Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-07-26
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 26 juillet 1872 26 juillet 1872
Description : 1872/07/26 (N2271). 1872/07/26 (N2271).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716071p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
de la haute montagne qui se trouve à quelque:
kilomètres au sud des ruines de Laverne, i
deux heures de marche de Collobrières, décou.
vrit au milieu d'un fourré très-épais une ouver-
ture que masquaient complètement des bruyère:
et des arbousiers enlacés de ronces. Il pénétré
à travers cette ouverture et fut tout étonné de
se trouver au milieu d'une grotte. Mais son
étonnement fut bien plus grand en voyant à
droite et à gauche des masses de caisses, et de
petits barils. Effrayé, cet ouvrier courut à Collo-
brières et raconta à son patron ce qu'il venait
de voir.
Ce matin à 4 heures, tous deux se dirigèrent
vers la grotte. Le patron fut saisi d'étonnement
à l'aspect de l'énorme quantité de caisses et de
barils rangés symétriquement sur des pièces de
bois ; il ouvrit un baril, il y trouva un cylindre
en fer-blanc peint au minium ; il coupa le fer-
blanc et vit le cylindre plein de paquets de car-
touches.
. Les caisses étaient, les unes de formes lon-
gues, les autres carrées. Toutes les longues ren-
fermaient des fusils chassepot; chaque fusil
était fortement frot'é de graisse et renfermé
dans un sac ou fourreau de cuir. Aucun sabre
nulle part. Les caisses carrées renfermaient cha-
cune huit sacs de soldat eiz toile huilée. Chaque
sac était au grand complet : souliers, vêtements
en drap marron, casquettes américaines, rien
r.'y manquait. Toutes les caisses étaient parfai-
tement conditionnées, goudronnées, tapissées
d'une forte toile goudronnée en dedans. Toutes
les précautions avaient été prises pour combat-
tre l'humidité, bien que la grotte, vu la nature
de la roche, fût presque sèche.
Cette grotte est de vaste dimension. Elle a
près de 200 mètres de longueur, environ 7 mè-
très; elle a la forme d'une grande galerie; elle
se termine-par un corridor étroit et tortueux.
Le patron et son ouvrier enfilent le corridor
uprès avoir armé leurs fusils, et, à une centaine
île mètres plus loin, rencontrent une large pierre
de schiste, qui laisse filtrer des rayons de lu-
mière sur les côtes; ils poussent cette pierre qui
paraît mobile, et elle tombe dans le ravin. Ces
hommes se trouvent alors à deux cents mètres
environ au-dessous de la première ouverture.
Ils examinent attentivement les abords de cette
nouvelle ouverture; pas de traees d'hommes;
mais, en suivant le ruisseau dans son lit dessé-
ché, ils finissent par distinguer en dessous, au
milieu des broussailles, un sentier; à en. juger
par les petites herbes qui y croissent, il n'est
plus fréquenté depuis quelque temps.
Rentrés dans !a grotte, ils comptent les caisses
qui renferment les sacs : il y en a plus de 300.
11 paraît y avoir de 20 à 30,000 fusils. Les barils
de cartouches sont cri quantité.
C'était un vaste dépôt d'armes, formé depuis
peu de temps. Quels pouvaient être les proprié-
taires de ces armes?
^On peut croire que l 'Internationale, qui se ra-
mifie en sections dans tout le Var, qui a enré-
gimenté nos ouvriers bouchonniers, nos bûche-
rons, # et, chose incroyable, beaucoup de nos
propriétaires, doit avoir établi dans cette grotte
son arsenal pour le département. Cette grotte
placée à sept ou huit kilomètres de la mer seu-
lement, est à portée d'avoir reçu par bateau les
armes et les objets d'équipement qu'elle ren-
ferme. Située au milieu des vastes forêts des
Maures, elle est accessible par des sentiers de
tous les points du département. Il est évident
que de petits groupes partant des bois d'Hyères
de Pierrefeu, de Sôlliès, de Cuers, de Puget de
Carnoules, de Pignans, de Gonfaron, du Luc, du
Muy, de La Garde-Freinet, qui forment le pour-
tour des Maures, peuvent arriver à la même
heure à la grotte, au nombre de plusieurs di-
zaines de mille, s'armer, marcher en force et
s 'emparer, peut-être, de Toulovs, par une marche
de nuit habilement conduite.
Revenus à Collobrières, le patron et l'ouvrier
firent leur rapport au maire, qui fit appeler le
brigadier de gendarmerie. Il fut décidé que
deux gendarmes iraient surveiller la grotte et
que le brigadier partirait pour avertir les auto-
rités à Toulon.
-
1 Nous connaîtrons bientôt le résultat de l'en-
quête à laquelle le parquet de Toulon va se
livrer. '-
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES D'ORAN
Audience du 6 juillet
Cinq bandits espagnols. — Vol et
assassinat dans un caravansérail.
Dans le courant de l'année 1871, il s'était formé à
Sidi-bel-Abbès une asociation de malfaitenrs venus
d'Espagne, dont la présence a coïncidé, dans l'arron-
dissement d'Oran, avec de nombreux vols qualifiés.
Le 30 décembre, an nombre de cinq, ils partent de
Sidi-bel-Abbès, divisés en deux bandes, armés jus-
qu'aux dents et commandés par un chef énergique.
Dans la soirée du 4 janvier, ils entrent dans un ca-
ravansérail situé sur la route de Saïda à Mascara, se
font servir à dîner, et, après avoir mis J'auberge au
pillage, assassinent J'hùtesse. Ce double crime, ac-
compli avec d'horribles circonstances, a causé dans
la province d'Oran une vive émotion.
Les deux accusés qui comparaissent devant la cour
d'assises faisaient partie de cette bande. Eux seuls
ont pu être arrêtés; leurs complices ont regagné
l'Espagne.
Ils déclarent se nommer Juan Garcia et Maxime
Ximénès. Ils portent un costume original, moitié
français et moitié espagnol. Juan Garcia, âgé de
vingt-cinq ans, rasé complètement et la ligure rose,
ressemble à un brigand d'opéra-comique. Il reste,
impassible. Maximo Ximénès paraît âgé de trente-
cinq ans. La figure ravagée par la petite vérole, le
regard en dessous et le iront déprimé, il est d'une
laideur repoussante. Il parle avec une extrême vo-
lubilité.
La table, où sont déposées les pièces à conviction,
couverte d'armes de toute espèce, ressemble à un
véritable arsenal.
M. Truant, conseiller à la cour d'appel d'Alger,
préside la cour.
IVI. Delacroix, substitut du procureur de la Répu-
blique, occupe le siège du ministère public.
MMes Mathieu Saint-Laurent et Mombrun, avocats,
sont assis au banc de la défense.
