Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1872-04-23
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 23 avril 1872 23 avril 1872
Description : 1872/04/23 (A6,N2174). 1872/04/23 (A6,N2174).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47152497
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 23/10/2017
LA PETITE PRESSE
5 cent. le numéro ^0..Qi/7^\: • JOURNAL QUOTIDIEN l .' }■' ' 5 cent. le nu.mé'ro
ABONNEMENTS — Trois mois Six mois Un an
Paris.. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
1, , Départements.... 6 11 22
1 1 . Administrateur : BOURDILLIAT
S
i L r. 1- ~ année. — IAIiIH 23'AVRIL 1872. — N' 217 -4.
RÉBACTION ET ADMINISTRATION
15, quai Voltaire
Succursale : 9, rue Drouot, 9
PARIS, 22 AVRIL 1872
LES HUITRES
- Une grande nouvelle a circulé ces jours
derniers et le monde gastronomique & très-,
sailli de joie.
Les huîtres que les gourmets déshérités
. de la fortune ne pouvaient plus s'offrir au
déjeuner quotidien, les huîtres vont revenir
à des prix abordables.
Deux Français viennent de se rendre ac-
quéreurs de toutes les huîtrières du Tage :
soixante-quinze kilomètres d'étendue, vingt
et un millions de mètres carrés de bancs
pouvant fournir actuellement plus de deux
cents millions de douzaines d'huîtres excel-
lentes. •
Cette exploitation va être' complétée par
l'élablissement de vastes parcs où les pré-
cieux-coquillages seront emmagasinés tant
pour servir à la consommation locale cyie
pour être expédiés en France.
Les concessionnaires ne se proposent pas
seulement de spéculer sur la richesse de
leurs huîtrières.
Ils veulent aussi repeupler les parcs de
notre pays qui en ont grand besoin, car le
mal est plus grand qu'on ne le pense et,
si les bivalves portugais ne venaient point à
notre secours, nous serions menacés de
payer bientôt cinq francs la simple douzaine
qui coûtait douze sous aux temps heureux
de ma jeunesse.
S'il ne s'agissait pour nous que de renon-
cer à une des joies du repas de la matinée,
j'avoue que je m'en consolerais.
La France a perdu tant de choses, depuis
deux ans qu'elle n'en est plus à regretter 'un
mets agréable et elle , a d'autres soucis que
les huîtres..
Mais la question a une tout autre impor-
tance.
Il y va d'une des industries les plus inté-
ressantes de nos provinces du littoral et
nous sommes menacés de voir tarir une
source importante de notre richesse mari-
time.
Car, il faut qu'on le'sache, l'élévation de
prix dont nous nous plaignons n'est point
du fait des restaurateurs.
On pourrait s'y tromper, et, pour d'autres
comestibles, ces messieurs n'hésitent pas à
les coter plus haut, quoiqu'ils ne les aient
pas achetés plus cher.
, Pendant l'Exposition universelle, pen-
dant le. siége, toutes les denrées alimen-
taires avaient augmenté, ce qui était assez
naturel, mais ce qui l'est moins, c'est qu'el-
les n'ont pas diminué depuis.
La carte des restaurants ressemble à un
thermomètre qui monterait au moindre
coup de soleil et qui ne descendrait jamais.
, Malheureusement pour nos populations
des côtes, les huîtres font exception à la
règle inventée par les entrepreneurs de ré-
fection.
Elles ,sont chères parce qu'elles sont rares.
Pour vous donner une idée de l'effrayante
dépopulation qui menace d'anéantir nos
bancs, il me suffira de vous citer un fait.
Les pêcheurs de Granville qui exploitent
la célèbre baie de Cancale vendaient, il n'y
a pas bien longtemps, pour quinze cent
mille francs d'huîtres chaque année.
Ce que cette grosse somme répandait
d'aisance dans une petite ville de douze à
quinze mille âmes, il est inutile de le faire
ressortir.
Eh bien ! la production est tombée brus-
quement à trois cent mille francs, quoique
le prix du coquillage ait triplé. 1
D'où vient cet abaissement subit ?
