Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1922-08-15
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 août 1922 15 août 1922
Description : 1922/08/15 (Numéro 227). 1922/08/15 (Numéro 227).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
68me Année -3meSérie No 227
Le Numéro quotidien rYWGT CENTIMES EN FRANCE
iwardsio Août 1922
H. DE VILLEMESSANT
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.̃ de rire de tout. "de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais).
LE NOM
DES RUES
On nous annonce que le Conseil muni-
cipal songe à remanier dans un prochain
avenir, d'après un plan général, la no-
menclature des rues de Paris. Ce sera là
un grand travail où la. gloire va connaî-
tre, cette fois encore, de singulières aven-
tures. Que de rivalités, que de compéti-
tions, que d'intérêts en présence C'est
selon un usage fort arbitraire des sculp-
teurs, que nous avons accoutumé de prê-
ter au visage de la Gloire une inaltérable
sérénité. On pourrait lui accorder tout
aussi vraisemblablement une expression
anxieuse et des traits tourmentés.
La gloire rayonnante ne luit que sur
les tombeaux et il y a longtemps que
Balzac l'a appelée le « soleil des morts-».
Ce n'était pas l'avis, de Barbey d'Aure-
villy qui, dans un de ses superbès gro-
gnements, n'hésitait pas à déclarer que
la gloire « était devenue une petite fem<-
/.me '». Peut-être avait-il raison. Pourquoi
refuser aux petites femmes un pouvoir
surprenant. ? C'est souvent dans'les
nuains les plus menues qu'ont reposé les
plus lourds destins. Cléopâtre était pro-
bablement très petite. 11 est raisonnable
de l'imaginer puisqu'elle réussissait à
tenir dans un de ces sacs de toile peinte
dont se servaient les -voyageurs pour y
serrer leur couverture, et que c'est dans
cet appareil qu'elle se lit porter à César
furieux et bientôt charmé.
Le nom des rues n'est évidemment
qu'un expédient de la célébrité, mais on
.èûrvit comme on peut.. C'est la survie
chère. Il est bien certain pourtant que le
nom de tels grands hommes aurait com-
platement disparu de notre mémoire si,
au .'hasard de nos promenades, nous ne
l'apercevions pas, de temps en temps,
au' coin de nos rues. Ainsi nos pauvres
petites actions quotidiennes, peuvent par-
fois aider à soutenir un grand renom en
péril d'oubli.
̃Il- y avait dans les dernières années
-du Second Empire une fort jolie femme
qui, parmi les propos des visites ou des
dîners en ville, exaltait, à tout. bout de
champ la mémoire un peu délaissée de
Pierre de Fermât. « Quel grand homme,
s'ëcriaiUelle, à la surprise générale, quel
génie quelle puissance d'invention
quelle originalité de synthèse l quelle
force d'analyse » Mais pardon, inî
têrro#e.aienk les, interlocuteurs ahuris,.
̃ 'Pierre de Fermiat, qui est-ce '?̃»+-« Comt-'
ment, vous ne le savez pas, se récriait
gentiment cette aimable personne, vous
ne le savez pas ? C'est incroyable Mais
Pierre «de'Ferraat,, c'est le plus grand
̃géomètre qui ait jamais existé Un hom-
me délicieux Songez donc, c'est lui
qui, lé premier, a eu l'idée d'appliquer
le calcul aux quantités différentielles
«pour' trouver les tangentes. Pascal l'ai-
mait beaucoup. Moi aussi du reste.» Une
telle documentation ne manquait point. t
de stupéfier l'auditoire et plus encore
le mari de cette. inattendue petite amie
des sciences. Il n'était point bête ce ma-
ri. Après s'être étonné, il surveilla, et
après avoir surveillé il apprit. Il apprit
que trois fois la semaine, vers la tombée
du jour, sa fragile épouse donnait' ren-
dez-vous dans le lointain quartier de
l'Observatoire, au coin de la rue Fermât,
à un bel officier de hussards qui s'était
crânement conduit pendant la campagne
du Mexique. Sa.ns cet incident frivole,
l'estime que portait Pascal à Pierre de
Fermât ne lui eût servi de rien. Il avait
fallu, pour rattraper sur le bord du néant
la gloire d'un grand savant, qu'une pe-
tite femme et qu'un petit officier aient
éprouvé l'un pour l'autre des sentiments
d'une extrême bienveillance. Vanité des
vanités
Vous voyez que le nom des rues
peut, à l'occasion, jouer son rôle dans
les aléas de la postérité. Il est donc per-
mis d'ajouter quelque attention aux dé-
cisions que le Conseil municipal s'ap-
prête à prendre à ce propos.
Le nom des rues est d'ailleurs d'une
invention relativement, récente. Mer-
cier, dans son Tableau de Paris, nous
apprend que c'est seulement sous
Louis XV' et grâce à l'initiative de Tur-
got que l'administration songea à ac-
corder aux voies publiques des dénomi-
nations fixes. Jusque-là chaque citoyen
les désignait à son gré à l'aide de formu-
les longues et compliquées. La rue de
FEchaudé-Saint-Germain s'appelait la
ruelle qui ua du guichet de i 'Abbaye à
la rue de Seine, et la rue Française
la ruelle par laquelle on entre et sort du
Quai et du jardin de l'Hôtel Saint-De-
nis. Le service des postes avait alors de
belles excuses pour ses inexactitudes.
Le nom de la rue était ou bien gravé en
creux sur une pierre carrée retenue par
dès crampons de fer, ou bien peint sur
fond jaune avec des lisérés verts.
La Troisième République se voua à
des couleurs plus pures lettres d'émail
blanc sur fond bleu, et elle se fit une
abondante monnaie électorale en bap-
lisant nos chaussées selon les dernières
exigences de la morale laïque et obliga-
toire. Aussi bien sous les différents ré-
gimes qui se sont succédé en France,
ce fut toujours un jeu très en faveur de
bouleverser. le nom des rues. Dans ces
brusques transformations le désir de
rendre hommage aux maîtres du jour
éclate sans pudeur. C'est Sully, le sage
Sully, qui est un peu responsable de
cette mode utilitaire. Il eut, en effet,
1 l'amabilité diplomatique de créer la
rue Dauphine, la rue Christine et la
rue d'Anjou. Il devint dès lors ex-
irèmeinent t flatteur d'avoir sa rue.
Pour y parvenir l'on vit de grands
fonctionnaires se décerner à eux-mê-
mes celle consécration. C'est ainsi que
des échevins comme Caumartin et do
La-=M'icJiaûdièré^ ëf des greffiers. comme
Taitboûfc et Boudreau, imposèrent leur
propre nom à des voies anciennes ou
nouvelles. La Révolution fit de larges
promotions dans ce genre de nomencla-
tures. Elle créa, ce qui était juste, .les
rues Voltaire, Jean-Jacques-Rousseau,
Corneille, Racine. Elle remplaça, ce qui
était peut-être moins opportun, le nom
de Montmartre par celui de Mont-Marat,
celui de place Louis XV par celui de
place de la Révolution, celui de rue de
Monsieur-le-Princc par celui de la rue
de la Liberté, et elle fit gratter activé-
ment le mot « saint » partout, où il se
trouvait. L'Empire fit un fréquent usa-
ge du nom de ses victoires, donnant ain-
si fort à faire à la Restauration qui s'em-
pressa de supprimer les glorieuses Syl-
labes d'Iéna, d'Austerlitz et de Ma-
rengo.
Il ne faut point douter que nos édiles
n'apportent dans la tâche délicate qui
va leur incomber tout le soin et tout le
tact possibles. Ils prendront sans doute
conseil d'autorités aussi compétentes que
celle de notre confrère Georges Montor-
gueil, et, s'ils veulent bi'en consulter le
Dictionnaire historique de. Paris, de Gus-
tave Pessard, ils ne manqueront point
de prendre les plus sages décisions.
Qu'il nous soit permis cependant de leur
présenter quelques observations respec-
tueuses. Convient-il de lai'sser au riche
propriétaire d'un pâté dé maisons, le
jour où il trouve convenable d'y ouvrir
un passage, le droit de lui choisir un
nom ?. Je sais bien que c'est là une cou-
tume fort ancienne (rue Simon-le-Franc,
rue Geoffroy-V Angevin), mais un tel usa-
ge ne peut-il pas mener à de singuliers
abus ? Jugez-en plutôt.
