Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1875-08-31
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 août 1875 31 août 1875
Description : 1875/08/31 (Numéro 242). 1875/08/31 (Numéro 242).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
m JÏGA&O MAE&UI AOUT 18TS
tionpaire -français, le chef de la police,
pénétrait, "avec des agents indigènes,
dans l'intérieur du palais et sommait, le
prince et ses convives de se séparer im-
médiatement, sous prétexte qu'ils se
livraient à de trop bruyants ébats, Le
prince ayant refusé de congédier ses
invités et, de plus .enjoint a.u chef de la
police de se retirer il fut arrêté et con-
duit à la caserne de gendarmerie, où il
passa la nuit.
A sa sortie de la chambre de sûreté le
fils de la reine a cité devant le tribunal
correctionnel le chef de la police pour
violation du domicile royal et détention
arbitraire. L'administration supérieure
a été impliquée dans l'affaire comme
civilement responsable.
Il est à peine nécessaire de dire que la
population indigène a vivement ressenti
la grave offense faite au prince-royal.;
Le protectorat de la France et l'occupa-
tion militaire qui en a été la consé-
quence n'ont pas sensiblement diminué,
à Taïtï, le prestige de i Poma-né. Elle est
encûre, à l'heure .qu'il est, le représen-
tant le plus respecté de l'autorité. Aussi;
son fils a-t-i] compris qu'il devait exiger
une satisfaction morale suffisante aux
yeux de la population sur laquelle il est
appelé à régner. Il demandé,' sous la
réserve desTéqnisitions que le parquet,
croira sans doute devoir prendre dans'
l'intérêt de la vindicte publique, la con- s
damnation du chef de la police à un;
franche dommages, ï'înseTtioa du juge-j
ment à' intervenir dans trois numéros du •
Journal ds Taïti, organe officiel de ^ad-
ministration française, et enfin la publi-
cation de ce jugement par la voix de
trois cents affiches placardées dans les
endroits les plus fréquentés de Papéitij
et des localités voisines. i
A Paris où l'on disserte volontiers de i
tout, on s'étonnera sans doute de la;
façon dont sont traités les princes à
Taïti mais on sera bien autrement sur-
pris, lorsqu'on ,saura que les autorités
françaises ont fait célébrer, en grande
ïJoinpe, il y a sept mois à peine, le ma-
riage du futur roi qu'elles enfermaient
hier au poste de- police comme un vul-
gairé malfaiteur.
C'est dans le courant de janvier 1875
que le fils de Pomaré a épousé une
jeûne Anglaise, belle-sœur de M. Bran-
der, l'un des plus opulents négociants de
Taïti. Ceux qui ont suivi de près les né-
gociations qui précédèrent le mariage,
assurent que cette union fut en quelque
sorte imposée au prince et qu'il était fa-
cile de prévoir qu'il ne tarderait pas à
chercher loin du foyer conjugal des plai-
sirs plus faciles. Quoi qu'il en soit et
sans insister là-dessus plus qu'il ne con-
vient, nous pouvons dire que la popula-
tion française et catholique n'a point
pris part aux fêtes organisées par l'admi-
nistration en cette circpnstance. Elle se
contente aujourd'hui de souhaiter que
la France ait plus que le prince royal à
se louer de cette alliance.
LE DINER DU CONSEIL GÉNÉRAL
Quels dîners, guels dîners,
Les ministres m'ont donaésl 3.
chantait jadis un refrain populaire de
Béranger.
En ce moment, ce ne sont pas les mi-
nistres, un peu décatis d'ailleurs, qui
donnent des repas somptueux; c'est le
tour des préfets, en proie aux quatre-
vingt six conseils généraux de France.
Le dîner du .conseil général est une
habitude, une tradition, presque un
dogme. Le mois d'août venu, et avec lui
la grande session des assemblées dépar-
tementales, le premier magistrat du dé-
partement doit se préoccuper de réunir
à sa table les honorables conseillers
chargés de contrôler son administration.
•C'est ennuyeux, abusif, inutile, mais iné-
vitable. Encore si c'était gratuit en
même temps qu'obligatoire î
Il y a en France 86 conseils, composés
de 30 à 35 membres chacun en moyenne.
C'est donc environ 3,000 personnes que.
les pauvres préfets sont tenus de traiter
aux truffes et au vin de Champagne,
;avec toutes sortes de raffinements culi-
naires et d'attentions délicates.
A vingt ou vingt-cinq francs par tête,
c'est un billet rond de mille francs au
minimum que chaquepréfet doit enfouir
Feuilleton On FIGARO du 5i Août 1875
T~~T~. • 38~"
̃̃̃ '̃ .'̃ ̃̃ la .;̃ .'•
CHASSE AUX FANTOMES
DEUXIÈME PARTIE
LA R.EVAIWCHE JOE M^LVEN
ni
.Y I
̃» Bnite. ̃̃ •̃̃̃•
Cet entrefilet disait:
« Un de nos plus riches financiers,
l'honorable Robert Dachet, de la mai-
son J. Starke, Robert Dachet et C°, vient
d'être frappé dans ses plus chères affec-
sions. Sa jeune fémme, une merveille
de beauté, de grâce et de perfections
morales, qu'il aimait éperduement, a
péri de la façon la plus dramatique dans
une excursion qu'elle faisait avec son
mari au pic des trois Ellions/ Entraînée
dans un précipice par une chute que son
mari n'a pu conjurer, Mme Robert Da-
chet a trouvé une mort effroyable au
fond de l'abîme. Ce qu'il y a de plus
douloureux, c'est que, malgré toutes les
recherches, son cadavre n a pu être re-
trouvé. On craint pour la raison du cé-
lèbre banquier. »
Dachet trouva chez lui, à Paris, une
masse de lettres de condoléances et les
cartes de tous ses amis. La comtesse
Svitzer, elle-même, vint en pleurant se
jeter dans ses bras. Dachet la reçut très
froidement. Qu'avait-il besoin désormais
de cette vieille folle l
Il resta enfermé dans son hôtel pen-
dant tout le temps que son tailleur mit
à lui faire des habits de deuil, puis il
reparut à sa maison de commerce, à la
Bourse et reprit sa vie ordinaire.
Mina était déjà oubliée 1
C'est à ce moment que Pierre Melven
et Prosper de Prévodal, venant d'Alle.
magne, arrivèrent à Paris.
Reproduction autorisée pour les journaux qui
ont traité avec la société des Gens de lettres.
en primeurs, vins étrangers, sauces ex-
ceptionnelles,~fieurs, cigares, tout ce qui
peut amadouer et séduire ses hôtes.
Le dîner du conseil, c'est comme le
gâteau jeté dans la gueule du Cerbère
mythologique, aveceette différence que,
la plupart du temps,, Cerbère.saprès avoir
mangé très tranquillement le gâteau
préfectoral, mord le lendemain sans au.
cun scrupule la main qui l'a rassàssié la
veille 1 »
C'est toute une affaire que l'agence-
ment de ce fameux dîner, et il y a des
fonctionnaires, ceux des petites préfec-
tures sans ressource, qui en ont la fièvre
un mois à l'avance. Depuis le jour né-
faste où je ne sais plus quel préfet du
Midi fit venir de chez Chevet un dîner
•font complet qui traversa .par erreur
la gare où-on l'attendait avec. angoisse
pour continuer sa Toute "sur Toulouse et
ne revenir que le lendemain dans un
état navrant, on n'ose plus risquer une
combinaison aussi hasardée, et on se
résigne à utiliser le maître-queux de
l'endroit, dont on blesserait d'ailleurs
l'orgueil en ayant l'air de dédaigner sa
collaboration. On appelle donc l'artiste
du Lion-d'Or ou le enef'du Cheval-Blanc,
sans se dissimuler le- péril d'une pa-
reille entreprise.
̃Car c'est par des dîners qu'on gouverne
les hommes.
Et si le premier service est manquéj
une sauce tournée, les vins frelatés,
adieu le prestige du premier magistrat,
•et nul n'oserait dire quelles censé-'
quences administratives peuvent s'en-
suivre!
La composition du menu -est, à elle
seule, une œuvre très laborieuse, car,
par une rencontre bizarre qui semble
une malice du Destin, les dîners de con-
seils généraux ont toujours lieu quel-
ques jours avant l'ouverture de la chasse,
de sorte que la pauvre table préfectorale
est condamnée à se priver de gibier. Le
lendemain, ou la semaine d'après, 'tout
le monde en mange, mais l'infortuné
préfet doit subir le supplice de Tantale,
voir des perdreaux et des lièvres dans
les champs qui l'entourent et ne pas en
servir à ses invités! 1
On comprend pourquoi la chasse
n'est jamais ouverte qu'après la session
du conseil général, la plupart des mem-
bres du conseil tenant beaucoup à fêter
le premier jour de Saint-Hubert. On a
même vu, à cet égard, des préfets re-
tors avancer la date de l'ouverture de la
chasse dans leur département afin d'é-
courter la session du conseil. Le procédé
est infaillible si l'ouverture a'a lieu
qu'au commencement de septembre, le
préfet a toute chance d'être travaillé,
chicané, tarabiscoté pendant deux à trois
semaines; si, au- contraire, la fameuse
ouverture est fixée vers le 25 ou le 26
août, on est sûr, archi-sûr, comme dirait
M. Gagne, que la session du conseil sera
abrégée d'autant et religieusement clô-
turée la veille. Il est,sans exemple qu'un
•conseil -général aitpoussé l'héroïsme jus--
qu'à délibérer sur le service hydraulique
ou la petite vicinalité pendant qu'on
abattait des perdreaux autour de lui.
Mais la conséquence lamentable d'une
situation pareille, c'est que le préfet se
trouve toujours dans l'obligation de don-
ner son fatidique repas avant le gibier 1
A côté de lui, tout le monde savoure du
gibier de contrebande, d'autant meilleur
qu'il est plus défendu. Seul le premier
magistrat, qui doit donner l'exemple du
respect de la loi et de ses propres arrê-
tés, est réduit aux épais volatiles de la
basse-cour et à la prosaïque boucherie
du chel-lieu
Après tous ces soucis vient celui de
placer les convives à table, grosse af-
faire qui exige un tact et un art des
nuances consommés. Qui se verra pré-
senter les meilleurs morceaux aux pre-
miers rangs ? qui n'aura que les pilons
et les résidus aux derniers? Ce n'est pas
là comme dans l'Evangile, où l'on aime
à s'asseoir au bout de la table et à s'a-
baisser, et si le préfet se trompe dans
son classement délicat, gare aux froisse-
ments et aux rancunes!