Il est d'autant plus anormal que la nature
ne ,procède jamais par bonds et que, depuis
la création du monde,, les dons de Dieu se
répartissent, sinon également, du moins
périodiquement sur cette terre.
Le hareng et la sardine arrivent dans la
Manche et dans l'Océan presque à jour fixe,
le thon vient régulièrement se faire prendre
au mois de mai sur nos côtes médi'terra-
néennes.
Les écapts auxquels se livrent en ce mo-
ment les huîtres sont donc bien faits pour
étonner les observateurs.
Je me suis enquis des causes de ce phé-
nomène et voici ce que j'ai appris.
1 D'abord, les pêcheurs prétendent que les
procédés de pisciculture inventés par le sa-
vant M. Coste ont produit un effet diamé- t
tralement opposé à celui qu'on attendait.
Ils 'affirment que les corps étrangers,
claies, branchages et autres, qu'on a jetés
au fond de nos baies pour favoriser l'éclo-
sion et le développement du naissin, ont au
contraire dérangé les habitudes de repro-
duction de ces intéressants coquillages.
Les jeunes huîtres seraient, à les enten-
dre, d'un naturel susceptible et ne peuvent
pas souffrir d'être mises en nourrice.
Je me hâte d'ajouter que je me récuse
sur ce point délicat et je me garderai bien
de prendre parti pour ou contre l'Institut.
Un fait qui me paraît malheureusement
beaucoup plus certain, c'est l'apparition ré-
cente d'une espèce de parasite marin, le-
quel s'attache aux pauvres bivalves en bas-
âge et les fait prématurément périr, sans
prendre le moindre souci des plaisirs de nos
tables.
Ce vilain animal est, à proprement par-
ler, l'oïdium de l'huître, et il devient urgent
de lui découvrir un insecticide.
Mais, quels que soient les ravages qu'il
exerce, il ne serait pas juste d'en faire une
sorte de bouc émissaire des mers en le charj
geant des méfaits de la race humaine.
Les plus coupables en cette affaire sont
peut-être les pêcheurs eux-mêmes.
Depuis des années, ils se servent d'un en-
gin de fer qu'on appelle, si je lie me trom-
pe, un chalut, et qui, traîné au fond de la
mer, râcle les bancs et les bouleverse com-
plètement.
Il est vrai que, par ce procédé radical, un
bateau ramasse beaucoup plus d'huîtres dans
une journée de pêche.
Mais, en réalité, cela s'appelle manger
son blé en herbe.
Et je ne puis pas m'empêcher de tirer de
lû une comparaison avec les faits auxquels
nous assistons depuis deux ans.
La règle est en horreur à tout le monde,
& semble que toute entrave gouvernemen-
tale, administrative ou même sociale, soit
un mur de prison qu'il s'agit de renverser
à tout prix.
On commence par démolir les digues,
sans s'inquiéter de savoir si la marée ne
viendra pas inonder les champs qu'elles
protègent.
C'est ainsi que nous avons vu à Paris des
gens, plus honnêtes qu'intelligents, deman-
der la suppression des sergents de ville et
déplorer plus tard les abominations de la
Commune. ~
Jo connais encore aujourd'hui de ver-
tueux imbéciles qui se plaignent d'avoir été
pillés et incendiés et qui ne peuvent pas
voir un représentant de l'autorité sans fron-
cer le sourcil.
De même, combien de fois ' n'ai-je pas
entendu nos marins granvillais se plaindre
amèrement des réglementations qu'on leur
imposait!
Ils ne pouvaient pêcher qu'à certains
jours, draguer que pendant un certain
nombre d'heures; les bancs qu'on devait;.
exploiter étaient désignés par un commis-
saire et la récolte ne s'opérait que sous sa
surveillance.
Dieu sai^si on maudissait ces restrictions
qui empêchaient, prétendait-on, les pauvres
gens de gagner leur vie.
Rien pourtant n'était plus raisonnable, et
cet aménagement à. la façon des coupes ré-
glées de nos bois de l'Etat assurait pour de
longues années un revenu régulier aux pé-
cheurs.
' Que n'a-t-on toujours observé ces lois
prudentes !
Nous n'en serions peut-être pas réduits à
emprunter des exemples de sagesse à l'An-
gleterre et des huîtres au Portugal. ,
ROBINSON.
