Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1901-09-09
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 septembre 1901 09 septembre 1901
Description : 1901/09/09 (Numéro 252). 1901/09/09 (Numéro 252).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k285624r
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
47e Année à 3e Série N° 252
Le iVuméw = $ÊINe&éÊINÈ-ET-OtàË 15 centimes = DEPARTEMENTS 20 centimes
Lundi 9 Septembre 1901
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
~l A. PERIVIER
Directeur~ gérant
L.IQNCS TÉLÉPHONIQUES
• JKr« j
1O2-4S
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de France et d'Algérie.
Lorfllner
et l'idée d'Empire
Le matin du 24 mai 1900, anniversaire
du jour où naquit la reine Victoria, il y
avait: fête solennelle à Capetown. Le haut
commissaire de Sa Majesté, représen-
tant personnellement la souveraine elle-
même, devait recevoir les hommages
des sujets de l'empire. Je n'eus garde de
manquer à pareil spectacle. Et, pour en
jouir dans son entière saveur, je pris
rang, à la suite, parmi la foule des clients
qui allaient saluer Son Excellence. Il y
avait des négociants du Cap et de la colo-
nie uniformément vêtus de redingotes à
pans flottants; des officiers, presque tous
des gentlemen de l'aristocratie insulaire,
faisant contraste, par leur tournure élé-
gante et leurs fines moustaches, avec les
têtes lourdes, aux mâchoires formida-
bles, des colonistes endimanchés puis
les représentants de toutes les Eglises,
vêtus de noir, coiffés de larges chapeaux,
droits, hautains, lèvres rigides et gestes
coupants.
Tous les yeux rayonnaient de la même
fierté. Il flottait dans l'air des fluides de
victoire. On se passait de main en main
le supplément illustré d'un journal, con-
sacré à la gloire de la souveraine. Et
cette feuille enluminée exprimait, en
dessins d'un art primitif, mais d'une si-
gnification précise, l'exaltation de cette
assemblée en fête.
Sur le recto, on voyait un portrait de la
reine Victoria, couronnée, voilée de den-
telles, l'œil impérieux, la lèvre dure, la
poitrine traversée d'un grand cordon, et,
dans ses mains, elle portait le globe ter-
réstre, et la légende disait
VICTORIA
The Queen ofthe World
Les officiers considéraient la Reine
dû monde et souriaient béatement,
avec une satisfaction personnelle; les
négociants hochaient de la tête avec une
solennité convaincues les clergymen fai-
saient des gestes d'affirmation, avec des
commentaires bibliques.
Peu à peu, la feuille vint jusqu'à moi.
Je la pris avec respect, et je vis dans les
mains de la souveraine universelle les
détails du globe où par d'énormes tratts
̃rouges se manifestait la (ji>mss>ance.bri-
tannique. Sans doute, le tirage en cou-
leur avait quelque peu fait tache d'huile,
car la teinte pourprée couvrait presque
tous les continents.
J'eus la curiosité d'ouvrir le journal.
A l'intérieur se trouvait une allégorie en
partie double. John Bull, superbe et
vainqueur, était assis sur la carte du
imonde, le fusil à la main d'un côté, on
voyait Napoléon à Sainte-Hélène; de
l'autre, Kriiger en fuite. Le texte était
simple: « Ils ont voulu s'opposer au des-
tin de l'empire britannique. »
Enfin, plus bas, un portrait désir Al-
fred Milner, élégant et froid, avec ces
mots L'espoir de l'Empire!
Presque aussitôt il se fit un grand mou-
'vement dans la salle la réception allait
commencer. L'un après l'autre, comme
au guichet d'un théâtre, les sujets défi-
laient devant le gouverneur. Le colonel
Hanbury Williams, chef de la maison
militaire, prenait en main la carte qu'on
lui tendait, annonçait à haute voix
l'homme passait devant Son Excel-
lence, s'inclinait et s'en allait par le jar-
din.
Sir Alfred Milner, vêtu d'un superbe
habit brodé, debout devant un fauteuil,
entouré de personnages en toge, en uni-
forme et en perruque à marteau, fai-
sait à chaque nouveau venu un signe de
tête à peine visible. Il était droit, mince,
presque immobile son front large, aux
tempes frémissantes, était la seule vie
de son visage implacablement fermé, et
je compris, à le voir ainsi dans la rai-
deur de cette délégation souveraine,
,1'èffort tenté par les dirigeants du peuple
anglais pour atteindre à cette sorte de
majesté anonyme qui 'édifia aux yeux
'des nations antiques le prestige et la do-
mination du peuple romain.
i ̃ • #*# '•̃.
Rome! je ne sais pourquoi, au mo-
ment où vint mon tour de saluer sir
Alfred Milner, surgit le souvenir de la
.Ville éternelle et du Peuple-Roi! L'imita-
tion était si visible dans les moindres
actes, dans les attitudes, dans les mots
eux-mêmes, qu'il était impossible de
chasser de ma mémoire la vision des
puissants proconsuls qui, revêtus de la
pourpre romaine, recevaient les homma-
ges des lointains sujets. Mais, ce que je
voyais apparaître en décor imposant
dans l'entourage du gouverneur devait
éclater, quelques moments après, en cris
de triomphe, dans l'ivresse du peuple
entier.
Aussitôt finie la réception solennelle,
toutle monde se transporta sur un im-
mense champ de manœuvre, pourvoir le
défilé des troupes gardées en réserve.
:Toute la population anglaise, parée de
rubans et d'écharpes aux couleurs de
l'Union Jack, était massée autour d'un
vaste quadrilatère, au fond duquel les
soldats, l'arme au poing, attendaient l'ar-
rivée du gouverneur.
Tout d'un coup les clairons sonnèrent,
des voix jetèrent des commandements,
je vis apparaître à l'extrémité opposée
,de l'endroit où je me trouvais une galo-
pade poudreuse de cavaliers vers qui l'on
tendait les armes. Et le peuple, à pleins
poumons, criait Hurrah for thé Queen! 1
Hurrah fort Milner! Hurrah for Empire! »
Et soudain j'apèrçus un cavalier en
redingote et chapeau haut de forme,
monté sur un beau cheval noir, qui vint
s'aprêter à quelques pas de nous, flanqué
de généraux et de colonels en khakn
Aussi majestueux sur la selle et sous
son costume noir qu'il l'était tout à
l'heure dans sa tenue de gala, sir Alfred
promena ,un long regard sur la foule
et salua, d'un geste circulaire et bref.
« Hurrah for Empire! » répondit de
nouveau la cohue des colonistes.
Et le défilé commença. Les régiments
passaient vite, vite, « au pas de gùerre »,
et quand ils arrivaient devant le'gouver-
neur en civil, tous les soldats se retour-
naient vers lui et les officiers agitaient
leurs sabres. Et lui, toujours rigide, im-
passible, fermé, faisait parfois un salut de
son chapeau, tandis que Je cri d'Empire
roulait d'un bout à l'autre du champ.
.C'était au moment où les Boers af-
folés se repliaient vers le Nord, et où
l'on annonçait, pour le loademain, la fin
de la guerre.
#*#
J'eus la curiosité de connaître de plus
près cet homme que le peuple appe-
lait l'Espoir de l'Empire, et qui, vêtu
d'une simple redingote, présidait, dans
une attitude imposante et simple, des
défilés de soldats et des escortes de gé-
néraux. Il me parut qu'auprès de lui je
trouverais le secret de ce rêve impérial,
si troublant pour nos cervelles latines.
Autour de moi, j'entendais dire que le
haut commissaire du Cap était une des
réserves de l'Angleterre et l'homme le
plus fort de la politique impérialiste.
Je me fis présenter à sir Alfred Milner,
et à plusieurs rèprises j'eus l'occasion
d'échanger avec lui quelques vues géné-
rales. Il m'apparut tout de'suite bien su-
périeur à l'idée que je m'en étais faite
d'après les notes parues en France. On
semblait, chez nous, le considérer
comme un simple agent de M. Cham-
berlain et de M. Cecil Rhodes, tout au
plus comme un fonctionnaire zélé et in-
telligent.