Enfin arrive le toast, dernière épine
cachée sous les fleurs et à laquelle il faut
éviter de se piquer les doigts. Sera-t-il
politique ou insignifiant et
Nu comme le discours d'un académicien ?
S'il reste terne et nul, que dira le chef
de l'Etat, qu'on n'aura pas appelé Bayard
̃. rv ̃-̃̃' •̃ • ̃̃
Molven avait lu le fait-divers que nous
avons relaté plus haut sa rédaction,
l'affectation que l'on mettait à présenter
Mina Svitzer comme une épouse si ten-
drement aimée que sa perte faisait
craindre pour la raison de son mari,
donnèrent beaucoup à penser â Melven.
Il savait à quoi s'en tenir sur cette pré-
tendue affection et n'eut point de peine
à deviner que Dachet devait être le ré-
dacteur de la note publiée. Ses relations
dans le journalisme parisien, lui per-
mirent de s'assurer que ce fait-.divers
venait en droite ligne, d'une entreprise
de publicité, et qu'il avait été envoyé
tout composé aux journaux, lesquels l'a-
vaient inséré au prix ordinaire de neuf
francs la ligne.
La seule chose qui restait incompré-
hensible pour Melven, c'était le but -de
Robert Dachet en se faisant cette ..ré-
clame au sentiment.
Certes, si prévenu qu'il fût contre
Dachet, il était loin de soupçonner la
vérité.
J'éclaircirai cela plus tard, se dit-
il la chose pressante en ce moment est
de guérir mon ami Prévodal d'une tris-
tesse qui pourrait devenir dangereuse
et il y a quelque part en Bretagne une
jeune fille qui, si je ne me trompe, me
sera un excellent auxiliaire.
Un matin il dit à Prosper
Nous partons demain pour la Bre-
tagne! r
M. de Prévodal bondit de surprise.
Pour la Bretagne fit-il.
Mais oui. Qu'est-ce que vous trou-
vez d'extraordinaire à cela.. N'avez-vous
pas promis à Mlle Elise Desprez, si vous
reveniez vivant d'Allemagne, d'aller lui
faire une visite?
Si, mais.
Mais nous avons besoin de la voir
pour agir avec efficacité contre Dachet;
elle seule peut nous donner les rensei-
gnements indispensables, et je -ne vois
pas, sans cette démarche, le moyen de
lui faire rendre justice.
Ne pourriez-vous lui écrire? de-
manda Prosper.
Décidément, ce garçon-là est amou-
reux d'Elise, pensa Melven. Je ne me
suis pas trompé; et comme tous les
hommes vraiment amoureux, il est ti-
mide Faites votre valise, Prevodal,
dit-il en s'adressant à son ami, nous
1 partons ce soir. Oh! pour huit jours
et dont aura oublié « l'illustre épée » ?
S'il aborde, même avec prudence, le tec^
rain brûlant, n'y a-t-il pas à craindre da
provoquer les grognements et peut-êti#
un coup de boutoir des orateurs de l'op*
position ? 7
Cruelle alternative, qui justice une
fois de plus le vers oonnu
Devine si tu peux, et choisis si tuTosesf
H y a des départements où les radio
caux,décident, par dignité, qu'ils s'abs«^
tiendront de paraître au banquet préfec-
toral. C'est le préfet qui jubile dans ces
localités fortunées! Cinq; cents francs'
d'économie, pas de turlumnades, et rien
que des gens bien élevés à sa table 1
C'est l'idéal, mais c'est malheureusement
rare
En résumé, à quoi sert le dîner du con-
seil général? Personne n'a pu le décou-
vrir encore c'est une charge pour le
préfet, un embarras et un ennui pourses
hôtes, le plus souvent une difficulté po-
litique bien plutôt qu'une cause d'em-
brassement et de pacification. Mais, c'est
l'habitude, la tradition, et on en subit le
joug en maugréant.
0 sainte .routine, quand cesseras-tu de
gouverner la France 1
TÉIÉGRÀMMES & CORRESPONDANCES
̃: ''•'?,'̃' -"̃• <-̃̃̃-̃
Nice{ 29 août. Vous vous rappe-
lez qu'au mois de février 1864, un napolitain
nommé Raphael Trabuco fut condamné à la
déportation, par la Cour d'assises de la Seine,
pour attentat contre la vie de Napoléon III.
Trabuco fut gracié, et, depuis lors, ce Napo-
litain s'est fait expulser deux fois de France.
Dans ces'derniers temps, il ne vivait que
d'escroqueries. Hier, il comparaissait encore
devant le tribunal de Nice, voici pour quelles
raisons. Le citoyen Cernuschi, qui a été
directeur du Siècle, pendant le Siège et la
Commune, avait accueilli Trabuco, dans sa
somptueuse villa de Menton. L'hospitalité
devint à charge au citoyen Cerauschi, mais
Trabuco lui déclara nettement qu'il ne s'en
irait de chez lui, qu'après avoir reçu de l'ar-
gent. Cernuschi déposa une plainte au Par-
quet.
Trabuco a été condamné à deux mois de
prison.
Reims, 30 août, 10 h. matin. Un
incendie très considérable a mis en émoi la
population rémoise, à cinq heures, ce matin.
Le feu a pris dans l'usine de M. Aug. Wal-
boum et Ce et en a consumé une partie im-
portante. On a pu cependant sauvegarder les
ateliers de peignago des laines, mais au prix
des plus grands efforts. L'incendie a pris
naissancé, à ce qu'il -paraît, dans un bureau
qui se trouvait au milieu de la filature. Les
pertes, couvertes par des assurances, s'élè-
vent à 300,000 francs.
Toulouse, 29 août. M. Turley, l'un
des délégués du comité anglais pour la dis-
tribution des souscriptions aux inondés du
Midi, est en train d'allouer les secours prove-
nant du Mansion-House. Il agit do concert
avec les comités départementaux qui lui four-
nissent des renseignements.
Il arrivera d'ici à. deux ou trois jours,
à Bordeaux un navire chargé de lits, matelas,
couvertures,- draps et pièces de flanelle, le
tout acheté en Angleterre à bas prix, et qui
sera transporté gratuitement par la compa-
gnie du Midi.
Le second envoyé, le capitaine Rennick,
n'est pas encore arrivé, mais M. Pittmann y
aussi délégué du Mansion-House, est arrive
dans notre ville pour activer la répartition.
J'apprends que le montant des souscrip-
tions de Londres s'élève à près de 700,000 if.
Il ne faut pas oublier que les villes de Bir-
mingham et Manchester, agissant de leur
côté, ont envoyé un délégué qui a plus de
200,000 fr. à donner. Je veux parler de M.
James Long, représentant de la Société des
Amis qui a déjà rendu de grands services en
France après la guerre, à l'époque où MM.
Pittmann et Turley apportaient aux agricul-
teurs des environs de Paris, les semences
futures de leurs champs, dévastés par les
Prussiens pendant la guerre.
}Belle-Ile, 28 août. 200 savants
sur la paillé. -Nous jouissons., depuis quel-
que temps d'une température exceptionnelle.
Aussi, de nombreux étrangers, touristes,
baigneurs, professeurs et élèves en vacances,
sont venus, et viennent journellement visiter
notre île, la seule qui puisse offrir le con-
traste d'une mer sauvage et du mouvement
féerique de cinq ou six cents'bateaux, se li-
vrant dans la baie, à la pêche de la sardine.
Les membres de l'Association française pour
l'avancement des sciences dont le congrès a
eu lieu à Nantes, ces jours-ci, n'ont pas ou-
blié Belle-Ile en mer, dans leur excursion
seulement. Il y a bien, je suppose, non
loin de votre manoir quelque auberge
passable où nous prendrons gîte ?
Nous descendrons chez mon no-
taire, puisque vous tenez à faire ce
voyage.
Soit J'aime assez la maison des
notaires de campagne, habituellement
les caves y sont bien garnies et la cui-
sine y est excellente. r
Ils arrivèrent à Pont-Croix, chez l'hon-
nête M. Kergrist qui fut enchanté de re-
voir son ancien client; il fit à Prosper
de Prévodal et à Melven l'accueil le plus
chaleureux.
C'est aujourd'hui fête dans mon
logis, s'écria-t-il, puisque j'y reçois l'hé-
ritier de Prévodal. J'espère, messieurs,
ajouta-t-il en s'adressant aux deux per-
sonnages, que vous voudrez bien acce
ter l'hospitalité dans ma maison. Certf^
elle n'est ni belle ni spacieuse comme le
château, mais elle est entièrement à vo-
tre service, et vous rendrez Mme Ker-
grist et moi très heureux en y prenant
gîte.
Je vous remercie, mon cher no.
taire, dit M. de Prévodal.
Et nous acceptons de grand cœur,
monsieur, ajouta Melven, vous allez au
devant de notre désir, car la présence
de deux hommes au château eût sans
doute été gênante pour la jeune châte-
laine. Permettez-moi d'ajouter, pour ce
qui me concerne, que je vous remercie
de votre accueil cordial, et que je suis
très heureux de faire la connaissance
d'un galant homme tel que vous.
M. Kergrist fut charmé de la rondeur
de Melven.
Allons, dit-il, je vois avec plaisir
que les Parisiens n'ont rien perdu de
leur politesse et de leurs qualités aima-
bles.
On manda Mme Kergrist qui était au
jardin.
Elle s'empressa d'accourir.
C'était une grosse maman encore très
avenante. Elle trouva que Prosper de
Prévodal avait beaucoup gagné physi-
quement durant son absence. Melven
lui fit un beau compliment qu'elle resut
en femme qui n'était point une sotte, et
elle.disparut pour aller prendre )a haute
direction des fourneaux.
Ayez patience une demi-heure,
messieurs, dit-elle, et excusez moi; je
vais surveiller le déjeuner.
A table, la conversation vint tout na-
turellement sur Elise Desprez.
scientifique en Bretagne. Deux vapeurs ont
été mis à leur disposition l'Eumènider, aviso
de l'Etat, et le Bellilois. Ces deux vaisseaux
les ont transportés de Loçient à Belle-Ile et
leur «ni fait visiter le Morbihan (en breto©
Mor, mer et bihan, petite), réunion de petits j
îlots, aussi nombreux, dit-on, que les jours
de l'année et sur lesquels on {trouve de nom-
breuses traces celtiques.
Vannes, Auray, Quifeerôa, Port-Navalo^,
Saint-Gildas qui possède encore l'abbaye pu
Abeilards-vint se consoler d'avoir perdu
Hêloîse, Carnac et ses ménhirs, Locmaria-
quer et ses dolmens figuraient sur l'itiné-
,raire des savants réunis à Nantes. Or ils ne
•s'étaient -préoccupés ni du gîte ni du couvert.