Deux importants propriétaires d'im-
meubles ont percé, il y a quelque
cinquante ans, deux rues l'une
aboutissant dans la rue de la San-
té, l'autre allant de la rue Doudeauville
à la rue Ordenër. Le premier de ces pro-
priétaires avait un fils qu'il avait appelé
Ernest, ce qui' était bien son droit, et
qu'il aimait beaucoup, ce qui était bien
son devoir. Le second propriétaire avait
une femme délicieuse qui s'appelait Er-
nestine et à laquelle il était tendrement
uni. Il vous' est loisible de préférer un
autre prénom, mais enfin l'épouse légi-
time de ce puissant bourgeois s'appelait
Ernest ine. Qu'arriva-t-il ? Les deux capi-
talistes en question appelèrent leurs
deux rues qui existent encore aujour-
d'hui rue Ernest et rue Erhesline. C'est
évidemment fort touchant comme mani-
festation- de l'esprit de famille,' mais' je
ne pense pas que le lustre de Paris y
ait gagné grand'chose". Un autre proprié-
taire qui ouvrit une chaussée tombant
dans la rue Damirémont, la baptisa rue
Joséphine, et cette fois on n'est pas du
tout sûr que Joséphine ait été le nom
de sa femme. Quelle est la Joséphine qui
reçut une telle marque de sollicitude ? '?
Nous ne le saurons, .probablement ja-
mais. Mais voici qui est plus surprenant
encore. Un certain M. Jobé décide d'éta-
blir un débouché allant de la rue Sam-
son au boulevard" d'Italie. '11 n'aurait te-
nu qu'à lui' qu'elle s'appelât la rue Jobé,
mais M. Jobé était un modeste. D'autre
part, les personnages de l'Ecriture Sain-
te dont il faisait sa lecture quotidienne,
lui étaient familiers et il avait toujours
^prouvé pour l'un d'eux, Jonas, une
sympathie particulière. Avait-il fait for-
tune dans le commerce des corsets ou
bien avait-il subi, capitaine au long
cours, dé périlleux naufrages ? Mystère.
M. Jobé aimait Jonas, voilà tout, et il
s'était bien promis que lorsque l'occa-
sion s'en présenterait, il n'oublierait pas
le plus' humide et le plus cordial des
« douze petits prophètes ». Ce jour lui
parut enfin venu et au risque de faire
rire ses contemporains, si j'ose dire,
comme des balemes, il appela sa rue la
rue Jonas. Certes, loin de moi la pensée
de contrister Ernest, Ernestine, José-
phine ou Jonas, mais peut-être pourrait-
on trouver pour ces diverses voies, si
confidentielles qu'elles soient, de plus
justes et de plus utiles dénominations.
Nous formons le vœu que le Conseil
municipal veuille bien, en arrêtant la
nouvelle nomenclature de nos rues, te-
nir compte, non seulement de l'avenir
mais aussi du passé qui, eu un tel domai-
ne, a des droits imprescriptibles. Il y a
des noms qui sont des paysages. Sau-
vons le pittoresque chaque fois que nous
le pouvons en un temps où il est de par-
tout menace. Sauvons la rue de V Arba-
lète ou de V Homme-Armé, la rue' de la
Chaise, la rue du Chat-qui-Pèche, en
mémoire de leurs vieilles enseignes
sauvons la rue des Francs-Bourgeois,
la rue des Lombards, la rue de las Fer-
ronnerie, la rue des Lavandières, com-
mémorant des corporations ou des com-
merces respectables sauvons la rue du
Petit-Musc, malgré son indécente ori-
gine sauvons la rue de l'Estrapa-
de, bien qu'elle nous rappelle l'o-
dieux supplice infligé aux soldats in-
disciplinés sauvons la rue GU-le-
Cœuv; Sauvons tout ce qui évoque des
aspects, des coutumes ou des âges dis-
parus, et qui peut servir en quelque
sorte à constituer les archives de notre
ville.
Il y a encore' la question des noms
proprés, qui donnera sans doute lieu, à
l'Hôtel de Ville, à mainle discussion
passionnée. Dans ce débat, le plus liti-
gieux de tous, il sera nécessaire d'appor-
ter quelque justice. Ne parle-l-on pas de
créer une rue Planquette, quand on n'a
pas encore songé à accorder cet hon-
neur au parfait petit maître que fut
Charles Lecocq? Et. nous réclamons aussi
la rue Paul-Hervieu, la rue Edmond-
Rostand, la rue Auguste-Rodin, la rue
Henry-Bataille: Paris a le devoir de ne
rien oublier il ne doit laisser perdre
aucun de ses rayons.
Robert de Flers,
de V Académie française.
ECHEC OE LA CONFÉRENCE DE LONDRES
On se sëpafesanss'êteeMs d'accord
M; Poincaré rentre aujourd'hui à paris
kk La France n'a -pas à se dissimuler
qu'elle a. désormais on M. Lloyd
George lin ennemi irréductible. Depuis'
ltuit jours, il ne cesse ou clé nous ten-
dre des pièges ou de nous braver. Il a
fait échouer la Conférence ̃froidement.1
et il y a attire M. Poincaré, ayant décidé •
d'avance- de sc montrer. intransigeant.
Toute la discussion n'a. été qu'un leur-
re. La partie était liée entre lui et l'Al-
lemagne sur la question du moralorimn.
C'est une chose qu'il faut regarder bien
en face.
Comment la haine de notre pays lui
est-elle venue ? Ou- trouvera les, éléments
de cette analyse dans l'intoxication dé-
mocratique de l'homme d'Etat ^radical
qui ne'nous pardonne pas de refuser une
confiance aveugle à la République alle-
mande, et, dans l'énorme erreur qui'1
place le relèvement de l'Allemagne nu
premier plan de la reconstitution éco-
nomique de l'Europe.
Mais l'important pour nous est de sa-
voir comment cette haine se traduira.
Or, il ne nous apparaît guère que M.
Lloyd George qui exerce, pour le mo-
ment, une influence décisive sur la po-
litique anglaise, possède une "iflâi'trHe i.
aussi puissante sur le gentiment natio-
nal. Nous ne pensons donc pas que Je
peuple britannique le suivra dans" son
animosité farouche contre la. France,
qui le fait considérer, au delà du Rhin,
comme l'homme de la revanche.
II est fort probable, par conséquent,
que nos rapports avec nos alliés ne se-
ront altérés un instant qu'à la surface
mouvante de la politique, quelque
acharnement que mette M. Lloyd Geor-
ge à amener un désaccord plus pro-
fond. Un des deux peuples en tout cas
le nôtre n'oubliera jamais la fra-
ternité d'armes, .et nous restons persua-
dés qu'elle est encore yjvante au cœur
de l'Angleterre.
̃ ̃ Lot lac tique de-'M. Lloyd .,Geor$e: est
visiblement d'user M. Poincaré.. ,«t de
provoquer en France la résignation par
lassitude. Vous verrez qu'un de ces
jours quand il croira l'atmosph? °. fa-
vorable, il dévoilera soudain, d'un coup
d'audace, son arrière-pensée et qu'il
nous proposera crûment de renon-
cer aux réparations L'opinion, chez
nous, doit se préparer au plus brutal
revirement de l'homme qui a mis sa si-
gnature au bas du traité de paix, à côté
de celle de la France.
Alfred Capus,
de l'Académie française.
Les efforts de M. Poincaré
pour éviter Ja^ rupture 1;
(DE NOTRE 'ENVOYÉ SPÉCIAL)
LONDRES, li août. (Par télépHone).
Donc, c'est la rupture, bien qu'on se
plaise à dire, d'un côté comme do l'au-
tre, qu'il ne faut voir dans, le résultat né-
gatif des négociations qu'une « différen-
ce profonde » des points de vue des deux
gouvernements.
Même ceux qui ont accoutumé de pré-
senter M. Poincaré comme trop absolu
dans ses idées ne pourront lui reprocher
en cette occasion d'avoir manqué de pa-
tience ou d'esprit de conciliation. Le
chef du gouvernement français pouvait-
il accepter le protocole que lui offrait
M. Lloyd George" •'•̃ :̃'?
« En n'acceptant pas ma suggestion,
vous allez à larupture de i'EnteBte.f«f|jé^
clarait celui-ci la fin de la rtimiorfw
ce malin, à Downing Street. En dépit
de ce procédé de pression, M-. Poincaré
n'a pas fléchi. Après avoir fait remar-
quer à M. Lloyd George qu'il pouvait y
avoir divergence entre les deux gouver-.
nements sur une question, sans qu'il y.
ait pour cela rupture de l'Entente, le
président du Conseil français s'écria'
qu'il accepterait tout tout, sauf lésa-'
crifice des intérêts essentiels de la
France.
« Je veux avant tout, s!expliqua-t-il,
mettre mon pays à l'abri de. la. ruine.
