Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-07-08
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 08 juillet 1872 08 juillet 1872
Description : 1872/07/08 (N2253). 1872/07/08 (N2253).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4716053r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
entre les dents. Lorsque M. Coussol se présenta
dans sa cellule : « Tenez, lui dit-il, vous le sa-
urez, je n'ai jamais eu peur de vous, et vous avez
raison en ce moment; car, si nous vous tenions,
nous vous en ferions tout autant. » (Nous ga-
rantissons l'exactitude scrupuleuse de ces pa-
roles.) ,
■ A cinq heures, Baudoiun monte avec deux gen-
darmes dans le premier fourgon. Il parait calme
Jet résigné. RouiIlac, qui vient ensuite, se dégage
vivement des bras de l'abbé Follet et saute
dans le second. Il rit haut et siffle entre les
dents. Le sinistre cortége s'ébranle. En tête,
.quatre gendarmes à cheval ouvrent la, marphe,
le revolver au poing.
A SATORY
Des détachements de toutes les troupes cam-
pées à Satory ont pris position sur le plateau.
'Elles forment un gigantesque quadrilatère s'ap-
puyant des deux côtés à la butte du polygone.
Dix mille hommes attendent là l'arme au pied.
:Le lieutenant-colonel Collin en a pris le com-
jnandement. :
Au pied de la butte, deux poteaux en bois
liane ont été plantés à dix mètres de distance.
C'est la place assignée aux deux condamnés pour
,l'exécution. d
A quelque distance se tient le premier pelo-
ton d'exécution choisi parmi les plus anciens
sous-officiers et soldats du 510 de ligne. Le se-
cond peloton, qui devait se composer de soldats
- du génie, a été recruté, en l'absente de cette
.arme, dans les 45e et 120° régiments de ligne.
t Sur la piste, le commissaire de police de Ver-
sailles et l'officier d'état civil, ceints de leurs
. 'Jécharpcs, viennent jeter le dernier coup d'œil
> sur ces lugubres apprêts.
■ A six heures précises, les tambours se mettent
t,.à battre aux champs.
f Baudouin descend le premier: C'-est un homme
',de haute taille, figure allongée, barbe noire; il
porte un pantalon de gros velours vert, un paie-
4ot noir, un chapeau de feutre mou. Il marche
droit au poteau de droite et s'y adosse.
-1 ]RoLiillac sort de la seconde voiture, tenu par
l'abbé Follet. C'est un homme de petite taille,
imberbe, face cynique et railleuse. Il porte un
pantalon de toile grise, une vareuse noire, une
casquette.
Dès qu'on lui montre la place qui lui est assi-
gnée, il repousse brutalement l'abbé Follet; le
,vénérable prêtre regagne sa. voiture, en proie à
une émotion indescriptible ; puis le condamné
jette le brûle-gueule qu'il tient encore entre les
r^dents et va s'adosser résolument au poteau de
gauche.'
î Deux sergents, de ligne, comme greffiers des
;S° et 14e conseils de guerre, s'approchent pour
lire la sentence, tandis que deux soldats s'effor-
cent de bander les yeux des condamnés. Tous j
deux It,è. tant, s'y refusant, veulent mourir à face
découverte. On veut les attacher aux poteaux à
deux reprises différentes; ils réussissent à échap-
per aux étreintes des soldats et à arracher les
bandeaux. Rouillac invective l'adjudant et les
greffiers. Les ordres sont formels : dans une exé-
cution précédente, l'impression produite sur les
soldats par le visage, les gestes et les paroles des
condamnés avaient nui à la justesse du tir.
Baudouin et Rouillac sont donc attachés de
force. Ils ontles yeux bandés. On entend le cri
trois fois répété : Vive le peuple! vive la Com-
mune! Les canons s'abaissent, l'adjudant com-
mande le feu, et les dèux condamnés tombent
foudroyés. Ils restent quelques secondes ployés
sur eux mêmes et retenus au poteau par les liens !
qui les y rattachent. On les coupe enfin et ils i
tombent. Toutes les balles avaient porté et la
mort avait été instantanée.
On sort ensuiie d'une tapissière deux bières
de bois blanc, dans lesquelles sont placés les ca-
davres, et un piquet de gendarmes escorte cette
triste dépouille au cimetière des Rossignols, où
les attend M. Beaumetz, chirurgien major, qui
dresse le procès-verbal d'usage. Cette triste for-
malité terminée, les bières sont enclouées et
'les corps jetés dans deux fosses creusées auprès
de celles de Préau de Vedel, de Verdaguer et de
Genton. (Liberté.)
UNE EXÉCUTION A CAEN
Nos lecteurs n'ent peut-être pas oublié le crim(
horrible commis à Louvigny. (Calvados) par h
nommé Charles-Manuel Mancel, cultivateur. L(
14 mars dernier, ce misérable assassinait sa flUE
à coups de couteau, la nommée Adèle Mancel
âgée de dix-neuf ans, qui mourut en pardonnan
à son meurtrier.
Reconnu coupable de cet assassinat, le sieui
Charles Mancel fut condamné à la peine de morl
le 14 mai dernier par la cour d'assises du Cal-
vados, et c'est samedi matin même, à cinq heu-
res, qu'il a "expié son c'rime sur là place de la
Prison, à Caen.
Aucun incident particulier n'a marqué cette
exécution, qui a ressemblé à toutes celles dont
nous avons déjà parlé. Mentionnons seulement
l'empressement inusité pour assister au mon-
tage de la guillotine, Dès six heures du soir, dn
connaissait l'arrivée du maître-exécuteur et de
ses aides, et à minuit plus de six mille person-
nes .entouraient la place de la Prison, où des
gendarmes et un détachement d'infanterie ont
eu beaucoup de peine à maintenir le bon
ordre.
Mancel, quand on est entré dans sa cellule
pour lui annoncer la fatale nouvelle, s'est pres-
que trouvé mal; et, à partir de ce moment., il a
été en proie à un tremblement convulsif que rien
n'a pu calmer. Pendant les derniers apprêts, il
-était comme une masse inerte, ne paraissant pas
avoir conscience de ce qui se passait autour de
lui. Il a bu avec avidité un verre de vin, et n'a
pas prononcé une seule parole. L'aumônier de la
prison, qui n'a cessé de lui prodiguer les conso-
lations de la religion, l'a accompagné jusqu'au
pied de l'échafaud.