Les époux Couard habitaient à 23 kilomètres de
Saïda, sur la route de Mascara, une maison isolée, ils
tenaient une cantine où venaient de loin en loin 'les
gens du roulage et les ouvriers employés dans les
chantiers établis aux en"irons de Saïda, pour l'ex- !
ploitation de l'alfa. ;
Avec eux vivait le père de la dame Couard, le i
nommé Francisco Navarro, vieillard âgé de soixante
ans.
Les bandits espagnols tuèrent cette malheureuse
femme.
Des recherches furent aussitôt prescrites dans la
localité de Saida et elles amenaient quatre jours
après le crime l'arrestation de Ximénès. Après de
vaines tentatives de dénégations, Maximo Ximénès !
reconnaissait avoir fait partie des assassins de la
femme Couard, et désignait comme, ses complices
quatre Espagnols de Sidi-Bel-Abès, les nommés
Francisco Fernandez dit Valentino-J-uau Granero, Al-
manchez, un troisième qui n'a pu être connu que
sous le nom de José et José Garcia Barnabé. Ce der-
nier était arrêté deux jours après, caché sous un lit
chez la femme Thérèse Ximénès, sa concubine. Une
perquisition faite amenait la découverte dans son do-.
micile de deux pistolets chargés et d'un poignard.
L'un de ces pistolets était la propriété de José Gar-
cia; l'autre, ainsi que le poignard, appartenait à Maxi-
mo Ximénès.
Francisco Fernandez et les deux autres accusés qui,
pendant trois jours, avaient été vus à Sidi-bel-Abbès'
parvenaient il prendre la fuite, et depuis ils ont pu se
soustraire à toutes les recherches. Ces trois accusés
ont pu gagner l'Espagne, où ils ont été vus depuis le
crime par deux témoins.
Confronté avec Francisco Navairo et l'Arabe Djel-
loul ben Yaya, José Garcia reconnu faisait des aveux
complets, ne s'attribuant toutefois qu'un rôle secon-
daire que devaient démentir les résultats de l'infor-
mation, tout en reconnaissant avoir donné la mort à
la femme Couard.
De son aveu, il résultait que le crime avait été
concerté lors de l'arrivée à la maison Couard. Fran-
cisco Fernandez qui, d'après l'accusé, en serait l'insti-
gateur, aurait tracé à chacun son rôle. « Lorsque tu
me verras tirer mon pistolet de ma ceinture, avait
lit Fernandez à Garcia, prends mon fusil, tu sortiras i
pour faire le guet et tu tireras sur quiconque sor- i
,ira. » ~ i 1
C'est après avoir commandé le dîner que ce com- <
)lot aurait été organisé. Garcia ajoutait qu'avant de 1
concevoir le projet de voler les ép011X Couard et
d'attenter à leurs jours si les circonstances l'exi-
geaient, lui et ses compagnons, obéissant aux inspi-
rations de Francisco Fernandez, avaient projeté un
attentat de cette nature sur. la maison de to.'érance
de Saïda et qu'ils avaient dû renoncer à leur des-
sein par suite de la suspicion dont ils avaient tout
d'abord été l'objet de la part de la maîtresse de cet
établissement.
Ces aveux, qui n'ont aucun caractère de sponta-
néité et qui étaient des aveux forcés, en présence du
rôle assigné à chacun des assassins par la déclara-
tion de Francisco Navarro et de Djelloul ben Yay'à,
ont été complétés par l'information minutieuse à la-
quelle il a été procédé.
M. le président procède à l'interrogatoire des ac-
cusés. Juan Garcia dit qu'il était en état d'ivresse et
n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé. Maximo
Ximénès prétend qu'il ignorait le concert criminel
formé par ses compagnons de voyage ; que, dominé
par la crainte que lui inspirait Fernandez, il ne s'est
pas opposé à son exécution, mais qu'il n'a joué qu'un
rôle purement passif.
Quatorze témoins viennent confirmer les charges
de l 'accusttion. La déposition des deux témoins ocu-
laires, Francisco Navarro et Djelloul ben Yaya, pro-
duit .sur l'auditoire une vive impression. Les autres
témoignages ont moins d'importance.
Par la déposition de Francisco Navarro, qui aéchappé
comme par^miracle à la mort, nous aVDOf; le récit
de ce qui s'est passé dans la cantine des époux
Couard, le 4 janvier dernier.
DÉPOSITION DE FRANCISCO NAVARRO
Le 4 janvier au coucher d ti soleil cinq Espagnols,
que je voyais pour la première fois, entrèrent dans
I mon auberge et demandèrent à dîner, ils venaient
| à pied de Saïda. Comme le dîner n'était pas encore
I prêt, ces individus sortirent aux environs de l'éta-
blissement, se promenèrent environ une demi-heure,
! au bout de laquelle ils revinrent, et s'assirent autour
de la table, et l'un d'eux prit la parole, et dit à ma
fille qu'il fallait attendre son mari pour souper, ajou-
tant qu'il l'avait rencontré sur un pont à une certaine
distance de l'établissement, si toutefois il ne tardait
pas à rentrer. Ma fille lui répondit qu'il ne se ferait
sans doute pas attend) e longtemps, mais que néan-
moins on pouvait souper sans lui. Le dîner fut servi
et nous nous assîmes tous autour de la table.
Pendant le dîner, l'individu qui, quelque temps
après, a demandé à ma fille sa bourse 'ou SD. vie,
nous questionna pour savoir si nous avions eu cette
année une bonne ou mauvaise récolte.
Après le repas, qui avait duré environ trois quarts
d'heure, le même individu demanda à ses camara-
des s'ils voulaient prendre le café; ces derniers ré-
pondirent qu'ils feraient selon son bon plaisir. Le
café ne fut pas demandé. Alors le même individu se
leva de table, passa dans la cuisine, puis dans la
chambre; il manifesta à ma fille, qui I*aceompi,,,-Iiai,,,
son étonnement de voir les constructions qui avaient
été faites. Ils repassèrent dans la salle à manger des
voyageurs. Le même individu lui demanda la note
du souper; ma fille répondit qu'ils devaient 6 francs.