Vous parlez de la rupture de l'Enlente
alors qu'il ne s'agit que d'un différend-
entre gouvernements. Si je revenais à
Paris après avoir signé un accord ..dans
le malentendu, c'est cela qui pourrait
amener la mort, de l'Entente. Le peuple
français pourrait croire qu'on lui oppose
une politique de parti pris, et le chagrin
profond, lu,désillusion cruelle qu'il, en,
ressentirait pourraient provoquer la dé-
saffection entre ces .deux peuples. »
M. Schanzer avait trouvé
une formule acceptable
Jusqu'à la dernière minute, M. Poin-
caré n'a cessé de faire preuve d'une pa-
tience dont ses compatriotes ne sau-
raient trop lui être reconnaissants. Dès
l'énoncé des con Ire-propositions britan-'
niques, il eût pu rompre, tant elles diffé-
raient profondément des propositions
françaises. Toutefois, il accepta de les
faire étudier par les experts. Il espérait
que ceux-ci en mettraient suffisamment
en lumière les faiblesses, etqueM. Lloyd
George serait fatalement, ensuite, dans
l'obligation de se rapprocher du point
de vue français. 11 n'en fut rien. "̃•
Hier, tandis que M. Lloyd Geoi'gé:ëe'
reposait aux Chequers, M. Schanzer est
venu trouver M. Poincaré, qui travaillait,
pour, lui soiim'etire une formule de conci-
liation. Celle-ci lui parut acceptable.
• Puisque. M. Lloyd George se refusait
cnerg.iquemenl a discuter la question des
dettes interalliées, qui, dans l'esprit de
M. Poincaré, est, liée 'étroitement à celle
(les réparations, le ministre italien avait
imaginé de faire renvoyer -le règlement
général a une Conférence qui se tien-
drait en novembre. A ce moment, la. dis-
cussion pourrait s'engager utilement,
puisque M. Lloyd George a toujours dit
qu'il voulait attendre le retour de sir
Robert Hôrne des Etats-Unis avant d'a-
border cette question. Dans l'intervalle,
aucun îrioraloriuni laslatw quo serait
maintëmt.
La'sagesse de cette proposition sédui-
sit M. Poincaré, qui s'y rallia aussitôt.
'̃M. Schanzer, croyant donc. tenir la for-
mule d(:cisive, s'en vint, tout courant,
aux Chequers, trouver M. Lloyd George
avec la conviction qu'il obtiendrait fa-
cilement son adhésion. Mais il rencon-
tra, lui-même la même opposition que
M. Poincaré avait rencontrée aux propo-
sitions françaises.
Toujours les mêmes procédés
• de M. Lloyd George
.L'idée, pourtant, avait frappé M.
Lloyd George. Ce matin, il revint sur
cette suggestion, mais comme toujours
il en avait retourné les données. Il main'
tenait la nouvelle Conférence pour no-
vembre, mais avec un moratorium. im-
médiat et sans gages. M. Poincaré eut
beau lui faire remarquer, qu'il y avait
actuellement dans les caisses de la
Reichsbank un milliard de marks-or, et
qu'en exigeant le paiement des deux ou
trois prochaines échéances, soit. cent ou
cent cinquante millions de marks-or, ce-
la i,i(3; pourrait pas appauvrir le Reich,
dans;l'élat actuel de son crédit, M. Lloyd
George ne voulut rien entendre. M.
Poincaré eut beau démontrer, slatisli-
ques en main, que l'Allemagne poursui-
YjcijU.- Ja,, seule, politique.. financière ..qui
rendit- sa »failNte*
ment de son mark, par l'émission, cha-
que mois, de dix, onze ou douze mil-
liards' de marks-papier, rien n'y fit.
̃ -'M;. Poincaré alla encore l,lus loin il
'dértW/ntra que la carence des paiements
de l'Allemagne n'affectait que ses obliga-
tion'sde réparations et qu'elle n'a pas de:
'dette extérieure. Quant à son crédit, elle
a la conviction, qu'ilsera un-jour ou l'au-
tre rétabli, grâce à un emprunt qu'on lui
accordera. ,.̃.̃"
Les preuves surabondantes x
de la mauvaise foi de Berlin
l], Depuis l'état de paiement de mars
1921, l'Allemagne n'a pas cessé. de ven-
dre ses marks. 11 y a huit mois, le gou-
vernement de Berlin a offert a la Tchéco-
'Sloyaquie de .lui prêter quatre milliards
.de marks-papier.
L'opération n'aboutit pas, mais un i-
q.uement parce que M. Benès refusa de
s'y associer. Des banques -allemandes en
j'el.ations étroites avec la Reichsbank ont
,ëté installées en Roumanie, et en Dane-
mark dans le seul but de vendre du
mark., Chaque jour, le gouvernement du
Reicli jette sur le marché d'Amsterdam
Ses devises par monceaux
[' ,Tout.,cela, Mr Poincaré l'a établi sans
conteste possible. M. Lloyd George l'a
écouté, mais n'en a pas semblé ému le
moins du monde.
Devant une volonté aussi- manifeste de1
ne pas payer, M. Poincaré pouvait-il ac-
corder à l'Allemagne une faveur car
un moratorium est une faveur sans
obtenir en échange des gages sérieux ?
K'I. Lloyd George voulait se contenter,
lui, de garanties, et encore de garanties
•qui ne seraient prises qu'en cas de nou-
veau manquement constaté. A qui devait
être confié le constat de ces nouveaux
.manquements ?rÀ'la' Commission des ré-
parations-?. Mais-la. Commission des ré-
parations a-t-elle constaté les manque-
ments antérieurs ? Et quelles sanctions
:a-t-elle demandées ?' M. Poincaré, en ac-
cordant un moraioriuhvdans les condi-
tions qu'il voulait lui imposer, n'eût
fait rien dé moins que d'accorder une
amnistie à i'Alleinagne pour tous ses
manquements déjà connus, et d'encou-
rager ce pays, se croyant assuré de la
nransïùétude de l'hôtel Asloria, à en com-
mettre de nouveaux.
JJne incroyable proposition
de M. Lloyd George
M. Lloyd George, qui a beaucoup d'i-
magination, avai.t aussi proposé à M.
Poincaré de soumettre le différend né de
i'interprétation de l'article 248 à l'àrbi-
'trey5e.de la Société des nations. M. Poin-
capé avait cru tout d'abord à de l'hu-
moiirg.- et il s'était contenté de sourire.
Mais ayant vu, à son grand étonnement,
que Downing Street avait communiqué
à la presse une note à ce sujet, il y est
revenu ce malin. Confier à la Société des
nations un arbitrage pour l'interpréta-
tion du Traité de Versailles, ce serait
d'abord demander aux neutres de sta-
tuer sur une question qui ne les regarde
en rien. Ce serait aussi, dans un avenir
plus ou moins rapproché, permettre à
l'Allemagne elle-même de donner son
avis, puisque l'Angleterre estime que
l'Allemagne doit être admise à siéger à
Genève.
Mais la difficulté la plus insurmonta-
ble est celle créée par le dernier discours
prononcé par M. Lloyd George aux Com-
mimes quelques jours avant la. Confé-
rence, et dans lequel il déclarait à. la fa-
ce du monde qu'il, fallait accorder à l'Al-
lemagne un délai sans garantie. M.
Lloyd George s'est cru évidemment lié,
par ses' .propres 'déclarations. Il n'est
donc pas. revenu sur sa propre thèse.
Les Chambres françaises
vont-elles être convoquées ?
M. Poincaré part, demain pour Paris,
par le train de onze heures. Le Conseil
des ministres est convoqué pour miercre-
di matin. Quelles décisions prendra-t-il ?
Celle de convoquer immédiatement
les Chambres Cela est 1res vraisembla-
ble. Celle de donner sans délai le préa-
vis d'un an, renouvelable dans six
mois, aux termes du traité, notifiant
l'intention de la France de se retirer de
la Commission des réparations ? Cela
n'est, pas impossible non plus?. Mais il
faut attendre et, ne pas prendre au pied
de la lettre les conversations autori-
sées ou pas dont les échos nous par-
viennent de tous côtés.
L'échéance du 15 août
reste donc en suspens
ut-
Les délégués a la Commission se sont
réunis hier matin, à 11 heures, à l'hôtel
Astoria.
Ils ont décidé, à l'unanimité, d'ajour-
ner leur réponseau gouvernement alle-
mand, d'en informer celui-ci et, en al-
tendant la décision à 'intervenir ultérieu-
rement, de suspendre le versement de
50 millions de niarks-or en espèces qui
aurait dû être effectué par l'Allemagne à
l'échéance du 15 août.
Voici le texte de la lettre adressée par
la Commission des réparations à la
Kriegslasteu Kommission, à Berlin
Contrairement à l'espoir manifesté dans
•ia lettre du 13 juillet, ta commlission, n'est)
pas à même de vous (aire connaître avant le
15 août sa décision sur votre tnémorandum.
du 12 juillet.