A cinq heures et dix minutes, tout était ter-
miné. Plus de dix mille personnes assistaient à
ce hideux spectacle. •
Cour d'assises des Bouches-du-Rhône
LA BANDE DE LA TAILLE
Audience du 4 juillet.
— Suite —
Il y a une dizaine de jours, une tentative d'évasion
avait eu lieu dans la prison d'Aix. Plusieurs cloisons
et un mur avaient été troués. A la suite de cette
tentative, plusieurs des accusés furent munis de la
eamisole de force. Les brigands ne se sont pas tenus
pour battus.
Hier encore, en dépit de la camisole- de force, une
nouvelle tentative s'est produite. Les gardiens ont
trouvé des barreaux sciés.
j. Comment ces barreaux ont-ils été sciés? — C'est
I le secret de ces hommes d'audace.
On sait que les voleurs de p ofession sont ordinai-
| rement munis d'un étai garni de-limes très-fines, de
| pinces et d'une série complète d'instrummts d'acier
qui, pour être de minime grandeur, n'en sont pas
moins d'une utilité certaine,
On fouille lès prisonniers. Quelquefois, — et c'é-
. tait le cas des brigands de la TaiUe, on les met
nus pour s'assurer qu'ils ne sont porteurs d'aucun
instrument.
Les moyens employés par les brigaiid's, empruntés
aux sauvages des colonies, sont nombreux.
Ces messieurs, donc, étaient disposés à prendre la
clef des champs.
Ils avaient pris leur haure, et l'évasion d vait s'ef-
fectuer au milieu de la nuit, après deux heures du
matin, avant le lever du jour et à ce moment où
tout le monde, même la gardienle ¡,Jus viulanr, suc-
eombe au besoin de dormir- Fort heur usemeut que
ries gardiens de la prison étaient teuus.en éveil et
qu'ils ne dormaient pas.
L'alarme a été donnée à temps, le poste a pris les
armes, et les quatre murs de la prison out été cer-
nés pendant qu'un peloton courait à travers les cor-
ridors.
Les brigands étaient en nombre suffisant pour lut-
ter ; mais force leur a été de se rendre quand l'ofti-
cier du poste les a menacés de faire feu.
Le siége du ministère put ,lie est occupé par MM.
Félix Clapier, avocat général, et Charles Joubrat,
substitut.
Au banc de la défense sont assis Mes de SeranQn,
Kougier, Mistrat, Paul Rigaud, Bessat, Pontier, Pons;
Masson, Chenand, Emile Boyer et A. Furby.
Le prétoire ressemble à un véritable magasin de
■ bric-à-bract une vingtaine de sacs de blé et de farine,
des caisses, des malles; dee.paquets de ,toutes termes f
s et toutes grandeurs, des pepux de moutp.ns ratant
. des bêtes volées et mangées,: des .couteaux'f-poionards,
1 des couteaux de boucher, des bâtons-a"sommlus
, des pistolets,des'fusils.
La salle est pleine et le banc des .avocats disparaît
sous cet amas de colis. Les avocats ont l'air de mar-
, chands du moyen âge assis derrière leur comptoir.
A neuf heures on introduit les accusés.
Les hommes sont vêtus de blouses et de vestes,
costumes des ouvriers de la campagne. Trois ou
quatre seulement, originaires et habitants du dépar-
tement, ont une physionomie ordinaire. On pourrait
les confondre avec les paysans, leurs concitoyens,
qui doivent servit- de témoins.
Les autres, Fontana, Garbarino, Galette, gante-
gazza en tête, originaires du Piémont, qnt le type des
réfuhiés de ce pays. Le Piémont fournit à la Pro-
vence un solde de repris de justice en rupture de
ban, qui viennent ici continuer leur « joli » métier
de voleur et d'assassin.
Ces hommes ont un type marqué : œil profond,
de couleur indéfinie, nez busqué, lèvre serrée, figure
longue et maigre : la charge et souvent la photogra-
phie de l'homme fatal qui a gouverné la France de
1852 à 1870. Quelques-uns encore portent les stig-
mates de l'abrutissement ; front déprimé, œil hagard,
nez épaté, lèvre tombante; une tête, en un mot, .beà-
tiale. -
Les femmes portent aussi le costume des femmes
du peuple. Les deux Italiennes portent un mouchoir
d'indienne mis en pointe, jeté sur le haut de la tête
et noué lâchement sous le menton, comme en por-
tent les femmes génoises.
La femme Mantegazza est accouchée depuis quatre
jours d'une fille. Elle se présente sur le banc des ac-
cusés avec la pauvre petite à laquelle elle donne son
lait.
L'enfant piaille et les cris de l'innocente créature
remuent l'auditoire. Les femmes qui encombrent la
tribune réservée ne peuvent retenir leurs larmes.
La femme Mantegazza est elle-même fille d'un
forçat. — Triste lignée!
La femme Caligaris porte assez gauchement son
costume de fem e, par suite de l'habitude contrac-
tée par elle de ne porter que le costume masculin.
Elle était connue sous le nom de Iflaria dei Bravo
(Marie des Pantalons).
' Vu la longueur présumée des débats, la cour s'ad-
joint un conseiller, et M. le président tire au sort
deux jurés supplémentaires.
Les formalités d'usage remplies, il est donné lec- '
ture de l'acte d'accusation. (Voir notre numéro
d'hier.)
La bande de la Taille, d'après les renseignements
recueillis, devait compter, une quarantaine de bri-.
gands. Beaucoup d'arrestations avaient été opérées,
mais force détenus ont dû être relâchés faute de
preuves contre eux, et la cour d'assises n'a à se pro-
noncer, pour le moment, que sur 14 individus.
Fontana, le chef de la bande, est malade. Pâle' et
les joues creuses, il ne peut demeurer debout. Il est
autorisé par le président à demeurer assis.
A côté de lui, sur une console, est un plateau gar-
ni d'un petit pain, d'ure tasse de chocolat et d'un
flacon contenant un cordial.
