Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1870-04-02
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 02 avril 1870 02 avril 1870
Description : 1870/04/02 (A5,N1444). 1870/04/02 (A5,N1444).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47168738
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 Cmlt. le numéro. journal qb^tibienI y 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un an
.1 Paris.... »... 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements a il 2a
Administrateur : BOURDILLIAT.
orne année — SAMEDI 2 A\$UL 1870. — N° - 1444
y-
•c
Rédacteur en chef: A. DE Balathier-Bragelonni 1
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: 0, rue Drouot-
" ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 1er AVRIL 1870
ACADÉMIE FRANÇAISE
RÉCEPTION DE M. D'HAUSSONVILLE
i #
, Cette séance fa été moins ridikrf|£, qu& la
précédente. ' ' " \.
t M. le comte Joseph-Olhenin-Ber .de
Cléron d'Haussonville, — s'il est peu connu
dans' les lettres pures, — l'est en revanche
beaucoup dans ce coin des lettres qui touche à
la politique. Sa patrie est celle des beaux es-
prits parlementaires qui se piquent d'écrire
une dépêche en français, lorsqu'ils sont au
pouvoir, et qui, lorsqu'ils n'y sont plus, di-
sent qu'ils se consolent de leur retraite for:
cee. par les charmes de l'élude. La vérité est
qu'ils t-iennent absolument à jouer un rôle.
Us remplacent -la tribune qui leur manque
par le livre à allusions, et la Chambre par
1 l'Académie..
« L'histoire m'a tenté », — disait hier M.
d'Haussonville, — et il ajoutait : — « L'his-
loire, n'est-ce pas encore la politique, mais
~a politique apaisée et vue à distance? »
Je prends cette pensée pour un aveu. Si
M. d'Haussonville est devenu historien, c'est
bien évidemment pour établir la supériorité
- du régime constitutionnel, blâme; les autres
régimes, regretter un ordre de choses où sa
naissance, son éducation et ses alfenrces lui
assuraient une place exceptionnelle. Quant
aux joies naïves du lettré heureux de tra-
düiec Horace ou d'écrire une page parfaite, il
les a toujours ignorées-
Galant homme du reste et homme,d'Aca-
démie, il se trouve tout à fait à sa place
dans 1-e paeti des Duos et des Evê-ques, et il
a publié juste assez de volumes pour que les
poètes et les romanciers ne le considèrent pas
comme un étranger.
Le style de M. d'Haussonville est celui de
l'Académie, qui, — à défaut du Dictionnaire
des mots qu'elle n'achève pas pour le public,
— possède un Dictionnaire de périphrases
pour son usage particulier.
Chez elle, on ne dit pas Epaminondas,
mais le Guerrier Thébain.
On ne dit p-as Rossini, mais le Cygne de
Pes&ro.
Un grand poète est un chantre immortel.
Un jeune homme qui meurt est moissonné
dans sa fleur.
Un mari est un époux; un roi, un mo-
arque; Je siècle de Louis XIV,Je Grand
ieibde; un théâtre, le Temple de Melpomène;
t^j^taLCert, une solennité musicale ; les erreurs
^deS journaux, l'impodure qui, distille son venin '
dàt}$ /Js co-lonnes de ses organes...
L'indignation est noble, généreuse, ou im-
puissante; mais elle ne sort pas de là.
>4ïn fait de hardiesses, M. Autran a dé-
couvert les triumvirs qui se disputent ' le pou-
voir'sw' le cœur saignant de la patrie.
En fait de poésie, M. Cuvillier-Fleury a
trouvé Vanltque mythologie qui faisait sortir
Vénus, palpitant emblème de la beauté, du sein
des flots soulevés par une brise féconde.
M. d'Haussonville, — plus modeste ou
moins osé, — se contente d'appeler l'Empe-
reur le chefrde VEtat, et M. le duc d'Aumalg
l'un des descendants de la plus noble famille
souveraine de VEurope. Il confesse aussi —
i sans qu'on l'en prie — cette nouveauté du
temps de Ci.céron, « que le culte des lettres
convient à toutes les situations, et que, sui-
vant les fortunes diverses, l'étude possède le
don incomparable d'ajouter un surcroît d'a-
grément à la prospérité ou de servir de con-
solation dans l'&xil. »
Sa biographie de M. Viennet est un arti- !
cle de Dictionnaire; elle en a la précision,
la clarté et la banalité.
