Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1930-12-31
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 31 décembre 1930 31 décembre 1930
Description : 1930/12/31 (Numéro 365). 1930/12/31 (Numéro 365).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k296463n
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
gQQPfs
It.ftftB.BJ.J
LotlÊPAR CEUX-CI, BlAMi PAR CEUX-LX, ME MOtÉlANT DES SOTS, BRAVANT tES MÉCHANTS, JE MB `
PRESSE DE RIRE DE TOUT.. DE; PEUR IVÊTRE OBUGÊ D'EN PIEÙRER-
POUVEZ-VOUS, ROARO, TRAITER SI lÉOEREMENT 0N DESSEIN Q3I NOUS COÛTE X TOUS IE BONHEUR?
RPÏATTMAÏtCHAIS.
le Gaulois
0
FIGARO 1
FIGARO g
FomW k i+ Janvier 182& o 0
Atteints Directeurs: H. ce VillememanT g
F.MAOHARO. O.CALMETTE. A.CAPU8. R. FLBRB g
̃ ̃ ̃ • ̃ • o
ABONNEMENTS: 1111 il he" 1 III g
ABONNEMENTS S mil 6 mel» 1 a»
*arlsjPépartem.etColonies. 30» 54» 100» |
ÉTRANGER g
Pays à tarif postal réduit. 52» 100» 190» g
Pays àtarlf postal augmenté. 72» t«Q" 260» g
On s'»bonne dans tous les Bureaux de Poste g 0
de France g
̃̃;•̃. Chèque postal 242-63 Parle o o
,̃'̃̃< O
105* Année. N° 365 de 1930
Édité en r Hôtel de
FIGARO
X4, Rond-Point des Champs-Elysées
PARIS (VIII-)
ADMIHISTRATIONRÉDACTION-PUBLICITÉ
ANNONCES
14. Rond-Point des "Champs-Elysées, paris
7étepêoites Elysées .98-81 à 98-38
Adresse Télégraphique "FIGARO 45-PASI5
MERCREDI 31 DECEMBRE 1930
a^t'iRECTETéne; *ju^çoxs cott
MERCREDI 31 DECEMBRE 1930
SOMMAIRE »E FIGARO
PAGE 2. Les Cours, les Ambassades, le Monde
et la Ville. Les Echos.
PAGE 3. Le conseil des ministres. A l'Hôtel
de Ville. Ch. Dauzats A l'Académie de
médecine. G. Claretie Gazette des Tribu-
'• naux. Dans la marine. Dernière Heure
Les souhaits de M. Baldwin aux conserva-
•-̃̃̃ tèurs britanniques pour la nouvelle année
Le général Bérenguer parle des élections es-
îpagnoles et des troubles récents Hitler est
̃ allé exposer la politique national-socialiste
aux industriels de la Ruhr.
PAGE 4. Jean Revire Le rôle du Rhin.
Henri Clouzot L'art précieux de notre temps.
;̃ -La Saison. Revue de la Presse.
PAGE 5. Maurice d'Ocagne, de l'Académie
des sciences Le Père Sébastien Truchet.
James de Coquet Les Premières. Henri
davignôn Hubert fcrains. Marc Loge
/♦̃ Le théâtrràWETât^tînfls. "Les- Alguazits
Courrier des Lettres.
PAGE 6. La Bourse La Cote des valeur*
Spectacles.
PAGE 7. La Vie sportive.
PAGE 8. René Chavance Le Chevalier
Charlotte. Déplacements et villégiatures
des abonnés de Figaro.
LA POLITIQUE
Autorité et Moralité
en baisse
^rgj^j Le Conseil de l'Ordre des avocats a
/>q|Sg voulu montrer qu'il ne restait pas in
JfP»^ différent aux scandales provoqués par
les agissements de confrères politiciens.
Il réprouve ce que l'enquête parlementaire a révélé.
Il Je f^tt, malheureusement, en des termes _un_peil
obscurs. Au délicat problème qui se posait,, il à
apporté des solutions de détail en un arrêté dont
^interprétation est plus malaisée que le problème
même. Pour bien deviner ce qu'on a voulu dire,
il faut être, comme notre collaborateur Georges
Claretie, initié aux intentions des chefs de l'Ordre.
Retenons que ces honnêtes gens ont voulu se désoli-
dariser de pratiques qui auraient, il y a quarante
ans, entraîné des sanctions sévères contre les mem-
bres du barreau qui s'y seraient livrés. Ils ont exé-
cute leur projet, mais sans éclat.
"La question de l'avocat-politique, abusant de
son influence au profit du client, a plus d'ampleur.
Un conseil- de discipline, si profondément qu'il ait
gardé le sens de la dignité professionnelle, n'a plus
à notre époque, il faut bien le dire, la puissance né-
cessaire'pour porter un fer rouge dans les plaies
qu'on découvre. C'est une question non d'applica-
tion des règles du métier d'avocat, mais de moralité
générale.
Et d'abord, rien de plus aisé que de mener de
front l'exercice de ce métier et du mandat politique.
Il suffit d'apporter ici et là des scrupules de droi-
ture dont font preuve des membres du barreau
qu'on pourrait nommer et qui siègent au Luxem-
bourg ou au Palais-Bourbon. Ceux-là plaident,
conseillent, arbitrent, en .proportionnant leurs ho-
noraires aux facultés du plaideur et aux services
qu'ils lui peuvent rendre: (2eux4à $e refusent à être
des démarcheurs, des intermédiaires entre leur client
et les administrations. Ceux-là se demandent pour-
quoi ils sont choisis si c'est leur talent ou leur
influence qui les fait préférer.
Car si les avocats politiques pour gagner leurs
causes se servent du crédit que leurs fonctions leur
donnent, ils ne sont pas les seuls coupables de l'abus.
Ceux qui les recherchent ne sont pas de ces gens
qui par délicatesse goûtent, comme Alceste, le plai-
sir de perdre leur procès. Ils se paient un avocat
dont l'action ne se borne point à celle que recom-
mandait Démosthène ils s'offrent un conseil de
luxe qui parle haut ailleurs qu'à la barre. Devant
celui-là (le plaideur le sait) on s'inclinera dans les
Bureaux, fermés au simple Me Untel, et grands
ouverts à M. le député.
Coupables aussi ceux qui écoutent hors de l'au-
dience le parlementaire avocat et qui sous la robe,
faite pour égaliser à la barre tous les maîtres « au
talent près » ̃ voient l'apostilleur éventuel de
demandes, le protecteur possible que le ministre
consulte aux jours de promotions.
Coupables enfin ces ministres qui monnaient
leur pouvoir pour acheter des voix et s'assurer la
bienveillance d'un rapporteur, d'un président de
commission ou d'un meneur des couloirs inscrit au
barreau. Par la complicité des intérêts personnels,
c'est la mise au pillage de l'autorité qui décline.
Le remède Les parlementaires proposent tou-
jours le même l'augmentation de leur indemnité.
L'argument de la pauvreté courtisane serait bon si
ceux dont les noms sont mêlés aux scandales actuels
étaient des malheureux n'en pouvant plus d'efforts
laborieux. Mais on sait bien que les affairistes
d'assemblées, dans leur avidité, ne se contenteront
jamais de leurs appointements, quels qu'ils soient.
On a majoré le traitement des députés et sénateurs
de 9.000 à 60.000 francs. Leur vertu ne s'en est
pas affermie.
.Le remède, ce serait un redressement de l'au-
torité des conseils de discipline, des juges, des mi-
nistres, des pouvoirs publics. Mais on ose à peine
formuler pareille rêverie..