J'eus bien vite l'impression qu'il
était possédé par la haute ambition
d'agir directement sur les hommes, et
que, dans toute cette affaire de l'Afrique
australe, il avait joué le même rôle per-
sonnel et décisif que Rome conférait, ja-
dis, en toute confiance, à ses puissants
proconsuls. Un soir, qu'il m'avait convié
à un dîner intime où, placé près de lui,
je pouvais promener notre causerie sur
toutes choses, j'eus le loisir de provo-
quer son esprit sur les problèmes de la
politique générale. Nous parlions de là
France, de l'Allemagne, de la Russie,
puis des- races latines^piiis de Roms et
de la Cfrece, et dans ce scintillement des
conversations où éclatent parfois invo-
îontairement,des lueurs qui éclairent les
âmes, j'observais les moindres mots de
mon hôte.
Il y en avait un qui revenait à tout mo-
ment, notamment au sujet du congrès
de La Haye c'était le mot idéaliste. Je
ne dirai pas que sir Alfred Milner le prq-
nonçaitavecmépris maisdans lacourtoi-,
sie parfaite de sa discussion, il y avait,
chaque fois que sonnait ce mot, l'indica-
tion bien définie que les peuples atteints
de ce mal étaient chimériques quoique
dignes de la plus grande admiration.
Chimèreet idéal que l'union des races,
la paix universelle, la concorde future
par le consentementde tous! Visible-
ment, il opposait à ce songe poétique la
conception des « réalisateurs », et quand
il articulait cette parole « réaliser », on
sentait qu'il y mettait, malgré l'intonation
polie de,sa voix, tout l'orgueil britanni-
que. C'était un idéaliste, Napoléon; c'était
un réalisateur, César-Auguste. C'étaient
des idéalistes, les empereurs de Russie
et d'Allemagne c'étaient des réalisa-
teurs, Bismarck et Chamberlain. Mais
il ressortait de ces échanges d'idées que
les réalisateurs par excellence, c'étaient
les Romains.
Or, en quoi le peuple romain fut-il un
réalisateur incomparable C'est qu'au
lieu de solliciter la paix universelle par
des congrès et des fédérations, il l'im-
posa à tous par la force. Il pacifia le
monde en le faisant romain. Cela, c'était
réel, c'était positif, ce n'était pas de
l'idéalisme. Toutes ces idées apparais-
saient à travers les mailles d'une causerie
aux sujets mobiles.
Si bien qu'à un moment donné, comme
nous évoquions les civilisations classi-
ques en les rapprochant des modernes,
sir Alfred Milner ne put s'empêcher de
me dire
Nous sommes les uns et les autres
nécessaires au monde. Vous êtes idéa-
listes comme les Grecs, et peut-être
sommes-nous réalistes comme les Ro-
mains. Nous finirons par nous entendre
comme eux.
Je compte bien, Excellence, que ce
ne sera pas par les mêmes moyens.
Nous nous prîmes à sourire tous les
deux, mais le mot était jeté, et j'ai tou-
jours gardé depuis, présente à ma pen-
sée, cette vision de toute une race pos-
sédée, depuis le peuple obscur jusqu'aux
cerveaux les plus lucides, par la hantise
d'un empire formidable, d'un empire
universel,. avec, chez les esprits d'élite,
l'obsédant souvenir des « Romains réali-
sateurs».
#*#
Cette vision me revient, plus forte que
jamais, depuis que sir Alfred, devenu
lord Milner of Capetown, a repris la
route de l'Afrique australe. Les défaites
des armées conquérantes, les retards
perpétuels de la victoire attendue, la ré-
sistance héroïque d'une poignée de bar-
bares » décidés à arrêter « le Destin de
l'Empire », avaient, il y a quelques
mois, compromis le crédit du proconsul.
Mais son éloquence âpre et solide n'a
pas eu de peine à évoquer les résistances
rencontrées autrefois par Rome; et quel-
ques années perdues par lord Roberts
devant les Boers ne comptent pas rjlus
,1 i
devant « le Destin d'un Empire que le
temps dépensé par Crassus contre les
Parthes. ;> i
Et lord Milner, reparti pour son pro-
consulat vient de rentrer en triomphe à
Johannesburg
Qu'il me permette, toutefois, Athénien
que Mummius guette peut-être, de rap-
peler que l'Histoire ne recommence
pas les mêmes cycles. Il pénètre parfois
dans les âmes un frisson nouveau qui
change le sort des nations, comme les
révolutions terrestres, en déplaçant l'axe
du globe, bouleversent les continents.
Si jadis le monde, civilisé s'est donné
tout entier à Rome, sans que nulle voix
s'élevât de la Grèce même, un esprit de
liberté agite aujourd'hui les races et je
crains fort que les rêveurs d'empire,
hommes ou peuples, ne voient se lever,
contre leurs lents édifices, un souffle
sans cesse grossissant qu'ils appellent
dédaigneusement l'Idéalisme, et qui est
la conscience de l'humanité.
Jean Carrère.
LA VIE DE PARIS
Tableaux du Dimanche
Paris est la cité multiple où se croisent et se
développent, sans se mêler, ni se gêner en-
tre elles, des centaines de petites cités provin-
ciales ayant leurs centres, leurs coutumes,
leurs classes variées et leur aristocratie.
Le flâneur aime à se' perdre, au hasard de sa
rêverie, parmi ces mœurs de préfecture avoi-
sinant parfois, à distance de quelques cents
mètres, le tourbillon de la capitale. Connais-
sez-vous, par exemple, les jardins publics où,
le dimanche, se réunissent les habitants du
quartier, pour entendre la musique populaire?
C'est tout à fait pareil à la promenade de
Tours, au cours de Valence ou à la place
principale de Bergerac. Il y a le Luxem-
bourg où, dans les allées, des étudiants
péripapéticiens ceux que ne retiennent pas
les cafés du Boul'Mich déambulent en pre-
nant des poses séductrices, tout comme la
eunesse dorée de Poitiers ou de Douai. Il y a
le Ranelagh, fréquenté par des bébés roses,
sous la garde de bonnes aux rubans somp-
tueux il y a 1^ Palais-Royal où les trompettes
de cavalerie font exulter le cœur des commer-
çants voisins; il y a les Buttes-Chaumont et
Montsouris, où des ménages d'ouvriers, traî-
nant des gosses par la main, tournent lente-
ment autour du kiosque, et sur les chaisag.
se carrent, avec dès poses dignes, lès petits'
rentiers du voisinage.
Mais le tableau le plus imprévu est celui
qu'offre, entre quatre et cinq, le jardin des Tui-
leries. Je m'y suis délassé, hier, dans l'après-
midi, tandis que des nuages vermeils voilaient le
joli soleil de premier automne, et qu'une lumière
tantôt claire, tantôt indécise, jouait à travers
les arbres encore verts. Des groupes arrivaient
l'un après l'autre et s'installaient avçc un
geste assuré, attestant une longue habitude.
Beaucoup se saluaient de loin, comme des
gens de connaissance, et quelques-uns rete-
naient des chaises pour des retardataires at-
tendus. Puis, c'étaient des appels vers des
nouveaux arrivants, des cris de jeunes garçons
ou de jeunes filles, cousins et cousines, frères-
et sœurs, jetant des exclamations discrètes et
nettes à la fois
Comme vous êtes en retard, ma chère 1
Nous ne comptions plus sur toi', mon
jvieux
tvieux i
Mon vieux avait généralement quinze
ans.
Je regardais tout ce monde où pas un visage
ne m'était familier. Rien des promeneurs du
boulevard, des assidus des terrasses ou du
public des premières. Et pourtant un monde
charmant, élégant, aimable, sain surtout,
où les jeunes filles étaient fraîches et joyeu-
ses, les jeunes gens alertes -et vifs, les
hommes robustes, les mères vêtues avec goût,
lés' grands-parents indulgents et respectés*.
C'était ce qu'on aurait pu appeler « la Pro-
vince parisienne », encore que la plupart
fussent, en réalité, plus strictement parisiens
que les célébrités de tout Paris. Mais, de
même que Bordeaux ou Nancy, Paris a sa
bpurgeoisie sédentaire et traditionnelle, qui
vit en dehors des agitations factices des snobs.
Des conversations voltigeaient autour de
moi..
Nous avons passé un mois à la mer, et
comme la location finissait le ,i«i.
Maman m'a promis une veste, d'astrakan
pour cet hiver.
Mon vieux, une bicyclette épatante!
Puis, tout à coup, silence .la musique com-
mençait. Plus un mot. 'On était venu pour
écouter, on écoutait. Les morceaux se sui-
vaient, tantôt bruyants, tantôt langoureux, et
ce bon public/ savourait en même temps
l'harmonie des cuivres et la douceur de sep-
tembre.