J'y trouve, non sans plaisir, «ne perfide
Albion, un brillant critique, de saines tradi-
tions classiques, et des armes acérées, mais lé-
gères .
Mais, je le répète, M. d'Harussonville s'en
tien.t à une douce gaieté. Il n'exaspère pas,
il ne donne pas envie d'éclater de rire, de
danser, ou d'imiter le chant du coq.
M. Saint-Marc Girardin lui a répon.du.
Celui-là est un homme de lettres ; quand il
sacrifie à la convention, il sait ce qu'il lui
donne et il ne voudrait pour rien au monde
lui donner trop..
M. d'Haussonville est parlementaire par
. principe et par état; M. Saint-Marc Girar-
diafc l'est par tempérament. Il a le bon sens,
leŒpn goût et le bien dire. Il .a jugé M.Vien-
nepivec esprit ; il a très-bien caractérisé, sous
uta forme bienveillante, les travers du vieux
pope, qui mourut sans avoir même soup-
çonné ce que c'était que la poésie. L'amour
de Nf. Viennet pour ses tragédies, — toutes
plus détestables les unes que les autres, —
étonnait M. Saint-Marc Cirardin :
. « Je me suis souvent demandé pourquoi,
< ftyjfet ce-tte passion pour la poésie tragiq.uç,
M. Viennet n'a pas réussi aussi bien dans la.
tragédie que dans la comédie et surtout dans
la satire, dans l'épUre et dans la fable. Ce
qui fait l'originalité et le charme du talent
de M. Viennet, c'est que partout l'homme
se montre dans le poëte, l'homme avec ses
rares qualités d'âme, de cœur et d'esprit.
Malheureusement, dans ses tragédies, il ai-
me ses héros plus que lui-même; il a tort.
Qu'il nous permette de l'aimer plus que ses
héros ! Ses héros tragiques, js . les connais
presque tous avant qu'il me les montre. Ce
que jo cherche dans ses tragédies et ce
que je ne trouve pas àssez, c'est lui-même,
c'est sa verve entraînante, c'esl l'ardeur na- i
tyrelle de ses sentiments, c'est la vérité de
sês émotions. On lui reprochait de ne pas
aimer la nouveauté; il était lui-même, par
son caractère et son esprit, une des plus sin-
cères originali-tés de notre littérature; seule-
ment il semblait l'ignorer, et ses adversaires
se plaisaient à l'ignorer d'après lui. C'est le
public qui par ses applaudissement® renou-
velés penda-n* plus de trente ans lui a appris
.et a appris à ses adversaires ce qu'il y avait
dans ses vers de nouveauté vive etpi'quante,
d'inspiration- franche et naturelle, qui ne de-
vait rien aux conventions ^des écoles ou des
coteries. Laissez donc de côté, lui dirais-je
volontiers, mon cher et vénéré confrère,
laissez vos Sicambres et vos Mérovingiens,
vos Achille et vos Alexandre ; ilp vous ca-
chent à nos yeux, et c'est vous surtout que
nous cherchons. »
Ces Fables, ces Epltres, — qui trouvaient
grâce devant M. Saint-Marc Girardin, — la
dernière joie du vieux bonhomme était de
les lire dans les séances publiques de l'Aca-
démie.
i
« Il y obtenait un succès dont personne
n'avait douté d'avance; je dis personne,
parce que je n'excepte pas l'auteur. »
— Ça, c'est gentil! '
a A la fin j' ai quitté la robe pour fépéq" »
Lorsque éclata la Révolution, Jean-Pons-
Guiliaume Viennet s'empressa de renoncer à:
l'Eglise, à laquelle le destinaient ses parents,
pour-entrer dans l'artillerie de marine. Pri-
sonnier des Anglais, il pasga quelque temps.',
sur les pontons de Plymouth. #
Ep£is„xles. idées républicaines, il .répondit'
par un double non lorsqu'à son retour en i
France il eut à voter sur le Consulat eti
l'Empire. Aussi n'était-il que capitaine en,
1813. Décoré à Bautzen, il fut fait prison-
nier une seconde fois, à Leipsick.
