneur, le divin caractère
3 Qui rapproche du ciel les trônes de la terre?
qu'est-ce que le sacre? Est-ce à ton front taché,
" Une huile qui s'efface, après qu'elle a séché?
j Non. De la main de Dieu c'est l'éternelle marque,
C est le pontife saint, qui rend saint le monarque.
Entre tes grands barons, tu n'es qu'un des moins
n6 ?acîre roi, qui te met hors des rangs.
i Ce baiser paternel, que l'Eglise te donne,
Resplendit à ton front mieux que nulle couronne.
Va, le pape n est pas ton ennemi, seigneur;
Il n entend rabaisser tes droits ni ton honneur,
Mais, te considérant comme son porte-glaive,
Il croit se rehausser de tout ce qui t'élève.
Oui, soumets tes vassaux : le Saint-Père est pour toi;
Car la cause de l'ordre est dans le camp du roi;
Sur les mille troncons de leur vaste anarchie,
Comme un pied triomphant, .pose ta,monarchie;
C'est bien. — Mais l'élément d'un ordre régulier,
Du temple social le principal pilier,
C'est la famille, chose avant tout respectable,
Dont la foi conjugale est la base immuable.
Veux-tu donc renverser ton propre monument?
Quoi! tu veux mettre un terme au long déréglement;
Tu veux que la loi règne en place de la force,
Et tu vas dans l hymen appeler le divorce,
Le divorce brutal, le divorce sans frein,
Par où les passions rentrent dans leur terrain !
Quelles lois désormais, quelles mœurs, quel usage '
Vivront où n'aura pu vivre le mariage !
Quel mariage encor pourra rester debout,
Quand le roi, sur le sien, porte le premier coup !
— Roi, ne fais pas d'en haut descendre le scandale !
La licence est partout, quand le trône-l'étalé.
S'il faut accoutumer l'hymen à ces mépris, ■
Plutôt que d'acheter la croisade à tel prix,'
Mieux vaut que sans secours Jérusalem succombe-
| L esprit vivant du Christ est plus saint que sa tombe!.;.'
Agnès se dévoue; elle partira pour laisser
à celui qu'elle aime son trône et sa puissance
mi:: e en suspens :
PhilipP3! mon seigneur! chère âme de ma vie!
Va ! c'est bien à toi seul que je me sacrifie.
Que n'es-tu, comrne moi, de ces humbles esprits
Qui bornent tous leurs vœux sur des êtres chéris,
Et sont reconnaissants aux honneurs de ce mondé
De ne pas visiter leur retraite profonde!
Nous partirions ensemble. Il est dans mon Tyrol
Des bords hospitaliers plus que ce triste sol.
0 mes bois, mes vallons, ma campagne connue,
Comme je guiderais chez vous sa bienvenue!
Immenses horizons, de quel geste orgueilleux,
Je lui déroulerais vos tableaux merveilleux !
Et quel bonheur d'entendre, à son bras suspendue,
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
VIII
8
Rocambole poursuivit :
Ce jour-là, le condamné à mort ne voulut
|>as s expliquer davantage.
L histoire que je veux vous raconter est trop
*ûiiV'?e' j ' l'heure de rentrer dans ma
«ellule est, du reste, sonnée. Mais demain...
Demain, lui dis-je, je trouverai le moyen
t1e passer plusieurs heures avec vous.
Il me regarda avec étonnement.
— Au fait, dit-il enfin, ce serait impossible
pour -un autre, mais, pour vous, il n'y a rien
s impossible, du moment où vous êtes l'homme
^ris.
Et il rentra dans son cachot, tandis^rue je
l'egagnais ma cellule.
Toir le numéro dÍJ 12 juin ISC9.
Une idée m'était venue.
Au moment où l'un des gardiens allait m'en-
fermer, je lui dis :
— Veuillez dire au gouverneur que je désire I
lui parler.
Le gardien s'acquitta du message et, un
quart d heure après, le gouverneur entrait
dans ma cellule.