BULLETIN DU JOUR
S ai nt S y 1 V e s t r e
En attendant l'heure prochaine des vœux et
des souhaits, en attendant d'accorder avec opti-
misme notre confiance à l'année qui vient, re-
connaissons que celle qui finit aujourd'hui ne
nous a point comblés. Elle n'a apporté à notre
pays que déceptions et désillusions. La fameuse
politique de liquidation de la guerre, qui devait
nous assurer au moins la paix, la sécurité et les
ressources matérielles ne nous a rien donné de
tout cela. Nous avons ouvert notre frontière de
l'Est sans désarmer nos ennemis d'hier. Ceux
d'entre eux qui prétendent nourrir à notre égard
les sentiments les plus tendres, comme M. Sie-
burg, peu touchés de nos abdications succes-
sives, nous accusent de viser à l'hégémonie euro-
péenne. Les autres crient vengeance avec d'au-
tant plus d'enthousiasme que la revanche leur
paraît plus facile^ Q.uàpî..au_x_ayantages maté-
riels, ne somme-nous pas avertis d'une pro-
chaine demande de moratoire ? La politique dite
de. liquidation apparaît à la lumière des expé-
riences que nous venons de faire comme le
rêve de personnages obstinés à qui leurs prin-
cipes arrêtés ont enlevé toute vue claire de la
réalité et de la possibilité, « ces deux pôles
uniques, comme disait Renan, sur lesquels la
politique peut se guider. » Et le plus triste est
que ces expériences ne semblent avoir éclairé
personne. Avec le ministère Steeg nous nous
enfonçons dans cette politique qui tend à l'affai-
blissement de l'esprit national et des forces mo-
rales du pays, dans ce laisser-aller trop cher
aux démocraties où la poursuite du bien-être et
de l'égalité sociale prime tout, même l'instinct
de conservation.
Le prince de Bülow nous raconte dans ses
Mémoires que Bismarck avait coutume de dire
« qui se fait brebis, le loup le mange », et le
chancelier ajoute «. nous ne vivons ni dans la
cité des nuages ni au Paradis, malheureuse-
ment, mais sur cette terre dure où il faut être
le marteau ou l'enclume ». Ces vérités pre-
mières, nos maîtres d'aujourd'hui les tiennent
en souverain mépris, sans penser à la folie
lj[Bï'ïl^y a à afficher ainsi qu'on a inventé une
nouvelle façon de conduire les hommes et re-
créé l'esprit humain.
Il reste sujet aux mêmes passions, aux mêmes
défaillances, aux mêmes cupidités qu'aux temps
les plus barbares, et quand il ne reste plus de
règles, de traditions, de foi pour soutenir les
coeurs et relever les courages, voyez à quelles
mœurs les dirigeants eux-mêmes s'abandon-
nent Un ancien président de la Chambre, un
ambassadeur de France, un secrétaire d'Etat
compromis dans la plus laide exploitation dé
l'épargne publique, voilà sur quel scandale s'a-
chève l'année 1930. Il y a moins de gens que
l'on ne pense qui sachent se conduire eux-
mêmes et penser avec leur propre esprit, et tel
homme qui, gouverné autrefois par les prin-
cipes et les traditions, n'eût été peut-être que
ridicule, abandonné à lui-même et entraîné par
son entourage, devient un scélérat.
Les choses humaines sont multiples et di-
verses, susceptibles de volte-face inattendues.
Un pays fécond en ressources, riche en héroïsme
comme la France a toujours un grand rôle à
jouer. Quel éclat a donné à cette malheureuse
année 1930 l'exploit du Point-d'interrogation ?
la" traversée de l'Atlantique par des aviateurs
français,sur un appareil français En-faut-il
plus pour nous démontrer que si chez nous la
grande direction politique est absente les initia-
tives individuelles sont toujours capables de ra-
cheter les défaillances de nos dirigeants ? Les
initiatives de notre directeur, M. François Coty,
ouvrent la voie à une vivante et forte jeunesse.
Elle est l'espoir de la patrie. C'est à elle qu'il
faudra demain adresser nos vœux. Lucien
Corpechot.
Deux graves conflits sociaux
dans le Pays de Galles et à Manchester
LONDRES, 30 décembre. Les négociations enga-
gées depuis plusieurs semaines entre les proprié-
taires de mines au sud du Pays de Galles et les
représentants des mineurs gallois pour un nouvel
aménagement des heures de travail et l'établisse-
ment d'un nouveau barème de salaires, ont définiti-
vement échoué. La conférence des délégués mineurs
gallois, réunie cet après-midi à Cardiff, a décidé
de rejeter les dernières offres patronales. Dans ces
conditions, il y a tout lieu de craindre qui si un
accord n'intervient pas à la dernière heure, les
ouvriers mineurs du sud du Pays de Galles seront
condamnés au chômage à partir de demain 31 dé-
cembre au soir, les patrons étant bien décidés
à maintenir leurs prétentions.
Une situation presque analogue existe également
dans le bassin houiller du nord du Staffordshire.
Toutefois, le conflit y est moins aigu et n'affecte
qu'un nombre restreint d'ouvriers.
Par ailleurs, on annonce la rupture des négocia-
tions entre patronr et ouvriers fileurs de la région
de Manchester pour l'application d'un nouveau sys-
tème de travail aux pièces. Là encore, on peut
craindre un arrêt complet du travail à partir de
lundi de la semaine prochaine si les intéressés
.n'arriygrit pas à ua csam^romis â'M Ufev
fû. François Coty
donne trois millions
à la Caisse des Retraites
de la Presse
Notre directeur, M. François Coty, a adressé la
lettre suivante au président de la Caisse générale
des retraites de la presse française
Monsieur le Président, :̃
Et maintenant qu'a été réglé, dans le sens le plus
favorable à tous les intérêts de la presse celle-ci prise
sans distinction de doctrine ou d'opinion le grave
conflit qui existait entre l'Ami du Peuple et la Fédération
des journaux français, il m'est particulièrement agréable
de donner à la Caisse générale des retraites de la presse
française un témoignage de ma sympathie et de l'intérêt
tout particulier. que je porte au développement et à la
prospérité de cette organisation' d'entraide et de mutua-
lité qui, par sa destination même,- doit mettre les journa-
lises, éprouvés par ràgf,. ou la maladie, à l'abri des
vicissitudes de la vie. °
Ce geste, je l'aurais accompli depuis longtemps si des
considérations particulièrement graves n'avaient détourné
mon attention et mes ressources du but que nous visons
tous.
En conséquence, je vous avise, Monsieur le Président,
que j'ai décidé de mettre à la disposition de la Caisse
générale des retraites de la. presse française une somme
décrois millions que je verserai de la façon suivante
750.000 francs le 31 juillet 1931
750.000 1932
750.000 ̃"̃ 1933
756.000 1934
je vont pue u dgiccr, ivxuu&icui ic .ricaiuciitj i «uauiduu
de ma haute considération. ̃
;£. COTY.
3 S décembre 1930.̃.
USAGE DE PARIS
Le grand plan vers l'Ouest
̃ se lessîne
M. Julien Roger propose d'aménager, dans la pers-
pective des avenues de la Défense et de Neuilly,
la place de la Défense. Le projet comporte l'agran-
dissement, en effet utile, du pont de Neuilly, et
la suppression des deux terre-pleins latéraux de
l'avenue de la Défense, c'est-à-dire son élargis-
sement de fait éï, à la fois, il faut l'espérer, son em-
bellissement.
L'idée est très bonne. C'est l'idée même que j'ex-
posais naguère à cette place (Figaro du 18 novem-
bre), en m'étonnant de voir le Conseil municipal
s'enfermer obstinément dans le Paris d'hier, au lieu
de penser au Paris de demain. Il est d'autant plus
facile, disais-je, de respecter le tracé, l'aspect,
l'onomastique même, des Champs-Elysées et de
l'Etoile que, plus loin, sur le même axe magistral,
que Colbert rêvait déjà de continuer jusqu'à Saint-
Germain, tout un Paris nouveau et vague attend
̃d'être paré et réglé. C'est un Paris qui s'est agglo-
méré presque au hasard et qu'il est grand temps
de mettre en ordre. On n'a que trop tardé. Car,
l'extension indéfinie de Paris est sans doute ur>
mal. Un Etat sage aurait pris soin d'empêcher ces
entassements de populations déracinées. Il aurait
essayé de limiter l'exode. Mais le nôtre a laissé la
yiîle, croîtra indéfiniment dans sa banlieue. Il a
seulement oublié d'imposer à ces excroissances
des-lois; une harmonie.