Il y a peu d'hotels dans toutes ces localités
peu visitées. Il n'y a que des savants pour
ignorer cela. Ces messieurs ont dû se conten-
ter de sardines pour leur dîner et de paille
fraîche étendue dans des salles de casernes
actuellement inoccupées.
Amiens, 27 août. Les chasseurs du
canton de Conty viennent de prendre des me-
sures énergiques pour la répression du bra-
connage dans leur contrée. Ils ont organisé
des patrouilles de nuit pour empêcher surtout
le traînage des drapsde morts', espèce de traî-
nasse dans laquelle des compagnies entières
de perdreaux se. font prendre.
Cette résolution, outre les fatigues qu'elle
causera; n'est pas exempte d'un certain péril,
les braconniers ayant toujours en réserve
quelques balles de calibre qu'ils destinent
aux gendarmes ou aux garde-chasse qui se
montrent trop indiscrets envers eux.
«~ AvrGKON, 27 août. La Cour d'ap-
pel de Nîmes est saisie en ce moment, d'une
affaire qui a fait assez de bruit ici et dont vous
avez dit un mot en son temps.
Le docteur Guillabert, conseiller général
radical pour le canton de Bédarride-s, se ren-
dant à Lille-sous-Sorgues, où il devait faire
partie du conseil de révision, rencontra à la
gare, M. Doncieux, préfet de Vaucluse, en
uniforme, qui allait présider ledit conseil. Le
docteur passa devant le préfet sans le saluer.
Celui-ci manifesta son froissement en termes
assez vifs et, devant les personnes qui l'entou-
raient, employa même le mot de « grossier
personnage », Le propos fut rapporté au doc-
deur Guillabert qui ne trouva rien de mieux,
pour s'en défendre, que d'écrire au préfet une
lettre injurieuse que le destinataire remit au
parquet. Guillabert l'ayant appris, écrivit
alors au préfet une lettre plus que respec-
tueuse dans laquelle il lui offrait, s'il consen-
tait à retirer le mot cité plus haut, de lui faire
par écrit les excuses qu'il lui dicterait lui-
même. Le préfet ne retira rien,, ni le mot, ni
la plainte. Le docteur Guillabert a été con-
damné en première instance à trois mois de
prison, ce qui ne l'a pas empêché de siéger
dans la session actuelle du conseil général.
Nîmes, 29 août. La Cour, statuant
sur l'appel interjeté par le docteur Guilla-
bert, a réduit l'emprisonnement à quarante
jours et a condamne le, prévenu aux frais en-
vers l'Etat.
Périgueux, 28 août. De nombreux
ouvriers sont occupés à transformer notre
palais de justice en une immense serre, pour
une vente publique au profit de l'oeuvre de
saint Joseph qui a récemment vidé ses cais-
ses dans celles des inondés. Parmi les
'dames patronnesses, se trouvent Mmes la
,baronne de Bastard, Alfred Magne, en villé-
giature dans son beau chateau de Trélissac,
̃près Périgueux de Rouffignac Mlle d'Abzac;
Mmes de Ladouze,. du Pavillon. La recette
sera fort belle.
Genève, 29 août. Le Figaro n'a
pas annoncé qu'il y a huit jours Henri Roche-
fort et sa fillo, faisant une promenade en
barque sur le lac Léman, à Rolle, sont tombés
à l'eau, le bateau ayant chaviré par suite d'un
'faux mouvement de la jeune fille. Sans les
prompts secours de quelques personnes, l'au-
teur de la Lanterne et sa fille se noyaient.
VIENNE, 30 août. L'empereur d'Au-
triche ouvre aujourd'hui en personne la
Diéte hongroise à Pesth mais il sera de re-
tour dès demain soir au camp de manœuvres
de Bruck avec l'archiduc Rodolphe, son fils,,
aujourd'hui dans sa dix-huitième année.
Londres, 30 août. Le train express
d'Ecosse s'est rencontré, samedi soir, avec un
train de plaisir àKildwick, près de Bradford,
Il y a. eu cinq voyageurs tues et beaucoup de
blessés, dont plusieurs-mortellement.
FLORENCE, 30 août. La flazione
publie des nouvelles de Caprera, d'après les-
quelles la santé de Garibaldi est notablement
altérée à la suite de travaux fatigants.
~L.,
Auguste Marcade.
Notos rappelons à nos lecteurs que le prix
d'abonnement au Figaro est, pour les dé-
partements, de 18 francs pour trois mois^
36 fr. pour six mois, et 72 fr. 'pour un an.
L'excellent notaire et Mme Kergrist
en firent le plus pompeux éloge.
Elle seule, dit le notaire, pouvait
remplacer Mme la comtesse, je ne dis
pas la faire oublier, car on n'oublie pas
une personne comme Mme de Prévodal.
at belle, et bonne, et modeste, et
pieuse, et charitable 1 s'écriait Mme Ker-
grist.
Et savante! ajoutait le notaire. Elle
a toutes les qualités et point de défauts 1
Nous.travaillons tous les deux, mon cher
client, à vous reconstituer une fortune.
Avec les trente mille francs que je vous
devais, j'ai racheté des terres voisines
du château, et, grâce à l'économie, à
l'ordre, à la surveillance que Mlle Elise
apporte dans la gestion de la maison,
grâce aussi au dévouement de Nick, qui
s'est fait simple cultivateur après avoir
été intendant, vous ne serez pas le plus
pauvre du canton.
Prosper écoutait et ne disait mot.
Pierre Melven regardait son ami du
coin de l'œil.
Il y a longtemps que j'ai dit ce que
je pensais de Mlle Elise Desprez, observa
le journaliste, et mon ami Prévodal doit
s'en' souvenir c'est une perle inesti-
mable, absolument comme M. Kergrist
est le plus honnête notaire de France.
Quant à la fortune de M. le comte de
Prévodal, mon cher monsieur Kergrist,
vous ne serez point avec Mlle Elise les
seuls à y travailler. J'espère vous don-
ner un fameux coup demain; seulement
il faut de la patience et de la discrétion.
Etes-vôus toujours en relation d'affaires
avec les successeurs de la maison de
banque Mittermann, J. Starke et Ce ?
Pas depuis la liquidation de l'an-
cienne maison, répondit M. Kergrist un
peu surpris de cette question. Pourquoi
me demandez-vous cela monsieur
Melven?
Parce que je vous aurais prié, dans
ce cas, de ne jamais parler ni de M. le
comte de Prévodal ni de moi dans* vos
lettres à MM. J. Starke, Robert Dachet
et Cie.
Ôh dit Mt Kergrist, bien que je ne
devine pas votre pensée, je m'en serais
bien gardé! l
Le déjeuner était achevé. i.
-Maintenant, proposa Melven, allons
rendre visite à la belle des belles, à la
merveille du château de Prévodal.
Voulez-vous que je vous fasse an-
noneer par un de mes domestiques ? de-
manda le notaire. i
PÂB1S AU JOmîiE JOUR
M. Naquet continua à être. le héros du
moment Wnionde Vaucluse a tracé une
esquise amusante et d'ailleurs tout à fait
vraisemblable du voyage du chef des
Vauclusiens à Arles. Il était accompagné
de son secrétaire, M. Joseph Pollio, ré-
cemment sorti de prison pour délit de
presse. e..
La Place des'Hommes a été, un moment,
mise en émoi par l'arrivée de ce personnage,
un vrai Esope en miniature, descendu à l'hô-
tel du Nord, comme un pacha, muni de
malles et de mallettes, ce qui fait augurer un
;long voyage.
Bientot, les puritains de la démocratie sont
accourus pour fêter l'arrivée de cet ardent
champion des nouvelles couches sociales.
De nombreuses accolades fraternelles et de
vigoureuses poignées de mains ont été échan-
gées, de part et d'autre, et on s'est retiré.
Après un festin de Lucullus, pris engnie de son. jeune secrétaire, le citoyen Na-
quet s'est affublé d'une jaquette usée jusqu'à
la corde et s'est coiffé d'un grand chapeau de
paille.
Ainsi démocratisé, il est allé au cercle des
Phocéens, foyer incandescent de la déma-
gogie. Divers toasts y ont été portés; mais le
citoyen Naquet, fatigué de son voyage, s'est
borné à un entretien familier, pendant lequel
des rires fous ont éclaté, la vue de la con-
formation assez grotesque du député intran-
sigeant, assez spirituel, il faut en convenir.
Dimanche soir, une réunion privée a ou lieu
dans un local dit la Renaissance, sur l'invita-
tion très gracieuse du citoyen Carnpîche, coif-
feur, un démocrate de la plus belle eau.
Le député Naquet a péroré assez longtemps
devant un auditoire fort peu nombreux, qui
a sué à grosses gouttes. •
Le Journal des Débats a trouvé,- dans le
dédain visible des gambettistes pour M.
Naquet, une preuve de sa mince impor-
tance.
Le calme de la République française, jour-
nal de M. Gambetta, irrite surtout M. Naquet.
M. Naquet veut qu'on lui réponde, veut qu'on
le discute, veut qu'on se fâche contre lui, et
lui-même se fâche et il menace. Il a, « dans
ses tiroirs des papiers qui se. rapportent à
l'élection de M. Ledru-Rollin et qui sont très
compromettants pour la République il n'a,
dit-il, «,aucune intention » de les en retirer,
pourtant il s'y apprête. Car, enfin, il est dur
d'obtenir si peu d'attention de la République
française lorsqu'on soulève à Arles tant d'en-
thousiasme Nous verrons peut-être ces pa-
piers que nous découvriront-ils? Que les
chefs du parti.radical n'ont jamais su résister
aux violents qui les suivent et qui .les pous-
sent. Nous le savons depuis longtemps. Nous
n'avons pas oublié l'élection de M. Ledru-
Rollin, nous nous rappelons celle de M. Ba-
rodet deux fautes arrachées à la faiblesse
des radicaux. Nous concluerons de ces sou-
venirs que si M. Naquet avait un semblant de
parti, s il était fort, même en apparence, s'il
y avait intérêt à traiter avec lui, la République
française, hélas! ne manquerait pas de le
ménager. La sécurité dédaigneuse de notre
confrère assure la nôtre, et nous ne saurions
que nous apitoyer sur les infortunes du chi-
miste persécute.
D'après le Petit Marseillais, M. Gam-
betta ne se déciderait à répondre direc-
te ment aux intransigeants que si M. Louis
Blanc ou M. Madier de Montjau pre-
naient la parole.
