Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1874-04-21
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 avril 1874 21 avril 1874
Description : 1874/04/21 (Numéro 111). 1874/04/21 (Numéro 111).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k275211s
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FRMRP ̃ -JMEfflEffif H AVRIL. 187*
^ajs sont-ils allés choisir pour représenter la
République ? Le Français le ,plus' imbu de
la politique napoléonienne, nn-Thiers, qui
s'est efforcé do renouveler cette politique à
l'égard de l'Italie et do la papauté.
En résumé, Mazzini estimait que pour
le moment le peuple, en France est
égaré par les démagogues et fourvoyé
par les appétits matérialistes auxquels
es meneurs du socialisme ont rabaissé
un problème politique, c'est-à-dire rela-
tivement idéal et moral. ·
»*, Une jolie fable japonaise citée dans
an récit de voyage à l'intérieur du Ja-
pon que publie la Revue des Deux-Mondes
et dont l'auteur est M. Bousquet, un des
avocats français qui ont été chargés d'al-
1er approprier notre code civil aux
mœurs japonaises. On remarquera les
conclusions de la fable japonaise, fort
contraires à nos fables d'Occident qui
raillent volontiers les aventures et don-
nent raison à la prudence bourgeoise.
Cela s'appelle le Sazayétle saumon et la
tai.
Au fond de la baie de Yeddo vivait un sa-
zayé, lourd ernstacé revêtu d'une épaisse
cuirasse. Son bonheur était de s'enfouir, de
si bien s'enfermer dans sa carapace que l'en-
nemi le plus obstiné n'aurait )11 l'en faire sor-
tir. Il no se mettait pas en colère pour un af-
front, il attendait pour se montrer que le dan-
ger fût passé. Le saumon et le tai, grand cher-
cheur d'aventures, l'cnvitentcn vain à parta-
ger. leurs exploits.
La guerre, leur dit-il, n'est pas mon af-
faire je préfère rester bien clos dans ma mai-
son.
Il ne put terminer son discours Fileron
bougea quelque chose de louche apparut â
l'horizon. Le tai et le saumon furent bien vite
au large le sazayé, lui, se renfonça dans sa
coquille. Pourtant, au bout d'un jour. il mit le
nez à la fenêtre ? Que vit-il? A l'étal d'un mar-
chand il était entassé avec d'autres coquil-
lages.
0 trompeuse sécurité, s'écria-t-il alors,
que tu me coûtes cher t
Agréments de la deuxième Cham-
bre, révélés par Cham. II y a là de quoi
surexciter toutes les ambitions.
A la deuxième Chambre, le verre d'eau su-
crée sera remplacé par un couvert complet.
A la deuxième Chambre, l'orateur sera assis
• ^t pourra faire lire son discours par sa gon-
̃vernante.
Opinion de deux dames sur la race
chevaline, toujours d'après l'inépuisa-
ble caricaturiste
AUX COURSES
Tu n'aimerais pas être cheval?
< Ma foi non! Toujours la même robe t
»*» Une plaisante anecdote imaginée
par le Gaulois
A l'occasion de la mise en vente de la pre-
mière livraison illustrée à deux sous
-do l'Année terrible, M. Victor Hugo avait,
l'autre jour, à dîner une douzaine de fana-
tiques. Au dessert, l'un d'eux s'avisa de por-
ter le toast suivant
Au maître sur maîtres) Au pape de l'in-
telligence Au plus radieux génie des temps
modernes!
Mon enfant, fit observer Olympio avec
une modestie toute paternelle, je no mérite
certainement ni ces éloges ni cet hommage.
Je ne vous félicite pas moins d'oser émettre
une opinion qui est celle de tous les esprits
raisonnables et de tous les cœurs généreux.
Bizarreries de la langue française
relevées par le Charivari:
̃ Tous les soirs on lit dans les feuilles pu-
bliques
« M. X. vient de s'éteindre dans sa
soixante-dixième année. »
Vient do s'éteindre. vous lisez bien.
Et le lendemain do sa mort on dira feu
M.
L'Opinion nationale envoie à tous les
journaux de province une note annon-
çant la prochaine pubication d'une
étude sur le passé, le présent, l'avenir,
les habitudes et le rôle politique social,
national, humanitaire de. l'huître.
On se familiarise avec l'huître, continue la
réclame, on apprend à l'aimer, à la manger
comme elle le mérite, et l'on savoure avec
attendrissement, toutes- lés vertus- quo M. P.
a su découvrir en elle.
Tout ceci n'a rien que de plaisamment
inoffensif, mais où la chose devient tout
à fait comique, c'est qu'immédiatement
ces louanges adressées à l'huître, la ré-
clame continue en ces termes
Voir aux annonces les conditions d'abonne-
ment de l'Opinion nationale, organe d'un
groupe nombreux do députés républicains.
Voilà qui n'est pas poli pour le groupe
nombreux. f. m.
Nous rappelons à nos lecteurs que h prix
d'abonnement au Figaro est, pour les dé-
partements de 16 fr. 50 pour trois mois,
33 fr. pour six mois, et 66 fr. pour un an.
Feuilleton du FIGARO do 21 Avril
LES NUITS SllMTIS
Philippe prêta l'oreille, touten faisant
tourner d'un air innocent ses pouces
l'un autour de l'autre et en tenant les
yeux baissés de la plus modeste façon.
Tu aimes l'argent, reprit Juliette, ja
t'en donnerai, et beaucoup.
Alors, il y a moyen de nous enten-
dre, dit Philippe sans changer d'atti-
tude.
J'ai besoin d'une pièce qui doit être
cachée quelque part chez Jean, lé vieux
valet de chambre, l'homme de confiance
de la marquise de Villehaut d'Avron.
Philippe -écoutait toujours, mais il
commençait à sourire.
C'est un acte de naissance qu'il doit
garder comme un objet précieux cet
acte est au nom d'une fille qui s'appelle
Juliette Mérillac. Contre la remise de
cette pièce, je te donnerai mille francs.
C'est bien, dit Philippe, vous ne
marchandez pas, moi non plus. Vous au-
rez votre acte, et sans trop tarder.
Et si plus tard il fallait donner un
coup de main à Beaucousin pour l'aider
Injustices et Abus J
DOUCHES INOPPORTUNES
Nous entrons dans la belle saison. On eom-
mence a arroser plus fréquemment nos rues j
et nos promenades c'est le moment d'attirer
l'attention dc l'autorité compétente sur la ma-
nicro dont opèrent Isa agents chargés de ce
service, et qui, ne se bornant pas à répandre
la rosée municipale sur le sol, en aspergent
outrageusement les passants et les pçomè-
neurs.
Cet abus sévit d'une .façon particulièrement
intense et désastreuse aux Champs-Elysées et
dans l'avenue de l'Impératrice, où l'arrosage
se fait au moyen d'un système de pompes.
Ici, les agents dont nous partons se livrent J
habituellement à des charges de la plus dé-
plorablé « fumisterie » en dirigeant le jet de
leur « instrument sur les personnes, les
voitures et les chevaux. j
Plusieurs dames se plaignent d'avoir eu 1
ainsi des toilettes abîmées.
« Pour ma part, nous écrit un lecteur, j'ai ;•-
failli avant-hier être victime d'un grave acci-
dent le cheval attelé à ma voiture ayant
reçu un de ces jets d'eau dans les naseaux, a
pris peur, s'est" emballé, et ce n'est que grâce
au sang-froid et à l'habileté de mon cocher
que je me suis tiré de là sain et sauf. » '/̃
Nous espérons qu'il sera tenu- compte de
notre observation, et que, désormais, on
pourra aller au Bois à pied, à cheval et en (
voiture, sans avoir à redouter l'application t
forcée de douches aussi inattendues qu'inop-
portunes. Emile Faure,
P. S. De nouveaux renseignements qui
nous sont parvenus, il résulte que le médecin T
de l'état civil (médecin des morts), dont nous
avons parlé, n'a été nommé adjoint au maire 1
de l'un des arrondissements de Paris, qu'a- à
près avoir pris l'engagement de renoncer aux
autres fonctions dont il était déjà investi. c
Mais, encore fallait-il que ces fonctions
fussent remplies jusqu'à la fin du mois,
époque à laquelle le titulaire actuel sera rem- l
placé. E. F.
'̃'̃'̃̃̃̃̃ E. F.
INFORMATIONS
La Journée
Quelle belle journée hier, et que de
monde dehors! Jamais, depuis la guerre.
je n'avais vu un retour des courses aussi
brillant. Les voitures étaient tellement
pressées que parfois, une file entière
devait s'arrêter et rester en panne cinq
ou six minutes.
Chose rare en pareil cas, il n'est pas
arrivé un seul accident, et tous le monde?
voitures, piétons et cavaliers, est rentre
entier chez soi.
Deux mille personnes sont venues
hier à Notre-Dame pour entendre la pa-
role, éloquente du Père Monsabré, qui
prononçait un sermon sur l'Œuvre des
orphelins de la guerre.
S. E. Mgr le cardinal Guibert y assis-
tait ainsi que Mme la maréchale de Mac-
Mahon et un grand nombre de person-
nages de distinction.
Grand dîner, hier soir, au ministère
de l'intérieur. Quarante couverts. Ré-
ception très brillante et très animée.
Bal de charité, mardi, 28 courant, au
Grand-Hôtel. Il est donné par le Bureau
de bienfaisance anglais de Paris, sous le
patronage de lord Lyons et de Mme la
comtesse de Paris, la duchesse de Char-
tres, la princesse Czartoryska, la duchesse
Decazes et Mme de Ladmirault.
MM. Herbert, 21,rueMiromesnil, K.O.