Comme j'étais loin de Paris! Les feuillages
me fermaient de tous côtés la vision de la
ville, et je me trouvais transplanté en un pai-
sible chef-lieu. La musique militaire jouait une
fantaisie sur le Roi d'Ys, et la tendresse des
symphonies était encore plus, tendre en plein
air. ̃̃
Je quittai ma place au dernier accord, avec
tout le public, et, emporté dans le flot, je re-
tombai dans les Champs-Elysées, dans le
Paris glorieux, entouré de monuments, do-
miné par l'Arc de triomphe!
Une buée lumineuse enveloppait tout le
paysage élyséen. Les chevaux dorés du pont
Alexandre-III semblaient hennir vers le ciel de
pourpre; au loin, par delà le fleuve, on en-
trevoyait dans un nimbé des dômes et des clo-
chetons vestiges abandonnés par l'Expo-
sition. Et, sans doute, les bruits de fanfare
avaient empli mon cerveau de rêves héroï-
ques, car je croyais voir flotter sur tout ce
'tableau d'un dimanche en fête, la gloire même
du Paris séculaire, dont la grande âme a pour
inépuisable réserve toutes les âmes inconnues
auprès de qui, pendant une heure, j'avais,
écouté de simples concerts. L~;FlAnenr:
Le Flàneur.
Echos
La Température
La situation tend à se modifier. La journée
d'hier, à Paris, a été très belle et très chaude. A
sept heures du matin, le thermomètre en hausse
marquait 150 au-dessus et vers trois heures
de l'après-midi, atteignait 2701/2. Le ciel est
resté clair, malgré quelques nuages, mais qui
n'avaient rien de menaçant. Il a plu cepen-,
dant dans la nuit à Ouessant, à Boulogne et
à Cherbourg. Sur la Manche et sur la Médi-
terranée., la mer est très calme.
En France; ce temps beau et chaud, avec
quelques orages, est probable. Dans la soirée
le baromètre était à 759mm après avoir indiqué
y6i>"m dans la matinée.
Dieppe (à 2 h. 53 de Paris).- Temps ora-
geux, mer belle. Thermomètre 17°.
Les Courses
A .2 heures, courses à Saint-Cloud.
Gagnants de RQbert Milton
Prix WHardricourt Little Darling.
Prix de Vincennes: Ratagan.
• Prix de la Guillaumette Eléphantine.
Prix de Chavenay Vasco.
Prix des Plates- Bandes Sovereign.
Prixtfe Rennemoulin: Magnétique.
LA POLITIQUE
Une étrange particularité de la loi
contre. les congrégations, c'est que le
gouvernement sera à peu près irrespon-
sable de- son application.
Le Parlement, qui statuera sur les
autorisations, fera fonction d'un tribunal
d'exception, et les ministres, chargés
d'exécuter les sentences, seront aussi
innocents des iniquités commises par les
juges que l'huissier-audiencier signifiant
un arrêt à un condamné.
Les auteurs de la loi ont pris ainsi une
précaution; qui honore leur sensibilité
morale, contre les dégoûts dont ils pour-
raient être saisis.
Il ne faut donc pas demander aux mi-
nistres quelle sera leur règle de conduite
à l'égard des ordres religieux qui sollici-
teront l'autorisation. Ils n'ont pas besoin
d'en avoir.
Mais nous connaissons, d'après des
indications de presse, les intentions de la
majorité révolutionnaire, qui constituera
le tribunal.
Les congrégations, qui se vouent à
l'enseignement, sont dûment prévenues
îfw'iVe^t luiiUl© -4o -feapper à- la ̃porte.de
1a Chambre. Elles auront beau s'humi-
lier, se faire bien suppliantes, copier
l'attitude d'Henri IV à Canossa. On les
chassera..
C'est surtout contre elles que la loi est
dirigée. ̃
Ainsi, les Dominicains enseignants.ont t
consenti à passer sous les fourches cau-
dines, tandis que les Domicains,-Prè-
cheurs hésitent encore.
M.Ranc ferait peut-être grâce aux pré-
dicateurs à froc blanc; il ne la fera pas aux
professeurs. Il a signifié à tous les collè-
ges, appartenant à l'Ordre, qu'il était
inutile de se poser en suppléants des Jé-
suites.On ne veut que des collèges libres,
quel que soit le costume des maîtres,
noir ou blanc.
Or, les volontés de M. nanc s'accom-
plissent toujours. D'ailleurs, mieux que
personne il connaît les dessous de la loi
et le but qu'ont voulu atteindre ceux qui
l'ont inspirée et imposée à un gouverne-
ment qui n'y tenait pas du tout. On a
voulu supprimer, avant tout, la liberté
de l'enseignement.
Une question se pose. Une loi permet
de frapper arbitrairement d'exil et de
confiscations certaines catégories de ci-
toyens. Elle confère à l'autorité un redou-
table pouvoir. Si jamais la responsabilité
ministérielle doit être engagée à fond,
c'est dans l'exercice de ce pouvoir.
Eh bien! pas du tout. C'est le Parle-
ment, c'est-à-dire un corps anonyme,
qui assumera seul toutes les responsabi-
lités. Le ministère se lavera les mains 1
Il semble bien que c'est un accroc à la
Constitution. Henri DES Houx.
A Travers Paris
C'est à Compiègne que le Roi de Rome
accorda- à l'âge de six mois sa pre-
mière faveur, la seule peut-être qu'il eut
jamais l'occasion d'accorder, et voici
comment.
Un vieux soldat, qui avait déjà obtenu
de l'Empereur bien des choses, mais qui
n'était pas encore satisfait, s'avisa d'a-
dresser un placet à Sa Majesté le Roi de
Rome.
Napoléon sourit en voyant la 'suscrip-
tion et. il ordonna que l'on remît le
placet à son adresse.
Gravement, le duc du Frioul, grand
maréchal du palais, alla donner lecture
de la requête au petit prince qui dor-
mait dans les bras de Mme de Morites-
quiou. `
r- Eh bien! demanda l'Empereur en
le voyant revenir, qu'a dit le Roi de
Rome?
Rien, sire.
Parfait. Qui ne dit mot consent
que l'on accorde donc à mon vieux gro-
gnard ce qu'il demande.
Une distraction!
Il n'a pas fallu moins que l'annonce du
voyage en France de S. M. Nicolas II
pour que l'on s'aperçût que, la nouvelle
avenue reliant les Champs-Elysées au
pont Alexandre-III n'avait jamais été
baptisée officiellement! 1
Le public l'appelait tantôt l'avenue
Nicolas-II tantôt l'avenue Alexandre-III,
mais le Conseil municipal, en indiquant
tout récemment encore les dénomina-
tions d'une trentaine de voies nouvelles,
n'avait oublié que celle-là.
M. de Selves s'est donc hâté de réparer
cet oubli avant l'arrivée du Tsar, et il
vient de prendre un arrêté, que suivra un
décret du Président de la République,
donnant à la nouvelle avenue son nom
officiel..
Elle s'appellera décidément: l'avenue;
Alexandre-III.. ''̃
S. M. Nicolas II est, on le sait, un ama-
teur passionné de médailles.
Ce goût a inspiré à MM. Caillaux et
Leygues une excellente idée.
Le Tsar n'ayant pu visiter notre Ex-
position, on a décidé de lui offrir la col-
lection des plaquettes et médailles de
nos maîtres graveurs qui ont été frap-
pées à la Monnaie en 1900.
On lui offrira donc dans un seul écrin
les exemplaires en or de la plaquette
commémorative de Roty et de la mé-
daille de Chaplain, qui toutes deux pré-
sentent des vues de l'Exposition et du
pont Alexandre-III de la médaille de
l'Annexe de Vincennes gravée par Ver-
non, et de celle qui avait été exécutée
spécialement pour la Monnaie par Da-
niel Dupuis peu de temps avant sa
mort et qui porte la date de 1900.
On y joindra la dernière œuvre du
plus jeune grand prix de Rome, la pla-
quette de Salut au soleil exposée par
M. Dupré au Salon de cette année, avec
cette inscription
Quand tout change, pour toi la nature est la
[même
Et le même soleil se lève sur tes jours.
Logique chinoise
Le prince Tchoun, frère de l'empereur
de Chine, qui va être notre hôte dans
quelques jours, en use assez spirituelle-
ment avec ses médecins.