Elte vous ta fera connaître incessamment
et vous fixera en même temps sur lai ques*
tivn de l' échéance du 15 août, qui restent
en suspens jusqu'à celte décision.
i Dubois, John Bradbury.
Que fera par la suite
la Commission des réparations ?
Londres, 14 août. Un Conseil des
ministres se réunira 'mercredi matin à
Paris pour examiner la situation créée
par le résultat négatif des délibérations
de "Londres, les gouvernements alliés
n'ayant pu aboutir à un accord sur les
instructions à donner à leurs représen-
tants à la Commission des réparations
.pour répondre à la demande allemande
de moratorium.
M. Poincaré renouvellera à M. Louis
Dubois l'instruction de s'opposer à l'oc-
troi d'un moratorium. Il n'est pas im-
possible que le gouvernement belge
donne à son délégué des instructions
semblables. Dans ces conditions, on
aboutirait, si les délégués anglais et ita-
lien continuaient, à se montrer favora-
ibles à cette mesure, à une division égale
des voix au sein de la Commission.
On fait remaiiquer à cet égard que,
depuis que le délégué américain ne suit,
plus oflicmllemenl les travaux de la
Commission, l'usage s'est établi de 'con-
la vois du président comme pré-
pondérante. Cette circonstance ferait
que la voix de M. Louis Dubois, qui cu-
mule avec ses fonctions de délégué fran-
çais, celles de président de la Commis-
sion, amènerait une décision en faveur
du maintien des paiements allemands
prévus par la décision du 13 ihars der-
nier.
Au contraire, le gouvernement, fran-
çais aurait, sans doute, il envisager les
̃mesures qu'il croirait nécessaires si le
moratorium était accordé au Reich con-
tre son gré.
M- Poincaré n'est lié sur ce -point par
aucune décision de la Conférence, et le
gouvernement français garde une en-
tière liberté d'action. Le président du
Conseil s'est refusé d'ailleurs à faire. au-
cune déclaration au sujet de l'action
qu'il se réserve de .prendre dans ce cas
avant, d'avoir rendu compte à ses. col-
lègues de la situation.
.Même au cas où la voix du président
le serait pas prépondérante, le vote
identique des délégués belges et fran-
çais. à la Commission des réparations,
aboutirait au rejet de droit du morato-
rium si les deux autres représentants
s'y montraient favorables, la majorité
nécessaire n'étant pas -réunie et l'éga-
lité des voix profitant, au maintien du
statu quo.
La mission de M. Bergmann
à Londres
Berlin, 14 août. La Gcrmania dit
que le voyage de .M. Bergmann à Lon-
dres n'a pas lieu en raison de la confé-
rerîce M. Bergmann veut, avant que
le comité des banquiers se réunisse à
nouveau, exposer encore une fois en dé-
tail, aux financiers anglais, la, situation
de l'Allemagne.i;.r>
Les payements de compensation
̃ Chaque puissance.
reprend sa liberté d'action
Londres, 14 août, Au cours de la
réunion des ministres alliés convoquée
à- Downing Street, à. 5 heures, par M.
Lloyd George, on a ratifié l'accord pro-
pose parles experts, pour que l'échéan-
ce dé deux millions de livres sterling,
dus par l'Allemagne, au 15 août, pour
les offices de compensations, fût réglée,
ainsi que l'a réclamé M. Poincaré, en
prenant même des gages dès le 15 août.
Pour l'avenir, chaque puissance re-
prendra sa liberté d'action.
{Voir la suite en Dernière Heure.)
ÉCHOS _'1
La-pluie, i. •} ̃ r'
Elle né réjouit personne, si ce n'est
les agriculteurs. Encore savons-nous
qu'elle survient toujours à contretemps.
Mais celle dont le ciel nous gratifie
ces jours-ci paraît particulièrement mal-
venue, car elle prive les milliers de Pa-
risiens qui ont profilé du pont pour
s'en aller villégiaturer en de lointaines
banlieues, d'une satisfaction bien légi-
time et sur laquelle ils comptaient le
beau temps.
Il n'y a qu'une catégorie de Parisiens
qui considèrent avec philosophie ce ciel
décevant, ce sont ceux qui comptent
prendre leurs vacances en septembre et
qui ont encore l'espoir pour eux.
Petit problème.
Les admirateurs de Renan auront à
fêter le centenaire de sa naissance au
début de l'année prochaine.
Mais ne conviendrait-il pas, aupara-
vant, de se mettre d'accord sur la, date
exacte de la naissance do l'illustre. écri-
vain ? `?
A Tréguier, ville natale de l'auteur de
la Vie de Jésus, le monument, de Jean
Boucher,- inauguré en septembre 1903,;
porte l'inscription
ERNEST RENAN
né le 27 février 1823
Et la maison où est né Renan mai-
son actuellement occupée par une bou-
langerie porte une plaque commé-
morative donnant comme date de sa
naissance le 28 février 1823.
D'autre part, la, plupart des diction-
naires, Grande Encyclopédie, Grand La-
rousse, Dictionnaire Universel des Con-
temporains, etc., indiquent te 27 février.
Ainsi deux dates 27 et 28 février
1823.
Quelle est la bonne, quelle est la. mau-
vaise ? 7
Ne serait-il pas piquant que ce fût sur
la maison même où est. né Renan que
se trouve la fausse date de sa 'nais-
sauce °
--a..
Au secours Charles-Quint. ̃̃•:
Dans son monastère de San Yùste,
l'empereur Charles-Quint passait ses loi-
sirs à vouloir régler les horloges. On au-
rait bien besoin de lui sur la ligne de Pa-
ris a Limours, où les pendules marquent
des heures fantaisistes.
Ainsi, à la station de Lozère, lorsque
l'horloge marque 7 h. 40, il est 7 h, 4-i à
Palaiseau, 7 h. 42 à Massy-Palai,seau,,
7 h. 40 à Antony, 7 h. 41 à Bourg-la-
Reine, 7 h. 35 à Paris-Luxembourg.
Quelle heure est la. bonne ? Faut-il
régler deux fois sa montre, à l'aller et
au retour, ou bien en avoir deux, comme
les navires, pour marquer l'heure du
méridien de Paris et celle du lieu '1
Charles-Quint, seul, pourrait le dire.
Wells candidat.
La chose, dit-on, est décidée, irrévo-
cablement l'auteur de ta Guerre des
mondes va être candidat du parti tra-
vailliste aux prochaine élections et il es-
père bien être élu.
Un seul point, noir assombrit la joie
anticipée de Wells il parait qu'il ne
possède aucun don oratoire. 1
Que le célèbre romancier anglais
apaise ses angoisses. II ne sera .pas le
premier dans ce cas.
On a. connu bien d'autres députés
silencieux et, toute réflexion faite, ce
ne sont peut-être pas les moins utiles
à la cause qu'ils défendent.
Le Masoue de Fer.
UN GRAND JOURNALISTE
Lord Northcliffe
Alfred-Charles-William Harmwbrth,
vicomte Northcliffe, né le 15 juillet
1865, à Chapelizatl, village des environs
de Dublin, est mort hier, 14 août 1922, à
Londres. Il avait débuté dans le. journa-
lisme comme petit rédacteur sport.if,
mais par son énergie, son intelligence,
son esprit d'entreprise, son don du com-
mandement et son magnifique caractè-
re, il était, devenu non seulement le plus
grand propriétaire de journaux de l'An-
gleterre, mais encore .le plus grand jour-
naliste du monde.
II avait été fait baron of the Isle bf
Thonet, puis, en 1905, lord Northcliffe.
Par son courage et la haute dignité
de sa carrière, il a honoré et élevé la
profession de journaliste. Par son sens
politique et sa claire vision des réalités,
il a, plus que nul autre, engagé l'Em-
pire anglais à mettre la totalité de ses
ressources au service de cette guerre
dans laquelle l'Angleterre défendait à
la fois, comme nous, son' existence et
les libertés occidentales.
Depuis la guerre, il a défendu l'al-
liance franco-anglaise parce que cette al-
liance lui paraissait aussi nécessaire à
l'Empire anglais qu'à la paix de l'Eu-
rope.
Son frère, lord Rothermere,, la rédac-
tion du Times, du Daily Mail et des au-
tres publications de lord Northcliffe
comprendront la qualité du regret
éprouvé par la presse française en
voyant disparaître cette haute figure.
**»
Alfred Harmworth fit ses débuts dans
la presse à quinze ans comme petit re-
porter sportif. A vingt-trois ans, il fon-
dait. les Answers, qui imitaient le TU
Bits mais il y introduisait cette nou-
veauté que, multipliant questions et ré-
ponses sur des sujets divers, la rédaction
se trouvait en partie faite par les 'lec-
teurs. Il fonda peu après les Cornie Cuts.