Plus d'une fois la lecture de l'acte d'accusation est
interrompue pour permettre à Fontana de prendre :
l'air. I
Le président donne ordre de ne rien lui refuser et
de lui faire servir tout ce dont il croirait avoir be- I
soin, quelque chose qu'il puisse demander. L'état !
d'extrême faiblesse ou se trouve l'accusé explique !
ces prévenances. Il faut avant tout que la maladie
de Fontana n'arrête pas la marche prompte des dé-
bats et surtout que l'affaire ne soit pas renvoyée à '
une autre session.
La lecture de l'acte d'aesusation, qui n'a pas duré
moins de trois heures, a pris la plus grande partié
de l'audience. Cette lecture a été marquée1 de plus '
d'un incident. Pour n'en citer qu'un, nous signalons I
l'évanouissement de la mère d'une des victimes des !
brigands, la dame Trigari.
Les détails donnés sur la mort des êtres qui sont
chers à sa mémoire, et l'étalage scientifique des ca-
davres, lui déchirent l'âme. La pauvre femme san-
glote, puis pâlit affreusement et tombe sans connais-
sance. Les huissiers l'emportent hors de la salle. j
L i dame Trigari n'est pas seule à pleurer. La moi- !
tié des témoins viendropt déposer de faits atroces.
Tous ces témoins, au nombre de 164, portent des vê-
tements de deuil.
. Il y a huit cadavres dllns l'affaire !...
A côté des faits horribles, il y a aussi des inci-
dents pittoresques. C'est ainsi que le public ne peut
s'empêcher d'accueillir par un éclat de rire ce détail
particulier à Vercelionne qui, avant d'entrer dans
une bande de brigands, aurait servi en Italie dans les
carabiniers, c'est-à-dire dans la gendarmerie.
Voilà un gendarme qui a fait une fin assez impré-
vue. Ce Yercellone est le portrait vivant de l'homme
d'Auteuil.
dent Pendant un? suspension d'audience, M. le créai j,'
dont
l'auditoire) speetatrice des trois déhats.francs * la part d'ulle jeUlIe remuignière
formalités, qui d'habitude s'épuisent
f J demi heure, nous mènent aujourd'hui vu la
longueur de l'acte d'accusation et l'état malâdtfniaiac.iT ae
Jlontana, jusqu'à quatre heures.
Fontana'. les interrogatoires commencent par celui de
faux D. nom. vous de vous présenter ici sous un
R. Fontana est mon nom.
D. On vous accuse d'être Belframn ' qui fut «■„. con";
damné dans l'affaire Coda
R. Oli! certes non.
n'on6!^113 témoins vous reconnaissent pour êtra
le Beltramo, compagnon de quatre brigand, condam-
nes a mort et exécutés à Marseille. voug- revenez
aujourd 'hiii comme chef de la bande actu 'll*
reconnaissent. R. Je ne connais pas même ces témoins qui me
D. On a retrouvé chez vous l'adresse de Trinchieri
votre lieutenant à Marseille, comme MuiteSS°
K°f Ch,ef aTu Puy-Sainte-Réparadé
R. Une adresse?... Je ne sai. pas lire. Il n'est pas
vrai que j 'aie jamais eu affaire avec Cada.
d organiser votre bande, vous vous étiez
tous connus dans différents chantiers. Une fois di-
visas en groupes, vous avez pu fac^ene.commnl
niquer. Vous êtes arrivé au Puy faciJemelit en avecïâ
femme Arese. Là, vous avez retrouvé Ma™ et
S màLn 18 vous êtes tous inStal!<,:s dans la
vous
Garbarino
après venait Galetto. Vous voilà en nombre. '
A mesure que cette association se forme, les crimes
commencent.
Wet 1871, vous vous êtes tous rendus à Or-
gOll. En Votre présence se manifeste dans les environs
dOrgon, comme elle s'était manifestée au Puy.
R. J étais a Lauris sans travail, et je ne suis allé
au Puy que parce que je m'étais laissé dire que là.
les vivres étaient à meilleur marché.
quittez Orgon. La bande se disperse.'
Mantegazza, Vercellone et Garbarino vont à Salon.
Vous rencontren t Bellora, qui ne tarde pas à s'af-
filier. l1 établissez de nouveau au Puy avec
Galetto et établissez vôus votre quartier général à Mar-
seille, chez Trinchieri.
sent.L'accusé veut répondre, mais ses forces le trahis-
Il déclare qu'il ne peut supporter la fatigue. Il est
très-pale et a l'air très-souffrant.
Le président ordonne qu'on lui fasse prendre l'air
pendant quelques minutes.
Les quelques minutes durent un quart d'heure.
M. le président. — Nous avons parlé de l'installa-
tion de la bande. A mesure que la bande s'organise,
on voit apparaître des vols nombreux, et l'assassinat
du garde du pont de Mallemort. Une fois définitive-
ment organisé^, nous allons assister à une série
de crimes. Les assassinats vont se succéder rapi-
dement..
Le 31 octobre, vous vous êtes tous retrouvés an'
Puy. Vous faites un repas de corps composé de têtes
de moutons cuites à la poêle. Cette réunion n'avait
qu'un but : la préparation de nombreux vols à com-
mettre à Marseille. Vous deviez pendant l'hiver faire
des opérations nombreuses, entre autres dévaliser la
mont de-piété de Marseille. C'est à ce dîner qu'a été
décidé l'assassinat de la veuve Lambert.
R. Je suis si riche pour inviter du monde à dîner.'
M. le président. — Invités ou non, vos adhérents
dînaient avec vous. C'est là que Ribetto entre dans
l'association.
M. le président, pour suive l'ordre des faits, inter-
roge les accusés sur les nombreux vols qui ont été
commis au début de l'association.
Cette partie de l'interrogatoire ressemble à un in-'
terrogafcoire de police correctionnelle et n'offre pas
le grand intérêt que les autres crimes donnent à
1 affaire.
Passons.
Les seuls vols qui offrent matière à observation
I sont les vols de moutons et de bM. Ces messieurs
faisaient des provisions. Ils volaient au grand jour
pour se procurer le pain et le fricot.
Dans la première série de méfaits commis par les
| brigands se trou ve un assassinat. C'e&t le 15 mai que
la bande organisée met en pratique son mat d'ordre:
| « Ne pas laisser de témoins. » A dater de ce mo-
ment, chaque brigand est porteur d'un couteau de
j boucher, affilé des deux côtés. De là le nom de
1 la taate. Ces messieurs taillaient.