Il leur donne un fort traitement, mais
il est convenu avec eux que ce traite-
ment doit être suspendu chaque fois que
le prince tombe malade, et jusqu'à com-
plète guérison.
Le prince Tchoun n'a jamais eu qu'un
rhume de cerveau. qui a duré trois
jours.
Les pigeons de M. de Lanessan.
M. de Lanessan adore les oiseaux, et
depuis qu'il est installé au ministère de
la marine, tous les pigeons qui gîtaient au
petit bonheur dans les environs ont élu
domicile sous les arcades du palais de
Gabriel.
Tous les jours après son déjeuner, M.
le ministre rentre de ses appartements à
son cabinet par la colonnade de la place
de la Concorde et, au moment de péné-
trer dans le pavillon d'angle de la rue
Royale.,il fait à ses pensionnaires ailés
Vine ample distribution de biscuits de
Reims dont ils sont, comme lui, très
friands.
Le petit festin terminé, le ministre va
à ses signatures ou à ses audiences, et
les pigeons redescendent à leurs nids ou
vont à la'maraude autour de l'obélisque
et dans le jardin des Tuileries.
C'est dans la corniche qui surplombe
la galerie du rez-de-chaussée où passe
le public, qu'ils se sont installés, mais de-
vant une seule fenêtre.
Pourquoi se sont-ils entassés exclu-
sivement là? 2
C'est, nous disait hier un marsouin
sans y mettre de malice, qu'ils y sont
moins dérangés cette fenêtre est la
seule sous les arcades qui éclaire un bu-
reau, et ,on-n'y remue guère.
Hors Paris
Les bibelots de l'alliance.
Comme en 1896, les fêtes qui se prépa-
rent suscitent autour d'elles des indus-
tries fugitives et charmantes, créatrices
de bibelots naïfs, où la joie populaire
aime à retrouver, sous une forme sensi-
ble sa propre expression.
A Pétersbourg, c'est depuis quelques
jours une véritable floraison de blagues
à tabac et de boîtes de bonbons, de bi-
joux modestes et de riches cartes pos-
tales. Nous avons déjà les « biscuits
franco-russes » et les « cigarettes de
l'amitié ». Et la semaine qui commence
verra sans nul doute des trouvailles nou-
velles.
Nous attendons celles des camelots pa-
risiens serait-ce du Nord, aujourd'hui,
que leur vient la lumière ?
Nouvelles à la Main
Une ancienne actrice retirée du théâtre,
où elle n'a guère réussi, et qui pose aussi,
bien à tort, pour l'éternelle jeunesse,. se
vante volontiers de ses brillants états de
service.
J'ai joué la comédie avec Lafon-
taine, répète-t-elle souvent.
Une bonne camarade a fini par lui de-
mander
Le fabuliste?
A propos des chiens bassets allemands,
très à la mode en ce moment, et auxquels
leur longueur donne un aspect impro-
bable, un cocher disait l'autre soir à une
cliente pourvue d'un de ces toutous
Une bête commeça, c'est commode.
On peut en faire un nœud pour se rap-
peler quelque chose.
De passage à Bruxelles, le petit Z.
qui est l'ami des bêtes, mais n'est pas
très brave, avise un grand diable de
charretier en train de taper à tour de
bras sur son cheval, et n'ose risquer une
protestation.
Comment, lui dit sa compagne, tu
laisses faire cette brute? 2
Le petit Z. un peu embarrassé
Je suis membre de la Société pro-
tectrice, des;animaux. français seule-
ment _•̃'̃
1- Le Masque de Fer.
PROPOS D'ESCADRE
LE CUIRASSÉ
je ne sais pas ce qu'on fricote,
Mais voilà quinze jours au moins
Qu'on m'astique et qu'on m'asticotte,
Du haut en bas, dans tous les coins.
(A l'aviso)
Voyons, l'aviso, je suppose
Que vous devez être avisé?
L'AVISO
Ma foi!,je ne sais pas grand'chose.
LE TORPILLEUR
Moi, je me sens dépaysé
J'en suis à ma première Manche.
L'AVISO
Vous regrettez Toulon ?
LE TORPILLEUR
C'est clair.
J'y dormais, en faisant la planche
Mais ici j'ai le mal de mer.
LE CUIRASSÉ
Tout ce tohu-bohu m'échine 1
J'espérais un peu de repos
Aussitôt mon retour de Chine.
LE SOUS-MARIN
Vous nous sortirez vos drapeaux,
Car, je le dis en confidence,
Connaissant bien tous les dessous
Nous allons recevoir en France
La Tsarine avec son époux.
L'AVISO
0 joie, ô bonheur, 6 délice î
LE CUIRASSÉ
0 délice! ô joie! ô bonheur!
Nous allons jouer de l'hélice.
LE TORPILLEUR
J'aurai quand même mal au cœur.
L'AVISO
On dit que des transatlantiques
Vont se faufiler dans nos rangs.
LE CUIRASSÉ
Près d'eux, nous paraîtrons étiques.
Nous aurons l'air de vrais harengs l
LE SOUS-MARIN •
Ah! je vous conseillé de geindre
Et de faire vos embarras!,
Si quelqu'un a droit de, se plaindre
C'est moi seul. qu'on ne verra pas.
C'est toujours les mêmes rengaines
La bonne,part pour les ventrus,
Pour les cent kilos, les bedaines.
Les sous-marins sont des intrus.
LE CUIRASSÉ
Votre remontrance est baroque,
Pourquoi vous cacher?
r >̃• LE; SOUS-MARIN
Gros* malin i
Si je montre un bout de ma coque
Je ne suis:plus un sous-marin.
Mais je compte, avec mes torpilles,
Pendant que vous serez en haut,
Jouer tranquillement aux quilles
Et chatouiller le Pothuau,
En chantant cet air populaire
« Ils n'en ont pas en Angleterre >
Jacques Redelsperger.
Donnera-t-on à courre
g au Tsar?
Des pourparlers seraient engagés entre M.
le marquis de L'Aigle et la Présidence au sujet
de l'organisation d'une chasse à courre que
M. Loubet désirerait offrir à l'empereur et à
l'impératrice de Russie dans la forêt de Com-
piègne.
L'article qui suit prouve que rien ne serait
plus facile que d'offrir au Tsar cette distrac-
tion royale.
C'est la question quelsfe posent et
qu'étudient les veneurs de l'Oise, en
dépit d'affirmations trop hâtivement né--
gatives.
Ils disent
Puisque se rouvre Compiègne, puis-
que, pour quelques jours, en un décor
de rêve, dans un tumulte de fêtes et de
galas, va s'exhumer tout un monde
aboli, pourquoi ne pas compléter l'évo-
cation par un grand laisser-courre res-
suscitant les rites et les pompes des vé-
neries impériales et,royales?. La jour-
née du 20 septembre reste libre au pro-
gramme. On projette d'en profiter pour
promener l'Empereur dans les environs,
lui faire visiter Pierrefonds et son châ-
teau féodal, Saint-Jean-au-Bois et les
vestiges de l'antique maison royale où
vécurent Dagobert et ses deux confi-
dents Saint-Eloi et Saint-Ouén; les
étangs de Saint-Pierre et de Sainte-
Perrine, toute la vieille forêt méro-
vingienne. -Quelle plus merveilleuse
façon de montrer à notre hôte ces
futaies grandioses, ces halliers mys-
térieux, ces ruines, ces lacs dormants,
qu'en lui donnant à courre quelqu'un de
ces grands dix-cors que recèlent nos en-
ceintes encore inviolées à ce moment de
l'année?. Quel plus impérial spectacle
que celui d'une grande vénerie chassant
sur un grand théâtre, et' lui restituant
toute son ancienne animation?
Certes, l'idée est belle et tentante,
répondent les gens à objections; mais il
est encore bien tôt pour chasser à
courre! La forêt est encore trop fourrée,
le temps trop lourd pour les chiens, qui
seraient vite à fond d'haleine. Et puis,
il n'y a plus de vénerie souveraine, et
l'on n'improvise pas un grand équipage.
