Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-04-24
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 avril 1872 24 avril 1872
Description : 1872/04/24 (A6,N2175). 1872/04/24 (A6,N2175).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4715250w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
: 5 cent. le niiîaêro 1 1 ":~ 1. ~ JOURNAL QUOTIDIEN ; ---. F ' ; 1 i , ~. i -I. 1 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS — Trois mois Six mois Un an
Paris..:...,...... 5 fr. 9 fr. 18fr. .
Départements.... 6 11 tu
Administrateur : B01JRDILLIAT
1- ' ? fcqïifttêe. —'MERCREDI 24 AVRIL 1872. — N9 2175.^
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
1S, quai Voltaire
Succursale : 9, rue Drouot, 9
PARIS, 23 AVRIL 1872
DIALOGUES ET PROVERBES
POPULAIRES
Tous les désordres sociaux preTiennent
de l'igiioranee.
SORt!.
Personnages : -PREMIER ACHETEUR DE LA
PETITE PRESSE, DEUXIEME ACHETEUR, UN
INCONNU, UNE MARCH ANDE DE JOURNAUX.
La scène se passe sur le boulevard Beaumar-
chais, devant un kiosque.
PREMIER ACHETEUR (à la marchandé).
Pardon, m-adame, est-ce aujourd'hui que
paraît le premier numéro de la Petite Presse
transformée ?
LA MARCHANDE.
Il a déjà paru depuis trois jours.
DEUXIÈME ACHETEUR ET L'INCONNU (ensemble).
La Petite Presse, s'il vous plaît, ma-
dame.
LA MARCHANDE.
Il n'en reste plus qu'un exemplaire.
PREMIER 'ET DEUXIÈME ACHETEURS ET L'INCONNU (en-
semble).
Donnez-le-moi !
LA MARCHANDE (souriant).
Au quel des trois? Je suis bien embar-
rassé. Il me faudrait la sagesse de Salomon
pour trancher la. difficulté.
DEUXIÈME ACIRETEUP..-
La débitante a de la littérature 1
L'tNCONKU.
C'est le jugement de Pâris... au rebours : •
Vénus prononçant entre les trois bergers ; 1
seulement le prix est une feuille... de pa- :
pier, au lieu d'une pomme. i
PREMIER ACHETEUR. \ '
Une idée! Si nous faisions comme Sa-
lomon voulait faire pour l'enfant ? si nous
. coupions le journal par moitié ? l'un de nous
lirait, sur ce banc voisin, un des côtés, tan-
dis que les deux autres liraient concurrem- • (
ment l'autre côté. Nous éviterions ainsi de (
courir les kiosques et le risque de ne pas i
trouver de Petite Presse. (
DEUXIÈME ACHETEUR. (
J'accepte, à condition qu'on me donnera *
la première page, car j'achetais le journal1 ^
pour prendre connaissance du premier Dia-
logue populaire annoncé.
mm——
PREMIERI ACHETEUR ET L'INCONNU (ensemble).
Tiens ! et moi aussi !
, ; TROISIÈME ACHETEUR.
) C'est que, voyez-vous, je m'occupe d'eco-
'nomie sociale, moi, et je tiens à surveiller
ces publications où l'on a la prétention d'en-
seigner les principes au plus grand nom-
t brft; trop souvent on ne débite que de la
. ; science frelatée, on répète des erreurs sco-
las tiques ou des banalités non pratiquès, et
. jje protesterais auprès de l'auteur s'il tom-
bait dans des errements trop suivis par plus
d'un de ses confrères.
L'INCONNU.
Rassurez-vous, monsieur : j'ai, par ha-
sard, entendu l'écrivain dont vous parlez
développer ses idées à cet égard, et j'ai la
certitude qu'il ne prêchera pas ces doctrines
puériles. » Je ne ferai pas, disait-il, comme
ce bon M. Droz, qui, dans son livre intitulé
VArt. d'être heureux, indique comme moyens
de pratiquer cet art, la jouissance d'une
bonne santé et la possession de pas mal d'é-
cus de rente. Je n'imiterai pas non plus le
médecin qui, à une ouvrière gagnant à
gralld'peine quarante sous par jour, signe
l'ordonnance suivante « Du repos, la àam-
pagne, de la viande saignante et du boreaux.