! Le 15 mai, vers quatre heures du matin, plusieurs
j habitants de Malemort, se rendant à Cavaillon, s'a-
j perçurent de l'absence du gardien du pont. Ils al!è-
; rent chercher le maire, qui fut bientôt rejoint par le
juge de paix d'Hyguières et par le juge d'instruction
1 et le substitut deTarascon. Des mares de sang exis-
N° 80. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philisophe
DEUXIÈME PARTIE
XXV (suite)
Boyard et Hetman.
- Pardonnez-moi cette insistance, poursuivit
iWillcombj çiiais la première fois, à Paris, que
.Yous me fùler; nommément désigné, j'ai cru
vous avoir déjà vu autre part. Au reste, cette
repiiniscencç, qui mç visite encore en ce mo-
ment. offre un tel vague que;je ne saurais spé-
ciller ni le lieu ni la-date de ma rencontre avec'
votre très-imparfait sosie.
- Il n'aurait même pas un air de famille, re- !
prit Pétrus ayant recouvré tout son sang-froid, i
q3.r quelques parents qui me restent n'ont
jama!S quitté leurs domaines de^iniée.
'17 7' passion du ne 'rwa pas
terlocuteur. poussé vers ""H" Tauride, «npluUonL
éholiîf mome°V Çi'reinmuns, sensiblement
monnp, reparut à la porte de rappartemew.
MftSgG.' nouveau ' Mi deroaniifi .son maître,
Volf le Numéro d'hier.
j Massa, comme le fou échappé tirait son grand
j sabre après avoir consulté son c,hronomètre ,n,a us '
avons été forcés de l'enfermer dans le premier i
! vestibule. , j
1 — L'heure est passée, et je l'oubliais près de
' vous! se récria le boyard. Je cours dompter le !
j loup des steppes et vous en débarrasser... tout j
en me bannissant moi-même' d'ici... Plaignez- !
moi, mes charmants hôtes !
— Je voudrais bien voir ce que c'est qu'un j
,he.tman-, murmura Elise, avec l'intention mar- I
quée d'être entendue. j
r- Monsieur le comte, appela aussitôt le mil- '
lionnaire.. • I
Powschine, qui avait salué avec une exquise !
courtoisie et allait sortir avec le Frontin nègre, j
se retourna vers le jeune couple. !
— Pardon, poursuivit le Virg'inien ; mais si
nous Voulez réaliser la fantaisie d'une belle cu-
rieuse, au lieu d'entraîner votre BarbaN..., ame-
| nez-le.à notre fête.
j ' ' — Avant tout, ce sera le moyen de ne point
: nous priver Sitôt de votre présence, ajouta gra-
ticusement la fille d'Eve.
j — En vérité, articula avec une hésitation .ap- j
parente jç Russe, je voudrais répondre comme |
en Orient : entendre c'est .ob6ir, madame... Mais
mon Scythe est fi farouche et. si primitif... pour
! ne point dire grossier !...
Vous prétendiez qu'il devenait à.vefc vous
: souple comme un gant? Vous voyez bien, mon-
J fiieù.r, que vous vous vantiez, en vous donnant
j pour rival de Batty, de Carter ou de Van Am-
jli.urgh? ,,
Cette insistance, sous forme de plaisanterie, !
parut déterminer Pétrus. j
— Je veux que vous décidiez vous-même, [
belle châtelaine, fit-il en souriant, si je dois dé- j
chaîner mon ours de la. mer Noire dans le gala |
de votre manoir. Où pourrait-il subir votre juge-
ment, sans traverser la foule de vos invités? j
- — Justement il y a une communication di- !
recte entre cette pièce écartée et le rez-de-chaus- j
sée, déclara Willcomb. j
Il alla ouvrir une petite porte, dissimulée sous '
la tenture, et -le Moscovite, guidé par Cincinna- )
tus, disparut dans l'escalier de service. !
— Tu , "sais' que c'ô^t délicieux d'avoir peur... 1
pour rire? dit Elise, jtmieu,rée eJ), tête-à-tête |
avec Georges.
— Tu sais que ton anxiété honnête et modérée j
te rend tout bonnement adorable? repartit celui- :
ci, en s'asseyant près d'elle sur un moelleux '
divan. , i
Ils demeurèrent muets pendant quelques in..
stants, les yeux dans les yeux et la main dans la ;
main. j
Soudain, un bruit de pas précipités les sépara :
et Powschine sortit du passage secret., suivi d'un,
être soufflant, grondant, renâclant, qui tenait !
plus de l'orang-outang que de l'homme.
— Son Excellence l'hetman Markoff, annonça
d'un ton goguenard le comte. j
Le Cosaque Zaporogue avait bien le physique
de l'emploi, comme on dit au théâtre, j
On ne distinguait pas tout d'abord ce qui était '
poU humain ou fourrure bestiale dans l'ensemblg 1
de sa personne et de son costume. La laine rlA i
son bonnet d'astrakan se mêlait à sa chevelure
crépue et à se.s sourcils buissonneux ; sa barbe
hérissée et fauve se confondait avec le pelage
de renard garnissant sa houppelande.
De cette confusion de toisons diverses surgis-
sait un nez monumental, dcnt.Ies bourgeons ra-
contaient un vrai poëme bachique. Des petits
yeux gris, peut-être plus inquiets que féroces^
confirmaient, par leur obliquité, la ressemblance
de ce visage triangulaire avec une hure de san-
glier.
De longues bottes 'en cuir naturel, montant
presque jusqu'au ventre et enharnachées d'in-
terminables éperons; un grand sabre très-re-
epurbé, suspendu par des chaînettes d'argent à
un ceinturon de buffle ; des cartouchières cîr-
cassiennes sur la poitrine complétaient la couJ
leur locale du bizarre personnage. , j
En pénétrant dans la pièce, derrière Pétrus,'
l'étrange étranger disputait visiblement avec son
interlocuteur... Mous^écrivons « visiblement, »,
car Willèomb, qui savait cependant quelque peu:
de slave, ne comprit pas un traître mot de ce
que baragouinaient les arrivants.
Seulement au grognement continu du naturel
de la Scythie, aux syllabes gutturales qu'il lan."
çait avec un bruit de noix cassées, il était facile
de deviner en lui une colère... digne d'être qiMH
liftée par feu. le Père Duchesne.