En ce moment, je me trouvais dans la cuisine, oc-
cupé à faire la soupe destinée à nos quatre chiens;
j'entendis une voix qui disait : « Il nous faut tout
l'argent qui se trouve dans la maison. » Puis celle
de ma fille qui disait : « Venez, je vais vous livrer
tout ce que je possède; 'mais de grâce laissez-moi la
vie! » Au même instant elle passa dans la cuisine,
suivie du même individu et d'un de ses camarades,
assez jeune et portant une petite moustache; ce
dernier m'appréhenda à la poitrine et levant sur
moi une épée nous appartenant, et qu'il avait' dû
prendre dans la chambre où elle était pendue au
mur, me dit : « Donnez-nous tout l'argent que vous
possédez ou vous êtes mort. — Tout appartient à
ma fille et à mon gendre, lui répondis-je; je ne puis
disposer de rien. » L'autre faisait aussi des menaces
et nous ordonnait de garder le silence le plus absolu,
sous peine de mort. Ma fille les invita à passer dans
la chambre, leur promettant de mettre à leur dispo-
sition tout ce qu'elle pouvait avoir en argent. Nous
passâmes tous quatre dans la chambre; ma fille,
toujours suivie de près par le même, ouvrit l'ar-
moire, prit l'argent qui s'y trouvait, et le présentant
à l'étranger, lui dit : « Voilà tout ce que je possède. »
Le malfaiteur compta l'argent, et prenaut un ton
menaçant et furieux : « Vous avez encore d'autre
argent, livrez-le ou nous vous tuons. » L'autre indi-
vidu me tenait encore à la poitrine, l'épée levée sur
moi; ma fille les: supplia de lui laisser la vie, et leur
remit la clef de l'armoire en disant : « Prenez tout
ce que vous voudrez. » L'armoire fut ouverte, les
recherches furent faites,ret, comme le malfaiteur n'a-
vait pu trouver d'autre argent, il se plaignit amère-
ment et fit de nouvelles menaces. Vainement ma fille
lui répéta qu'elle ne possédait pas autre chose. L'in-
dividu lui donna un soufflet; elle se précipita par la
fenêtre devant la maison. Le malfaiteur franchit la
même fenêtre à sa poursuite, et aussitôt j'entendis la
iétonation d'une arme à feu. J'ignore si le COUD de
:eu a été porté par celui qui a franchi !a fenêtre" et.
qui, pendant, la scène que je viens de raconter, avait
toujours tenu un pistolet au poing et sur la gorge de
ma fil.le; mais, à coup sûr, le coup est parti au de-
hors, ma fille n'était pas encore descendue dans la
rue lorsqu elle a reçu le coup mortel, car celui qui
avait pris l'argent, l'avait suivie rapidement et l'avait
retenue par ses jupons sur la fenêtre, puis il a traversé
la chambre et est revenu dans la salle à manee-
et, alors, celui qui me gardait l'épée sur la poituse
le suivit précipitamment.
Revenu de ma frayeur, environ deux secondes
après, je suis passél dans> la salle à manger ; tout le
monde avait disparu. Je suis sorti devant la porte -
je me suis approché de. la fenêtre, envoyant ma fille :
couchée de tout son long, je lui ai demandé ce
qu elle avait, ou plutôt où était le siége du mal qu'elle
ressentait; elle m'a répondu qu'elle était blessée au.
bas-ventre, près de la cuisse, et a prononcé trois fois
en espagnol : Adios,padi'e! J'ai regardé à droite et
a gauche, il me semblait toujours voir nos assas-
sins ; j étais hors de moi-même et comme fou. Je ma
suis avancé à l extrémité de la maison, et j'ai vu
descendre par un chemin qui y aboutit un indigène
que j ai reconnu aussitôt pour être Djelloul. le même
qui était présent pendant le dîner. Il m'a dit que les
trois malfaiteurs qui étaieut restés dans la salle à
manger lui avaient lié les mains avec la corde en
poil de chameau servant à entourer la chiohia; qu'a-
près la fuite de ces derniers, il était allé à son gour-
bis pour se faire délier, et qu'à l'instant même il re-
venait de chez lui. Je lui annonçai le malheur qui
venait de me frapper, et, après lui avoir montré ma
fille Antonia, toujours étendue à la même place, je isr
priai d'aller prévenir le caïd. Seul, je pris Antonia.
dans mes bras et la portai dans ma chambre. A onze
heures du soir environ, son mari, Couard, arriva et
la transporta dans sa chambre. Elle rendit le der-
nier soupir environ trois quarts d'heure après le
crime.
DÉPOSITION DE DJELLOUD-BEN-YAYA
< Ce témoin est âgé de trente-cinq ans. Sa déposi-
tion est en tout semblable à celle de Francisco Ha.<
varro. Il y ajoute ceci :
Ceux qui m'avaient lié les mains ne m'ont pas
quitté un instant ; ils m'ont tenu par les flancs et
par les épaules, me présentant un pistolet à la gorge
et me menaçant de me tuer si je faisais la moindra
résistapce. J ignore ce qui s'est passé dans la cham-
bre à coucher de Mme Couard, entre elle et ceux
qui l'avaient entraînée. Néanmoins, j'ai entendu
cette femme pousser des cris d'alarme et son vieux
père sangloter. Assez longtemps après j'ai entendu
une détonation d'arme à feu. Aussitôt, les assassins
qui étaient dans la chambre de Couard sont revenus
précipitamment dans la salle à manger, ont ouvert
la porte de la maison et se sont enfuis. Les deux
qui me serraient fortement m'ont alors lâché, eTh
m imprimant une poussée qui m'a fait toucher tout
à Tait par terre, et se sont enfuis comme les autres.
J'ai eu de la peine à me relever, ne pouvant me
servir de mes bras; enfin, faisant un effort, i'a.i pu
franchir le seuil de la porte, et, à peine dehors, j'ail
vu quelque chose par terre, au pied de la fenêtre : !
c'était la femme Couard qui était couchée sur l'ab.¡
domen et qui faisait entendre des cris plaintifs. Son'
père était déjà devant elle. J'ai dit à ce dernier de 1
me délier.
Il ne m'a pas sans doute compris ; il s'est contenté de
n e dire, d'une façon à peine compréhensible, que An-
tonia allait mourir, qu'il me fallait de suite prévenir
les Arabes des environs. J'ai vu du sang à l'endroit-;
où la victime était couchée. Je me suis rendu, aussi1
vite que possible, dans ma tente ; j'ai prié mes frères'
de me délier, et je leur ai fait en quelques mots i6/
récit du crime.'
Pendant sa déposition, Djelloul tient les yeux fixés'
sur les deux accusés. Tout à coup il s'approche de:
Maximo Ximenès et lui frappant sur la tête il s'écria
avec énergie : (c Tu es un de ceux qui m'ont lié. C'est!
toi qui m'a mis le genou sur la poitrine et m'as cm..:
péché d'aller au secours de mon maître 1 » i
M. le président fait un résumé très-complet, ra-;
marquable de lucidité et d'impartia'ité.
Après une heure de délibération, le jury rapporta
un verdict afiirmatif sur tontes les questions et muet
sur les circonstances atténuantes.
La cour, en conséquence, prononce un arrét quI'
condamne les deux accusés à la peine de mort. L'in-
terprète, au milieu .d'un. silence profond, ieur tra-
duit l'arrêt de la cour. Ils se regardent sans manifas.
ter la moindre émotion.