— Eh ! docteur, pourrait répondre la pau-
vre malade, si votre science consiste dans
cette seule méthode, je n'ai pas besoin de
vos lumières, et je suis sûre de mourir!
Non ! point de ces pédantes et inutiles dis-
sertations ! Ce que je me propose, c'est d'é-
tudier les divers problèmes sociaux, de con-
cert avec mes lecteurs, en ne dissimulant
ini les difficultés, ni les objections, ni les
t doutes, mais en discutant sérieusement et
loyalement, sous. une forme aussi agréable
qu'il me sera possible, ce qui intéresse la
presque totalité des lecteurs. Je chercherai
à faire pour ces dialogues ce qui a réussi au
delà de mes espérances pour les Conseils
que je publiais dans la Petite Presse, »
Voilà ce que disait le rédacteur devant moi.
DEUXIÈME ACHETEUR.
Et cela me satisfait; je désire beaucoup
qu'on fasse pénétrer dans toutes les couches
de la société la notion des droits et des de-
voirs de chacun, qu'on montre l'harmonie
des intérêts et les avantages du bon sens,
car, ainsi que l'a écrit un auteur italien,
un peuple ignorant est un instrument inutile
pour le bien. '
PREMIER ACHETEUR. '
Voici une grande vérité que Voltaire a
d'ailieurs proclamée aussi, en disant que
Vignorance est la plus grande maladie du genre
humain. C'est, en effet, l'ignorance qui perd
le peuple et qui le rend la dupe des intri-
gants ou des fous.
; L'INCONNU.
Puisque vous vous lancez dans le champ
ides citations, je vais me risquer aussi, mes-
sieurs, bien que ma citation vienne et date,
de fort loin, puisque je l'ai lue dans un des:
•livres sacrés de l'Orient, le Zend-Avesta.
On croirait qu'elle a été inspirée par les
terribles événements dont la France a tant
«souffert; je vous en reproduis fidèlement les
termes : Si personne ne s'instruit, la mai-
son, la rue, la ville, la province, tout cela
disparaîtra au milieu de l'injustice et de la
mort! *
Î PREMIER ACHETEUR.
C'est une vraie prophétie ! Dieu veuille
qu'elle ne se réalise pas une seconde fois, et,
pour éviter de1 tels malheurs, il faut qu'en
mette à la portée de tous la science sociale.
Aussi les journaux à un sou font-ils œuvre
Utile en laissant quelque place, dans leurs
colonnes, à l'examen de ces importantes
questions qui influent si vivement sur le
sort des individus et des nations.
DEUXIÈME ACHETEUR
Oui, mais tout dépend, je le répète, de la
[ façon dont elles sont traitées et j'ai hâte de
voir... *
PREMIER ACHETEUR ... !
Oui, prenons vite la Petite Presse, et
lisons-la tous les trois, au soleil, pour cons- ;
tater si le programme tracé est réalisé. C'est I
tooi qui régale ! (A la marchande) Madame,
votre Phite Presse !
LA MARCHANDE (avec malice)
Elle est vendue ! Vous causez depuis si
longtemps que j'ai cru que vous m'aviez
oubliée; c'est ce maçon qui traverse la:
chaussée qui a acheté mon dernier numéro.
DEUXIÈME ACHETEUR (riant).
Toujours l'histoire du troisième larron
enfourchant l'âne pendant que les deux vo-
leurs se battent à qui l'aura.
PREMIER ACHETEUR.
Moi, je ne rentrerai pas bredouille! Je '
vais chercher le journal dans un autre kios-
que. Salut, messieurs! . ]
]
L'!NCONKU.
Je vous salue, en vous demandant toute- \
fois, avant de nous séparer, la permission ! ï
de recommander.à votre bienveillance les
Dialogues de mon ami.
DEUXIÈME ACHETEUR.
Vous vous y intéressez donc bien !
L'INCONNU.
Parbleu ! je ne puis vous le cacher plfe
longtemps; c'est moi qui suis
HENRI D'ALLEBER.
INFORMATIONS POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES
On télégraphie de Versailles, 22 avril, une
heure : '
Les bruits, qu'une grande revue militaire
serait passée prochainement à Paris, et que le
conseil municipal de Paris aurait offert ùn
banquet au président de la Réplique, ne sont
~ pas exacts. ' Il
Potimau, ministre de la marine,
' est attendu à Cherbourg, où il doit assister à
des expériences de torpilles.