D'ailleurs, le droit de-chasse est affermé
à des particuliers. Et le Président 2
Monte-t-il suffisamment à cheval pour
Le iVuméw = $ÊINe&éÊINÈ-ET-OtàË 15 centimes = DEPARTEMENTS 20 centimes
Lundi 9 Septembre 1901
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
~l A. PERIVIER
Directeur~ gérant
L.IQNCS TÉLÉPHONIQUES
• JKr« j
1O2-4S
102-47
IOS-49
SBRVIGES VE PUBLICITÉ
.A X^IIOTBI, T3XT « FIGARO
RÉDACTION ADMINISTRATION
26, rue Drouot PARIS (go.Arr'l
ABONNEMENT
Trois Moi* Six Mois Un Am
Seine, Selne-et-Olse. 15 » 30 » 60 ï«j
Départements 18 75 37 50 75 «
Union Postale 2150 43 » 86,
On s'abonne dans tous les Bureaux de Posta
de France et d'Algérie.
Lorfllner
et l'idée d'Empire
Le matin du 24 mai 1900, anniversaire
du jour où naquit la reine Victoria, il y
avait: fête solennelle à Capetown. Le haut
commissaire de Sa Majesté, représen-
tant personnellement la souveraine elle-
même, devait recevoir les hommages
des sujets de l'empire. Je n'eus garde de
manquer à pareil spectacle. Et, pour en
jouir dans son entière saveur, je pris
rang, à la suite, parmi la foule des clients
qui allaient saluer Son Excellence. Il y
avait des négociants du Cap et de la colo-
nie uniformément vêtus de redingotes à
pans flottants; des officiers, presque tous
des gentlemen de l'aristocratie insulaire,
faisant contraste, par leur tournure élé-
gante et leurs fines moustaches, avec les
têtes lourdes, aux mâchoires formida-
bles, des colonistes endimanchés puis
les représentants de toutes les Eglises,
vêtus de noir, coiffés de larges chapeaux,
droits, hautains, lèvres rigides et gestes
coupants.
Tous les yeux rayonnaient de la même
fierté. Il flottait dans l'air des fluides de
victoire. On se passait de main en main
le supplément illustré d'un journal, con-
sacré à la gloire de la souveraine. Et
cette feuille enluminée exprimait, en
dessins d'un art primitif, mais d'une si-
gnification précise, l'exaltation de cette
assemblée en fête.
Sur le recto, on voyait un portrait de la
reine Victoria, couronnée, voilée de den-
telles, l'œil impérieux, la lèvre dure, la
poitrine traversée d'un grand cordon, et,
dans ses mains, elle portait le globe ter-
réstre, et la légende disait
VICTORIA
The Queen ofthe World
Les officiers considéraient la Reine
dû monde et souriaient béatement,
avec une satisfaction personnelle; les
négociants hochaient de la tête avec une
solennité convaincues les clergymen fai-
saient des gestes d'affirmation, avec des
commentaires bibliques.
Peu à peu, la feuille vint jusqu'à moi.
Je la pris avec respect, et je vis dans les
mains de la souveraine universelle les
détails du globe où par d'énormes tratts
̃rouges se manifestait la (ji>mss>ance.bri-
tannique. Sans doute, le tirage en cou-
leur avait quelque peu fait tache d'huile,
car la teinte pourprée couvrait presque
tous les continents.
J'eus la curiosité d'ouvrir le journal.
A l'intérieur se trouvait une allégorie en
partie double. John Bull, superbe et
vainqueur, était assis sur la carte du
imonde, le fusil à la main d'un côté, on
voyait Napoléon à Sainte-Hélène; de
l'autre, Kriiger en fuite. Le texte était
simple: « Ils ont voulu s'opposer au des-
tin de l'empire britannique. »
Enfin, plus bas, un portrait désir Al-
fred Milner, élégant et froid, avec ces
mots L'espoir de l'Empire!
Presque aussitôt il se fit un grand mou-
'vement dans la salle la réception allait
commencer. L'un après l'autre, comme
au guichet d'un théâtre, les sujets défi-
laient devant le gouverneur. Le colonel
Hanbury Williams, chef de la maison
militaire, prenait en main la carte qu'on
lui tendait, annonçait à haute voix
l'homme passait devant Son Excel-
lence, s'inclinait et s'en allait par le jar-
din.
Sir Alfred Milner, vêtu d'un superbe
habit brodé, debout devant un fauteuil,
entouré de personnages en toge, en uni-
forme et en perruque à marteau, fai-
sait à chaque nouveau venu un signe de
tête à peine visible. Il était droit, mince,
presque immobile son front large, aux
tempes frémissantes, était la seule vie
de son visage implacablement fermé, et
je compris, à le voir ainsi dans la rai-
deur de cette délégation souveraine,
,1'èffort tenté par les dirigeants du peuple
anglais pour atteindre à cette sorte de
majesté anonyme qui 'édifia aux yeux
'des nations antiques le prestige et la do-
mination du peuple romain.
i ̃ • #*# '•̃.
Rome! je ne sais pourquoi, au mo-
ment où vint mon tour de saluer sir
Alfred Milner, surgit le souvenir de la
.Ville éternelle et du Peuple-Roi! L'imita-
tion était si visible dans les moindres
actes, dans les attitudes, dans les mots
eux-mêmes, qu'il était impossible de
chasser de ma mémoire la vision des
puissants proconsuls qui, revêtus de la
pourpre romaine, recevaient les homma-
ges des lointains sujets. Mais, ce que je
voyais apparaître en décor imposant
dans l'entourage du gouverneur devait
éclater, quelques moments après, en cris
de triomphe, dans l'ivresse du peuple
entier.
Aussitôt finie la réception solennelle,
toutle monde se transporta sur un im-
mense champ de manœuvre, pourvoir le
défilé des troupes gardées en réserve.
:Toute la population anglaise, parée de
rubans et d'écharpes aux couleurs de
l'Union Jack, était massée autour d'un
vaste quadrilatère, au fond duquel les
soldats, l'arme au poing, attendaient l'ar-
rivée du gouverneur.
Tout d'un coup les clairons sonnèrent,
des voix jetèrent des commandements,
je vis apparaître à l'extrémité opposée
,de l'endroit où je me trouvais une galo-
pade poudreuse de cavaliers vers qui l'on
tendait les armes. Et le peuple, à pleins
poumons, criait Hurrah for thé Queen! 1
Hurrah fort Milner! Hurrah for Empire! »
Et soudain j'apèrçus un cavalier en
redingote et chapeau haut de forme,
monté sur un beau cheval noir, qui vint
s'aprêter à quelques pas de nous, flanqué
de généraux et de colonels en khakn
Aussi majestueux sur la selle et sous
son costume noir qu'il l'était tout à
l'heure dans sa tenue de gala, sir Alfred
promena ,un long regard sur la foule
et salua, d'un geste circulaire et bref.
« Hurrah for Empire! » répondit de
nouveau la cohue des colonistes.
Et le défilé commença. Les régiments
passaient vite, vite, « au pas de gùerre »,
et quand ils arrivaient devant le'gouver-
neur en civil, tous les soldats se retour-
naient vers lui et les officiers agitaient
leurs sabres. Et lui, toujours rigide, im-
passible, fermé, faisait parfois un salut de
son chapeau, tandis que Je cri d'Empire
roulait d'un bout à l'autre du champ.
.C'était au moment où les Boers af-
folés se repliaient vers le Nord, et où
l'on annonçait, pour le loademain, la fin
de la guerre.
#*#
J'eus la curiosité de connaître de plus
près cet homme que le peuple appe-
lait l'Espoir de l'Empire, et qui, vêtu
d'une simple redingote, présidait, dans
une attitude imposante et simple, des
défilés de soldats et des escortes de gé-
néraux. Il me parut qu'auprès de lui je
trouverais le secret de ce rêve impérial,
si troublant pour nos cervelles latines.
Autour de moi, j'entendais dire que le
haut commissaire du Cap était une des
réserves de l'Angleterre et l'homme le
plus fort de la politique impérialiste.
Je me fis présenter à sir Alfred Milner,
et à plusieurs rèprises j'eus l'occasion
d'échanger avec lui quelques vues géné-
rales. Il m'apparut tout de'suite bien su-
périeur à l'idée que je m'en étais faite
d'après les notes parues en France. On
semblait, chez nous, le considérer
comme un simple agent de M. Cham-
berlain et de M. Cecil Rhodes, tout au
plus comme un fonctionnaire zélé et in-
telligent.