CHRONIQUE JUDICIAIRE
LE COMITÉ DE LA. RUE GROLÉE A LYON.—Les dé,
bats de cette affaire, qui devaient commencel
ces jours derniers, ont été ajournés à quin-
zaine. -
N° 98. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XXXIII (suite)
Tel maître, tel valet.
La vue troublée par trop de ohampagne, la
viveuse avait commis une imprudence plus com-
plète qu elle ne le supposait : presque toute une
page de 1 cent avait échappé à la destruction du
feu. Le Moscovite y marquait que, en se posant
comme une dupe de sa secrète alliée, il venait
de capter assez la sympathie du « patron d'Ali-
Cogia » pour en recevoir une invitation de bal •
il comptait s'en servir comme point de départ'
pour séduire, boa grimai gré, «. la soeur puta-
tive et naïve de Janotesco. »
Décidément Mariette en savait assez pour
anéantir la sape des deux tortueux mineurs,
surtout si elle avait gardé (et là-dessus le doute
était oiseux, s adressant à uue telle finaude) la
V°nvictior) - qui, pouvait démontrer à
Georges dans quel.piege on l'attirait.
Aussi toute -I& diplomatie de la cocotte tendit-
elle à reconquérir le scabreux autographe. Pour
atteindre ce but, elle afncha l'assurance la plus
absolue en la discrétion et la fidélité de sa con.
Voir le numéro d'hier. J
i fidente. Elle alla même jusqu'à lui lire entière -
mentl'épître nouvelle de PétrQs, cause première
! de l'escarmouche.
j Enfin, moyennant un papier Garat de 500 fr.,
donnant donnant, elle - rentra en possession du
j feuillet compromettant, caché par son escamo-
teuse dans un sachet, au plus profond de son
corsage.
— Maintenant, ^ dit solennellement Mme de
Montcarmé, qui déchirait le papier roussi en im-
perceptibles morceaux, jure qu'aucun avis de
toi n'instruira de nos combinaisons à son encon-
. ire l'abominable Virginien ?
— Parbleu, riposta Mariette., mon intérêt n'y
est-il pas engagé ? Ma parole- sacrée, je serai
muette comme la tombe vis-à-vis de votre
ennemi... 1.
Embrasse-rnoi, mon enfant, reprit la flo-
rissante ^ matrone.
Un double baiser, plus retentissant que celui
da Judas lui-même, scella la réconciliation offi-
cielle des deux créatures.
La.èourtisanè, complètement édifiée, en quit-
tant sa chambre pour déjeuner, une demi-heure
après, disait doucereusement à sa complice de
.ramasser le sous-seing privé de sa rente, que
celle-ci laissait traîner, par un oubli voulu, sur
un guéridon de laque.
,~T S,'mge que cela vaudra bientôt quarante
mille francs, ajouta-t-jelle, en entrant dans.le
passage qui aboutissait à la salle à manger.
Mais, aussitôt la porte refermée sur ses talons,
elle eut un sourire ironique.
1 ; — Compte là-dessus ! acheva la drôlesse.
Do son côté, la défiante suivante se livrait à
un commentaire mental digne de- sa maîtresse,
dora aile relisait la donation.
— Elle a signé;« de Montcarméj » se disait-
elle. C'est son nom de guerre, et ça ne signi-
fiera rien devant la loi. Evidemment, elle veut
me refaire !
La vindicative donzelle montra alors le poing
au portrait d'Irma, peinte à la Rubens en am-
phitrite, et suspendu non loin de son alcôve.
-Ah! gredine! grommela-t-elle, tu m'as souf-
fletée trop fort pour que j'en boive de longtemps j
la honte. Ne suppose don-j pas m'avoir regagnée 1
avec tes .colifichets, ta chiche aumône et en me
promettant plus de beurre que de pain! Nenni-
dà, méchante mpiate! Je t'ai promis de ne rien
révéler à M. Willcomb..., mais non pas à Ma-
dame !... Cependant, si c'était involontaire-
ment, par habitude, qu'elle aurait mis là-dessus
sa signature de fantaisie ? Je le saurai tantôt,
sûrement, et, son intention certifiée bonne, je
me. tientrai tranquille, alors !
Là-dessus, Mlle Mariette rangea três-conve-
nablement la chambre à coucher, car c'était une
fille d'ordre, — tout en se conseillant-de ne point
trop éclairer la « pimbêche » intéressée, si la
lorette l'avait réellement flouée.
— Qu'elle triomphe à la fin, conclut la sou-
brette, et je pourrai peut-être la forcer à s'exé-
cuter financièrement à mon égard, quoi qu'elle
en ait. Donc, me trompât-elle aujourd'hui, je
lui fourrerai seulement un bâton dans les roues,
pour qu'elle enrage au moins autant que moi
squs ses giftles malséantes, et pour me ménager,
au besoin, une récompense honnête dans l'autre
camp. Mais, même en me vengeant, je ne me
compromettrai pas : les billets anonymes ne sont
point inventés pour les chiens.
Dans l'après-midi, Mme de Montcarmé sortit
en voiture et seule, selon la tradition de sa
caste, afin d'accomplir son journalier tour du lac.
Elle était à peine hors de la rue Vinlimille,
j que sa suivante s'esquivait de l'hôtel, presque
j vêtue en grisette, montait dans le premier fiacre
vide qu'elle rencontrait et ordonnait au cocher,
| surpris, de la conduire à rIte des Singes.
f < Arrivée dans cette localité hétéroclite, Ma-
riette se faisait descendre devant une maison-
nette assez propre d'aspect, à une fenêtre de la-
quelle était collée, en dedans, cette fantastique
pancarte :
AL: LAXI CLEF DE LA D'ES,T INNÉ
Madame Lalune
Chiffon hier et quartaut m'en sienne.
JULES CAUVAIN.
(La suite à demain.)
LE DOSSIER DES IVROGNES
Dans un des chantiers du collège Rollin, boulevard
Rochechouart, les sieurs P..., ouvrier zingueur, et
V..., garçon maçon, travaillant ensemble au deuxièm®
étage, entamèrent une discussion qui, en raison d&
leur état d'ivresse, ne tarda pas à dégénérer en rixe.
Tout à coup, dans un mouvement de colère, V...
poussa violemment son camarade et le précipita.suc
le parquet du premier étage par une ouverture prati.
quée dans celui du second.
Dans sa chute, le malheureux P... a été griève.
ment blessé et a dû être transporté à l'hôpital Lari"
boisière, où son état paraît fort grave.