Dans le projet de-.M. Julien Roger, la place de la
Défense est substituée à la place de la Porte-Mail-
lot, dont le Conseil municipal a déjà voté la trans-
formation. C'est la place de la Défense transfor-
mée qui serait la réplique de notre temps à la
place de l'Etoile, dont la Porte Maillot est beau-
coup trop près. Le Conseil municipal aurait donc
à se dédire, comme il en a été prié ici, en faveur
d'un plus grand plan. De la place de l'Etoile à la
nouvelle place monumentale, une plus longue suite
d'avenues aux beaux arbres, avec d'autres belles
places intermédiaires, à la Porte Maillot et de part
et d'autre du pont de Neuilly, prolongerait digne-
ment la coulée magnifique des Champs-Elysées.
Quand le Conseil municipal a paru vouloir s'ar-
rêter à la Porte Maillot, nous lui avons demandé
de ne pas oublier le nom et les noms de la Victoire.
A présent qu'il peut être tenté, sans plus attendre,
d'une idée plus belle, qui même nous avait paru
d'abord trop belle, et au-dessus de ses forces, re-
nouvelons nos instances. Le nom de la Victoire
devra décorer la longue voie magistrale. Par l'Arc
de Triomphe et l'avenue de la Grande-Armée, nos
aînés ont déjà établi cette honorable servitude.
Les noms de la Victoire devront briller en ces pa-
rages, partout où il sera possible. Partant de la
place de Verdun (à!_la £orto Maillât), l'on arriverait
au pont de Neuilly par f avenue des Deux-Marnes.
Et non, il ne faudrait pas changer le nom de l'ave-
nue de la Défense. Mai& elle mènerait à la place de
la Victoire, pour une plus parfaite commémora-
tion des deux héroïsnrcs, des deux sacrifices.
̃•-̃ ̃'<̃̃" .:X)î">} ̃ ̃: Eugène Marsan.
LES ESSAIS DU TRAIT-D'UNION
Nîmes, 30 décembre. L'aviateur Le Brix s'est
rendu ce matin sur Pacrodrome de Courbessac
pour préparer sa prochaine tentative de record,
qui aura lieu probablement dans les premiers jours
de janvier, au moment de la pleine lune.
Le départ aura lieu à Istres. Le vol s'effectuera
sur le circuit Nîmes-Narbonne. Des renseignements
météorologiques seront transmis à l'avion en vol
par le poste de T. S. F. de Courbessac. L'équipage
comprendra, en plus de Le Brix et de Doret, le
radiotélégraphiste fiadou.
L'ETAT^ 'mfW^ ^J^^EK^mJ^m ..j:OFFEE
DEVANÏ LA MORT
COMME DEVANT LA MARNE
L'univers étonné et la France pieusement atten-
tive suivent les péripéties de ce drame poignant
la résistance opposée à la mort, depuis près de
quatre jours, par le maréchal Joffre. Avec une
vigueur sereine, aux retours inattendus qui décon-
certent les pronostics de tous, le vainqueur de la
Marne triomphe momentanément de son mal. Sa
rude ascendance de terriens catalans revit dans
ses muscles sa sérénité impavide considère le
trépas sans faiblir; il attend, en pleine lucidité,
le mot du destin en soixante heures il a surmonté,
avec des alternatives diverses, trois « crises de
coma Péripéties pathétiques. ̃
L'amélioration .signalée avant-hier soir par le
communiqué de vingt-trois heures trente s'est
maintenue pendant l'avant-dernière nuit jsuis- s'est
nettement accentuée au cours de la journée et
jusqu'aux premières heures de ce matin. Sa Sain-
teté Pie XI, tenue au courant des faibles espoirs,
qui paraissent permis, vient de faire adresseT;4
Mgr Maglione un télégramme signé du cardinal
Pacelli, dont voici le texte « Transmettez au
maréchal Joffre la spéciale bénédiction du Saint-
Père qui invoque pour lui les célestes faveurs. »
̃x
*x
Quand, lundi soir, le maréchal reprit connais-
sance, il demanda à s'alimenter. On lui apporta
un verre de lait mêlé d'eau de Vichy qu'il but en
entier, l'absorbant non pas goutte à goutte comme
l'eût fait un moribond, mais par gorgées normales.
Le professeur Leriche, les docteurs Boulin et Fon.-
taine s'approchèrent de là couche de Joffre. qui
leur dit, sur un timbre très doux Je vais
mourir. » "Mais la nuit s'écoula sans laisser surgir
de craintes nouvelles, et quand, à six heures, le
docteur Fontaine quitta la clinique après avoir
veillé au chevet de l'illustre malade, qui avait
sommeillé, il déclara « Le maréchal cède du ter-
rain à la maladie pour le reprendre ensuite ».
Peu après était publié ce communiqué, émanant du
professeur Leriche et du docteur Boulin « Nuit
calme. Le malade n'est pas retombé dans le coma.
Il a pu s'alimenter ^^prononcer quelques paro-
les néanmoins les pouvions s'engorgent et la- res-
piration reste irrégulière le pronostic est "tou-
jours aussi grave ». •
A l'issue' de ïâ sé'àï^V'Miffin^^siminïsSw^î:
M. Briand se rendit à la maison des Frlres dé Saint-
Jéan-de-Dieu où il fut reçu par la maréchale Joffre,
avec laquelle il eut iiiï assez long entretien. En
sortant, le ministre des affaires étrangères dit 1
« La résistance du maréchal est stupéfiante. Rien
n'autorise le pessimisme complet, au contraire. »
M. Barthou survint ensuite il fut admis à nou-
veau à pénétrer quelques instants dans la cham-
bre 16. Après sa visite, le ministre de la guerre
émit un avis plus réservé « Le maréchal s'est
légèrement alimenté. Il a la mine un peu plus
reposée, son teint, plus coloré, a perdu ses reflets
cadavériques. Malheureusement, comme n'ont cessé
de le dire les médecins, il est perdu. Toutefois
il peut, quelques jours encore, lutter contre le dé-
nouement tragique ». Ce fut, à onze heures, la
tour du professeur Labbé « Quel malade extra-
ordinaire s'écria-t-il. Seules son énergie et sa
constitution exceptionnellement robuste lui per-
mettent de « tenir ». L'issue ne fait malheureuse-
ment aucun doute nous soutenons les forces à
l'aide d'un traitement approprié permettant au
maréchal de réagir contre, les spasmes gutturaux
qui déterminent chez lui des crises de coma. »
M. Chiappe eut une trouvaille heureuse, qui syn-
thétisait en une formule l'impression confuse de
beaucoup « Joffre refait maintenant la Marne
pour son compte personnel. » En présence du
Frère Ferdinand, fidèle infirmier dvr maréchal, le
«énèral Gouraud dit à celui-ci, hier matin, «Monr
sieur k..maréchal, vous vous rappelez notre ren-
contré après Tombouctou ?. » D'un regard, .Jqffr-e
fit signe « Oui. Et, entre les deux- -chefs,- l'Afri-
que passa. .<̃
'rr,
Pendant ce temps, l'affluence grossissait. Il était
midi. La foule des ateliers, des bureaux, s'èchap-
pant des quartiers du centre, venait apporter dans
la rue Oudinot, si quiète à l'accoutumée, si pro-
vinciale, une animation brusque, mais malgré tout
discrète. Jeune et émouvant public populaire
Un service d'ordre, désormais important, diri-
geait l'arrivée constante des automobiles. Une dou-
ble haie d'agents maintenait, hors du seuil de la
clinique, la foule dense des curieux qui se mêlaient
au groupe des journalistes afin de recueillir quel-
ques renseignements et qui cherchaient à voir.