De Cherbourg, le* ministre se rendra à
Bres - t,'Lorient et Rochefort. De là il reviendra
, a Pans, puis il repartira pour Toulon. Il aura
visité ainsi nos cinq grands ports militaires'.
ASSEMBLÉE NATIONALE
Versailles, 22 -avril.
. La séance est ouverte à deux heures UD
'quart.
On procède au tirage au sort des, bureaux.
1 M. Thiefs^ assiste, à'la séance. >
' M. le comte Jaubert demande à interpeller le •
| Gouvernement sur la suppression despasse-norts.
(Exclamatiens sur un grand nombre de bancs.)
La discussion de l'interpellation est lixée à sa-
: medî. ' m ,
M. Raoul Duval demande à interpeller le Gou-
vernement sur les manifestations hostiles à l'As-
semblée nationale qui ont eu lieu au Havre et à
Angers.
Une^voix à gauche. — C'est insensé. (Oh ' à
droite.) \
M. Victor Lefranc accepte ''interpe!Iation pour
jeudi. 4 j
M. le président propose la fixation d'e Tordre
du jour.
M. Victor Lefranc demande qu'à défaut de la
discussion des nouveaux impôts, que le retard
dans le dépôt du rapport de la commission des
tarifs peut faire ajourner, l'Assemblée discute la
loi sur l'organisation du conseil d'Etat, dont l'or-
gence est incontestable.
M. Gambetta. — Et la loi sur l'armée?
M. de Castellane, lU. Dahirel demandent éga-
lement -la mise à l'ordre du jour de la loi sur
l'armée.
M. le président. — Il n'y a pas de rapports
d impôts actuellement déposés, autrement j'au-
rais proposé à l'Assemblée de les mettre d'abord
à son ordre du jour.
N° 5. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
PREMIÈRE PARTIE
LA BATAILLE DES 860,000 FRANCS
V
Madame Paphos.
Avec quelque diligence qu'eussent été me-
nés leurs préparatifs,,, nos gens n'arrivèrent ;
qu après la toile levée:' Ils se placèrent dans
!I1^V GNOIRE* Spectatrice sérieuse, et, à la'
différence des habitues de première représen-
tation, venue consciencieusement pour voir et
non .pour être vue, la chiffonnière s'occupa
d abord, comme elle disait, «de rejoindre le fil
delarpièce. » Entre elle et l'Américain, au dé-
but de la soirée, ne se tint donc pas grande
conversation. Mais l'entr'acte venu :
i? drôle;, se prit à dire la brave fem-
me, -les - •rro?/Êrtsy je ne me les aurais pas figurés, î
des êtres tirés de la mythologie!
—- Commeat, chère madame, vous connais-
sez la mythologie ?
- S* je la connais! le plus beau de mon nez j
en est fait. Mme Paphos, c'est le nom qui.
m est généralement décerné i
— Il est singulier ce nom, mais d'où vous
vient-il?
— Pas de famille/ bien sûr ; mais de ce que
dans ma jeunesse, comme Belle Limonadière,
j ai tenu le comptoir du Jardin de Paphos, un'
établissement. dans le genre qu'est aujour-
d'hui le Bal d'Idalie à Vincennes ; d'où le so-
briquet ne m'en a'jamais quittée.
—Au fait, remarqua galamment Willcomb,,
dans votre jeune temps, vous avez 'dû très-
agréablement achalan'der un comptoir.
— J'entends, que, sans leur-z-attirail de chi-,
gnon et de crinoline, on aurait pu encore ba-
lançer. pour Je prix de la beauté, cette ma-
dame de tantôt, chez le changeur... que, tenez!
la via là-bas, se carrant dans une avant-
scène, ornée d'un bouquet à falloir un âne
pour le porter !
— Oui, dit l'Américain, c'est effectivement
cette creature! Et quand vous ne l'auriez pas
primée par la figure, une chose dont je suis
certain, c est que vous valiez mieux qu'elle
par la conduite et par les sentiments. i
— La conduite, la conduite.! faudrait pas I
trop s 'avalicer!... On est jeune, fortement i
adulée par ces serpents d'hommes; mais, par I
exemple, de mon temps, ce qui n'était pas
notre genre, c'était de s'en aller tout chaud '
placer l 'argenel. Comme elle venait, voyez- !
vous, on la dépensait. ,y
— Et bien vous faisiez, ma chère; je ne I
connais rien de hideux comme ces spécula-
trices qui ont leurs charmes pour capital.