Quant au nommé V..., qui témoigne d'ailleurs If
plus vif repentir de sa brutalité, il a été arrêté et mf
à la disposition du commissaire de police.
kilomètres au sud des ruines de Laverne, i
deux heures de marche de Collobrières, décou.
vrit au milieu d'un fourré très-épais une ouver-
ture que masquaient complètement des bruyère:
et des arbousiers enlacés de ronces. Il pénétré
à travers cette ouverture et fut tout étonné de
se trouver au milieu d'une grotte. Mais son
étonnement fut bien plus grand en voyant à
droite et à gauche des masses de caisses, et de
petits barils. Effrayé, cet ouvrier courut à Collo-
brières et raconta à son patron ce qu'il venait
de voir.
Ce matin à 4 heures, tous deux se dirigèrent
vers la grotte. Le patron fut saisi d'étonnement
à l'aspect de l'énorme quantité de caisses et de
barils rangés symétriquement sur des pièces de
bois ; il ouvrit un baril, il y trouva un cylindre
en fer-blanc peint au minium ; il coupa le fer-
blanc et vit le cylindre plein de paquets de car-
touches.
. Les caisses étaient, les unes de formes lon-
gues, les autres carrées. Toutes les longues ren-
fermaient des fusils chassepot; chaque fusil
était fortement frot'é de graisse et renfermé
dans un sac ou fourreau de cuir. Aucun sabre
nulle part. Les caisses carrées renfermaient cha-
cune huit sacs de soldat eiz toile huilée. Chaque
sac était au grand complet : souliers, vêtements
en drap marron, casquettes américaines, rien
r.'y manquait. Toutes les caisses étaient parfai-
tement conditionnées, goudronnées, tapissées
d'une forte toile goudronnée en dedans. Toutes
les précautions avaient été prises pour combat-
tre l'humidité, bien que la grotte, vu la nature
de la roche, fût presque sèche.
Cette grotte est de vaste dimension. Elle a
près de 200 mètres de longueur, environ 7 mè-
très; elle a la forme d'une grande galerie; elle
se termine-par un corridor étroit et tortueux.
Le patron et son ouvrier enfilent le corridor
uprès avoir armé leurs fusils, et, à une centaine
île mètres plus loin, rencontrent une large pierre
de schiste, qui laisse filtrer des rayons de lu-
mière sur les côtes; ils poussent cette pierre qui
paraît mobile, et elle tombe dans le ravin. Ces
hommes se trouvent alors à deux cents mètres
environ au-dessous de la première ouverture.
Ils examinent attentivement les abords de cette
nouvelle ouverture; pas de traees d'hommes;
mais, en suivant le ruisseau dans son lit dessé-
ché, ils finissent par distinguer en dessous, au
milieu des broussailles, un sentier; à en. juger
par les petites herbes qui y croissent, il n'est
plus fréquenté depuis quelque temps.
Rentrés dans !a grotte, ils comptent les caisses
qui renferment les sacs : il y en a plus de 300.
11 paraît y avoir de 20 à 30,000 fusils. Les barils
de cartouches sont cri quantité.
C'était un vaste dépôt d'armes, formé depuis
peu de temps. Quels pouvaient être les proprié-
taires de ces armes?
^On peut croire que l 'Internationale, qui se ra-
mifie en sections dans tout le Var, qui a enré-
gimenté nos ouvriers bouchonniers, nos bûche-
rons, # et, chose incroyable, beaucoup de nos
propriétaires, doit avoir établi dans cette grotte
son arsenal pour le département. Cette grotte
placée à sept ou huit kilomètres de la mer seu-
lement, est à portée d'avoir reçu par bateau les
armes et les objets d'équipement qu'elle ren-
ferme. Située au milieu des vastes forêts des
Maures, elle est accessible par des sentiers de
tous les points du département. Il est évident
que de petits groupes partant des bois d'Hyères
de Pierrefeu, de Sôlliès, de Cuers, de Puget de
Carnoules, de Pignans, de Gonfaron, du Luc, du
Muy, de La Garde-Freinet, qui forment le pour-
tour des Maures, peuvent arriver à la même
heure à la grotte, au nombre de plusieurs di-
zaines de mille, s'armer, marcher en force et
s 'emparer, peut-être, de Toulovs, par une marche
de nuit habilement conduite.
Revenus à Collobrières, le patron et l'ouvrier
firent leur rapport au maire, qui fit appeler le
brigadier de gendarmerie. Il fut décidé que
deux gendarmes iraient surveiller la grotte et
que le brigadier partirait pour avertir les auto-
rités à Toulon.
-
1 Nous connaîtrons bientôt le résultat de l'en-
quête à laquelle le parquet de Toulon va se
livrer. '-
TRIBUNAUX
COUR D'ASSISES D'ORAN
Audience du 6 juillet
Cinq bandits espagnols. — Vol et
assassinat dans un caravansérail.
Dans le courant de l'année 1871, il s'était formé à
Sidi-bel-Abbès une asociation de malfaitenrs venus
d'Espagne, dont la présence a coïncidé, dans l'arron-
dissement d'Oran, avec de nombreux vols qualifiés.
Le 30 décembre, an nombre de cinq, ils partent de
Sidi-bel-Abbès, divisés en deux bandes, armés jus-
qu'aux dents et commandés par un chef énergique.
Dans la soirée du 4 janvier, ils entrent dans un ca-
ravansérail situé sur la route de Saïda à Mascara, se
font servir à dîner, et, après avoir mis J'auberge au
pillage, assassinent J'hùtesse. Ce double crime, ac-
compli avec d'horribles circonstances, a causé dans
la province d'Oran une vive émotion.
Les deux accusés qui comparaissent devant la cour
d'assises faisaient partie de cette bande. Eux seuls
ont pu être arrêtés; leurs complices ont regagné
l'Espagne.
Ils déclarent se nommer Juan Garcia et Maxime
Ximénès. Ils portent un costume original, moitié
français et moitié espagnol. Juan Garcia, âgé de
vingt-cinq ans, rasé complètement et la ligure rose,
ressemble à un brigand d'opéra-comique. Il reste,
impassible. Maximo Ximénès paraît âgé de trente-
cinq ans. La figure ravagée par la petite vérole, le
regard en dessous et le iront déprimé, il est d'une
laideur repoussante. Il parle avec une extrême vo-
lubilité.
La table, où sont déposées les pièces à conviction,
couverte d'armes de toute espèce, ressemble à un
véritable arsenal.
M. Truant, conseiller à la cour d'appel d'Alger,
préside la cour.
IVI. Delacroix, substitut du procureur de la Répu-
blique, occupe le siège du ministère public.
MMes Mathieu Saint-Laurent et Mombrun, avocats,
sont assis au banc de la défense.