On prétend que, à vingt-cinq ans, il
Le Numéro quotidien rYWGT CENTIMES EN FRANCE
iwardsio Août 1922
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur {1854-7879)
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« Loué par ceux-ci,, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les- méchants, je me presse
.̃ de rire de tout. "de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais).
LE NOM
DES RUES
On nous annonce que le Conseil muni-
cipal songe à remanier dans un prochain
avenir, d'après un plan général, la no-
menclature des rues de Paris. Ce sera là
un grand travail où la. gloire va connaî-
tre, cette fois encore, de singulières aven-
tures. Que de rivalités, que de compéti-
tions, que d'intérêts en présence C'est
selon un usage fort arbitraire des sculp-
teurs, que nous avons accoutumé de prê-
ter au visage de la Gloire une inaltérable
sérénité. On pourrait lui accorder tout
aussi vraisemblablement une expression
anxieuse et des traits tourmentés.
La gloire rayonnante ne luit que sur
les tombeaux et il y a longtemps que
Balzac l'a appelée le « soleil des morts-».
Ce n'était pas l'avis, de Barbey d'Aure-
villy qui, dans un de ses superbès gro-
gnements, n'hésitait pas à déclarer que
la gloire « était devenue une petite fem<-
/.me '». Peut-être avait-il raison. Pourquoi
refuser aux petites femmes un pouvoir
surprenant. ? C'est souvent dans'les
nuains les plus menues qu'ont reposé les
plus lourds destins. Cléopâtre était pro-
bablement très petite. 11 est raisonnable
de l'imaginer puisqu'elle réussissait à
tenir dans un de ces sacs de toile peinte
dont se servaient les -voyageurs pour y
serrer leur couverture, et que c'est dans
cet appareil qu'elle se lit porter à César
furieux et bientôt charmé.
Le nom des rues n'est évidemment
qu'un expédient de la célébrité, mais on
.èûrvit comme on peut.. C'est la survie
chère. Il est bien certain pourtant que le
nom de tels grands hommes aurait com-
platement disparu de notre mémoire si,
au .'hasard de nos promenades, nous ne
l'apercevions pas, de temps en temps,
au' coin de nos rues. Ainsi nos pauvres
petites actions quotidiennes, peuvent par-
fois aider à soutenir un grand renom en
péril d'oubli.
̃Il- y avait dans les dernières années
-du Second Empire une fort jolie femme
qui, parmi les propos des visites ou des
dîners en ville, exaltait, à tout. bout de
champ la mémoire un peu délaissée de
Pierre de Fermât. « Quel grand homme,
s'ëcriaiUelle, à la surprise générale, quel
génie quelle puissance d'invention
quelle originalité de synthèse l quelle
force d'analyse » Mais pardon, inî
têrro#e.aienk les, interlocuteurs ahuris,.
̃ 'Pierre de Fermiat, qui est-ce '?̃»+-« Comt-'
ment, vous ne le savez pas, se récriait
gentiment cette aimable personne, vous
ne le savez pas ? C'est incroyable Mais
Pierre «de'Ferraat,, c'est le plus grand
̃géomètre qui ait jamais existé Un hom-
me délicieux Songez donc, c'est lui
qui, lé premier, a eu l'idée d'appliquer
le calcul aux quantités différentielles
«pour' trouver les tangentes. Pascal l'ai-
mait beaucoup. Moi aussi du reste.» Une
telle documentation ne manquait point. t
de stupéfier l'auditoire et plus encore
le mari de cette. inattendue petite amie
des sciences. Il n'était point bête ce ma-
ri. Après s'être étonné, il surveilla, et
après avoir surveillé il apprit. Il apprit
que trois fois la semaine, vers la tombée
du jour, sa fragile épouse donnait' ren-
dez-vous dans le lointain quartier de
l'Observatoire, au coin de la rue Fermât,
à un bel officier de hussards qui s'était
crânement conduit pendant la campagne
du Mexique. Sa.ns cet incident frivole,
l'estime que portait Pascal à Pierre de
Fermât ne lui eût servi de rien. Il avait
fallu, pour rattraper sur le bord du néant
la gloire d'un grand savant, qu'une pe-
tite femme et qu'un petit officier aient
éprouvé l'un pour l'autre des sentiments
d'une extrême bienveillance. Vanité des
vanités
Vous voyez que le nom des rues
peut, à l'occasion, jouer son rôle dans
les aléas de la postérité. Il est donc per-
mis d'ajouter quelque attention aux dé-
cisions que le Conseil municipal s'ap-
prête à prendre à ce propos.
Le nom des rues est d'ailleurs d'une
invention relativement, récente. Mer-
cier, dans son Tableau de Paris, nous
apprend que c'est seulement sous
Louis XV' et grâce à l'initiative de Tur-
got que l'administration songea à ac-
corder aux voies publiques des dénomi-
nations fixes. Jusque-là chaque citoyen
les désignait à son gré à l'aide de formu-
les longues et compliquées. La rue de
FEchaudé-Saint-Germain s'appelait la
ruelle qui ua du guichet de i 'Abbaye à
la rue de Seine, et la rue Française
la ruelle par laquelle on entre et sort du
Quai et du jardin de l'Hôtel Saint-De-
nis. Le service des postes avait alors de
belles excuses pour ses inexactitudes.
Le nom de la rue était ou bien gravé en
creux sur une pierre carrée retenue par
dès crampons de fer, ou bien peint sur
fond jaune avec des lisérés verts.
La Troisième République se voua à
des couleurs plus pures lettres d'émail
blanc sur fond bleu, et elle se fit une
abondante monnaie électorale en bap-
lisant nos chaussées selon les dernières
exigences de la morale laïque et obliga-
toire. Aussi bien sous les différents ré-
gimes qui se sont succédé en France,
ce fut toujours un jeu très en faveur de
bouleverser. le nom des rues. Dans ces
brusques transformations le désir de
rendre hommage aux maîtres du jour
éclate sans pudeur. C'est Sully, le sage
Sully, qui est un peu responsable de
cette mode utilitaire. Il eut, en effet,
1 l'amabilité diplomatique de créer la
rue Dauphine, la rue Christine et la
rue d'Anjou. Il devint dès lors ex-
irèmeinent t flatteur d'avoir sa rue.
Pour y parvenir l'on vit de grands
fonctionnaires se décerner à eux-mê-
mes celle consécration. C'est ainsi que
des échevins comme Caumartin et do
La-=M'icJiaûdièré^ ëf des greffiers. comme
Taitboûfc et Boudreau, imposèrent leur
propre nom à des voies anciennes ou
nouvelles. La Révolution fit de larges
promotions dans ce genre de nomencla-
tures. Elle créa, ce qui était juste, .les
rues Voltaire, Jean-Jacques-Rousseau,
Corneille, Racine. Elle remplaça, ce qui
était peut-être moins opportun, le nom
de Montmartre par celui de Mont-Marat,
celui de place Louis XV par celui de
place de la Révolution, celui de rue de
Monsieur-le-Princc par celui de la rue
de la Liberté, et elle fit gratter activé-
ment le mot « saint » partout, où il se
trouvait. L'Empire fit un fréquent usa-
ge du nom de ses victoires, donnant ain-
si fort à faire à la Restauration qui s'em-
pressa de supprimer les glorieuses Syl-
labes d'Iéna, d'Austerlitz et de Ma-
rengo.
Il ne faut point douter que nos édiles
n'apportent dans la tâche délicate qui
va leur incomber tout le soin et tout le
tact possibles. Ils prendront sans doute
conseil d'autorités aussi compétentes que
celle de notre confrère Georges Montor-
gueil, et, s'ils veulent bi'en consulter le
Dictionnaire historique de. Paris, de Gus-
tave Pessard, ils ne manqueront point
de prendre les plus sages décisions.
Qu'il nous soit permis cependant de leur
présenter quelques observations respec-
tueuses. Convient-il de lai'sser au riche
propriétaire d'un pâté dé maisons, le
jour où il trouve convenable d'y ouvrir
un passage, le droit de lui choisir un
nom ?. Je sais bien que c'est là une cou-
tume fort ancienne (rue Simon-le-Franc,
rue Geoffroy-V Angevin), mais un tel usa-
ge ne peut-il pas mener à de singuliers
abus ? Jugez-en plutôt.