INFORMATIONS POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES
T4 Journo), officiel donne un résumé de la si-
fQâ&on politique et militaire dans les pro-
vinces de l'Algérie, de laquelle il ressort que
le calme le plus complet règu dans les divi-
sions d'Alger, d'Oran et de Constantine.
Une circulaire du ministre des finances pro-
roge jusqu'au 25 mai prochain le délai ac-
cordé pour éehanger les anciens papiers ,tim-
brés contre les nouveaux et pour acquitter les
suppléments de droits établis par la loi da
23 août 1871.
La préfecture de la Seine vient de faire af-
ficher un arrêté, qui ordonne, conformé-
ment à la loi du 12 avril 1872, le recensement
des habitants de Paris et des arrondissements -
de Saint-Danis et de Sceaux.
Cette opération aura lieu du 1" mai au
5 juin, et l'arrêté invite tous les citoyens à
donner aux recenseurs tous les renseigne-
ments nécessaires à l'accomplissement de leur
mission.
Ce recensement présentera un intérêt tout
spécial en permettant d'apprécier d'une ma-
nière officielle l'influence exercée sur la popu-
lation parisienne par le siége et par la Com-
mune.
Le conseil général de Seine-et-Oise réclame
l'Etat, représenté par le ministre de l'inté-
rieur, le payement du loyer dû pour l'hôtel
de la préfecture, affecté au logement du Pré-
sident de la République. :
Il ne s'agit de rien moins que d'une somme
de 100,000 francs. .1
Même après les réductions de son budget,
la marine française occupe le second rang en
Europe Le budget de la marine anglaise est
de 240 millions de francs ; le nôtre s'élève à
147,677,600 fr. Les Anglais ont 19S bâtiments
à la mer; nous en avons 104, avec une forte
réserve dans nos ports.
N° 4. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
PREMIÈRE PARTIE
LA BATAILLE DES 800,000 FRANCS
IV
Transfiguration.
Nous en sommes désespéré pour le lecteur,
mais le réjouissant spectacle dont déjà, sans
doute, il se faisait fête, ne lui sera pas donné.
Nous ne verrons pas nos deux prolétaires
subitement transportés dans les hautes ré-
gions de la gastronomie transcendante, y com-
mettre les naïves gaucheries et les amusants
quiproquos auxquels un luxe de table, pour
eux entièrement nouveau et inconnu, n'au-
rait pas manqué de donner ouverture.
Le dîner projeté n'eut pas lieu.
Pour décliner l'invitation dont il avait été
honoré, le père Cambronne parla d'une affaire
qui réclamait immédiatement ses soins, et,
comme dans ce dérangement imprévu, Will-
comb ne voulait voir qu'une méchante ex-
cuse :
, ~7 Non, pour de vrai, dit la chiffonnière, il
a 11çpil ouvert sur quelque chose j
que je l'ai informé ; même que ça pressait
pour m'avoir décidée à entrer chez ce débi-
tant d'or, où j'ai été si chouettement reçue.
— D'ailleurs, reprit le chiffonnier, envisa-
geant à un point de vue philosophique le dî-
ner dont il entendait se dispenser, l'homme
du peuple ne doit pas s'initier dans des habi-
tudes et des fréquentations usurpatrices. Au-
jourd'hui, enivré de vins exquis, poussé des
nourritures les plus succulentes, que diraient
demain à mon estomac la pâtée de pommes
de terres et le litre de petit bleu ? Comme la
| chèvre, -le prolétaire n'a pas à brouter hors des
| limites qu'il est attaché.
» Cela dit, il cria au cocher d'arrêter, reprit
sa hotte, qu'il endossa ; ensuite, saluant de
son crochet, comme un militaire de son
épée :
— A l'honneur, monsieur ! fit-il.
Et il reprit sa course accoutumée à travers
de Paris nocturne. j
Voyant qu'à la suite de son camarade, la
chiffonnière faisait mine aussi de lui fausser
>■ compagnie :
— Du tout, du tout, vous me restez, vous,
la mère, lui dit vVillcomb, qui n'entendait
pas avoir le démenti complet de son idée; au-
cune affaire ne vous commande et les femmes
ne creu:-ent pas savamment le lendemain, à
la manière de votre illustre ami; elles pren-
nent le temps comme il vient.