Sous la Restauration, nous le retrouvons
employé dans l'état-major, puis chef d'esca-
dron à l'ancienneté, mais surtout journaliste,:¡
pamphlétaire et poëte.
Libéral et classique, cemme presque tous,
les bons esprits de ce temps-là, il eut d'im-
menses succès d'un jour, dus à une épître
ou à une fable. Il a fait des i-nélo draines, en-.
tré autres Michel Brémond, et un grande
nombre de tragédies.
1830 fut l'heure de l'oubli en littérature ef!
de la justice en politique pour ce brave*,
homme. En 1831, l'Académie française 1% -
reçut, et il y entra comme dans un tombeau .i
En 1839, Louis-Philippe le nomma pair de'
France. Depuis 1848, M. Viennet vivait dans
la retraite, fidèle aux convictions de son pas-
sé. Honnête et intolérant, ce vieillard de
quatre-vingt-dix ans avait des colères et des
enthousiasmes du jeune homme. Je me'rap-
pellerai toujours le ton sur lequel il répondit,
à une maîtresse de maison, qui lui deman-
dait de lire une de ses tragédies :
— Laquelle voulez-vous? Vous voudriez i
bien Deutérie? Ah! Deutériel c'est ma ché-
rie...
L'œil brillait. La voix dénotait une éma."
tion profonde. On eût dit une mère parlant !
de son enfant. :
Tel était M. Viennet. Sa mémoire mérite
d'être entourée d'une sympathie universelle;
car si chez lui le talent avait des défaillan-
ces, le caractère n'en avait pas. -
j Je le redis en terminant.
La séance d'hier n'a pas été tout à fait
. mauvaise.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
5
V
On eût pu croire, à ce cri d'épouvante pous-
sé simultanément par Vanda, Marmouset et
Shoking, que tous trois se trouvaient. en pré-
sence des cadavres mutilés de Rocambole et de
MUon. "*
Il n'en était rien cependant.
Ce qui les avait glacés d'effroi, c'était un
énorme rocher qui fermait l'entrée de lêt ga-
lerie;
Or ce rocher ne pouvait être celui que, de
la salle circulaire, Marmouset et ses compa-
gnons avaient vu tomber derrière Rocambole
et Milon;
C'en était un autre.
Il fallait donc supposer que les éboulements
commencés derrière les fugitifs avaient conti-
nué devant eux et,.qu'ils avaient été écrasbst
Il y avait une manière certaine de s'en con-
vaincre du reste.
Marmouset, par l'inspection des broussailles,
croyait être certain que ni Rocambole ni Mi-
lon n'avaient eii le temps de sortir de la ga-
lerie.
Mais il y avait un autre moyen de contrôle
bien autrement éloquent.
A l'heure de l'a marée haute, les eaux de la
Tamise envahissaient le souterrain sur un par-
cours de plusieurs centaines de pas.
Ela se retirant, elle déposait une sorte de
limon qui aurait nécessairement gardé l'em-
preinte des pieds de Milon et de Rocambole.
Or Marmouset, promenant la lanterne sur le
sol, eut beau chercher, il ne trouva rien.
En outre, le rocher détaché de la voûte était
sec, preuve qu'il était tombé depuis que l'eau
s'était retirée. - ,
Vanda, Marmouset et Shoking se regar-
daient donc avec une épouvante indicible.
Le doute n'était plus possible.
Ou. R0cambole et Milon avaient été écrasés
pendant qu'ils fuyaient,
Ou bien ils se trou t'aient emprisonnés entre
deùx blocs de roche.
Cette dernière hypothèse était la suprême
espérance que Vanda pût avoir encore.
Et elle regardait Marmouset, se tordait les
mains de désespoir et murmurait :
— Que faire ? que faire ?
— Je ne sais, répondit Marmouset.
Alors il eut une inspiration. '
II remit la lanterne à Shoking, s'approcha
du bloc de roche, se coucha presque dessus et
y appuya son oreille.
Vanda le regardait faire sans comprendre.
Marmouset écoutait....
Il écoutait, sachant que certaines pierres
d'essence calcaire ont une sonorité prodi-
gieuse.
