Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-08
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 avril 1870 08 avril 1870
Description : 1870/04/08 (A5,N1450). 1870/04/08 (A5,N1450).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716879r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIBSÈN
5 cent. le numéro,
'&BDNKEMENTS. — Trois moi» Six mois Un nn !
Paris t 5 fr. 9 fr. 18 fr.
. Départements 6 '11 88
- 1 Administrateur : BOURDILLIAT.
0
année — VENDREZ 8 AVRIL 1870. — N° 14S0
; — i~— ,—
Rédacteur en chef: A. DE BAIATHIER-BRAGELONNE
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, Ptiobro.aot
ADMINISTRATION : -13, quai V^oltairs.
PARIS, 7 AVRIL 1870
FIGURES DE LA SEMAINE
GAMBETTA
Depuis hier on dit Gamlm^ CÔniîflç' on
disait Berryer. 1 lcl {'
Rien qui atteste mieux le pouvoir et ce l'élo-
quence que-ces brusques fortunes. Un pre-
mier discours avait fait du jeune avocat le
député de Paris et de Marseille; un second
en fait le représentant autorisé d'un parti,
l'homme d'une politique.
Un jour Berryer, au milieu d'un profond
silence, attaquait violemment le gouverne-
ment de Louis-Philippe. Une voix s'élève et
l'interrompt.
— Silence! dit le vieux Dupin. C'est IVIi-
l'abcau qui parle. Ecoutez, !
Au Corps législatif, on a écouté Gambetta
sans que M. Leroux ait eu besoin d'évoquer
NIirabeuu. ' 1
J'ai lu ce discours de mardi, — le dis-
cours n° 2; — il est très-beau, avee des par-
ties et des tournures qui rappellent encore
trop le palais- de justice et la langue spéciale
qu'on y parle.
Mais, à côlé et au-dessus de cesUvBbas-
series, il y a la largeur dans les idées, la vi-
gueur dans l'expression, et, — chose bien
plus rare, — l'originalité dans la forme.
On comprend — même il distance, à froid,
. sans l'influence de la voix, du regard, du
geste de l'orateur, — quel effet a dû pro-
duire ce grand morceau d'éloquence législa-
tive.
*
« La poésie, c'est le coeur ! » disait By-
ron.
Remplacez poésie par éloquence, la défi-
nition restera juste.
En effet, si vous ressentez une émotion
vive, si votre poitrine se gonfle, si les Jar-.
mes vous viennent aux yeux, vous pouvez
parler : le mot que vous direz sera éloquent,?
il rendra votre âme. *
« Tout le secret pour émouvoir, c'est de
sentir. L'expression d'un sentiment vrai est
toujours un trait d'éloquence-
« Un colon anglais voulait chasser un
sauvage de son pays natal : -1
« — Dirai-je aux os de nos pères : — Le-
vez-vous, et marchez devant, nous vers une
Ïrre étrangère!
« Le mot de ce sauvage est beau comme
fin mot de Fox ou de M lira beau. »
>
L'éloquence consiste donc dans la faculté
de sentir vivement et d'exprimer ce qu'on a
senti. >
On naît orateur comme on naît poète.
Est-ce à dire que l'étude soit inutile à ceux
qui veulent aborder la tribune ou la chaire?
Loin de là, et Timon, en décomposant l'élo-
quence parlementaire, fait au contraire res-
sortir sa nécessité.
L'orateur, suivant lui, doit tenir compte
à la fois du caractère de la nation, du génie
de la langue, des besoins politiques et so-
ciaux de son temps, enfin de la physionomie
de son auditoire.
On ne parle pas dans une assemblée d'hom-
mes riches et sans illusions comme au mi-
lieu d'une foule que passionnent les seuls
mots de patrie, de justice, de liberté.
L'action de l'orateur est au prix de son tact
à choisir les arguments et le langage qui
conviennent à telle assemblée.
C'est à dessein que j'écris ces dernières
lignes.
