Titre : L'Amusant havrais : littéraire, illustré : paraissant tous les samedis
Éditeur : [s.n.] (Le Havre)
Date d'édition : 1898-01-29
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32692468r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 29 janvier 1898 29 janvier 1898
Description : 1898/01/29. 1898/01/29.
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : BIPFPIG76 Collection numérique : BIPFPIG76
Description : Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque... Collection numérique : Nutrisco, bibliothèque numérique du Havre
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k3251815z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-7685
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/01/2019
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Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
ABONNEMENTS
Le Havre: Un An 5 fr. | Départements: Un An... 6 fr.
Pour les annonces on traite à forfait en s'adressant à l'Administration du Journal
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Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
L’ACTUALITÉ
Pièces Secrètes
On ne parviendra probablement jamais à savoir quel
les sont les fameuses pièces seerèles dont il est tant parle
dans l’affaire X...
(TOUS LES JOURNAUX)
Les pièces secrètes !
Vous ne les connaissez pas, ni vous non
plus.
C’est pourquoi, désireux de nous instruire,
désireux de faire cesser l’état d’ignorance où
vous croupissez honteusement, nous avons
résolu de rechercher, en votre compagnie,
quelles pouvaient être ces fameuses pièces
dont tout le monde parle et que personne ne
connaît.
Sans être un juge d’instruction patenté,
assermenté, il nous est permis, comme à tout
libre citoyen, de conduire une petite en
quête.
Nous allons donc la conduire.
Et plaise au préfet de police, notre sym
pathique gardien-chef, que nous ne dérail
lions point.
Nous croyons tout d’abord nécessaire de
faire comparaître devant nous les personnes
les plus à même de nous fournir des rensei
gnements par leur petite situation, par le
monde assez mélangé qu’elles fréquentent.
M. Félix Faure par exemple.
Ci-dessous notre interrogatoire.
★
★ ★
— Voyons, mon petit ami, ne vous trou
blez pas... Votre nom ? Votre âge?
— Faure, Félix-Anatole... cinquante-six
ans aux prunes. ..
— Votre profession ?
— Bien assommante.
— Que savez-vous des pièces ?... des
fameuses pièces?... Répondez pendant que
notre chat Trouduc, dénommé greffier, va.
inscrire votre déposition.
M. Faure, Félix-Anatole, parla.
— Ah! parfaitement! Les pièces... fa
meuses pièces ! Connais que ça... En ai reçu
cinquante et m’ont coûté vingt-cinq francs...
En ai fait des boutons de guêtre... Très
joli... Cochery qui m’a envoyé ça. .. Ravis
santes ! ces pièces de Roty... Gravées supé
rieurement. . . En ai eu le premier.. . Petite
Lucie en a fait épingle à chapeau et Mont-
jarret des breloques... Très heureux pou
voir vous donner renseignements, mais n’ai
pas le temps de m’endormir sur le roty ... Ai
plusieurs choses à faire... Présider conseil
des ministres, aller à la chasse et coller une
volée au piquet à général Hagron... Joue
comme une mazette, Hagron... Serviteur,
messieurs... Enchanté... « Zdraviamolodsti! »
L’honorable déposition présidentielle n’é
clairant pas d'un jour nouveau la question
en litige, nous ne jugeâmes point à propos
de retenir le chef de l’Etat. Ses instants sont
précieux comme ses décrets.
— Vive la République !
★
★ ★
« Par devant Nous, Magistrats-Instructeurs,
est cité à comparaître le sieur Claretie (Jules,
pour les dames sociétaires) afin qu’il nous
dise ce qu’il sait des pièces secrètes dont il
est tant parlé. Le sieur Claretie (Jules), admi
nistrateur de la Comédie-Française, devra
se présenter devant nous dans les vingt-
quatre heures suivant la présentation du
présent mandat, faute de quoi nous l’enver
rions chercher par M. Emile Bergerat !
Fait en notre parquet (mal ciré, du reste).
Montmartre, le 27 janvier 1898.
Le greffier: Trouduc.
Nous nous devons d’ajouter que, devant la
menace de se voir appréhender par M. Ber
gerat, le sieur Jules Claretie a comparu vive
ment devant notre bureau.
— Votre nom, jeune homme ?
— Claretie...
— C’est très bien, nous le savions.
— 1 Votre âge ?
— Pour les dames de la maison... 33 ans...
— Pour les magistrats ?
— Cinquante-neuf...
— Profession ?
— Gardien du décret de Moscou !
— Vive la Russie !
— Vive la France !...
A ce moment, le petit Jules veut prier
M'. Mounet-Sully de déclamer la Marseillaise
et l'Hymne russe ; mais, comme nous considé
rons que c’est là du temps de perdu, nous
protestons vigoureusement.
— Parlez-nous des pièces !
— Volontiers ! Les pièces ! Ah ! fameux !...
A la Comédie, nous en avons pour tous les
goûts — en fil de fer, en caoutchouc... Nous
avons des pièces qui feront de l’argent, nous
avons des pièces qui ne feront pas le sou...