voir quoi ? Un long vestibule, traversé parfois par
une silhouette brune de religieux ou par un aca-
démicien, un ministre, un ambassadeur, reçu par
la famille et qui revient, vers la rue, vers les inter-
rogateurs.•'
A midi vingt était transmis ce bulletin « Le
malade est toujours faible mais conserve sa con-
naissance. Il s'est un peu alimenté et a. supporté
sans fatigue le pansement de sa plaie qui est en
parfait état. Le pronostic est toujours réservé. »
Ce texte portait les signatures du professeur Leri-
che et dès docteurs Fontaine et Boulin. Comment
l'interpréter ? Par une réelle confiance ? A qua-
torze heures quanrante-cinq, le docteur Boulin li-
vrait à la presse ce commentaire pessimiste « Le
maréchal, qui est sorti du coma trois fois en de'ux
jours, étonne tout le monde, bien que l'on ne puisse
conserver aucun espoir ». Ainsi les modifications
heureuses se trouvaient confirmées sans que dispa-
russent ni leur caractère provisoire ni l'éventualité
d'une issue fatale. ̃;•
̃'̃ !?ir ['"̃̃ '̃••;̃
L'après-midi s'écoula. On se répétait les paroles
que le maréchal avait dites, dans la matinée, au
général Gouraud et aussi au colonel Fabry « Je
m'en vais. » La mort ne consentait-elle une trêve
que pour laisser sa victime, sa proie, la regarder
venir en pleine lucidité ? A quinze heures, Mme la
maréchale Joffre qui, depuis tant de jours et de
nuits, n'a pas pris le moindre repos au long de son
» calvaire, constamment assistée de sa lille, Mnie
Laffilée sortît de la clinique, accompagnée d'un]
officier d'ordonnance, et montait dans une voiture,
partant pour une destination inconnue. Lors de
son retour, une heure plus tard, la maréchale, dont
l'énergie est admirable', déclara qu'elle était sortie
seulement pour changer d'air, sur l'indication for-
melle des médecins. Elle ne dissimula pas sa con-
fiance.
.Le crépuscule commença à tomber sans que là
moindre précision nouvelle fût donnée. Mais l'op-
timisme prévalait, finalement, à la suite des mul-
tiples propos recueillis au moment du départ de
chaque visiteur. A dix-sept heures trente, ce com-
muniqué le douzième depuis le début de la
maladie fut publié « La respiration s'est régu-
larisée. Le pouls demeure bien frappé. La légère
amélioration survenue la nuit dernière se main-
tient ». ÏUen, jusqu'à huit heures, ne vint démentir;
cette note, qui conférait une valeur officielle à
'certains pressentiments favorables. Et, à fruit heu-
res, cet autre bulletin confirmait le précédent --i~
« L'amélioration signalée précédemment a ten-
dance à s'accentuer peu à peu. Toutefois, le pro-
nostic reste toujours aussi sérieux ».
.Vingt et une heures. La rue Oudinot, oit le sou-
venir de Coppée demeure présent, se dérobe dans
une obscurité que trouent mal les lumières et aussi
les phares des autos rangées devant la clinique. Une
centaine d'hommes et de femmes stationnent en-
core, les pieds sur le trottoir humide. Le soir as.
sombrit les pensées, maintenant. La maison des
Frères de Saint-Jean-de-Dieu offre sa gravité
muette. Entrons.
Personne dans le vaste couloir où le pas résonné,
Un planton est assis devant une petite table.
L'Etat-Major du maréchal, je vous prie ?
• Au bout de la galerie.
Je tourne à droite. Le couloir, plus étroit, est
brillamment éclairé. Partout des portes uniformé-
ment' -'closes et qui ne se distinguent que par leur-
numéro d'ordre l'une d'elles est ouverte. Des offi.
ciers discutent autour d'un bureau chargé do
papiers." ̃
:• &ï ̃̃̃̃<
Le général Is&aly, chef d'état-major du maréchal,
raë déclare Ce qui stupéfie, c'est cette résis»
ttoce qM"ctécôncërte Ta i stuen'cé. Toutes les qualités
d'endurance, de volonté, de sang-froid, qui sont la
marque propre du maréchal, ont réapparu oornrno
aux moments les plus graves de la guerre. Les ma-
nifestations de cette maîtrise rare, qui décojicertej
reflètent son énergie. tient. Il faut noter:le dé-
vouement du professeur Leriche et ses soins atten-
tifs. Quand, après l'opération, le maréchal reprit
conscience, le professeur Leriche lui raconta des
histoires afin de détourner son attention. Et
voici le docteur Fontaine, en blouse blanche ï «Le
mieux enregistré hier hier s'accentue. Ce qui est
l'objet de notre admiration, c'est la rapidité avec
laquelle s'est cicatrisée la plaie. Le maréchal aurait
vingt ans, on aurait dû l'amputer à la suite d'un
accident, la présentation ne serait pas meilleure !«
J'avoue, du reste, que ces résultats nous trouvent
en défaut. Et n'oubliez pas que, pour boire, le ma-
réchal tient sa tasse lui-même. Sa connaissance est
parfaite. »
̃A?; •̃ ̃̃ ̃ ̃
Je pars. Sur le seuil de la clinique, je rencontre
notre éminent collaborateur M. Paul Bourget, qui
vient de'signer. « La maréchale veut me voir», me
dit-il. Dehors, on distingue des visages penchés,
anxieux, sur les traits desquels se projettent lès
clartés venues de l'intérieur. Bientôt, M. Bourget
reparaît. Sa première parole est toute dé vénération
profonde. «J'ai vu le maréchal, dit-il. 11 est magni-
fique de .dignité., Quant, la maréchale, elle est très
courageuse »
Jusqu'èr mirroitj ou presque, les interprétations
demeurèrent vagues. Que se passait-il ? Le maré-
chal,, après une amélioration nettement affirmée,
retomberait-il dans une dépression dramatique,
autorisant les pires alarmes ? On vit, à vingt-trois
heures quarante, sortir le professeur Leriche et
le- docteur Boulin. L'un et l'autre présentaient les
signes d'une grande préoccupation. Ils se montrè-
rent, devant les questions pressantes dont ils furent
l'objet, d'une extrême réserve. Le docteur Boulin
dit seulement «L'amélioration se maintient à à
peine. Peut-être reviendrons-nous dans la nuit.
Le docteur Fontaine reste auprès du maréchal.» s-
La nuit, épaisse et noire, silencieuse, lourde de
secrets et de desseins insondables.
La résistance offerte par le maréchal Joffrèaux
terribles assauts du mal laisse le champ libre aux
espoirs, sans doute, mais avec quelle prudence
lhnitée dans le temps
Le courage du chef illustre, courage déployé
maintenant devant la déesse silencieuse et qui ne
pardonne pas, enrichit nos annales d'un incompa.
rable éclat. L'ultime défense du « Taciturne » ex-
plique sa psychologie il garde en face de l'ex-
trême péril le contrôle absolu de lui-même il me-
sure le risque il connaît ses forces et évalue leur
déclin. Il exerce pleinement, jusqu'au bout, sans
effort, en demeurant dans sa ligne de toujours, son
rôle de grand humain.
Gaëtan Sanvoisin.
DES FLEURS DE RIVESALTES
Si la France entière suit avec anxiété les phases
de la maladie du glorieux vainqueur de la Marne,
là-bas, au pays natal du maréchal, l'émotion est
sans doute plus profonde encore.
M._ Manaut, ancien sous-seçrétaire d'Etat à la
présidence du Conseil, député de la circonscrip-
tion de Rivesaltes, où naquit Joffre, a tenu à con-
crétiser dans un hommage émouvant l'affection de
la petite ville pyrénéenne, où le souvenir du maré-
chal reste si vivace. M. Manaut avait mandé télé-
grapbiquement à ses concitoyens un envoi de ces
fleurs, parures délicates de la vieille terre chèra
au cœur du grand soldat.
