Titre : L'Universel : l'Évangile c'est la liberté ! / direction H. Huchet
Auteur : Mouvement pacifique chrétien de langue française. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1930-01-01
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32885496v
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 01 janvier 1930 01 janvier 1930
Description : 1930/01/01-1930/03/31. 1930/01/01-1930/03/31.
Description : Collection numérique : Fonds régional :... Collection numérique : Fonds régional : Haute-Normandie
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k45653111
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-45090
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/09/2017
3•ANNEE
TRIMESTRIEL
JANVIER-FÉVRIER-MARS 1 930'’
L’UNIVERSEL
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouoement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
Président d'Honneur : Rév. Docteur M.J. ELLIOTT
CONSEIL :
Mme Henriette DUMESNIL-HUCHET, Secrétaire du Journal et du M. P. C.
P r Frédéric BONHOMME, Henri NADEL, Jean DALENS, Pr Hermann KUTTER
P r Joël THÉZARD, Louis GUÉTANT, Albert CASTIAUX, Dr Henry MARIAVÉ.
Miss P. H. PECKOVER, Claire GÉNIAUX, Mme MARFURT-TORFS,
Les articles n’engagent que la responsabilité des rédacteurs.
38, Avenue Marceau, COURBEVOIE (Seine). Réceptions de 2 h. à 5 h. : Mardi, Jeudi, Samedi.
ADMINISTRATION :
Abonnement
:
Chèques postaux :
Un an.
5 francs.
Docteur Marius DUMESNIL
Le numéro
O fr. 50
PARIS n* 217.31
Souscriptions :
Membre adhérant 1 O francs.
Membre actif 20 francs.
Membre militant..... 50 francs.
Les Enfants de la Guerre
Le drame de l’Education
Ces temps d’après-guerre sont durs aux
•enfants; les suicides précoces, les meurtres
commis par des garçons ou même des filles
se font de jour en jour plus nombreux, et l’on
tremble devant les châtiments d’incompré
hension et d’avilissement qui s’abattent sur
des êtres jeunes écrasés par le destin. Quant
auxfautes légères que nous pardonnerions si
facilement à nos propres enfants, l’injuste
justice les punit comme des crimes et préci
pite dans une déchéance irrémédiable, ceux
dont elle devrait guider les pas maladroits
avec une humaine sollicitude. La Société,
représentée par nos tribunaux, ne sait encore
que condamner ceux dont elle n’a pas su
prendre soin.
Banale histoire tant elle est courante : un
pupille de la nation confié à des fermiers qui
le traitent durement, excédé par son sort
malheureux prend la clef des champs. Il est
rattrapé, découvert, jugé et expédié en mai
son de correction, jusqu’à sa majorité. Pauvre
petit! la Mère-Patrie a pris son père pour
î’envoyer aux tranchées ; lui, l’orphelin elle
le confie à une colonie pénitentiaire ! Ce sont
là des cas extrêmes, sans doute, mais assez
nombreux, en notre douce France, pour être
alarmants Et là-bas, vers l’est, qui peut son
ger sans frémir à ce peuple paria d’enfants
de la guerre et de la révolution, qui depuis
plus de io ans, parcourt du nord au sud, en
hordes affamées, les steppes de l’immense ré
publique rouge, y semant l’épouvante et la
pitié ?
Ainsi, la grande solitude des enfants de la
guerre n’est pas encore terminée. Ils se sont
éveillés dans un monde en délire de meur
tre, ils ont grandi dans un foyer déserté le
père au front, la mère au bureau, à l’usine,
aux champs, à l’atelier. Le soir au retour de
l’école, il n’y avait personne pour les attendre,
et c’est tout seuls qu’ils ouvraient le buffet
familial pour y prendre la tartine de quatre
heures. Alors, en attendant la lettre du père
•et l’arrivée tardive de la mère, ils se met
taient à leurs devoirs ou s’en allaient jouer
sur le trottoir en compagnie des autres dé
laissés de leur âge. Tous ceux qui ont un
jour poussé la porte de ces maisons aban
données, et qui ont trouvé dans le silence du
logis vidé par la guerre, la fillette ou le gar
çon solitaire, tous ceux qui ont vu leurs
grands yeux d’enfant s’illuminer de joie et
de reconnaissance devant le visiteur inat
tendu, sentent maintenant la honte les en
vahir à l’ouïe des jugements implacables por
tés sur leurs fautes d’adolescents. Des milliers
et des milliers de crimes ont été commis
contre les enfants par la dernière guerre —
c’est-à-dire par nous qui la faisions où la
laissions faire. Nous, les civilisés, les édu
cateurs, les intellectuels, les chrétiens, nous
avons par nos actes, notre silence, notre pas
sivité ou notre élégante indifférence, parti
cipé au meurtre des enfants bombardés par
nos avions ou morts de faim 'par le blocus.