Nous en avons en vers, en prose, nous en
avons même qui ne sont ni en vers ni en prose;
seulement nous les jouerons tout de même,
parce que les auteurs sont les amis des socié
taires. Des pièces ! Mais nous avons de quoi
révolutionner la littérature abyssine... Nous
en avons quatorze qui nous sont apportées
par Sylvain et dix-huit par Mlle Reichemberg.
Nous avons cinquante actes en mauvais vers
de M. Truffier et dix-sept comédies que
patronne M. Sarcey... Ah ! Messieurs... je
suis bien heureux, et, si vous voulez que mon
cœur vous garde une reconnaissance éter
nelle, acceptez ces deux banquettes de troi
sième galerie pour mon spectacle gratuit du
quatorze juillet prochain.
Comme Jules allait pleurer, nous accep
tâmes tout en lui faisant observer combien sa
déposition était inutile...
— Adieu, Jules !
Et comme nous nous mettions à table, le
petit Claretie, en souvenir du répertoire, nous
salua d’un :
— Bon appétit, Messieurs !
Et sortit comme il était venu... Son nez
partit le premier par file à gauche.
— C’est égal, l’enquête reste stationnaire,
et nous n'arriverons jamais à savoir le fin
mot de ces pièces secrètes, me dit mon
assesseur.
— Si nous interrogions le Pape ?
— Il habite un peu loin...
— Bah! avec une commission rogatoire
on passe par-dessus bien des montagnes.
Ce qui fut dit fut fait...
Mais, hélas ! nous devons à la vérité de dire
que la pièce du pape n’avait plus cours... Ce
n’était pas encore là la bonne voie, encore
qu’il y en ait de remarquables à la chapelle
sixtine...
Nous en étions là de notre enquête, déses
pérés d’arriver jamais à un résultat, quand
soudain apparut notre vénérable concierge,
qui nous tint ce discours :
— Messieurs, depuis 13 jours déjà, votre
terme eût dû être payé... Voilà la quittance !
Où en êtes-vous?
Comme ensemble nous lui répondions:
— Nous cherchons la pièce secrète!
Il nous salua et sortit, tandis que nous nous
écriâmes en voyant sa culotte soigneusement
rapiécée... :
sans devenir sensiblement plus byronien.
N’aurais-je pas de génie? me disais-je
souvent en me cognant le front contre le
marbre de la cheminée. N’aurais-je que
du talent? Enormément de talent?
Ah ! que pénibles me furent ces tristes
heures de doute !
Dans la suite, j’eus beau me promener
avec des cravates vertes et des chapeaux
de cowboy, aucune jeune dame ne perdit
connaissance en m’apercevant — et mes
allures de ruminant costumé par Granville
semblèrent s’accentuer encore.
Sentant néanmoins que j’avais quelque
chose là, et n’y pouvant plus tenir, je ré
solus d’aller consulter l’illustre docteur
Robillard, le distingué phrénologiste et
ophtalmologue.
Je fus introduit en son cabinet par un
jeune nègre très comme il faut. Un second
nègre me débarrassa de mes accessoires ;
un troisième m’installa dans un confor
table fauteuil — et bientôt le siège de
ma pensée évolua sous les doigts agiles
du Maître.
A différentes reprises, il mesura son an
gle facial.
Il fit sur le tableau noir quelques cal
culs assez compliqués, ma foi, et déjà il
se préparait à me palper la base du crâne
— lorsque soudain trente-six mille chan
delles voltigèrent devant mes yeux d’a
zur.
Mon nez se mit à pleurer des larmes de
sang, et l’orchestre de Lamoureux parut
s’accorder dans mes oreilles.
Le professeur avait retroussé ses man
chettes et, toujours muni de ses grosses
bagues d’argent massif, il m’expédiait,
en plein faciès, environ six coups de poing
à la seconde.
Lorsqu’il fut hors d’haleine, et quand
de mon côté je fus un peu remis de ma
surprise:
— Hé! fis-je, qu’avez-vous, cher maître?
Quelle mouche vous pique et pourquoi
cette soudaine violence?
—• Ce que j’ai ? hurla-t-il, ce que j’ai ?
Je viens de lire dans vos yeux que vous
me considériez comme un charlatan et
comme une canaille! Voilà ce que j’ai 1
Et, d’un robuste coup de pied, il m’en
voya rouler dans l’antichambre.
★
★ ★
C’est ainsi que, à mon grand dam, je fus
convaincu de l’exactitude de cet axiome :
« Les yeux sont le miroir de l’âme. »
Georges Auriol.
CHRONIQUE
PAR
Francisque Sarcey
Il y a quelque temps je reçus la visite d'un
de mes parents qui habite la province. C’est
un homme aimable, brillant causeur, et qui
de plus est grand joueur de trictrac. Le tric
trac est, comme vous le savez, un peu tombé
en désuétude, mais c’est à mon sens le plus
beau de tous les jeux connus, et ses rares
adeptes sentent pour lui une sorte de pas
sion. Il me proposa une partie, et j’acceptai
avec empressement.