Deux importants propriétaires d'im-
meubles ont percé, il y a quelque
cinquante ans, deux rues l'une
aboutissant dans la rue de la San-
té, l'autre allant de la rue Doudeauville
à la rue Ordenër. Le premier de ces pro-
priétaires avait un fils qu'il avait appelé
Ernest, ce qui' était bien son droit, et
qu'il aimait beaucoup, ce qui était bien
son devoir. Le second propriétaire avait
une femme délicieuse qui s'appelait Er-
nestine et à laquelle il était tendrement
uni. Il vous' est loisible de préférer un
autre prénom, mais enfin l'épouse légi-
time de ce puissant bourgeois s'appelait
Ernest ine. Qu'arriva-t-il ? Les deux capi-
talistes en question appelèrent leurs
deux rues qui existent encore aujour-
d'hui rue Ernest et rue Erhesline. C'est
évidemment fort touchant comme mani-
festation- de l'esprit de famille,' mais' je
ne pense pas que le lustre de Paris y
ait gagné grand'chose". Un autre proprié-
taire qui ouvrit une chaussée tombant
dans la rue Damirémont, la baptisa rue
Joséphine, et cette fois on n'est pas du
tout sûr que Joséphine ait été le nom
de sa femme. Quelle est la Joséphine qui
reçut une telle marque de sollicitude ? '?
Nous ne le saurons, .probablement ja-
mais. Mais voici qui est plus surprenant
encore. Un certain M. Jobé décide d'éta-
blir un débouché allant de la rue Sam-
son au boulevard" d'Italie. '11 n'aurait te-
nu qu'à lui' qu'elle s'appelât la rue Jobé,
mais M. Jobé était un modeste. D'autre
part, les personnages de l'Ecriture Sain-
te dont il faisait sa lecture quotidienne,
lui étaient familiers et il avait toujours
^prouvé pour l'un d'eux, Jonas, une
sympathie particulière. Avait-il fait for-
tune dans le commerce des corsets ou
bien avait-il subi, capitaine au long
cours, dé périlleux naufrages ? Mystère.
M. Jobé aimait Jonas, voilà tout, et il
s'était bien promis que lorsque l'occa-
sion s'en présenterait, il n'oublierait pas
le plus' humide et le plus cordial des
« douze petits prophètes ». Ce jour lui
parut enfin venu et au risque de faire
rire ses contemporains, si j'ose dire,
comme des balemes, il appela sa rue la
rue Jonas. Certes, loin de moi la pensée
de contrister Ernest, Ernestine, José-
phine ou Jonas, mais peut-être pourrait-
on trouver pour ces diverses voies, si
confidentielles qu'elles soient, de plus
justes et de plus utiles dénominations.
Nous formons le vœu que le Conseil
municipal veuille bien, en arrêtant la
nouvelle nomenclature de nos rues, te-
nir compte, non seulement de l'avenir
mais aussi du passé qui, eu un tel domai-
ne, a des droits imprescriptibles. Il y a
des noms qui sont des paysages. Sau-
vons le pittoresque chaque fois que nous
le pouvons en un temps où il est de par-
tout menace. Sauvons la rue de V Arba-
lète ou de V Homme-Armé, la rue' de la
Chaise, la rue du Chat-qui-Pèche, en
mémoire de leurs vieilles enseignes
sauvons la rue des Francs-Bourgeois,
la rue des Lombards, la rue de las Fer-
ronnerie, la rue des Lavandières, com-
mémorant des corporations ou des com-
merces respectables sauvons la rue du
Petit-Musc, malgré son indécente ori-
gine sauvons la rue de l'Estrapa-
de, bien qu'elle nous rappelle l'o-
dieux supplice infligé aux soldats in-
disciplinés sauvons la rue GU-le-
Cœuv; Sauvons tout ce qui évoque des
aspects, des coutumes ou des âges dis-
parus, et qui peut servir en quelque
sorte à constituer les archives de notre
ville.
Il y a encore' la question des noms
proprés, qui donnera sans doute lieu, à
l'Hôtel de Ville, à mainle discussion
passionnée. Dans ce débat, le plus liti-
gieux de tous, il sera nécessaire d'appor-
ter quelque justice. Ne parle-l-on pas de
créer une rue Planquette, quand on n'a
pas encore songé à accorder cet hon-
neur au parfait petit maître que fut
Charles Lecocq? Et. nous réclamons aussi
la rue Paul-Hervieu, la rue Edmond-
Rostand, la rue Auguste-Rodin, la rue
Henry-Bataille: Paris a le devoir de ne
rien oublier il ne doit laisser perdre
aucun de ses rayons.
Robert de Flers,
de V Académie française.
ECHEC OE LA CONFÉRENCE DE LONDRES
On se sëpafesanss'êteeMs d'accord
M; Poincaré rentre aujourd'hui à paris
kk La France n'a -pas à se dissimuler
qu'elle a. désormais on M. Lloyd
George lin ennemi irréductible. Depuis'
ltuit jours, il ne cesse ou clé nous ten-
dre des pièges ou de nous braver. Il a
fait échouer la Conférence ̃froidement.1
et il y a attire M. Poincaré, ayant décidé •
d'avance- de sc montrer. intransigeant.
Toute la discussion n'a. été qu'un leur-
re. La partie était liée entre lui et l'Al-
lemagne sur la question du moralorimn.
C'est une chose qu'il faut regarder bien
en face.
Comment la haine de notre pays lui
est-elle venue ? Ou- trouvera les, éléments
de cette analyse dans l'intoxication dé-
mocratique de l'homme d'Etat ^radical
qui ne'nous pardonne pas de refuser une
confiance aveugle à la République alle-
mande, et, dans l'énorme erreur qui'1
place le relèvement de l'Allemagne nu
premier plan de la reconstitution éco-
nomique de l'Europe.
Mais l'important pour nous est de sa-
voir comment cette haine se traduira.
Or, il ne nous apparaît guère que M.
Lloyd George qui exerce, pour le mo-
ment, une influence décisive sur la po-
litique anglaise, possède une "iflâi'trHe i.
aussi puissante sur le gentiment natio-
nal. Nous ne pensons donc pas que Je
peuple britannique le suivra dans" son
animosité farouche contre la. France,
qui le fait considérer, au delà du Rhin,
comme l'homme de la revanche.
II est fort probable, par conséquent,
que nos rapports avec nos alliés ne se-
ront altérés un instant qu'à la surface
mouvante de la politique, quelque
acharnement que mette M. Lloyd Geor-
ge à amener un désaccord plus pro-
fond. Un des deux peuples en tout cas
le nôtre n'oubliera jamais la fra-
ternité d'armes, .et nous restons persua-
dés qu'elle est encore yjvante au cœur
de l'Angleterre.
̃ ̃ Lot lac tique de-'M. Lloyd .,Geor$e: est
visiblement d'user M. Poincaré.. ,«t de
provoquer en France la résignation par
lassitude. Vous verrez qu'un de ces
jours quand il croira l'atmosph? °. fa-
vorable, il dévoilera soudain, d'un coup
d'audace, son arrière-pensée et qu'il
nous proposera crûment de renon-
cer aux réparations L'opinion, chez
nous, doit se préparer au plus brutal
revirement de l'homme qui a mis sa si-
gnature au bas du traité de paix, à côté
de celle de la France.
Alfred Capus,
de l'Académie française.
Les efforts de M. Poincaré
pour éviter Ja^ rupture 1;
(DE NOTRE 'ENVOYÉ SPÉCIAL)
LONDRES, li août. (Par télépHone).
Donc, c'est la rupture, bien qu'on se
plaise à dire, d'un côté comme do l'au-
tre, qu'il ne faut voir dans, le résultat né-
gatif des négociations qu'une « différen-
ce profonde » des points de vue des deux
gouvernements.
Même ceux qui ont accoutumé de pré-
senter M. Poincaré comme trop absolu
dans ses idées ne pourront lui reprocher
en cette occasion d'avoir manqué de pa-
tience ou d'esprit de conciliation. Le
chef du gouvernement français pouvait-
il accepter le protocole que lui offrait
M. Lloyd George" •'•̃ :̃'?
« En n'acceptant pas ma suggestion,
vous allez à larupture de i'EnteBte.f«f|jé^
clarait celui-ci la fin de la rtimiorfw
ce malin, à Downing Street. En dépit
de ce procédé de pression, M-. Poincaré
n'a pas fléchi. Après avoir fait remar-
quer à M. Lloyd George qu'il pouvait y
avoir divergence entre les deux gouver-.
nements sur une question, sans qu'il y.
ait pour cela rupture de l'Entente, le
président du Conseil français s'écria'
qu'il accepterait tout tout, sauf lésa-'
crifice des intérêts essentiels de la
France.
« Je veux avant tout, s!expliqua-t-il,
mettre mon pays à l'abri de. la. ruine.