J'eus bien vite l'impression qu'il
était possédé par la haute ambition
d'agir directement sur les hommes, et
que, dans toute cette affaire de l'Afrique
australe, il avait joué le même rôle per-
sonnel et décisif que Rome conférait, ja-
dis, en toute confiance, à ses puissants
proconsuls. Un soir, qu'il m'avait convié
à un dîner intime où, placé près de lui,
je pouvais promener notre causerie sur
toutes choses, j'eus le loisir de provo-
quer son esprit sur les problèmes de la
politique générale. Nous parlions de là
France, de l'Allemagne, de la Russie,
puis des- races latines^piiis de Roms et
de la Cfrece, et dans ce scintillement des
conversations où éclatent parfois invo-
îontairement,des lueurs qui éclairent les
âmes, j'observais les moindres mots de
mon hôte.
Il y en avait un qui revenait à tout mo-
ment, notamment au sujet du congrès
de La Haye c'était le mot idéaliste. Je
ne dirai pas que sir Alfred Milner le prq-
nonçaitavecmépris maisdans lacourtoi-,
sie parfaite de sa discussion, il y avait,
chaque fois que sonnait ce mot, l'indica-
tion bien définie que les peuples atteints
de ce mal étaient chimériques quoique
dignes de la plus grande admiration.
Chimèreet idéal que l'union des races,
la paix universelle, la concorde future
par le consentementde tous! Visible-
ment, il opposait à ce songe poétique la
conception des « réalisateurs », et quand
il articulait cette parole « réaliser », on
sentait qu'il y mettait, malgré l'intonation
polie de,sa voix, tout l'orgueil britanni-
que. C'était un idéaliste, Napoléon; c'était
un réalisateur, César-Auguste. C'étaient
des idéalistes, les empereurs de Russie
et d'Allemagne c'étaient des réalisa-
teurs, Bismarck et Chamberlain. Mais
il ressortait de ces échanges d'idées que
les réalisateurs par excellence, c'étaient
les Romains.
Or, en quoi le peuple romain fut-il un
réalisateur incomparable C'est qu'au
lieu de solliciter la paix universelle par
des congrès et des fédérations, il l'im-
posa à tous par la force. Il pacifia le
monde en le faisant romain. Cela, c'était
réel, c'était positif, ce n'était pas de
l'idéalisme. Toutes ces idées apparais-
saient à travers les mailles d'une causerie
aux sujets mobiles.
Si bien qu'à un moment donné, comme
nous évoquions les civilisations classi-
ques en les rapprochant des modernes,
sir Alfred Milner ne put s'empêcher de
me dire
Nous sommes les uns et les autres
nécessaires au monde. Vous êtes idéa-
listes comme les Grecs, et peut-être
sommes-nous réalistes comme les Ro-
mains. Nous finirons par nous entendre
comme eux.
Je compte bien, Excellence, que ce
ne sera pas par les mêmes moyens.
Nous nous prîmes à sourire tous les
deux, mais le mot était jeté, et j'ai tou-
jours gardé depuis, présente à ma pen-
sée, cette vision de toute une race pos-
sédée, depuis le peuple obscur jusqu'aux
cerveaux les plus lucides, par la hantise
d'un empire formidable, d'un empire
universel,. avec, chez les esprits d'élite,
l'obsédant souvenir des « Romains réali-
sateurs».
#*#
Cette vision me revient, plus forte que
jamais, depuis que sir Alfred, devenu
lord Milner of Capetown, a repris la
route de l'Afrique australe. Les défaites
des armées conquérantes, les retards
perpétuels de la victoire attendue, la ré-
sistance héroïque d'une poignée de bar-
bares » décidés à arrêter « le Destin de
l'Empire », avaient, il y a quelques
mois, compromis le crédit du proconsul.
Mais son éloquence âpre et solide n'a
pas eu de peine à évoquer les résistances
rencontrées autrefois par Rome; et quel-
ques années perdues par lord Roberts
devant les Boers ne comptent pas rjlus
,1 i
devant « le Destin d'un Empire que le
temps dépensé par Crassus contre les
Parthes. ;> i
Et lord Milner, reparti pour son pro-
consulat vient de rentrer en triomphe à
Johannesburg
Qu'il me permette, toutefois, Athénien
que Mummius guette peut-être, de rap-
peler que l'Histoire ne recommence
pas les mêmes cycles. Il pénètre parfois
dans les âmes un frisson nouveau qui
change le sort des nations, comme les
révolutions terrestres, en déplaçant l'axe
du globe, bouleversent les continents.
Si jadis le monde, civilisé s'est donné
tout entier à Rome, sans que nulle voix
s'élevât de la Grèce même, un esprit de
liberté agite aujourd'hui les races et je
crains fort que les rêveurs d'empire,
hommes ou peuples, ne voient se lever,
contre leurs lents édifices, un souffle
sans cesse grossissant qu'ils appellent
dédaigneusement l'Idéalisme, et qui est
la conscience de l'humanité.
Jean Carrère.
LA VIE DE PARIS
Tableaux du Dimanche
Paris est la cité multiple où se croisent et se
développent, sans se mêler, ni se gêner en-
tre elles, des centaines de petites cités provin-
ciales ayant leurs centres, leurs coutumes,
leurs classes variées et leur aristocratie.
Le flâneur aime à se' perdre, au hasard de sa
rêverie, parmi ces mœurs de préfecture avoi-
sinant parfois, à distance de quelques cents
mètres, le tourbillon de la capitale. Connais-
sez-vous, par exemple, les jardins publics où,
le dimanche, se réunissent les habitants du
quartier, pour entendre la musique populaire?
C'est tout à fait pareil à la promenade de
Tours, au cours de Valence ou à la place
principale de Bergerac. Il y a le Luxem-
bourg où, dans les allées, des étudiants
péripapéticiens ceux que ne retiennent pas
les cafés du Boul'Mich déambulent en pre-
nant des poses séductrices, tout comme la
eunesse dorée de Poitiers ou de Douai. Il y a
le Ranelagh, fréquenté par des bébés roses,
sous la garde de bonnes aux rubans somp-
tueux il y a 1^ Palais-Royal où les trompettes
de cavalerie font exulter le cœur des commer-
çants voisins; il y a les Buttes-Chaumont et
Montsouris, où des ménages d'ouvriers, traî-
nant des gosses par la main, tournent lente-
ment autour du kiosque, et sur les chaisag.
se carrent, avec dès poses dignes, lès petits'
rentiers du voisinage.
Mais le tableau le plus imprévu est celui
qu'offre, entre quatre et cinq, le jardin des Tui-
leries. Je m'y suis délassé, hier, dans l'après-
midi, tandis que des nuages vermeils voilaient le
joli soleil de premier automne, et qu'une lumière
tantôt claire, tantôt indécise, jouait à travers
les arbres encore verts. Des groupes arrivaient
l'un après l'autre et s'installaient avçc un
geste assuré, attestant une longue habitude.
Beaucoup se saluaient de loin, comme des
gens de connaissance, et quelques-uns rete-
naient des chaises pour des retardataires at-
tendus. Puis, c'étaient des appels vers des
nouveaux arrivants, des cris de jeunes garçons
ou de jeunes filles, cousins et cousines, frères-
et sœurs, jetant des exclamations discrètes et
nettes à la fois
Comme vous êtes en retard, ma chère 1
Nous ne comptions plus sur toi', mon
jvieux
tvieux i
Mon vieux avait généralement quinze
ans.
Je regardais tout ce monde où pas un visage
ne m'était familier. Rien des promeneurs du
boulevard, des assidus des terrasses ou du
public des premières. Et pourtant un monde
charmant, élégant, aimable, sain surtout,
où les jeunes filles étaient fraîches et joyeu-
ses, les jeunes gens alertes -et vifs, les
hommes robustes, les mères vêtues avec goût,
lés' grands-parents indulgents et respectés*.
C'était ce qu'on aurait pu appeler « la Pro-
vince parisienne », encore que la plupart
fussent, en réalité, plus strictement parisiens
que les célébrités de tout Paris. Mais, de
même que Bordeaux ou Nancy, Paris a sa
bpurgeoisie sédentaire et traditionnelle, qui
vit en dehors des agitations factices des snobs.
Des conversations voltigeaient autour de
moi..
Nous avons passé un mois à la mer, et
comme la location finissait le ,i«i.
Maman m'a promis une veste, d'astrakan
pour cet hiver.
Mon vieux, une bicyclette épatante!