Dans le cas où ces messieurs ne parleraient
pas, je crois que M. Gambetta dédaignera de
relever les propos de M. Naquet et pronon-
cera quelque part, dans une réunion privée,
un grand discours-manifeste dans lequel il
exposera son programme, mais sans faire la
moindre allusion -au discours d'Arles, auquel
il estime qu'il ne faut pas faire tant d'hon-
neur.
D'autre part, le Petit Girondin feint une
indignation extrême contre les républi-
cains qui, plutôt que d'approuver M. Na-
quet, se jettent dans les bras des réac-
tionnaires. Ils vont, dans leur indigna-
tion, jusqu'à accuser M. Gambetta d'être
aussi timide que. Robespierre.
Ce qu'ils font aujourd'hui, Robespierre le
fit un jour pour le catholicisme. Ce grand ré-
volutionnaire était sur ce chapitre d'une ti-
midité extrême. Il maintint l'esprit de rou-
tine des les pages de la Révolution. Il n'osa
briser les idoles des religions. Renversant le
catholicisme, il refit de nouvelles croyances
officielles. Il renouvela les pompes du culte.
Il déifia la Raison. Détrônant Dieu, il en fit
un autre. Nous n'approuvons rien, nous con-
statons.
Aujourd'hui n'en est-il point do même?
Quand on voit M. Gambetta approuver l'ex-
Gardez- vous" en bien, mon cher M.
Kergrist; il y a, entre vrais amis, des
joies qu'il nefautpas déflorer. Mais vous
venez avec nous, je suppose?
Point, répliqua le notaire en sou-
riant. Ce que vous venez de me dire me
prouve que je serais un tiers génant au
milieu des effusions de l'amitié et des
joies du retour. Je vais taire atteler, et
M. le comte de Prévodal conduira; vous
pouvez vous fier à lui.
Oh 1 je n'ai nulle crainte, M. le no-
taire !•
Les deux amis quittèrent 'Pont-Croix à
deux heures, dans la voiture de M. Ker.
grist.
Prosper, très gai et très loquace au
moment du départ et pendant la pre-
mière demi'heure de route, devenait de
plus en plus taciturne, réservé et même
inquiet' à mesure qu'on approchait du
château.
Si le véritable amour produit sur
tous les hommes de pareils résultats,
murmurait Melven, Dieu me préserve
d'être jamais atteint de cette maladie
Quand ils arrivèrent sur la côte, en
vue du château, qui semblait émerger
des eaux au milieu de vapeurs transpa-
rentes, Prosper fut pris d'une telle émo-
tion que les rênes du cheval tremblaient
dans sa main. Melven s'en empara aus-
sitôt.
Enfant! dit-il.
Et activant le cheval de la voix et du
fouet, il fit prendre à l'animal une al-
lure rapide comme il convient à des gens
pressés d'arriver.
Diable! 1 fit-i lorsqu'il fut tout près
du château; mais c'est un vrai manoir
seigneurial que vous possédez-là, mon
cher comte, et dans un site, comme il
n'en est pas deux en France Je com-
prends votre émotion. Si Dieu me dotait
d'une pareille demeure, je me garderais
bien d'aller courir le monde I
Il prit par la grande avenue qui con-
duisait à l'entrée d'honneur.
Pas par là, dit Prévodal. Prenez le
sentier à gauche, nous entrerons par la
petite cour.
Du tout du tout! fit Melven. Il con-
vient que Prévodal rentrant dans le châ-
teau de ses pères, y rentre par la porte
jd'honneur.
Prosper se jeta au fond de la voiture.
La grille du château était ouverte
une vraie grille du temps où les serru-
riers étaient des artistes et la voiture
roula dans la cour.
Cellence d'un go.uvern«8ent qui ressemble à
la monarchie, quand des républicains s' ofesti-
nent à aller vers la droite et à espérer quand
même en la liberté, alors que !& liberté est
flagellée et immolée par i.es gouvernants, il
ne faut point connaître beaucoup d'histoire
pour prédire la résurrection des choses que
l'on croyait englouties.
Le Petit Girondinm fait d'ailleurs au-
cune difficulté d'avouer que le parti ré-
publicain est divisé: 'e.
Oui, les républicains sont divisés, comme
ils le furent toujours, comme ils le seront
toujours tant que la démocratie ne sera pas
plus forte que la bourgeoisie, tant que l'esprit
populaire n'aura point écrasé par son in-
fluence, par son énergie, par son initiative
l'esprit bourgeois, l'esprit de caste, l'esprit
lexclusif. <
Que les républicains modérés viennent à
nous, nous n'avons point cette croyance "ni
cette fatuité; mais pourquoi eux l'auraient-ils?
Pourquoi se croient-ils en possession de la
vérité, de la droiture, de l'honneur et du pa-
triotisme ? Pourquoi ne les reconnaissent-ils
pas aussi bien chez nous.
Nous échouerons donc aux élections, nous
dit-on. Les républicains divisés seront plus
faibles que les monarchistes coalisés. Cela
se peut. Nous allons jusqu'au bout de nos
principes. Nous n'en redoutons point les con-
séquences. Mais les modérés, qui ne voudront
point encourir le péril qu'ils prévoient, n'au-
ront qu'à se rallier à nous.
Au fond, s'ils veulent la République avec
ses conséquences, comme ils le disent, pour-
quoi refuseraient-ils de s'associer aux radi-
caux, pourquoi repousseraient-ils leurs candi-
dats ?. Voter pour des radicaux, quoi de
plus effrayant pour eux que de voir des radi-
caux voter pour des monarchistes convertis?
C'est l'histoire de Barodet et de Rémusat, qui
se renouvellera dans tous les grands centres
où la démocratie sera aux prises avec la
bourgeoisie. On sait ce qu'il advint de Ré-
musat. Veut-on de nouveau 'tenter l'aven-
ture ? ';̃•̃
La Fraternité, journal de M. Marcou,
s'est, comme on pouvait le supposer, dé-
clarée en faveur de M. Naquet.
Enfin, le point culminant du discours de
l'honorable député de Vaucluse est celui qui
indique l'attitude que ses amis et lui comp-
tent prendre à la rentrée, qu'ils soiEnt ou non
suivis par les gauches.
Sur ce point encore, nous sommes absolu-
ment de 1 avis de M. Naquet, et nous ne sau-
rions trop les engager à y persévérer. Il im-
porte que les gauches adoptent dans cette
session, qui sera la dernière, il faut l'espérer,
une ligne de conduite plus virile et plus éner-
gique il faut qu'elles harcèlent sans cesse le
ministère, qu'elles livrent un dernier combat
au 24 mai, qu'îles réveillent l'opinion pu-
blique, qui, livrée à elle-même, s'est presque
complètement affaissée ou du moins endormie.
Nous ne retiendrons que ce point de
l'article de la Fraternité, le reste se com-
posant de banalités sans portée. L'opi-
nion publique est affaissée. Dans la
langue radicale, cela veut dire qu'elle
est tranquille, qu'elle répugne à toute
agitation. Qui oserait s'en plaindre,
sauf les radicaux?
»*» Voici, d'après l'Agence Havas, des
détails assez pittoresques sur la capitu-
lation de la'Seu d'Urgel. Les journaux
dévoués à la cause carliste se décident à
en parler, mais pour se lancer dans des
récriminations désobligeantes sur le
compte de M. le ducDecazes, qui a laissé
passer les fameux canons destinés au
sîége d'Urgel.
Les avis de la Seu d'Urgel constatent que
la garnison carliste dé la citadelle a défilé
hier matin devant les troupes Alphonsistes.
Lizzaraga, en uniforme de général, et l'évê-
que d'Urgel, en soutane rouge (n'aurait-elle
pas été plutôt violette, cette soutane ?), mar-
chaient en tête, et ont été reçus très courtoi-
sement par Jovellar et les autres généraux.
L'évêque a même donné sa bénédiction. La
garnison carliste était composée de quatre
compagnies régulières et de nombreux volon-
taires assez mal armés. Après le défilé, toutes
ces 'troupes ont été désarmées.
Le total des prisonniers dépasse 800, dont
100 officiers qui gardent leurs épées et leurs
chevaux.
On a pris dans la citadelle deux canons
Krupp, deux mortiers, une vingtaine de vieux
canons, peu de munitions mais une grande
quantité de provisions. La citadelle avait peu
souffert et la capitulation a eu lieu à peu près
uniquement faute d'eau potable et après quo
les assiégés eurent reçu un message de Dor-
regaray portant que Saballs et Castells
n'ayant pu faire leur jonction, il leur était
impossible de venir à leur secours.
La perte totale des carlistes pendant le
siége, a été de 40 morts et d'une centaine de
Deux grands chiens braques de cette
superbe face que les anciens veneurs
appelaient les chiens bleus, sortirent de
leur niche et abovèrent avec des éclats
de voix particuliërs. Il y avait plus de
joie que de colèr.e dans ces abois signi-
ficatifs. C'est que les excellentes bêtes,
si elles ne voyaient pas encore leur maî-
tre, devinaient sa présence.
Un domestique au chapeau à larges
bords tout enjolivé de chenille de di-
verses couleurs, s'approcha, tête nue, de
la voiture.
A ce moment, la fenêtre d'une salle
basse s'ouvrit, une charmante tête de
femme s'y montra, et un cri de joie re-
tentit dans la cour du château.
Pierre Melven jeta les brides du che-
val -au domestique et sauta de la voiture;
Prosper de Prévodal était déjà des-
cendu. Tous les deux arrivèrent au per-
ron, en même temps qu'une personne
qui arrivait du dedans.
Cette personne était Mlle Elise Des-
prez.
Le séjour qu'elle venait de faire à la
campagne, à î'airsapide de la mer. avait,
en colorant son teint, donné à sa beauté
une nouvelle et plus vive expression.
Certes, les mois qui s'étaient écoulés
n'avaient éteint ni ses regrets ni ses
douleurs, mais la vie active qu'elle me-
nait, le but qu'elle s'était imposé de re-
constituer une fortune au comte de Pré-
vodal, fatiguaient son corps et occupaient
son imagination. Le souvenir des êtres
qu'elle regrettait ne lui arrivait plus à la
pensée que comme des ombres allant
toujours en s'éloignant. Le temps ac-
complissait son œuvre, et la nature,
cette infatigable ouvrière, achevait de
parer la jeune fille de tous les charmes
qui font de la femme le chef-d'œuvre de
la création.
Elise Desprez était habillée de noir;
elle portait une robe légère en orléans,
une veste de velours ajustée à la taille,
et, sur la tête, une pointe de dentelle qui
faisait ressortir l'éclat de son teint et lui
donnait quelque chose d'une madone
espagnole.