Mangham, 25, avenue d'Antin, et Henry
Blount, 61, rue de Courcelles, se char-
gent de recueillir les souscriptions.
Cette fête a lieu régulièrement depuis
quelques années, et est toujours d'un
grand, éclat.
Le 27 avril sera célébré à Saint-Phi-
lippe du Roule le' mariage de M. Abel da
Quinemont, capitaine au 8e de cuiras-
siers, l'un des survivants de la charge de
Reichshoffen, avec Mlle Jeanne de Tré-
veneuc, fille du député des Côtes-du-
Nord.
Il y avait longtemps qu'on ne nous
avait signalé d'enterrements civils.
Un de nos reporters s'est amusé à en
suivre un hier, celui d'un enfantde trois
ans. Une quinzaine de citoyens portant
des fleurs d'immortelles rouges ala bou-
tonnière, accompagnaient le petit cer-
cueil.
A l'angle des rues Pajol et du Dépar-
tement, celui qui conduisait le deuil et
tenait l'enfant, appela l'une des femmes
qui le suivaient, lui remit son fardeau,
et toute la partie mâle de l'assistance
entra chez le marchand de vins.
à se défaire d'un vieux homme qui nous
gêne, le "donnerais-tu ?
•– Cejja- dépend, fit Bel-Amour.
Beaucousin fera le prix et je te le
payerai directement.
C'est différent, je ne crache jamais
sur l'Ouvrage, quand on me le propose
dans ces conditions.
Ecoute-moi bien, dit alors Juliette,
moi, je ne tiens pas à l'argent; j'ai une
autre passion. mais je veux, à tout
prix, parvenir à mon but. Me seras-tu
dévoué si je te paye largement?
Oui. Vous comprenez, vous, qu'il est
des services qui ne se marchandent pas,
des coups d'épaule et des dévouements
qui n'ont pas de prix. Vous savez, n'est-
ce pas, madame ? que même quand il
faut donner un coup de surin, je suis
homme à le faire sans en parler jamais,
même pour en réclamer le prix, quoi-
que j'aime beaucoup l'argent, ainsi que
vous me l'avez dit tout-à-l'heure.
C'est vrai, tout ce que tu dis-là, Bel-
Amour. Je vois que nous nous enten-
drons à merveille et que nous n'aurons
plus besoin d'intermédiaire, Viens me
voir chez moi.
Quand et comment dois-je me pré-
senter chez madame?
Viens quand tu voudras et comme
tu voudras. Je te sais assez prudent pour
ne pas faire de bêtise.
Sans compter que le temps étant
chose précieuse, je ne fais jamais de vi-
site aux gens quand je n'ai rien de sé-
rieux à leur dire ou rien à leur remettre.
Ah! fit Beaucousin, en touchant
sous la table le genou de la Verduret,
est-ce qu'on va mettre comme ça de cote
les camarades? Le jeu ne serait pas franc
etj'aDnellerais monsieur le commissaire*
J5T
Emile Faure.
IOa y resta.u»^uart d'hère, pufeon
se remit en marche vers le cimetière de
Cayenne. Celui qui portait le cercueil
marchait légèrement de travers.
Grand peuple, va!
i Hier dimanche, on a enterré un poëte-
journaliste du parti révolutionnaire,
Jules Choux, que les rouges ont laissé
mourir à l'hôpital de la Charité.
1 M: Jules Choux, malgré son talent,
très réel, n'était connu que des biblio-
philes et des collectionneurs de jour-
naux. Il avait fondé en 1848 YAimabla
faubourien, journal de la canaille^ et puis
la Chandelle démocratique et sociale, jour-
nal des gens éclairés. =̃
Pendant la Commune, il fit paraître la
Némésis Galante- qui n'eut qu'un numéro.
H publia également une Marseillaise de
187 1, dont voici un échantillon
Hideux tambours de peaux humaines,
Tocsin du sinistre Auxerrois,
Cloches des vêpres siciliennes,
Canon de juin, bombes de rois,
Roulez! sonnez! tonnez! La haine
Soufllc partout l'embrasement.
Très peu de monde à son enterrement.
0 reconnaissance républicaine, ne serais-
tu qu'un vain mot l
Nous avons raconté l'arrestation du
nommé Soleau, agent de transports, pré-
venu de tromperies et de fausses décla-
rations de poids sur les colis qu'il portait
à la Compagnie d'Orléans.
A ce propos, Me Guignard, avocat de
Soleau, a cru comprendre que nous dési-
gnions son client comme agent de la
Compagnie et que nous établissions un
rapport entre lui et l'employé Sisco.
Nous pouvons affirmer à l'honorable
avocat qu'il s'est absolument trompé.
Nous nvvocls jamais eônsidérô Soleau
Nous n'avons jamais considéré Soleau
comme ayant rien de commun- avec
Sisco, dont le cas est tout à fait différent
du sien.
LA VOLEE DES MOULES
Jamais commissaire de police n'a vu
dans son bureau plaignant aussi comi-
que que celui auquel a eu affaire, hier, le
commissaire du quartier des Ternes.
Vous allez en j juger!
Parmi les innombrables légendes de
la Bretagne, il en est une fort curieuse,
celle de la « Volée des moules. » On ra-
conte que, les nuits de grande marée, à
certaines époques de l'année, au mo-
ment où minuit sonne, les moules se
sentent tout à coup prises d'ennui sur
les rochers. Alors.les voilà qui prennent
leur vol, agitant leurs coquilles comme
des ailes, avec un bruit de castagnettes,
et s'en vontr se fixer autre part. Mal-
heur au pêcheur attardé qui rencontre
ce vol bizarre les moules s'abattent sur
lui. s'y fixent, et le retiennent sur le
sable jusqu'à ce que la marée montante
vienne l'y chercher et le remporte.
Or, dernièrement était venu s'établir
au marché des Ternes, comme marchand
de poisson, un bon breton du village de
Roskoir, superstitieux comme on l'est
dans son pays. Il se nomme Jean Kern.
Avant-hier matin, Jean Kern avait
acheté aux Halles Centrales une forte
collection de moules. Pendant la journée
de samedi, il n'en avait que médiocre-
ment vendu, si bien qu'if lui en restait
encore un très gros tas le soir. Ce tas,
Jean Kern ne le retrouva pas hier matin
en arrivant au marché. Toutes ses mou-
les avaient disparues.
C'était grande marée cette nuit, se
dit Jean Kern terrifié, les moules ont
pris leur volée
Et il fit un grand signe de croix.
Les voisins et voisines du marché,
voyant sa terreur, s'amusèrent à l'aug-
menter
t- Tu sais, finit par lui dire l'un d'eux,
il paraît que tes moules ont cassé des
carreaux en s'envolant. T'en voilà au
moins pour cinq cents francs à payer 1
Les cheveux du pauvre breton se dres-
sèrent sur sa tête, et il courut chez la
commissaire de police faire sa déclara-
tion et Ini expliquer que ce n'était pas de
sa faute. Le magistrat, qui n'est pas cré-
dule, a commencé immédiatement une
enquête pour savoir qui avait volé lés
moules de Jean Kern.
Celui-ci persiste néanmoins à croire au
départ de ses coquillages, et il craint
d'être un peu ensorcelé.
On a fait un personnage légendaire da
comte de Grammont, qui entrait au café
à cheval et jouait au billard sans des-
cendre de sa monture. Voici des joueurs
qui certes mériteraient aussi de voir
leurs noms passer à la postérité.
Ils étaient hier matin, à neuf heures,
chez M. Ruelle, marchand de vins, 7, rue
ajouta-t-il en souriant pour cacher son
dépit. En même temps, Beaucousin ten-
dit son verre et l'on trinqua.
Chacun dans cette réunion, d'apparence
joyeuse, songeait à ses intérêts, sauf
toutefois la Verduret, qui était complé-
tement « partie ».
Beaucousin, qui ne se grisait que ra-
rement, avait la tête froide, il calcu-
lait les coups qu'on lui portait, et ceux
qu'il devait rendre. Juliette le contra-
riait en s'entendant ainsi directement
avec Bel-Amour qu'il détestait, et il se
promettait de le leur faire payer à tous
deux, à elle, en argent, à lui, en le
faisant disparaître.
Quant à Juliette, elle ne buvait plus
depuis un moment, mais elle faisait boire
les autres. Sa pensée, pour l'instant
était de s'attacher Philippe sans éloigner
Beaucousin. Elle espérait que la cordia-
lité qu'entraîne le vintempererait leur an-
tipathie mutuelle et l'empêcherait de dé-
genérer en rupture.
La petite fête terminée, 'rendez-vous
pris entre Juliette et Bel-Amour, les qua-
tre convives montèrent en chemin de
fer et ne se séparèrent qu'à la gare de la
place du Havre.
Tandis que Juliette et la Verduret fi-
laient en voiture dans la direction des
Champs-Elysées, Philippe et Beaucousin
montaient, chacun par un chemin diffé-
rent, du côté de Montmartre, le pre-
mier pour aller causer quelques heures
avec le père Paterne le second pour
aller s'enquérir de quelle façon Mlle Ce-
rès avait passé son temps.
M. Mareuil avait profité de la liberté
L lativé dont jouissait Cérès depuis
de Bettechasse, e» train de faire une par-
tie âes plus disputées, lorsque, tout à
coup, l'un d'eux s'aperçut que l'eau ruis-
selait sous ses pieds;
Sapristi! dit-il, on devrait bien
choisir un autre moment pour laver la
salle.
Ça ne fait rien, répondit l'autre, con-
tinuons
Et il lit un quatre-bandes magnifique,
réunissant les trois billes dans un coin.
J'ai une série s'écria le joueur en-
chanté.
Moi, j'ai de l'eau par-dessus mes
souliers, dit l'autre, en se secouant.