Si Gambetta, à la Chambre, était resté le
tribun du quartier Latin, du palais et des
réunions publiques, on ne l'aurait pas
écouté.
Mais il a modifié son éloquence en chan-
geant de tribune. De là son succès.
M. Fulbert Dumonteil, — dans ses por-
traits si pittoresques et si vivants des dé-
putés de Ja Seine, a raconté la jeunesse de
Gambetta.
« C'est ordinairement au café Procope que
l'étudiant de Cahors improvisait sa tribune.
Oh y montrera peut-être un jour la table r
quH! frappait du poing ën parlant de liberté,
comme on y montre la table .de Voltaire, la
la table de! Piron, et la table sur laquelle un
soir Péditeur Renduel monta en faisant le
signe de la croix et se mit à lire.le.s Paroles
t$un cro-yant.
« Lorsque Gambetta se trouvait au café,
il n'y avait d'écho que pour sa voix de cui-
yre, et tout le monde, jusqu'aux garçons,
écoutait. Il tenait tête à la salle entière, et
sjur lé coup de minuit forçait tous ses adver-
saires. à aller se coucher convaincus.
I « Un soir, il traitait la question romaine.
jetant par-dessus les tables et les comptoirs
plus de logique et plus d'esprit qu'il n'y en
avait dans toute la Chambre de ce temps-
là. ' '■ ' "
H Au bout d'une heure, il ne restait plus
personne au Vatican, ni au café. Tous les
adversaires de Gambetta étaient en fuite
ou sur le carreau.
« Alors, en quête d'auditoire, le bouillant
orateur tourne à droite, tourne à gauche,
cherche, regarde, pousse un cri de joie ! Il
vient d'apercevoir deux étrangers, deux in-
connus, paisibles et graves, qui, ne soufflant
mot, ne l'avaient point .quitté des yeux du-
rant toute la discussion.
« Et Gambetta aussitôt de reprendre sa
thèse, de chercher des arguments nouveaux,
de trou ver des effets magnifiques et des élans
merveilleux. j
« Pour ces deux hommes il parla une
Ji^^fe6PC.are \ . *■ ^ j
K Immobiles et silencieux, les étrangess
contemplaient le jeune tribun, dévorant,
du regard sa tête rayonnante et son geste
inspiré.
« Ils sont là, fascinés par son action et
comme attachés à ses yeux, suspendus à sa
bouche. On eût dife une double statue de
l'admiration.
« Tout à coup, le plus vieux de ces incon-
nus se tourna vers son compagnon, et, le
touchant du coude, lui fait du bout des doigts
un signe mystérieux.
« A ce signe, Gambetta s'arrête brusque-
ment, se rejette en arrière, promène un re-
gard étonné et interrogateur sur les deux
étrangers.— signifie cesigne?quels sont
ces hommes?
« C'étaient deux sourds-mue!.s. *
« C'est égal, ils avaient compris. IlsSe
levèrent et vinrent serrer la main de l'étu-
diant. » 1 .
« Gambetta, ajoute son biographe, est né
pour faire de la politique, comme un hercule
pour lever des poids. »
Je n'ai pas, en effet, d'autre reproche à ■
lui adre'sscr. Je . crois que l'hc'rcu'e serait .
mieux placé au manche d'une charrue ou au
soufflet d'une forge que dans un cirque ou
une baraque de foire ; et je crois aussi que
«faire de la politique » ''est pas u-n privilège
que tel ou tel citoyen apporte en naissant.
Ln. politique serait alors une tocat-ion et de-
viendrait un métier.—Quoi déplus odieux?...'
Cela dit, qu'un homme jeune, bien doué,
instruit, toujours prêt à mettre le travail
au service de sa volonté, ait le dé:::ir de don-
ner à ia chose publique une part de son
temps et de ses forces, rien de mieux, — à
la condition toutefois qu'il conserve une pro-
fession, et qu'il ne considère pas comme ex-
clusives et éternelles les fonctions de minis-
tre ou de député.