Vous parlez de la rupture de l'Enlente
alors qu'il ne s'agit que d'un différend-
entre gouvernements. Si je revenais à
Paris après avoir signé un accord ..dans
le malentendu, c'est cela qui pourrait
amener la mort, de l'Entente. Le peuple
français pourrait croire qu'on lui oppose
une politique de parti pris, et le chagrin
profond, lu,désillusion cruelle qu'il, en,
ressentirait pourraient provoquer la dé-
saffection entre ces .deux peuples. »
M. Schanzer avait trouvé
une formule acceptable
Jusqu'à la dernière minute, M. Poin-
caré n'a cessé de faire preuve d'une pa-
tience dont ses compatriotes ne sau-
raient trop lui être reconnaissants. Dès
l'énoncé des con Ire-propositions britan-'
niques, il eût pu rompre, tant elles diffé-
raient profondément des propositions
françaises. Toutefois, il accepta de les
faire étudier par les experts. Il espérait
que ceux-ci en mettraient suffisamment
en lumière les faiblesses, etqueM. Lloyd
George serait fatalement, ensuite, dans
l'obligation de se rapprocher du point
de vue français. 11 n'en fut rien. "̃•
Hier, tandis que M. Lloyd Geoi'gé:ëe'
reposait aux Chequers, M. Schanzer est
venu trouver M. Poincaré, qui travaillait,
pour, lui soiim'etire une formule de conci-
liation. Celle-ci lui parut acceptable.
• Puisque. M. Lloyd George se refusait
cnerg.iquemenl a discuter la question des
dettes interalliées, qui, dans l'esprit de
M. Poincaré, est, liée 'étroitement à celle
(les réparations, le ministre italien avait
imaginé de faire renvoyer -le règlement
général a une Conférence qui se tien-
drait en novembre. A ce moment, la. dis-
cussion pourrait s'engager utilement,
puisque M. Lloyd George a toujours dit
qu'il voulait attendre le retour de sir
Robert Hôrne des Etats-Unis avant d'a-
border cette question. Dans l'intervalle,
aucun îrioraloriuni laslatw quo serait
maintëmt.
La'sagesse de cette proposition sédui-
sit M. Poincaré, qui s'y rallia aussitôt.
'̃M. Schanzer, croyant donc. tenir la for-
mule d(:cisive, s'en vint, tout courant,
aux Chequers, trouver M. Lloyd George
avec la conviction qu'il obtiendrait fa-
cilement son adhésion. Mais il rencon-
tra, lui-même la même opposition que
M. Poincaré avait rencontrée aux propo-
sitions françaises.
Toujours les mêmes procédés
• de M. Lloyd George
.L'idée, pourtant, avait frappé M.
Lloyd George. Ce matin, il revint sur
cette suggestion, mais comme toujours
il en avait retourné les données. Il main'
tenait la nouvelle Conférence pour no-
vembre, mais avec un moratorium. im-
médiat et sans gages. M. Poincaré eut
beau lui faire remarquer, qu'il y avait
actuellement dans les caisses de la
Reichsbank un milliard de marks-or, et
qu'en exigeant le paiement des deux ou
trois prochaines échéances, soit. cent ou
cent cinquante millions de marks-or, ce-
la i,i(3; pourrait pas appauvrir le Reich,
dans;l'élat actuel de son crédit, M. Lloyd
George ne voulut rien entendre. M.
Poincaré eut beau démontrer, slatisli-
ques en main, que l'Allemagne poursui-
YjcijU.- Ja,, seule, politique.. financière ..qui
rendit- sa »failNte*
ment de son mark, par l'émission, cha-
que mois, de dix, onze ou douze mil-
liards' de marks-papier, rien n'y fit.
̃ -'M;. Poincaré alla encore l,lus loin il
'dértW/ntra que la carence des paiements
de l'Allemagne n'affectait que ses obliga-
tion'sde réparations et qu'elle n'a pas de:
'dette extérieure. Quant à son crédit, elle
a la conviction, qu'ilsera un-jour ou l'au-
tre rétabli, grâce à un emprunt qu'on lui
accordera. ,.̃.̃"
Les preuves surabondantes x
de la mauvaise foi de Berlin
l], Depuis l'état de paiement de mars
1921, l'Allemagne n'a pas cessé. de ven-
dre ses marks. 11 y a huit mois, le gou-
vernement de Berlin a offert a la Tchéco-
'Sloyaquie de .lui prêter quatre milliards
.de marks-papier.
L'opération n'aboutit pas, mais un i-
q.uement parce que M. Benès refusa de
s'y associer. Des banques -allemandes en
j'el.ations étroites avec la Reichsbank ont
,ëté installées en Roumanie, et en Dane-
mark dans le seul but de vendre du
mark., Chaque jour, le gouvernement du
Reicli jette sur le marché d'Amsterdam
Ses devises par monceaux
[' ,Tout.,cela, Mr Poincaré l'a établi sans
conteste possible. M. Lloyd George l'a
écouté, mais n'en a pas semblé ému le
moins du monde.
Devant une volonté aussi- manifeste de1
ne pas payer, M. Poincaré pouvait-il ac-
corder à l'Allemagne une faveur car
un moratorium est une faveur sans
obtenir en échange des gages sérieux ?
K'I. Lloyd George voulait se contenter,
lui, de garanties, et encore de garanties
•qui ne seraient prises qu'en cas de nou-
veau manquement constaté. A qui devait
être confié le constat de ces nouveaux
.manquements ?rÀ'la' Commission des ré-
parations-?. Mais-la. Commission des ré-
parations a-t-elle constaté les manque-
ments antérieurs ? Et quelles sanctions
:a-t-elle demandées ?' M. Poincaré, en ac-
cordant un moraioriuhvdans les condi-
tions qu'il voulait lui imposer, n'eût
fait rien dé moins que d'accorder une
amnistie à i'Alleinagne pour tous ses
manquements déjà connus, et d'encou-
rager ce pays, se croyant assuré de la
nransïùétude de l'hôtel Asloria, à en com-
mettre de nouveaux.
JJne incroyable proposition
de M. Lloyd George
M. Lloyd George, qui a beaucoup d'i-
magination, avai.t aussi proposé à M.
Poincaré de soumettre le différend né de
i'interprétation de l'article 248 à l'àrbi-
'trey5e.de la Société des nations. M. Poin-
capé avait cru tout d'abord à de l'hu-
moiirg.- et il s'était contenté de sourire.
Mais ayant vu, à son grand étonnement,
que Downing Street avait communiqué
à la presse une note à ce sujet, il y est
revenu ce malin. Confier à la Société des
nations un arbitrage pour l'interpréta-
tion du Traité de Versailles, ce serait
d'abord demander aux neutres de sta-
tuer sur une question qui ne les regarde
en rien. Ce serait aussi, dans un avenir
plus ou moins rapproché, permettre à
l'Allemagne elle-même de donner son
avis, puisque l'Angleterre estime que
l'Allemagne doit être admise à siéger à
Genève.
Mais la difficulté la plus insurmonta-
ble est celle créée par le dernier discours
prononcé par M. Lloyd George aux Com-
mimes quelques jours avant la. Confé-
rence, et dans lequel il déclarait à. la fa-
ce du monde qu'il, fallait accorder à l'Al-
lemagne un délai sans garantie. M.
Lloyd George s'est cru évidemment lié,
par ses' .propres 'déclarations. Il n'est
donc pas. revenu sur sa propre thèse.
Les Chambres françaises
vont-elles être convoquées ?
M. Poincaré part, demain pour Paris,
par le train de onze heures. Le Conseil
des ministres est convoqué pour miercre-
di matin. Quelles décisions prendra-t-il ?
Celle de convoquer immédiatement
les Chambres Cela est 1res vraisembla-
ble. Celle de donner sans délai le préa-
vis d'un an, renouvelable dans six
mois, aux termes du traité, notifiant
l'intention de la France de se retirer de
la Commission des réparations ? Cela
n'est, pas impossible non plus?. Mais il
faut attendre et, ne pas prendre au pied
de la lettre les conversations autori-
sées ou pas dont les échos nous par-
viennent de tous côtés.
L'échéance du 15 août
reste donc en suspens
ut-
Les délégués a la Commission se sont
réunis hier matin, à 11 heures, à l'hôtel
Astoria.
Ils ont décidé, à l'unanimité, d'ajour-
ner leur réponseau gouvernement alle-
mand, d'en informer celui-ci et, en al-
tendant la décision à 'intervenir ultérieu-
rement, de suspendre le versement de
50 millions de niarks-or en espèces qui
aurait dû être effectué par l'Allemagne à
l'échéance du 15 août.
Voici le texte de la lettre adressée par
la Commission des réparations à la
Kriegslasteu Kommission, à Berlin
Contrairement à l'espoir manifesté dans
•ia lettre du 13 juillet, ta commlission, n'est)
pas à même de vous (aire connaître avant le
15 août sa décision sur votre tnémorandum.
du 12 juillet.
Elte vous ta fera connaître incessamment
et vous fixera en même temps sur lai ques*
tivn de l' échéance du 15 août, qui restent
en suspens jusqu'à celte décision.
i Dubois, John Bradbury.
Que fera par la suite
la Commission des réparations ?
Londres, 14 août. Un Conseil des
ministres se réunira 'mercredi matin à
Paris pour examiner la situation créée
par le résultat négatif des délibérations
de "Londres, les gouvernements alliés
n'ayant pu aboutir à un accord sur les
instructions à donner à leurs représen-
tants à la Commission des réparations
.pour répondre à la demande allemande
de moratorium.
M. Poincaré renouvellera à M. Louis
Dubois l'instruction de s'opposer à l'oc-
troi d'un moratorium. Il n'est pas im-
possible que le gouvernement belge
donne à son délégué des instructions
semblables. Dans ces conditions, on
aboutirait, si les délégués anglais et ita-
lien continuaient, à se montrer favora-
ibles à cette mesure, à une division égale
des voix au sein de la Commission.
On fait remaiiquer à cet égard que,
depuis que le délégué américain ne suit,
plus oflicmllemenl les travaux de la
Commission, l'usage s'est établi de 'con-
la vois du président comme pré-
pondérante. Cette circonstance ferait
que la voix de M. Louis Dubois, qui cu-
mule avec ses fonctions de délégué fran-
çais, celles de président de la Commis-
sion, amènerait une décision en faveur
du maintien des paiements allemands
prévus par la décision du 13 ihars der-
nier.
Au contraire, le gouvernement, fran-
çais aurait, sans doute, il envisager les
̃mesures qu'il croirait nécessaires si le
moratorium était accordé au Reich con-
tre son gré.
M- Poincaré n'est lié sur ce -point par
aucune décision de la Conférence, et le
gouvernement français garde une en-
tière liberté d'action. Le président du
Conseil s'est refusé d'ailleurs à faire. au-
cune déclaration au sujet de l'action
qu'il se réserve de .prendre dans ce cas
avant, d'avoir rendu compte à ses. col-
lègues de la situation.
.Même au cas où la voix du président
le serait pas prépondérante, le vote
identique des délégués belges et fran-
çais. à la Commission des réparations,
aboutirait au rejet de droit du morato-
rium si les deux autres représentants
s'y montraient favorables, la majorité
nécessaire n'étant pas -réunie et l'éga-
lité des voix profitant, au maintien du
statu quo.
La mission de M. Bergmann
à Londres
Berlin, 14 août. La Gcrmania dit
que le voyage de .M. Bergmann à Lon-
dres n'a pas lieu en raison de la confé-
rerîce M. Bergmann veut, avant que
le comité des banquiers se réunisse à
nouveau, exposer encore une fois en dé-
tail, aux financiers anglais, la, situation
de l'Allemagne.i;.r>
Les payements de compensation
̃ Chaque puissance.
reprend sa liberté d'action
Londres, 14 août, Au cours de la
réunion des ministres alliés convoquée
à- Downing Street, à. 5 heures, par M.
Lloyd George, on a ratifié l'accord pro-
pose parles experts, pour que l'échéan-
ce dé deux millions de livres sterling,
dus par l'Allemagne, au 15 août, pour
les offices de compensations, fût réglée,
ainsi que l'a réclamé M. Poincaré, en
prenant même des gages dès le 15 août.
Pour l'avenir, chaque puissance re-
prendra sa liberté d'action.
{Voir la suite en Dernière Heure.)
ÉCHOS _'1
La-pluie, i. •} ̃ r'
Elle né réjouit personne, si ce n'est
les agriculteurs. Encore savons-nous
qu'elle survient toujours à contretemps.
Mais celle dont le ciel nous gratifie
ces jours-ci paraît particulièrement mal-
venue, car elle prive les milliers de Pa-
risiens qui ont profilé du pont pour
s'en aller villégiaturer en de lointaines
banlieues, d'une satisfaction bien légi-
time et sur laquelle ils comptaient le
beau temps.
Il n'y a qu'une catégorie de Parisiens
qui considèrent avec philosophie ce ciel
décevant, ce sont ceux qui comptent
prendre leurs vacances en septembre et
qui ont encore l'espoir pour eux.
Petit problème.
Les admirateurs de Renan auront à
fêter le centenaire de sa naissance au
début de l'année prochaine.
Mais ne conviendrait-il pas, aupara-
vant, de se mettre d'accord sur la, date
exacte de la naissance do l'illustre. écri-
vain ? `?
A Tréguier, ville natale de l'auteur de
la Vie de Jésus, le monument, de Jean
Boucher,- inauguré en septembre 1903,;
porte l'inscription
ERNEST RENAN
né le 27 février 1823
Et la maison où est né Renan mai-
son actuellement occupée par une bou-
langerie porte une plaque commé-
morative donnant comme date de sa
naissance le 28 février 1823.
D'autre part, la, plupart des diction-
naires, Grande Encyclopédie, Grand La-
rousse, Dictionnaire Universel des Con-
temporains, etc., indiquent te 27 février.
Ainsi deux dates 27 et 28 février
1823.
Quelle est la bonne, quelle est la. mau-
vaise ? 7
Ne serait-il pas piquant que ce fût sur
la maison même où est. né Renan que
se trouve la fausse date de sa 'nais-
sauce °
--a..
Au secours Charles-Quint. ̃̃•:
Dans son monastère de San Yùste,
l'empereur Charles-Quint passait ses loi-
sirs à vouloir régler les horloges. On au-
rait bien besoin de lui sur la ligne de Pa-
ris a Limours, où les pendules marquent
des heures fantaisistes.
Ainsi, à la station de Lozère, lorsque
l'horloge marque 7 h. 40, il est 7 h, 4-i à
Palaiseau, 7 h. 42 à Massy-Palai,seau,,
7 h. 40 à Antony, 7 h. 41 à Bourg-la-
Reine, 7 h. 35 à Paris-Luxembourg.
Quelle heure est la. bonne ? Faut-il
régler deux fois sa montre, à l'aller et
au retour, ou bien en avoir deux, comme
les navires, pour marquer l'heure du
méridien de Paris et celle du lieu '1
Charles-Quint, seul, pourrait le dire.
Wells candidat.
La chose, dit-on, est décidée, irrévo-
cablement l'auteur de ta Guerre des
mondes va être candidat du parti tra-
vailliste aux prochaine élections et il es-
père bien être élu.
Un seul point, noir assombrit la joie
anticipée de Wells il parait qu'il ne
possède aucun don oratoire. 1
Que le célèbre romancier anglais
apaise ses angoisses. II ne sera .pas le
premier dans ce cas.
On a. connu bien d'autres députés
silencieux et, toute réflexion faite, ce
ne sont peut-être pas les moins utiles
à la cause qu'ils défendent.
Le Masoue de Fer.
UN GRAND JOURNALISTE
Lord Northcliffe
Alfred-Charles-William Harmwbrth,
vicomte Northcliffe, né le 15 juillet
1865, à Chapelizatl, village des environs
de Dublin, est mort hier, 14 août 1922, à
Londres. Il avait débuté dans le. journa-
lisme comme petit rédacteur sport.if,
mais par son énergie, son intelligence,
son esprit d'entreprise, son don du com-
mandement et son magnifique caractè-
re, il était, devenu non seulement le plus
grand propriétaire de journaux de l'An-
gleterre, mais encore .le plus grand jour-
naliste du monde.
II avait été fait baron of the Isle bf
Thonet, puis, en 1905, lord Northcliffe.
Par son courage et la haute dignité
de sa carrière, il a honoré et élevé la
profession de journaliste. Par son sens
politique et sa claire vision des réalités,
il a, plus que nul autre, engagé l'Em-
pire anglais à mettre la totalité de ses
ressources au service de cette guerre
dans laquelle l'Angleterre défendait à
la fois, comme nous, son' existence et
les libertés occidentales.
Depuis la guerre, il a défendu l'al-
liance franco-anglaise parce que cette al-
liance lui paraissait aussi nécessaire à
l'Empire anglais qu'à la paix de l'Eu-
rope.
Son frère, lord Rothermere,, la rédac-
tion du Times, du Daily Mail et des au-
tres publications de lord Northcliffe
comprendront la qualité du regret
éprouvé par la presse française en
voyant disparaître cette haute figure.
**»
Alfred Harmworth fit ses débuts dans
la presse à quinze ans comme petit re-
porter sportif. A vingt-trois ans, il fon-
dait. les Answers, qui imitaient le TU
Bits mais il y introduisait cette nou-
veauté que, multipliant questions et ré-
ponses sur des sujets divers, la rédaction
se trouvait en partie faite par les 'lec-
teurs. Il fonda peu après les Cornie Cuts.
On prétend que, à vingt-cinq ans, il
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