Cette expérience ressemblait quelque peu à
ceile du médecin penché sur un homme qui
ne donne plus signe de vie et cherchant à sur-
prendre un dernier battement de cœur.
Mais tout à coup le visage de ■ Mariseuset
s'éclaira. Il
— J'entends quelque chose, d;:-il.
— Quoi donc? frt Vaada d'une voix
étranglée.
Et elle se précipita vers lui.
— Un bruit sourd, lointain, qui ressemble
à la fois à l'écoulement goutte à goutte d'une
source et à la voix humaine.
Vanda appuya à son tour l'oreille contre le
rocher.
— Moi aussi, dit-elle, j'entends quelque
chose.
— Ah 1
— Et, ajouta-t-elle aivee un geste de joîçj COj
n'est pas le bruit d'une eau qui coule. *
— En êtes-vous s-,ûre?
— Oui, c'est une voix humaine. Attendez.....
attendez...
Et Vanda écoutait toujours.
— Oui, dit-elle encore , ce n'est pas uimT
voix, c'est deux.
Elles se rapprochent... Ah !..;
Et Vanda eut un cri'de joie.
— Qu'est-ce encore? fit Marmouset;
— C'est- bien leur voix à tous deux; Tune
claire et sonore, l'autre grave et basses
Et Vanda se mit à crier :
— Maître! maître!
— Silence! dit Marmouset. '
Et comme elle le regardait :
— Laissez-moi m'expliquer, dit-il, et ne criô2
pas inutilement.
— Inutilement?
Et Vanda, folle de joie, regardait Marmouset.
et semblait se demander si lui-même n'avait
pas perdu l'esprit.
— En effet, reprit celui-ci, vous avez raison;
— Ah! c'est bien des voix que nous avons
entendues.
— Oui.
— Et ces voix..!
— Ce sont les leurs. Comme vous, je les al.
reconnues.. '
. —Eh bien? pourquoi t-ne voulez-vous pal;
alors que je les appelle,,.
i
- Voir le numéro du 12 juin 1869;
5 Cmlt. le numéro. journal qb^tibienI y 5 cent. le numéro.
ABONNEMENTS. — Trois mois Six mois Un an
.1 Paris.... »... 5 fr. 9 fr. 18 fr.
Départements a il 2a
Administrateur : BOURDILLIAT.
orne année — SAMEDI 2 A\$UL 1870. — N° - 1444
y-
•c
Rédacteur en chef: A. DE Balathier-Bragelonni 1
1 BUREAUX D'ABONNEMENT: 0, rue Drouot-
" ADMINISTRATION : 13, quai Voltaire.
PARIS, 1er AVRIL 1870
ACADÉMIE FRANÇAISE
RÉCEPTION DE M. D'HAUSSONVILLE
i #
, Cette séance fa été moins ridikrf|£, qu& la
précédente. ' ' " \.
t M. le comte Joseph-Olhenin-Ber .de
Cléron d'Haussonville, — s'il est peu connu
dans' les lettres pures, — l'est en revanche
beaucoup dans ce coin des lettres qui touche à
la politique. Sa patrie est celle des beaux es-
prits parlementaires qui se piquent d'écrire
une dépêche en français, lorsqu'ils sont au
pouvoir, et qui, lorsqu'ils n'y sont plus, di-
sent qu'ils se consolent de leur retraite for:
cee. par les charmes de l'élude. La vérité est
qu'ils t-iennent absolument à jouer un rôle.
Us remplacent -la tribune qui leur manque
par le livre à allusions, et la Chambre par
1 l'Académie..
« L'histoire m'a tenté », — disait hier M.
d'Haussonville, — et il ajoutait : — « L'his-
loire, n'est-ce pas encore la politique, mais
~a politique apaisée et vue à distance? »
Je prends cette pensée pour un aveu. Si
M. d'Haussonville est devenu historien, c'est
bien évidemment pour établir la supériorité
- du régime constitutionnel, blâme; les autres
régimes, regretter un ordre de choses où sa
naissance, son éducation et ses alfenrces lui
assuraient une place exceptionnelle. Quant
aux joies naïves du lettré heureux de tra-
düiec Horace ou d'écrire une page parfaite, il
les a toujours ignorées-
Galant homme du reste et homme,d'Aca-
démie, il se trouve tout à fait à sa place
dans 1-e paeti des Duos et des Evê-ques, et il
a publié juste assez de volumes pour que les
poètes et les romanciers ne le considèrent pas
comme un étranger.