Les époux Couard habitaient à 23 kilomètres de
Saïda, sur la route de Mascara, une maison isolée, ils
tenaient une cantine où venaient de loin en loin 'les
gens du roulage et les ouvriers employés dans les
chantiers établis aux en"irons de Saïda, pour l'ex- !
ploitation de l'alfa. ;
Avec eux vivait le père de la dame Couard, le i
nommé Francisco Navarro, vieillard âgé de soixante
ans.
Les bandits espagnols tuèrent cette malheureuse
femme.
Des recherches furent aussitôt prescrites dans la
localité de Saida et elles amenaient quatre jours
après le crime l'arrestation de Ximénès. Après de
vaines tentatives de dénégations, Maximo Ximénès !
reconnaissait avoir fait partie des assassins de la
femme Couard, et désignait comme, ses complices
quatre Espagnols de Sidi-Bel-Abès, les nommés
Francisco Fernandez dit Valentino-J-uau Granero, Al-
manchez, un troisième qui n'a pu être connu que
sous le nom de José et José Garcia Barnabé. Ce der-
nier était arrêté deux jours après, caché sous un lit
chez la femme Thérèse Ximénès, sa concubine. Une
perquisition faite amenait la découverte dans son do-.
micile de deux pistolets chargés et d'un poignard.
L'un de ces pistolets était la propriété de José Gar-
cia; l'autre, ainsi que le poignard, appartenait à Maxi-
mo Ximénès.
Francisco Fernandez et les deux autres accusés qui,
pendant trois jours, avaient été vus à Sidi-bel-Abbès'
parvenaient il prendre la fuite, et depuis ils ont pu se
soustraire à toutes les recherches. Ces trois accusés
ont pu gagner l'Espagne, où ils ont été vus depuis le
crime par deux témoins.
Confronté avec Francisco Navairo et l'Arabe Djel-
loul ben Yaya, José Garcia reconnu faisait des aveux
complets, ne s'attribuant toutefois qu'un rôle secon-
daire que devaient démentir les résultats de l'infor-
mation, tout en reconnaissant avoir donné la mort à
la femme Couard.
De son aveu, il résultait que le crime avait été
concerté lors de l'arrivée à la maison Couard. Fran-
cisco Fernandez qui, d'après l'accusé, en serait l'insti-
gateur, aurait tracé à chacun son rôle. « Lorsque tu
me verras tirer mon pistolet de ma ceinture, avait
lit Fernandez à Garcia, prends mon fusil, tu sortiras i
pour faire le guet et tu tireras sur quiconque sor- i
,ira. » ~ i 1
C'est après avoir commandé le dîner que ce com- <
)lot aurait été organisé. Garcia ajoutait qu'avant de 1
concevoir le projet de voler les ép011X Couard et
d'attenter à leurs jours si les circonstances l'exi-
geaient, lui et ses compagnons, obéissant aux inspi-
rations de Francisco Fernandez, avaient projeté un
attentat de cette nature sur. la maison de to.'érance
de Saïda et qu'ils avaient dû renoncer à leur des-
sein par suite de la suspicion dont ils avaient tout
d'abord été l'objet de la part de la maîtresse de cet
établissement.
Ces aveux, qui n'ont aucun caractère de sponta-
néité et qui étaient des aveux forcés, en présence du
rôle assigné à chacun des assassins par la déclara-
tion de Francisco Navarro et de Djelloul ben Yay'à,
ont été complétés par l'information minutieuse à la-
quelle il a été procédé.
M. le président procède à l'interrogatoire des ac-
cusés. Juan Garcia dit qu'il était en état d'ivresse et
n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé. Maximo
Ximénès prétend qu'il ignorait le concert criminel
formé par ses compagnons de voyage ; que, dominé
par la crainte que lui inspirait Fernandez, il ne s'est
pas opposé à son exécution, mais qu'il n'a joué qu'un
rôle purement passif.
Quatorze témoins viennent confirmer les charges
de l 'accusttion. La déposition des deux témoins ocu-
laires, Francisco Navarro et Djelloul ben Yaya, pro-
duit .sur l'auditoire une vive impression. Les autres
témoignages ont moins d'importance.
Par la déposition de Francisco Navarro, qui aéchappé
comme par^miracle à la mort, nous aVDOf; le récit
de ce qui s'est passé dans la cantine des époux
Couard, le 4 janvier dernier.
DÉPOSITION DE FRANCISCO NAVARRO
Le 4 janvier au coucher d ti soleil cinq Espagnols,
que je voyais pour la première fois, entrèrent dans
I mon auberge et demandèrent à dîner, ils venaient
| à pied de Saïda. Comme le dîner n'était pas encore
I prêt, ces individus sortirent aux environs de l'éta-
blissement, se promenèrent environ une demi-heure,
! au bout de laquelle ils revinrent, et s'assirent autour
de la table, et l'un d'eux prit la parole, et dit à ma
fille qu'il fallait attendre son mari pour souper, ajou-
tant qu'il l'avait rencontré sur un pont à une certaine
distance de l'établissement, si toutefois il ne tardait
pas à rentrer. Ma fille lui répondit qu'il ne se ferait
sans doute pas attend) e longtemps, mais que néan-
moins on pouvait souper sans lui. Le dîner fut servi
et nous nous assîmes tous autour de la table.
Pendant le dîner, l'individu qui, quelque temps
après, a demandé à ma fille sa bourse 'ou SD. vie,
nous questionna pour savoir si nous avions eu cette
année une bonne ou mauvaise récolte.
Après le repas, qui avait duré environ trois quarts
d'heure, le même individu demanda à ses camara-
des s'ils voulaient prendre le café; ces derniers ré-
pondirent qu'ils feraient selon son bon plaisir. Le
café ne fut pas demandé. Alors le même individu se
leva de table, passa dans la cuisine, puis dans la
chambre; il manifesta à ma fille, qui I*aceompi,,,-Iiai,,,
son étonnement de voir les constructions qui avaient
été faites. Ils repassèrent dans la salle à manger des
voyageurs. Le même individu lui demanda la note
du souper; ma fille répondit qu'ils devaient 6 francs.