Je vous comprends; faire circuler la
monnaie, c est plus grand, c'est plus noble;
mais aussi est-ce bien circonspect?... L'âgé. '
les majadiës arrivent. : alers qu'est-ce qu'on a
1:.11' la pianc-hc? Un Et 'dans un hospice ou un
beau matin de comparaître à la Morgue,
comme il n'a pas été loin de m'arriver.
— Malheureuse! s'écria Willcomb, vous
avez eu des idées de suicide !
— Des idées! vous êtes bien honnête:
qu'il ne s'en a fallu que d'un cheveu !
Un soir, sur le Pont-au-Change, à l'endroit
le plus bouillonnant de la Seine, quelqu'un
de ma connaissance avait la jambe levée pour
passer le parapet !...
— Folle que vous étiez ! qui vous a re-
j tenue ? j
i — Qui ? Parbleu ! donc, le papa Cambronne
| passant dans eet instant : il m'empoigne à !
bras-le-corps et avec une voix, que, parole
d'honneur, elle me fit l'effet d'entendre mon
père : « Allons donc, madame, allons dore !
qu'il me crie, est-ce que ces choses-là se
'font ? »
— Il -avait cent fois raison, le digne
homme !
' — Certes,. oui,' qu'il avait raison. Puis-
qu'après m'avoir échappée, nie met tant le
crochet à la main-, un métier où l'apprentis-
sage n'est pas IOi2!}ue, il me fit connaître que j
par le travail on est tOt,1jOlll'? susceptible de j
gagner sa vie, et de la rebadigeonner d'une j
devanture décente à pouvoir aspirer l'estime j
des honnêtes gens.'
— Ah çà! dit l'Américain,, c'est donc un j-
apôtre que ce père Cambronne? j
: — Un apôtre, je île vous dirai pas; mais, : <
dans tout Paris, ils l'ont baptise du Chiffon-]■.
:nie1' philosopha, de ce qu'au premier coin de ,•
rue, quand sa mouche le pique de parler, il ;
vous-fait un -(Us¡}OU}'S au ¡:¡papIe, fanîô!. sur la ■
morale, tantôt comment qu'un hemme doit I
se conduire dans son ménage, et que le lundi-
et le cabaret sont les teignes de l'ouvrier.
D'autres fois, il vous professera les maniè-
res, la politesse,, et qu'il n'est pas convenable
de se moucher autrement qu'avec un mou- ~
choir; car, vous-même, vous avez pu voir,.c'est
un homme qui sait se présenter,*; il ne passera
jamais auprès d'une femme d'âge ou d'un dé-
coré sans porter la main à son chapeau, et
toujours un mot galant pour une bonne, une
jeune ouvrière ou une marchande sur la porte* '
s'entend qu'elles soient jolies...
I' — Mais ce rude métier de chiffonnier, avec !
son intelligence et son bon air, qui diable a
pu l'y entraîner?
— Je vas vous dire..., le père Cambronne,
c'est un homme qu'est pour la liberté, an-,
cien militaire, et ensuite, instituteur dans la
pl'irnàih, n'a pas pu marcher- avec la Préfec-
ture, de' ce qu'il n'était pas dans son idée de
se mêler parmi les tripotages pour les dépu-
tés. Venu à Paris avec de riches économies,
je m'en vante, sur son appointement de 600
francs, pas quarante sous à manger par jour,
avec femme et enfant, a eu le malheur de
perdre, son épouse après s'être achevé de rai- ,
ner par sa maladie; alors, sans autres res-
sources, s'est mis dans la loque, comme l'état
le plus facile à faire et le plus indépendant .
auquel il puisse se conformer.
; — C'est très-beau, l'indépendance, dit
WHIccmb, mais vit-on au moins, de la lo-
,CUII,q ■
Ï — Çomment, si on vit? Que le père Cam-
brojine; par J exemple de ses vertus, vous a
hchj; .une 'autr«; tournure à 1:1 corporation et
obton;; j>:n'^m<'.n?.at.îon des salaires et fondé
ïïk _£'Vbt)jc;ii peur lu bormo conduite des tra-
yoir le numéro d'hier -
: 5 cent. le niiîaêro 1 1 ":~ 1. ~ JOURNAL QUOTIDIEN ; ---. F ' ; 1 i , ~. i -I. 1 5 cent. le numéro
ABONNEMENTS — Trois mois Six mois Un an
Paris..:...,...... 5 fr. 9 fr. 18fr. .