Nous étions en train de jouer, quand je le
— Eurêka... La voilà ! La pièce secrète !
Illustrations de Jack Abeille.
Texte de René Dubreuil.
Les 7eux sont le miroir de l’âme
par Georges Auriol
A cette heure, je sais parfaitement que
j’ai du génie, mais je n’ai pas toujours eu
cette certitude.
Quand j’avaisdix-sept ans, il m’arrivait
de stationner des heures entières devant
la glace pour étudier ma physionomie de
jeune demi-dieu, et, dois-je l’avouer? je
n’étais pas toujours satisfait.
De face mon visage me paraissait or
dinaire, insuffisamment fatal en tout cas.
De profil, je ressemblais à un mouflon.
De trois quarts seulement, j’étais passa
ble.
Je me fis photographier ainsi, l’œil
fièrement rejeté dans le coin de l’orbite ;
— mais dans la vie il m’était bien difficile
de me présenter constamment de trois
quarts, et je dus y renoncer prompte
ment.
Je laissai grandir mes cheveux, mais
vis devenir inquiet, s’agiter sur sa chaise,
jeter de côté et d’autre des regards anxieux.
— Qu’avez-vous donc ? lui demandai-je.
— Oh ! ce n’est rien. Voulez-vous me lais
ser un moment de liberté?
Il tira de sa poche une petite seringue, se
fit lui-même deux ou trois piqûres hypoder
miques, remit sa seringue où il l’avait prise
et se rassit, frais et dispos, devant la table
du trictrac.
— Comment, lui dis-je, vous aussi, vous
avez pris l’habitude de la morphine ?
Il m’apprit qu’en effet le médecin lui avait
ordonné pour calmer des douleurs rhumatis
males des injections sous-cutanées de mor
phine ; qu’il se les était d’abord administrées
par arrêt de la Faculté; qu’il les avait con
tinuées par plaisir, et qu’il ne pouvait plus
s’en passer.
— Prenez garde ! lui dis-je : on assure que
c’est là une très dangereuse habitude.
11 m’affirma en riant qu’il n’y avait au con
traire aucun danger, que c’était l’abus seul
dont il fallait se défier.
Mais où commence l’abus ?
Je viens de lire dans une revue scientifique
deux leçons faites à la Clinique des maladies
mentales, sur la morphinomanie, sur ses
symptômes et sur ses conséquences.
J’avoue que j’en ai été quelque peu effrayé.
Il paraît que la morphinomanie exerce des
ravages bien plus considérables que ne le
croient les gens du monde. Nous nous ima
ginons que ce goût n’existe chez nous qu’à
l’état d’exception.
Il est au contraire fort répandu, et depuis
tantôt vingt années il a fait, surtout dans les
hautes classes de la société française, des
progrès inouïs.
Le professeur de la clinique a constaté
chez une foule de gens du monde, et sur
tout chez les femmes, cette funeste habitude
qui est encore pratiquée en cachette par la
plupart de tous ceux qu’elle tourmente, mais
qui ne tardera pas à s’avouer ef à s’étaler au
* grand jour, si les choses vont toujours du
même train.
11 y a dans l’abus de la morphine un péril
bien plus grave encore que dans l'abus du
tabac, de l’opium ou des autres narcotiques.
La morphinomanie, outre qu’elle a des
suites plus rapides et plus terribles que cel
les d’aucun autre poison de ce genre, a
encore cet inconvénient qu’il est presque
impossible, quand on lui a laissé prendre
possession de soi-même, de la chasser et de
s’en débarrasser.
On traitait jadis la morphinomanie par la
suppression brusque et radicale du poison.
Mais le remède était pire que le mal. Le mor-
phinomaneprivé tout àcoup de l’excitant dont
il avait l’habitude s’affaissait et tombait
comme un corps sans âme.
Il paraît qu’à Constantinople on a une fa
çon proverbiale de désigner un homme hébété
et morne : « C’est, dit-on, un thériaque privé
de son opium. » Il en va de même du morphi
nomane. Chez quelques-uns pourtant la pri
vation soudaine de la morphine amène des
conséquences toutes différentes, mais qui ne
sont pas moins fâcheuses.
Certains sujets, dès les premiers jours de
l’abstinence, sont pris d’une agitation extrême.
ils vont et viennent et ne peuvent tenir en
place ; ils poussent des cris et des gémisse
ments ; ils assourdissent tout le monde de
leurs ennuyeuses lamentations. A un degré
plus élevé, ils présentent des hallucinations
nombreuses qui, comme pour tous les déli
res toxiques, portent principalement sur la
vue; ils aperçoivent des figures humaines,
les unes souriantes, les autres menaçantes;
ils voient des lumières, des flammes, des au
réoles. Ils peuvent avoir aussi des hallucina
tions de l’odorat et du goût.