Nous sommes responsables de la lourde so
litude où ils vécurent, où beaucoup d’entre
eux, adolescents, vivent encore ; nous' avons
notre part de responsabilité dans leur dé
chéance morale, parce qu’au lieu de les gar
der du mal, nous leur avons donné à res
pirer l’air empesté de la guerre et de toutes
les passions brutales qui lui font cortège.
Est-ce quelqu’obscur instinct de solidarité
à l’égard de ces milliers de crimes commis
contre l’enfance, qui pousse aujourd’hui les
enfants du monde entier, les enfants d’après-
guerre, à une attitude d’indépencfance re
belle ? Est-ce une revanche du destin, un
jugement, le nôtre, celui de toutes ces géné
rations combattantes qui n’ont pas lieu d’être
fières de leurs exploits ? Quoi qu’il en soit,
un fait subsiste : c’est l’embarras général des
éducateurs en face des problèmes quotidiens
que soulève, à l’heure, actuelle, l’éducation
de ce s enfants.
On regrette les temps anciens, quand on
n’avait qu’à parler pour être obéi et ceux
qui se tournent ainsi vers le passé, s’aigris
sent à la tâche ingrate et vaine, d’employer
avec les enfants d’après-guerre les méthodes
appliquées à ceux des années de stabilité et
de paix. D’autres acceptent passivement la
situation et ce sont alors les enfants de six
ans, qui les mènent à leur fantaisie. Com
ment en serait-il autrement ? L’autorité tra
ditionnelle séculaire que les enfants de jadis
reconnaissaient avant de pouvoir parler,
ceux d’aujourd’hui ne la reconnaissent plus;
quand on leur en parle, ils ne comprennent
pas. Nous étions habitués à obéir, ils nais
sent habitués à juger. C’est en vain qu’on
essaye de juguler leur esprit critique ; bridé
d’un sens, il se faufile d’un autre et fait
preuve d’une déconcertante acuité.
« Quand je serai grand, dit un petit gar
çon de six ans à sa mère, une femme du
monde fort appliquée à son rôle d'éducatrice,
mais souvent perplexe,» quand je serai gra nr
mes enfants m’obéiront, parce que je serai
plus sévère que toi ! »
« Vous savez, chez nous, ce sont des sau
vages ! », déclare une petite campagnarde de
quatre ans ; ces sauvages ce sont ses parents de
forts honnêtes artisans dont elle juge sévère
ment la rusticité de vie. « Maman, excuse-moi
de te le dire, mais je trouve qu’aujourd’hui, tu
es très énervée ». Voilà « maman » jugée ;
qu’elle soit mécontente, peu importe, c’est
la vérité !
Dans toutes les classes sociales, les enfants
affirment ce même esprit d’indépendance,
inconnu jusqu’à présent, à l’égard des pa
rents. Il me semble que tous les petits que
j’approche ont déjà, à 5 ou 6 ans, plus ou
moins conscience de ce qu’ils apportent au
monde. Nous nous sentions en tutelle ; nous
éprouvions à l’égard de cette ferme et affec
tueuse protection, un sentiment immense de
reconnaissance, nous nous sentions des obli
gés, des gêneurs, bien souvent. Nous tâ
chions de goûter la douceur des jours en
faisant le plus possible oublier aux grandes
personnes notre présence. Les enfants d’au
jourd’hui ne doutent pas de leur impor
tance ; ils sont prêts naturellement à nous
donner les conseils qu’ils jugent utiles en
échange de notre affection et de nos soins.
Si les avis sont bons et non suivis par des
éducateurs soucieux de leurs prérogatives,
c’est tant pis, leur erreur ne passe pas ina
perçue.