Le style de M. d'Haussonville est celui de
l'Académie, qui, — à défaut du Dictionnaire
des mots qu'elle n'achève pas pour le public,
— possède un Dictionnaire de périphrases
pour son usage particulier.
Chez elle, on ne dit pas Epaminondas,
mais le Guerrier Thébain.
On ne dit p-as Rossini, mais le Cygne de
Pes&ro.
Un grand poète est un chantre immortel.
Un jeune homme qui meurt est moissonné
dans sa fleur.
Un mari est un époux; un roi, un mo-
arque; Je siècle de Louis XIV,Je Grand
ieibde; un théâtre, le Temple de Melpomène;
t^j^taLCert, une solennité musicale ; les erreurs
^deS journaux, l'impodure qui, distille son venin '
dàt}$ /Js co-lonnes de ses organes...
L'indignation est noble, généreuse, ou im-
puissante; mais elle ne sort pas de là.
>4ïn fait de hardiesses, M. Autran a dé-
couvert les triumvirs qui se disputent ' le pou-
voir'sw' le cœur saignant de la patrie.
En fait de poésie, M. Cuvillier-Fleury a
trouvé Vanltque mythologie qui faisait sortir
Vénus, palpitant emblème de la beauté, du sein
des flots soulevés par une brise féconde.
M. d'Haussonville, — plus modeste ou
moins osé, — se contente d'appeler l'Empe-
reur le chefrde VEtat, et M. le duc d'Aumalg
l'un des descendants de la plus noble famille
souveraine de VEurope. Il confesse aussi —
i sans qu'on l'en prie — cette nouveauté du
temps de Ci.céron, « que le culte des lettres
convient à toutes les situations, et que, sui-
vant les fortunes diverses, l'étude possède le
don incomparable d'ajouter un surcroît d'a-
grément à la prospérité ou de servir de con-
solation dans l'&xil. »
Sa biographie de M. Viennet est un arti- !
cle de Dictionnaire; elle en a la précision,
la clarté et la banalité.
J'y trouve, non sans plaisir, «ne perfide
Albion, un brillant critique, de saines tradi-
tions classiques, et des armes acérées, mais lé-
gères .
Mais, je le répète, M. d'Harussonville s'en
tien.t à une douce gaieté. Il n'exaspère pas,
il ne donne pas envie d'éclater de rire, de
danser, ou d'imiter le chant du coq.
M. Saint-Marc Girardin lui a répon.du.
Celui-là est un homme de lettres ; quand il
sacrifie à la convention, il sait ce qu'il lui
donne et il ne voudrait pour rien au monde
lui donner trop..
M. d'Haussonville est parlementaire par
. principe et par état; M. Saint-Marc Girar-
diafc l'est par tempérament. Il a le bon sens,
leŒpn goût et le bien dire. Il .a jugé M.Vien-
nepivec esprit ; il a très-bien caractérisé, sous
uta forme bienveillante, les travers du vieux
pope, qui mourut sans avoir même soup-
çonné ce que c'était que la poésie. L'amour
de Nf. Viennet pour ses tragédies, — toutes
plus détestables les unes que les autres, —
étonnait M. Saint-Marc Cirardin :
. « Je me suis souvent demandé pourquoi,
< ftyjfet ce-tte passion pour la poésie tragiq.uç,
M. Viennet n'a pas réussi aussi bien dans la.
tragédie que dans la comédie et surtout dans
la satire, dans l'épUre et dans la fable. Ce
qui fait l'originalité et le charme du talent
de M. Viennet, c'est que partout l'homme
se montre dans le poëte, l'homme avec ses
rares qualités d'âme, de cœur et d'esprit.
Malheureusement, dans ses tragédies, il ai-
me ses héros plus que lui-même; il a tort.