Des mimosas, des camélias rouges, dès rosés
arrivèrent hier matin, dans leur précieuse parure
d'osier, et aussitôt M. Manaut tint à les apporter
lui-même au chevet de l'illustre malade. Reçu par
la-maréchale coffre et par M. et Mme Lafiléé, l'an-
It.ftftB.BJ.J
LotlÊPAR CEUX-CI, BlAMi PAR CEUX-LX, ME MOtÉlANT DES SOTS, BRAVANT tES MÉCHANTS, JE MB `
PRESSE DE RIRE DE TOUT.. DE; PEUR IVÊTRE OBUGÊ D'EN PIEÙRER-
POUVEZ-VOUS, ROARO, TRAITER SI lÉOEREMENT 0N DESSEIN Q3I NOUS COÛTE X TOUS IE BONHEUR?
RPÏATTMAÏtCHAIS.
le Gaulois
0
FIGARO 1
FIGARO g
FomW k i+ Janvier 182& o 0
Atteints Directeurs: H. ce VillememanT g
F.MAOHARO. O.CALMETTE. A.CAPU8. R. FLBRB g
̃ ̃ ̃ • ̃ • o
ABONNEMENTS: 1111 il he" 1 III g
ABONNEMENTS S mil 6 mel» 1 a»
*arlsjPépartem.etColonies. 30» 54» 100» |
ÉTRANGER g
Pays à tarif postal réduit. 52» 100» 190» g
Pays àtarlf postal augmenté. 72» t«Q" 260» g
On s'»bonne dans tous les Bureaux de Poste g 0
de France g
̃̃;•̃. Chèque postal 242-63 Parle o o
,̃'̃̃< O
105* Année. N° 365 de 1930
Édité en r Hôtel de
FIGARO
X4, Rond-Point des Champs-Elysées
PARIS (VIII-)
ADMIHISTRATIONRÉDACTION-PUBLICITÉ
ANNONCES
14. Rond-Point des "Champs-Elysées, paris
7étepêoites Elysées .98-81 à 98-38
Adresse Télégraphique "FIGARO 45-PASI5
MERCREDI 31 DECEMBRE 1930
a^t'iRECTETéne; *ju^çoxs cott
MERCREDI 31 DECEMBRE 1930
SOMMAIRE »E FIGARO
PAGE 2. Les Cours, les Ambassades, le Monde
et la Ville. Les Echos.
PAGE 3. Le conseil des ministres. A l'Hôtel
de Ville. Ch. Dauzats A l'Académie de
médecine. G. Claretie Gazette des Tribu-
'• naux. Dans la marine. Dernière Heure
Les souhaits de M. Baldwin aux conserva-
•-̃̃̃ tèurs britanniques pour la nouvelle année
Le général Bérenguer parle des élections es-
îpagnoles et des troubles récents Hitler est
̃ allé exposer la politique national-socialiste
aux industriels de la Ruhr.
PAGE 4. Jean Revire Le rôle du Rhin.
Henri Clouzot L'art précieux de notre temps.
;̃ -La Saison. Revue de la Presse.
PAGE 5. Maurice d'Ocagne, de l'Académie
des sciences Le Père Sébastien Truchet.
James de Coquet Les Premières. Henri
davignôn Hubert fcrains. Marc Loge
/♦̃ Le théâtrràWETât^tînfls. "Les- Alguazits
Courrier des Lettres.
PAGE 6. La Bourse La Cote des valeur*
Spectacles.
PAGE 7. La Vie sportive.
PAGE 8. René Chavance Le Chevalier
Charlotte. Déplacements et villégiatures
des abonnés de Figaro.
LA POLITIQUE
Autorité et Moralité
en baisse
^rgj^j Le Conseil de l'Ordre des avocats a
/>q|Sg voulu montrer qu'il ne restait pas in
JfP»^ différent aux scandales provoqués par
les agissements de confrères politiciens.
Il réprouve ce que l'enquête parlementaire a révélé.
Il Je f^tt, malheureusement, en des termes _un_peil
obscurs. Au délicat problème qui se posait,, il à
apporté des solutions de détail en un arrêté dont
^interprétation est plus malaisée que le problème
même. Pour bien deviner ce qu'on a voulu dire,
il faut être, comme notre collaborateur Georges
Claretie, initié aux intentions des chefs de l'Ordre.
Retenons que ces honnêtes gens ont voulu se désoli-
dariser de pratiques qui auraient, il y a quarante
ans, entraîné des sanctions sévères contre les mem-
bres du barreau qui s'y seraient livrés. Ils ont exé-
cute leur projet, mais sans éclat.
"La question de l'avocat-politique, abusant de
son influence au profit du client, a plus d'ampleur.
Un conseil- de discipline, si profondément qu'il ait
gardé le sens de la dignité professionnelle, n'a plus
à notre époque, il faut bien le dire, la puissance né-
cessaire'pour porter un fer rouge dans les plaies
qu'on découvre. C'est une question non d'applica-
tion des règles du métier d'avocat, mais de moralité
générale.
Et d'abord, rien de plus aisé que de mener de
front l'exercice de ce métier et du mandat politique.
Il suffit d'apporter ici et là des scrupules de droi-
ture dont font preuve des membres du barreau
qu'on pourrait nommer et qui siègent au Luxem-
bourg ou au Palais-Bourbon. Ceux-là plaident,
conseillent, arbitrent, en .proportionnant leurs ho-
noraires aux facultés du plaideur et aux services
qu'ils lui peuvent rendre: (2eux4à $e refusent à être
des démarcheurs, des intermédiaires entre leur client
et les administrations. Ceux-là se demandent pour-
quoi ils sont choisis si c'est leur talent ou leur
influence qui les fait préférer.
Car si les avocats politiques pour gagner leurs
causes se servent du crédit que leurs fonctions leur
donnent, ils ne sont pas les seuls coupables de l'abus.
Ceux qui les recherchent ne sont pas de ces gens
qui par délicatesse goûtent, comme Alceste, le plai-
sir de perdre leur procès. Ils se paient un avocat
dont l'action ne se borne point à celle que recom-
mandait Démosthène ils s'offrent un conseil de
luxe qui parle haut ailleurs qu'à la barre. Devant
celui-là (le plaideur le sait) on s'inclinera dans les
Bureaux, fermés au simple Me Untel, et grands
ouverts à M. le député.
Coupables aussi ceux qui écoutent hors de l'au-
dience le parlementaire avocat et qui sous la robe,
faite pour égaliser à la barre tous les maîtres « au
talent près » ̃ voient l'apostilleur éventuel de
demandes, le protecteur possible que le ministre
consulte aux jours de promotions.
Coupables enfin ces ministres qui monnaient
leur pouvoir pour acheter des voix et s'assurer la
bienveillance d'un rapporteur, d'un président de
commission ou d'un meneur des couloirs inscrit au
barreau. Par la complicité des intérêts personnels,
c'est la mise au pillage de l'autorité qui décline.
Le remède Les parlementaires proposent tou-
jours le même l'augmentation de leur indemnité.
L'argument de la pauvreté courtisane serait bon si
ceux dont les noms sont mêlés aux scandales actuels
étaient des malheureux n'en pouvant plus d'efforts
laborieux. Mais on sait bien que les affairistes
d'assemblées, dans leur avidité, ne se contenteront
jamais de leurs appointements, quels qu'ils soient.
On a majoré le traitement des députés et sénateurs
de 9.000 à 60.000 francs. Leur vertu ne s'en est
pas affermie.
.Le remède, ce serait un redressement de l'au-
torité des conseils de discipline, des juges, des mi-
nistres, des pouvoirs publics. Mais on ose à peine
formuler pareille rêverie..