En elfet, l'eau montait sur le parquet.
Allez-vous-en! cria du seuil le mar-
chand de vins, il y a un tuyau crevé et
la salle va être inondée.
Interrompre une série, jamais de la
vie dit le joueur intrépide.
Et il se mit à courir autour du billard,
faisant clapoter sous ses pieds l'eau qui
montait, montait toujours.
Enitaj la série fut terminée. Les deux
partenaires avaient de l'eau presque jus-
qu'à mi-jambe. T
Arrêtons-nous un instant, dit le
joueur a la série en essuyant sa queue
dont il avait par inadvertance plongé le
manche dans l'eau.
Pas du tout, j'ai un coulé imman-
quable. et puis les frais courent.
La partie continua ainsi, .pendant que
les employés de la ville faisaient fermer
les prises d'eau de la rue et balayaient
l'eau de la salle.
C'était une partie rudement émo-
tionnante, disait le perdant en réglant au
comptoir le prix des, consommations per-
dues. 1
Ceci se passait hier au bureau de M.
Beylac, commissaire de police de la Sal-
pêtrière.
Une femme amenait à la barre un
fiancé récalcitrant qui, au dernier mo-
ment, avait reculé devant le oui fatal.
Comment dit le magistrat, quand
la chose est si avancée. quand on a
déjà publié les bans!
Eh bien voyons, mon commissaire,
répond le voyou d'un air convaincu, les
ban, c'est-y pas fait pour s'asseoir des-
sus ?'
GAZETTE DES TRIBUNAUX
Pétrus-Hippolyte Gay, barbier, chansonnier,
élève de Pierre Dupont, et émule de Jasmin.
Il m'arrive quelque fois de recevoir
des lettres de détenus. Comment fran-
chissent-elles le seuil de la prison? Je
ne veux pas m'en occuper. Généralement
elle renferment des injures, mais quel-
quefois aussi de touchantes supplications
en faveur de la famille « qui va être pri-
vée de son chef ».
Il y a quelques jours, il m'en parvint
une dont la forme originale me frappa.
Elle se terminait ainsi >:
Je passe samedi 18 devant la cour d'assi-
ses. Dans l'intérêt de de ma famille, dont un
dos membres jouit à Paris d'une certaine con-
sidération, veuillez no pas nommer l'ac-
cusé.
Mon affaire pouvant donner lieu à des in-
cidents d'un certain intérêt, vous ne ferez pas
mal d'y envoyer un de vos reporters les plus
intelligents'.
Croyez à la gratitude do- votre humble ser-
viteur,
Q'est-ce que c'était que ce Gay, « bar-
bier-chansonnier »,qui ne voulait pas être
nommé, mais qui désirait cependant que
la presse s'occupât de lui ? En quoi con-
sistait son affaire ?
J'allai donc à la Cour d'assises, et je
me trouvai en présence d'un grand vieil-
lard de soixante-neuf ans? d'une physio-
nomie débonnaire, accuse d'avoir fabri-
qué de la fausse monnaie. L'acte d'accu-
sation ne disait rien de son passé, ni de
sa profession, et j'allais me retirer pour
ne point perdre mon temps à écouter
une affaire banale, quand les premiers
mots de la plaidoirie de Me Cambusat,
l'avocat de Gay, éveillèrent mon atten-
tion. Le défenseur du vieux faux-mon-
nayeur lisait au jury une espèce de mé-
moiro dû à la plume de son client, et
dans lequel ce dernier racontait toute sa
vie. Voici ce que j'entendis
N6 d'uno bonne famille, il eût beaucoup
mieux valu pour moi que je sortisse de la
mansarde d'un chiffonnier qui eût rempli ses
devoirs cuvera moi, que de sortir de celle où
j'ai vu le jour. Mon enfance s'est passée dans
les larmes et mon adolescence dans les priva-
tions, les humiliations et lit tristesse.
Orpliolin à huit ans, je sortis du collège à
quatorze ans avec une éducation bâtarde qui
ic pouvait me servir que pour obtenir un em-
quelques jours, pour pénétrer plus avant
dans sa:confiance.
La jeune femme;: nous croyons déjà
l'avoir dit, était aussi sotte que belle, et
n'avait pas les premières notions du
bien et du mal. Pour elle, les hommes se
divisaient en deux catégories ceux qui
donnent de l'argent aux femmes et ceux
qui en reçoivent d'elles.
Quant aux femmes, elle les envisa-
geait comme étant toutes plus ou
moins ce qu'elle était elle-même, et,
selon leur âge, leur beauté, la toilette
qu'elles pouvaient se faire donner, elle
les classait en haut ou en bas de l'échelle
sociale î
On comprendra aisément que M. Ma-
reuil n'eût pas eu grand peine à la faire
parler.
C'est ainsi qu'il apprit d'une façon as-
sez précise le genre de relations qui exis-
taient entre Beaucousin, le grinche, et la
taient entre Bc;aucousin, le gémche, et la
mère Griffard, la réceleuse.
D'autre part, il ne pouvait douter que
Beaucousin ne fùt de complicité avec
Philippe, dans les malheurs qui avaient
atteint Marianne.
Mais ce qui lui échappait toujours, c'é-
tait l'intermédiaire qui se trouvait entre
ces misérables et sa femme, et pour le
compte de qui ils agissaient.
Le lendemain, le mobilier de Cérès,
vendu par m'ame Griffard, fut porté dans
son nouveau domicile.
Il y eut, à cette occasion, un nouveau
dîner, offert par M. Mareuil, et auquel
assista l'ogresse.
_M. Mareuil y remarqua pour la pre-
mière fois aueBeaucQusin avait une fort
jîloi de deuxième ou troisième clerc dans une
l étude d'avoué ou de jfcQtaire,emploi pour lequel
j'avais beaucoup de goût et dans lequel j'étais
certain de faire mon chemin mais la fatalité
qui avait présidé à ma naissance en décida
autrement.
1 Au lieu d'entrer chez mon frère, qui avait
cinq employés chez lui, je fus jeté par ma
̃ sceur^ ainée, vieille fille égoïste et méchante,
tout à coup, seul, sans parents, sans amis, sur
le pavé de Lyon, pour y apprendre le métier
de tisserand qui me faisait horreur. Et là,
dans un atelier, avec un maître et des ou-
vriers libertins et ivrognes, qui tournaient en
ridicule ma naïveté et mes croyances, je rc-
çus de si bons exemples que ma troisième an-
née d'apprentissage n'était pas encore termi-
néo que j'enlevai la femme de mon patron,
qui, de son côté, lui enlevait son argent, et
nous allions ensemble. jouir des plaisirs de la
'vie dont je n'avais jamais qu'entrevu les dou-
ceurs.
Poursuivi et jeté en prison, ce fut ainsi que
je fis le premier pas dans cette route fatale
qui devait me conduire dans l'abîme. Je n'y
serais jamais tombé si je n'avais mis les pieds
dans ces sinistres lieux, mais une fois là,
grâce à la promiscuité qui existe dans toutes
les prisons entre les détenus, le hasard de ma
mauvaise étoi'.e me donna pour voisin un
homme prévenu de fabrication de fausse mon-
naic, et il arriva ce qui est arrivé à des mil-
liers d'autres depuis. Cet homme, doué d'une
certaine intelligence, après m'avoir fait jaser,
n'eut pas de peine, vu mon inexpérience et la
situation precaire où j'allais mo trouver en
sortant de prison, à gagner ma confiance. Il
m'offrit ses services, et faisant briller à mon
imagination trop vive la possibilité de mener
la vie à grandes guides, il me donna son nom
et son adresse en m'engageant à l'aller voir,
ce que je fis quand je fus libre.
Je ne l'eusse pas fait si ma famille instruite
par ma triste aventure des dangers auxquels
son abandon m'avait exposé, fût revenue à de
meilleurs sentiments, mais elle fit l'opposé; et
moi, ne sachant pas encore mon état, n'ayant
pas d'ailleurs de livret, je fus obligé d'aller
rendre visite à mon voisin de geôle
Il me reçût à bras ouverts. Il me fit mener
joyeuse vie pendant quinze jours en compa-
gnie do femmes charmantes. Il.futassez adroit
pour me rendre amoureux fou d'une de ces
sirènes qui, d'accord avec lui, trouva le moyen
de me faire payer certaines dépenses avec des
pièces de cinq francs fausses sans que je m'en
doutasse. Ainsi compromis, et mon imagina-
tion exaltée par quinze jours d'orgie, ma maî-
tresse se décida, un matin qu'elle me pressait
sur son sein, à me poser La question, et j'avoue
à ma honte qu'elle m'ensorcela si bien que
j'acceptai d'émettre les fausses pièces de mon
prétendu protecteur.
Arrêté, je fus condamné à perpétuité, et ce
ne fut que dix ans après que l'auteur du crime
ayant été arrêté lui-même et condamné aussi
à vie, je fus gracié à la suite de ses aveux en
ma faveur.
J'abrège forcément ce récit qui, par
certains côtés, ressemble à du Jean-
Jacques. Gay, en sortant de prison
tombe sous la surveillance de la haute
police, le fameux article 47, vous savez.
Un jour, il s'écarte de quelques kilomè-
tres de son lieu de résidence, et est de
nouveau mis en prison sous prétexte de
rupture de ban.
Quand je sortis, je résolus de rompre pour
de bon mon ban, cette fois, et jo le fis sans
être inquiété par la police. J'allai à Saint-
Etienne avec mes 150 francs je réussis
au-delà de mes espérances je montai une
petite boutique de barbier et do fabricant
de chaussons de lisière, deux industries que
j'avais apprises pendant mes dix années de
prison. Je vécus heureux pendant cinq ans. Il
est probable que, sans cette maudite surveil-
lance, j'y serais encore; mais en 1857. ayant
été dénoncé par un misérable que j'avais con-
nu en prison, et que le hasard avait amené
chez moi pour se faire raser, je fus obligé de
partir pour la Suisse.