Qu'il nous permette de l'aimer plus que ses
héros ! Ses héros tragiques, js . les connais
presque tous avant qu'il me les montre. Ce
que jo cherche dans ses tragédies et ce
que je ne trouve pas àssez, c'est lui-même,
c'est sa verve entraînante, c'esl l'ardeur na- i
tyrelle de ses sentiments, c'est la vérité de
sês émotions. On lui reprochait de ne pas
aimer la nouveauté; il était lui-même, par
son caractère et son esprit, une des plus sin-
cères originali-tés de notre littérature; seule-
ment il semblait l'ignorer, et ses adversaires
se plaisaient à l'ignorer d'après lui. C'est le
public qui par ses applaudissement® renou-
velés penda-n* plus de trente ans lui a appris
.et a appris à ses adversaires ce qu'il y avait
dans ses vers de nouveauté vive etpi'quante,
d'inspiration- franche et naturelle, qui ne de-
vait rien aux conventions ^des écoles ou des
coteries. Laissez donc de côté, lui dirais-je
volontiers, mon cher et vénéré confrère,
laissez vos Sicambres et vos Mérovingiens,
vos Achille et vos Alexandre ; ilp vous ca-
chent à nos yeux, et c'est vous surtout que
nous cherchons. »
Ces Fables, ces Epltres, — qui trouvaient
grâce devant M. Saint-Marc Girardin, — la
dernière joie du vieux bonhomme était de
les lire dans les séances publiques de l'Aca-
démie.
i
« Il y obtenait un succès dont personne
n'avait douté d'avance; je dis personne,
parce que je n'excepte pas l'auteur. »
— Ça, c'est gentil! '
a A la fin j' ai quitté la robe pour fépéq" »
Lorsque éclata la Révolution, Jean-Pons-
Guiliaume Viennet s'empressa de renoncer à:
l'Eglise, à laquelle le destinaient ses parents,
pour-entrer dans l'artillerie de marine. Pri-
sonnier des Anglais, il pasga quelque temps.',
sur les pontons de Plymouth. #
Ep£is„xles. idées républicaines, il .répondit'
par un double non lorsqu'à son retour en i
France il eut à voter sur le Consulat eti
l'Empire. Aussi n'était-il que capitaine en,
1813. Décoré à Bautzen, il fut fait prison-
nier une seconde fois, à Leipsick.
Sous la Restauration, nous le retrouvons
employé dans l'état-major, puis chef d'esca-
dron à l'ancienneté, mais surtout journaliste,:¡
pamphlétaire et poëte.
Libéral et classique, cemme presque tous,
les bons esprits de ce temps-là, il eut d'im-
menses succès d'un jour, dus à une épître
ou à une fable. Il a fait des i-nélo draines, en-.
tré autres Michel Brémond, et un grande
nombre de tragédies.
1830 fut l'heure de l'oubli en littérature ef!
de la justice en politique pour ce brave*,
homme. En 1831, l'Académie française 1% -
reçut, et il y entra comme dans un tombeau .i
En 1839, Louis-Philippe le nomma pair de'
France. Depuis 1848, M. Viennet vivait dans
la retraite, fidèle aux convictions de son pas-
sé. Honnête et intolérant, ce vieillard de
quatre-vingt-dix ans avait des colères et des
enthousiasmes du jeune homme. Je me'rap-
pellerai toujours le ton sur lequel il répondit,
à une maîtresse de maison, qui lui deman-
dait de lire une de ses tragédies :
— Laquelle voulez-vous? Vous voudriez i
bien Deutérie? Ah! Deutériel c'est ma ché-
rie...
L'œil brillait. La voix dénotait une éma."
tion profonde. On eût dit une mère parlant !
de son enfant. :
Tel était M. Viennet. Sa mémoire mérite
d'être entourée d'une sympathie universelle;
car si chez lui le talent avait des défaillan-
ces, le caractère n'en avait pas. -
j Je le redis en terminant.
La séance d'hier n'a pas été tout à fait
. mauvaise.
ROCAMBOLE
(NOUVEL ÉPISODE)
LA CORDE DU PENDU
5
V
On eût pu croire, à ce cri d'épouvante pous-
sé simultanément par Vanda, Marmouset et
Shoking, que tous trois se trouvaient. en pré-
sence des cadavres mutilés de Rocambole et de
MUon. "*
Il n'en était rien cependant.