— C'est possible ; mais dites donc, compère,
un dîner au restaurant en tête-à-tête, savez-
vous que c'est un peu compromettant !
— Ma chère dame, vous ne connaissez guère
les mœurs de mon pays. Est-ce que nous res-
semblons à vos évaporés de Français? En
, Amérique, une fille de seize ans fait, côte à i
côte avec un homme de vingt ans, un
' voyage de cinq cents lieues, sans être exposée
à entendre une parole dont sa pudeur puisse
s'éffaroucher.
— Je veux vous croire, quoique c'est assez
drôle, mais voilà le vrai de l'affaire: Je ne
serais pas susceptible de faire honneur à votre
repas. Je sortais de chez mon Véfour, quand
j'ai rejoint le père Cambronne. Ce qui est
cause, une supposition que vous eussiez l'idée
de me faire une politesse ; eh bien, il y en a
une, je vous l'avoue avec franchise, qui me'
chausserait peut-être mieux qu'un dîner.
— Ce serait? demanda Willcomb.
— Vous avez entendu, chez le changeur,
cette madame à chignon, que vous avez si pro-
prement remouchée? Est-ce qu'elle ne parlait
pas, pour ce soir, d'une première au Lyrique?
— Oui la première représentation des Troyens
de Berlioz.
— C'est ça même, les Troyens! que j'avais
vu tantôt ce nom-là sur une affiche â rem-
plir ce soir la moitié de ma hotte, quand il
sera l'heure de l'y transvaser. Les Troyens
qu'est-ce que ça peut être, que je m'étais de-
mandé. Mais tout de même, faut que fa pièce
soit rigolo pour qu'ils la proclament, sur un
papier de cette taille-là! D'où je n'aurais pas
été fâchée d'y aller voir, d'autant que les
théâtres de la capitale je les connais tous,
mais' le Lyrique, comme plus moderne, je ne
l'ay armais fréquenté.
-X' ',VMà-bien ! Allons au Théâtre-Lyrique;
après le spectacle, nous souperons au lieu de
diner.
— Je ne,dis pas non et j'aurais fait la farce
de me laisser débaucher, parce que les Troyens,
je me le figure, ça doit être une musique dans
le genre qu'est la Dame blanche,.. Mais voyons,
est-ce que vous pouvez me conduire au spec-
tacle fichue comme je suis ? Ce n'est pas, je
vous prie de le croire, que je*soye sans avoir
de quoi me mettre ; seulement à sept heures
et un quart qui vient de sonner, m'en aller à
mon domicile, rue Mouffetard, passer un
quart d'heure à vingt minutes à me bichonner,
et être place du Châtelet à huit heures, qu'on
lève la toile, c'est là, vous le sentez, mon
cher, la plus grande de toutes les impossi-
bilités. ')
— Il n'y a que ça qui vous arrête? répondit
Willcomb en, se levant pour passer la tête
hors de la portière; en même temps, il cria,,
au cocher : Rue Montmartre, aux Magasins de
la Ville de Paris !
Chemin faisant, pour se rendre à cette des-
tination nouvelle, la femme qu'il s'agissait de
transformer, comme Cendrillon, de la tête au:
pieds, s'avisa en à parte .d'une heureuse coïn-
cidence; sans cette rencontre, peut-être, se fût.
elle montrée plus réfractaire au bizarre expé-*
dient de l'Américain. *
-Au fait, se dit-elle, ce matin, justement,
je m'ai ornee d'une chemise blanche, on pour-
ra se déshabiller sans affront. ■ • 1 !
Que le lecteur juge de l'effet produit rJar
Willcomb, lorsqu'en compagnie de cette fem-
me dépenaillée, à une heure surtout où !t'ab.
sence presque complète du public le livrait
tout entier à l'attention, il fit son entrée dans
-ce fastueux bazar. Ne laissant toutefois rien
paraitre d'un étonnement dissimulé, au con-
traire sous la politesse la plus empressée î
— Monsieur désire ? iit en s'avançant rN.H
, des cftefs^de la maison.,
yôu jê I.. ~p d'hië#
5 cent. le numéro ^0..Qi/7^\: • JOURNAL QUOTIDIEN l .' }■' ' 5 cent. le nu.mé'ro
ABONNEMENTS — Trois mois Six mois Un an
Paris.. 5 fr. 9 fr. 18 fr.