A Genève, grâce à ma qualité de chanson-
nier, je trouvai un emploi do régisseur dans
un café-concert en vogue, et je passai là les
plus belles années de ma vie. Le directeur
étant tombé en faillite, je parcourus avec les
artistes de la troupe, la Suisse et l'Italie, com-
me autrefois Destouches, mais sans avoir com-
me lui la chance de rencontrer un marquis de
Puysicux.
Je rentrai en France après la commune de
Lyon. J'adressai une épitre à M. le préfet qui,
pour me récompenser de quelques légers ser-
vices, se proposait de faire quelque chose pour
moi, mais ne put pas tenir sa promesse.
Frustré dans mes espérances, indignement
exploité par les éditeurs de chansons, ruiné
par la censure, qui m'a fait perdre 1,000 fr.
pour une seule pièce, en me. refusant le visa,
j'épuisai mes économies, et, à bout de res-
sources, n'ayant plus que les effets que j'ai sur
le dos, ne sachant où donner de la tete, j'eus à
choisir entre le suicide et le déshonneur. Je
choisis ce dernier parti, avec la ferme volonté
de faire le moins de tort possible. J'ai fabriqué
pour 95 francs de fausses pièces, arec lesquels
j'ai vécu au jour le jour jusqu'au moment de
mon arrestation, après en avoir émis pour
20 fr. environ.
Maintenant, que la volonté do Dieu soit ̃
faite, et qu'il m accorde le courage et la rési-
gnation Je suis autant à plaindre qu'à blà-
mer.
mer. Signé Pctrus-Hypolite Gay, barbier,
ex-chansonnier, élève de Pierre
Dupont, et émule do Jasmin, le
poète-perruquier d'Agon.
Je ne suis point porté à la tendresse
envers les faux monnayeurs, mais j'avoue
sans embarras que ce récit m'a touché. Je ]
le roproduis ici, parce que je crois que
beaucoup de lecteurs penseront comme
moi. ]
Gaston Vassy.
GAY,
barbier-chansonnier.
jolie montre, dont l'élégance était peu
en harmonie avec les goûts du jeune
homme.
Il se dit que c'était bien certainement
là le fruit d'un de ces « coups dont lui
avait parlé Cérès, et qui servaient, pour
une bonne part, à former le budget de
Beaucousin puis comme le drôle tirait
fréquemment la montre de son gousset,
il finit par remarquer qu'elle portait sur
le boîtier la lettre M.
Cela ouvrit un nouveau" champ à ses
conjectures, et sa conclusion fut que
cette montre avait appartenu au duc de
Montravert.
A la vérité, on n'avait point constaté,
lors de l'assassinat du duc, la disparition
de sa montre, mais c'était encore un de
ces petits détails qui avaient pu échapper
à l'observation de la justice.
Cette découverte le confirma de plus
en plus dans la pensée que Beaucousin
avait pris part à l'assassinat du premier
mari de Marianne et qu'il n'était très-
probablement pas étranger à la tenta-
tive dont lui-même avait été la vic-
time.
Le repas terminé, on se sépara, après
être.convenu qu'on se retrouverait qua-
tre jours après, à un grand dîner, que
Cérès devait donner chez elle « pour
pendre la crémaillère ».
A ce dîner devaient assister le plus
grand nombre possible d'amis et con-
naissances de Beaucousin et de Cérès,
car l'un et l'autre, mus par la vanité,
brûlaient du désir de montrer à ceux
qui les avaient connus menant une exis-
tence misérable, le luxe et le confort
dans lequel ils se trouvaient*
II intéressera d'ailleurs en ce qu'il
montre d'une façon frappante les diffé-
rentes périodes de l'affaiblissement du
ens moral, et la marche de la dégrada*
tion humaine.
Gay a été condamné à dix ans de ré-<
clusion. Il n'a pas fait d'observations, et
s'est contenté de tirer du fond de sa poi-
trine un grand soupir.
Fernand de Rodays.
9ttK DU! JOURNALISTE
XVIII
Si quelqu'un a le don du magnétisme,
c'est certainement Nada impossible de
ne pas l'écouter quand il vous parle et
quand .il darde sur vous ses yeux qui
vous regardent jusqu'au fond de la pen-
sée. Certes, un homme si bien doué n'é-
tait guère faitpourétre républicain. Bien
que débraillée, sa tenue a toujours eu
une élégance relative une vareuse, un
vêtement simple, tout l'habillait, tout lui
allait bien, on sentait en lui un artiste j
une intelligence.
En lisant ces lignes bien sincères, je
suis certain que Nadar se dira pour être
si aimable, il faut que Villemessant me'
prépare quelque tour de sa façon, il doit
me rouler une pilule bien amère dans
tout ce sucre-là!
Il se trompe.
Je reviens à son athéisme et je me de-
mande comment ce cerveau si bien
constitué a pu être ainsi mis à l'envers.
Cet homme si intel igent vous dit tran-
quillement des choses, dans le goût de
celles-ci -Je n'ai pas présenté mon fils
au baptême, mais je suis allé trouver
Barbès et je" lui ai dit: Barbès, baptisa'
mon fils!
Ah si, dans notre parti, nous faisions'
de ces âneries-là, en rirait-il assez.
En un mot, cela veut dire qu'il ne
croit pas au baptême, en affirmant qu'il
y croit; il n'accorde pas, à la religion
qui prêcha le mieux l'humanité le pou-
voir d'influencer heureusement la vie dei
son fils, et il le reconnaît à Barbes! 1
Quelle charade! quelle opérette! il
faudrait là de la musique la plus folle
d'Oflenbach. Non, celui-là est encore
trop raisonnable; il faudrait exposer
Hervé à un soleil ardent jusqu'à ce qu'il
fùt encore plus insensé, lui apporter de
semblables paroles et les lui faire mettre.
en musique.
Ce n'est pas tout. Etant donné un
homme qui professe do tels principes,
cherchez qui pourrait être son ami le
plus intime? Vous pensez naturellement
à Barbès et vous cherchez parmi les li-
bres-penseurs de notre époque. Vous
flottez entre Renan, Challomel-Lacour,
Raoul Rigault, Littré, Vermersch, Da-
costa, Gaillard père, etc., etc. Vains ef-
forts, vous ne trouverez pas! J'aime
mieux vous tirer tout de suite d'embar-
ras,
l'apôtre du catholicisme le plus
convaincu, le plus violent, le plus inju-
rié, le plus haï par les républicains li-
bres-penseurs, c'est M; Louis Veuillot
rédacteur en chef de Y Univers Et il
l'aime et il vie respecte et il doit le tu-
toyer
O logique humaine!
J'avoue que, d'un autre côté, je ne
comprends guère cette sympathie de M.
Veuillot catholique intolérant pour Nadar
athée intransigeant, à moins qu'ils ne
cherchent tous deux à se convertir à
leurs opinions. Je ne veux pour preuve
des sentiments de ce dernier que ces
trois lignes que j'ai reproduites dans
VAutographe et qui ne sont qu'une ar-
dente prière pour Nadar:
Mon Dieu, n'écoutez pas tout ce que dit
Nadar; car il est vraiment brave homme
et pour moi je l'aime beaucoup.
LOUIS VEUILLOT.
On se rappelle cette magnifique lettre
que M. Veuillot écrivit à Nadar à l'occa-
sion du voyage du Géant et qui se termi-
nait par ces belles paroles Souvenez-
vous, au moment du danger, quand
vous serez entre ciel et terre, jetez l'an-
cre en Imut
Et voyez s'il faut qu'il soit persuasif,
j'ai faibli un instant et il m'a fait presque
partager ses convictions et j'avoue que
j'étais sur le point de croire qu'il avait
résolu le problèmede la navigation aé-
rienne. Si bien que, lorsqu'il fréta son
Géant, je ne pus m'empêcher d'y monter
et que je serais parti avec lui si nous n'a-
vions été quatorze et, que comme libre-
penseur, il ne m'eût fait descendre, se
croyant déshonoré si on avait pu l'accu-
ser d'avoir évité le nombre treize.
Ce n'a été du reste que partie remise,
j'ai pris ma revanche un autre jour et
j'ai fait mon voyage en ballon.
Entraîné par je ne sais quelle fantai-
sie, je montai avec plusieurs de mes
rédacteurs dans un ballon qui devait
L'idée de ce dîner, due à l'initiative de
Beaucousin, avait été fort goûtée de M.
Mareuil, qui y voyait la possibilité de
rencontrer de nouveaux personnages,
dont il aurait peut-être à tirer des éclair-
cissements.
Aussi* attendait-il le jour fixé avec une
vive impatience.
Ce jour vint, enfin.
En arrivant chez Cérès, M. Marèuil y.
trouva une vingtaine de personnes, hom.
mes ou femmes, réunis dans le salon.
Parmi elles, étaient la Griffard et une
autre grosse mère que Beaucousin appe-
lait familièrement « la Verduret, » en la
tutoyant.
Comment se fait-il, lui demanda-t-iî
après que M. Mareuil fut entré, que Ju-
liette ne soit pas venue avec toi ?
Tu sais bien comme elle est, répon-
dit la grosse mère; elle a toujours quel-*
que caprice. Aujourd'hui, elle avait
rendez-vous avec un cuisinier que tu lui'
as recommandé et qu'elle se propose de,
prendre. Ce cuisinier est venu comme
nous allions partir, et alors elle m'a diÇ
de prendre les devants et qu'elle allait;
venir. Elle ne peut tarder d'arriver.