(La suite à demain.)
JULES CAUVAIN.
dans sa cellule : « Tenez, lui dit-il, vous le sa-
urez, je n'ai jamais eu peur de vous, et vous avez
raison en ce moment; car, si nous vous tenions,
nous vous en ferions tout autant. » (Nous ga-
rantissons l'exactitude scrupuleuse de ces pa-
roles.) ,
■ A cinq heures, Baudoiun monte avec deux gen-
darmes dans le premier fourgon. Il parait calme
Jet résigné. RouiIlac, qui vient ensuite, se dégage
vivement des bras de l'abbé Follet et saute
dans le second. Il rit haut et siffle entre les
dents. Le sinistre cortége s'ébranle. En tête,
.quatre gendarmes à cheval ouvrent la, marphe,
le revolver au poing.
A SATORY
Des détachements de toutes les troupes cam-
pées à Satory ont pris position sur le plateau.
'Elles forment un gigantesque quadrilatère s'ap-
puyant des deux côtés à la butte du polygone.
Dix mille hommes attendent là l'arme au pied.
:Le lieutenant-colonel Collin en a pris le com-
jnandement. :
Au pied de la butte, deux poteaux en bois
liane ont été plantés à dix mètres de distance.
C'est la place assignée aux deux condamnés pour
,l'exécution. d
A quelque distance se tient le premier pelo-
ton d'exécution choisi parmi les plus anciens
sous-officiers et soldats du 510 de ligne. Le se-
cond peloton, qui devait se composer de soldats
- du génie, a été recruté, en l'absente de cette
.arme, dans les 45e et 120° régiments de ligne.
t Sur la piste, le commissaire de police de Ver-
sailles et l'officier d'état civil, ceints de leurs
. 'Jécharpcs, viennent jeter le dernier coup d'œil
> sur ces lugubres apprêts.
■ A six heures précises, les tambours se mettent
t,.à battre aux champs.
f Baudouin descend le premier: C'-est un homme
',de haute taille, figure allongée, barbe noire; il
porte un pantalon de gros velours vert, un paie-
4ot noir, un chapeau de feutre mou. Il marche
droit au poteau de droite et s'y adosse.
-1 ]RoLiillac sort de la seconde voiture, tenu par
l'abbé Follet. C'est un homme de petite taille,
imberbe, face cynique et railleuse. Il porte un
pantalon de toile grise, une vareuse noire, une
casquette.
Dès qu'on lui montre la place qui lui est assi-
gnée, il repousse brutalement l'abbé Follet; le
,vénérable prêtre regagne sa. voiture, en proie à
une émotion indescriptible ; puis le condamné
jette le brûle-gueule qu'il tient encore entre les
r^dents et va s'adosser résolument au poteau de
gauche.'
î Deux sergents, de ligne, comme greffiers des
;S° et 14e conseils de guerre, s'approchent pour
lire la sentence, tandis que deux soldats s'effor-
cent de bander les yeux des condamnés. Tous j
deux It,è. tant, s'y refusant, veulent mourir à face
découverte. On veut les attacher aux poteaux à
deux reprises différentes; ils réussissent à échap-
per aux étreintes des soldats et à arracher les
bandeaux. Rouillac invective l'adjudant et les
greffiers. Les ordres sont formels : dans une exé-
cution précédente, l'impression produite sur les
soldats par le visage, les gestes et les paroles des
condamnés avaient nui à la justesse du tir.
Baudouin et Rouillac sont donc attachés de
force. Ils ontles yeux bandés. On entend le cri
trois fois répété : Vive le peuple! vive la Com-
mune! Les canons s'abaissent, l'adjudant com-
mande le feu, et les dèux condamnés tombent
foudroyés. Ils restent quelques secondes ployés
sur eux mêmes et retenus au poteau par les liens !
qui les y rattachent. On les coupe enfin et ils i
tombent. Toutes les balles avaient porté et la
mort avait été instantanée.
On sort ensuiie d'une tapissière deux bières
de bois blanc, dans lesquelles sont placés les ca-
davres, et un piquet de gendarmes escorte cette
triste dépouille au cimetière des Rossignols, où
les attend M. Beaumetz, chirurgien major, qui
dresse le procès-verbal d'usage. Cette triste for-
malité terminée, les bières sont enclouées et
'les corps jetés dans deux fosses creusées auprès
de celles de Préau de Vedel, de Verdaguer et de
Genton. (Liberté.)
UNE EXÉCUTION A CAEN
Nos lecteurs n'ent peut-être pas oublié le crim(
horrible commis à Louvigny. (Calvados) par h
nommé Charles-Manuel Mancel, cultivateur. L(
14 mars dernier, ce misérable assassinait sa flUE
à coups de couteau, la nommée Adèle Mancel
âgée de dix-neuf ans, qui mourut en pardonnan
à son meurtrier.
Reconnu coupable de cet assassinat, le sieui
Charles Mancel fut condamné à la peine de morl
le 14 mai dernier par la cour d'assises du Cal-
vados, et c'est samedi matin même, à cinq heu-
res, qu'il a "expié son c'rime sur là place de la
Prison, à Caen.
Aucun incident particulier n'a marqué cette
exécution, qui a ressemblé à toutes celles dont
nous avons déjà parlé. Mentionnons seulement
l'empressement inusité pour assister au mon-
tage de la guillotine, Dès six heures du soir, dn
connaissait l'arrivée du maître-exécuteur et de
ses aides, et à minuit plus de six mille person-
nes .entouraient la place de la Prison, où des
gendarmes et un détachement d'infanterie ont
eu beaucoup de peine à maintenir le bon
ordre.
Mancel, quand on est entré dans sa cellule
pour lui annoncer la fatale nouvelle, s'est pres-
que trouvé mal; et, à partir de ce moment., il a
été en proie à un tremblement convulsif que rien
n'a pu calmer. Pendant les derniers apprêts, il
-était comme une masse inerte, ne paraissant pas
avoir conscience de ce qui se passait autour de
lui. Il a bu avec avidité un verre de vin, et n'a
pas prononcé une seule parole. L'aumônier de la
prison, qui n'a cessé de lui prodiguer les conso-
lations de la religion, l'a accompagné jusqu'au
pied de l'échafaud.