BULLETIN DU JOUR
S ai nt S y 1 V e s t r e
En attendant l'heure prochaine des vœux et
des souhaits, en attendant d'accorder avec opti-
misme notre confiance à l'année qui vient, re-
connaissons que celle qui finit aujourd'hui ne
nous a point comblés. Elle n'a apporté à notre
pays que déceptions et désillusions. La fameuse
politique de liquidation de la guerre, qui devait
nous assurer au moins la paix, la sécurité et les
ressources matérielles ne nous a rien donné de
tout cela. Nous avons ouvert notre frontière de
l'Est sans désarmer nos ennemis d'hier. Ceux
d'entre eux qui prétendent nourrir à notre égard
les sentiments les plus tendres, comme M. Sie-
burg, peu touchés de nos abdications succes-
sives, nous accusent de viser à l'hégémonie euro-
péenne. Les autres crient vengeance avec d'au-
tant plus d'enthousiasme que la revanche leur
paraît plus facile^ Q.uàpî..au_x_ayantages maté-
riels, ne somme-nous pas avertis d'une pro-
chaine demande de moratoire ? La politique dite
de. liquidation apparaît à la lumière des expé-
riences que nous venons de faire comme le
rêve de personnages obstinés à qui leurs prin-
cipes arrêtés ont enlevé toute vue claire de la
réalité et de la possibilité, « ces deux pôles
uniques, comme disait Renan, sur lesquels la
politique peut se guider. » Et le plus triste est
que ces expériences ne semblent avoir éclairé
personne. Avec le ministère Steeg nous nous
enfonçons dans cette politique qui tend à l'affai-
blissement de l'esprit national et des forces mo-
rales du pays, dans ce laisser-aller trop cher
aux démocraties où la poursuite du bien-être et
de l'égalité sociale prime tout, même l'instinct
de conservation.
Le prince de Bülow nous raconte dans ses
Mémoires que Bismarck avait coutume de dire
« qui se fait brebis, le loup le mange », et le
chancelier ajoute «. nous ne vivons ni dans la
cité des nuages ni au Paradis, malheureuse-
ment, mais sur cette terre dure où il faut être
le marteau ou l'enclume ». Ces vérités pre-
mières, nos maîtres d'aujourd'hui les tiennent
en souverain mépris, sans penser à la folie
lj[Bï'ïl^y a à afficher ainsi qu'on a inventé une
nouvelle façon de conduire les hommes et re-
créé l'esprit humain.
Il reste sujet aux mêmes passions, aux mêmes
défaillances, aux mêmes cupidités qu'aux temps
les plus barbares, et quand il ne reste plus de
règles, de traditions, de foi pour soutenir les
coeurs et relever les courages, voyez à quelles
mœurs les dirigeants eux-mêmes s'abandon-
nent Un ancien président de la Chambre, un
ambassadeur de France, un secrétaire d'Etat
compromis dans la plus laide exploitation dé
l'épargne publique, voilà sur quel scandale s'a-
chève l'année 1930. Il y a moins de gens que
l'on ne pense qui sachent se conduire eux-
mêmes et penser avec leur propre esprit, et tel
homme qui, gouverné autrefois par les prin-
cipes et les traditions, n'eût été peut-être que
ridicule, abandonné à lui-même et entraîné par
son entourage, devient un scélérat.
Les choses humaines sont multiples et di-
verses, susceptibles de volte-face inattendues.
Un pays fécond en ressources, riche en héroïsme
comme la France a toujours un grand rôle à
jouer. Quel éclat a donné à cette malheureuse
année 1930 l'exploit du Point-d'interrogation ?
la" traversée de l'Atlantique par des aviateurs
français,sur un appareil français En-faut-il
plus pour nous démontrer que si chez nous la
grande direction politique est absente les initia-
tives individuelles sont toujours capables de ra-
cheter les défaillances de nos dirigeants ? Les
initiatives de notre directeur, M. François Coty,
ouvrent la voie à une vivante et forte jeunesse.
Elle est l'espoir de la patrie. C'est à elle qu'il
faudra demain adresser nos vœux. Lucien
Corpechot.
Deux graves conflits sociaux
dans le Pays de Galles et à Manchester
LONDRES, 30 décembre. Les négociations enga-
gées depuis plusieurs semaines entre les proprié-
taires de mines au sud du Pays de Galles et les
représentants des mineurs gallois pour un nouvel
aménagement des heures de travail et l'établisse-
ment d'un nouveau barème de salaires, ont définiti-
vement échoué. La conférence des délégués mineurs
gallois, réunie cet après-midi à Cardiff, a décidé
de rejeter les dernières offres patronales. Dans ces
conditions, il y a tout lieu de craindre qui si un
accord n'intervient pas à la dernière heure, les
ouvriers mineurs du sud du Pays de Galles seront
condamnés au chômage à partir de demain 31 dé-
cembre au soir, les patrons étant bien décidés
à maintenir leurs prétentions.
Une situation presque analogue existe également
dans le bassin houiller du nord du Staffordshire.
Toutefois, le conflit y est moins aigu et n'affecte
qu'un nombre restreint d'ouvriers.
Par ailleurs, on annonce la rupture des négocia-
tions entre patronr et ouvriers fileurs de la région
de Manchester pour l'application d'un nouveau sys-
tème de travail aux pièces. Là encore, on peut
craindre un arrêt complet du travail à partir de
lundi de la semaine prochaine si les intéressés
.n'arriygrit pas à ua csam^romis â'M Ufev
fû. François Coty
donne trois millions
à la Caisse des Retraites
de la Presse
Notre directeur, M. François Coty, a adressé la
lettre suivante au président de la Caisse générale
des retraites de la presse française
Monsieur le Président, :̃
Et maintenant qu'a été réglé, dans le sens le plus
favorable à tous les intérêts de la presse celle-ci prise
sans distinction de doctrine ou d'opinion le grave
conflit qui existait entre l'Ami du Peuple et la Fédération
des journaux français, il m'est particulièrement agréable
de donner à la Caisse générale des retraites de la presse
française un témoignage de ma sympathie et de l'intérêt
tout particulier. que je porte au développement et à la
prospérité de cette organisation' d'entraide et de mutua-
lité qui, par sa destination même,- doit mettre les journa-
lises, éprouvés par ràgf,. ou la maladie, à l'abri des
vicissitudes de la vie. °
Ce geste, je l'aurais accompli depuis longtemps si des
considérations particulièrement graves n'avaient détourné
mon attention et mes ressources du but que nous visons
tous.
En conséquence, je vous avise, Monsieur le Président,
que j'ai décidé de mettre à la disposition de la Caisse
générale des retraites de la. presse française une somme
décrois millions que je verserai de la façon suivante
750.000 francs le 31 juillet 1931
750.000 1932
750.000 ̃"̃ 1933
756.000 1934
je vont pue u dgiccr, ivxuu&icui ic .ricaiuciitj i «uauiduu
de ma haute considération. ̃
;£. COTY.
3 S décembre 1930.̃.
USAGE DE PARIS
Le grand plan vers l'Ouest
̃ se lessîne
M. Julien Roger propose d'aménager, dans la pers-
pective des avenues de la Défense et de Neuilly,
la place de la Défense. Le projet comporte l'agran-
dissement, en effet utile, du pont de Neuilly, et
la suppression des deux terre-pleins latéraux de
l'avenue de la Défense, c'est-à-dire son élargis-
sement de fait éï, à la fois, il faut l'espérer, son em-
bellissement.
L'idée est très bonne. C'est l'idée même que j'ex-
posais naguère à cette place (Figaro du 18 novem-
bre), en m'étonnant de voir le Conseil municipal
s'enfermer obstinément dans le Paris d'hier, au lieu
de penser au Paris de demain. Il est d'autant plus
facile, disais-je, de respecter le tracé, l'aspect,
l'onomastique même, des Champs-Elysées et de
l'Etoile que, plus loin, sur le même axe magistral,
que Colbert rêvait déjà de continuer jusqu'à Saint-
Germain, tout un Paris nouveau et vague attend
̃d'être paré et réglé. C'est un Paris qui s'est agglo-
méré presque au hasard et qu'il est grand temps
de mettre en ordre. On n'a que trop tardé. Car,
l'extension indéfinie de Paris est sans doute ur>
mal. Un Etat sage aurait pris soin d'empêcher ces
entassements de populations déracinées. Il aurait
essayé de limiter l'exode. Mais le nôtre a laissé la
yiîle, croîtra indéfiniment dans sa banlieue. Il a
seulement oublié d'imposer à ces excroissances
des-lois; une harmonie.