A tous ces troubles, il faut joindre l’in
somnie, conséquence naturelle de la privation
de leur médication d’usage. Tandis que les
autres sont plongés par cette privation dans la
somnolence et dans l’hébétude, ils ne peu
vent, eux, trouver un moment de repos. Aussi
a-t-on renoncé, presque entièrement, à cette
médication héroïque ; on soumet les morphi
nomanes à un traitement gradué; on retran
che chaque jour ou chaque semaine quelque
chose de la quantité qu’ils prenaient de leur
poison favori. Les accidents de cette médica
tion sont moins graves. Mais il paraît, et l’on
ne saurait trop porter ce fait à la connais
sance des gens du monde, il paraît que,
de toutes les maladies de ce genre, la morphi
nomanie est des plus difficiles à guérir; et
M. Bail a l’air de la regarder comme à peu
près incurable. La morphinomanie est une
forme de la dipsomanie, qui, elle, est ingué
rissable.
Il n’en est donc pas de la morphine comme
du tabac. Le tabac entre dans l’économie et
n’y produit que des troubles passagers. Le
corps s’y acclimate en quelque sorte, et les
gens chez qui l’abus du tabac amène des dé
sordres graves ne sont pas fort nombreux,
quoi qu’en disent les Sociétés de tempérance.
La morphine est bien autrement redouta
ble.
Il est vrai qu’elle apporte tout d’abord à
celui qui se l’injecte une sensation de béati
tude toute particulière, à laquelle les méde
cins ont donné le nom d’euphorie, mais cette
sensation ne peut s’obtenir que si l’on aug
mente chaque jour la dose.
M.-Ball a fait une remarque bien curieuse:
quand le médecin a affaire à des morphino
manes qui sont saturés de morphine, s’il a
besoin de leur appliquer ce médicament, il
faut d’abord qu’il leur en donne la quantité
dont ils ont pris l’habitude pour chaque jour
et qu’à cette première dose il ajoute celle qui
doit produire l’effet du remède.
Ce que le médecin fait dans un but de mé
dication, le malade le fait lui-même pour ar
river à la sensation qu’il désire. Et plus il se
livre à son funeste penchant, moins il trouve
en lui-même de force pour y résister.
C’est une des conséquences les plus ordi
naires de la morphine d’émousser la volonté
chez ceux qui en font abus. Chose singulière,
la morphine, qui, pour un moment, stimule
et l’intelligence et le vouloir, les laisse en
suite retomber à plat; elle a donné un mo
ment d’énergie factice, mais l’atonie qui suit
n’en est que plus profonde.
Je souhaiterais qu’un médecin écrivit sur
ce sujet une petite brochure, bien claire, bien
nette, bien probante, qui pût porter l’effroi
chez les gens du monde et les préservât de
toucher jamais à ce dangereux excitant. Il me
semble même que ces messieurs de la Faculté
devraient être très réservés sur l’emploi do
la morphine, comme médicament, et ne l’or
donner que dans les cas où elle est absolu
ment indispensable. S’il est véritable que l’u
sage de la morphine ne se soit introduit chez
nous qu’à la suite d’une médication devenue
à la mode, ce seraient les médecins qui se
raient les grands coupables en cette affaire;
c’est à eux qu’il faudrait se prendre de l’éclo
sion soudaine de cette maladie nouvelle; ce
serait de même à eux d’en enrayer les pro
grès.
La morphine, après tout, n’est pas encore
entrée dans la consommation quotidienne;
c’est un produit pharmaceutique peu connu
et qu’on n’a pas par soi-même l’idée d’acheter
et d’employer. Il n'y aura bientôt plus de
morphinomanes si la Faculté se montre extrê
mement sobre de morphine dans ses prescrip
tions ordinaires. Le meilleur, je crois, est,
pour les gens du monde, de n’en jamais es
sayer sous aucun prétexte. On devrait s’impo
ser, pour tous les narcotiques, la règle de
l’abstention absolue. Je n’ai jamais goûté
qu’une fois en ma vie de l’absinthe, j’en ai
trouvé l’odeur délicieuse et le goût charmant.
Je me suis juré de n’en jamais plus repren
dre sous aucun prétexte et me suis tenu pa
role.
Il faut suivre le précepte de l’Ecriture, qui
dit que la seule façon de ne point tomber
dans le péril est de le fuir sans regarder der
rière soi.
Francisque Sarcey
Entre Propriétaire et Locataire.
Explication entre propriétaire et locataire,
à la veille du terme :
— Monsieur, je saurai mettre un ferme h
vos sarcasmes.
— Si vous pouviez, par la même occasion,
en mettre un autre à ceux que vous venez me
réclamer tous les trois mois, vous me ren-
1 driez un bien grand service.
Un jour le général Decaen, lorsqu’il n’était
encore qu’aide de camp de son frère, fut
j arrêté par la gendarmerie, en se rendant à
I l’armée.
I — Comment vous nommez-vous? lui de-
! manda le brigadier.
— Decaen.
— D’où êtes-vous ?
— De Caen.
— D’où venez-vous?
— De Caen.
— Qu’êtes-vous?
— Aide de camp.
— De qui ?
— Du général Decaen.
— Où allez-vous?
— Au camp.