Qu’on l’accepte ou non, la génération des
petits paraît entrer en scène avec tout ce
qu’il faut pour démolir les vieux cadres fa
miliaux et sociaux. Leur intelligence est plus
éveillée à âge égal que celle des anciennes
générations, leur jugement sur toutes les
activités du monde beaucoup plus précoce,
leur capacité de comprendre des quantités
de notions beaucoup plus vaste, et il ne
s’agit pas du rendement scolaire, mais de ce
qu’on peut apprendre au cours des expé
riences quotidiennes.
Songez au nombre d’enfants qui connais
sent parfaitement le mécanisme d’une auto,
la suite des opérations nécessaires pour la mise
en marche, à ceux qui sont capables d’ins
taller sans le secours des adultes des postes
de T. S. F. par exemple, alors que des mil
liers de plus de cinquante ans m’ont pas
encore compris le mécanisme de l’une et de
l’autre et mourront dans leur ignorance.
Dans les cités d’enfants qu’il faudra bien
arriver à construire pour donner aux petits
la possibilité de réaliser, avec le moins de
risques possibles, leurs potentialités-étouffées
par nos villes d’adultes, je ne doute pas
qu’on puisse voir des enfants capables de
conduire une petite auto, de construire une
maison pour eux et de jeter des ponts sur de
petites rivières. De plus en plus grandit en
moi cette opinion que l’enfant d’aujourd’hui,
annonciateur d'une nouvelle forme de civi
lisation est brimé, contrarié, exaspéré, à son
insu, par le moule ruiné où il lui faut vivre.
Sa nervosité croissante, sa volonté intem
pestive, ses critiques précoces, sa révolte
contre l’autorité, ses désespoirs, sa dureté
parfois cruelle envers les adultes, ne faut-il
pas en cherchei une des causes dans le malaise
général d’une génération qui se voit traitée,
d’une façon qui ne correspond plus à son
degré d’évolution. Trop d’éducateurs voient
encore les enfants de nos jours avec les
yeux de leurs aïeux. Ils ont conservé l’image
des enfants modèles de 1890, pour éduquer
ceux de 1916 ou de 1920. Mais chaque géné
ration n’a pas pour mission de repasser par
la même école que la précédente ou d’ambi
tionner le même idéal. Elle a son rôle pro
pre à remplir. A voir la hâte de nos petits
pour tout comprendre et comment ils sont
en général bien armés pour la lutte, garçons
et filles, on peut supposer qu’ils auront sans
doute à faire face à de grands assauts, dont
la dernière guerre n’a été qu’un tragique
prélude. Si nous comprenions mieux cela,
nous favoriserions de toute manière l’acti
vité créatrice de nos enfants. Les enfants
d’aujourd’hui sont capables de s’initier avec
une rapidité ahurissante pour nous à des
quantités de travaux dits d’adultes et défen
dus jusqu’à présent aux enfants. Débarras
ses irès tôt de cet apprentissage du monde
matériel auquel ils sont mieux adaptés que
beaucoup d’entre nous, les nouvelles géné
rations pourraient alors se lancer de bonne
heure dans des recherches et des découvertes
de toute nature, qui exhausseraient le niveau
scientifique, artistique, économique et so
cial dé l’humanité à un rythme plus accéléré.
Beaucoup trop de parents actuels font vivre
à leurs enfants une vie de rétrospective et
retardent ainsi avec le développement d’un
seul être celui d’une portion du genre hu
main.
Je rêve d’une cité d’enfants construite par
eux et pour eux, je crois que cela est réali
sable ; j’espère voir un jour réaliser cette
communauté de petits, où les enfants réunis
feront l’apprentissage intégral de leur exis
tence d’adulte. Je crois que nous sommes
en marche vers ces temps heureux ; alors, tous
les enfants abandonnés ou sacrifiés par les
peuples-soldats seront'vengés.
Henriette DUMESNIL-HUCHET.
BBHHBESHïaHQEæaBBBSBQQQ
ÉTUDES SOCIALES
Nous proposons à nos amis de se mettre à
étudier quelques projets sociaux pour solu
tionner la question des droits de la femme,
de l’enfant et du vieillard.
1 ° La femme doit-elle être l'égale de l'homme
dans la vie conjugale ? Doit-elle avoir la respon
sabilité morale de Véducation des enfants ?
2 ° L'enfant quelle que soit son origine doit
avoir le droit à la vie. Comment assurer aux
mères —à toutes les mères — pauvres ou riches ,
les garanties pour assurer toutes les charges
nécessaires pour élever normalement un enfant ?