1, , Départements.... 6 11 22
1 1 . Administrateur : BOURDILLIAT
S
i L r. 1- ~ année. — IAIiIH 23'AVRIL 1872. — N' 217 -4.
RÉBACTION ET ADMINISTRATION
15, quai Voltaire
Succursale : 9, rue Drouot, 9
PARIS, 22 AVRIL 1872
LES HUITRES
- Une grande nouvelle a circulé ces jours
derniers et le monde gastronomique & très-,
sailli de joie.
Les huîtres que les gourmets déshérités
. de la fortune ne pouvaient plus s'offrir au
déjeuner quotidien, les huîtres vont revenir
à des prix abordables.
Deux Français viennent de se rendre ac-
quéreurs de toutes les huîtrières du Tage :
soixante-quinze kilomètres d'étendue, vingt
et un millions de mètres carrés de bancs
pouvant fournir actuellement plus de deux
cents millions de douzaines d'huîtres excel-
lentes. •
Cette exploitation va être' complétée par
l'élablissement de vastes parcs où les pré-
cieux-coquillages seront emmagasinés tant
pour servir à la consommation locale cyie
pour être expédiés en France.
Les concessionnaires ne se proposent pas
seulement de spéculer sur la richesse de
leurs huîtrières.
Ils veulent aussi repeupler les parcs de
notre pays qui en ont grand besoin, car le
mal est plus grand qu'on ne le pense et,
si les bivalves portugais ne venaient point à
notre secours, nous serions menacés de
payer bientôt cinq francs la simple douzaine
qui coûtait douze sous aux temps heureux
de ma jeunesse.
S'il ne s'agissait pour nous que de renon-
cer à une des joies du repas de la matinée,
j'avoue que je m'en consolerais.
La France a perdu tant de choses, depuis
deux ans qu'elle n'en est plus à regretter 'un
mets agréable et elle , a d'autres soucis que
les huîtres..
Mais la question a une tout autre impor-
tance.
Il y va d'une des industries les plus inté-
ressantes de nos provinces du littoral et
nous sommes menacés de voir tarir une
source importante de notre richesse mari-
time.
Car, il faut qu'on le'sache, l'élévation de
prix dont nous nous plaignons n'est point
du fait des restaurateurs.
On pourrait s'y tromper, et, pour d'autres
comestibles, ces messieurs n'hésitent pas à
les coter plus haut, quoiqu'ils ne les aient
pas achetés plus cher.
, Pendant l'Exposition universelle, pen-
dant le. siége, toutes les denrées alimen-
taires avaient augmenté, ce qui était assez
naturel, mais ce qui l'est moins, c'est qu'el-
les n'ont pas diminué depuis.
La carte des restaurants ressemble à un
thermomètre qui monterait au moindre
coup de soleil et qui ne descendrait jamais.
, Malheureusement pour nos populations
des côtes, les huîtres font exception à la
règle inventée par les entrepreneurs de ré-
fection.
Elles ,sont chères parce qu'elles sont rares.
Pour vous donner une idée de l'effrayante
dépopulation qui menace d'anéantir nos
bancs, il me suffira de vous citer un fait.
Les pêcheurs de Granville qui exploitent
la célèbre baie de Cancale vendaient, il n'y
a pas bien longtemps, pour quinze cent
mille francs d'huîtres chaque année.
Ce que cette grosse somme répandait
d'aisance dans une petite ville de douze à
quinze mille âmes, il est inutile de le faire
ressortir.
Eh bien ! la production est tombée brus-
quement à trois cent mille francs, quoique
le prix du coquillage ait triplé. 1
D'où vient cet abaissement subit ?
Il est d'autant plus anormal que la nature
ne ,procède jamais par bonds et que, depuis
la création du monde,, les dons de Dieu se
répartissent, sinon également, du moins
périodiquement sur cette terre.