— Oh! 0I1! dit le brigadier, qui était un
faiseur de calembours, il y a trop de camps
dans votre affaire; je vous arrête et vous
coucherez sur le lit de camp.
Administration : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Aimé MALLIFAUD, Directeur
ABONNEMENTS
Le Havre: Un An 5 fr. | Départements: Un An... 6 fr.
Pour les annonces on traite à forfait en s'adressant à l'Administration du Journal
Rédaction : 6 bis, Rue Bernardin de Saint-Pierre. — LE HAVRE
Bureaux Ouverts: les Lundi, Mercredi, Jeudi et Samedi, de 9 h. à 11 h. du matin
L’ACTUALITÉ
Pièces Secrètes
On ne parviendra probablement jamais à savoir quel
les sont les fameuses pièces seerèles dont il est tant parle
dans l’affaire X...
(TOUS LES JOURNAUX)
Les pièces secrètes !
Vous ne les connaissez pas, ni vous non
plus.
C’est pourquoi, désireux de nous instruire,
désireux de faire cesser l’état d’ignorance où
vous croupissez honteusement, nous avons
résolu de rechercher, en votre compagnie,
quelles pouvaient être ces fameuses pièces
dont tout le monde parle et que personne ne
connaît.
Sans être un juge d’instruction patenté,
assermenté, il nous est permis, comme à tout
libre citoyen, de conduire une petite en
quête.
Nous allons donc la conduire.
Et plaise au préfet de police, notre sym
pathique gardien-chef, que nous ne dérail
lions point.
Nous croyons tout d’abord nécessaire de
faire comparaître devant nous les personnes
les plus à même de nous fournir des rensei
gnements par leur petite situation, par le
monde assez mélangé qu’elles fréquentent.
M. Félix Faure par exemple.
Ci-dessous notre interrogatoire.
★
★ ★
— Voyons, mon petit ami, ne vous trou
blez pas... Votre nom ? Votre âge?
— Faure, Félix-Anatole... cinquante-six
ans aux prunes. ..
— Votre profession ?
— Bien assommante.
— Que savez-vous des pièces ?... des
fameuses pièces?... Répondez pendant que
notre chat Trouduc, dénommé greffier, va.
inscrire votre déposition.
M. Faure, Félix-Anatole, parla.
— Ah! parfaitement! Les pièces... fa
meuses pièces ! Connais que ça... En ai reçu
cinquante et m’ont coûté vingt-cinq francs...
En ai fait des boutons de guêtre... Très
joli... Cochery qui m’a envoyé ça. .. Ravis
santes ! ces pièces de Roty... Gravées supé
rieurement. . . En ai eu le premier.. . Petite
Lucie en a fait épingle à chapeau et Mont-
jarret des breloques... Très heureux pou
voir vous donner renseignements, mais n’ai
pas le temps de m’endormir sur le roty ... Ai
plusieurs choses à faire... Présider conseil
des ministres, aller à la chasse et coller une
volée au piquet à général Hagron... Joue
comme une mazette, Hagron... Serviteur,
messieurs... Enchanté... « Zdraviamolodsti! »
L’honorable déposition présidentielle n’é
clairant pas d'un jour nouveau la question
en litige, nous ne jugeâmes point à propos
de retenir le chef de l’Etat. Ses instants sont
précieux comme ses décrets.
— Vive la République !
★
★ ★
« Par devant Nous, Magistrats-Instructeurs,
est cité à comparaître le sieur Claretie (Jules,
pour les dames sociétaires) afin qu’il nous
dise ce qu’il sait des pièces secrètes dont il
est tant parlé. Le sieur Claretie (Jules), admi
nistrateur de la Comédie-Française, devra
se présenter devant nous dans les vingt-
quatre heures suivant la présentation du
présent mandat, faute de quoi nous l’enver
rions chercher par M. Emile Bergerat !
Fait en notre parquet (mal ciré, du reste).
Montmartre, le 27 janvier 1898.
Le greffier: Trouduc.
Nous nous devons d’ajouter que, devant la
menace de se voir appréhender par M. Ber
gerat, le sieur Jules Claretie a comparu vive
ment devant notre bureau.
— Votre nom, jeune homme ?
— Claretie...
— C’est très bien, nous le savions.
— 1 Votre âge ?
— Pour les dames de la maison... 33 ans...
— Pour les magistrats ?
— Cinquante-neuf...
— Profession ?
— Gardien du décret de Moscou !
— Vive la Russie !
— Vive la France !...
A ce moment, le petit Jules veut prier
M'. Mounet-Sully de déclamer la Marseillaise
et l'Hymne russe ; mais, comme nous considé
rons que c’est là du temps de perdu, nous
protestons vigoureusement.
— Parlez-nous des pièces !
— Volontiers ! Les pièces ! Ah ! fameux !...
A la Comédie, nous en avons pour tous les
goûts — en fil de fer, en caoutchouc... Nous
avons des pièces qui feront de l’argent, nous
avons des pièces qui ne feront pas le sou...