A cinq heures et dix minutes, tout était ter-
miné. Plus de dix mille personnes assistaient à
ce hideux spectacle. •
Cour d'assises des Bouches-du-Rhône
LA BANDE DE LA TAILLE
Audience du 4 juillet.
— Suite —
Il y a une dizaine de jours, une tentative d'évasion
avait eu lieu dans la prison d'Aix. Plusieurs cloisons
et un mur avaient été troués. A la suite de cette
tentative, plusieurs des accusés furent munis de la
eamisole de force. Les brigands ne se sont pas tenus
pour battus.
Hier encore, en dépit de la camisole- de force, une
nouvelle tentative s'est produite. Les gardiens ont
trouvé des barreaux sciés.
j. Comment ces barreaux ont-ils été sciés? — C'est
I le secret de ces hommes d'audace.
On sait que les voleurs de p ofession sont ordinai-
| rement munis d'un étai garni de-limes très-fines, de
| pinces et d'une série complète d'instrummts d'acier
qui, pour être de minime grandeur, n'en sont pas
moins d'une utilité certaine,
On fouille lès prisonniers. Quelquefois, — et c'é-
. tait le cas des brigands de la TaiUe, on les met
nus pour s'assurer qu'ils ne sont porteurs d'aucun
instrument.
Les moyens employés par les brigaiid's, empruntés
aux sauvages des colonies, sont nombreux.
Ces messieurs, donc, étaient disposés à prendre la
clef des champs.
Ils avaient pris leur haure, et l'évasion d vait s'ef-
fectuer au milieu de la nuit, après deux heures du
matin, avant le lever du jour et à ce moment où
tout le monde, même la gardienle ¡,Jus viulanr, suc-
eombe au besoin de dormir- Fort heur usemeut que
ries gardiens de la prison étaient teuus.en éveil et
qu'ils ne dormaient pas.
L'alarme a été donnée à temps, le poste a pris les
armes, et les quatre murs de la prison out été cer-
nés pendant qu'un peloton courait à travers les cor-
ridors.
Les brigands étaient en nombre suffisant pour lut-
ter ; mais force leur a été de se rendre quand l'ofti-
cier du poste les a menacés de faire feu.
Le siége du ministère put ,lie est occupé par MM.
Félix Clapier, avocat général, et Charles Joubrat,
substitut.
Au banc de la défense sont assis Mes de SeranQn,
Kougier, Mistrat, Paul Rigaud, Bessat, Pontier, Pons;
Masson, Chenand, Emile Boyer et A. Furby.
Le prétoire ressemble à un véritable magasin de
■ bric-à-bract une vingtaine de sacs de blé et de farine,
des caisses, des malles; dee.paquets de ,toutes termes f
s et toutes grandeurs, des pepux de moutp.ns ratant
. des bêtes volées et mangées,: des .couteaux'f-poionards,
1 des couteaux de boucher, des bâtons-a"sommlus
, des pistolets,des'fusils.
La salle est pleine et le banc des .avocats disparaît
sous cet amas de colis. Les avocats ont l'air de mar-
, chands du moyen âge assis derrière leur comptoir.
A neuf heures on introduit les accusés.
Les hommes sont vêtus de blouses et de vestes,
costumes des ouvriers de la campagne. Trois ou
quatre seulement, originaires et habitants du dépar-
tement, ont une physionomie ordinaire. On pourrait
les confondre avec les paysans, leurs concitoyens,
qui doivent servit- de témoins.
Les autres, Fontana, Garbarino, Galette, gante-
gazza en tête, originaires du Piémont, qnt le type des
réfuhiés de ce pays. Le Piémont fournit à la Pro-
vence un solde de repris de justice en rupture de
ban, qui viennent ici continuer leur « joli » métier
de voleur et d'assassin.
Ces hommes ont un type marqué : œil profond,
de couleur indéfinie, nez busqué, lèvre serrée, figure
longue et maigre : la charge et souvent la photogra-
phie de l'homme fatal qui a gouverné la France de
1852 à 1870. Quelques-uns encore portent les stig-
mates de l'abrutissement ; front déprimé, œil hagard,
nez épaté, lèvre tombante; une tête, en un mot, .beà-
tiale. -
Les femmes portent aussi le costume des femmes
du peuple. Les deux Italiennes portent un mouchoir
d'indienne mis en pointe, jeté sur le haut de la tête
et noué lâchement sous le menton, comme en por-
tent les femmes génoises.
La femme Mantegazza est accouchée depuis quatre
jours d'une fille. Elle se présente sur le banc des ac-
cusés avec la pauvre petite à laquelle elle donne son
lait.
L'enfant piaille et les cris de l'innocente créature
remuent l'auditoire. Les femmes qui encombrent la
tribune réservée ne peuvent retenir leurs larmes.
La femme Mantegazza est elle-même fille d'un
forçat. — Triste lignée!
La femme Caligaris porte assez gauchement son
costume de fem e, par suite de l'habitude contrac-
tée par elle de ne porter que le costume masculin.
Elle était connue sous le nom de Iflaria dei Bravo
(Marie des Pantalons).
' Vu la longueur présumée des débats, la cour s'ad-
joint un conseiller, et M. le président tire au sort
deux jurés supplémentaires.
Les formalités d'usage remplies, il est donné lec- '
ture de l'acte d'accusation. (Voir notre numéro
d'hier.)
La bande de la Taille, d'après les renseignements
recueillis, devait compter, une quarantaine de bri-.
gands. Beaucoup d'arrestations avaient été opérées,
mais force détenus ont dû être relâchés faute de
preuves contre eux, et la cour d'assises n'a à se pro-
noncer, pour le moment, que sur 14 individus.
Fontana, le chef de la bande, est malade. Pâle' et
les joues creuses, il ne peut demeurer debout. Il est
autorisé par le président à demeurer assis.
A côté de lui, sur une console, est un plateau gar-
ni d'un petit pain, d'ure tasse de chocolat et d'un
flacon contenant un cordial.
Plus d'une fois la lecture de l'acte d'accusation est
interrompue pour permettre à Fontana de prendre :
l'air. I
Le président donne ordre de ne rien lui refuser et
de lui faire servir tout ce dont il croirait avoir be- I
soin, quelque chose qu'il puisse demander. L'état !
d'extrême faiblesse ou se trouve l'accusé explique !
ces prévenances. Il faut avant tout que la maladie
de Fontana n'arrête pas la marche prompte des dé-
bats et surtout que l'affaire ne soit pas renvoyée à '
une autre session.