Tu as vu le bonhomme, et tu sais s'il est
naïf.
— Oh ! très-naïf, dit Milon.
,, ~7T Robert arriva donc la lèvre souriante,
I'oeil caressant, persuadé que j'allais lui faire
des révélations.
Car il ne suffisait pas à la libre Angleterre
d avoir mis la main sur un homme qui pa-
raissait être un des chefs du fénianisme et le
plus dangereux de tous, sans doute, il lui fal-
lait pénétrer le mystère dont cet homme s'en-
veloppait.
— Monsieur le gouverneur, dis-je alors à
sir Hobert, je désire causer avec vous.
Ah! fit-il d'un ton joyeux, je savais bien
que nous finirions par devenir raisonnable.
— Je n'ai jamais cessé de l'être.
— Ah ! par exemple! ;
Il y avait deux chaises dans ma cellule; il
en prit une et s'assit familièrement auprès de
moi.
(
- Voyons, mon mon cher ami, me i
dit-il, qu avez-vous à me dire?
Mon cher gouverneur, répliquai-je, j'ai
à vous faire une question d'abord. r
— Parlez.
— Si je suis condamné à mort, serai-je r
Danrin ? ||
— Hélas ! je le crains, mon ami. La potence
' ®|^le seul mode de supplice usité en Angle-
i —Bon! et vous pensez que je serai con-
damné?
— A moins que vous ne fassiez des aveux
qui vous attirent l'indulgence de vos juges.
— C est à quoi je songe.
— Ah ! je le savais bien.
Et le bonhomme eut un cri de joie.
— Mais, poursuivis-je en souriant, j'ai be-
soin, auparavant, d'être fixé sur certaines
choses.
— Lesquelles?
— Je vais vous le dire. Je n'ai aucune peur
de la mort.
— Cependant...
— Surtout de la mort pir strangulation. J'ai
même entendu dire...
— Ah! oui, fit-il en clignant de l'œil, je
sais... un préjugé populaire... Mais ne cra'i-
gnez rien, mon ami, m un cher ami. Il faut
voir le visage du supplicié, quand on lui ôte
Je bonnet noir; il est tuméfi ', bleuâtre, hor-
rible à voir! Et la langue !... Oh ! c'est épou-
vantable! .
— En vérité ?
— C'est comme j'ai l'honneur de vous le
dire, mon cher ami. Croyez-moi, faites de.,-
révélations.
— Attendez donc, lui dis-je.
Plus vos révélations seront spontané i
pour-uivit-il, et plu Î vos J-ges...
Je sais cela, ma!?, je vous le répète, je
~ n'ai aucune peur de la mort par strangula- î
3 — Vous avez tort.
°MA0n a la guillotine, c'est
différent... Oh! voilà une mort qui me fait
- peur... Aussi j'avouerais tout de suite.
— On ne peut pas changer pour vous les
. coutumes, me dit-il. Mais je vous affirme que
la pendaison est quelque chose d'horrible.
— Peuh!
— Tenez, poursuivit sir Robert M..., nous
avons ici, en ce moment, un condamné à
! mort.
— Je le sais... ;
son âmelvous saviez quelle épouvante emplit
quîïle^a*S il m 'aparu cependant assez tran-
— Vous êtes dans l 'erretir... Ah! si vous ~
passiez seulement deux ou trois heures en
tête-à-tête avec lui!
- Croyez-vous que son épouvante me ga-
gnerait? -
— J'en suis sûr.
— Vraiment?
Et si la fantaisie vous en prend...
hé! cela me séduit assez.
— Tenez, poursuivit sir Robert M..., je vais
| faire tour vous une chose inouïe...
— Bah !
— Mais que j'ai le droit de faire, après tout.
— Quoi donc?
- Je vais vous faire partager, cette nuit
même, le cachot du condamné à mort.
— Ah' vous feriez celi?
Certaincment. Et je veux que demain
vous - me fassiez appeler en toute hâte.
— Pourquoi ûidr.r?
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