Ce simple costume la parait mieux que
la plus riche toilette.
Prosper tressaillit en la voyant.-
Armand LAPOmra,
[la suite A demain.)
tionpaire -français, le chef de la police,
pénétrait, "avec des agents indigènes,
dans l'intérieur du palais et sommait, le
prince et ses convives de se séparer im-
médiatement, sous prétexte qu'ils se
livraient à de trop bruyants ébats, Le
prince ayant refusé de congédier ses
invités et, de plus .enjoint a.u chef de la
police de se retirer il fut arrêté et con-
duit à la caserne de gendarmerie, où il
passa la nuit.
A sa sortie de la chambre de sûreté le
fils de la reine a cité devant le tribunal
correctionnel le chef de la police pour
violation du domicile royal et détention
arbitraire. L'administration supérieure
a été impliquée dans l'affaire comme
civilement responsable.
Il est à peine nécessaire de dire que la
population indigène a vivement ressenti
la grave offense faite au prince-royal.;
Le protectorat de la France et l'occupa-
tion militaire qui en a été la consé-
quence n'ont pas sensiblement diminué,
à Taïtï, le prestige de i Poma-né. Elle est
encûre, à l'heure .qu'il est, le représen-
tant le plus respecté de l'autorité. Aussi;
son fils a-t-i] compris qu'il devait exiger
une satisfaction morale suffisante aux
yeux de la population sur laquelle il est
appelé à régner. Il demandé,' sous la
réserve desTéqnisitions que le parquet,
croira sans doute devoir prendre dans'
l'intérêt de la vindicte publique, la con- s
damnation du chef de la police à un;
franche dommages, ï'înseTtioa du juge-j
ment à' intervenir dans trois numéros du •
Journal ds Taïti, organe officiel de ^ad-
ministration française, et enfin la publi-
cation de ce jugement par la voix de
trois cents affiches placardées dans les
endroits les plus fréquentés de Papéitij
et des localités voisines. i
A Paris où l'on disserte volontiers de i
tout, on s'étonnera sans doute de la;
façon dont sont traités les princes à
Taïti mais on sera bien autrement sur-
pris, lorsqu'on ,saura que les autorités
françaises ont fait célébrer, en grande
ïJoinpe, il y a sept mois à peine, le ma-
riage du futur roi qu'elles enfermaient
hier au poste de- police comme un vul-
gairé malfaiteur.
C'est dans le courant de janvier 1875
que le fils de Pomaré a épousé une
jeûne Anglaise, belle-sœur de M. Bran-
der, l'un des plus opulents négociants de
Taïti. Ceux qui ont suivi de près les né-
gociations qui précédèrent le mariage,
assurent que cette union fut en quelque
sorte imposée au prince et qu'il était fa-
cile de prévoir qu'il ne tarderait pas à
chercher loin du foyer conjugal des plai-
sirs plus faciles. Quoi qu'il en soit et
sans insister là-dessus plus qu'il ne con-
vient, nous pouvons dire que la popula-
tion française et catholique n'a point
pris part aux fêtes organisées par l'admi-
nistration en cette circpnstance. Elle se
contente aujourd'hui de souhaiter que
la France ait plus que le prince royal à
se louer de cette alliance.
LE DINER DU CONSEIL GÉNÉRAL
Quels dîners, guels dîners,
Les ministres m'ont donaésl 3.
chantait jadis un refrain populaire de
Béranger.
En ce moment, ce ne sont pas les mi-
nistres, un peu décatis d'ailleurs, qui
donnent des repas somptueux; c'est le
tour des préfets, en proie aux quatre-
vingt six conseils généraux de France.
Le dîner du .conseil général est une
habitude, une tradition, presque un
dogme. Le mois d'août venu, et avec lui
la grande session des assemblées dépar-
tementales, le premier magistrat du dé-
partement doit se préoccuper de réunir
à sa table les honorables conseillers
chargés de contrôler son administration.
•C'est ennuyeux, abusif, inutile, mais iné-
vitable. Encore si c'était gratuit en
même temps qu'obligatoire î
Il y a en France 86 conseils, composés
de 30 à 35 membres chacun en moyenne.
C'est donc environ 3,000 personnes que.
les pauvres préfets sont tenus de traiter
aux truffes et au vin de Champagne,
;avec toutes sortes de raffinements culi-
naires et d'attentions délicates.
A vingt ou vingt-cinq francs par tête,
c'est un billet rond de mille francs au
minimum que chaquepréfet doit enfouir
Feuilleton On FIGARO du 5i Août 1875
T~~T~. • 38~"
̃̃̃ '̃ .'̃ ̃̃ la .;̃ .'•
CHASSE AUX FANTOMES
DEUXIÈME PARTIE
LA R.EVAIWCHE JOE M^LVEN
ni
.Y I
̃» Bnite. ̃̃ •̃̃̃•
Cet entrefilet disait:
« Un de nos plus riches financiers,
l'honorable Robert Dachet, de la mai-
son J. Starke, Robert Dachet et C°, vient
d'être frappé dans ses plus chères affec-
sions. Sa jeune fémme, une merveille
de beauté, de grâce et de perfections
morales, qu'il aimait éperduement, a
péri de la façon la plus dramatique dans
une excursion qu'elle faisait avec son
mari au pic des trois Ellions/ Entraînée
dans un précipice par une chute que son
mari n'a pu conjurer, Mme Robert Da-
chet a trouvé une mort effroyable au
fond de l'abîme. Ce qu'il y a de plus
douloureux, c'est que, malgré toutes les
recherches, son cadavre n a pu être re-
trouvé. On craint pour la raison du cé-
lèbre banquier. »
Dachet trouva chez lui, à Paris, une
masse de lettres de condoléances et les
cartes de tous ses amis. La comtesse
Svitzer, elle-même, vint en pleurant se
jeter dans ses bras. Dachet la reçut très
froidement. Qu'avait-il besoin désormais
de cette vieille folle l
Il resta enfermé dans son hôtel pen-
dant tout le temps que son tailleur mit
à lui faire des habits de deuil, puis il
reparut à sa maison de commerce, à la
Bourse et reprit sa vie ordinaire.
Mina était déjà oubliée 1
C'est à ce moment que Pierre Melven
et Prosper de Prévodal, venant d'Alle.
magne, arrivèrent à Paris.
Reproduction autorisée pour les journaux qui
ont traité avec la société des Gens de lettres.
en primeurs, vins étrangers, sauces ex-
ceptionnelles,~fieurs, cigares, tout ce qui
peut amadouer et séduire ses hôtes.
Le dîner du conseil, c'est comme le
gâteau jeté dans la gueule du Cerbère
mythologique, aveceette différence que,
la plupart du temps,, Cerbère.saprès avoir
mangé très tranquillement le gâteau
préfectoral, mord le lendemain sans au.
cun scrupule la main qui l'a rassàssié la
veille 1 »
C'est toute une affaire que l'agence-
ment de ce fameux dîner, et il y a des
fonctionnaires, ceux des petites préfec-
tures sans ressource, qui en ont la fièvre
un mois à l'avance. Depuis le jour né-
faste où je ne sais plus quel préfet du
Midi fit venir de chez Chevet un dîner
•font complet qui traversa .par erreur
la gare où-on l'attendait avec. angoisse
pour continuer sa Toute "sur Toulouse et
ne revenir que le lendemain dans un
état navrant, on n'ose plus risquer une
combinaison aussi hasardée, et on se
résigne à utiliser le maître-queux de
l'endroit, dont on blesserait d'ailleurs
l'orgueil en ayant l'air de dédaigner sa
collaboration. On appelle donc l'artiste
du Lion-d'Or ou le enef'du Cheval-Blanc,
sans se dissimuler le- péril d'une pa-
reille entreprise.
̃Car c'est par des dîners qu'on gouverne
les hommes.
Et si le premier service est manquéj
une sauce tournée, les vins frelatés,
adieu le prestige du premier magistrat,
•et nul n'oserait dire quelles censé-'
quences administratives peuvent s'en-
suivre!
La composition du menu -est, à elle
seule, une œuvre très laborieuse, car,
par une rencontre bizarre qui semble
une malice du Destin, les dîners de con-
seils généraux ont toujours lieu quel-
ques jours avant l'ouverture de la chasse,
de sorte que la pauvre table préfectorale
est condamnée à se priver de gibier. Le
lendemain, ou la semaine d'après, 'tout
le monde en mange, mais l'infortuné
préfet doit subir le supplice de Tantale,
voir des perdreaux et des lièvres dans
les champs qui l'entourent et ne pas en
servir à ses invités! 1
On comprend pourquoi la chasse
n'est jamais ouverte qu'après la session
du conseil général, la plupart des mem-
bres du conseil tenant beaucoup à fêter
le premier jour de Saint-Hubert. On a
même vu, à cet égard, des préfets re-
tors avancer la date de l'ouverture de la
chasse dans leur département afin d'é-
courter la session du conseil. Le procédé
est infaillible si l'ouverture a'a lieu
qu'au commencement de septembre, le
préfet a toute chance d'être travaillé,
chicané, tarabiscoté pendant deux à trois
semaines; si, au- contraire, la fameuse
ouverture est fixée vers le 25 ou le 26
août, on est sûr, archi-sûr, comme dirait
M. Gagne, que la session du conseil sera
abrégée d'autant et religieusement clô-
turée la veille. Il est,sans exemple qu'un
•conseil -général aitpoussé l'héroïsme jus--
qu'à délibérer sur le service hydraulique
ou la petite vicinalité pendant qu'on
abattait des perdreaux autour de lui.
Mais la conséquence lamentable d'une
situation pareille, c'est que le préfet se
trouve toujours dans l'obligation de don-
ner son fatidique repas avant le gibier 1
A côté de lui, tout le monde savoure du
gibier de contrebande, d'autant meilleur
qu'il est plus défendu. Seul le premier
magistrat, qui doit donner l'exemple du
respect de la loi et de ses propres arrê-
tés, est réduit aux épais volatiles de la
basse-cour et à la prosaïque boucherie
du chel-lieu
Après tous ces soucis vient celui de
placer les convives à table, grosse af-
faire qui exige un tact et un art des
nuances consommés. Qui se verra pré-
senter les meilleurs morceaux aux pre-
miers rangs ? qui n'aura que les pilons
et les résidus aux derniers? Ce n'est pas
là comme dans l'Evangile, où l'on aime
à s'asseoir au bout de la table et à s'a-
baisser, et si le préfet se trompe dans
son classement délicat, gare aux froisse-
ments et aux rancunes!
Enfin arrive le toast, dernière épine
cachée sous les fleurs et à laquelle il faut
éviter de se piquer les doigts. Sera-t-il
politique ou insignifiant et
Nu comme le discours d'un académicien ?