Gambetta sera-t-il cet homme? Ce qu'il y
a de sûr, c'est qu'il possède tous les dons de
l'éloquence. Il remue, il passionne, il en-
traîne, et, s'il sait frapper à propos, il sait
aussi s'assouplir et charmer.
Il est taillé pour la tribune. Sa tête, à la
barbe et aux cheveux noirs, s'enfonce soli-
dement dans de larges épaules. La carrure
est superbe, le geste fort ; l'oeil noir (Garn-
betta est borgne) a le regard droit et frane.
La voix, tantôt éclatante et tantôt sourde,
est admirablement timbrée.
f
Tombé malade de fatigue et d'émotion
après les élections de mai 1869, Gambetta a
voulu guérir et il a guéri. Il est allé aux
eaux. Il a suivi un régime. Il s'est refait une
voix.
C'est cette. voix que le Corps législatif a
entendue mardi.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XI
11
Rovenons maintenant à Marmouset, que
Dons avons laissé avec Sholdng et Vanda à la
porte d'une maison de Carl str&et.
Marmouset, qui avait montré l'inscription
qui était sur la porte, ;
Farlane et C° j
Marmouset, disons-nous, regarda ses deux j
Compagnons : !
— Puisque vous ne comprenez pas encore, j
dit-il, écoutez-moi.
— Parlez, dit Vanda toujours anxieuse. i
— Cette maison, je vous l'ai dît, doit être,
il je ne me trompe, juste au-dessus de la ga-
-Voir le numéro du 12 juin 1869.
lejis souterraine, et entre les deux éboulements
que nous avons constatés.
— Eh bien? fit Vanda.
— Eh bien ! reprit Marmouset, elle appar-
tient à nn fénian, ce qui est un grand point.
— Comment?
— Attendez. Evidemment, cette maison a
une cave; et quand nous serons descendus
dans cette cave, nous trouverons un trou qui
nous permettra d'arriver sous la galerie.
— Et de délivrer l'homme gris, dit Shoking.
— Oui, tout cela est fort bien, dit Vanda,
mais êtes-vous sûr, Marmouset?...
— Que la maison est verticalement au-des-
sus de la galerie souterraine ?
— Oui.
— J'en suis sûr.
— Comment pouvez-vous le savoir?
Marmouset eut un sourire :
— Vous âavez bien, dit-il, que j'ai fait des
études d'ingénieur et que je passe même pour
très-fort en mathématiques.
— Ah! c'est juste.
— J'ai calculé la distance, la situation de la
maison par rapport à la galerie, et je crois mes
calculs exacts.
— Dieu le veuille!
— Je crois même pouvoir affirmer que nous
aurons un trou de quinze à dix-huit pieds de
profondeur à percer.
— A 'ors, dit Shoking, il s'agit d'entrer dans
la maison et de s'adresser tout de suite à m as-
ter Farlane.
— Non, d-it Marmouset.
— Et pourquoi cela? fit Vanda.
— Parce que Farlane ne nous connaît pas,
que nous ne sommes pas fénians et ne pou-
vons lui faire la signe mystérieux que les fé-
nians ont accepté comme signe de ralliement.
— Alors?
— Alors, dit Marmouset, Shoking va re- i
tourner dans Farringdon street. I
— Bon ! fit Shoking.
Et il préviendra le chef fénian, qui s'empres-
sera de le suivre et viendra ici noys mettre en
rapport avec M. Farlane. -
— J'y cours, dit Shoking.
— Et nous vous attendons ici, dit Mar-
mouset.
Shoking partit.
Vanda et Marmouset demeurèrent dans la
rue, immobiles, les yeux fixés sur cette maison
dont la porte était close, mais qui s'ouvrirait
devant eux aussitôt que le chef fénian arrive-
rait.
Ils n'attendirent pas longtemps.
Shoking avait de bonnes jambes et, à l'oc-
casion, il savait les pendre à son cou.
Un quart d'heure après, 11 était de retour.