Départements.... 6 11 tu
Administrateur : B01JRDILLIAT
1- ' ? fcqïifttêe. —'MERCREDI 24 AVRIL 1872. — N9 2175.^
RÉDACTION ET ADMINISTRATION
1S, quai Voltaire
Succursale : 9, rue Drouot, 9
PARIS, 23 AVRIL 1872
DIALOGUES ET PROVERBES
POPULAIRES
Tous les désordres sociaux preTiennent
de l'igiioranee.
SORt!.
Personnages : -PREMIER ACHETEUR DE LA
PETITE PRESSE, DEUXIEME ACHETEUR, UN
INCONNU, UNE MARCH ANDE DE JOURNAUX.
La scène se passe sur le boulevard Beaumar-
chais, devant un kiosque.
PREMIER ACHETEUR (à la marchandé).
Pardon, m-adame, est-ce aujourd'hui que
paraît le premier numéro de la Petite Presse
transformée ?
LA MARCHANDE.
Il a déjà paru depuis trois jours.
DEUXIÈME ACHETEUR ET L'INCONNU (ensemble).
La Petite Presse, s'il vous plaît, ma-
dame.
LA MARCHANDE.
Il n'en reste plus qu'un exemplaire.
PREMIER 'ET DEUXIÈME ACHETEURS ET L'INCONNU (en-
semble).
Donnez-le-moi !
LA MARCHANDE (souriant).
Au quel des trois? Je suis bien embar-
rassé. Il me faudrait la sagesse de Salomon
pour trancher la. difficulté.
DEUXIÈME ACIRETEUP..-
La débitante a de la littérature 1
L'tNCONKU.
C'est le jugement de Pâris... au rebours : •
Vénus prononçant entre les trois bergers ; 1
seulement le prix est une feuille... de pa- :
pier, au lieu d'une pomme. i
PREMIER ACHETEUR. \ '
Une idée! Si nous faisions comme Sa-
lomon voulait faire pour l'enfant ? si nous
. coupions le journal par moitié ? l'un de nous
lirait, sur ce banc voisin, un des côtés, tan-
dis que les deux autres liraient concurrem- • (
ment l'autre côté. Nous éviterions ainsi de (
courir les kiosques et le risque de ne pas i
trouver de Petite Presse. (
DEUXIÈME ACHETEUR. (
J'accepte, à condition qu'on me donnera *
la première page, car j'achetais le journal1 ^
pour prendre connaissance du premier Dia-
logue populaire annoncé.
mm——
PREMIERI ACHETEUR ET L'INCONNU (ensemble).
Tiens ! et moi aussi !
, ; TROISIÈME ACHETEUR.
) C'est que, voyez-vous, je m'occupe d'eco-
'nomie sociale, moi, et je tiens à surveiller
ces publications où l'on a la prétention d'en-
seigner les principes au plus grand nom-
t brft; trop souvent on ne débite que de la
. ; science frelatée, on répète des erreurs sco-
las tiques ou des banalités non pratiquès, et
. jje protesterais auprès de l'auteur s'il tom-
bait dans des errements trop suivis par plus
d'un de ses confrères.
L'INCONNU.
Rassurez-vous, monsieur : j'ai, par ha-
sard, entendu l'écrivain dont vous parlez
développer ses idées à cet égard, et j'ai la
certitude qu'il ne prêchera pas ces doctrines
puériles. » Je ne ferai pas, disait-il, comme
ce bon M. Droz, qui, dans son livre intitulé
VArt. d'être heureux, indique comme moyens
de pratiquer cet art, la jouissance d'une
bonne santé et la possession de pas mal d'é-
cus de rente. Je n'imiterai pas non plus le
médecin qui, à une ouvrière gagnant à
gralld'peine quarante sous par jour, signe
l'ordonnance suivante « Du repos, la àam-
pagne, de la viande saignante et du boreaux.