La lecture de l'acte d'aesusation, qui n'a pas duré
moins de trois heures, a pris la plus grande partié
de l'audience. Cette lecture a été marquée1 de plus '
d'un incident. Pour n'en citer qu'un, nous signalons I
l'évanouissement de la mère d'une des victimes des !
brigands, la dame Trigari.
Les détails donnés sur la mort des êtres qui sont
chers à sa mémoire, et l'étalage scientifique des ca-
davres, lui déchirent l'âme. La pauvre femme san-
glote, puis pâlit affreusement et tombe sans connais-
sance. Les huissiers l'emportent hors de la salle. j
L i dame Trigari n'est pas seule à pleurer. La moi- !
tié des témoins viendropt déposer de faits atroces.
Tous ces témoins, au nombre de 164, portent des vê-
tements de deuil.
. Il y a huit cadavres dllns l'affaire !...
A côté des faits horribles, il y a aussi des inci-
dents pittoresques. C'est ainsi que le public ne peut
s'empêcher d'accueillir par un éclat de rire ce détail
particulier à Vercelionne qui, avant d'entrer dans
une bande de brigands, aurait servi en Italie dans les
carabiniers, c'est-à-dire dans la gendarmerie.
Voilà un gendarme qui a fait une fin assez impré-
vue. Ce Yercellone est le portrait vivant de l'homme
d'Auteuil.
dent Pendant un? suspension d'audience, M. le créai j,'
dont
l'auditoire) speetatrice des trois déhats.francs * la part d'ulle jeUlIe remuignière
formalités, qui d'habitude s'épuisent
f J demi heure, nous mènent aujourd'hui vu la
longueur de l'acte d'accusation et l'état malâdtfniaiac.iT ae
Jlontana, jusqu'à quatre heures.
Fontana'. les interrogatoires commencent par celui de
faux D. nom. vous de vous présenter ici sous un
R. Fontana est mon nom.
D. On vous accuse d'être Belframn ' qui fut «■„. con";
damné dans l'affaire Coda
R. Oli! certes non.
n'on6!^113 témoins vous reconnaissent pour êtra
le Beltramo, compagnon de quatre brigand, condam-
nes a mort et exécutés à Marseille. voug- revenez
aujourd 'hiii comme chef de la bande actu 'll*
reconnaissent. R. Je ne connais pas même ces témoins qui me
D. On a retrouvé chez vous l'adresse de Trinchieri
votre lieutenant à Marseille, comme MuiteSS°
K°f Ch,ef aTu Puy-Sainte-Réparadé
R. Une adresse?... Je ne sai. pas lire. Il n'est pas
vrai que j 'aie jamais eu affaire avec Cada.
d organiser votre bande, vous vous étiez
tous connus dans différents chantiers. Une fois di-
visas en groupes, vous avez pu fac^ene.commnl
niquer. Vous êtes arrivé au Puy faciJemelit en avecïâ
femme Arese. Là, vous avez retrouvé Ma™ et
S màLn 18 vous êtes tous inStal!<,:s dans la
vous
Garbarino
après venait Galetto. Vous voilà en nombre. '
A mesure que cette association se forme, les crimes
commencent.
Wet 1871, vous vous êtes tous rendus à Or-
gOll. En Votre présence se manifeste dans les environs
dOrgon, comme elle s'était manifestée au Puy.
R. J étais a Lauris sans travail, et je ne suis allé
au Puy que parce que je m'étais laissé dire que là.
les vivres étaient à meilleur marché.
quittez Orgon. La bande se disperse.'
Mantegazza, Vercellone et Garbarino vont à Salon.
Vous rencontren t Bellora, qui ne tarde pas à s'af-
filier. l1 établissez de nouveau au Puy avec
Galetto et établissez vôus votre quartier général à Mar-
seille, chez Trinchieri.
sent.L'accusé veut répondre, mais ses forces le trahis-
Il déclare qu'il ne peut supporter la fatigue. Il est
très-pale et a l'air très-souffrant.
Le président ordonne qu'on lui fasse prendre l'air
pendant quelques minutes.
Les quelques minutes durent un quart d'heure.
M. le président. — Nous avons parlé de l'installa-
tion de la bande. A mesure que la bande s'organise,
on voit apparaître des vols nombreux, et l'assassinat
du garde du pont de Mallemort. Une fois définitive-
ment organisé^, nous allons assister à une série
de crimes. Les assassinats vont se succéder rapi-
dement..
Le 31 octobre, vous vous êtes tous retrouvés an'
Puy. Vous faites un repas de corps composé de têtes
de moutons cuites à la poêle. Cette réunion n'avait
qu'un but : la préparation de nombreux vols à com-
mettre à Marseille. Vous deviez pendant l'hiver faire
des opérations nombreuses, entre autres dévaliser la
mont de-piété de Marseille. C'est à ce dîner qu'a été
décidé l'assassinat de la veuve Lambert.
R. Je suis si riche pour inviter du monde à dîner.'
M. le président. — Invités ou non, vos adhérents
dînaient avec vous. C'est là que Ribetto entre dans
l'association.
M. le président, pour suive l'ordre des faits, inter-
roge les accusés sur les nombreux vols qui ont été
commis au début de l'association.
Cette partie de l'interrogatoire ressemble à un in-'
terrogafcoire de police correctionnelle et n'offre pas
le grand intérêt que les autres crimes donnent à
1 affaire.
Passons.
Les seuls vols qui offrent matière à observation
I sont les vols de moutons et de bM. Ces messieurs
faisaient des provisions. Ils volaient au grand jour
pour se procurer le pain et le fricot.
Dans la première série de méfaits commis par les
| brigands se trou ve un assassinat. C'e&t le 15 mai que
la bande organisée met en pratique son mat d'ordre:
| « Ne pas laisser de témoins. » A dater de ce mo-
ment, chaque brigand est porteur d'un couteau de
j boucher, affilé des deux côtés. De là le nom de
1 la taate. Ces messieurs taillaient.