MIE D'AGH0NNE<
La fin à demain^
^ajs sont-ils allés choisir pour représenter la
République ? Le Français le ,plus' imbu de
la politique napoléonienne, nn-Thiers, qui
s'est efforcé do renouveler cette politique à
l'égard de l'Italie et do la papauté.
En résumé, Mazzini estimait que pour
le moment le peuple, en France est
égaré par les démagogues et fourvoyé
par les appétits matérialistes auxquels
es meneurs du socialisme ont rabaissé
un problème politique, c'est-à-dire rela-
tivement idéal et moral. ·
»*, Une jolie fable japonaise citée dans
an récit de voyage à l'intérieur du Ja-
pon que publie la Revue des Deux-Mondes
et dont l'auteur est M. Bousquet, un des
avocats français qui ont été chargés d'al-
1er approprier notre code civil aux
mœurs japonaises. On remarquera les
conclusions de la fable japonaise, fort
contraires à nos fables d'Occident qui
raillent volontiers les aventures et don-
nent raison à la prudence bourgeoise.
Cela s'appelle le Sazayétle saumon et la
tai.
Au fond de la baie de Yeddo vivait un sa-
zayé, lourd ernstacé revêtu d'une épaisse
cuirasse. Son bonheur était de s'enfouir, de
si bien s'enfermer dans sa carapace que l'en-
nemi le plus obstiné n'aurait )11 l'en faire sor-
tir. Il no se mettait pas en colère pour un af-
front, il attendait pour se montrer que le dan-
ger fût passé. Le saumon et le tai, grand cher-
cheur d'aventures, l'cnvitentcn vain à parta-
ger. leurs exploits.
La guerre, leur dit-il, n'est pas mon af-
faire je préfère rester bien clos dans ma mai-
son.
Il ne put terminer son discours Fileron
bougea quelque chose de louche apparut â
l'horizon. Le tai et le saumon furent bien vite
au large le sazayé, lui, se renfonça dans sa
coquille. Pourtant, au bout d'un jour. il mit le
nez à la fenêtre ? Que vit-il? A l'étal d'un mar-
chand il était entassé avec d'autres coquil-
lages.
0 trompeuse sécurité, s'écria-t-il alors,
que tu me coûtes cher t
Agréments de la deuxième Cham-
bre, révélés par Cham. II y a là de quoi
surexciter toutes les ambitions.
A la deuxième Chambre, le verre d'eau su-
crée sera remplacé par un couvert complet.
A la deuxième Chambre, l'orateur sera assis
• ^t pourra faire lire son discours par sa gon-
̃vernante.
Opinion de deux dames sur la race
chevaline, toujours d'après l'inépuisa-
ble caricaturiste
AUX COURSES
Tu n'aimerais pas être cheval?
< Ma foi non! Toujours la même robe t
»*» Une plaisante anecdote imaginée
par le Gaulois
A l'occasion de la mise en vente de la pre-
mière livraison illustrée à deux sous
-do l'Année terrible, M. Victor Hugo avait,
l'autre jour, à dîner une douzaine de fana-
tiques. Au dessert, l'un d'eux s'avisa de por-
ter le toast suivant
Au maître sur maîtres) Au pape de l'in-
telligence Au plus radieux génie des temps
modernes!
Mon enfant, fit observer Olympio avec
une modestie toute paternelle, je no mérite
certainement ni ces éloges ni cet hommage.
Je ne vous félicite pas moins d'oser émettre
une opinion qui est celle de tous les esprits
raisonnables et de tous les cœurs généreux.
Bizarreries de la langue française
relevées par le Charivari:
̃ Tous les soirs on lit dans les feuilles pu-
bliques
« M. X. vient de s'éteindre dans sa
soixante-dixième année. »
Vient do s'éteindre. vous lisez bien.
Et le lendemain do sa mort on dira feu
M.
L'Opinion nationale envoie à tous les
journaux de province une note annon-
çant la prochaine pubication d'une
étude sur le passé, le présent, l'avenir,
les habitudes et le rôle politique social,
national, humanitaire de. l'huître.
On se familiarise avec l'huître, continue la
réclame, on apprend à l'aimer, à la manger
comme elle le mérite, et l'on savoure avec
attendrissement, toutes- lés vertus- quo M. P.
a su découvrir en elle.
Tout ceci n'a rien que de plaisamment
inoffensif, mais où la chose devient tout
à fait comique, c'est qu'immédiatement
ces louanges adressées à l'huître, la ré-
clame continue en ces termes
Voir aux annonces les conditions d'abonne-
ment de l'Opinion nationale, organe d'un
groupe nombreux do députés républicains.
Voilà qui n'est pas poli pour le groupe
nombreux. f. m.
Nous rappelons à nos lecteurs que h prix
d'abonnement au Figaro est, pour les dé-
partements de 16 fr. 50 pour trois mois,
33 fr. pour six mois, et 66 fr. pour un an.
Feuilleton du FIGARO do 21 Avril
LES NUITS SllMTIS
Philippe prêta l'oreille, touten faisant
tourner d'un air innocent ses pouces
l'un autour de l'autre et en tenant les
yeux baissés de la plus modeste façon.
Tu aimes l'argent, reprit Juliette, ja
t'en donnerai, et beaucoup.
Alors, il y a moyen de nous enten-
dre, dit Philippe sans changer d'atti-
tude.
J'ai besoin d'une pièce qui doit être
cachée quelque part chez Jean, lé vieux
valet de chambre, l'homme de confiance
de la marquise de Villehaut d'Avron.
Philippe -écoutait toujours, mais il
commençait à sourire.
C'est un acte de naissance qu'il doit
garder comme un objet précieux cet
acte est au nom d'une fille qui s'appelle
Juliette Mérillac. Contre la remise de
cette pièce, je te donnerai mille francs.
C'est bien, dit Philippe, vous ne
marchandez pas, moi non plus. Vous au-
rez votre acte, et sans trop tarder.
Et si plus tard il fallait donner un
coup de main à Beaucousin pour l'aider
Injustices et Abus J
DOUCHES INOPPORTUNES
Nous entrons dans la belle saison. On eom-
mence a arroser plus fréquemment nos rues j
et nos promenades c'est le moment d'attirer
l'attention dc l'autorité compétente sur la ma-
nicro dont opèrent Isa agents chargés de ce
service, et qui, ne se bornant pas à répandre
la rosée municipale sur le sol, en aspergent
outrageusement les passants et les pçomè-
neurs.
Cet abus sévit d'une .façon particulièrement
intense et désastreuse aux Champs-Elysées et
dans l'avenue de l'Impératrice, où l'arrosage
se fait au moyen d'un système de pompes.
Ici, les agents dont nous partons se livrent J
habituellement à des charges de la plus dé-
plorablé « fumisterie » en dirigeant le jet de
leur « instrument sur les personnes, les
voitures et les chevaux. j
Plusieurs dames se plaignent d'avoir eu 1
ainsi des toilettes abîmées.
« Pour ma part, nous écrit un lecteur, j'ai ;•-
failli avant-hier être victime d'un grave acci-
dent le cheval attelé à ma voiture ayant
reçu un de ces jets d'eau dans les naseaux, a
pris peur, s'est" emballé, et ce n'est que grâce
au sang-froid et à l'habileté de mon cocher
que je me suis tiré de là sain et sauf. » '/̃
Nous espérons qu'il sera tenu- compte de
notre observation, et que, désormais, on
pourra aller au Bois à pied, à cheval et en (
voiture, sans avoir à redouter l'application t
forcée de douches aussi inattendues qu'inop-
portunes. Emile Faure,
P. S. De nouveaux renseignements qui
nous sont parvenus, il résulte que le médecin T
de l'état civil (médecin des morts), dont nous
avons parlé, n'a été nommé adjoint au maire 1
de l'un des arrondissements de Paris, qu'a- à
près avoir pris l'engagement de renoncer aux
autres fonctions dont il était déjà investi. c
Mais, encore fallait-il que ces fonctions
fussent remplies jusqu'à la fin du mois,
époque à laquelle le titulaire actuel sera rem- l
placé. E. F.
'̃'̃'̃̃̃̃̃ E. F.
INFORMATIONS
La Journée
Quelle belle journée hier, et que de
monde dehors! Jamais, depuis la guerre.
je n'avais vu un retour des courses aussi
brillant. Les voitures étaient tellement
pressées que parfois, une file entière
devait s'arrêter et rester en panne cinq
ou six minutes.
Chose rare en pareil cas, il n'est pas
arrivé un seul accident, et tous le monde?
voitures, piétons et cavaliers, est rentre
entier chez soi.
Deux mille personnes sont venues
hier à Notre-Dame pour entendre la pa-
role, éloquente du Père Monsabré, qui
prononçait un sermon sur l'Œuvre des
orphelins de la guerre.
S. E. Mgr le cardinal Guibert y assis-
tait ainsi que Mme la maréchale de Mac-
Mahon et un grand nombre de person-
nages de distinction.
Grand dîner, hier soir, au ministère
de l'intérieur. Quarante couverts. Ré-
ception très brillante et très animée.
Bal de charité, mardi, 28 courant, au
Grand-Hôtel. Il est donné par le Bureau
de bienfaisance anglais de Paris, sous le
patronage de lord Lyons et de Mme la
comtesse de Paris, la duchesse de Char-
tres, la princesse Czartoryska, la duchesse
Decazes et Mme de Ladmirault.
MM. Herbert, 21,rueMiromesnil, K.O.
Mangham, 25, avenue d'Antin, et Henry
Blount, 61, rue de Courcelles, se char-
gent de recueillir les souscriptions.