3 ° L'union matrimoniale qui engendre tant de
discordes et de désillusions, demande des
réformes législatives pour obvier aux nombreuses
séparations et divorces. Lesquelles ?
4 ° Les vieillards comme les enfants sont assis
tés par une bienfaisance parcimonieuse et par
tiale. Comment déterminer les moyens qui pro
curent une retraite viagère aux personnes ayant
la limite d'âge ?
3 ° Que pensez-vous d’un service civil de
travail obligatoire pour les deux sexes, de 20 à
25 ans, pour les hommes et les femmes céli
bataires,ne remplissant aucune fonction d'utilité
publique ?
DIRECTION.
Malentendus
Il y a des malentendus dans le monde
même des meilleurs esprits. C’est ainsi que
les régionalistes ou les autonomistes passent
souvent les uns pour des traîtres, les autres
pour des insensés. Or je connais assez l’Al
sace, la Bretagne et la Flandre pour témoi
gner, hautement, que les zélateurs ne sont
nullement séparatistes soit au bénéfice
de l’Allemagne, soitau profit de l’Angleterre
soit au compte de la Hollande, que leur but
ne vise que la conservation de certaines cou
tumes locales sans arrière-pensées contre
la France ou la Belgique, l’une comme l'autre
« Une et indivisible ».
Je ne veux pas affirmer que des isolés ne
préfèrent pas telle nation à une autre. Mais
ce sont des solitaires comme les sangliers.
Par contre, je dis que l’amour de la terre
natale et de la langue que l’on a apprise de
sa mère, est un sentiment respectable. C’e.st
peut-être même, le seul vrai patriotisme
. pur de toute haine;
A la fondation du M.P. C. le programme
régional, national et international que nous
présentions aux amis dans l’Universel avait
eu le propre de faire sourire le brave et re
gretté pasteur Paul Monod. «C’est bien com
plexe ce programme et difficilement réali
sable » avait dit cet homme de Dieu si
dévoué à l’humanité, si riche en œuvres
sociales. J’avais simplement répondu : « Non
c’est du véritable universalisme. » Les années
et le traité de Versailles ïftms ont donné
raison.
L’unification des peuples et des races n’est
pas plus possible que l’unité des sexes II y aura
encore pendant des milliers de siècles des
Blancs, des Noirs, des Jaunes, des Rouges
sans parler des Métis. On ne’ peut unifor
miser la nature, elle est variétés. Il y a dis
semblance entre les êtres et les choses de
même espèce. Mais on peut faire l’Union
morale entre les créatures nées de l’Esprit
divin, La condition demeure : Liberté de
conscience dans le choix et la préférence
pourla vie individuelle, familiale et sociale.
Ce qui implique pour les majorités le devoir
de respecter le droit des minorités, et
pour celles-ci comme pour celles-là de con
sidérer comme inviolable le libre arbitre
d’une seule personne.
Si nous sommes ainsi animés de ces dis
positions bienveillantes à l’égard de nos sem
blables, nous serons charitables. Nous at
tendrons pour juger et condamner que les
actions dissolvantes soient manifestes ; nous
ne ferons pas des procès de tendances sur
de simples mots, malencontreusement em-
ployés, comme celui de « Autonomisme ».
Je voudrais que nous soyons plus calmes,
plus pondérés quand des pratiques ou des
habitudes nous heurtent. Peu importe si
d’excellentes gens tiennent à lire la Bible en
Anglais, à prier en Allemand, à chanter en
Hollandais, et à dire la messe en Latin tandis
que d’autres la veulent en Français. J’ai sou
vent cité le noble exemple de là Suisse avec
ses vingt deux cantons, ses trois langues, ses
dialectes, ses religions. Et pourtant : Un pour
tous, tous pour un". Allemands, Autrichiens,
Français et Italiens, grands voisins, de
l’Helvétie, savent qu’elle est : « Une et in
divisible » en face du péril 1
Dans nos colonnes, nous ne voudrions pas
encourager le séparatisme, puisque nous
sommes universalistes, mais comme tels
nous croyons à l’existence de la cellule natale,
à l’origine linguistique, à la tradition locale.
Et nous savons que l’on ne peut pas plus
niveler les mentalités que de transformer
les nez aquilins en camus et les yeux noirs
en bleus. Mais on peut harmoniser les
contrastes, rapprocher les génies, éduquer
i les masses. Les sciences et les religions ont
leur rôle à jouer dans cet universalisme
qui ne brisera pas le roseau froissé mais
édifiera la Cité future dans la Liberté et
la Paix.