! Le 15 mai, vers quatre heures du matin, plusieurs
j habitants de Malemort, se rendant à Cavaillon, s'a-
j perçurent de l'absence du gardien du pont. Ils al!è-
; rent chercher le maire, qui fut bientôt rejoint par le
juge de paix d'Hyguières et par le juge d'instruction
1 et le substitut deTarascon. Des mares de sang exis-
N° 80. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philisophe
DEUXIÈME PARTIE
XXV (suite)
Boyard et Hetman.
- Pardonnez-moi cette insistance, poursuivit
iWillcombj çiiais la première fois, à Paris, que
.Yous me fùler; nommément désigné, j'ai cru
vous avoir déjà vu autre part. Au reste, cette
repiiniscencç, qui mç visite encore en ce mo-
ment. offre un tel vague que;je ne saurais spé-
ciller ni le lieu ni la-date de ma rencontre avec'
votre très-imparfait sosie.
- Il n'aurait même pas un air de famille, re- !
prit Pétrus ayant recouvré tout son sang-froid, i
q3.r quelques parents qui me restent n'ont
jama!S quitté leurs domaines de^iniée.
'17 7' passion du ne 'rwa pas
terlocuteur. poussé vers ""H" Tauride, «npluUonL
éholiîf mome°V Çi'reinmuns, sensiblement
monnp, reparut à la porte de rappartemew.
MftSgG.' nouveau ' Mi deroaniifi .son maître,
Volf le Numéro d'hier.
j Massa, comme le fou échappé tirait son grand
j sabre après avoir consulté son c,hronomètre ,n,a us '
avons été forcés de l'enfermer dans le premier i
! vestibule. , j
1 — L'heure est passée, et je l'oubliais près de
' vous! se récria le boyard. Je cours dompter le !
j loup des steppes et vous en débarrasser... tout j
en me bannissant moi-même' d'ici... Plaignez- !
moi, mes charmants hôtes !
— Je voudrais bien voir ce que c'est qu'un j
,he.tman-, murmura Elise, avec l'intention mar- I
quée d'être entendue. j
r- Monsieur le comte, appela aussitôt le mil- '
lionnaire.. • I
Powschine, qui avait salué avec une exquise !
courtoisie et allait sortir avec le Frontin nègre, j
se retourna vers le jeune couple. !
— Pardon, poursuivit le Virg'inien ; mais si
nous Voulez réaliser la fantaisie d'une belle cu-
rieuse, au lieu d'entraîner votre BarbaN..., ame-
| nez-le.à notre fête.
j ' ' — Avant tout, ce sera le moyen de ne point
: nous priver Sitôt de votre présence, ajouta gra-
ticusement la fille d'Eve.
j — En vérité, articula avec une hésitation .ap- j
parente jç Russe, je voudrais répondre comme |
en Orient : entendre c'est .ob6ir, madame... Mais
mon Scythe est fi farouche et. si primitif... pour
! ne point dire grossier !...
Vous prétendiez qu'il devenait à.vefc vous
: souple comme un gant? Vous voyez bien, mon-
J fiieù.r, que vous vous vantiez, en vous donnant
j pour rival de Batty, de Carter ou de Van Am-
jli.urgh? ,,
Cette insistance, sous forme de plaisanterie, !
parut déterminer Pétrus. j
— Je veux que vous décidiez vous-même, [
belle châtelaine, fit-il en souriant, si je dois dé- j
chaîner mon ours de la. mer Noire dans le gala |
de votre manoir. Où pourrait-il subir votre juge-
ment, sans traverser la foule de vos invités? j
- — Justement il y a une communication di- !
recte entre cette pièce écartée et le rez-de-chaus- j
sée, déclara Willcomb. j
Il alla ouvrir une petite porte, dissimulée sous '
la tenture, et -le Moscovite, guidé par Cincinna- )
tus, disparut dans l'escalier de service. !
— Tu , "sais' que c'ô^t délicieux d'avoir peur... 1
pour rire? dit Elise, jtmieu,rée eJ), tête-à-tête |
avec Georges.
— Tu sais que ton anxiété honnête et modérée j
te rend tout bonnement adorable? repartit celui- :
ci, en s'asseyant près d'elle sur un moelleux '
divan. , i
Ils demeurèrent muets pendant quelques in..
stants, les yeux dans les yeux et la main dans la ;
main. j
Soudain, un bruit de pas précipités les sépara :
et Powschine sortit du passage secret., suivi d'un,
être soufflant, grondant, renâclant, qui tenait !
plus de l'orang-outang que de l'homme.
— Son Excellence l'hetman Markoff, annonça
d'un ton goguenard le comte. j
Le Cosaque Zaporogue avait bien le physique
de l'emploi, comme on dit au théâtre, j
On ne distinguait pas tout d'abord ce qui était '
poU humain ou fourrure bestiale dans l'ensemblg 1
de sa personne et de son costume. La laine rlA i
son bonnet d'astrakan se mêlait à sa chevelure
crépue et à se.s sourcils buissonneux ; sa barbe
hérissée et fauve se confondait avec le pelage
de renard garnissant sa houppelande.
De cette confusion de toisons diverses surgis-
sait un nez monumental, dcnt.Ies bourgeons ra-
contaient un vrai poëme bachique. Des petits
yeux gris, peut-être plus inquiets que féroces^
confirmaient, par leur obliquité, la ressemblance
de ce visage triangulaire avec une hure de san-
glier.
De longues bottes 'en cuir naturel, montant
presque jusqu'au ventre et enharnachées d'in-
terminables éperons; un grand sabre très-re-
epurbé, suspendu par des chaînettes d'argent à
un ceinturon de buffle ; des cartouchières cîr-
cassiennes sur la poitrine complétaient la couJ
leur locale du bizarre personnage. , j
En pénétrant dans la pièce, derrière Pétrus,'
l'étrange étranger disputait visiblement avec son
interlocuteur... Mous^écrivons « visiblement, »,
car Willèomb, qui savait cependant quelque peu:
de slave, ne comprit pas un traître mot de ce
que baragouinaient les arrivants.
Seulement au grognement continu du naturel
de la Scythie, aux syllabes gutturales qu'il lan."
çait avec un bruit de noix cassées, il était facile
de deviner en lui une colère... digne d'être qiMH
liftée par feu. le Père Duchesne.
(La suite à demain.)
JULES CAUVAIN.
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