Nous en avons en vers, en prose, nous en
avons même qui ne sont ni en vers ni en prose;
seulement nous les jouerons tout de même,
parce que les auteurs sont les amis des socié
taires. Des pièces ! Mais nous avons de quoi
révolutionner la littérature abyssine... Nous
en avons quatorze qui nous sont apportées
par Sylvain et dix-huit par Mlle Reichemberg.
Nous avons cinquante actes en mauvais vers
de M. Truffier et dix-sept comédies que
patronne M. Sarcey... Ah ! Messieurs... je
suis bien heureux, et, si vous voulez que mon
cœur vous garde une reconnaissance éter
nelle, acceptez ces deux banquettes de troi
sième galerie pour mon spectacle gratuit du
quatorze juillet prochain.
Comme Jules allait pleurer, nous accep
tâmes tout en lui faisant observer combien sa
déposition était inutile...
— Adieu, Jules !
Et comme nous nous mettions à table, le
petit Claretie, en souvenir du répertoire, nous
salua d’un :
— Bon appétit, Messieurs !
Et sortit comme il était venu... Son nez
partit le premier par file à gauche.
— C’est égal, l’enquête reste stationnaire,
et nous n'arriverons jamais à savoir le fin
mot de ces pièces secrètes, me dit mon
assesseur.
— Si nous interrogions le Pape ?
— Il habite un peu loin...
— Bah! avec une commission rogatoire
on passe par-dessus bien des montagnes.
Ce qui fut dit fut fait...
Mais, hélas ! nous devons à la vérité de dire
que la pièce du pape n’avait plus cours... Ce
n’était pas encore là la bonne voie, encore
qu’il y en ait de remarquables à la chapelle
sixtine...
Nous en étions là de notre enquête, déses
pérés d’arriver jamais à un résultat, quand
soudain apparut notre vénérable concierge,
qui nous tint ce discours :
— Messieurs, depuis 13 jours déjà, votre
terme eût dû être payé... Voilà la quittance !
Où en êtes-vous?
Comme ensemble nous lui répondions:
— Nous cherchons la pièce secrète!
Il nous salua et sortit, tandis que nous nous
écriâmes en voyant sa culotte soigneusement
rapiécée... :
sans devenir sensiblement plus byronien.
N’aurais-je pas de génie? me disais-je
souvent en me cognant le front contre le
marbre de la cheminée. N’aurais-je que
du talent? Enormément de talent?
Ah ! que pénibles me furent ces tristes
heures de doute !
Dans la suite, j’eus beau me promener
avec des cravates vertes et des chapeaux
de cowboy, aucune jeune dame ne perdit
connaissance en m’apercevant — et mes
allures de ruminant costumé par Granville
semblèrent s’accentuer encore.
Sentant néanmoins que j’avais quelque
chose là, et n’y pouvant plus tenir, je ré
solus d’aller consulter l’illustre docteur
Robillard, le distingué phrénologiste et
ophtalmologue.
Je fus introduit en son cabinet par un
jeune nègre très comme il faut. Un second
nègre me débarrassa de mes accessoires ;
un troisième m’installa dans un confor
table fauteuil — et bientôt le siège de
ma pensée évolua sous les doigts agiles
du Maître.
A différentes reprises, il mesura son an
gle facial.
Il fit sur le tableau noir quelques cal
culs assez compliqués, ma foi, et déjà il
se préparait à me palper la base du crâne
— lorsque soudain trente-six mille chan
delles voltigèrent devant mes yeux d’a
zur.
Mon nez se mit à pleurer des larmes de
sang, et l’orchestre de Lamoureux parut
s’accorder dans mes oreilles.
Le professeur avait retroussé ses man
chettes et, toujours muni de ses grosses
bagues d’argent massif, il m’expédiait,
en plein faciès, environ six coups de poing
à la seconde.
Lorsqu’il fut hors d’haleine, et quand
de mon côté je fus un peu remis de ma
surprise:
— Hé! fis-je, qu’avez-vous, cher maître?
Quelle mouche vous pique et pourquoi
cette soudaine violence?
—• Ce que j’ai ? hurla-t-il, ce que j’ai ?
Je viens de lire dans vos yeux que vous
me considériez comme un charlatan et
comme une canaille! Voilà ce que j’ai 1
Et, d’un robuste coup de pied, il m’en
voya rouler dans l’antichambre.
★
★ ★
C’est ainsi que, à mon grand dam, je fus
convaincu de l’exactitude de cet axiome :
« Les yeux sont le miroir de l’âme. »
Georges Auriol.
CHRONIQUE
PAR
Francisque Sarcey
Il y a quelque temps je reçus la visite d'un
de mes parents qui habite la province. C’est
un homme aimable, brillant causeur, et qui
de plus est grand joueur de trictrac. Le tric
trac est, comme vous le savez, un peu tombé
en désuétude, mais c’est à mon sens le plus
beau de tous les jeux connus, et ses rares
adeptes sentent pour lui une sorte de pas
sion. Il me proposa une partie, et j’acceptai
avec empressement.
Nous étions en train de jouer, quand je le
— Eurêka... La voilà ! La pièce secrète !