Le hareng et la sardine arrivent dans la
Manche et dans l'Océan presque à jour fixe,
le thon vient régulièrement se faire prendre
au mois de mai sur nos côtes médi'terra-
néennes.
Les écapts auxquels se livrent en ce mo-
ment les huîtres sont donc bien faits pour
étonner les observateurs.
Je me suis enquis des causes de ce phé-
nomène et voici ce que j'ai appris.
1 D'abord, les pêcheurs prétendent que les
procédés de pisciculture inventés par le sa-
vant M. Coste ont produit un effet diamé- t
tralement opposé à celui qu'on attendait.
Ils 'affirment que les corps étrangers,
claies, branchages et autres, qu'on a jetés
au fond de nos baies pour favoriser l'éclo-
sion et le développement du naissin, ont au
contraire dérangé les habitudes de repro-
duction de ces intéressants coquillages.
Les jeunes huîtres seraient, à les enten-
dre, d'un naturel susceptible et ne peuvent
pas souffrir d'être mises en nourrice.
Je me hâte d'ajouter que je me récuse
sur ce point délicat et je me garderai bien
de prendre parti pour ou contre l'Institut.
Un fait qui me paraît malheureusement
beaucoup plus certain, c'est l'apparition ré-
cente d'une espèce de parasite marin, le-
quel s'attache aux pauvres bivalves en bas-
âge et les fait prématurément périr, sans
prendre le moindre souci des plaisirs de nos
tables.
Ce vilain animal est, à proprement par-
ler, l'oïdium de l'huître, et il devient urgent
de lui découvrir un insecticide.
Mais, quels que soient les ravages qu'il
exerce, il ne serait pas juste d'en faire une
sorte de bouc émissaire des mers en le charj
geant des méfaits de la race humaine.
Les plus coupables en cette affaire sont
peut-être les pêcheurs eux-mêmes.
Depuis des années, ils se servent d'un en-
gin de fer qu'on appelle, si je lie me trom-
pe, un chalut, et qui, traîné au fond de la
mer, râcle les bancs et les bouleverse com-
plètement.
Il est vrai que, par ce procédé radical, un
bateau ramasse beaucoup plus d'huîtres dans
une journée de pêche.
Mais, en réalité, cela s'appelle manger
son blé en herbe.
Et je ne puis pas m'empêcher de tirer de
lû une comparaison avec les faits auxquels
nous assistons depuis deux ans.
La règle est en horreur à tout le monde,
& semble que toute entrave gouvernemen-
tale, administrative ou même sociale, soit
un mur de prison qu'il s'agit de renverser
à tout prix.
On commence par démolir les digues,
sans s'inquiéter de savoir si la marée ne
viendra pas inonder les champs qu'elles
protègent.
C'est ainsi que nous avons vu à Paris des
gens, plus honnêtes qu'intelligents, deman-
der la suppression des sergents de ville et
déplorer plus tard les abominations de la
Commune. ~
Jo connais encore aujourd'hui de ver-
tueux imbéciles qui se plaignent d'avoir été
pillés et incendiés et qui ne peuvent pas
voir un représentant de l'autorité sans fron-
cer le sourcil.
De même, combien de fois ' n'ai-je pas
entendu nos marins granvillais se plaindre
amèrement des réglementations qu'on leur
imposait!
Ils ne pouvaient pêcher qu'à certains
jours, draguer que pendant un certain
nombre d'heures; les bancs qu'on devait;.
exploiter étaient désignés par un commis-
saire et la récolte ne s'opérait que sous sa
surveillance.
Dieu sai^si on maudissait ces restrictions
qui empêchaient, prétendait-on, les pauvres
gens de gagner leur vie.
Rien pourtant n'était plus raisonnable, et
cet aménagement à. la façon des coupes ré-
glées de nos bois de l'Etat assurait pour de
longues années un revenu régulier aux pé-
cheurs.
' Que n'a-t-on toujours observé ces lois
prudentes !
Nous n'en serions peut-être pas réduits à
emprunter des exemples de sagesse à l'An-
gleterre et des huîtres au Portugal. ,
ROBINSON.