Cette fête a lieu régulièrement depuis
quelques années, et est toujours d'un
grand, éclat.
Le 27 avril sera célébré à Saint-Phi-
lippe du Roule le' mariage de M. Abel da
Quinemont, capitaine au 8e de cuiras-
siers, l'un des survivants de la charge de
Reichshoffen, avec Mlle Jeanne de Tré-
veneuc, fille du député des Côtes-du-
Nord.
Il y avait longtemps qu'on ne nous
avait signalé d'enterrements civils.
Un de nos reporters s'est amusé à en
suivre un hier, celui d'un enfantde trois
ans. Une quinzaine de citoyens portant
des fleurs d'immortelles rouges ala bou-
tonnière, accompagnaient le petit cer-
cueil.
A l'angle des rues Pajol et du Dépar-
tement, celui qui conduisait le deuil et
tenait l'enfant, appela l'une des femmes
qui le suivaient, lui remit son fardeau,
et toute la partie mâle de l'assistance
entra chez le marchand de vins.
à se défaire d'un vieux homme qui nous
gêne, le "donnerais-tu ?
•– Cejja- dépend, fit Bel-Amour.
Beaucousin fera le prix et je te le
payerai directement.
C'est différent, je ne crache jamais
sur l'Ouvrage, quand on me le propose
dans ces conditions.
Ecoute-moi bien, dit alors Juliette,
moi, je ne tiens pas à l'argent; j'ai une
autre passion. mais je veux, à tout
prix, parvenir à mon but. Me seras-tu
dévoué si je te paye largement?
Oui. Vous comprenez, vous, qu'il est
des services qui ne se marchandent pas,
des coups d'épaule et des dévouements
qui n'ont pas de prix. Vous savez, n'est-
ce pas, madame ? que même quand il
faut donner un coup de surin, je suis
homme à le faire sans en parler jamais,
même pour en réclamer le prix, quoi-
que j'aime beaucoup l'argent, ainsi que
vous me l'avez dit tout-à-l'heure.
C'est vrai, tout ce que tu dis-là, Bel-
Amour. Je vois que nous nous enten-
drons à merveille et que nous n'aurons
plus besoin d'intermédiaire, Viens me
voir chez moi.
Quand et comment dois-je me pré-
senter chez madame?
Viens quand tu voudras et comme
tu voudras. Je te sais assez prudent pour
ne pas faire de bêtise.
Sans compter que le temps étant
chose précieuse, je ne fais jamais de vi-
site aux gens quand je n'ai rien de sé-
rieux à leur dire ou rien à leur remettre.
Ah! fit Beaucousin, en touchant
sous la table le genou de la Verduret,
est-ce qu'on va mettre comme ça de cote
les camarades? Le jeu ne serait pas franc
etj'aDnellerais monsieur le commissaire*
J5T
Emile Faure.
IOa y resta.u»^uart d'hère, pufeon
se remit en marche vers le cimetière de
Cayenne. Celui qui portait le cercueil
marchait légèrement de travers.
Grand peuple, va!
i Hier dimanche, on a enterré un poëte-
journaliste du parti révolutionnaire,
Jules Choux, que les rouges ont laissé
mourir à l'hôpital de la Charité.
1 M: Jules Choux, malgré son talent,
très réel, n'était connu que des biblio-
philes et des collectionneurs de jour-
naux. Il avait fondé en 1848 YAimabla
faubourien, journal de la canaille^ et puis
la Chandelle démocratique et sociale, jour-
nal des gens éclairés. =̃
Pendant la Commune, il fit paraître la
Némésis Galante- qui n'eut qu'un numéro.
H publia également une Marseillaise de
187 1, dont voici un échantillon
Hideux tambours de peaux humaines,
Tocsin du sinistre Auxerrois,
Cloches des vêpres siciliennes,
Canon de juin, bombes de rois,
Roulez! sonnez! tonnez! La haine
Soufllc partout l'embrasement.
Très peu de monde à son enterrement.
0 reconnaissance républicaine, ne serais-
tu qu'un vain mot l
Nous avons raconté l'arrestation du
nommé Soleau, agent de transports, pré-
venu de tromperies et de fausses décla-
rations de poids sur les colis qu'il portait
à la Compagnie d'Orléans.
A ce propos, Me Guignard, avocat de
Soleau, a cru comprendre que nous dési-
gnions son client comme agent de la
Compagnie et que nous établissions un
rapport entre lui et l'employé Sisco.
Nous pouvons affirmer à l'honorable
avocat qu'il s'est absolument trompé.
Nous nvvocls jamais eônsidérô Soleau
Nous n'avons jamais considéré Soleau
comme ayant rien de commun- avec
Sisco, dont le cas est tout à fait différent
du sien.
LA VOLEE DES MOULES
Jamais commissaire de police n'a vu
dans son bureau plaignant aussi comi-
que que celui auquel a eu affaire, hier, le
commissaire du quartier des Ternes.
Vous allez en j juger!
Parmi les innombrables légendes de
la Bretagne, il en est une fort curieuse,
celle de la « Volée des moules. » On ra-
conte que, les nuits de grande marée, à
certaines époques de l'année, au mo-
ment où minuit sonne, les moules se
sentent tout à coup prises d'ennui sur
les rochers. Alors.les voilà qui prennent
leur vol, agitant leurs coquilles comme
des ailes, avec un bruit de castagnettes,
et s'en vontr se fixer autre part. Mal-
heur au pêcheur attardé qui rencontre
ce vol bizarre les moules s'abattent sur
lui. s'y fixent, et le retiennent sur le
sable jusqu'à ce que la marée montante
vienne l'y chercher et le remporte.
Or, dernièrement était venu s'établir
au marché des Ternes, comme marchand
de poisson, un bon breton du village de
Roskoir, superstitieux comme on l'est
dans son pays. Il se nomme Jean Kern.
Avant-hier matin, Jean Kern avait
acheté aux Halles Centrales une forte
collection de moules. Pendant la journée
de samedi, il n'en avait que médiocre-
ment vendu, si bien qu'if lui en restait
encore un très gros tas le soir. Ce tas,
Jean Kern ne le retrouva pas hier matin
en arrivant au marché. Toutes ses mou-
les avaient disparues.
C'était grande marée cette nuit, se
dit Jean Kern terrifié, les moules ont
pris leur volée
Et il fit un grand signe de croix.
Les voisins et voisines du marché,
voyant sa terreur, s'amusèrent à l'aug-
menter
t- Tu sais, finit par lui dire l'un d'eux,
il paraît que tes moules ont cassé des
carreaux en s'envolant. T'en voilà au
moins pour cinq cents francs à payer 1
Les cheveux du pauvre breton se dres-
sèrent sur sa tête, et il courut chez la
commissaire de police faire sa déclara-
tion et Ini expliquer que ce n'était pas de
sa faute. Le magistrat, qui n'est pas cré-
dule, a commencé immédiatement une
enquête pour savoir qui avait volé lés
moules de Jean Kern.
Celui-ci persiste néanmoins à croire au
départ de ses coquillages, et il craint
d'être un peu ensorcelé.
On a fait un personnage légendaire da
comte de Grammont, qui entrait au café
à cheval et jouait au billard sans des-
cendre de sa monture. Voici des joueurs
qui certes mériteraient aussi de voir
leurs noms passer à la postérité.
Ils étaient hier matin, à neuf heures,
chez M. Ruelle, marchand de vins, 7, rue
ajouta-t-il en souriant pour cacher son
dépit. En même temps, Beaucousin ten-
dit son verre et l'on trinqua.
Chacun dans cette réunion, d'apparence
joyeuse, songeait à ses intérêts, sauf
toutefois la Verduret, qui était complé-
tement « partie ».
Beaucousin, qui ne se grisait que ra-
rement, avait la tête froide, il calcu-
lait les coups qu'on lui portait, et ceux
qu'il devait rendre. Juliette le contra-
riait en s'entendant ainsi directement
avec Bel-Amour qu'il détestait, et il se
promettait de le leur faire payer à tous
deux, à elle, en argent, à lui, en le
faisant disparaître.
Quant à Juliette, elle ne buvait plus
depuis un moment, mais elle faisait boire
les autres. Sa pensée, pour l'instant
était de s'attacher Philippe sans éloigner
Beaucousin. Elle espérait que la cordia-
lité qu'entraîne le vintempererait leur an-
tipathie mutuelle et l'empêcherait de dé-
genérer en rupture.
La petite fête terminée, 'rendez-vous
pris entre Juliette et Bel-Amour, les qua-
tre convives montèrent en chemin de
fer et ne se séparèrent qu'à la gare de la
place du Havre.
Tandis que Juliette et la Verduret fi-
laient en voiture dans la direction des
Champs-Elysées, Philippe et Beaucousin
montaient, chacun par un chemin diffé-
rent, du côté de Montmartre, le pre-
mier pour aller causer quelques heures
avec le père Paterne le second pour
aller s'enquérir de quelle façon Mlle Ce-
rès avait passé son temps.
M. Mareuil avait profité de la liberté
L lativé dont jouissait Cérès depuis
de Bettechasse, e» train de faire une par-
tie âes plus disputées, lorsque, tout à
coup, l'un d'eux s'aperçut que l'eau ruis-
selait sous ses pieds;
Sapristi! dit-il, on devrait bien
choisir un autre moment pour laver la
salle.
Ça ne fait rien, répondit l'autre, con-
tinuons
Et il lit un quatre-bandes magnifique,
réunissant les trois billes dans un coin.
J'ai une série s'écria le joueur en-
chanté.
Moi, j'ai de l'eau par-dessus mes
souliers, dit l'autre, en se secouant.
En elfet, l'eau montait sur le parquet.