Illustrations de Jack Abeille.
Texte de René Dubreuil.
Les 7eux sont le miroir de l’âme
par Georges Auriol
A cette heure, je sais parfaitement que
j’ai du génie, mais je n’ai pas toujours eu
cette certitude.
Quand j’avaisdix-sept ans, il m’arrivait
de stationner des heures entières devant
la glace pour étudier ma physionomie de
jeune demi-dieu, et, dois-je l’avouer? je
n’étais pas toujours satisfait.
De face mon visage me paraissait or
dinaire, insuffisamment fatal en tout cas.
De profil, je ressemblais à un mouflon.
De trois quarts seulement, j’étais passa
ble.
Je me fis photographier ainsi, l’œil
fièrement rejeté dans le coin de l’orbite ;
— mais dans la vie il m’était bien difficile
de me présenter constamment de trois
quarts, et je dus y renoncer prompte
ment.
Je laissai grandir mes cheveux, mais
vis devenir inquiet, s’agiter sur sa chaise,
jeter de côté et d’autre des regards anxieux.
— Qu’avez-vous donc ? lui demandai-je.
— Oh ! ce n’est rien. Voulez-vous me lais
ser un moment de liberté?
Il tira de sa poche une petite seringue, se
fit lui-même deux ou trois piqûres hypoder
miques, remit sa seringue où il l’avait prise
et se rassit, frais et dispos, devant la table
du trictrac.
— Comment, lui dis-je, vous aussi, vous
avez pris l’habitude de la morphine ?
Il m’apprit qu’en effet le médecin lui avait
ordonné pour calmer des douleurs rhumatis
males des injections sous-cutanées de mor
phine ; qu’il se les était d’abord administrées
par arrêt de la Faculté; qu’il les avait con
tinuées par plaisir, et qu’il ne pouvait plus
s’en passer.
— Prenez garde ! lui dis-je : on assure que
c’est là une très dangereuse habitude.
11 m’affirma en riant qu’il n’y avait au con
traire aucun danger, que c’était l’abus seul
dont il fallait se défier.
Mais où commence l’abus ?
Je viens de lire dans une revue scientifique
deux leçons faites à la Clinique des maladies
mentales, sur la morphinomanie, sur ses
symptômes et sur ses conséquences.
J’avoue que j’en ai été quelque peu effrayé.
Il paraît que la morphinomanie exerce des
ravages bien plus considérables que ne le
croient les gens du monde. Nous nous ima
ginons que ce goût n’existe chez nous qu’à
l’état d’exception.
Il est au contraire fort répandu, et depuis
tantôt vingt années il a fait, surtout dans les
hautes classes de la société française, des
progrès inouïs.
Le professeur de la clinique a constaté
chez une foule de gens du monde, et sur
tout chez les femmes, cette funeste habitude
qui est encore pratiquée en cachette par la
plupart de tous ceux qu’elle tourmente, mais
qui ne tardera pas à s’avouer ef à s’étaler au
* grand jour, si les choses vont toujours du
même train.
11 y a dans l’abus de la morphine un péril
bien plus grave encore que dans l'abus du
tabac, de l’opium ou des autres narcotiques.
La morphinomanie, outre qu’elle a des
suites plus rapides et plus terribles que cel
les d’aucun autre poison de ce genre, a
encore cet inconvénient qu’il est presque
impossible, quand on lui a laissé prendre
possession de soi-même, de la chasser et de
s’en débarrasser.
On traitait jadis la morphinomanie par la
suppression brusque et radicale du poison.
Mais le remède était pire que le mal. Le mor-
phinomaneprivé tout àcoup de l’excitant dont
il avait l’habitude s’affaissait et tombait
comme un corps sans âme.
Il paraît qu’à Constantinople on a une fa
çon proverbiale de désigner un homme hébété
et morne : « C’est, dit-on, un thériaque privé
de son opium. » Il en va de même du morphi
nomane. Chez quelques-uns pourtant la pri
vation soudaine de la morphine amène des
conséquences toutes différentes, mais qui ne
sont pas moins fâcheuses.
Certains sujets, dès les premiers jours de
l’abstinence, sont pris d’une agitation extrême.
ils vont et viennent et ne peuvent tenir en
place ; ils poussent des cris et des gémisse
ments ; ils assourdissent tout le monde de
leurs ennuyeuses lamentations. A un degré
plus élevé, ils présentent des hallucinations
nombreuses qui, comme pour tous les déli
res toxiques, portent principalement sur la
vue; ils aperçoivent des figures humaines,
les unes souriantes, les autres menaçantes;
ils voient des lumières, des flammes, des au
réoles. Ils peuvent avoir aussi des hallucina
tions de l’odorat et du goût.