Ce qui les avait glacés d'effroi, c'était un
énorme rocher qui fermait l'entrée de lêt ga-
lerie;
Or ce rocher ne pouvait être celui que, de
la salle circulaire, Marmouset et ses compa-
gnons avaient vu tomber derrière Rocambole
et Milon;
C'en était un autre.
Il fallait donc supposer que les éboulements
commencés derrière les fugitifs avaient conti-
nué devant eux et,.qu'ils avaient été écrasbst
Il y avait une manière certaine de s'en con-
vaincre du reste.
Marmouset, par l'inspection des broussailles,
croyait être certain que ni Rocambole ni Mi-
lon n'avaient eii le temps de sortir de la ga-
lerie.
Mais il y avait un autre moyen de contrôle
bien autrement éloquent.
A l'heure de l'a marée haute, les eaux de la
Tamise envahissaient le souterrain sur un par-
cours de plusieurs centaines de pas.
Ela se retirant, elle déposait une sorte de
limon qui aurait nécessairement gardé l'em-
preinte des pieds de Milon et de Rocambole.
Or Marmouset, promenant la lanterne sur le
sol, eut beau chercher, il ne trouva rien.
En outre, le rocher détaché de la voûte était
sec, preuve qu'il était tombé depuis que l'eau
s'était retirée. - ,
Vanda, Marmouset et Shoking se regar-
daient donc avec une épouvante indicible.
Le doute n'était plus possible.
Ou. R0cambole et Milon avaient été écrasés
pendant qu'ils fuyaient,
Ou bien ils se trou t'aient emprisonnés entre
deùx blocs de roche.
Cette dernière hypothèse était la suprême
espérance que Vanda pût avoir encore.
Et elle regardait Marmouset, se tordait les
mains de désespoir et murmurait :
— Que faire ? que faire ?
— Je ne sais, répondit Marmouset.
Alors il eut une inspiration. '
II remit la lanterne à Shoking, s'approcha
du bloc de roche, se coucha presque dessus et
y appuya son oreille.
Vanda le regardait faire sans comprendre.
Marmouset écoutait....
Il écoutait, sachant que certaines pierres
d'essence calcaire ont une sonorité prodi-
gieuse.
Cette expérience ressemblait quelque peu à
ceile du médecin penché sur un homme qui
ne donne plus signe de vie et cherchant à sur-
prendre un dernier battement de cœur.
Mais tout à coup le visage de ■ Mariseuset
s'éclaira. Il
— J'entends quelque chose, d;:-il.
— Quoi donc? frt Vaada d'une voix
étranglée.
Et elle se précipita vers lui.
— Un bruit sourd, lointain, qui ressemble
à la fois à l'écoulement goutte à goutte d'une
source et à la voix humaine.
Vanda appuya à son tour l'oreille contre le
rocher.
— Moi aussi, dit-elle, j'entends quelque
chose.
— Ah 1
— Et, ajouta-t-elle aivee un geste de joîçj COj
n'est pas le bruit d'une eau qui coule. *
— En êtes-vous s-,ûre?
— Oui, c'est une voix humaine. Attendez.....
attendez...
Et Vanda écoutait toujours.
— Oui, dit-elle encore , ce n'est pas uimT
voix, c'est deux.
Elles se rapprochent... Ah !..;
Et Vanda eut un cri'de joie.
— Qu'est-ce encore? fit Marmouset;
— C'est- bien leur voix à tous deux; Tune
claire et sonore, l'autre grave et basses
Et Vanda se mit à crier :
— Maître! maître!
— Silence! dit Marmouset. '
Et comme elle le regardait :
— Laissez-moi m'expliquer, dit-il, et ne criô2
pas inutilement.
— Inutilement?
Et Vanda, folle de joie, regardait Marmouset.
et semblait se demander si lui-même n'avait
pas perdu l'esprit.
— En effet, reprit celui-ci, vous avez raison;
— Ah! c'est bien des voix que nous avons
entendues.
— Oui.
— Et ces voix..!
— Ce sont les leurs. Comme vous, je les al.
reconnues.. '
. —Eh bien? pourquoi t-ne voulez-vous pal;
alors que je les appelle,,.
i
- Voir le numéro du 12 juin 1869;
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