— Eh ! docteur, pourrait répondre la pau-
vre malade, si votre science consiste dans
cette seule méthode, je n'ai pas besoin de
vos lumières, et je suis sûre de mourir!
Non ! point de ces pédantes et inutiles dis-
sertations ! Ce que je me propose, c'est d'é-
tudier les divers problèmes sociaux, de con-
cert avec mes lecteurs, en ne dissimulant
ini les difficultés, ni les objections, ni les
t doutes, mais en discutant sérieusement et
loyalement, sous. une forme aussi agréable
qu'il me sera possible, ce qui intéresse la
presque totalité des lecteurs. Je chercherai
à faire pour ces dialogues ce qui a réussi au
delà de mes espérances pour les Conseils
que je publiais dans la Petite Presse, »
Voilà ce que disait le rédacteur devant moi.
DEUXIÈME ACHETEUR.
Et cela me satisfait; je désire beaucoup
qu'on fasse pénétrer dans toutes les couches
de la société la notion des droits et des de-
voirs de chacun, qu'on montre l'harmonie
des intérêts et les avantages du bon sens,
car, ainsi que l'a écrit un auteur italien,
un peuple ignorant est un instrument inutile
pour le bien. '
PREMIER ACHETEUR. '
Voici une grande vérité que Voltaire a
d'ailieurs proclamée aussi, en disant que
Vignorance est la plus grande maladie du genre
humain. C'est, en effet, l'ignorance qui perd
le peuple et qui le rend la dupe des intri-
gants ou des fous.
; L'INCONNU.
Puisque vous vous lancez dans le champ
ides citations, je vais me risquer aussi, mes-
sieurs, bien que ma citation vienne et date,
de fort loin, puisque je l'ai lue dans un des:
•livres sacrés de l'Orient, le Zend-Avesta.
On croirait qu'elle a été inspirée par les
terribles événements dont la France a tant
«souffert; je vous en reproduis fidèlement les
termes : Si personne ne s'instruit, la mai-
son, la rue, la ville, la province, tout cela
disparaîtra au milieu de l'injustice et de la
mort! *
Î PREMIER ACHETEUR.
C'est une vraie prophétie ! Dieu veuille
qu'elle ne se réalise pas une seconde fois, et,
pour éviter de1 tels malheurs, il faut qu'en
mette à la portée de tous la science sociale.
Aussi les journaux à un sou font-ils œuvre
Utile en laissant quelque place, dans leurs
colonnes, à l'examen de ces importantes
questions qui influent si vivement sur le
sort des individus et des nations.
DEUXIÈME ACHETEUR
Oui, mais tout dépend, je le répète, de la
[ façon dont elles sont traitées et j'ai hâte de
voir... *
PREMIER ACHETEUR ... !
Oui, prenons vite la Petite Presse, et
lisons-la tous les trois, au soleil, pour cons- ;
tater si le programme tracé est réalisé. C'est I
tooi qui régale ! (A la marchande) Madame,
votre Phite Presse !
LA MARCHANDE (avec malice)
Elle est vendue ! Vous causez depuis si
longtemps que j'ai cru que vous m'aviez
oubliée; c'est ce maçon qui traverse la:
chaussée qui a acheté mon dernier numéro.
DEUXIÈME ACHETEUR (riant).
Toujours l'histoire du troisième larron
enfourchant l'âne pendant que les deux vo-
leurs se battent à qui l'aura.
PREMIER ACHETEUR.
Moi, je ne rentrerai pas bredouille! Je '
vais chercher le journal dans un autre kios-
que. Salut, messieurs! . ]
]
L'!NCONKU.
Je vous salue, en vous demandant toute- \
fois, avant de nous séparer, la permission ! ï
de recommander.à votre bienveillance les
Dialogues de mon ami.
DEUXIÈME ACHETEUR.
Vous vous y intéressez donc bien !
L'INCONNU.
Parbleu ! je ne puis vous le cacher plfe
longtemps; c'est moi qui suis
HENRI D'ALLEBER.
INFORMATIONS POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES
On télégraphie de Versailles, 22 avril, une
heure : '
Les bruits, qu'une grande revue militaire
serait passée prochainement à Paris, et que le
conseil municipal de Paris aurait offert ùn
banquet au président de la Réplique, ne sont
~ pas exacts. ' Il
Potimau, ministre de la marine,
' est attendu à Cherbourg, où il doit assister à
des expériences de torpilles.