En ce moment, je me trouvais dans la cuisine, oc-
cupé à faire la soupe destinée à nos quatre chiens;
j'entendis une voix qui disait : « Il nous faut tout
l'argent qui se trouve dans la maison. » Puis celle
de ma fille qui disait : « Venez, je vais vous livrer
tout ce que je possède; 'mais de grâce laissez-moi la
vie! » Au même instant elle passa dans la cuisine,
suivie du même individu et d'un de ses camarades,
assez jeune et portant une petite moustache; ce
dernier m'appréhenda à la poitrine et levant sur
moi une épée nous appartenant, et qu'il avait' dû
prendre dans la chambre où elle était pendue au
mur, me dit : « Donnez-nous tout l'argent que vous
possédez ou vous êtes mort. — Tout appartient à
ma fille et à mon gendre, lui répondis-je; je ne puis
disposer de rien. » L'autre faisait aussi des menaces
et nous ordonnait de garder le silence le plus absolu,
sous peine de mort. Ma fille les invita à passer dans
la chambre, leur promettant de mettre à leur dispo-
sition tout ce qu'elle pouvait avoir en argent. Nous
passâmes tous quatre dans la chambre; ma fille,
toujours suivie de près par le même, ouvrit l'ar-
moire, prit l'argent qui s'y trouvait, et le présentant
à l'étranger, lui dit : « Voilà tout ce que je possède. »
Le malfaiteur compta l'argent, et prenaut un ton
menaçant et furieux : « Vous avez encore d'autre
argent, livrez-le ou nous vous tuons. » L'autre indi-
vidu me tenait encore à la poitrine, l'épée levée sur
moi; ma fille les: supplia de lui laisser la vie, et leur
remit la clef de l'armoire en disant : « Prenez tout
ce que vous voudrez. » L'armoire fut ouverte, les
recherches furent faites,ret, comme le malfaiteur n'a-
vait pu trouver d'autre argent, il se plaignit amère-
ment et fit de nouvelles menaces. Vainement ma fille
lui répéta qu'elle ne possédait pas autre chose. L'in-
dividu lui donna un soufflet; elle se précipita par la
fenêtre devant la maison. Le malfaiteur franchit la
même fenêtre à sa poursuite, et aussitôt j'entendis la
iétonation d'une arme à feu. J'ignore si le COUD de
:eu a été porté par celui qui a franchi !a fenêtre" et.
qui, pendant, la scène que je viens de raconter, avait
toujours tenu un pistolet au poing et sur la gorge de
ma fil.le; mais, à coup sûr, le coup est parti au de-
hors, ma fille n'était pas encore descendue dans la
rue lorsqu elle a reçu le coup mortel, car celui qui
avait pris l'argent, l'avait suivie rapidement et l'avait
retenue par ses jupons sur la fenêtre, puis il a traversé
la chambre et est revenu dans la salle à manee-
et, alors, celui qui me gardait l'épée sur la poituse
le suivit précipitamment.
Revenu de ma frayeur, environ deux secondes
après, je suis passél dans> la salle à manger ; tout le
monde avait disparu. Je suis sorti devant la porte -
je me suis approché de. la fenêtre, envoyant ma fille :
couchée de tout son long, je lui ai demandé ce
qu elle avait, ou plutôt où était le siége du mal qu'elle
ressentait; elle m'a répondu qu'elle était blessée au.
bas-ventre, près de la cuisse, et a prononcé trois fois
en espagnol : Adios,padi'e! J'ai regardé à droite et
a gauche, il me semblait toujours voir nos assas-
sins ; j étais hors de moi-même et comme fou. Je ma
suis avancé à l extrémité de la maison, et j'ai vu
descendre par un chemin qui y aboutit un indigène
que j ai reconnu aussitôt pour être Djelloul. le même
qui était présent pendant le dîner. Il m'a dit que les
trois malfaiteurs qui étaieut restés dans la salle à
manger lui avaient lié les mains avec la corde en
poil de chameau servant à entourer la chiohia; qu'a-
près la fuite de ces derniers, il était allé à son gour-
bis pour se faire délier, et qu'à l'instant même il re-
venait de chez lui. Je lui annonçai le malheur qui
venait de me frapper, et, après lui avoir montré ma
fille Antonia, toujours étendue à la même place, je isr
priai d'aller prévenir le caïd. Seul, je pris Antonia.
dans mes bras et la portai dans ma chambre. A onze
heures du soir environ, son mari, Couard, arriva et
la transporta dans sa chambre. Elle rendit le der-
nier soupir environ trois quarts d'heure après le
crime.
DÉPOSITION DE DJELLOUD-BEN-YAYA
< Ce témoin est âgé de trente-cinq ans. Sa déposi-
tion est en tout semblable à celle de Francisco Ha.<
varro. Il y ajoute ceci :
Ceux qui m'avaient lié les mains ne m'ont pas
quitté un instant ; ils m'ont tenu par les flancs et
par les épaules, me présentant un pistolet à la gorge
et me menaçant de me tuer si je faisais la moindra
résistapce. J ignore ce qui s'est passé dans la cham-
bre à coucher de Mme Couard, entre elle et ceux
qui l'avaient entraînée. Néanmoins, j'ai entendu
cette femme pousser des cris d'alarme et son vieux
père sangloter. Assez longtemps après j'ai entendu
une détonation d'arme à feu. Aussitôt, les assassins
qui étaient dans la chambre de Couard sont revenus
précipitamment dans la salle à manger, ont ouvert
la porte de la maison et se sont enfuis. Les deux
qui me serraient fortement m'ont alors lâché, eTh
m imprimant une poussée qui m'a fait toucher tout
à Tait par terre, et se sont enfuis comme les autres.
J'ai eu de la peine à me relever, ne pouvant me
servir de mes bras; enfin, faisant un effort, i'a.i pu
franchir le seuil de la porte, et, à peine dehors, j'ail
vu quelque chose par terre, au pied de la fenêtre : !
c'était la femme Couard qui était couchée sur l'ab.¡
domen et qui faisait entendre des cris plaintifs. Son'
père était déjà devant elle. J'ai dit à ce dernier de 1
me délier.
Il ne m'a pas sans doute compris ; il s'est contenté de
n e dire, d'une façon à peine compréhensible, que An-
tonia allait mourir, qu'il me fallait de suite prévenir
les Arabes des environs. J'ai vu du sang à l'endroit-;
où la victime était couchée. Je me suis rendu, aussi1
vite que possible, dans ma tente ; j'ai prié mes frères'
de me délier, et je leur ai fait en quelques mots i6/
récit du crime.'
Pendant sa déposition, Djelloul tient les yeux fixés'
sur les deux accusés. Tout à coup il s'approche de:
Maximo Ximenès et lui frappant sur la tête il s'écria
avec énergie : (c Tu es un de ceux qui m'ont lié. C'est!
toi qui m'a mis le genou sur la poitrine et m'as cm..:
péché d'aller au secours de mon maître 1 » i
M. le président fait un résumé très-complet, ra-;
marquable de lucidité et d'impartia'ité.
Après une heure de délibération, le jury rapporta
un verdict afiirmatif sur tontes les questions et muet
sur les circonstances atténuantes.
La cour, en conséquence, prononce un arrét quI'
condamne les deux accusés à la peine de mort. L'in-
terprète, au milieu .d'un. silence profond, ieur tra-
duit l'arrêt de la cour. Ils se regardent sans manifas.
ter la moindre émotion.