Henri HUCHET.
TRIMESTRIEL
JANVIER-FÉVRIER-MARS 1 930'’
L’UNIVERSEL
Fondé en 1898, supprimé par la censure militaire pendant la Guerre mondiale
Mouoement Pacifique Chrétien
« l’internationale de l’amour »
Directeur-Fondateur : Henri HUCHET.
Président d'Honneur : Rév. Docteur M.J. ELLIOTT
CONSEIL :
Mme Henriette DUMESNIL-HUCHET, Secrétaire du Journal et du M. P. C.
P r Frédéric BONHOMME, Henri NADEL, Jean DALENS, Pr Hermann KUTTER
P r Joël THÉZARD, Louis GUÉTANT, Albert CASTIAUX, Dr Henry MARIAVÉ.
Miss P. H. PECKOVER, Claire GÉNIAUX, Mme MARFURT-TORFS,
Les articles n’engagent que la responsabilité des rédacteurs.
38, Avenue Marceau, COURBEVOIE (Seine). Réceptions de 2 h. à 5 h. : Mardi, Jeudi, Samedi.
ADMINISTRATION :
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Chèques postaux :
Un an.
5 francs.
Docteur Marius DUMESNIL
Le numéro
O fr. 50
PARIS n* 217.31
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Membre adhérant 1 O francs.
Membre actif 20 francs.
Membre militant..... 50 francs.
Les Enfants de la Guerre
Le drame de l’Education
Ces temps d’après-guerre sont durs aux
•enfants; les suicides précoces, les meurtres
commis par des garçons ou même des filles
se font de jour en jour plus nombreux, et l’on
tremble devant les châtiments d’incompré
hension et d’avilissement qui s’abattent sur
des êtres jeunes écrasés par le destin. Quant
auxfautes légères que nous pardonnerions si
facilement à nos propres enfants, l’injuste
justice les punit comme des crimes et préci
pite dans une déchéance irrémédiable, ceux
dont elle devrait guider les pas maladroits
avec une humaine sollicitude. La Société,
représentée par nos tribunaux, ne sait encore
que condamner ceux dont elle n’a pas su
prendre soin.
Banale histoire tant elle est courante : un
pupille de la nation confié à des fermiers qui
le traitent durement, excédé par son sort
malheureux prend la clef des champs. Il est
rattrapé, découvert, jugé et expédié en mai
son de correction, jusqu’à sa majorité. Pauvre
petit! la Mère-Patrie a pris son père pour
î’envoyer aux tranchées ; lui, l’orphelin elle
le confie à une colonie pénitentiaire ! Ce sont
là des cas extrêmes, sans doute, mais assez
nombreux, en notre douce France, pour être
alarmants Et là-bas, vers l’est, qui peut son
ger sans frémir à ce peuple paria d’enfants
de la guerre et de la révolution, qui depuis
plus de io ans, parcourt du nord au sud, en
hordes affamées, les steppes de l’immense ré
publique rouge, y semant l’épouvante et la
pitié ?
Ainsi, la grande solitude des enfants de la
guerre n’est pas encore terminée. Ils se sont
éveillés dans un monde en délire de meur
tre, ils ont grandi dans un foyer déserté le
père au front, la mère au bureau, à l’usine,
aux champs, à l’atelier. Le soir au retour de
l’école, il n’y avait personne pour les attendre,
et c’est tout seuls qu’ils ouvraient le buffet
familial pour y prendre la tartine de quatre
heures. Alors, en attendant la lettre du père
•et l’arrivée tardive de la mère, ils se met
taient à leurs devoirs ou s’en allaient jouer
sur le trottoir en compagnie des autres dé
laissés de leur âge. Tous ceux qui ont un
jour poussé la porte de ces maisons aban
données, et qui ont trouvé dans le silence du
logis vidé par la guerre, la fillette ou le gar
çon solitaire, tous ceux qui ont vu leurs
grands yeux d’enfant s’illuminer de joie et
de reconnaissance devant le visiteur inat
tendu, sentent maintenant la honte les en
vahir à l’ouïe des jugements implacables por
tés sur leurs fautes d’adolescents. Des milliers
et des milliers de crimes ont été commis
contre les enfants par la dernière guerre —
c’est-à-dire par nous qui la faisions où la
laissions faire. Nous, les civilisés, les édu
cateurs, les intellectuels, les chrétiens, nous
avons par nos actes, notre silence, notre pas
sivité ou notre élégante indifférence, parti
cipé au meurtre des enfants bombardés par
nos avions ou morts de faim 'par le blocus.