De Cherbourg, le* ministre se rendra à
Bres - t,'Lorient et Rochefort. De là il reviendra
, a Pans, puis il repartira pour Toulon. Il aura
visité ainsi nos cinq grands ports militaires'.
ASSEMBLÉE NATIONALE
Versailles, 22 -avril.
. La séance est ouverte à deux heures UD
'quart.
On procède au tirage au sort des, bureaux.
1 M. Thiefs^ assiste, à'la séance. >
' M. le comte Jaubert demande à interpeller le •
| Gouvernement sur la suppression despasse-norts.
(Exclamatiens sur un grand nombre de bancs.)
La discussion de l'interpellation est lixée à sa-
: medî. ' m ,
M. Raoul Duval demande à interpeller le Gou-
vernement sur les manifestations hostiles à l'As-
semblée nationale qui ont eu lieu au Havre et à
Angers.
Une^voix à gauche. — C'est insensé. (Oh ' à
droite.) \
M. Victor Lefranc accepte ''interpe!Iation pour
jeudi. 4 j
M. le président propose la fixation d'e Tordre
du jour.
M. Victor Lefranc demande qu'à défaut de la
discussion des nouveaux impôts, que le retard
dans le dépôt du rapport de la commission des
tarifs peut faire ajourner, l'Assemblée discute la
loi sur l'organisation du conseil d'Etat, dont l'or-
gence est incontestable.
M. Gambetta. — Et la loi sur l'armée?
M. de Castellane, lU. Dahirel demandent éga-
lement -la mise à l'ordre du jour de la loi sur
l'armée.
M. le président. — Il n'y a pas de rapports
d impôts actuellement déposés, autrement j'au-
rais proposé à l'Assemblée de les mettre d'abord
à son ordre du jour.
N° 5. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
PREMIÈRE PARTIE
LA BATAILLE DES 860,000 FRANCS
V
Madame Paphos.
Avec quelque diligence qu'eussent été me-
nés leurs préparatifs,,, nos gens n'arrivèrent ;
qu après la toile levée:' Ils se placèrent dans
!I1^V GNOIRE* Spectatrice sérieuse, et, à la'
différence des habitues de première représen-
tation, venue consciencieusement pour voir et
non .pour être vue, la chiffonnière s'occupa
d abord, comme elle disait, «de rejoindre le fil
delarpièce. » Entre elle et l'Américain, au dé-
but de la soirée, ne se tint donc pas grande
conversation. Mais l'entr'acte venu :
i? drôle;, se prit à dire la brave fem-
me, -les - •rro?/Êrtsy je ne me les aurais pas figurés, î
des êtres tirés de la mythologie!
—- Commeat, chère madame, vous connais-
sez la mythologie ?
- S* je la connais! le plus beau de mon nez j
en est fait. Mme Paphos, c'est le nom qui.
m est généralement décerné i
— Il est singulier ce nom, mais d'où vous
vient-il?
— Pas de famille/ bien sûr ; mais de ce que
dans ma jeunesse, comme Belle Limonadière,
j ai tenu le comptoir du Jardin de Paphos, un'
établissement. dans le genre qu'est aujour-
d'hui le Bal d'Idalie à Vincennes ; d'où le so-
briquet ne m'en a'jamais quittée.
—Au fait, remarqua galamment Willcomb,,
dans votre jeune temps, vous avez 'dû très-
agréablement achalan'der un comptoir.
— J'entends, que, sans leur-z-attirail de chi-,
gnon et de crinoline, on aurait pu encore ba-
lançer. pour Je prix de la beauté, cette ma-
dame de tantôt, chez le changeur... que, tenez!
la via là-bas, se carrant dans une avant-
scène, ornée d'un bouquet à falloir un âne
pour le porter !
— Oui, dit l'Américain, c'est effectivement
cette creature! Et quand vous ne l'auriez pas
primée par la figure, une chose dont je suis
certain, c est que vous valiez mieux qu'elle
par la conduite et par les sentiments. i
— La conduite, la conduite.! faudrait pas I
trop s 'avalicer!... On est jeune, fortement i
adulée par ces serpents d'hommes; mais, par I
exemple, de mon temps, ce qui n'était pas
notre genre, c'était de s'en aller tout chaud '
placer l 'argenel. Comme elle venait, voyez- !
vous, on la dépensait. ,y
— Et bien vous faisiez, ma chère; je ne I
connais rien de hideux comme ces spécula-
trices qui ont leurs charmes pour capital.