Dans le projet de-.M. Julien Roger, la place de la
Défense est substituée à la place de la Porte-Mail-
lot, dont le Conseil municipal a déjà voté la trans-
formation. C'est la place de la Défense transfor-
mée qui serait la réplique de notre temps à la
place de l'Etoile, dont la Porte Maillot est beau-
coup trop près. Le Conseil municipal aurait donc
à se dédire, comme il en a été prié ici, en faveur
d'un plus grand plan. De la place de l'Etoile à la
nouvelle place monumentale, une plus longue suite
d'avenues aux beaux arbres, avec d'autres belles
places intermédiaires, à la Porte Maillot et de part
et d'autre du pont de Neuilly, prolongerait digne-
ment la coulée magnifique des Champs-Elysées.
Quand le Conseil municipal a paru vouloir s'ar-
rêter à la Porte Maillot, nous lui avons demandé
de ne pas oublier le nom et les noms de la Victoire.
A présent qu'il peut être tenté, sans plus attendre,
d'une idée plus belle, qui même nous avait paru
d'abord trop belle, et au-dessus de ses forces, re-
nouvelons nos instances. Le nom de la Victoire
devra décorer la longue voie magistrale. Par l'Arc
de Triomphe et l'avenue de la Grande-Armée, nos
aînés ont déjà établi cette honorable servitude.
Les noms de la Victoire devront briller en ces pa-
rages, partout où il sera possible. Partant de la
place de Verdun (à!_la £orto Maillât), l'on arriverait
au pont de Neuilly par f avenue des Deux-Marnes.
Et non, il ne faudrait pas changer le nom de l'ave-
nue de la Défense. Mai& elle mènerait à la place de
la Victoire, pour une plus parfaite commémora-
tion des deux héroïsnrcs, des deux sacrifices.
̃•-̃ ̃'<̃̃" .:X)î">} ̃ ̃: Eugène Marsan.
LES ESSAIS DU TRAIT-D'UNION
Nîmes, 30 décembre. L'aviateur Le Brix s'est
rendu ce matin sur Pacrodrome de Courbessac
pour préparer sa prochaine tentative de record,
qui aura lieu probablement dans les premiers jours
de janvier, au moment de la pleine lune.
Le départ aura lieu à Istres. Le vol s'effectuera
sur le circuit Nîmes-Narbonne. Des renseignements
météorologiques seront transmis à l'avion en vol
par le poste de T. S. F. de Courbessac. L'équipage
comprendra, en plus de Le Brix et de Doret, le
radiotélégraphiste fiadou.
L'ETAT^ 'mfW^ ^J^^EK^mJ^m ..j:OFFEE
DEVANÏ LA MORT
COMME DEVANT LA MARNE
L'univers étonné et la France pieusement atten-
tive suivent les péripéties de ce drame poignant
la résistance opposée à la mort, depuis près de
quatre jours, par le maréchal Joffre. Avec une
vigueur sereine, aux retours inattendus qui décon-
certent les pronostics de tous, le vainqueur de la
Marne triomphe momentanément de son mal. Sa
rude ascendance de terriens catalans revit dans
ses muscles sa sérénité impavide considère le
trépas sans faiblir; il attend, en pleine lucidité,
le mot du destin en soixante heures il a surmonté,
avec des alternatives diverses, trois « crises de
coma Péripéties pathétiques. ̃
L'amélioration .signalée avant-hier soir par le
communiqué de vingt-trois heures trente s'est
maintenue pendant l'avant-dernière nuit jsuis- s'est
nettement accentuée au cours de la journée et
jusqu'aux premières heures de ce matin. Sa Sain-
teté Pie XI, tenue au courant des faibles espoirs,
qui paraissent permis, vient de faire adresseT;4
Mgr Maglione un télégramme signé du cardinal
Pacelli, dont voici le texte « Transmettez au
maréchal Joffre la spéciale bénédiction du Saint-
Père qui invoque pour lui les célestes faveurs. »
̃x
*x
Quand, lundi soir, le maréchal reprit connais-
sance, il demanda à s'alimenter. On lui apporta
un verre de lait mêlé d'eau de Vichy qu'il but en
entier, l'absorbant non pas goutte à goutte comme
l'eût fait un moribond, mais par gorgées normales.
Le professeur Leriche, les docteurs Boulin et Fon.-
taine s'approchèrent de là couche de Joffre. qui
leur dit, sur un timbre très doux Je vais
mourir. » "Mais la nuit s'écoula sans laisser surgir
de craintes nouvelles, et quand, à six heures, le
docteur Fontaine quitta la clinique après avoir
veillé au chevet de l'illustre malade, qui avait
sommeillé, il déclara « Le maréchal cède du ter-
rain à la maladie pour le reprendre ensuite ».
Peu après était publié ce communiqué, émanant du
professeur Leriche et du docteur Boulin « Nuit
calme. Le malade n'est pas retombé dans le coma.
Il a pu s'alimenter ^^prononcer quelques paro-
les néanmoins les pouvions s'engorgent et la- res-
piration reste irrégulière le pronostic est "tou-
jours aussi grave ». •
A l'issue' de ïâ sé'àï^V'Miffin^^siminïsSw^î:
M. Briand se rendit à la maison des Frlres dé Saint-
Jéan-de-Dieu où il fut reçu par la maréchale Joffre,
avec laquelle il eut iiiï assez long entretien. En
sortant, le ministre des affaires étrangères dit 1
« La résistance du maréchal est stupéfiante. Rien
n'autorise le pessimisme complet, au contraire. »
M. Barthou survint ensuite il fut admis à nou-
veau à pénétrer quelques instants dans la cham-
bre 16. Après sa visite, le ministre de la guerre
émit un avis plus réservé « Le maréchal s'est
légèrement alimenté. Il a la mine un peu plus
reposée, son teint, plus coloré, a perdu ses reflets
cadavériques. Malheureusement, comme n'ont cessé
de le dire les médecins, il est perdu. Toutefois
il peut, quelques jours encore, lutter contre le dé-
nouement tragique ». Ce fut, à onze heures, la
tour du professeur Labbé « Quel malade extra-
ordinaire s'écria-t-il. Seules son énergie et sa
constitution exceptionnellement robuste lui per-
mettent de « tenir ». L'issue ne fait malheureuse-
ment aucun doute nous soutenons les forces à
l'aide d'un traitement approprié permettant au
maréchal de réagir contre, les spasmes gutturaux
qui déterminent chez lui des crises de coma. »
M. Chiappe eut une trouvaille heureuse, qui syn-
thétisait en une formule l'impression confuse de
beaucoup « Joffre refait maintenant la Marne
pour son compte personnel. » En présence du
Frère Ferdinand, fidèle infirmier dvr maréchal, le
«énèral Gouraud dit à celui-ci, hier matin, «Monr
sieur k..maréchal, vous vous rappelez notre ren-
contré après Tombouctou ?. » D'un regard, .Jqffr-e
fit signe « Oui. Et, entre les deux- -chefs,- l'Afri-
que passa. .<̃
'rr,
Pendant ce temps, l'affluence grossissait. Il était
midi. La foule des ateliers, des bureaux, s'èchap-
pant des quartiers du centre, venait apporter dans
la rue Oudinot, si quiète à l'accoutumée, si pro-
vinciale, une animation brusque, mais malgré tout
discrète. Jeune et émouvant public populaire
Un service d'ordre, désormais important, diri-
geait l'arrivée constante des automobiles. Une dou-
ble haie d'agents maintenait, hors du seuil de la
clinique, la foule dense des curieux qui se mêlaient
au groupe des journalistes afin de recueillir quel-
ques renseignements et qui cherchaient à voir.