INFORMATIONS POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES
T4 Journo), officiel donne un résumé de la si-
fQâ&on politique et militaire dans les pro-
vinces de l'Algérie, de laquelle il ressort que
le calme le plus complet règu dans les divi-
sions d'Alger, d'Oran et de Constantine.
Une circulaire du ministre des finances pro-
roge jusqu'au 25 mai prochain le délai ac-
cordé pour éehanger les anciens papiers ,tim-
brés contre les nouveaux et pour acquitter les
suppléments de droits établis par la loi da
23 août 1871.
La préfecture de la Seine vient de faire af-
ficher un arrêté, qui ordonne, conformé-
ment à la loi du 12 avril 1872, le recensement
des habitants de Paris et des arrondissements -
de Saint-Danis et de Sceaux.
Cette opération aura lieu du 1" mai au
5 juin, et l'arrêté invite tous les citoyens à
donner aux recenseurs tous les renseigne-
ments nécessaires à l'accomplissement de leur
mission.
Ce recensement présentera un intérêt tout
spécial en permettant d'apprécier d'une ma-
nière officielle l'influence exercée sur la popu-
lation parisienne par le siége et par la Com-
mune.
Le conseil général de Seine-et-Oise réclame
l'Etat, représenté par le ministre de l'inté-
rieur, le payement du loyer dû pour l'hôtel
de la préfecture, affecté au logement du Pré-
sident de la République. :
Il ne s'agit de rien moins que d'une somme
de 100,000 francs. .1
Même après les réductions de son budget,
la marine française occupe le second rang en
Europe Le budget de la marine anglaise est
de 240 millions de francs ; le nôtre s'élève à
147,677,600 fr. Les Anglais ont 19S bâtiments
à la mer; nous en avons 104, avec une forte
réserve dans nos ports.
N° 4. — Feuilleton de la PETITE PRESSE
Le Chiffonnier Philosophe
PREMIÈRE PARTIE
LA BATAILLE DES 800,000 FRANCS
IV
Transfiguration.
Nous en sommes désespéré pour le lecteur,
mais le réjouissant spectacle dont déjà, sans
doute, il se faisait fête, ne lui sera pas donné.
Nous ne verrons pas nos deux prolétaires
subitement transportés dans les hautes ré-
gions de la gastronomie transcendante, y com-
mettre les naïves gaucheries et les amusants
quiproquos auxquels un luxe de table, pour
eux entièrement nouveau et inconnu, n'au-
rait pas manqué de donner ouverture.
Le dîner projeté n'eut pas lieu.
Pour décliner l'invitation dont il avait été
honoré, le père Cambronne parla d'une affaire
qui réclamait immédiatement ses soins, et,
comme dans ce dérangement imprévu, Will-
comb ne voulait voir qu'une méchante ex-
cuse :
, ~7 Non, pour de vrai, dit la chiffonnière, il
a 11çpil ouvert sur quelque chose j
que je l'ai informé ; même que ça pressait
pour m'avoir décidée à entrer chez ce débi-
tant d'or, où j'ai été si chouettement reçue.
— D'ailleurs, reprit le chiffonnier, envisa-
geant à un point de vue philosophique le dî-
ner dont il entendait se dispenser, l'homme
du peuple ne doit pas s'initier dans des habi-
tudes et des fréquentations usurpatrices. Au-
jourd'hui, enivré de vins exquis, poussé des
nourritures les plus succulentes, que diraient
demain à mon estomac la pâtée de pommes
de terres et le litre de petit bleu ? Comme la
| chèvre, -le prolétaire n'a pas à brouter hors des
| limites qu'il est attaché.
» Cela dit, il cria au cocher d'arrêter, reprit
sa hotte, qu'il endossa ; ensuite, saluant de
son crochet, comme un militaire de son
épée :
— A l'honneur, monsieur ! fit-il.
Et il reprit sa course accoutumée à travers
de Paris nocturne. j
Voyant qu'à la suite de son camarade, la
chiffonnière faisait mine aussi de lui fausser
>■ compagnie :
— Du tout, du tout, vous me restez, vous,
la mère, lui dit vVillcomb, qui n'entendait
pas avoir le démenti complet de son idée; au-
cune affaire ne vous commande et les femmes
ne creu:-ent pas savamment le lendemain, à
la manière de votre illustre ami; elles pren-
nent le temps comme il vient.
— C'est possible ; mais dites donc, compère,
un dîner au restaurant en tête-à-tête, savez-
vous que c'est un peu compromettant !
— Ma chère dame, vous ne connaissez guère
les mœurs de mon pays. Est-ce que nous res-
semblons à vos évaporés de Français? En
, Amérique, une fille de seize ans fait, côte à i
côte avec un homme de vingt ans, un
' voyage de cinq cents lieues, sans être exposée
à entendre une parole dont sa pudeur puisse
s'éffaroucher.
— Je veux vous croire, quoique c'est assez
drôle, mais voilà le vrai de l'affaire: Je ne
serais pas susceptible de faire honneur à votre
repas. Je sortais de chez mon Véfour, quand
j'ai rejoint le père Cambronne. Ce qui est
cause, une supposition que vous eussiez l'idée
de me faire une politesse ; eh bien, il y en a
une, je vous l'avoue avec franchise, qui me'
chausserait peut-être mieux qu'un dîner.
— Ce serait? demanda Willcomb.
— Vous avez entendu, chez le changeur,
cette madame à chignon, que vous avez si pro-
prement remouchée? Est-ce qu'elle ne parlait
pas, pour ce soir, d'une première au Lyrique?
— Oui la première représentation des Troyens
de Berlioz.
— C'est ça même, les Troyens! que j'avais
vu tantôt ce nom-là sur une affiche â rem-
plir ce soir la moitié de ma hotte, quand il
sera l'heure de l'y transvaser. Les Troyens
qu'est-ce que ça peut être, que je m'étais de-
mandé. Mais tout de même, faut que fa pièce
soit rigolo pour qu'ils la proclament, sur un
papier de cette taille-là! D'où je n'aurais pas
été fâchée d'y aller voir, d'autant que les
théâtres de la capitale je les connais tous,
mais' le Lyrique, comme plus moderne, je ne
l'ay armais fréquenté.
-X' ',VMà-bien ! Allons au Théâtre-Lyrique;
après le spectacle, nous souperons au lieu de
diner.
— Je ne,dis pas non et j'aurais fait la farce
de me laisser débaucher, parce que les Troyens,
je me le figure, ça doit être une musique dans
le genre qu'est la Dame blanche,.. Mais voyons,
est-ce que vous pouvez me conduire au spec-
tacle fichue comme je suis ? Ce n'est pas, je
vous prie de le croire, que je*soye sans avoir
de quoi me mettre ; seulement à sept heures
et un quart qui vient de sonner, m'en aller à
mon domicile, rue Mouffetard, passer un
quart d'heure à vingt minutes à me bichonner,
et être place du Châtelet à huit heures, qu'on
lève la toile, c'est là, vous le sentez, mon
cher, la plus grande de toutes les impossi-
bilités. ')
— Il n'y a que ça qui vous arrête? répondit
Willcomb en, se levant pour passer la tête
hors de la portière; en même temps, il cria,,
au cocher : Rue Montmartre, aux Magasins de
la Ville de Paris !
Chemin faisant, pour se rendre à cette des-
tination nouvelle, la femme qu'il s'agissait de
transformer, comme Cendrillon, de la tête au:
pieds, s'avisa en à parte .d'une heureuse coïn-
cidence; sans cette rencontre, peut-être, se fût.
elle montrée plus réfractaire au bizarre expé-*
dient de l'Américain. *
-Au fait, se dit-elle, ce matin, justement,
je m'ai ornee d'une chemise blanche, on pour-
ra se déshabiller sans affront. ■ • 1 !
Que le lecteur juge de l'effet produit rJar
Willcomb, lorsqu'en compagnie de cette fem-
me dépenaillée, à une heure surtout où !t'ab.
sence presque complète du public le livrait
tout entier à l'attention, il fit son entrée dans
-ce fastueux bazar. Ne laissant toutefois rien
paraitre d'un étonnement dissimulé, au con-
traire sous la politesse la plus empressée î
— Monsieur désire ? iit en s'avançant rN.H
, des cftefs^de la maison.,
yôu jê I.. ~p d'hië#
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