Je vous comprends; faire circuler la
monnaie, c est plus grand, c'est plus noble;
mais aussi est-ce bien circonspect?... L'âgé. '
les majadiës arrivent. : alers qu'est-ce qu'on a
1:.11' la pianc-hc? Un Et 'dans un hospice ou un
beau matin de comparaître à la Morgue,
comme il n'a pas été loin de m'arriver.
— Malheureuse! s'écria Willcomb, vous
avez eu des idées de suicide !
— Des idées! vous êtes bien honnête:
qu'il ne s'en a fallu que d'un cheveu !
Un soir, sur le Pont-au-Change, à l'endroit
le plus bouillonnant de la Seine, quelqu'un
de ma connaissance avait la jambe levée pour
passer le parapet !...
— Folle que vous étiez ! qui vous a re-
j tenue ? j
i — Qui ? Parbleu ! donc, le papa Cambronne
| passant dans eet instant : il m'empoigne à !
bras-le-corps et avec une voix, que, parole
d'honneur, elle me fit l'effet d'entendre mon
père : « Allons donc, madame, allons dore !
qu'il me crie, est-ce que ces choses-là se
'font ? »
— Il -avait cent fois raison, le digne
homme !
' — Certes,. oui,' qu'il avait raison. Puis-
qu'après m'avoir échappée, nie met tant le
crochet à la main-, un métier où l'apprentis-
sage n'est pas IOi2!}ue, il me fit connaître que j
par le travail on est tOt,1jOlll'? susceptible de j
gagner sa vie, et de la rebadigeonner d'une j
devanture décente à pouvoir aspirer l'estime j
des honnêtes gens.'
— Ah çà! dit l'Américain,, c'est donc un j-
apôtre que ce père Cambronne? j
: — Un apôtre, je île vous dirai pas; mais, : <
dans tout Paris, ils l'ont baptise du Chiffon-]■.
:nie1' philosopha, de ce qu'au premier coin de ,•
rue, quand sa mouche le pique de parler, il ;
vous-fait un -(Us¡}OU}'S au ¡:¡papIe, fanîô!. sur la ■
morale, tantôt comment qu'un hemme doit I
se conduire dans son ménage, et que le lundi-
et le cabaret sont les teignes de l'ouvrier.
D'autres fois, il vous professera les maniè-
res, la politesse,, et qu'il n'est pas convenable
de se moucher autrement qu'avec un mou- ~
choir; car, vous-même, vous avez pu voir,.c'est
un homme qui sait se présenter,*; il ne passera
jamais auprès d'une femme d'âge ou d'un dé-
coré sans porter la main à son chapeau, et
toujours un mot galant pour une bonne, une
jeune ouvrière ou une marchande sur la porte* '
s'entend qu'elles soient jolies...
I' — Mais ce rude métier de chiffonnier, avec !
son intelligence et son bon air, qui diable a
pu l'y entraîner?
— Je vas vous dire..., le père Cambronne,
c'est un homme qu'est pour la liberté, an-,
cien militaire, et ensuite, instituteur dans la
pl'irnàih, n'a pas pu marcher- avec la Préfec-
ture, de' ce qu'il n'était pas dans son idée de
se mêler parmi les tripotages pour les dépu-
tés. Venu à Paris avec de riches économies,
je m'en vante, sur son appointement de 600
francs, pas quarante sous à manger par jour,
avec femme et enfant, a eu le malheur de
perdre, son épouse après s'être achevé de rai- ,
ner par sa maladie; alors, sans autres res-
sources, s'est mis dans la loque, comme l'état
le plus facile à faire et le plus indépendant .
auquel il puisse se conformer.
; — C'est très-beau, l'indépendance, dit
WHIccmb, mais vit-on au moins, de la lo-
,CUII,q ■
Ï — Çomment, si on vit? Que le père Cam-
brojine; par J exemple de ses vertus, vous a
hchj; .une 'autr«; tournure à 1:1 corporation et
obton;; j>:n'^m<'.n?.at.îon des salaires et fondé
ïïk _£'Vbt)jc;ii peur lu bormo conduite des tra-
yoir le numéro d'hier -
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