Le chef fénian l'accompagnàit. '
Shoking avait sans doute mis celui-ci au
courant, car ils arrivèrent tous les deux avec
des outils propres à creuser la terre et à faire,
au besoin, une tranchée dans le roc.
Le chef fénian salua Vanda et Marmouset.
Puis, au lieu de soulever le marteau, il se
mit à tambouriner sur la porte avec ses doigts,
d'une façon toute particulière.
Quelques minutes s'écoulèrent.
Bien ne bougeait dans la maison, et aucune
lumière n'apparaissait.
\
— On dort bien là-dedans, fit Marmouset,
qui s'impatientait.
— Patience ! dit le chef fénian.
'Il tambourina une seconde fois, mais d'une
façon toute différente de la première.
Ni bruit. ni lumière.
j —Mais cette maison est donc déserte? ex-**
clama Vanda.
— Non, répondit le chef fénian.
Et il tambourina une troisième fois, et tou.,
jours sur un rhythme différent.
Soudain une lumière apparut au-dessus de:
l'imposte de la porte.
Puis on entendit un pas lent et mesuré à;
, l'intérieur du corridor.
Et enfin la porte s'ouvrit.
Marmouset et Vanda virent alors un homme1
de petite taille, mais trapu, vigoureux, la tête ■
enfoncée dans les épaules, portant des cheveux ;
et une barbe incultes de couleur rousse, qui!
arrivait à demi vêtu et portait une lanterne &'1
la main.
C'était master Farlane.
Le chef lui fit un signe rapide.
Farlane répondit par le même signe, et son ,
regard, soupçonneux d'abord quand il avait'
aperçu Marmouset et Vanda, se rasséréna aus-
sitôt.
Tous les quatre entrèrent dans la maison;¿'
et Farlane ferma la porte. %
Puis il regarda le chef fénian. •
— Eh bien ! dit-il, l'explosion a-t-elle don»;
né un bon résultat? '
Comme il faisait cette question en patois ,
landais, Vanda, Marmouset et même Sho&in$,
ne comprirent pas
5 cent. le numéro.
JOURNAL QUOTIBSÈN
5 cent. le numéro,
'&BDNKEMENTS. — Trois moi» Six mois Un nn !
Paris t 5 fr. 9 fr. 18 fr.
. Départements 6 '11 88
- 1 Administrateur : BOURDILLIAT.
0
année — VENDREZ 8 AVRIL 1870. — N° 14S0
; — i~— ,—
Rédacteur en chef: A. DE BAIATHIER-BRAGELONNE
BUREAUX D'ABONNEMENT: 9, Ptiobro.aot
ADMINISTRATION : -13, quai V^oltairs.
PARIS, 7 AVRIL 1870
FIGURES DE LA SEMAINE
GAMBETTA
Depuis hier on dit Gamlm^ CÔniîflç' on
disait Berryer. 1 lcl {'
Rien qui atteste mieux le pouvoir et ce l'élo-
quence que-ces brusques fortunes. Un pre-
mier discours avait fait du jeune avocat le
député de Paris et de Marseille; un second
en fait le représentant autorisé d'un parti,
l'homme d'une politique.
Un jour Berryer, au milieu d'un profond
silence, attaquait violemment le gouverne-
ment de Louis-Philippe. Une voix s'élève et
l'interrompt.
— Silence! dit le vieux Dupin. C'est IVIi-
l'abcau qui parle. Ecoutez, !
Au Corps législatif, on a écouté Gambetta
sans que M. Leroux ait eu besoin d'évoquer
NIirabeuu. ' 1
J'ai lu ce discours de mardi, — le dis-
cours n° 2; — il est très-beau, avee des par-
ties et des tournures qui rappellent encore
trop le palais- de justice et la langue spéciale
qu'on y parle.
Mais, à côlé et au-dessus de cesUvBbas-
series, il y a la largeur dans les idées, la vi-
gueur dans l'expression, et, — chose bien
plus rare, — l'originalité dans la forme.
On comprend — même il distance, à froid,
. sans l'influence de la voix, du regard, du
geste de l'orateur, — quel effet a dû pro-
duire ce grand morceau d'éloquence législa-
tive.
*
« La poésie, c'est le coeur ! » disait By-
ron.
Remplacez poésie par éloquence, la défi-
nition restera juste.
En effet, si vous ressentez une émotion
vive, si votre poitrine se gonfle, si les Jar-.
mes vous viennent aux yeux, vous pouvez
parler : le mot que vous direz sera éloquent,?
il rendra votre âme. *
« Tout le secret pour émouvoir, c'est de
sentir. L'expression d'un sentiment vrai est
toujours un trait d'éloquence-
« Un colon anglais voulait chasser un
sauvage de son pays natal : -1
« — Dirai-je aux os de nos pères : — Le-
vez-vous, et marchez devant, nous vers une
Ïrre étrangère!
« Le mot de ce sauvage est beau comme
fin mot de Fox ou de M lira beau. »
>
L'éloquence consiste donc dans la faculté
de sentir vivement et d'exprimer ce qu'on a
senti. >
On naît orateur comme on naît poète.
Est-ce à dire que l'étude soit inutile à ceux
qui veulent aborder la tribune ou la chaire?
Loin de là, et Timon, en décomposant l'élo-
quence parlementaire, fait au contraire res-
sortir sa nécessité.
L'orateur, suivant lui, doit tenir compte
à la fois du caractère de la nation, du génie
de la langue, des besoins politiques et so-
ciaux de son temps, enfin de la physionomie
de son auditoire.
On ne parle pas dans une assemblée d'hom-
mes riches et sans illusions comme au mi-
lieu d'une foule que passionnent les seuls
mots de patrie, de justice, de liberté.
L'action de l'orateur est au prix de son tact
à choisir les arguments et le langage qui
conviennent à telle assemblée.
C'est à dessein que j'écris ces dernières
lignes.
Si Gambetta, à la Chambre, était resté le
tribun du quartier Latin, du palais et des
réunions publiques, on ne l'aurait pas
écouté.
Mais il a modifié son éloquence en chan-
geant de tribune. De là son succès.
M. Fulbert Dumonteil, — dans ses por-
traits si pittoresques et si vivants des dé-
putés de Ja Seine, a raconté la jeunesse de
Gambetta.
« C'est ordinairement au café Procope que
l'étudiant de Cahors improvisait sa tribune.
Oh y montrera peut-être un jour la table r
quH! frappait du poing ën parlant de liberté,
comme on y montre la table .de Voltaire, la
la table de! Piron, et la table sur laquelle un
soir Péditeur Renduel monta en faisant le
signe de la croix et se mit à lire.le.s Paroles
t$un cro-yant.
« Lorsque Gambetta se trouvait au café,
il n'y avait d'écho que pour sa voix de cui-
yre, et tout le monde, jusqu'aux garçons,
écoutait. Il tenait tête à la salle entière, et
sjur lé coup de minuit forçait tous ses adver-
saires. à aller se coucher convaincus.
I « Un soir, il traitait la question romaine.
jetant par-dessus les tables et les comptoirs
plus de logique et plus d'esprit qu'il n'y en
avait dans toute la Chambre de ce temps-
là. ' '■ ' "
H Au bout d'une heure, il ne restait plus
personne au Vatican, ni au café. Tous les
adversaires de Gambetta étaient en fuite
ou sur le carreau.
« Alors, en quête d'auditoire, le bouillant
orateur tourne à droite, tourne à gauche,
cherche, regarde, pousse un cri de joie ! Il
vient d'apercevoir deux étrangers, deux in-
connus, paisibles et graves, qui, ne soufflant
mot, ne l'avaient point .quitté des yeux du-
rant toute la discussion.
« Et Gambetta aussitôt de reprendre sa
thèse, de chercher des arguments nouveaux,
de trou ver des effets magnifiques et des élans
merveilleux. j
« Pour ces deux hommes il parla une
Ji^^fe6PC.are \ . *■ ^ j
K Immobiles et silencieux, les étrangess
contemplaient le jeune tribun, dévorant,
du regard sa tête rayonnante et son geste
inspiré.
« Ils sont là, fascinés par son action et
comme attachés à ses yeux, suspendus à sa
bouche. On eût dife une double statue de
l'admiration.
« Tout à coup, le plus vieux de ces incon-
nus se tourna vers son compagnon, et, le
touchant du coude, lui fait du bout des doigts
un signe mystérieux.
« A ce signe, Gambetta s'arrête brusque-
ment, se rejette en arrière, promène un re-
gard étonné et interrogateur sur les deux
étrangers.— signifie cesigne?quels sont
ces hommes?
« C'étaient deux sourds-mue!.s. *
« C'est égal, ils avaient compris. IlsSe
levèrent et vinrent serrer la main de l'étu-
diant. » 1 .
« Gambetta, ajoute son biographe, est né
pour faire de la politique, comme un hercule
pour lever des poids. »
Je n'ai pas, en effet, d'autre reproche à ■
lui adre'sscr. Je . crois que l'hc'rcu'e serait .
mieux placé au manche d'une charrue ou au
soufflet d'une forge que dans un cirque ou
une baraque de foire ; et je crois aussi que
«faire de la politique » ''est pas u-n privilège
que tel ou tel citoyen apporte en naissant.
Ln. politique serait alors une tocat-ion et de-
viendrait un métier.—Quoi déplus odieux?...'
Cela dit, qu'un homme jeune, bien doué,
instruit, toujours prêt à mettre le travail
au service de sa volonté, ait le dé:::ir de don-
ner à ia chose publique une part de son
temps et de ses forces, rien de mieux, — à
la condition toutefois qu'il conserve une pro-
fession, et qu'il ne considère pas comme ex-
clusives et éternelles les fonctions de minis-
tre ou de député.
Gambetta sera-t-il cet homme? Ce qu'il y
a de sûr, c'est qu'il possède tous les dons de
l'éloquence. Il remue, il passionne, il en-
traîne, et, s'il sait frapper à propos, il sait
aussi s'assouplir et charmer.
Il est taillé pour la tribune. Sa tête, à la
barbe et aux cheveux noirs, s'enfonce soli-
dement dans de larges épaules. La carrure
est superbe, le geste fort ; l'oeil noir (Garn-
betta est borgne) a le regard droit et frane.
La voix, tantôt éclatante et tantôt sourde,
est admirablement timbrée.
f
Tombé malade de fatigue et d'émotion
après les élections de mai 1869, Gambetta a
voulu guérir et il a guéri. Il est allé aux
eaux. Il a suivi un régime. Il s'est refait une
voix.
C'est cette. voix que le Corps législatif a
entendue mardi.
TONY RÉVILLON.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
XI
11
Rovenons maintenant à Marmouset, que
Dons avons laissé avec Sholdng et Vanda à la
porte d'une maison de Carl str&et.
Marmouset, qui avait montré l'inscription
qui était sur la porte, ;
Farlane et C° j
Marmouset, disons-nous, regarda ses deux j
Compagnons : !
— Puisque vous ne comprenez pas encore, j
dit-il, écoutez-moi.
— Parlez, dit Vanda toujours anxieuse. i
— Cette maison, je vous l'ai dît, doit être,
il je ne me trompe, juste au-dessus de la ga-
-Voir le numéro du 12 juin 1869.
lejis souterraine, et entre les deux éboulements
que nous avons constatés.
— Eh bien? fit Vanda.
— Eh bien ! reprit Marmouset, elle appar-
tient à nn fénian, ce qui est un grand point.
— Comment?
— Attendez. Evidemment, cette maison a
une cave; et quand nous serons descendus
dans cette cave, nous trouverons un trou qui
nous permettra d'arriver sous la galerie.
— Et de délivrer l'homme gris, dit Shoking.