Allez-vous-en! cria du seuil le mar-
chand de vins, il y a un tuyau crevé et
la salle va être inondée.
Interrompre une série, jamais de la
vie dit le joueur intrépide.
Et il se mit à courir autour du billard,
faisant clapoter sous ses pieds l'eau qui
montait, montait toujours.
Enitaj la série fut terminée. Les deux
partenaires avaient de l'eau presque jus-
qu'à mi-jambe. T
Arrêtons-nous un instant, dit le
joueur a la série en essuyant sa queue
dont il avait par inadvertance plongé le
manche dans l'eau.
Pas du tout, j'ai un coulé imman-
quable. et puis les frais courent.
La partie continua ainsi, .pendant que
les employés de la ville faisaient fermer
les prises d'eau de la rue et balayaient
l'eau de la salle.
C'était une partie rudement émo-
tionnante, disait le perdant en réglant au
comptoir le prix des, consommations per-
dues. 1
Ceci se passait hier au bureau de M.
Beylac, commissaire de police de la Sal-
pêtrière.
Une femme amenait à la barre un
fiancé récalcitrant qui, au dernier mo-
ment, avait reculé devant le oui fatal.
Comment dit le magistrat, quand
la chose est si avancée. quand on a
déjà publié les bans!
Eh bien voyons, mon commissaire,
répond le voyou d'un air convaincu, les
ban, c'est-y pas fait pour s'asseoir des-
sus ?'
GAZETTE DES TRIBUNAUX
Pétrus-Hippolyte Gay, barbier, chansonnier,
élève de Pierre Dupont, et émule de Jasmin.
Il m'arrive quelque fois de recevoir
des lettres de détenus. Comment fran-
chissent-elles le seuil de la prison? Je
ne veux pas m'en occuper. Généralement
elle renferment des injures, mais quel-
quefois aussi de touchantes supplications
en faveur de la famille « qui va être pri-
vée de son chef ».
Il y a quelques jours, il m'en parvint
une dont la forme originale me frappa.
Elle se terminait ainsi >:
Je passe samedi 18 devant la cour d'assi-
ses. Dans l'intérêt de de ma famille, dont un
dos membres jouit à Paris d'une certaine con-
sidération, veuillez no pas nommer l'ac-
cusé.
Mon affaire pouvant donner lieu à des in-
cidents d'un certain intérêt, vous ne ferez pas
mal d'y envoyer un de vos reporters les plus
intelligents'.
Croyez à la gratitude do- votre humble ser-
viteur,
Q'est-ce que c'était que ce Gay, « bar-
bier-chansonnier »,qui ne voulait pas être
nommé, mais qui désirait cependant que
la presse s'occupât de lui ? En quoi con-
sistait son affaire ?
J'allai donc à la Cour d'assises, et je
me trouvai en présence d'un grand vieil-
lard de soixante-neuf ans? d'une physio-
nomie débonnaire, accuse d'avoir fabri-
qué de la fausse monnaie. L'acte d'accu-
sation ne disait rien de son passé, ni de
sa profession, et j'allais me retirer pour
ne point perdre mon temps à écouter
une affaire banale, quand les premiers
mots de la plaidoirie de Me Cambusat,
l'avocat de Gay, éveillèrent mon atten-
tion. Le défenseur du vieux faux-mon-
nayeur lisait au jury une espèce de mé-
moiro dû à la plume de son client, et
dans lequel ce dernier racontait toute sa
vie. Voici ce que j'entendis
N6 d'uno bonne famille, il eût beaucoup
mieux valu pour moi que je sortisse de la
mansarde d'un chiffonnier qui eût rempli ses
devoirs cuvera moi, que de sortir de celle où
j'ai vu le jour. Mon enfance s'est passée dans
les larmes et mon adolescence dans les priva-
tions, les humiliations et lit tristesse.
Orpliolin à huit ans, je sortis du collège à
quatorze ans avec une éducation bâtarde qui
ic pouvait me servir que pour obtenir un em-
quelques jours, pour pénétrer plus avant
dans sa:confiance.
La jeune femme;: nous croyons déjà
l'avoir dit, était aussi sotte que belle, et
n'avait pas les premières notions du
bien et du mal. Pour elle, les hommes se
divisaient en deux catégories ceux qui
donnent de l'argent aux femmes et ceux
qui en reçoivent d'elles.
Quant aux femmes, elle les envisa-
geait comme étant toutes plus ou
moins ce qu'elle était elle-même, et,
selon leur âge, leur beauté, la toilette
qu'elles pouvaient se faire donner, elle
les classait en haut ou en bas de l'échelle
sociale î
On comprendra aisément que M. Ma-
reuil n'eût pas eu grand peine à la faire
parler.
C'est ainsi qu'il apprit d'une façon as-
sez précise le genre de relations qui exis-
taient entre Beaucousin, le grinche, et la
taient entre Bc;aucousin, le gémche, et la
mère Griffard, la réceleuse.
D'autre part, il ne pouvait douter que
Beaucousin ne fùt de complicité avec
Philippe, dans les malheurs qui avaient
atteint Marianne.
Mais ce qui lui échappait toujours, c'é-
tait l'intermédiaire qui se trouvait entre
ces misérables et sa femme, et pour le
compte de qui ils agissaient.
Le lendemain, le mobilier de Cérès,
vendu par m'ame Griffard, fut porté dans
son nouveau domicile.
Il y eut, à cette occasion, un nouveau
dîner, offert par M. Mareuil, et auquel
assista l'ogresse.
_M. Mareuil y remarqua pour la pre-
mière fois aueBeaucQusin avait une fort
jîloi de deuxième ou troisième clerc dans une
l étude d'avoué ou de jfcQtaire,emploi pour lequel
j'avais beaucoup de goût et dans lequel j'étais
certain de faire mon chemin mais la fatalité
qui avait présidé à ma naissance en décida
autrement.
1 Au lieu d'entrer chez mon frère, qui avait
cinq employés chez lui, je fus jeté par ma
̃ sceur^ ainée, vieille fille égoïste et méchante,
tout à coup, seul, sans parents, sans amis, sur
le pavé de Lyon, pour y apprendre le métier
de tisserand qui me faisait horreur. Et là,
dans un atelier, avec un maître et des ou-
vriers libertins et ivrognes, qui tournaient en
ridicule ma naïveté et mes croyances, je rc-
çus de si bons exemples que ma troisième an-
née d'apprentissage n'était pas encore termi-
néo que j'enlevai la femme de mon patron,
qui, de son côté, lui enlevait son argent, et
nous allions ensemble. jouir des plaisirs de la
'vie dont je n'avais jamais qu'entrevu les dou-
ceurs.
Poursuivi et jeté en prison, ce fut ainsi que
je fis le premier pas dans cette route fatale
qui devait me conduire dans l'abîme. Je n'y
serais jamais tombé si je n'avais mis les pieds
dans ces sinistres lieux, mais une fois là,
grâce à la promiscuité qui existe dans toutes
les prisons entre les détenus, le hasard de ma
mauvaise étoi'.e me donna pour voisin un
homme prévenu de fabrication de fausse mon-
naic, et il arriva ce qui est arrivé à des mil-
liers d'autres depuis. Cet homme, doué d'une
certaine intelligence, après m'avoir fait jaser,
n'eut pas de peine, vu mon inexpérience et la
situation precaire où j'allais mo trouver en
sortant de prison, à gagner ma confiance. Il
m'offrit ses services, et faisant briller à mon
imagination trop vive la possibilité de mener
la vie à grandes guides, il me donna son nom
et son adresse en m'engageant à l'aller voir,
ce que je fis quand je fus libre.
Je ne l'eusse pas fait si ma famille instruite
par ma triste aventure des dangers auxquels
son abandon m'avait exposé, fût revenue à de
meilleurs sentiments, mais elle fit l'opposé; et
moi, ne sachant pas encore mon état, n'ayant
pas d'ailleurs de livret, je fus obligé d'aller
rendre visite à mon voisin de geôle
Il me reçût à bras ouverts. Il me fit mener
joyeuse vie pendant quinze jours en compa-
gnie do femmes charmantes. Il.futassez adroit
pour me rendre amoureux fou d'une de ces
sirènes qui, d'accord avec lui, trouva le moyen
de me faire payer certaines dépenses avec des
pièces de cinq francs fausses sans que je m'en
doutasse. Ainsi compromis, et mon imagina-
tion exaltée par quinze jours d'orgie, ma maî-
tresse se décida, un matin qu'elle me pressait
sur son sein, à me poser La question, et j'avoue
à ma honte qu'elle m'ensorcela si bien que
j'acceptai d'émettre les fausses pièces de mon
prétendu protecteur.
Arrêté, je fus condamné à perpétuité, et ce
ne fut que dix ans après que l'auteur du crime
ayant été arrêté lui-même et condamné aussi
à vie, je fus gracié à la suite de ses aveux en
ma faveur.
J'abrège forcément ce récit qui, par
certains côtés, ressemble à du Jean-
Jacques. Gay, en sortant de prison
tombe sous la surveillance de la haute
police, le fameux article 47, vous savez.
Un jour, il s'écarte de quelques kilomè-
tres de son lieu de résidence, et est de
nouveau mis en prison sous prétexte de
rupture de ban.
Quand je sortis, je résolus de rompre pour
de bon mon ban, cette fois, et jo le fis sans
être inquiété par la police. J'allai à Saint-
Etienne avec mes 150 francs je réussis
au-delà de mes espérances je montai une
petite boutique de barbier et do fabricant
de chaussons de lisière, deux industries que
j'avais apprises pendant mes dix années de
prison. Je vécus heureux pendant cinq ans. Il
est probable que, sans cette maudite surveil-
lance, j'y serais encore; mais en 1857. ayant
été dénoncé par un misérable que j'avais con-
nu en prison, et que le hasard avait amené
chez moi pour se faire raser, je fus obligé de
partir pour la Suisse.