Nous sommes responsables de la lourde so
litude où ils vécurent, où beaucoup d’entre
eux, adolescents, vivent encore ; nous' avons
notre part de responsabilité dans leur dé
chéance morale, parce qu’au lieu de les gar
der du mal, nous leur avons donné à res
pirer l’air empesté de la guerre et de toutes
les passions brutales qui lui font cortège.
Est-ce quelqu’obscur instinct de solidarité
à l’égard de ces milliers de crimes commis
contre l’enfance, qui pousse aujourd’hui les
enfants du monde entier, les enfants d’après-
guerre, à une attitude d’indépencfance re
belle ? Est-ce une revanche du destin, un
jugement, le nôtre, celui de toutes ces géné
rations combattantes qui n’ont pas lieu d’être
fières de leurs exploits ? Quoi qu’il en soit,
un fait subsiste : c’est l’embarras général des
éducateurs en face des problèmes quotidiens
que soulève, à l’heure, actuelle, l’éducation
de ce s enfants.
On regrette les temps anciens, quand on
n’avait qu’à parler pour être obéi et ceux
qui se tournent ainsi vers le passé, s’aigris
sent à la tâche ingrate et vaine, d’employer
avec les enfants d’après-guerre les méthodes
appliquées à ceux des années de stabilité et
de paix. D’autres acceptent passivement la
situation et ce sont alors les enfants de six
ans, qui les mènent à leur fantaisie. Com
ment en serait-il autrement ? L’autorité tra
ditionnelle séculaire que les enfants de jadis
reconnaissaient avant de pouvoir parler,
ceux d’aujourd’hui ne la reconnaissent plus;
quand on leur en parle, ils ne comprennent
pas. Nous étions habitués à obéir, ils nais
sent habitués à juger. C’est en vain qu’on
essaye de juguler leur esprit critique ; bridé
d’un sens, il se faufile d’un autre et fait
preuve d’une déconcertante acuité.
« Quand je serai grand, dit un petit gar
çon de six ans à sa mère, une femme du
monde fort appliquée à son rôle d'éducatrice,
mais souvent perplexe,» quand je serai gra nr
mes enfants m’obéiront, parce que je serai
plus sévère que toi ! »
« Vous savez, chez nous, ce sont des sau
vages ! », déclare une petite campagnarde de
quatre ans ; ces sauvages ce sont ses parents de
forts honnêtes artisans dont elle juge sévère
ment la rusticité de vie. « Maman, excuse-moi
de te le dire, mais je trouve qu’aujourd’hui, tu
es très énervée ». Voilà « maman » jugée ;
qu’elle soit mécontente, peu importe, c’est
la vérité !
Dans toutes les classes sociales, les enfants
affirment ce même esprit d’indépendance,
inconnu jusqu’à présent, à l’égard des pa
rents. Il me semble que tous les petits que
j’approche ont déjà, à 5 ou 6 ans, plus ou
moins conscience de ce qu’ils apportent au
monde. Nous nous sentions en tutelle ; nous
éprouvions à l’égard de cette ferme et affec
tueuse protection, un sentiment immense de
reconnaissance, nous nous sentions des obli
gés, des gêneurs, bien souvent. Nous tâ
chions de goûter la douceur des jours en
faisant le plus possible oublier aux grandes
personnes notre présence. Les enfants d’au
jourd’hui ne doutent pas de leur impor
tance ; ils sont prêts naturellement à nous
donner les conseils qu’ils jugent utiles en
échange de notre affection et de nos soins.
Si les avis sont bons et non suivis par des
éducateurs soucieux de leurs prérogatives,
c’est tant pis, leur erreur ne passe pas ina
perçue.
Qu’on l’accepte ou non, la génération des
petits paraît entrer en scène avec tout ce
qu’il faut pour démolir les vieux cadres fa
miliaux et sociaux. Leur intelligence est plus
éveillée à âge égal que celle des anciennes
générations, leur jugement sur toutes les
activités du monde beaucoup plus précoce,
leur capacité de comprendre des quantités
de notions beaucoup plus vaste, et il ne
s’agit pas du rendement scolaire, mais de ce
qu’on peut apprendre au cours des expé
riences quotidiennes.