— Oui, tout cela est fort bien, dit Vanda,
mais êtes-vous sûr, Marmouset?...
— Que la maison est verticalement au-des-
sus de la galerie souterraine ?
— Oui.
— J'en suis sûr.
— Comment pouvez-vous le savoir?
Marmouset eut un sourire :
— Vous âavez bien, dit-il, que j'ai fait des
études d'ingénieur et que je passe même pour
très-fort en mathématiques.
— Ah! c'est juste.
— J'ai calculé la distance, la situation de la
maison par rapport à la galerie, et je crois mes
calculs exacts.
— Dieu le veuille!
— Je crois même pouvoir affirmer que nous
aurons un trou de quinze à dix-huit pieds de
profondeur à percer.
— A 'ors, dit Shoking, il s'agit d'entrer dans
la maison et de s'adresser tout de suite à m as-
ter Farlane.
— Non, d-it Marmouset.
— Et pourquoi cela? fit Vanda.
— Parce que Farlane ne nous connaît pas,
que nous ne sommes pas fénians et ne pou-
vons lui faire la signe mystérieux que les fé-
nians ont accepté comme signe de ralliement.
— Alors?
— Alors, dit Marmouset, Shoking va re- i
tourner dans Farringdon street. I
— Bon ! fit Shoking.
Et il préviendra le chef fénian, qui s'empres-
sera de le suivre et viendra ici noys mettre en
rapport avec M. Farlane. -
— J'y cours, dit Shoking.
— Et nous vous attendons ici, dit Mar-
mouset.
Shoking partit.
Vanda et Marmouset demeurèrent dans la
rue, immobiles, les yeux fixés sur cette maison
dont la porte était close, mais qui s'ouvrirait
devant eux aussitôt que le chef fénian arrive-
rait.
Ils n'attendirent pas longtemps.
Shoking avait de bonnes jambes et, à l'oc-
casion, il savait les pendre à son cou.
Un quart d'heure après, 11 était de retour.
Le chef fénian l'accompagnàit. '
Shoking avait sans doute mis celui-ci au
courant, car ils arrivèrent tous les deux avec
des outils propres à creuser la terre et à faire,
au besoin, une tranchée dans le roc.
Le chef fénian salua Vanda et Marmouset.
Puis, au lieu de soulever le marteau, il se
mit à tambouriner sur la porte avec ses doigts,
d'une façon toute particulière.
Quelques minutes s'écoulèrent.
Bien ne bougeait dans la maison, et aucune
lumière n'apparaissait.
\
— On dort bien là-dedans, fit Marmouset,
qui s'impatientait.
— Patience ! dit le chef fénian.
'Il tambourina une seconde fois, mais d'une
façon toute différente de la première.
Ni bruit. ni lumière.
j —Mais cette maison est donc déserte? ex-**
clama Vanda.
— Non, répondit le chef fénian.
Et il tambourina une troisième fois, et tou.,
jours sur un rhythme différent.
Soudain une lumière apparut au-dessus de:
l'imposte de la porte.
Puis on entendit un pas lent et mesuré à;
, l'intérieur du corridor.
Et enfin la porte s'ouvrit.
Marmouset et Vanda virent alors un homme1
de petite taille, mais trapu, vigoureux, la tête ■
enfoncée dans les épaules, portant des cheveux ;
et une barbe incultes de couleur rousse, qui!
arrivait à demi vêtu et portait une lanterne &'1
la main.
C'était master Farlane.
Le chef lui fit un signe rapide.
Farlane répondit par le même signe, et son ,
regard, soupçonneux d'abord quand il avait'
aperçu Marmouset et Vanda, se rasséréna aus-
sitôt.
Tous les quatre entrèrent dans la maison;¿'
et Farlane ferma la porte. %
Puis il regarda le chef fénian. •
— Eh bien ! dit-il, l'explosion a-t-elle don»;
né un bon résultat? '
Comme il faisait cette question en patois ,
landais, Vanda, Marmouset et même Sho&in$,
ne comprirent pas
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