voir quoi ? Un long vestibule, traversé parfois par
une silhouette brune de religieux ou par un aca-
démicien, un ministre, un ambassadeur, reçu par
la famille et qui revient, vers la rue, vers les inter-
rogateurs.•'
A midi vingt était transmis ce bulletin « Le
malade est toujours faible mais conserve sa con-
naissance. Il s'est un peu alimenté et a. supporté
sans fatigue le pansement de sa plaie qui est en
parfait état. Le pronostic est toujours réservé. »
Ce texte portait les signatures du professeur Leri-
che et dès docteurs Fontaine et Boulin. Comment
l'interpréter ? Par une réelle confiance ? A qua-
torze heures quanrante-cinq, le docteur Boulin li-
vrait à la presse ce commentaire pessimiste « Le
maréchal, qui est sorti du coma trois fois en de'ux
jours, étonne tout le monde, bien que l'on ne puisse
conserver aucun espoir ». Ainsi les modifications
heureuses se trouvaient confirmées sans que dispa-
russent ni leur caractère provisoire ni l'éventualité
d'une issue fatale. ̃;•
̃'̃ !?ir ['"̃̃ '̃••;̃
L'après-midi s'écoula. On se répétait les paroles
que le maréchal avait dites, dans la matinée, au
général Gouraud et aussi au colonel Fabry « Je
m'en vais. » La mort ne consentait-elle une trêve
que pour laisser sa victime, sa proie, la regarder
venir en pleine lucidité ? A quinze heures, Mme la
maréchale Joffre qui, depuis tant de jours et de
nuits, n'a pas pris le moindre repos au long de son
» calvaire, constamment assistée de sa lille, Mnie
Laffilée sortît de la clinique, accompagnée d'un]
officier d'ordonnance, et montait dans une voiture,
partant pour une destination inconnue. Lors de
son retour, une heure plus tard, la maréchale, dont
l'énergie est admirable', déclara qu'elle était sortie
seulement pour changer d'air, sur l'indication for-
melle des médecins. Elle ne dissimula pas sa con-
fiance.
.Le crépuscule commença à tomber sans que là
moindre précision nouvelle fût donnée. Mais l'op-
timisme prévalait, finalement, à la suite des mul-
tiples propos recueillis au moment du départ de
chaque visiteur. A dix-sept heures trente, ce com-
muniqué le douzième depuis le début de la
maladie fut publié « La respiration s'est régu-
larisée. Le pouls demeure bien frappé. La légère
amélioration survenue la nuit dernière se main-
tient ». ÏUen, jusqu'à huit heures, ne vint démentir;
cette note, qui conférait une valeur officielle à
'certains pressentiments favorables. Et, à fruit heu-
res, cet autre bulletin confirmait le précédent --i~
« L'amélioration signalée précédemment a ten-
dance à s'accentuer peu à peu. Toutefois, le pro-
nostic reste toujours aussi sérieux ».
.Vingt et une heures. La rue Oudinot, oit le sou-
venir de Coppée demeure présent, se dérobe dans
une obscurité que trouent mal les lumières et aussi
les phares des autos rangées devant la clinique. Une
centaine d'hommes et de femmes stationnent en-
core, les pieds sur le trottoir humide. Le soir as.
sombrit les pensées, maintenant. La maison des
Frères de Saint-Jean-de-Dieu offre sa gravité
muette. Entrons.
Personne dans le vaste couloir où le pas résonné,
Un planton est assis devant une petite table.
L'Etat-Major du maréchal, je vous prie ?
• Au bout de la galerie.
Je tourne à droite. Le couloir, plus étroit, est
brillamment éclairé. Partout des portes uniformé-
ment' -'closes et qui ne se distinguent que par leur-
numéro d'ordre l'une d'elles est ouverte. Des offi.
ciers discutent autour d'un bureau chargé do
papiers." ̃
:• &ï ̃̃̃̃<
Le général Is&aly, chef d'état-major du maréchal,
raë déclare Ce qui stupéfie, c'est cette résis»
ttoce qM"ctécôncërte Ta i stuen'cé. Toutes les qualités
d'endurance, de volonté, de sang-froid, qui sont la
marque propre du maréchal, ont réapparu oornrno
aux moments les plus graves de la guerre. Les ma-
nifestations de cette maîtrise rare, qui décojicertej
reflètent son énergie. tient. Il faut noter:le dé-
vouement du professeur Leriche et ses soins atten-
tifs. Quand, après l'opération, le maréchal reprit
conscience, le professeur Leriche lui raconta des
histoires afin de détourner son attention. Et
voici le docteur Fontaine, en blouse blanche ï «Le
mieux enregistré hier hier s'accentue. Ce qui est
l'objet de notre admiration, c'est la rapidité avec
laquelle s'est cicatrisée la plaie. Le maréchal aurait
vingt ans, on aurait dû l'amputer à la suite d'un
accident, la présentation ne serait pas meilleure !«
J'avoue, du reste, que ces résultats nous trouvent
en défaut. Et n'oubliez pas que, pour boire, le ma-
réchal tient sa tasse lui-même. Sa connaissance est
parfaite. »
̃A?; •̃ ̃̃ ̃ ̃
Je pars. Sur le seuil de la clinique, je rencontre
notre éminent collaborateur M. Paul Bourget, qui
vient de'signer. « La maréchale veut me voir», me
dit-il. Dehors, on distingue des visages penchés,
anxieux, sur les traits desquels se projettent lès
clartés venues de l'intérieur. Bientôt, M. Bourget
reparaît. Sa première parole est toute dé vénération
profonde. «J'ai vu le maréchal, dit-il. 11 est magni-
fique de .dignité., Quant, la maréchale, elle est très
courageuse »
Jusqu'èr mirroitj ou presque, les interprétations
demeurèrent vagues. Que se passait-il ? Le maré-
chal,, après une amélioration nettement affirmée,
retomberait-il dans une dépression dramatique,
autorisant les pires alarmes ? On vit, à vingt-trois
heures quarante, sortir le professeur Leriche et
le- docteur Boulin. L'un et l'autre présentaient les
signes d'une grande préoccupation. Ils se montrè-
rent, devant les questions pressantes dont ils furent
l'objet, d'une extrême réserve. Le docteur Boulin
dit seulement «L'amélioration se maintient à à
peine. Peut-être reviendrons-nous dans la nuit.
Le docteur Fontaine reste auprès du maréchal.» s-
La nuit, épaisse et noire, silencieuse, lourde de
secrets et de desseins insondables.
La résistance offerte par le maréchal Joffrèaux
terribles assauts du mal laisse le champ libre aux
espoirs, sans doute, mais avec quelle prudence
lhnitée dans le temps
Le courage du chef illustre, courage déployé
maintenant devant la déesse silencieuse et qui ne
pardonne pas, enrichit nos annales d'un incompa.
rable éclat. L'ultime défense du « Taciturne » ex-
plique sa psychologie il garde en face de l'ex-
trême péril le contrôle absolu de lui-même il me-
sure le risque il connaît ses forces et évalue leur
déclin. Il exerce pleinement, jusqu'au bout, sans
effort, en demeurant dans sa ligne de toujours, son
rôle de grand humain.
Gaëtan Sanvoisin.
DES FLEURS DE RIVESALTES
Si la France entière suit avec anxiété les phases
de la maladie du glorieux vainqueur de la Marne,
là-bas, au pays natal du maréchal, l'émotion est
sans doute plus profonde encore.
M._ Manaut, ancien sous-seçrétaire d'Etat à la
présidence du Conseil, député de la circonscrip-
tion de Rivesaltes, où naquit Joffre, a tenu à con-
crétiser dans un hommage émouvant l'affection de
la petite ville pyrénéenne, où le souvenir du maré-
chal reste si vivace. M. Manaut avait mandé télé-
grapbiquement à ses concitoyens un envoi de ces
fleurs, parures délicates de la vieille terre chèra
au cœur du grand soldat.
Des mimosas, des camélias rouges, dès rosés
arrivèrent hier matin, dans leur précieuse parure
d'osier, et aussitôt M. Manaut tint à les apporter
lui-même au chevet de l'illustre malade. Reçu par
la-maréchale coffre et par M. et Mme Lafiléé, l'an-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 65.04%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 65.04%.
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k296463n/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k296463n/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k296463n/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k296463n/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k296463n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k296463n
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k296463n/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest