Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1920-09-21
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 septembre 1920 21 septembre 1920
Description : 1920/09/21 (Numéro 264). 1920/09/21 (Numéro 264).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
68»"e Année 3»"e Sér*> N° 264
Le Numéro quotidien VINGT CENTIMES PARTOUT]
Mardi 21 Septembre 1920
Gaston CALMETTE
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v de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.)
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de France et d'Algérie
Deux Révolutions
Elle est en marche î Oui, elle est à
nos portes! s'écria prophétiquement t
mon compagnon, en frappant la table
.du café d'un coup si sonore qu'il fit
trembler nos verres.
Le garçon accourut.
Monsieur désire?
Ce qu'il désirait? La Révolution, par-
bleu Et cela se concevait sans peine.
Son lorgnon à monture un peu rouillée,
son linge médiocre, ses vêtements aux
plis cartonneux, ses ongles négligem-
ment entretenus, s.on maigre torse et sa
•ligure hâve, dénonçaient l'homme famé-
lique pour qui les repas copieux; le luxe
et les plaisirs suffisent à composer un
idéal.
Le garçon de café, s'il avait été mandé
par la friction d'une lampe merveil-
leusé, aurait peut-être été capable de
contenter ces grands espoirs. Mais, dans
l'espèce, il ne put que recueillir la
commande de mon compagnon qui,
confiant en mes ressources, désigna
nos verre» vides.
Renouvelez.
En attendant qu'un second apéritif
vînt .contribuer à tromper sa faim, il
m'entretint de la société telle qu'il la
concevait. Ses paroles ébauchèrent une
sorte de fresque à la façon de Zola, où
des moissonneurs conscients, s'avan-
çaient, la main dans la main, vers un
paradis chromolithographique de bon-
heur, et de fraternité. Il était un peu
bolcheviste, l'illuminé que j'avais suivi
à contre-cœur jusqu'en cet estaminet.
Il l'était dans la mesure où ce mot nou-
veau exprime l'éternelle protestation
contre l'injustice humaine et l'antique
̃convoitise du bien d'autrui.
Je l'approuvais par des hochements
de tête. Pourquoi contredire les extré-
mistes? Ce sont.les modérés de demain.
Une idée nouvelle n'est alarmante que
parce qu'elle est nouvelle. Les réformes
.ont toujours, en leur jeunesse, des allu-
res d'enfants terribles. Et puis le temps,
tout doucement, repousse vers le centre
"les réformistes enflammés. Un peu de
dorure suffit pour que le rouge de leurs
opinions devienne semblable à la pour-
pre des tribunes officielles.
J'écoutais donc mon révolutionnaire.
Où, plus exactement, je ne l'écoutais pas.
Si, dans la plupart des conversations.
les interlocuteurs; à tour de rôle, obser-
vent le silence; ce n'est jamais poursui-
;vre l'argumentation qu'on leur oppose,
C'est pour attendre que le contradicteur
sesoit^u, et reprendre aussitôt le dis-
cours.
Pourtant j'avais la tentation de lui
<1 ire
La Révolution, mon ami?. Mais
plie est faite, la Révolution
**#
C'est la vérité. La Révolution est faite.
;Ou du moins une Révolution est faite.
;.< Une Révolution s'atteste moins par un
.'changement dans le gouvernement, ce
̃qui est une question de pure forme, que
par l'avènement d'une couche sociale
nouvelle, et son accession au bien-être.
Mil sept cent quatre-vingt-treize mar-
que la montée au pouvoir du tiers-état
et l'abaissement des aristocrates. De
mil neuf cent dix-huit datent l'enrichis-
sement de toute une classe de mar-
chands et d'industriels, et aussi la fail-
lite des rentiers modestes et des oisifs.
Dans l'équilibre d'une société, cela
compte.
Constater rêveusement cette transfor-
ination, me demander quelles en seront
les conséquences, chercher comment
agir selon les obligations, qu'elle vient
de créer, c'est à quoi je m'employais,
tandis que mon compagnon, après avoir
sucé ses moustaches imprégnées de
boisson, me montrait, de son doigt
jauni par la cigarette, une aurore ima-
'ginaire.
:#
Y a-t-il lieu de déplorer l'apothéose
des Nouveaux-Riches ? Je ne le crois
pas.
Sans doute, ils ont les lourdeurs de
Monsieur Jourdain, en même temps que
sesambitions naïves. Mal initiés aux tra-
ditions de l'élégance, ils sont de déplo-
rables « bourgeois au sens où l'enten-
daient si j'ose cette association
Gustave Flaubert et les héros de la Vie
de bohème.
Mais combien de temps cela va-t-il
durer? vingt ou trente ans, peut-être.
Qu'est-ce que cela, dans l'évolution d'un
peuple ?
Ce sont leurs enfants qui importent.
Grâce à ceux-ci, les Nouveaux-Riches
offrent le plus sûr garant de nos pro-
grès dans le domaine de la délicatesse,
de l'art et de la pensée.
Sans cette guerre que seraient-ils de-
venus, ces enfants? De petits employés,
d'humbles commis. Voici qu'ils vont re-
cevoir, au contraire, une éducation très
complète. Ils suivront les leçons des
meilleurs professeurs, ils ne seront plus
arrêtés par des préoccupations maté-
rielles, ils étudieront à loisir les chefs-
d'œuvre et s'en inspireront. Ils devien-
dront des artistes, non pas issus d'une
souche fatiguée mais voici l'impor-
tant vivifiés par une sève nouvelle.
Grâce aux enfants des Nouveaux-Riches,
il se pourrait que, dans vingt ou trente
ans d'ici, nous eussions la plus magni-
fique génération d'écrivains, de peintres,
d'orateurs, d'hommes de goût que la
France ait jamais connue.
Par contre, que vont faire de leurs
enfants les rentiers, les retraités, tous
ceux qui, avant la guerre, vivaient dé-
cemment avec huit ou dix mille francs
de rente? Désormais, cette somme ne
représente plus qu'un salaire de garçon
boulanger: Ils s'ingénient à réduire leurs
.dépenses, ils rognent ici et là. Vains
etTorts. Malgré leur bonne volonté, mal-
gré leur esprit de sacrifice, ils ne pour-
ront pas faire de leurs garçons les avo-
cats ou les fonctionnaires qu'ils rêvaient.
Ils seront obig's de leur donner un
métier rémunérateur. Ces adolescents
quelque humiliation que cela vaille à
la famille deviendront des ouvriers.
Est-ce déplorable ? point du tout.
La France va connaître enfin ce que
l'Angleterre et l'Amérique possédaient
avant elle, je veux dire l'artisan aux
mains propres, au faux-col soigné, et
qui, Iorsqu il a quitté son bourgeron de
travail, redevient un « monsieur ».
Mais cet ouvrier futur, comment dès
aujourd'hui l'éduquer professionnelle-
ment? C'est ici qu'une grave question
se pose. Elle n'est pas commode ù ré-
soudre.
Prenons ce cas typique un modeste
rentier d'avant-guerre a un fils de douze,
ans, élevé jusqu:ici dans une pen-
sion « très bien », mais coûteuse. Il im-
porte de le préparer à la vie pratique,
et l'état du budget comporte d'urgence
.une solution. A quelle école s'adresser?
où l'interner? Car naturellement la crise
des loyers a imposé. un déménageme-nt
et le choix d'un appartement réduit:.
.Le père se renseigne. Le ministère de
l'instruction publique lui apprend ceci
rien n'existe à Paris qui correspond à
cette nécessité actuelle. Peut-être pour-
rait-il songer à l'école primaire supé-
rieure de Nemours ou .à celle de Ram-
bouillet ? Le père écrit. On lui répond
que l'école de Rambouillet est comble;
le pensionnaire devrait fournir son lit.
L'école de Nemours est pleine. D'ail-
leurs, un élève n'y pourrait être admis
que s'il était nanti de son certificat
d'études primaires. Or, la pension « très
bien » négligeait ce diplôme-là.
Voilà notre pauvre petit rentier dans
un grand embarras. Combien d'autres
partagent aujourd'hui, et partageront
demain, ce trouble, qui de jour en jour
deviendra de l'angoisse
Y pensons-nous assez ? Des projets
sont-ils à l'étude ? quelle publicité leur
donnera-t-on? Car créer des établisse-
ments n'est pas tout.' 11 faut qu'on sache
leur existence.
*n ̃̃:
Mc4i regrettable compagnon discou-
rait toujours. J'eus un moment la.tenta-
tion de lui expliquer que deux Révolu-
tions l'une par-dessus l'autre, ce serait
beaucoup, pour un pauvre pays déjà
bien éprouve' Mais je- renonçai à le
rendre raisonnable.
D'autant plus qu'il employait, en flé-
trissant l'état social actuel, des termes
si démesurés que, par esprit de contra-
diction, je me pris soudain d'une sorte
de sympathie à l'égard des hommes:et
des choses d'aujourd'hui.
Mais je reconnais que, pour parvenir
à une si surprenante indulgence, il
avait fallu ces circonstances exception-
nelles ̃̃̃•̃
Paul Reboux.
AU JOUR LE JOUR
Œuvres à fonder
Longchamp a fait sa réouverture, et Paris
est en ce moment plein de provinciaux.
On se moque volontiers des provinciaux.
Ce n'est pas juste.
Le provincial a tendance à appeler, aux
courses, les chevaux parla couleur dominante
des casaques de leurs jockeys. Il dit
Le rouge. le marron. le petit vert.
Il est un peu effaré, au milieu du pesage, un
peu perdu, cherchant pourquoi des messieurs
en chapeaux haut de forme sont réunis au
milieu d'une « enceinte réservée et un peu
bousculé, à la sortie, dans le tohu-bohu des
voitures, les cris des pisteurs, des chauffeurs
et des camelots.
Le vrai Parisien, lui, son chapeau sur les
yeux pour éviter le'soleil, une vieille lorgnette
en bandoulière, mais guêtre irréprochable-
ment, serre des mains à droite et à gauche,
marque des papiers de signes cabalistiques,
échange des dialogues mystérieux.
On va plonger sur Battersca. Dans ces
conditions-là, je le laisse tranquille. Combien
avez-vous eu sur Embry ? Eh bien, je ne l'au-
rais pas cru Vous avez vu ? Mime est en-
core rentré claqué. Jamais ce cheval-là n'a
pu faire 2,600 mètres.
Il change de sujets avec une facilité dé-
concertante. Aussitôt après l'arrivée, alors
que le provincial est encore ému de la victoire
du « vert », il émet des pronostics sur une
valeur caoutchoutière, il raconte en riant, à
demi-voix, pourquoi la petite X. a été en-
gagée pour telle pièce.
Iln'est,jamais fatigué.
Mais il est quelquefois un peu fatigant.
Ne pourrait-on donc, pensais-je l'airtre
jour, fonder deux œuvres utiles ? 2
L'une serait V Envoi des Parisiens à la cam-
pagne. Elle choisirait ses victimes, ou ses bé-
néficiaires, parmi les Parisiens trop habituels,
monotones, inévitables, ceux qu'on a trop
vus on les enverrait s'occuper d'une culture
de potirons, dans la Haute-Saône.
Eux qui savent tout, c'est extraordinaire
pour la première fois de leur vie qu'ils reste-
raient plus de quinze jours hors de Paris
ce qu'ils apprendraient de choses!
S'ils n'aiment pas la culture des,potirons,
on les nommerait sous-préfets, receveurs des
contributions, que sais-je ?
L'autre œuvre serait l'Acclimatation des
provinciaux à Paris. Je n'insiste pas sur ce
sujet, toutrevuiste verra ce qu'on pourrait en
tirer.
On pourrait même échanger les sujets,
comme les enfants des écolesjadîs.
Ainsi les Français redeviendraient égaux;
certaines différences entre eux disparaîtraient.
Mais, au fait, est-ce bien nécessaire ? N'y a-
t-il pas eh province quelques bons esprits qui'
sont oresQuç aussi rosses qu'à Paris ? N'y a-
t-il pas à Paris de vieux provinciaux aussi ac-
coutumés à leur quartier, à. leurs rues, à leur,
marchand de journaux, que ces chats dépei-
gnés qui sont nés aux Gobelins, vivent aux
Gobelins, et pour -qui le Jardin de^. Plantes
est aussi dépourvu de réalité que le Dafeo-
mey ? •
Hervé Lauwick.
ÉCHOS
En somme, nous aurons, jeudi, cinq
présidents de la République.
Quatre sont immortels, au sens aca-
démique M. Poincaré, M. Deschanel,
tous~deux membres de l'Académie fran-
çaise; M.Alexandre Millerand, membre
de l'Académie des sciences morales et
politiques; enfin M. Emile Loubet,
membre de l'Académie d'agriculture.
Il n'y a que M. Armand Fallières qui
ne soit plus rien, pas même académi-
cien.
M. Fallières fait des vers et cultive ses
vignes à Loupillon.
Candide dirait qu'il est le plus sage
des cinq..
Dans un petit restaurant du quartier
de- Vaugirard, tous, les.midis, tous les
soirs, arrive, bien simplement, un
convive. C'est un grand et gros jeune
homme assez silencieux. Il prend son
repas en lisant un journal de couleur-
ce qui implique, on le sait, la spécialité
sportive. Puis, si la journée n'est ache-
vée qu'à moitié, le déjeuneur retourne
à l'usine voisine. Si le travail est remis
au lendemain, c'est dans une modeste
petite chambre toute proche que notre
homme remonte
Jusqu'à, ces dernières semaines, nul
ne prenait attention à cet ouvrier la-
borieux et rangé; A présent, on com-
mence à le remarquer. Au passage, on
se dit
C'est Cadinc.
Et si quelqu'un semble interroger du
regard
L'homme le plus fort du monde.
Et c'est vrai. Cadine, à Anvers, eut
raison de tous les athlètes qui lui furent
opposes.
« La frontière mal gardée ».
Prenez, pour vous rendre à Bruxelles,
la grande ligne et le rapide une visite
minutieuse vous sera passée à la fron-
tière, à Quévy, et votre passeport exigé.,
Rentrez' e¥ 'France, 1- evenatit-iie Bel-!
gique, par la ligne Ypres-Hazebrouck ou
F.Qrncs-Dunkerque, une visite vous sera.
passée rapidement, pour la forme, et
aucun papier demandé. '"•'
Dans un article récent, notre collabo-
rateur Hervé Lauwick parlait des nu-
méros d'automobiles, adoptés comme
éléments d'une psychologie des voyages.
On y relevait les lettres B, M, et enfin
les lettres qui distinguent les voitures
de Paris E, G, I, U, X..v
Comment retenir ces indications, d'ap-
parence rébarbative? Voici un moyen
mnémotechnique qui est peu connu.
Réunissez les. lettres ci-dessus, vous
verrez qu'elles forment le mot
'exigu ;v' v; .]
Pourquoi « exigu », pour la région la
plus vaste de France Mystères de
l'Administration
Le Masque de Fer.
Les mineurs britannips
refusent toift arMtrp
4\(~ ,o¡.ïI '4"
x\près 'toute- une journée de conféren-
ces entre le comité exécutif des mineurs,
et sir Robert llorne, président du Board
of Tradc, celui-ci s'est efforcé de per-
suader les mineurs, d'accepter un arbi-
trage. Il montré les dangers d'une
grève, la répercussion du manque de
charbon sur le travail national entier,
la nécessite d'éviter'une telle catastro-
phe. '-̃
Tout fut vain.
Les mineurs ont persisté dans leur
refus déclarant que le gouvernement
était en possession de tous les faits et
par conséquent en mesure de décider
lui-même.
Ils ont conclu qu'à moins qu'il fùt fait
droit à leurs demandes sur la question
des salaires, il leur était impossible de
proposer demain à la Conférence des
délégués des mineurs la continuation du
travail.
La décision appartient donc, désor-
mais, à la Conférence des délégués des,
mineurs.
TROTSKY EST PESSIMISTE
Helsingfors, 20 septembre.
UEkonomitcheskaïa Jizn publie un
discours de Trotsfcy, caractérisant de la
manière suivante la situation de la Rus-
sie soviétique
Notre situation est extraordinairement
difficile pour ne pas dire désespérée. La
courbe de notre développement économique
loin de s'élever, montre une tendance dé-
croissante qui s'accentue journellement. Cela
est surtout sensible dans les transports. Le
matériel roulant, principalement l'es locomo-
tives, s'anéantit systématiquement. Nous ne
fabriquons plus de locomotives, toutes nos
réparations ne seront jamais que des répara-
tions.
Les conditions de transport empire de jour
en jour, en dépit de quelques améliorations
extérieures. Nous lie pouvons plus espérer
recevoir des locomotives de l'Europe, les
pays européens ôtaht.'eux-inêmes épuisés. Il
faut dire aux masses ouvrières que nous de-
vons encore traverser deux ou trois années
difficiles et faire d'énormes sacrifices.
LA CRISE PRÉSIDENTIELLE
Acceptation
de M. Millerand
Une seule condition Le Président
de la République sera l'homme
d'une politique suivie. 11
DECLARATION
M. Millerand, président du Conseil,
accepte de laisser poser sa candidature
à la présidence de la République.
La déclaration suivante de M. Mille-
rand, qui donne à cette nouvelle un
caractère officiel, nous a été commu-
niquée hier à sept heures, au quai
d'Orsay
J'ai défini, dans mon discours du 7
novembre -1919, la politique de progrès
social, d'ordre, de travail et d'union qui
se caractérise à l'extérieur par l'appli-
cation intégrale du traité de Versailles
et la défense des principes sur lesquels
il repose d'accord avec nos alliés à
l'intérieur par le maintien des lois or-
ganiques de la République la restaura-
tion et le développement de toutes nos
forces économiques, la décentralisation
et, le moment venu, l'amélioration, que
V 'expérience a montrée nécessaire de
nos lois co7istitutionnelles.
Depuis huit mois, soutenu par la con-
fiance du Parlement, j'ai défendu et
appliqué, d'une manière méthodique et
suicie, cette. politique.
Je pense, et j'en ai donné les raisons,
que je ne puis la* servir nulle part aussi
utilement qu'a la présidence du Conseil.
SI, NÉANMOINS, LA MAJORITÉ DES DEUX
CHAMBRES ESTIME PRÉFÉRABLE MA PRÉ-
SENCE A L'ÉLYSÉE, POUR MAINTENIR ET
POURSUIVRE CETTE POLITIQUE NATIONALE
SI ELLE PENSE COMME MOI QUE LE PRÉ-
SIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, S'IL NE DOIT
JAMAIS ÊTRE L'ilOMME D'UN PARTI, PEUT ET
DOIT ÊTRE L'HOMME D'UNE POLITIQUE SUI-
VIE ET Âp'PLIQUBij'EN ÉTROITE COLLABORA-
TION AVEC SES MINISTRES, JE NE ME DÉRO-
BERAI PAS A L'APPEL DE LA REPRÉSENTA-
TION NATIONALE.
> #*# ̃̃ •
La décision de M. Millerand, qui était
escomptée depuis deux jours déjà, ne
faisait plus de doute hier dans les cou-
loirs de la Chambre.
Cette acceptation définitive du prési-
dent du Conseil aura pour effet de sim-
plitier la situatio.n politique.
M. Millerand n'a pu, dans son patrio-
tisme éclairé, que céder aux instances
dont il était l'objet. Le Parlement, l'opi-
nion pubique tout entière, par l'organe
de la presse, lui avaient indiqué son de-
voir il ne pouvait s'y dérober.
Mais dans la déclaration qu'on vient
de lire.et qui conditionne, en quelque
sorte son acceptation, M. Millerand af-
firme que s'il peut être, demain comme
hier, l'homme de la nation, il entend
être aussi l'homme de la politique qu'il
a si souvent définie et qu'à maintes re-
prises le Parlement a approuvée.
C'est là l'originalité, je dirai plus, la
personnalité de cette candidature.
Jamais jusqu'à ce jour un candidat à
la magistrature suprême du pays n'avait
osé proclamer avec ;tte hardiesse qu'il
saurait être non seulement l'arbitre des
partis, mais qu'il saurait aussi deman-
der aux ministres responsables d'appli-
quer au gouvernement, les lignes géné-
rales d'une politique déterminée.
En votant pour M. Millerand les
membres de la représentation nationale
sauront ce qu'ils font, où ils vont et
quelle orientation ils impriment pour de
longues années à la politique de la
France.
La journée de M. Millerand
Dans la matinée, entre dix heures et
midi, M. Millerand avaitreçu, au minis-
tère des affaires étrangères, dans l'ordre
suivant, les députés dont voici les
noms
MM. Chabrun (Mayenne), Boissard
(Côte-d'Or), Bellet (Haute-Garonne),
Persil (Loir-et-Cher), Colrat (Seine-et-
Oise) puis MM. Briand et Barthou.
Ces parlementaires ont tous insisté
auprès de M. Miderand pour qu'il
consentît à poser sa candidature :à la
présidence de la République.
A des journalistes qui l'interrogeaient
à sa sortie du ministère, M. Briand ré-
pondit
Je ne puis vous faire aucune dé-
claration, mais je vous permets de dire
gue/aj la satisfaite.
"C'était une indication sérieuse, car on
savait que M:. Briand s'était tout particu-
lièrement employé à vaincre la résis-
tance du président du Conseil.
Et en effet, à la suite de ces visites, et
des démarches pressantes dont il avait
été l'objet ces derniers jours, M. Mille-
rand était revenu sur sa décision anté-
rieure. Dès l'après-midi il se rendit à
Rambouillet, pour annoncer à M. Paul
Deschanel que, cédant aux sollicitations 1
de ses amis, il poserait sa candidature à I
la présidence de la République.
M. Paul Deschanel ayant félicité le
Président du Conseil de la décision qu'il
venait de prendre, lui remit ensuite le
texte du message de sa démission.
Le président du Conseil a fait parve-
nir dans la. soirée ce document aux
présidents du Sénat et de la Chambre
des Députés, qui en donneront -lecture
cet après-midi, à leur assemblée res-
pective.
Après qu'il aura donné communica-
tion du message de démission, M. Raoul
Péret prononcera probablement quel-
ques paroles pour exprimer au Prési-
dent démissionnaire les regrets de la
Chambre et ses vœux pour son réta-
blissement. ̃
M. Millerand s'associera sans doute à
cette manifestation par une courte dé-
claration au nom du gouvernement.
Au Sénat
La journée ne fut pas beaucoup plus
agitée hier au Luxembourg que les jours
précédents. Mais, cependant, le bureau
d'un groupe s'est réuni et il n'en fallut
pas davantage pour donner aux couloirs
du Sénat une apparence d'animation.
M. Doumergue qui, décidément, s'ef-
force de jouer un rôle actif dans la crise
présente, avait convoqué le bureau du
groupe qu'il préside: la Gauche démo-
cratique radicale et socialiste, en priant
les membres du Comité directeur de
s'adjoindre au bureau dont M. Combes
est le président d'honneur.
Ce dernier n'avait pas répondu à la
convocation' non plus, d'ailleurs; que
beaucoup d'autres personnalités de
moindre importance puisque sur vingt-
et-un délégués du groupe, sept prirent
part aux délibérations qui ne compor-
tèrent aucune décision.
Bureau et comité directeur se conten-
tèrent d'envisager les diverses hypo-
thèses, susceptibles de se produire, dé-
clara M. Doumergue aux journalistes,
enquête de renseignements.
Le président de la gauche démocra-
tique du Sénat ignorait 'encore, sans 1
doute, que M. Millerand, cédant aux
instances de ses amis, venait de laisser
poser sa candidature à la présidence de
la République.
il n'est pas douteux qu'en présence de
l'acceptation du président du conseil,
aucune candidature dissidente ne se
produira au Luxembourg.
Ce matin, à dix heures et demie, le
groupe de la gauche démocratique tient
une réunion plénière.
D'autre part, l'Union républicaine, qse
préside M. de Selves, se réunit à dix
heures, et la Gauche républicaine, pré-
sidée par M. Touron, à deux heures.
L'opinion unanime est que la candi-
dature de M. Millerand ralliera une ma-
jorité imposante dans ces diverses réu-
nions préparatoires.
A la Chambre
LA QUESTION MINISTÉRIELLE
Dans les couloirs de la Chambre où,
comme je l'ai dit, l'acceptation de M.
Millerand ne faisait plus aucun doute,
on se préoccupait des répercussions
qu'aurait sur la situation générale 1 élec-
tion du président du Conseil à la prési-
dence de la République. Une crise mi-
nistérielle consécutive à cette élection
est inévitable..
Comment se résoudra-t-elle?
C'est la question que l'on se posait et
à laquelle chacun apportait sa réponse
particulière. Aussi ne devons-nous enre-
gistrer ces conversations que sous les
réserves qu'elles comportent.
On prétendait que M. Millerand, dès
qu'il serait élu ferait appel soit à M.
Raymond Poincaré, soit à M. Aristide
Briand, pour constituer le nouveau ca-
binet. D'aucuns assuraient même que
MM. Poincaré et Briand pourraient
faire p irtic du même cabinet, le pre-
mier, avec la présidence du Conseil et
le ministère des finances, le second,
avec le portefeuille des affaires étran-
gères.
Dans d'autres groupes et les plus
nombreux on résolvait autrement la
question.
La Chambre, disait-on, n'a jamais ma-
nifesté à aucun des ministres en fonc-
tion qu'elle n'approuvait pas sa gestion.
En bloc, elle a à diverses reprises afhrmé
sa confiance dans le gouvernement.
Pourquoi donc alors soulever une crise
étendue qu'on ne pourrait résoudre qu'a-
vec d'extrêmes difficultés, et qui serait
préjudiciable à la marche des affaires
publiques, surtout au moment où l'em-
prunt va être lancé, où de nombreux
projets sur lesquels la Chambre va avoir
à se prononcer, ont été étudiés par les
ministres actuels et pourraient être uti-
lement défendus par eux.
Qu'on limite donc, disait-on, la crise à
la présidence du Conseil, et si cela est
indispensable au point de vue parlemen-
taire-, à quelques portef 'utiles.
Et déjà l'on prononçai les noms du
président du Conseil possible M: Jon-
nart, disaient les uns, M. Georges Ley-
gues disaient les autres. Et en fin de
journée, le nom de M. Georges Leygues
revenait plus fréquemment dans les
conversations.
Cette combinaison, au point de vue de
ceux qui la développaient, avait l'incon-
testable avantage de réduire au mini-
num de temps la durée de la crise poli-
tique et permettrait à la Chambre de
reprendre ses vacances interrompues,
dès samedi ou. du moins, dès mardi au
plus tard.
Je répète que je n'enregistre ici que
des conversations particulières.
A l'heure actuelle, rien n'est fait, rien
n'est décidé et l'on conçoit que rien ne
peut l'être avant la réunion du Congrès
et l'élection de M. Millerand, qui sera,
sans aucun doute, le seul candidat.
Mais 'n'oublions pas que la politique
se fait aussi et surtout dans ics cou-
lisses -et que si derrière la rampe on
travaille pour une crise limitée, c'est
qu'il y a en jeu" d'assez puissants inté-
rêts pour faire prévaloir ce point de
vue.
Nous verronsbien.
En attendant les Chambres, comme
nous l'avons dit, se réunissent aujour-
d hui à trois heures, les srroupesne man-
cmerontrjas d'en faire autant après la
séance et de ces eqncilfabulcs des indi-
cations plus précises sortiront peut-
être.. Il ̃̃
Auguste Avril.
Une carrière, un discours
Il serait prématuré de retracer avant
jeudi, la carrière de l'homme à qui la
majorité des deux Chambres offre la
candidature à la présidence. Répondons
cependant à une question indiscrète que
tout le monde pose: M. Millerand est. n<
en 1859 à Paris. Etrappelons aussi qu'il t
fait ses études à Paris, au lycée Henri IV
et au lycée Michelet; qu'il fut, au débui
de sa carrière au Palais, chroniqu >ui
judiciaire à la Justice, conseiller muni
cipal len 1884, député en 1885, un de-
avocats des grévistes de Decazeville cl
Montceau-les-Mines; il dirigea la Petite
République en 1893, et la Lanterne en
1898. Ministre du commerce du cabinel
Waldeck-Rousseau en 1900, il fifpartie,
en 1913, du cabinet Poincaré et devin;
ministre de la guerre en août 1914, après-
Charleroi, à la veille de la Marne. Pre-
mier commissaire général d'Alsace-Lor-
raine après la Victoire, il a succédé à
M. Clemenceau, le 20 janvier dernier.
Il fut le seul président du Conseil qu'ail
eu à appeler M. Paul Deschanel.
A
Dans le discours auquel fait allusion
la déclaration qu'on a lue plus haut et
qu'il prononça à Ba-Ta-Clan le 7 novem-
bre 1919, M. Millerand exposait ainsi
ses vues sur les rapports des pouvoirs
Partisan impénitent du régime parlemen-
taire, parce qu'en dehors de lui, je n'aper-
çois qu'aventure et que dictature, je dis
.qu'il faut avoir le courage de regarder en
face ses défauts et y porter remède, lors-
qu'il est temps encore.
Quel est le principal ? La garantie essen-
tielle de la liberté, c'est la division des pou-
voirs c'est que chacun d'eux soit indépen-
dant dans le cercle de ses attributions et
n'empiète pas sur celles d'autrui. La tyran-
nie, c'est, par défi iition; la réunion de* tous
les pouvoirs sur une mùine tête, homme ou
assemblée.
II faut le reconnaître: le Parlement, de-
puis longtciT«>js et dès avant la République,
n'a cessé d'usurper sur les attributions et sur
les droits du pouvoir exécutif..Je crois que
-le scrutin d'arrondissement a été une des
raisons pour lesquelles ce mal s'est déve-
loppé. Il y en a eu d'autres. Et le mal s'est
à ce point développé qu'il semble absolu-
ment légitime et normal que, dans son ar-
rondissement, le député soit maître des no-
minations et qu'un poste ne soit pas pourvu
sans qu'aiejt été consultées les convenances
et connus les" candidats du représenUiut du
l'ammciïfcseinent. C'est un système détesta-
ble. La responsabilité du pouvoir exécutif,
qui, en théorie, choisit et nomme, disparaît,
fatalement le jour où, en fait, au lieu de li-
brement choisir, il se borne à entériner les
volontés qu'on lui glisse à l'oreille sous une
menace parfois à peine dissimulée.
Avec ce système, il faut rompre. Com-
ment ? En rendant à chaque pouvoir l'inté-
gralité de ses droits et de ses devoirs.
Le Président de la République est aujour-
d'hui élu par les 900 membres du Parlement.
Le Président de la République n'est pas
constitutionnellement le syndic des parle-
mentaires, mais bien le premier représen-
tant de la France.
Ce représentant, M. Millerand le sera,
jeudi.
Les Méthodes
de M. Giolitti
M. Giolitti n'a pas vieilli. Ses admira-
teurs et il en compte parmi ses ad-
versaires les plus acharnés étaient
anxieux de savoir si cet homme d'Etat
de soixante-dix-huit ans avait pu garder,
après une longue, retraite, sa terrible
souplesse de jadis. Aujourd'hui, ils sont
rassurés jusqu'à l'effroi.
Le premier ministre italien, en face
de l'agitation bolchevique, se surpasse
lui-même. 11 jongle avec les difficultés
au fur et à mesure qu'elles se présentent,
toujours plus nombreuses et plus lour-
des. Le public ne peut plus suivre ses
mouvements dans leur rapidité. Il a
envie de crier au miracle et se demande
où ces jeux d'équilibriste s'arrêteront.
Cependant les ouvriers, depuis le
lock-out patronal, ont occupé les usines
et ne les abandonnent qu'a leur gré.
Simple phénomène économique, a-dif
le gouvernement, qui a décidé de ne
manifester son existence que si des dé-
sordres politiques se produisaient,
Un communiqué prodigieusement op-
timiste du ministère de 1 intérieur a fait
savoir que l'évacuation des usines était
une simple formalité qui se résoudrait
« le plus simplement du monde ». Ce
communiqué ajoutait, que la force publi-
que était intervenue en de rares occa-
sions et toujours «avec un tel tact» que
les extrémistes eux-mêmes n'avaient
jamais pu s'en formaliser.
On n'a pas tardé à comprendre les
raisons de cette modération inattendue
de la part de révolutionnaires déchaînés.
En réaiité, le gouvernement assimilait
tous les patrons à des profiteurs on
les appelle là-bas des requins (pescicani)
et, soutenu par une opinion publique
préparée à toutes les indulgences, et'
ne voyant pas où on la mène, leur im-
posait capitulations sur capitulations.
M. Giolitti est parti de cette idée que
le mouvement ouvrier était irrésistible.
et que « certaines nécessités sociales
s'imposaient aux temps nouveaux ».
Tout en proclamant qu'il entendait res-
ter neutre, il a réduit les industriels.
pir tfne série de manœuvres, à céder sur
tous les points. Ceci fait, il a affirmé
flu il avait maintenu l'ordre.
N'a-t-ii pas plutôt admirablement or-
ganisé le désordre ?
M. Giolitti a pris un décret qui en ra-
tifiant l'usurpation des ouvriers modifie
tout simplement les conditions de la
tu-oprieb en Italie. C'est une entrem-iso.
Le Numéro quotidien VINGT CENTIMES PARTOUT]
Mardi 21 Septembre 1920
Gaston CALMETTE
Directeur ( iqo2- 1914}
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« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse
v de rire de tout. de peur d'être obligé d'en pleurer. » (Beaumarchais.)
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de France et d'Algérie
Deux Révolutions
Elle est en marche î Oui, elle est à
nos portes! s'écria prophétiquement t
mon compagnon, en frappant la table
.du café d'un coup si sonore qu'il fit
trembler nos verres.
Le garçon accourut.
Monsieur désire?
Ce qu'il désirait? La Révolution, par-
bleu Et cela se concevait sans peine.
Son lorgnon à monture un peu rouillée,
son linge médiocre, ses vêtements aux
plis cartonneux, ses ongles négligem-
ment entretenus, s.on maigre torse et sa
•ligure hâve, dénonçaient l'homme famé-
lique pour qui les repas copieux; le luxe
et les plaisirs suffisent à composer un
idéal.
Le garçon de café, s'il avait été mandé
par la friction d'une lampe merveil-
leusé, aurait peut-être été capable de
contenter ces grands espoirs. Mais, dans
l'espèce, il ne put que recueillir la
commande de mon compagnon qui,
confiant en mes ressources, désigna
nos verre» vides.
Renouvelez.
En attendant qu'un second apéritif
vînt .contribuer à tromper sa faim, il
m'entretint de la société telle qu'il la
concevait. Ses paroles ébauchèrent une
sorte de fresque à la façon de Zola, où
des moissonneurs conscients, s'avan-
çaient, la main dans la main, vers un
paradis chromolithographique de bon-
heur, et de fraternité. Il était un peu
bolcheviste, l'illuminé que j'avais suivi
à contre-cœur jusqu'en cet estaminet.
Il l'était dans la mesure où ce mot nou-
veau exprime l'éternelle protestation
contre l'injustice humaine et l'antique
̃convoitise du bien d'autrui.
Je l'approuvais par des hochements
de tête. Pourquoi contredire les extré-
mistes? Ce sont.les modérés de demain.
Une idée nouvelle n'est alarmante que
parce qu'elle est nouvelle. Les réformes
.ont toujours, en leur jeunesse, des allu-
res d'enfants terribles. Et puis le temps,
tout doucement, repousse vers le centre
"les réformistes enflammés. Un peu de
dorure suffit pour que le rouge de leurs
opinions devienne semblable à la pour-
pre des tribunes officielles.
J'écoutais donc mon révolutionnaire.
Où, plus exactement, je ne l'écoutais pas.
Si, dans la plupart des conversations.
les interlocuteurs; à tour de rôle, obser-
vent le silence; ce n'est jamais poursui-
;vre l'argumentation qu'on leur oppose,
C'est pour attendre que le contradicteur
sesoit^u, et reprendre aussitôt le dis-
cours.
Pourtant j'avais la tentation de lui
<1 ire
La Révolution, mon ami?. Mais
plie est faite, la Révolution
**#
C'est la vérité. La Révolution est faite.
;Ou du moins une Révolution est faite.
;.< Une Révolution s'atteste moins par un
.'changement dans le gouvernement, ce
̃qui est une question de pure forme, que
par l'avènement d'une couche sociale
nouvelle, et son accession au bien-être.
Mil sept cent quatre-vingt-treize mar-
que la montée au pouvoir du tiers-état
et l'abaissement des aristocrates. De
mil neuf cent dix-huit datent l'enrichis-
sement de toute une classe de mar-
chands et d'industriels, et aussi la fail-
lite des rentiers modestes et des oisifs.
Dans l'équilibre d'une société, cela
compte.
Constater rêveusement cette transfor-
ination, me demander quelles en seront
les conséquences, chercher comment
agir selon les obligations, qu'elle vient
de créer, c'est à quoi je m'employais,
tandis que mon compagnon, après avoir
sucé ses moustaches imprégnées de
boisson, me montrait, de son doigt
jauni par la cigarette, une aurore ima-
'ginaire.
:#
Y a-t-il lieu de déplorer l'apothéose
des Nouveaux-Riches ? Je ne le crois
pas.
Sans doute, ils ont les lourdeurs de
Monsieur Jourdain, en même temps que
sesambitions naïves. Mal initiés aux tra-
ditions de l'élégance, ils sont de déplo-
rables « bourgeois au sens où l'enten-
daient si j'ose cette association
Gustave Flaubert et les héros de la Vie
de bohème.
Mais combien de temps cela va-t-il
durer? vingt ou trente ans, peut-être.
Qu'est-ce que cela, dans l'évolution d'un
peuple ?
Ce sont leurs enfants qui importent.
Grâce à ceux-ci, les Nouveaux-Riches
offrent le plus sûr garant de nos pro-
grès dans le domaine de la délicatesse,
de l'art et de la pensée.
Sans cette guerre que seraient-ils de-
venus, ces enfants? De petits employés,
d'humbles commis. Voici qu'ils vont re-
cevoir, au contraire, une éducation très
complète. Ils suivront les leçons des
meilleurs professeurs, ils ne seront plus
arrêtés par des préoccupations maté-
rielles, ils étudieront à loisir les chefs-
d'œuvre et s'en inspireront. Ils devien-
dront des artistes, non pas issus d'une
souche fatiguée mais voici l'impor-
tant vivifiés par une sève nouvelle.
Grâce aux enfants des Nouveaux-Riches,
il se pourrait que, dans vingt ou trente
ans d'ici, nous eussions la plus magni-
fique génération d'écrivains, de peintres,
d'orateurs, d'hommes de goût que la
France ait jamais connue.
Par contre, que vont faire de leurs
enfants les rentiers, les retraités, tous
ceux qui, avant la guerre, vivaient dé-
cemment avec huit ou dix mille francs
de rente? Désormais, cette somme ne
représente plus qu'un salaire de garçon
boulanger: Ils s'ingénient à réduire leurs
.dépenses, ils rognent ici et là. Vains
etTorts. Malgré leur bonne volonté, mal-
gré leur esprit de sacrifice, ils ne pour-
ront pas faire de leurs garçons les avo-
cats ou les fonctionnaires qu'ils rêvaient.
Ils seront obig's de leur donner un
métier rémunérateur. Ces adolescents
quelque humiliation que cela vaille à
la famille deviendront des ouvriers.
Est-ce déplorable ? point du tout.
La France va connaître enfin ce que
l'Angleterre et l'Amérique possédaient
avant elle, je veux dire l'artisan aux
mains propres, au faux-col soigné, et
qui, Iorsqu il a quitté son bourgeron de
travail, redevient un « monsieur ».
Mais cet ouvrier futur, comment dès
aujourd'hui l'éduquer professionnelle-
ment? C'est ici qu'une grave question
se pose. Elle n'est pas commode ù ré-
soudre.
Prenons ce cas typique un modeste
rentier d'avant-guerre a un fils de douze,
ans, élevé jusqu:ici dans une pen-
sion « très bien », mais coûteuse. Il im-
porte de le préparer à la vie pratique,
et l'état du budget comporte d'urgence
.une solution. A quelle école s'adresser?
où l'interner? Car naturellement la crise
des loyers a imposé. un déménageme-nt
et le choix d'un appartement réduit:.
.Le père se renseigne. Le ministère de
l'instruction publique lui apprend ceci
rien n'existe à Paris qui correspond à
cette nécessité actuelle. Peut-être pour-
rait-il songer à l'école primaire supé-
rieure de Nemours ou .à celle de Ram-
bouillet ? Le père écrit. On lui répond
que l'école de Rambouillet est comble;
le pensionnaire devrait fournir son lit.
L'école de Nemours est pleine. D'ail-
leurs, un élève n'y pourrait être admis
que s'il était nanti de son certificat
d'études primaires. Or, la pension « très
bien » négligeait ce diplôme-là.
Voilà notre pauvre petit rentier dans
un grand embarras. Combien d'autres
partagent aujourd'hui, et partageront
demain, ce trouble, qui de jour en jour
deviendra de l'angoisse
Y pensons-nous assez ? Des projets
sont-ils à l'étude ? quelle publicité leur
donnera-t-on? Car créer des établisse-
ments n'est pas tout.' 11 faut qu'on sache
leur existence.
*n ̃̃:
Mc4i regrettable compagnon discou-
rait toujours. J'eus un moment la.tenta-
tion de lui expliquer que deux Révolu-
tions l'une par-dessus l'autre, ce serait
beaucoup, pour un pauvre pays déjà
bien éprouve' Mais je- renonçai à le
rendre raisonnable.
D'autant plus qu'il employait, en flé-
trissant l'état social actuel, des termes
si démesurés que, par esprit de contra-
diction, je me pris soudain d'une sorte
de sympathie à l'égard des hommes:et
des choses d'aujourd'hui.
Mais je reconnais que, pour parvenir
à une si surprenante indulgence, il
avait fallu ces circonstances exception-
nelles ̃̃̃•̃
Paul Reboux.
AU JOUR LE JOUR
Œuvres à fonder
Longchamp a fait sa réouverture, et Paris
est en ce moment plein de provinciaux.
On se moque volontiers des provinciaux.
Ce n'est pas juste.
Le provincial a tendance à appeler, aux
courses, les chevaux parla couleur dominante
des casaques de leurs jockeys. Il dit
Le rouge. le marron. le petit vert.
Il est un peu effaré, au milieu du pesage, un
peu perdu, cherchant pourquoi des messieurs
en chapeaux haut de forme sont réunis au
milieu d'une « enceinte réservée et un peu
bousculé, à la sortie, dans le tohu-bohu des
voitures, les cris des pisteurs, des chauffeurs
et des camelots.
Le vrai Parisien, lui, son chapeau sur les
yeux pour éviter le'soleil, une vieille lorgnette
en bandoulière, mais guêtre irréprochable-
ment, serre des mains à droite et à gauche,
marque des papiers de signes cabalistiques,
échange des dialogues mystérieux.
On va plonger sur Battersca. Dans ces
conditions-là, je le laisse tranquille. Combien
avez-vous eu sur Embry ? Eh bien, je ne l'au-
rais pas cru Vous avez vu ? Mime est en-
core rentré claqué. Jamais ce cheval-là n'a
pu faire 2,600 mètres.
Il change de sujets avec une facilité dé-
concertante. Aussitôt après l'arrivée, alors
que le provincial est encore ému de la victoire
du « vert », il émet des pronostics sur une
valeur caoutchoutière, il raconte en riant, à
demi-voix, pourquoi la petite X. a été en-
gagée pour telle pièce.
Iln'est,jamais fatigué.
Mais il est quelquefois un peu fatigant.
Ne pourrait-on donc, pensais-je l'airtre
jour, fonder deux œuvres utiles ? 2
L'une serait V Envoi des Parisiens à la cam-
pagne. Elle choisirait ses victimes, ou ses bé-
néficiaires, parmi les Parisiens trop habituels,
monotones, inévitables, ceux qu'on a trop
vus on les enverrait s'occuper d'une culture
de potirons, dans la Haute-Saône.
Eux qui savent tout, c'est extraordinaire
pour la première fois de leur vie qu'ils reste-
raient plus de quinze jours hors de Paris
ce qu'ils apprendraient de choses!
S'ils n'aiment pas la culture des,potirons,
on les nommerait sous-préfets, receveurs des
contributions, que sais-je ?
L'autre œuvre serait l'Acclimatation des
provinciaux à Paris. Je n'insiste pas sur ce
sujet, toutrevuiste verra ce qu'on pourrait en
tirer.
On pourrait même échanger les sujets,
comme les enfants des écolesjadîs.
Ainsi les Français redeviendraient égaux;
certaines différences entre eux disparaîtraient.
Mais, au fait, est-ce bien nécessaire ? N'y a-
t-il pas eh province quelques bons esprits qui'
sont oresQuç aussi rosses qu'à Paris ? N'y a-
t-il pas à Paris de vieux provinciaux aussi ac-
coutumés à leur quartier, à. leurs rues, à leur,
marchand de journaux, que ces chats dépei-
gnés qui sont nés aux Gobelins, vivent aux
Gobelins, et pour -qui le Jardin de^. Plantes
est aussi dépourvu de réalité que le Dafeo-
mey ? •
Hervé Lauwick.
ÉCHOS
En somme, nous aurons, jeudi, cinq
présidents de la République.
Quatre sont immortels, au sens aca-
démique M. Poincaré, M. Deschanel,
tous~deux membres de l'Académie fran-
çaise; M.Alexandre Millerand, membre
de l'Académie des sciences morales et
politiques; enfin M. Emile Loubet,
membre de l'Académie d'agriculture.
Il n'y a que M. Armand Fallières qui
ne soit plus rien, pas même académi-
cien.
M. Fallières fait des vers et cultive ses
vignes à Loupillon.
Candide dirait qu'il est le plus sage
des cinq..
Dans un petit restaurant du quartier
de- Vaugirard, tous, les.midis, tous les
soirs, arrive, bien simplement, un
convive. C'est un grand et gros jeune
homme assez silencieux. Il prend son
repas en lisant un journal de couleur-
ce qui implique, on le sait, la spécialité
sportive. Puis, si la journée n'est ache-
vée qu'à moitié, le déjeuneur retourne
à l'usine voisine. Si le travail est remis
au lendemain, c'est dans une modeste
petite chambre toute proche que notre
homme remonte
Jusqu'à, ces dernières semaines, nul
ne prenait attention à cet ouvrier la-
borieux et rangé; A présent, on com-
mence à le remarquer. Au passage, on
se dit
C'est Cadinc.
Et si quelqu'un semble interroger du
regard
L'homme le plus fort du monde.
Et c'est vrai. Cadine, à Anvers, eut
raison de tous les athlètes qui lui furent
opposes.
« La frontière mal gardée ».
Prenez, pour vous rendre à Bruxelles,
la grande ligne et le rapide une visite
minutieuse vous sera passée à la fron-
tière, à Quévy, et votre passeport exigé.,
Rentrez' e¥ 'France, 1- evenatit-iie Bel-!
gique, par la ligne Ypres-Hazebrouck ou
F.Qrncs-Dunkerque, une visite vous sera.
passée rapidement, pour la forme, et
aucun papier demandé. '"•'
Dans un article récent, notre collabo-
rateur Hervé Lauwick parlait des nu-
méros d'automobiles, adoptés comme
éléments d'une psychologie des voyages.
On y relevait les lettres B, M, et enfin
les lettres qui distinguent les voitures
de Paris E, G, I, U, X..v
Comment retenir ces indications, d'ap-
parence rébarbative? Voici un moyen
mnémotechnique qui est peu connu.
Réunissez les. lettres ci-dessus, vous
verrez qu'elles forment le mot
'exigu ;v' v; .]
Pourquoi « exigu », pour la région la
plus vaste de France Mystères de
l'Administration
Le Masque de Fer.
Les mineurs britannips
refusent toift arMtrp
4\(~ ,o¡.ïI '4"
x\près 'toute- une journée de conféren-
ces entre le comité exécutif des mineurs,
et sir Robert llorne, président du Board
of Tradc, celui-ci s'est efforcé de per-
suader les mineurs, d'accepter un arbi-
trage. Il montré les dangers d'une
grève, la répercussion du manque de
charbon sur le travail national entier,
la nécessite d'éviter'une telle catastro-
phe. '-̃
Tout fut vain.
Les mineurs ont persisté dans leur
refus déclarant que le gouvernement
était en possession de tous les faits et
par conséquent en mesure de décider
lui-même.
Ils ont conclu qu'à moins qu'il fùt fait
droit à leurs demandes sur la question
des salaires, il leur était impossible de
proposer demain à la Conférence des
délégués des mineurs la continuation du
travail.
La décision appartient donc, désor-
mais, à la Conférence des délégués des,
mineurs.
TROTSKY EST PESSIMISTE
Helsingfors, 20 septembre.
UEkonomitcheskaïa Jizn publie un
discours de Trotsfcy, caractérisant de la
manière suivante la situation de la Rus-
sie soviétique
Notre situation est extraordinairement
difficile pour ne pas dire désespérée. La
courbe de notre développement économique
loin de s'élever, montre une tendance dé-
croissante qui s'accentue journellement. Cela
est surtout sensible dans les transports. Le
matériel roulant, principalement l'es locomo-
tives, s'anéantit systématiquement. Nous ne
fabriquons plus de locomotives, toutes nos
réparations ne seront jamais que des répara-
tions.
Les conditions de transport empire de jour
en jour, en dépit de quelques améliorations
extérieures. Nous lie pouvons plus espérer
recevoir des locomotives de l'Europe, les
pays européens ôtaht.'eux-inêmes épuisés. Il
faut dire aux masses ouvrières que nous de-
vons encore traverser deux ou trois années
difficiles et faire d'énormes sacrifices.
LA CRISE PRÉSIDENTIELLE
Acceptation
de M. Millerand
Une seule condition Le Président
de la République sera l'homme
d'une politique suivie. 11
DECLARATION
M. Millerand, président du Conseil,
accepte de laisser poser sa candidature
à la présidence de la République.
La déclaration suivante de M. Mille-
rand, qui donne à cette nouvelle un
caractère officiel, nous a été commu-
niquée hier à sept heures, au quai
d'Orsay
J'ai défini, dans mon discours du 7
novembre -1919, la politique de progrès
social, d'ordre, de travail et d'union qui
se caractérise à l'extérieur par l'appli-
cation intégrale du traité de Versailles
et la défense des principes sur lesquels
il repose d'accord avec nos alliés à
l'intérieur par le maintien des lois or-
ganiques de la République la restaura-
tion et le développement de toutes nos
forces économiques, la décentralisation
et, le moment venu, l'amélioration, que
V 'expérience a montrée nécessaire de
nos lois co7istitutionnelles.
Depuis huit mois, soutenu par la con-
fiance du Parlement, j'ai défendu et
appliqué, d'une manière méthodique et
suicie, cette. politique.
Je pense, et j'en ai donné les raisons,
que je ne puis la* servir nulle part aussi
utilement qu'a la présidence du Conseil.
SI, NÉANMOINS, LA MAJORITÉ DES DEUX
CHAMBRES ESTIME PRÉFÉRABLE MA PRÉ-
SENCE A L'ÉLYSÉE, POUR MAINTENIR ET
POURSUIVRE CETTE POLITIQUE NATIONALE
SI ELLE PENSE COMME MOI QUE LE PRÉ-
SIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, S'IL NE DOIT
JAMAIS ÊTRE L'ilOMME D'UN PARTI, PEUT ET
DOIT ÊTRE L'HOMME D'UNE POLITIQUE SUI-
VIE ET Âp'PLIQUBij'EN ÉTROITE COLLABORA-
TION AVEC SES MINISTRES, JE NE ME DÉRO-
BERAI PAS A L'APPEL DE LA REPRÉSENTA-
TION NATIONALE.
> #*# ̃̃ •
La décision de M. Millerand, qui était
escomptée depuis deux jours déjà, ne
faisait plus de doute hier dans les cou-
loirs de la Chambre.
Cette acceptation définitive du prési-
dent du Conseil aura pour effet de sim-
plitier la situatio.n politique.
M. Millerand n'a pu, dans son patrio-
tisme éclairé, que céder aux instances
dont il était l'objet. Le Parlement, l'opi-
nion pubique tout entière, par l'organe
de la presse, lui avaient indiqué son de-
voir il ne pouvait s'y dérober.
Mais dans la déclaration qu'on vient
de lire.et qui conditionne, en quelque
sorte son acceptation, M. Millerand af-
firme que s'il peut être, demain comme
hier, l'homme de la nation, il entend
être aussi l'homme de la politique qu'il
a si souvent définie et qu'à maintes re-
prises le Parlement a approuvée.
C'est là l'originalité, je dirai plus, la
personnalité de cette candidature.
Jamais jusqu'à ce jour un candidat à
la magistrature suprême du pays n'avait
osé proclamer avec ;tte hardiesse qu'il
saurait être non seulement l'arbitre des
partis, mais qu'il saurait aussi deman-
der aux ministres responsables d'appli-
quer au gouvernement, les lignes géné-
rales d'une politique déterminée.
En votant pour M. Millerand les
membres de la représentation nationale
sauront ce qu'ils font, où ils vont et
quelle orientation ils impriment pour de
longues années à la politique de la
France.
La journée de M. Millerand
Dans la matinée, entre dix heures et
midi, M. Millerand avaitreçu, au minis-
tère des affaires étrangères, dans l'ordre
suivant, les députés dont voici les
noms
MM. Chabrun (Mayenne), Boissard
(Côte-d'Or), Bellet (Haute-Garonne),
Persil (Loir-et-Cher), Colrat (Seine-et-
Oise) puis MM. Briand et Barthou.
Ces parlementaires ont tous insisté
auprès de M. Miderand pour qu'il
consentît à poser sa candidature :à la
présidence de la République.
A des journalistes qui l'interrogeaient
à sa sortie du ministère, M. Briand ré-
pondit
Je ne puis vous faire aucune dé-
claration, mais je vous permets de dire
gue/aj la satisfaite.
"C'était une indication sérieuse, car on
savait que M:. Briand s'était tout particu-
lièrement employé à vaincre la résis-
tance du président du Conseil.
Et en effet, à la suite de ces visites, et
des démarches pressantes dont il avait
été l'objet ces derniers jours, M. Mille-
rand était revenu sur sa décision anté-
rieure. Dès l'après-midi il se rendit à
Rambouillet, pour annoncer à M. Paul
Deschanel que, cédant aux sollicitations 1
de ses amis, il poserait sa candidature à I
la présidence de la République.
M. Paul Deschanel ayant félicité le
Président du Conseil de la décision qu'il
venait de prendre, lui remit ensuite le
texte du message de sa démission.
Le président du Conseil a fait parve-
nir dans la. soirée ce document aux
présidents du Sénat et de la Chambre
des Députés, qui en donneront -lecture
cet après-midi, à leur assemblée res-
pective.
Après qu'il aura donné communica-
tion du message de démission, M. Raoul
Péret prononcera probablement quel-
ques paroles pour exprimer au Prési-
dent démissionnaire les regrets de la
Chambre et ses vœux pour son réta-
blissement. ̃
M. Millerand s'associera sans doute à
cette manifestation par une courte dé-
claration au nom du gouvernement.
Au Sénat
La journée ne fut pas beaucoup plus
agitée hier au Luxembourg que les jours
précédents. Mais, cependant, le bureau
d'un groupe s'est réuni et il n'en fallut
pas davantage pour donner aux couloirs
du Sénat une apparence d'animation.
M. Doumergue qui, décidément, s'ef-
force de jouer un rôle actif dans la crise
présente, avait convoqué le bureau du
groupe qu'il préside: la Gauche démo-
cratique radicale et socialiste, en priant
les membres du Comité directeur de
s'adjoindre au bureau dont M. Combes
est le président d'honneur.
Ce dernier n'avait pas répondu à la
convocation' non plus, d'ailleurs; que
beaucoup d'autres personnalités de
moindre importance puisque sur vingt-
et-un délégués du groupe, sept prirent
part aux délibérations qui ne compor-
tèrent aucune décision.
Bureau et comité directeur se conten-
tèrent d'envisager les diverses hypo-
thèses, susceptibles de se produire, dé-
clara M. Doumergue aux journalistes,
enquête de renseignements.
Le président de la gauche démocra-
tique du Sénat ignorait 'encore, sans 1
doute, que M. Millerand, cédant aux
instances de ses amis, venait de laisser
poser sa candidature à la présidence de
la République.
il n'est pas douteux qu'en présence de
l'acceptation du président du conseil,
aucune candidature dissidente ne se
produira au Luxembourg.
Ce matin, à dix heures et demie, le
groupe de la gauche démocratique tient
une réunion plénière.
D'autre part, l'Union républicaine, qse
préside M. de Selves, se réunit à dix
heures, et la Gauche républicaine, pré-
sidée par M. Touron, à deux heures.
L'opinion unanime est que la candi-
dature de M. Millerand ralliera une ma-
jorité imposante dans ces diverses réu-
nions préparatoires.
A la Chambre
LA QUESTION MINISTÉRIELLE
Dans les couloirs de la Chambre où,
comme je l'ai dit, l'acceptation de M.
Millerand ne faisait plus aucun doute,
on se préoccupait des répercussions
qu'aurait sur la situation générale 1 élec-
tion du président du Conseil à la prési-
dence de la République. Une crise mi-
nistérielle consécutive à cette élection
est inévitable..
Comment se résoudra-t-elle?
C'est la question que l'on se posait et
à laquelle chacun apportait sa réponse
particulière. Aussi ne devons-nous enre-
gistrer ces conversations que sous les
réserves qu'elles comportent.
On prétendait que M. Millerand, dès
qu'il serait élu ferait appel soit à M.
Raymond Poincaré, soit à M. Aristide
Briand, pour constituer le nouveau ca-
binet. D'aucuns assuraient même que
MM. Poincaré et Briand pourraient
faire p irtic du même cabinet, le pre-
mier, avec la présidence du Conseil et
le ministère des finances, le second,
avec le portefeuille des affaires étran-
gères.
Dans d'autres groupes et les plus
nombreux on résolvait autrement la
question.
La Chambre, disait-on, n'a jamais ma-
nifesté à aucun des ministres en fonc-
tion qu'elle n'approuvait pas sa gestion.
En bloc, elle a à diverses reprises afhrmé
sa confiance dans le gouvernement.
Pourquoi donc alors soulever une crise
étendue qu'on ne pourrait résoudre qu'a-
vec d'extrêmes difficultés, et qui serait
préjudiciable à la marche des affaires
publiques, surtout au moment où l'em-
prunt va être lancé, où de nombreux
projets sur lesquels la Chambre va avoir
à se prononcer, ont été étudiés par les
ministres actuels et pourraient être uti-
lement défendus par eux.
Qu'on limite donc, disait-on, la crise à
la présidence du Conseil, et si cela est
indispensable au point de vue parlemen-
taire-, à quelques portef 'utiles.
Et déjà l'on prononçai les noms du
président du Conseil possible M: Jon-
nart, disaient les uns, M. Georges Ley-
gues disaient les autres. Et en fin de
journée, le nom de M. Georges Leygues
revenait plus fréquemment dans les
conversations.
Cette combinaison, au point de vue de
ceux qui la développaient, avait l'incon-
testable avantage de réduire au mini-
num de temps la durée de la crise poli-
tique et permettrait à la Chambre de
reprendre ses vacances interrompues,
dès samedi ou. du moins, dès mardi au
plus tard.
Je répète que je n'enregistre ici que
des conversations particulières.
A l'heure actuelle, rien n'est fait, rien
n'est décidé et l'on conçoit que rien ne
peut l'être avant la réunion du Congrès
et l'élection de M. Millerand, qui sera,
sans aucun doute, le seul candidat.
Mais 'n'oublions pas que la politique
se fait aussi et surtout dans ics cou-
lisses -et que si derrière la rampe on
travaille pour une crise limitée, c'est
qu'il y a en jeu" d'assez puissants inté-
rêts pour faire prévaloir ce point de
vue.
Nous verronsbien.
En attendant les Chambres, comme
nous l'avons dit, se réunissent aujour-
d hui à trois heures, les srroupesne man-
cmerontrjas d'en faire autant après la
séance et de ces eqncilfabulcs des indi-
cations plus précises sortiront peut-
être.. Il ̃̃
Auguste Avril.
Une carrière, un discours
Il serait prématuré de retracer avant
jeudi, la carrière de l'homme à qui la
majorité des deux Chambres offre la
candidature à la présidence. Répondons
cependant à une question indiscrète que
tout le monde pose: M. Millerand est. n<
en 1859 à Paris. Etrappelons aussi qu'il t
fait ses études à Paris, au lycée Henri IV
et au lycée Michelet; qu'il fut, au débui
de sa carrière au Palais, chroniqu >ui
judiciaire à la Justice, conseiller muni
cipal len 1884, député en 1885, un de-
avocats des grévistes de Decazeville cl
Montceau-les-Mines; il dirigea la Petite
République en 1893, et la Lanterne en
1898. Ministre du commerce du cabinel
Waldeck-Rousseau en 1900, il fifpartie,
en 1913, du cabinet Poincaré et devin;
ministre de la guerre en août 1914, après-
Charleroi, à la veille de la Marne. Pre-
mier commissaire général d'Alsace-Lor-
raine après la Victoire, il a succédé à
M. Clemenceau, le 20 janvier dernier.
Il fut le seul président du Conseil qu'ail
eu à appeler M. Paul Deschanel.
A
Dans le discours auquel fait allusion
la déclaration qu'on a lue plus haut et
qu'il prononça à Ba-Ta-Clan le 7 novem-
bre 1919, M. Millerand exposait ainsi
ses vues sur les rapports des pouvoirs
Partisan impénitent du régime parlemen-
taire, parce qu'en dehors de lui, je n'aper-
çois qu'aventure et que dictature, je dis
.qu'il faut avoir le courage de regarder en
face ses défauts et y porter remède, lors-
qu'il est temps encore.
Quel est le principal ? La garantie essen-
tielle de la liberté, c'est la division des pou-
voirs c'est que chacun d'eux soit indépen-
dant dans le cercle de ses attributions et
n'empiète pas sur celles d'autrui. La tyran-
nie, c'est, par défi iition; la réunion de* tous
les pouvoirs sur une mùine tête, homme ou
assemblée.
II faut le reconnaître: le Parlement, de-
puis longtciT«>js et dès avant la République,
n'a cessé d'usurper sur les attributions et sur
les droits du pouvoir exécutif..Je crois que
-le scrutin d'arrondissement a été une des
raisons pour lesquelles ce mal s'est déve-
loppé. Il y en a eu d'autres. Et le mal s'est
à ce point développé qu'il semble absolu-
ment légitime et normal que, dans son ar-
rondissement, le député soit maître des no-
minations et qu'un poste ne soit pas pourvu
sans qu'aiejt été consultées les convenances
et connus les" candidats du représenUiut du
l'ammciïfcseinent. C'est un système détesta-
ble. La responsabilité du pouvoir exécutif,
qui, en théorie, choisit et nomme, disparaît,
fatalement le jour où, en fait, au lieu de li-
brement choisir, il se borne à entériner les
volontés qu'on lui glisse à l'oreille sous une
menace parfois à peine dissimulée.
Avec ce système, il faut rompre. Com-
ment ? En rendant à chaque pouvoir l'inté-
gralité de ses droits et de ses devoirs.
Le Président de la République est aujour-
d'hui élu par les 900 membres du Parlement.
Le Président de la République n'est pas
constitutionnellement le syndic des parle-
mentaires, mais bien le premier représen-
tant de la France.
Ce représentant, M. Millerand le sera,
jeudi.
Les Méthodes
de M. Giolitti
M. Giolitti n'a pas vieilli. Ses admira-
teurs et il en compte parmi ses ad-
versaires les plus acharnés étaient
anxieux de savoir si cet homme d'Etat
de soixante-dix-huit ans avait pu garder,
après une longue, retraite, sa terrible
souplesse de jadis. Aujourd'hui, ils sont
rassurés jusqu'à l'effroi.
Le premier ministre italien, en face
de l'agitation bolchevique, se surpasse
lui-même. 11 jongle avec les difficultés
au fur et à mesure qu'elles se présentent,
toujours plus nombreuses et plus lour-
des. Le public ne peut plus suivre ses
mouvements dans leur rapidité. Il a
envie de crier au miracle et se demande
où ces jeux d'équilibriste s'arrêteront.
Cependant les ouvriers, depuis le
lock-out patronal, ont occupé les usines
et ne les abandonnent qu'a leur gré.
Simple phénomène économique, a-dif
le gouvernement, qui a décidé de ne
manifester son existence que si des dé-
sordres politiques se produisaient,
Un communiqué prodigieusement op-
timiste du ministère de 1 intérieur a fait
savoir que l'évacuation des usines était
une simple formalité qui se résoudrait
« le plus simplement du monde ». Ce
communiqué ajoutait, que la force publi-
que était intervenue en de rares occa-
sions et toujours «avec un tel tact» que
les extrémistes eux-mêmes n'avaient
jamais pu s'en formaliser.
On n'a pas tardé à comprendre les
raisons de cette modération inattendue
de la part de révolutionnaires déchaînés.
En réaiité, le gouvernement assimilait
tous les patrons à des profiteurs on
les appelle là-bas des requins (pescicani)
et, soutenu par une opinion publique
préparée à toutes les indulgences, et'
ne voyant pas où on la mène, leur im-
posait capitulations sur capitulations.
M. Giolitti est parti de cette idée que
le mouvement ouvrier était irrésistible.
et que « certaines nécessités sociales
s'imposaient aux temps nouveaux ».
Tout en proclamant qu'il entendait res-
ter neutre, il a réduit les industriels.
pir tfne série de manœuvres, à céder sur
tous les points. Ceci fait, il a affirmé
flu il avait maintenu l'ordre.
N'a-t-ii pas plutôt admirablement or-
ganisé le désordre ?
M. Giolitti a pris un décret qui en ra-
tifiant l'usurpation des ouvriers modifie
tout simplement les conditions de la
tu-oprieb en Italie. C'est une entrem-iso.
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