A Genève, grâce à ma qualité de chanson-
nier, je trouvai un emploi do régisseur dans
un café-concert en vogue, et je passai là les
plus belles années de ma vie. Le directeur
étant tombé en faillite, je parcourus avec les
artistes de la troupe, la Suisse et l'Italie, com-
me autrefois Destouches, mais sans avoir com-
me lui la chance de rencontrer un marquis de
Puysicux.
Je rentrai en France après la commune de
Lyon. J'adressai une épitre à M. le préfet qui,
pour me récompenser de quelques légers ser-
vices, se proposait de faire quelque chose pour
moi, mais ne put pas tenir sa promesse.
Frustré dans mes espérances, indignement
exploité par les éditeurs de chansons, ruiné
par la censure, qui m'a fait perdre 1,000 fr.
pour une seule pièce, en me. refusant le visa,
j'épuisai mes économies, et, à bout de res-
sources, n'ayant plus que les effets que j'ai sur
le dos, ne sachant où donner de la tete, j'eus à
choisir entre le suicide et le déshonneur. Je
choisis ce dernier parti, avec la ferme volonté
de faire le moins de tort possible. J'ai fabriqué
pour 95 francs de fausses pièces, arec lesquels
j'ai vécu au jour le jour jusqu'au moment de
mon arrestation, après en avoir émis pour
20 fr. environ.
Maintenant, que la volonté do Dieu soit ̃
faite, et qu'il m accorde le courage et la rési-
gnation Je suis autant à plaindre qu'à blà-
mer.
mer. Signé Pctrus-Hypolite Gay, barbier,
ex-chansonnier, élève de Pierre
Dupont, et émule do Jasmin, le
poète-perruquier d'Agon.
Je ne suis point porté à la tendresse
envers les faux monnayeurs, mais j'avoue
sans embarras que ce récit m'a touché. Je ]
le roproduis ici, parce que je crois que
beaucoup de lecteurs penseront comme
moi. ]
Gaston Vassy.
GAY,
barbier-chansonnier.
jolie montre, dont l'élégance était peu
en harmonie avec les goûts du jeune
homme.
Il se dit que c'était bien certainement
là le fruit d'un de ces « coups dont lui
avait parlé Cérès, et qui servaient, pour
une bonne part, à former le budget de
Beaucousin puis comme le drôle tirait
fréquemment la montre de son gousset,
il finit par remarquer qu'elle portait sur
le boîtier la lettre M.
Cela ouvrit un nouveau" champ à ses
conjectures, et sa conclusion fut que
cette montre avait appartenu au duc de
Montravert.
A la vérité, on n'avait point constaté,
lors de l'assassinat du duc, la disparition
de sa montre, mais c'était encore un de
ces petits détails qui avaient pu échapper
à l'observation de la justice.
Cette découverte le confirma de plus
en plus dans la pensée que Beaucousin
avait pris part à l'assassinat du premier
mari de Marianne et qu'il n'était très-
probablement pas étranger à la tenta-
tive dont lui-même avait été la vic-
time.
Le repas terminé, on se sépara, après
être.convenu qu'on se retrouverait qua-
tre jours après, à un grand dîner, que
Cérès devait donner chez elle « pour
pendre la crémaillère ».
A ce dîner devaient assister le plus
grand nombre possible d'amis et con-
naissances de Beaucousin et de Cérès,
car l'un et l'autre, mus par la vanité,
brûlaient du désir de montrer à ceux
qui les avaient connus menant une exis-
tence misérable, le luxe et le confort
dans lequel ils se trouvaient*
II intéressera d'ailleurs en ce qu'il
montre d'une façon frappante les diffé-
rentes périodes de l'affaiblissement du
ens moral, et la marche de la dégrada*
tion humaine.
Gay a été condamné à dix ans de ré-<
clusion. Il n'a pas fait d'observations, et
s'est contenté de tirer du fond de sa poi-
trine un grand soupir.
Fernand de Rodays.
9ttK DU! JOURNALISTE
XVIII
Si quelqu'un a le don du magnétisme,
c'est certainement Nada impossible de
ne pas l'écouter quand il vous parle et
quand .il darde sur vous ses yeux qui
vous regardent jusqu'au fond de la pen-
sée. Certes, un homme si bien doué n'é-
tait guère faitpourétre républicain. Bien
que débraillée, sa tenue a toujours eu
une élégance relative une vareuse, un
vêtement simple, tout l'habillait, tout lui
allait bien, on sentait en lui un artiste j
une intelligence.
En lisant ces lignes bien sincères, je
suis certain que Nadar se dira pour être
si aimable, il faut que Villemessant me'
prépare quelque tour de sa façon, il doit
me rouler une pilule bien amère dans
tout ce sucre-là!
Il se trompe.
Je reviens à son athéisme et je me de-
mande comment ce cerveau si bien
constitué a pu être ainsi mis à l'envers.
Cet homme si intel igent vous dit tran-
quillement des choses, dans le goût de
celles-ci -Je n'ai pas présenté mon fils
au baptême, mais je suis allé trouver
Barbès et je" lui ai dit: Barbès, baptisa'
mon fils!
Ah si, dans notre parti, nous faisions'
de ces âneries-là, en rirait-il assez.
En un mot, cela veut dire qu'il ne
croit pas au baptême, en affirmant qu'il
y croit; il n'accorde pas, à la religion
qui prêcha le mieux l'humanité le pou-
voir d'influencer heureusement la vie dei
son fils, et il le reconnaît à Barbes! 1
Quelle charade! quelle opérette! il
faudrait là de la musique la plus folle
d'Oflenbach. Non, celui-là est encore
trop raisonnable; il faudrait exposer
Hervé à un soleil ardent jusqu'à ce qu'il
fùt encore plus insensé, lui apporter de
semblables paroles et les lui faire mettre.
en musique.
Ce n'est pas tout. Etant donné un
homme qui professe do tels principes,
cherchez qui pourrait être son ami le
plus intime? Vous pensez naturellement
à Barbès et vous cherchez parmi les li-
bres-penseurs de notre époque. Vous
flottez entre Renan, Challomel-Lacour,
Raoul Rigault, Littré, Vermersch, Da-
costa, Gaillard père, etc., etc. Vains ef-
forts, vous ne trouverez pas! J'aime
mieux vous tirer tout de suite d'embar-
ras,
l'apôtre du catholicisme le plus
convaincu, le plus violent, le plus inju-
rié, le plus haï par les républicains li-
bres-penseurs, c'est M; Louis Veuillot
rédacteur en chef de Y Univers Et il
l'aime et il vie respecte et il doit le tu-
toyer
O logique humaine!
J'avoue que, d'un autre côté, je ne
comprends guère cette sympathie de M.
Veuillot catholique intolérant pour Nadar
athée intransigeant, à moins qu'ils ne
cherchent tous deux à se convertir à
leurs opinions. Je ne veux pour preuve
des sentiments de ce dernier que ces
trois lignes que j'ai reproduites dans
VAutographe et qui ne sont qu'une ar-
dente prière pour Nadar:
Mon Dieu, n'écoutez pas tout ce que dit
Nadar; car il est vraiment brave homme
et pour moi je l'aime beaucoup.
LOUIS VEUILLOT.
On se rappelle cette magnifique lettre
que M. Veuillot écrivit à Nadar à l'occa-
sion du voyage du Géant et qui se termi-
nait par ces belles paroles Souvenez-
vous, au moment du danger, quand
vous serez entre ciel et terre, jetez l'an-
cre en Imut
Et voyez s'il faut qu'il soit persuasif,
j'ai faibli un instant et il m'a fait presque
partager ses convictions et j'avoue que
j'étais sur le point de croire qu'il avait
résolu le problèmede la navigation aé-
rienne. Si bien que, lorsqu'il fréta son
Géant, je ne pus m'empêcher d'y monter
et que je serais parti avec lui si nous n'a-
vions été quatorze et, que comme libre-
penseur, il ne m'eût fait descendre, se
croyant déshonoré si on avait pu l'accu-
ser d'avoir évité le nombre treize.
Ce n'a été du reste que partie remise,
j'ai pris ma revanche un autre jour et
j'ai fait mon voyage en ballon.
Entraîné par je ne sais quelle fantai-
sie, je montai avec plusieurs de mes
rédacteurs dans un ballon qui devait
L'idée de ce dîner, due à l'initiative de
Beaucousin, avait été fort goûtée de M.
Mareuil, qui y voyait la possibilité de
rencontrer de nouveaux personnages,
dont il aurait peut-être à tirer des éclair-
cissements.
Aussi* attendait-il le jour fixé avec une
vive impatience.
Ce jour vint, enfin.
En arrivant chez Cérès, M. Marèuil y.
trouva une vingtaine de personnes, hom.
mes ou femmes, réunis dans le salon.
Parmi elles, étaient la Griffard et une
autre grosse mère que Beaucousin appe-
lait familièrement « la Verduret, » en la
tutoyant.
Comment se fait-il, lui demanda-t-iî
après que M. Mareuil fut entré, que Ju-
liette ne soit pas venue avec toi ?
Tu sais bien comme elle est, répon-
dit la grosse mère; elle a toujours quel-*
que caprice. Aujourd'hui, elle avait
rendez-vous avec un cuisinier que tu lui'
as recommandé et qu'elle se propose de,
prendre. Ce cuisinier est venu comme
nous allions partir, et alors elle m'a diÇ
de prendre les devants et qu'elle allait;
venir. Elle ne peut tarder d'arriver.
MIE D'AGH0NNE<
La fin à demain^
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