Puis, tout à coup, silence .la musique com-
mençait. Plus un mot. 'On était venu pour
écouter, on écoutait. Les morceaux se sui-
vaient, tantôt bruyants, tantôt langoureux, et
ce bon public/ savourait en même temps
l'harmonie des cuivres et la douceur de sep-
tembre.
Comme j'étais loin de Paris! Les feuillages
me fermaient de tous côtés la vision de la
ville, et je me trouvais transplanté en un pai-
sible chef-lieu. La musique militaire jouait une
fantaisie sur le Roi d'Ys, et la tendresse des
symphonies était encore plus, tendre en plein
air. ̃̃
Je quittai ma place au dernier accord, avec
tout le public, et, emporté dans le flot, je re-
tombai dans les Champs-Elysées, dans le
Paris glorieux, entouré de monuments, do-
miné par l'Arc de triomphe!
Une buée lumineuse enveloppait tout le
paysage élyséen. Les chevaux dorés du pont
Alexandre-III semblaient hennir vers le ciel de
pourpre; au loin, par delà le fleuve, on en-
trevoyait dans un nimbé des dômes et des clo-
chetons vestiges abandonnés par l'Expo-
sition. Et, sans doute, les bruits de fanfare
avaient empli mon cerveau de rêves héroï-
ques, car je croyais voir flotter sur tout ce
'tableau d'un dimanche en fête, la gloire même
du Paris séculaire, dont la grande âme a pour
inépuisable réserve toutes les âmes inconnues
auprès de qui, pendant une heure, j'avais,
écouté de simples concerts. L~;FlAnenr:
Le Flàneur.
Echos
La Température
La situation tend à se modifier. La journée
d'hier, à Paris, a été très belle et très chaude. A
sept heures du matin, le thermomètre en hausse
marquait 150 au-dessus et vers trois heures
de l'après-midi, atteignait 2701/2. Le ciel est
resté clair, malgré quelques nuages, mais qui
n'avaient rien de menaçant. Il a plu cepen-,
dant dans la nuit à Ouessant, à Boulogne et
à Cherbourg. Sur la Manche et sur la Médi-
terranée., la mer est très calme.
En France; ce temps beau et chaud, avec
quelques orages, est probable. Dans la soirée
le baromètre était à 759mm après avoir indiqué
y6i>"m dans la matinée.
Dieppe (à 2 h. 53 de Paris).- Temps ora-
geux, mer belle. Thermomètre 17°.
Les Courses
A .2 heures, courses à Saint-Cloud.
Gagnants de RQbert Milton
Prix WHardricourt Little Darling.
Prix de Vincennes: Ratagan.
• Prix de la Guillaumette Eléphantine.
Prix de Chavenay Vasco.
Prix des Plates- Bandes Sovereign.
Prixtfe Rennemoulin: Magnétique.
LA POLITIQUE
Une étrange particularité de la loi
contre. les congrégations, c'est que le
gouvernement sera à peu près irrespon-
sable de- son application.
Le Parlement, qui statuera sur les
autorisations, fera fonction d'un tribunal
d'exception, et les ministres, chargés
d'exécuter les sentences, seront aussi
innocents des iniquités commises par les
juges que l'huissier-audiencier signifiant
un arrêt à un condamné.
Les auteurs de la loi ont pris ainsi une
précaution; qui honore leur sensibilité
morale, contre les dégoûts dont ils pour-
raient être saisis.
Il ne faut donc pas demander aux mi-
nistres quelle sera leur règle de conduite
à l'égard des ordres religieux qui sollici-
teront l'autorisation. Ils n'ont pas besoin
d'en avoir.
Mais nous connaissons, d'après des
indications de presse, les intentions de la
majorité révolutionnaire, qui constituera
le tribunal.
Les congrégations, qui se vouent à
l'enseignement, sont dûment prévenues
îfw'iVe^t luiiUl© -4o -feapper à- la ̃porte.de
1a Chambre. Elles auront beau s'humi-
lier, se faire bien suppliantes, copier
l'attitude d'Henri IV à Canossa. On les
chassera..
C'est surtout contre elles que la loi est
dirigée. ̃
Ainsi, les Dominicains enseignants.ont t
consenti à passer sous les fourches cau-
dines, tandis que les Domicains,-Prè-
cheurs hésitent encore.
M.Ranc ferait peut-être grâce aux pré-
dicateurs à froc blanc; il ne la fera pas aux
professeurs. Il a signifié à tous les collè-
ges, appartenant à l'Ordre, qu'il était
inutile de se poser en suppléants des Jé-
suites.On ne veut que des collèges libres,
quel que soit le costume des maîtres,
noir ou blanc.
Or, les volontés de M. nanc s'accom-
plissent toujours. D'ailleurs, mieux que
personne il connaît les dessous de la loi
et le but qu'ont voulu atteindre ceux qui
l'ont inspirée et imposée à un gouverne-
ment qui n'y tenait pas du tout. On a
voulu supprimer, avant tout, la liberté
de l'enseignement.
Une question se pose. Une loi permet
de frapper arbitrairement d'exil et de
confiscations certaines catégories de ci-
toyens. Elle confère à l'autorité un redou-
table pouvoir. Si jamais la responsabilité
ministérielle doit être engagée à fond,
c'est dans l'exercice de ce pouvoir.
Eh bien! pas du tout. C'est le Parle-
ment, c'est-à-dire un corps anonyme,
qui assumera seul toutes les responsabi-
lités. Le ministère se lavera les mains 1
Il semble bien que c'est un accroc à la
Constitution. Henri DES Houx.
A Travers Paris
C'est à Compiègne que le Roi de Rome
accorda- à l'âge de six mois sa pre-
mière faveur, la seule peut-être qu'il eut
jamais l'occasion d'accorder, et voici
comment.
Un vieux soldat, qui avait déjà obtenu
de l'Empereur bien des choses, mais qui
n'était pas encore satisfait, s'avisa d'a-
dresser un placet à Sa Majesté le Roi de
Rome.
Napoléon sourit en voyant la 'suscrip-
tion et. il ordonna que l'on remît le
placet à son adresse.
Gravement, le duc du Frioul, grand
maréchal du palais, alla donner lecture
de la requête au petit prince qui dor-
mait dans les bras de Mme de Morites-
quiou. `
r- Eh bien! demanda l'Empereur en
le voyant revenir, qu'a dit le Roi de
Rome?
Rien, sire.
Parfait. Qui ne dit mot consent
que l'on accorde donc à mon vieux gro-
gnard ce qu'il demande.
Une distraction!
Il n'a pas fallu moins que l'annonce du
voyage en France de S. M. Nicolas II
pour que l'on s'aperçût que, la nouvelle
avenue reliant les Champs-Elysées au
pont Alexandre-III n'avait jamais été
baptisée officiellement! 1
Le public l'appelait tantôt l'avenue
Nicolas-II tantôt l'avenue Alexandre-III,
mais le Conseil municipal, en indiquant
tout récemment encore les dénomina-
tions d'une trentaine de voies nouvelles,
n'avait oublié que celle-là.
M. de Selves s'est donc hâté de réparer
cet oubli avant l'arrivée du Tsar, et il
vient de prendre un arrêté, que suivra un
décret du Président de la République,
donnant à la nouvelle avenue son nom
officiel..
Elle s'appellera décidément: l'avenue;
Alexandre-III.. ''̃
S. M. Nicolas II est, on le sait, un ama-
teur passionné de médailles.
Ce goût a inspiré à MM. Caillaux et
Leygues une excellente idée.
Le Tsar n'ayant pu visiter notre Ex-
position, on a décidé de lui offrir la col-
lection des plaquettes et médailles de
nos maîtres graveurs qui ont été frap-
pées à la Monnaie en 1900.
On lui offrira donc dans un seul écrin
les exemplaires en or de la plaquette
commémorative de Roty et de la mé-
daille de Chaplain, qui toutes deux pré-
sentent des vues de l'Exposition et du
pont Alexandre-III de la médaille de
l'Annexe de Vincennes gravée par Ver-
non, et de celle qui avait été exécutée
spécialement pour la Monnaie par Da-
niel Dupuis peu de temps avant sa
mort et qui porte la date de 1900.
On y joindra la dernière œuvre du
plus jeune grand prix de Rome, la pla-
quette de Salut au soleil exposée par
M. Dupré au Salon de cette année, avec
cette inscription
Quand tout change, pour toi la nature est la
[même
Et le même soleil se lève sur tes jours.