S'il reste terne et nul, que dira le chef
de l'Etat, qu'on n'aura pas appelé Bayard
̃. rv ̃-̃̃' •̃ • ̃̃
Molven avait lu le fait-divers que nous
avons relaté plus haut sa rédaction,
l'affectation que l'on mettait à présenter
Mina Svitzer comme une épouse si ten-
drement aimée que sa perte faisait
craindre pour la raison de son mari,
donnèrent beaucoup à penser â Melven.
Il savait à quoi s'en tenir sur cette pré-
tendue affection et n'eut point de peine
à deviner que Dachet devait être le ré-
dacteur de la note publiée. Ses relations
dans le journalisme parisien, lui per-
mirent de s'assurer que ce fait-.divers
venait en droite ligne, d'une entreprise
de publicité, et qu'il avait été envoyé
tout composé aux journaux, lesquels l'a-
vaient inséré au prix ordinaire de neuf
francs la ligne.
La seule chose qui restait incompré-
hensible pour Melven, c'était le but -de
Robert Dachet en se faisant cette ..ré-
clame au sentiment.
Certes, si prévenu qu'il fût contre
Dachet, il était loin de soupçonner la
vérité.
J'éclaircirai cela plus tard, se dit-
il la chose pressante en ce moment est
de guérir mon ami Prévodal d'une tris-
tesse qui pourrait devenir dangereuse
et il y a quelque part en Bretagne une
jeune fille qui, si je ne me trompe, me
sera un excellent auxiliaire.
Un matin il dit à Prosper
Nous partons demain pour la Bre-
tagne! r
M. de Prévodal bondit de surprise.
Pour la Bretagne fit-il.
Mais oui. Qu'est-ce que vous trou-
vez d'extraordinaire à cela.. N'avez-vous
pas promis à Mlle Elise Desprez, si vous
reveniez vivant d'Allemagne, d'aller lui
faire une visite?
Si, mais.
Mais nous avons besoin de la voir
pour agir avec efficacité contre Dachet;
elle seule peut nous donner les rensei-
gnements indispensables, et je -ne vois
pas, sans cette démarche, le moyen de
lui faire rendre justice.
Ne pourriez-vous lui écrire? de-
manda Prosper.
Décidément, ce garçon-là est amou-
reux d'Elise, pensa Melven. Je ne me
suis pas trompé; et comme tous les
hommes vraiment amoureux, il est ti-
mide Faites votre valise, Prevodal,
dit-il en s'adressant à son ami, nous
1 partons ce soir. Oh! pour huit jours
et dont aura oublié « l'illustre épée » ?
S'il aborde, même avec prudence, le tec^
rain brûlant, n'y a-t-il pas à craindre da
provoquer les grognements et peut-êti#
un coup de boutoir des orateurs de l'op*
position ? 7
Cruelle alternative, qui justice une
fois de plus le vers oonnu
Devine si tu peux, et choisis si tuTosesf
H y a des départements où les radio
caux,décident, par dignité, qu'ils s'abs«^
tiendront de paraître au banquet préfec-
toral. C'est le préfet qui jubile dans ces
localités fortunées! Cinq; cents francs'
d'économie, pas de turlumnades, et rien
que des gens bien élevés à sa table 1
C'est l'idéal, mais c'est malheureusement
rare
En résumé, à quoi sert le dîner du con-
seil général? Personne n'a pu le décou-
vrir encore c'est une charge pour le
préfet, un embarras et un ennui pourses
hôtes, le plus souvent une difficulté po-
litique bien plutôt qu'une cause d'em-
brassement et de pacification. Mais, c'est
l'habitude, la tradition, et on en subit le
joug en maugréant.
0 sainte .routine, quand cesseras-tu de
gouverner la France 1
TÉIÉGRÀMMES & CORRESPONDANCES
̃: ''•'?,'̃' -"̃• <-̃̃̃-̃
Nice{ 29 août. Vous vous rappe-
lez qu'au mois de février 1864, un napolitain
nommé Raphael Trabuco fut condamné à la
déportation, par la Cour d'assises de la Seine,
pour attentat contre la vie de Napoléon III.
Trabuco fut gracié, et, depuis lors, ce Napo-
litain s'est fait expulser deux fois de France.
Dans ces'derniers temps, il ne vivait que
d'escroqueries. Hier, il comparaissait encore
devant le tribunal de Nice, voici pour quelles
raisons. Le citoyen Cernuschi, qui a été
directeur du Siècle, pendant le Siège et la
Commune, avait accueilli Trabuco, dans sa
somptueuse villa de Menton. L'hospitalité
devint à charge au citoyen Cerauschi, mais
Trabuco lui déclara nettement qu'il ne s'en
irait de chez lui, qu'après avoir reçu de l'ar-
gent. Cernuschi déposa une plainte au Par-
quet.
Trabuco a été condamné à deux mois de
prison.
Reims, 30 août, 10 h. matin. Un
incendie très considérable a mis en émoi la
population rémoise, à cinq heures, ce matin.
Le feu a pris dans l'usine de M. Aug. Wal-
boum et Ce et en a consumé une partie im-
portante. On a pu cependant sauvegarder les
ateliers de peignago des laines, mais au prix
des plus grands efforts. L'incendie a pris
naissancé, à ce qu'il -paraît, dans un bureau
qui se trouvait au milieu de la filature. Les
pertes, couvertes par des assurances, s'élè-
vent à 300,000 francs.
Toulouse, 29 août. M. Turley, l'un
des délégués du comité anglais pour la dis-
tribution des souscriptions aux inondés du
Midi, est en train d'allouer les secours prove-
nant du Mansion-House. Il agit do concert
avec les comités départementaux qui lui four-
nissent des renseignements.
Il arrivera d'ici à. deux ou trois jours,
à Bordeaux un navire chargé de lits, matelas,
couvertures,- draps et pièces de flanelle, le
tout acheté en Angleterre à bas prix, et qui
sera transporté gratuitement par la compa-
gnie du Midi.
Le second envoyé, le capitaine Rennick,
n'est pas encore arrivé, mais M. Pittmann y
aussi délégué du Mansion-House, est arrive
dans notre ville pour activer la répartition.
J'apprends que le montant des souscrip-
tions de Londres s'élève à près de 700,000 if.
Il ne faut pas oublier que les villes de Bir-
mingham et Manchester, agissant de leur
côté, ont envoyé un délégué qui a plus de
200,000 fr. à donner. Je veux parler de M.
James Long, représentant de la Société des
Amis qui a déjà rendu de grands services en
France après la guerre, à l'époque où MM.
Pittmann et Turley apportaient aux agricul-
teurs des environs de Paris, les semences
futures de leurs champs, dévastés par les
Prussiens pendant la guerre.
}Belle-Ile, 28 août. 200 savants
sur la paillé. -Nous jouissons., depuis quel-
que temps d'une température exceptionnelle.
Aussi, de nombreux étrangers, touristes,
baigneurs, professeurs et élèves en vacances,
sont venus, et viennent journellement visiter
notre île, la seule qui puisse offrir le con-
traste d'une mer sauvage et du mouvement
féerique de cinq ou six cents'bateaux, se li-
vrant dans la baie, à la pêche de la sardine.
Les membres de l'Association française pour
l'avancement des sciences dont le congrès a
eu lieu à Nantes, ces jours-ci, n'ont pas ou-
blié Belle-Ile en mer, dans leur excursion
seulement. Il y a bien, je suppose, non
loin de votre manoir quelque auberge
passable où nous prendrons gîte ?
Nous descendrons chez mon no-
taire, puisque vous tenez à faire ce
voyage.
Soit J'aime assez la maison des
notaires de campagne, habituellement
les caves y sont bien garnies et la cui-
sine y est excellente. r
Ils arrivèrent à Pont-Croix, chez l'hon-
nête M. Kergrist qui fut enchanté de re-
voir son ancien client; il fit à Prosper
de Prévodal et à Melven l'accueil le plus
chaleureux.
C'est aujourd'hui fête dans mon
logis, s'écria-t-il, puisque j'y reçois l'hé-
ritier de Prévodal. J'espère, messieurs,
ajouta-t-il en s'adressant aux deux per-
sonnages, que vous voudrez bien acce
ter l'hospitalité dans ma maison. Certf^
elle n'est ni belle ni spacieuse comme le
château, mais elle est entièrement à vo-
tre service, et vous rendrez Mme Ker-
grist et moi très heureux en y prenant
gîte.
Je vous remercie, mon cher no.
taire, dit M. de Prévodal.
Et nous acceptons de grand cœur,
monsieur, ajouta Melven, vous allez au
devant de notre désir, car la présence
de deux hommes au château eût sans
doute été gênante pour la jeune châte-
laine. Permettez-moi d'ajouter, pour ce
qui me concerne, que je vous remercie
de votre accueil cordial, et que je suis
très heureux de faire la connaissance
d'un galant homme tel que vous.
M. Kergrist fut charmé de la rondeur
de Melven.
Allons, dit-il, je vois avec plaisir
que les Parisiens n'ont rien perdu de
leur politesse et de leurs qualités aima-
bles.
On manda Mme Kergrist qui était au
jardin.
Elle s'empressa d'accourir.
C'était une grosse maman encore très
avenante. Elle trouva que Prosper de
Prévodal avait beaucoup gagné physi-
quement durant son absence. Melven
lui fit un beau compliment qu'elle resut
en femme qui n'était point une sotte, et
elle.disparut pour aller prendre )a haute
direction des fourneaux.
Ayez patience une demi-heure,
messieurs, dit-elle, et excusez moi; je
vais surveiller le déjeuner.
A table, la conversation vint tout na-
turellement sur Elise Desprez.
scientifique en Bretagne. Deux vapeurs ont
été mis à leur disposition l'Eumènider, aviso
de l'Etat, et le Bellilois. Ces deux vaisseaux
les ont transportés de Loçient à Belle-Ile et
leur «ni fait visiter le Morbihan (en breto©
Mor, mer et bihan, petite), réunion de petits j
îlots, aussi nombreux, dit-on, que les jours
de l'année et sur lesquels on {trouve de nom-
breuses traces celtiques.
Vannes, Auray, Quifeerôa, Port-Navalo^,
Saint-Gildas qui possède encore l'abbaye pu
Abeilards-vint se consoler d'avoir perdu
Hêloîse, Carnac et ses ménhirs, Locmaria-
quer et ses dolmens figuraient sur l'itiné-
,raire des savants réunis à Nantes. Or ils ne
•s'étaient -préoccupés ni du gîte ni du couvert.