A tous ces troubles, il faut joindre l’in
somnie, conséquence naturelle de la privation
de leur médication d’usage. Tandis que les
autres sont plongés par cette privation dans la
somnolence et dans l’hébétude, ils ne peu
vent, eux, trouver un moment de repos. Aussi
a-t-on renoncé, presque entièrement, à cette
médication héroïque ; on soumet les morphi
nomanes à un traitement gradué; on retran
che chaque jour ou chaque semaine quelque
chose de la quantité qu’ils prenaient de leur
poison favori. Les accidents de cette médica
tion sont moins graves. Mais il paraît, et l’on
ne saurait trop porter ce fait à la connais
sance des gens du monde, il paraît que,
de toutes les maladies de ce genre, la morphi
nomanie est des plus difficiles à guérir; et
M. Bail a l’air de la regarder comme à peu
près incurable. La morphinomanie est une
forme de la dipsomanie, qui, elle, est ingué
rissable.
Il n’en est donc pas de la morphine comme
du tabac. Le tabac entre dans l’économie et
n’y produit que des troubles passagers. Le
corps s’y acclimate en quelque sorte, et les
gens chez qui l’abus du tabac amène des dé
sordres graves ne sont pas fort nombreux,
quoi qu’en disent les Sociétés de tempérance.
La morphine est bien autrement redouta
ble.
Il est vrai qu’elle apporte tout d’abord à
celui qui se l’injecte une sensation de béati
tude toute particulière, à laquelle les méde
cins ont donné le nom d’euphorie, mais cette
sensation ne peut s’obtenir que si l’on aug
mente chaque jour la dose.
M.-Ball a fait une remarque bien curieuse:
quand le médecin a affaire à des morphino
manes qui sont saturés de morphine, s’il a
besoin de leur appliquer ce médicament, il
faut d’abord qu’il leur en donne la quantité
dont ils ont pris l’habitude pour chaque jour
et qu’à cette première dose il ajoute celle qui
doit produire l’effet du remède.
Ce que le médecin fait dans un but de mé
dication, le malade le fait lui-même pour ar
river à la sensation qu’il désire. Et plus il se
livre à son funeste penchant, moins il trouve
en lui-même de force pour y résister.
C’est une des conséquences les plus ordi
naires de la morphine d’émousser la volonté
chez ceux qui en font abus. Chose singulière,
la morphine, qui, pour un moment, stimule
et l’intelligence et le vouloir, les laisse en
suite retomber à plat; elle a donné un mo
ment d’énergie factice, mais l’atonie qui suit
n’en est que plus profonde.
Je souhaiterais qu’un médecin écrivit sur
ce sujet une petite brochure, bien claire, bien
nette, bien probante, qui pût porter l’effroi
chez les gens du monde et les préservât de
toucher jamais à ce dangereux excitant. Il me
semble même que ces messieurs de la Faculté
devraient être très réservés sur l’emploi do
la morphine, comme médicament, et ne l’or
donner que dans les cas où elle est absolu
ment indispensable. S’il est véritable que l’u
sage de la morphine ne se soit introduit chez
nous qu’à la suite d’une médication devenue
à la mode, ce seraient les médecins qui se
raient les grands coupables en cette affaire;
c’est à eux qu’il faudrait se prendre de l’éclo
sion soudaine de cette maladie nouvelle; ce
serait de même à eux d’en enrayer les pro
grès.
La morphine, après tout, n’est pas encore
entrée dans la consommation quotidienne;
c’est un produit pharmaceutique peu connu
et qu’on n’a pas par soi-même l’idée d’acheter
et d’employer. Il n'y aura bientôt plus de
morphinomanes si la Faculté se montre extrê
mement sobre de morphine dans ses prescrip
tions ordinaires. Le meilleur, je crois, est,
pour les gens du monde, de n’en jamais es
sayer sous aucun prétexte. On devrait s’impo
ser, pour tous les narcotiques, la règle de
l’abstention absolue. Je n’ai jamais goûté
qu’une fois en ma vie de l’absinthe, j’en ai
trouvé l’odeur délicieuse et le goût charmant.
Je me suis juré de n’en jamais plus repren
dre sous aucun prétexte et me suis tenu pa
role.
Il faut suivre le précepte de l’Ecriture, qui
dit que la seule façon de ne point tomber
dans le péril est de le fuir sans regarder der
rière soi.
Francisque Sarcey
Entre Propriétaire et Locataire.
Explication entre propriétaire et locataire,
à la veille du terme :
— Monsieur, je saurai mettre un ferme h
vos sarcasmes.
— Si vous pouviez, par la même occasion,
en mettre un autre à ceux que vous venez me
réclamer tous les trois mois, vous me ren-
1 driez un bien grand service.
Un jour le général Decaen, lorsqu’il n’était
encore qu’aide de camp de son frère, fut
j arrêté par la gendarmerie, en se rendant à
I l’armée.
I — Comment vous nommez-vous? lui de-
! manda le brigadier.
— Decaen.
— D’où êtes-vous ?
— De Caen.
— D’où venez-vous?
— De Caen.
— Qu’êtes-vous?
— Aide de camp.
— De qui ?
— Du général Decaen.
— Où allez-vous?
— Au camp.
— Oh! 0I1! dit le brigadier, qui était un
faiseur de calembours, il y a trop de camps
dans votre affaire; je vous arrête et vous
coucherez sur le lit de camp.
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