CHRONIQUE JUDICIAIRE
LE COMITÉ DE LA. RUE GROLÉE A LYON.—Les dé,
bats de cette affaire, qui devaient commencel
ces jours derniers, ont été ajournés à quin-
zaine. -
N° 98. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
DEUXIÈME PARTIE
XXXIII (suite)
Tel maître, tel valet.
La vue troublée par trop de ohampagne, la
viveuse avait commis une imprudence plus com-
plète qu elle ne le supposait : presque toute une
page de 1 cent avait échappé à la destruction du
feu. Le Moscovite y marquait que, en se posant
comme une dupe de sa secrète alliée, il venait
de capter assez la sympathie du « patron d'Ali-
Cogia » pour en recevoir une invitation de bal •
il comptait s'en servir comme point de départ'
pour séduire, boa grimai gré, «. la soeur puta-
tive et naïve de Janotesco. »
Décidément Mariette en savait assez pour
anéantir la sape des deux tortueux mineurs,
surtout si elle avait gardé (et là-dessus le doute
était oiseux, s adressant à uue telle finaude) la
V°nvictior) - qui, pouvait démontrer à
Georges dans quel.piege on l'attirait.
Aussi toute -I& diplomatie de la cocotte tendit-
elle à reconquérir le scabreux autographe. Pour
atteindre ce but, elle afncha l'assurance la plus
absolue en la discrétion et la fidélité de sa con.
Voir le numéro d'hier. J
i fidente. Elle alla même jusqu'à lui lire entière -
mentl'épître nouvelle de PétrQs, cause première
! de l'escarmouche.
j Enfin, moyennant un papier Garat de 500 fr.,
donnant donnant, elle - rentra en possession du
j feuillet compromettant, caché par son escamo-
teuse dans un sachet, au plus profond de son
corsage.
— Maintenant, ^ dit solennellement Mme de
Montcarmé, qui déchirait le papier roussi en im-
perceptibles morceaux, jure qu'aucun avis de
toi n'instruira de nos combinaisons à son encon-
. ire l'abominable Virginien ?
— Parbleu, riposta Mariette., mon intérêt n'y
est-il pas engagé ? Ma parole- sacrée, je serai
muette comme la tombe vis-à-vis de votre
ennemi... 1.
Embrasse-rnoi, mon enfant, reprit la flo-
rissante ^ matrone.
Un double baiser, plus retentissant que celui
da Judas lui-même, scella la réconciliation offi-
cielle des deux créatures.
La.èourtisanè, complètement édifiée, en quit-
tant sa chambre pour déjeuner, une demi-heure
après, disait doucereusement à sa complice de
.ramasser le sous-seing privé de sa rente, que
celle-ci laissait traîner, par un oubli voulu, sur
un guéridon de laque.
,~T S,'mge que cela vaudra bientôt quarante
mille francs, ajouta-t-jelle, en entrant dans.le
passage qui aboutissait à la salle à manger.
Mais, aussitôt la porte refermée sur ses talons,
elle eut un sourire ironique.
1 ; — Compte là-dessus ! acheva la drôlesse.
Do son côté, la défiante suivante se livrait à
un commentaire mental digne de- sa maîtresse,
dora aile relisait la donation.
— Elle a signé;« de Montcarméj » se disait-
elle. C'est son nom de guerre, et ça ne signi-
fiera rien devant la loi. Evidemment, elle veut
me refaire !
La vindicative donzelle montra alors le poing
au portrait d'Irma, peinte à la Rubens en am-
phitrite, et suspendu non loin de son alcôve.
-Ah! gredine! grommela-t-elle, tu m'as souf-
fletée trop fort pour que j'en boive de longtemps j
la honte. Ne suppose don-j pas m'avoir regagnée 1
avec tes .colifichets, ta chiche aumône et en me
promettant plus de beurre que de pain! Nenni-
dà, méchante mpiate! Je t'ai promis de ne rien
révéler à M. Willcomb..., mais non pas à Ma-
dame !... Cependant, si c'était involontaire-
ment, par habitude, qu'elle aurait mis là-dessus
sa signature de fantaisie ? Je le saurai tantôt,
sûrement, et, son intention certifiée bonne, je
me. tientrai tranquille, alors !
Là-dessus, Mlle Mariette rangea três-conve-
nablement la chambre à coucher, car c'était une
fille d'ordre, — tout en se conseillant-de ne point
trop éclairer la « pimbêche » intéressée, si la
lorette l'avait réellement flouée.
— Qu'elle triomphe à la fin, conclut la sou-
brette, et je pourrai peut-être la forcer à s'exé-
cuter financièrement à mon égard, quoi qu'elle
en ait. Donc, me trompât-elle aujourd'hui, je
lui fourrerai seulement un bâton dans les roues,
pour qu'elle enrage au moins autant que moi
squs ses giftles malséantes, et pour me ménager,
au besoin, une récompense honnête dans l'autre
camp. Mais, même en me vengeant, je ne me
compromettrai pas : les billets anonymes ne sont
point inventés pour les chiens.
Dans l'après-midi, Mme de Montcarmé sortit
en voiture et seule, selon la tradition de sa
caste, afin d'accomplir son journalier tour du lac.
Elle était à peine hors de la rue Vinlimille,
j que sa suivante s'esquivait de l'hôtel, presque
j vêtue en grisette, montait dans le premier fiacre
vide qu'elle rencontrait et ordonnait au cocher,
| surpris, de la conduire à rIte des Singes.
f < Arrivée dans cette localité hétéroclite, Ma-
riette se faisait descendre devant une maison-
nette assez propre d'aspect, à une fenêtre de la-
quelle était collée, en dedans, cette fantastique
pancarte :
AL: LAXI CLEF DE LA D'ES,T INNÉ
Madame Lalune
Chiffon hier et quartaut m'en sienne.
JULES CAUVAIN.
(La suite à demain.)
LE DOSSIER DES IVROGNES
Dans un des chantiers du collège Rollin, boulevard
Rochechouart, les sieurs P..., ouvrier zingueur, et
V..., garçon maçon, travaillant ensemble au deuxièm®
étage, entamèrent une discussion qui, en raison d&
leur état d'ivresse, ne tarda pas à dégénérer en rixe.
Tout à coup, dans un mouvement de colère, V...
poussa violemment son camarade et le précipita.suc
le parquet du premier étage par une ouverture prati.
quée dans celui du second.
Dans sa chute, le malheureux P... a été griève.
ment blessé et a dû être transporté à l'hôpital Lari"
boisière, où son état paraît fort grave.
Quant au nommé V..., qui témoigne d'ailleurs If
plus vif repentir de sa brutalité, il a été arrêté et mf
à la disposition du commissaire de police.
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