Logique chinoise
Le prince Tchoun, frère de l'empereur
de Chine, qui va être notre hôte dans
quelques jours, en use assez spirituelle-
ment avec ses médecins.
Il leur donne un fort traitement, mais
il est convenu avec eux que ce traite-
ment doit être suspendu chaque fois que
le prince tombe malade, et jusqu'à com-
plète guérison.
Le prince Tchoun n'a jamais eu qu'un
rhume de cerveau. qui a duré trois
jours.
Les pigeons de M. de Lanessan.
M. de Lanessan adore les oiseaux, et
depuis qu'il est installé au ministère de
la marine, tous les pigeons qui gîtaient au
petit bonheur dans les environs ont élu
domicile sous les arcades du palais de
Gabriel.
Tous les jours après son déjeuner, M.
le ministre rentre de ses appartements à
son cabinet par la colonnade de la place
de la Concorde et, au moment de péné-
trer dans le pavillon d'angle de la rue
Royale.,il fait à ses pensionnaires ailés
Vine ample distribution de biscuits de
Reims dont ils sont, comme lui, très
friands.
Le petit festin terminé, le ministre va
à ses signatures ou à ses audiences, et
les pigeons redescendent à leurs nids ou
vont à la'maraude autour de l'obélisque
et dans le jardin des Tuileries.
C'est dans la corniche qui surplombe
la galerie du rez-de-chaussée où passe
le public, qu'ils se sont installés, mais de-
vant une seule fenêtre.
Pourquoi se sont-ils entassés exclu-
sivement là? 2
C'est, nous disait hier un marsouin
sans y mettre de malice, qu'ils y sont
moins dérangés cette fenêtre est la
seule sous les arcades qui éclaire un bu-
reau, et ,on-n'y remue guère.
Hors Paris
Les bibelots de l'alliance.
Comme en 1896, les fêtes qui se prépa-
rent suscitent autour d'elles des indus-
tries fugitives et charmantes, créatrices
de bibelots naïfs, où la joie populaire
aime à retrouver, sous une forme sensi-
ble sa propre expression.
A Pétersbourg, c'est depuis quelques
jours une véritable floraison de blagues
à tabac et de boîtes de bonbons, de bi-
joux modestes et de riches cartes pos-
tales. Nous avons déjà les « biscuits
franco-russes » et les « cigarettes de
l'amitié ». Et la semaine qui commence
verra sans nul doute des trouvailles nou-
velles.
Nous attendons celles des camelots pa-
risiens serait-ce du Nord, aujourd'hui,
que leur vient la lumière ?
Nouvelles à la Main
Une ancienne actrice retirée du théâtre,
où elle n'a guère réussi, et qui pose aussi,
bien à tort, pour l'éternelle jeunesse,. se
vante volontiers de ses brillants états de
service.
J'ai joué la comédie avec Lafon-
taine, répète-t-elle souvent.
Une bonne camarade a fini par lui de-
mander
Le fabuliste?
A propos des chiens bassets allemands,
très à la mode en ce moment, et auxquels
leur longueur donne un aspect impro-
bable, un cocher disait l'autre soir à une
cliente pourvue d'un de ces toutous
Une bête commeça, c'est commode.
On peut en faire un nœud pour se rap-
peler quelque chose.
De passage à Bruxelles, le petit Z.
qui est l'ami des bêtes, mais n'est pas
très brave, avise un grand diable de
charretier en train de taper à tour de
bras sur son cheval, et n'ose risquer une
protestation.
Comment, lui dit sa compagne, tu
laisses faire cette brute? 2
Le petit Z. un peu embarrassé
Je suis membre de la Société pro-
tectrice, des;animaux. français seule-
ment _•̃'̃
1- Le Masque de Fer.
PROPOS D'ESCADRE
LE CUIRASSÉ
je ne sais pas ce qu'on fricote,
Mais voilà quinze jours au moins
Qu'on m'astique et qu'on m'asticotte,
Du haut en bas, dans tous les coins.
(A l'aviso)
Voyons, l'aviso, je suppose
Que vous devez être avisé?
L'AVISO
Ma foi!,je ne sais pas grand'chose.
LE TORPILLEUR
Moi, je me sens dépaysé
J'en suis à ma première Manche.
L'AVISO
Vous regrettez Toulon ?
LE TORPILLEUR
C'est clair.
J'y dormais, en faisant la planche
Mais ici j'ai le mal de mer.
LE CUIRASSÉ
Tout ce tohu-bohu m'échine 1
J'espérais un peu de repos
Aussitôt mon retour de Chine.
LE SOUS-MARIN
Vous nous sortirez vos drapeaux,
Car, je le dis en confidence,
Connaissant bien tous les dessous
Nous allons recevoir en France
La Tsarine avec son époux.
L'AVISO
0 joie, ô bonheur, 6 délice î
LE CUIRASSÉ
0 délice! ô joie! ô bonheur!
Nous allons jouer de l'hélice.
LE TORPILLEUR
J'aurai quand même mal au cœur.
L'AVISO
On dit que des transatlantiques
Vont se faufiler dans nos rangs.
LE CUIRASSÉ
Près d'eux, nous paraîtrons étiques.
Nous aurons l'air de vrais harengs l
LE SOUS-MARIN •
Ah! je vous conseillé de geindre
Et de faire vos embarras!,
Si quelqu'un a droit de, se plaindre
C'est moi seul. qu'on ne verra pas.
C'est toujours les mêmes rengaines
La bonne,part pour les ventrus,
Pour les cent kilos, les bedaines.
Les sous-marins sont des intrus.
LE CUIRASSÉ
Votre remontrance est baroque,
Pourquoi vous cacher?
r >̃• LE; SOUS-MARIN
Gros* malin i
Si je montre un bout de ma coque
Je ne suis:plus un sous-marin.
Mais je compte, avec mes torpilles,
Pendant que vous serez en haut,
Jouer tranquillement aux quilles
Et chatouiller le Pothuau,
En chantant cet air populaire
« Ils n'en ont pas en Angleterre >
Jacques Redelsperger.
Donnera-t-on à courre
g au Tsar?
Des pourparlers seraient engagés entre M.
le marquis de L'Aigle et la Présidence au sujet
de l'organisation d'une chasse à courre que
M. Loubet désirerait offrir à l'empereur et à
l'impératrice de Russie dans la forêt de Com-
piègne.
L'article qui suit prouve que rien ne serait
plus facile que d'offrir au Tsar cette distrac-
tion royale.
C'est la question quelsfe posent et
qu'étudient les veneurs de l'Oise, en
dépit d'affirmations trop hâtivement né--
gatives.
Ils disent
Puisque se rouvre Compiègne, puis-
que, pour quelques jours, en un décor
de rêve, dans un tumulte de fêtes et de
galas, va s'exhumer tout un monde
aboli, pourquoi ne pas compléter l'évo-
cation par un grand laisser-courre res-
suscitant les rites et les pompes des vé-
neries impériales et,royales?. La jour-
née du 20 septembre reste libre au pro-
gramme. On projette d'en profiter pour
promener l'Empereur dans les environs,
lui faire visiter Pierrefonds et son châ-
teau féodal, Saint-Jean-au-Bois et les
vestiges de l'antique maison royale où
vécurent Dagobert et ses deux confi-
dents Saint-Eloi et Saint-Ouén; les
étangs de Saint-Pierre et de Sainte-
Perrine, toute la vieille forêt méro-
vingienne. -Quelle plus merveilleuse
façon de montrer à notre hôte ces
futaies grandioses, ces halliers mys-
térieux, ces ruines, ces lacs dormants,
qu'en lui donnant à courre quelqu'un de
ces grands dix-cors que recèlent nos en-
ceintes encore inviolées à ce moment de
l'année?. Quel plus impérial spectacle
que celui d'une grande vénerie chassant
sur un grand théâtre, et' lui restituant
toute son ancienne animation?
Certes, l'idée est belle et tentante,
répondent les gens à objections; mais il
est encore bien tôt pour chasser à
courre! La forêt est encore trop fourrée,
le temps trop lourd pour les chiens, qui
seraient vite à fond d'haleine. Et puis,
il n'y a plus de vénerie souveraine, et
l'on n'improvise pas un grand équipage.
D'ailleurs, le droit de-chasse est affermé
à des particuliers. Et le Président 2
Monte-t-il suffisamment à cheval pour
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