Il y a peu d'hotels dans toutes ces localités
peu visitées. Il n'y a que des savants pour
ignorer cela. Ces messieurs ont dû se conten-
ter de sardines pour leur dîner et de paille
fraîche étendue dans des salles de casernes
actuellement inoccupées.
Amiens, 27 août. Les chasseurs du
canton de Conty viennent de prendre des me-
sures énergiques pour la répression du bra-
connage dans leur contrée. Ils ont organisé
des patrouilles de nuit pour empêcher surtout
le traînage des drapsde morts', espèce de traî-
nasse dans laquelle des compagnies entières
de perdreaux se. font prendre.
Cette résolution, outre les fatigues qu'elle
causera; n'est pas exempte d'un certain péril,
les braconniers ayant toujours en réserve
quelques balles de calibre qu'ils destinent
aux gendarmes ou aux garde-chasse qui se
montrent trop indiscrets envers eux.
«~ AvrGKON, 27 août. La Cour d'ap-
pel de Nîmes est saisie en ce moment, d'une
affaire qui a fait assez de bruit ici et dont vous
avez dit un mot en son temps.
Le docteur Guillabert, conseiller général
radical pour le canton de Bédarride-s, se ren-
dant à Lille-sous-Sorgues, où il devait faire
partie du conseil de révision, rencontra à la
gare, M. Doncieux, préfet de Vaucluse, en
uniforme, qui allait présider ledit conseil. Le
docteur passa devant le préfet sans le saluer.
Celui-ci manifesta son froissement en termes
assez vifs et, devant les personnes qui l'entou-
raient, employa même le mot de « grossier
personnage », Le propos fut rapporté au doc-
deur Guillabert qui ne trouva rien de mieux,
pour s'en défendre, que d'écrire au préfet une
lettre injurieuse que le destinataire remit au
parquet. Guillabert l'ayant appris, écrivit
alors au préfet une lettre plus que respec-
tueuse dans laquelle il lui offrait, s'il consen-
tait à retirer le mot cité plus haut, de lui faire
par écrit les excuses qu'il lui dicterait lui-
même. Le préfet ne retira rien,, ni le mot, ni
la plainte. Le docteur Guillabert a été con-
damné en première instance à trois mois de
prison, ce qui ne l'a pas empêché de siéger
dans la session actuelle du conseil général.
Nîmes, 29 août. La Cour, statuant
sur l'appel interjeté par le docteur Guilla-
bert, a réduit l'emprisonnement à quarante
jours et a condamne le, prévenu aux frais en-
vers l'Etat.
Périgueux, 28 août. De nombreux
ouvriers sont occupés à transformer notre
palais de justice en une immense serre, pour
une vente publique au profit de l'oeuvre de
saint Joseph qui a récemment vidé ses cais-
ses dans celles des inondés. Parmi les
'dames patronnesses, se trouvent Mmes la
,baronne de Bastard, Alfred Magne, en villé-
giature dans son beau chateau de Trélissac,
̃près Périgueux de Rouffignac Mlle d'Abzac;
Mmes de Ladouze,. du Pavillon. La recette
sera fort belle.
Genève, 29 août. Le Figaro n'a
pas annoncé qu'il y a huit jours Henri Roche-
fort et sa fillo, faisant une promenade en
barque sur le lac Léman, à Rolle, sont tombés
à l'eau, le bateau ayant chaviré par suite d'un
'faux mouvement de la jeune fille. Sans les
prompts secours de quelques personnes, l'au-
teur de la Lanterne et sa fille se noyaient.
VIENNE, 30 août. L'empereur d'Au-
triche ouvre aujourd'hui en personne la
Diéte hongroise à Pesth mais il sera de re-
tour dès demain soir au camp de manœuvres
de Bruck avec l'archiduc Rodolphe, son fils,,
aujourd'hui dans sa dix-huitième année.
Londres, 30 août. Le train express
d'Ecosse s'est rencontré, samedi soir, avec un
train de plaisir àKildwick, près de Bradford,
Il y a. eu cinq voyageurs tues et beaucoup de
blessés, dont plusieurs-mortellement.
FLORENCE, 30 août. La flazione
publie des nouvelles de Caprera, d'après les-
quelles la santé de Garibaldi est notablement
altérée à la suite de travaux fatigants.
~L.,
Auguste Marcade.
Notos rappelons à nos lecteurs que le prix
d'abonnement au Figaro est, pour les dé-
partements, de 18 francs pour trois mois^
36 fr. pour six mois, et 72 fr. 'pour un an.
L'excellent notaire et Mme Kergrist
en firent le plus pompeux éloge.
Elle seule, dit le notaire, pouvait
remplacer Mme la comtesse, je ne dis
pas la faire oublier, car on n'oublie pas
une personne comme Mme de Prévodal.
at belle, et bonne, et modeste, et
pieuse, et charitable 1 s'écriait Mme Ker-
grist.
Et savante! ajoutait le notaire. Elle
a toutes les qualités et point de défauts 1
Nous.travaillons tous les deux, mon cher
client, à vous reconstituer une fortune.
Avec les trente mille francs que je vous
devais, j'ai racheté des terres voisines
du château, et, grâce à l'économie, à
l'ordre, à la surveillance que Mlle Elise
apporte dans la gestion de la maison,
grâce aussi au dévouement de Nick, qui
s'est fait simple cultivateur après avoir
été intendant, vous ne serez pas le plus
pauvre du canton.
Prosper écoutait et ne disait mot.
Pierre Melven regardait son ami du
coin de l'œil.
Il y a longtemps que j'ai dit ce que
je pensais de Mlle Elise Desprez, observa
le journaliste, et mon ami Prévodal doit
s'en' souvenir c'est une perle inesti-
mable, absolument comme M. Kergrist
est le plus honnête notaire de France.
Quant à la fortune de M. le comte de
Prévodal, mon cher monsieur Kergrist,
vous ne serez point avec Mlle Elise les
seuls à y travailler. J'espère vous don-
ner un fameux coup demain; seulement
il faut de la patience et de la discrétion.
Etes-vôus toujours en relation d'affaires
avec les successeurs de la maison de
banque Mittermann, J. Starke et Ce ?
Pas depuis la liquidation de l'an-
cienne maison, répondit M. Kergrist un
peu surpris de cette question. Pourquoi
me demandez-vous cela monsieur
Melven?
Parce que je vous aurais prié, dans
ce cas, de ne jamais parler ni de M. le
comte de Prévodal ni de moi dans* vos
lettres à MM. J. Starke, Robert Dachet
et Cie.
Ôh dit Mt Kergrist, bien que je ne
devine pas votre pensée, je m'en serais
bien gardé! l
Le déjeuner était achevé. i.
-Maintenant, proposa Melven, allons
rendre visite à la belle des belles, à la
merveille du château de Prévodal.
Voulez-vous que je vous fasse an-
noneer par un de mes domestiques ? de-
manda le notaire. i
PÂB1S AU JOmîiE JOUR
M. Naquet continua à être. le héros du
moment Wnionde Vaucluse a tracé une
esquise amusante et d'ailleurs tout à fait
vraisemblable du voyage du chef des
Vauclusiens à Arles. Il était accompagné
de son secrétaire, M. Joseph Pollio, ré-
cemment sorti de prison pour délit de
presse. e..
La Place des'Hommes a été, un moment,
mise en émoi par l'arrivée de ce personnage,
un vrai Esope en miniature, descendu à l'hô-
tel du Nord, comme un pacha, muni de
malles et de mallettes, ce qui fait augurer un
;long voyage.
Bientot, les puritains de la démocratie sont
accourus pour fêter l'arrivée de cet ardent
champion des nouvelles couches sociales.
De nombreuses accolades fraternelles et de
vigoureuses poignées de mains ont été échan-
gées, de part et d'autre, et on s'est retiré.
Après un festin de Lucullus, pris en
quet s'est affublé d'une jaquette usée jusqu'à
la corde et s'est coiffé d'un grand chapeau de
paille.
Ainsi démocratisé, il est allé au cercle des
Phocéens, foyer incandescent de la déma-
gogie. Divers toasts y ont été portés; mais le
citoyen Naquet, fatigué de son voyage, s'est
borné à un entretien familier, pendant lequel
des rires fous ont éclaté, la vue de la con-
formation assez grotesque du député intran-
sigeant, assez spirituel, il faut en convenir.
Dimanche soir, une réunion privée a ou lieu
dans un local dit la Renaissance, sur l'invita-
tion très gracieuse du citoyen Carnpîche, coif-
feur, un démocrate de la plus belle eau.
Le député Naquet a péroré assez longtemps
devant un auditoire fort peu nombreux, qui
a sué à grosses gouttes. •
Le Journal des Débats a trouvé,- dans le
dédain visible des gambettistes pour M.
Naquet, une preuve de sa mince impor-
tance.
Le calme de la République française, jour-
nal de M. Gambetta, irrite surtout M. Naquet.
M. Naquet veut qu'on lui réponde, veut qu'on
le discute, veut qu'on se fâche contre lui, et
lui-même se fâche et il menace. Il a, « dans
ses tiroirs des papiers qui se. rapportent à
l'élection de M. Ledru-Rollin et qui sont très
compromettants pour la République il n'a,
dit-il, «,aucune intention » de les en retirer,
pourtant il s'y apprête. Car, enfin, il est dur
d'obtenir si peu d'attention de la République
française lorsqu'on soulève à Arles tant d'en-
thousiasme Nous verrons peut-être ces pa-
piers que nous découvriront-ils? Que les
chefs du parti.radical n'ont jamais su résister
aux violents qui les suivent et qui .les pous-
sent. Nous le savons depuis longtemps. Nous
n'avons pas oublié l'élection de M. Ledru-
Rollin, nous nous rappelons celle de M. Ba-
rodet deux fautes arrachées à la faiblesse
des radicaux. Nous concluerons de ces sou-
venirs que si M. Naquet avait un semblant de
parti, s il était fort, même en apparence, s'il
y avait intérêt à traiter avec lui, la République
française, hélas! ne manquerait pas de le
ménager. La sécurité dédaigneuse de notre
confrère assure la nôtre, et nous ne saurions
que nous apitoyer sur les infortunes du chi-
miste persécute.
D'après le Petit Marseillais, M. Gam-
betta ne se déciderait à répondre direc-
te ment aux intransigeants que si M. Louis
Blanc ou M. Madier de Montjau pre-
naient la parole.
Dans le cas où ces messieurs ne parleraient
pas, je crois que M. Gambetta dédaignera de
relever les propos de M. Naquet et pronon-
cera quelque part, dans une réunion privée,
un grand discours-manifeste dans lequel il
exposera son programme, mais sans faire la
moindre allusion -au discours d'Arles, auquel
il estime qu'il ne faut pas faire tant d'hon-
neur.