Songez au nombre d’enfants qui connais
sent parfaitement le mécanisme d’une auto,
la suite des opérations nécessaires pour la mise
en marche, à ceux qui sont capables d’ins
taller sans le secours des adultes des postes
de T. S. F. par exemple, alors que des mil
liers de plus de cinquante ans m’ont pas
encore compris le mécanisme de l’une et de
l’autre et mourront dans leur ignorance.
Dans les cités d’enfants qu’il faudra bien
arriver à construire pour donner aux petits
la possibilité de réaliser, avec le moins de
risques possibles, leurs potentialités-étouffées
par nos villes d’adultes, je ne doute pas
qu’on puisse voir des enfants capables de
conduire une petite auto, de construire une
maison pour eux et de jeter des ponts sur de
petites rivières. De plus en plus grandit en
moi cette opinion que l’enfant d’aujourd’hui,
annonciateur d'une nouvelle forme de civi
lisation est brimé, contrarié, exaspéré, à son
insu, par le moule ruiné où il lui faut vivre.
Sa nervosité croissante, sa volonté intem
pestive, ses critiques précoces, sa révolte
contre l’autorité, ses désespoirs, sa dureté
parfois cruelle envers les adultes, ne faut-il
pas en cherchei une des causes dans le malaise
général d’une génération qui se voit traitée,
d’une façon qui ne correspond plus à son
degré d’évolution. Trop d’éducateurs voient
encore les enfants de nos jours avec les
yeux de leurs aïeux. Ils ont conservé l’image
des enfants modèles de 1890, pour éduquer
ceux de 1916 ou de 1920. Mais chaque géné
ration n’a pas pour mission de repasser par
la même école que la précédente ou d’ambi
tionner le même idéal. Elle a son rôle pro
pre à remplir. A voir la hâte de nos petits
pour tout comprendre et comment ils sont
en général bien armés pour la lutte, garçons
et filles, on peut supposer qu’ils auront sans
doute à faire face à de grands assauts, dont
la dernière guerre n’a été qu’un tragique
prélude. Si nous comprenions mieux cela,
nous favoriserions de toute manière l’acti
vité créatrice de nos enfants. Les enfants
d’aujourd’hui sont capables de s’initier avec
une rapidité ahurissante pour nous à des
quantités de travaux dits d’adultes et défen
dus jusqu’à présent aux enfants. Débarras
ses irès tôt de cet apprentissage du monde
matériel auquel ils sont mieux adaptés que
beaucoup d’entre nous, les nouvelles géné
rations pourraient alors se lancer de bonne
heure dans des recherches et des découvertes
de toute nature, qui exhausseraient le niveau
scientifique, artistique, économique et so
cial dé l’humanité à un rythme plus accéléré.
Beaucoup trop de parents actuels font vivre
à leurs enfants une vie de rétrospective et
retardent ainsi avec le développement d’un
seul être celui d’une portion du genre hu
main.
Je rêve d’une cité d’enfants construite par
eux et pour eux, je crois que cela est réali
sable ; j’espère voir un jour réaliser cette
communauté de petits, où les enfants réunis
feront l’apprentissage intégral de leur exis
tence d’adulte. Je crois que nous sommes
en marche vers ces temps heureux ; alors, tous
les enfants abandonnés ou sacrifiés par les
peuples-soldats seront'vengés.
Henriette DUMESNIL-HUCHET.
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ÉTUDES SOCIALES
Nous proposons à nos amis de se mettre à
étudier quelques projets sociaux pour solu
tionner la question des droits de la femme,
de l’enfant et du vieillard.
1 ° La femme doit-elle être l'égale de l'homme
dans la vie conjugale ? Doit-elle avoir la respon
sabilité morale de Véducation des enfants ?
2 ° L'enfant quelle que soit son origine doit
avoir le droit à la vie. Comment assurer aux
mères —à toutes les mères — pauvres ou riches ,
les garanties pour assurer toutes les charges
nécessaires pour élever normalement un enfant ?
3 ° L'union matrimoniale qui engendre tant de
discordes et de désillusions, demande des
réformes législatives pour obvier aux nombreuses
séparations et divorces. Lesquelles ?
4 ° Les vieillards comme les enfants sont assis
tés par une bienfaisance parcimonieuse et par
tiale. Comment déterminer les moyens qui pro
curent une retraite viagère aux personnes ayant
la limite d'âge ?
3 ° Que pensez-vous d’un service civil de
travail obligatoire pour les deux sexes, de 20 à
25 ans, pour les hommes et les femmes céli
bataires,ne remplissant aucune fonction d'utilité
publique ?
DIRECTION.
Malentendus
Il y a des malentendus dans le monde
même des meilleurs esprits. C’est ainsi que
les régionalistes ou les autonomistes passent
souvent les uns pour des traîtres, les autres
pour des insensés. Or je connais assez l’Al
sace, la Bretagne et la Flandre pour témoi
gner, hautement, que les zélateurs ne sont
nullement séparatistes soit au bénéfice
de l’Allemagne, soitau profit de l’Angleterre
soit au compte de la Hollande, que leur but
ne vise que la conservation de certaines cou
tumes locales sans arrière-pensées contre
la France ou la Belgique, l’une comme l'autre
« Une et indivisible ».
Je ne veux pas affirmer que des isolés ne
préfèrent pas telle nation à une autre. Mais
ce sont des solitaires comme les sangliers.
Par contre, je dis que l’amour de la terre
natale et de la langue que l’on a apprise de
sa mère, est un sentiment respectable. C’e.st
peut-être même, le seul vrai patriotisme
. pur de toute haine;
A la fondation du M.P. C. le programme
régional, national et international que nous
présentions aux amis dans l’Universel avait
eu le propre de faire sourire le brave et re
gretté pasteur Paul Monod. «C’est bien com
plexe ce programme et difficilement réali
sable » avait dit cet homme de Dieu si
dévoué à l’humanité, si riche en œuvres
sociales. J’avais simplement répondu : « Non
c’est du véritable universalisme. » Les années
et le traité de Versailles ïftms ont donné
raison.
L’unification des peuples et des races n’est
pas plus possible que l’unité des sexes II y aura
encore pendant des milliers de siècles des
Blancs, des Noirs, des Jaunes, des Rouges
sans parler des Métis. On ne’ peut unifor
miser la nature, elle est variétés. Il y a dis
semblance entre les êtres et les choses de
même espèce. Mais on peut faire l’Union
morale entre les créatures nées de l’Esprit
divin, La condition demeure : Liberté de
conscience dans le choix et la préférence
pourla vie individuelle, familiale et sociale.
Ce qui implique pour les majorités le devoir
de respecter le droit des minorités, et
pour celles-ci comme pour celles-là de con
sidérer comme inviolable le libre arbitre
d’une seule personne.
Si nous sommes ainsi animés de ces dis
positions bienveillantes à l’égard de nos sem
blables, nous serons charitables. Nous at
tendrons pour juger et condamner que les
actions dissolvantes soient manifestes ; nous
ne ferons pas des procès de tendances sur
de simples mots, malencontreusement em-
ployés, comme celui de « Autonomisme ».
Je voudrais que nous soyons plus calmes,
plus pondérés quand des pratiques ou des
habitudes nous heurtent. Peu importe si
d’excellentes gens tiennent à lire la Bible en
Anglais, à prier en Allemand, à chanter en
Hollandais, et à dire la messe en Latin tandis
que d’autres la veulent en Français. J’ai sou
vent cité le noble exemple de là Suisse avec
ses vingt deux cantons, ses trois langues, ses
dialectes, ses religions. Et pourtant : Un pour
tous, tous pour un". Allemands, Autrichiens,
Français et Italiens, grands voisins, de
l’Helvétie, savent qu’elle est : « Une et in
divisible » en face du péril 1
Dans nos colonnes, nous ne voudrions pas
encourager le séparatisme, puisque nous
sommes universalistes, mais comme tels
nous croyons à l’existence de la cellule natale,
à l’origine linguistique, à la tradition locale.
Et nous savons que l’on ne peut pas plus
niveler les mentalités que de transformer
les nez aquilins en camus et les yeux noirs
en bleus. Mais on peut harmoniser les
contrastes, rapprocher les génies, éduquer
i les masses. Les sciences et les religions ont
leur rôle à jouer dans cet universalisme
qui ne brisera pas le roseau froissé mais
édifiera la Cité future dans la Liberté et
la Paix.
Henri HUCHET.
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