D'autre part, le Petit Girondin feint une
indignation extrême contre les républi-
cains qui, plutôt que d'approuver M. Na-
quet, se jettent dans les bras des réac-
tionnaires. Ils vont, dans leur indigna-
tion, jusqu'à accuser M. Gambetta d'être
aussi timide que. Robespierre.
Ce qu'ils font aujourd'hui, Robespierre le
fit un jour pour le catholicisme. Ce grand ré-
volutionnaire était sur ce chapitre d'une ti-
midité extrême. Il maintint l'esprit de rou-
tine des les pages de la Révolution. Il n'osa
briser les idoles des religions. Renversant le
catholicisme, il refit de nouvelles croyances
officielles. Il renouvela les pompes du culte.
Il déifia la Raison. Détrônant Dieu, il en fit
un autre. Nous n'approuvons rien, nous con-
statons.
Aujourd'hui n'en est-il point do même?
Quand on voit M. Gambetta approuver l'ex-
Gardez- vous" en bien, mon cher M.
Kergrist; il y a, entre vrais amis, des
joies qu'il nefautpas déflorer. Mais vous
venez avec nous, je suppose?
Point, répliqua le notaire en sou-
riant. Ce que vous venez de me dire me
prouve que je serais un tiers génant au
milieu des effusions de l'amitié et des
joies du retour. Je vais taire atteler, et
M. le comte de Prévodal conduira; vous
pouvez vous fier à lui.
Oh 1 je n'ai nulle crainte, M. le no-
taire !•
Les deux amis quittèrent 'Pont-Croix à
deux heures, dans la voiture de M. Ker.
grist.
Prosper, très gai et très loquace au
moment du départ et pendant la pre-
mière demi'heure de route, devenait de
plus en plus taciturne, réservé et même
inquiet' à mesure qu'on approchait du
château.
Si le véritable amour produit sur
tous les hommes de pareils résultats,
murmurait Melven, Dieu me préserve
d'être jamais atteint de cette maladie
Quand ils arrivèrent sur la côte, en
vue du château, qui semblait émerger
des eaux au milieu de vapeurs transpa-
rentes, Prosper fut pris d'une telle émo-
tion que les rênes du cheval tremblaient
dans sa main. Melven s'en empara aus-
sitôt.
Enfant! dit-il.
Et activant le cheval de la voix et du
fouet, il fit prendre à l'animal une al-
lure rapide comme il convient à des gens
pressés d'arriver.
Diable! 1 fit-i lorsqu'il fut tout près
du château; mais c'est un vrai manoir
seigneurial que vous possédez-là, mon
cher comte, et dans un site, comme il
n'en est pas deux en France Je com-
prends votre émotion. Si Dieu me dotait
d'une pareille demeure, je me garderais
bien d'aller courir le monde I
Il prit par la grande avenue qui con-
duisait à l'entrée d'honneur.
Pas par là, dit Prévodal. Prenez le
sentier à gauche, nous entrerons par la
petite cour.
Du tout du tout! fit Melven. Il con-
vient que Prévodal rentrant dans le châ-
teau de ses pères, y rentre par la porte
jd'honneur.
Prosper se jeta au fond de la voiture.
La grille du château était ouverte
une vraie grille du temps où les serru-
riers étaient des artistes et la voiture
roula dans la cour.
Cellence d'un go.uvern«8ent qui ressemble à
la monarchie, quand des républicains s' ofesti-
nent à aller vers la droite et à espérer quand
même en la liberté, alors que !& liberté est
flagellée et immolée par i.es gouvernants, il
ne faut point connaître beaucoup d'histoire
pour prédire la résurrection des choses que
l'on croyait englouties.
Le Petit Girondinm fait d'ailleurs au-
cune difficulté d'avouer que le parti ré-
publicain est divisé: 'e.
Oui, les républicains sont divisés, comme
ils le furent toujours, comme ils le seront
toujours tant que la démocratie ne sera pas
plus forte que la bourgeoisie, tant que l'esprit
populaire n'aura point écrasé par son in-
fluence, par son énergie, par son initiative
l'esprit bourgeois, l'esprit de caste, l'esprit
lexclusif. <
Que les républicains modérés viennent à
nous, nous n'avons point cette croyance "ni
cette fatuité; mais pourquoi eux l'auraient-ils?
Pourquoi se croient-ils en possession de la
vérité, de la droiture, de l'honneur et du pa-
triotisme ? Pourquoi ne les reconnaissent-ils
pas aussi bien chez nous.
Nous échouerons donc aux élections, nous
dit-on. Les républicains divisés seront plus
faibles que les monarchistes coalisés. Cela
se peut. Nous allons jusqu'au bout de nos
principes. Nous n'en redoutons point les con-
séquences. Mais les modérés, qui ne voudront
point encourir le péril qu'ils prévoient, n'au-
ront qu'à se rallier à nous.
Au fond, s'ils veulent la République avec
ses conséquences, comme ils le disent, pour-
quoi refuseraient-ils de s'associer aux radi-
caux, pourquoi repousseraient-ils leurs candi-
dats ?. Voter pour des radicaux, quoi de
plus effrayant pour eux que de voir des radi-
caux voter pour des monarchistes convertis?
C'est l'histoire de Barodet et de Rémusat, qui
se renouvellera dans tous les grands centres
où la démocratie sera aux prises avec la
bourgeoisie. On sait ce qu'il advint de Ré-
musat. Veut-on de nouveau 'tenter l'aven-
ture ? ';̃•̃
La Fraternité, journal de M. Marcou,
s'est, comme on pouvait le supposer, dé-
clarée en faveur de M. Naquet.
Enfin, le point culminant du discours de
l'honorable député de Vaucluse est celui qui
indique l'attitude que ses amis et lui comp-
tent prendre à la rentrée, qu'ils soiEnt ou non
suivis par les gauches.
Sur ce point encore, nous sommes absolu-
ment de 1 avis de M. Naquet, et nous ne sau-
rions trop les engager à y persévérer. Il im-
porte que les gauches adoptent dans cette
session, qui sera la dernière, il faut l'espérer,
une ligne de conduite plus virile et plus éner-
gique il faut qu'elles harcèlent sans cesse le
ministère, qu'elles livrent un dernier combat
au 24 mai, qu'îles réveillent l'opinion pu-
blique, qui, livrée à elle-même, s'est presque
complètement affaissée ou du moins endormie.
Nous ne retiendrons que ce point de
l'article de la Fraternité, le reste se com-
posant de banalités sans portée. L'opi-
nion publique est affaissée. Dans la
langue radicale, cela veut dire qu'elle
est tranquille, qu'elle répugne à toute
agitation. Qui oserait s'en plaindre,
sauf les radicaux?
»*» Voici, d'après l'Agence Havas, des
détails assez pittoresques sur la capitu-
lation de la'Seu d'Urgel. Les journaux
dévoués à la cause carliste se décident à
en parler, mais pour se lancer dans des
récriminations désobligeantes sur le
compte de M. le ducDecazes, qui a laissé
passer les fameux canons destinés au
sîége d'Urgel.
Les avis de la Seu d'Urgel constatent que
la garnison carliste dé la citadelle a défilé
hier matin devant les troupes Alphonsistes.
Lizzaraga, en uniforme de général, et l'évê-
que d'Urgel, en soutane rouge (n'aurait-elle
pas été plutôt violette, cette soutane ?), mar-
chaient en tête, et ont été reçus très courtoi-
sement par Jovellar et les autres généraux.
L'évêque a même donné sa bénédiction. La
garnison carliste était composée de quatre
compagnies régulières et de nombreux volon-
taires assez mal armés. Après le défilé, toutes
ces 'troupes ont été désarmées.
Le total des prisonniers dépasse 800, dont
100 officiers qui gardent leurs épées et leurs
chevaux.
On a pris dans la citadelle deux canons
Krupp, deux mortiers, une vingtaine de vieux
canons, peu de munitions mais une grande
quantité de provisions. La citadelle avait peu
souffert et la capitulation a eu lieu à peu près
uniquement faute d'eau potable et après quo
les assiégés eurent reçu un message de Dor-
regaray portant que Saballs et Castells
n'ayant pu faire leur jonction, il leur était
impossible de venir à leur secours.
La perte totale des carlistes pendant le
siége, a été de 40 morts et d'une centaine de
Deux grands chiens braques de cette
superbe face que les anciens veneurs
appelaient les chiens bleus, sortirent de
leur niche et abovèrent avec des éclats
de voix particuliërs. Il y avait plus de
joie que de colèr.e dans ces abois signi-
ficatifs. C'est que les excellentes bêtes,
si elles ne voyaient pas encore leur maî-
tre, devinaient sa présence.
Un domestique au chapeau à larges
bords tout enjolivé de chenille de di-
verses couleurs, s'approcha, tête nue, de
la voiture.
A ce moment, la fenêtre d'une salle
basse s'ouvrit, une charmante tête de
femme s'y montra, et un cri de joie re-
tentit dans la cour du château.
Pierre Melven jeta les brides du che-
val -au domestique et sauta de la voiture;
Prosper de Prévodal était déjà des-
cendu. Tous les deux arrivèrent au per-
ron, en même temps qu'une personne
qui arrivait du dedans.
Cette personne était Mlle Elise Des-
prez.
Le séjour qu'elle venait de faire à la
campagne, à î'airsapide de la mer. avait,
en colorant son teint, donné à sa beauté
une nouvelle et plus vive expression.
Certes, les mois qui s'étaient écoulés
n'avaient éteint ni ses regrets ni ses
douleurs, mais la vie active qu'elle me-
nait, le but qu'elle s'était imposé de re-
constituer une fortune au comte de Pré-
vodal, fatiguaient son corps et occupaient
son imagination. Le souvenir des êtres
qu'elle regrettait ne lui arrivait plus à la
pensée que comme des ombres allant
toujours en s'éloignant. Le temps ac-
complissait son œuvre, et la nature,
cette infatigable ouvrière, achevait de
parer la jeune fille de tous les charmes
qui font de la femme le chef-d'œuvre de
la création.
Elise Desprez était habillée de noir;
elle portait une robe légère en orléans,
une veste de velours ajustée à la taille,
et, sur la tête, une pointe de dentelle qui
faisait ressortir l'éclat de son teint et lui
donnait quelque chose d'une madone
espagnole.
Ce simple costume la parait mieux que
la plus riche toilette.
Prosper tressaillit en la voyant.-
Armand LAPOmra,
[la suite A demain.)
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