Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1874-04-11
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 11 avril 1874 11 avril 1874
Description : 1874/04/11 (Numéro 101). 1874/04/11 (Numéro 101).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k275201f
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO SAMEDI 11 AVRIL 1874
Ce n'est guère qu'à partir de sa rup-
ture avec 1 empire 4 propos de la réor-
ganisation de l'Ecole des Beaux-Arts, et
à dater de ses études, moins historiques
que politiques, sur Auguste et sur Tibère,
que M. Beulé vit s'étendre 'le cercle de
sa célébrité, restreinte jusqu'alors au
petit monde des académiciens, et des sa-
vants. Encore sa réputation avait si peu
pénétré dans le grand public qu'au 24
mai, après la chute de M. Thiers, son
nom parut comme une énigme dans la
liste du nouveau cabinet; neuf journaux
sur dix l'appelèrent BOulé. Et l'on ne
saurait croire combien il fut affecté de
cette erreur typographique. Cet o à la
place de l'e le froissait au suprême de-
gré. Ayez donc publié vingt volumes,
conquis deux fauteuils académiques, un
Siège parlementaire et un portefeuille
ministériel, pour que l'Agence Havas ne
sache même pas orthographier votre
nom!
Ce nom, il l'entourait depuis long-
temps d'une sollicitude toute particu-
lière et l'avait de bonne heure dégagé
du prénom d'Ernest, qui aurait pu en
compromettre la gravite. Il s'appelait et
voulait qu'on l'appelât Monsieur Beulé
tout court, comme on dit Monsieur
Guizot ou Monsieur Thiers. Et certes, ce
n'était pas uniquement pour la gloire
archéologique qu'il soignait avec un zèle
si jaloux la toilette de son nom. L'ar-
cheologie avait pu être pour lui un
moyen, elle n'était point un but, et rien
ne l'irritait davantage que de se voir
classé comme archéologue et comme sa-
vant. Dès 1855, il disait à un ami qui
était aller le voir dans un plus que mo-
deste logement de la rue des Beaux-
Arts « Je suis un peu à l'étroit ici;
mais j'espère bien vous recevoir un jour
'plus grandement. » « Dans un cabinet
xle ministre? Peut-être! »
Le sort, qui se joue trop souvent des
'prôjets humains, ne lui a pas permis de
̃donner, comme homme politique, toute
'sa mesure et c'est surtout a des décou-
'"vertes, à des travaux littéraires et à des
Técrits esthétiques que son nom restera
'attaché. En face de cette mort soudaine,
â quarante-sept ans, dans toute la force
'de la maturité, après un passé si bril-
lant et un avenir qui pouvait jeter tant
"d'éclat en songeant à cette jeune veuve,
Hi cet enfant au berceau, à ces deux col-
légiens revenant tout joyeux du lyeée;
'passer à l'Institut leurs vacances de Pâ-
"ques, et ne trouvant plus à la maison
'que le cadavre de leur père, je ne puis
m'empêcher de rappeler, comme une
cruelle ironie, l'épithète échappée autre-
'fois à la plume de Sainte-Beuve « L'heu-
'reux Beulé! » ̃ »
'ViGtor Chevalier.:
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
TROYES, 8 avril. M. Epaminon-
.das Delatour a été élu membre du Conseil
général du canton de Ramerupt, par 1,375
voix contre 778, données au marquis des
Réaulx.
̃ BREST, 8 AVRIL. Le transport le
Calvados, parti de Brest à la fin de juillet
1873, est de retour depuis le 24 mars. Voici
l'étonnante légende qui circule au sujet de
ce voyage. Le Calvados, après avoir débar-
qué les prisonniers qu'il transportait, a
t»iïs quelques passagers pour Taïti et
France Or i1 paraîtrait que deux déportés
auraient trouve U moyen de s'embarquer à
son bord, d'y séjourner pendant 32 jours,
sans être découverts.
Mais il était écrit que les deux fugitifs
n'arriveraient pas à bon port. En eltet, ren-
dus à Taïti, où ils auraient pu débarquer
giîns difficulté, ils se seraient mis à voler,
ce qui n'aurait pas tardé à les faire arrêter.
L'un d'eux aurait été .trouve nanti de la
montre d'or d'un lieutenant du Calvados.
Nous reproduisons cette nouvelle sous
toutes réserves et à titre de simple cu-
riosité.
w. Marseille, 9 avril. On çonV 1
mence à compter les victimes de la faillite
.de la Boulangerie. Outre M. Raynouard,
dont nous avons déjà parlé, on cite plu-
sieurs gros banquiers.
Bourg, 9 avril. Le maire vient
de faire aflicher l'avis suivant
Le maire do Bourg informe ses administrés que
.'le lieutenant-colonel du23° de ligne, commandant
d'armes, a fait les recommandations suivantes aux
iroupes composant la garnison de Bourg
n Quelques attaques d'un caractère assez grave
ont été signalées de la part des civils contre les
"soldats du régiment; le lioutenant-eolonel recom-
mande à tout militaire do se servir impitoyable-
ment de ses armes dans le cas où il serait attaqué;
on évitera toute provocation, mais on agira avec la
dorniëre rigueur en cas de besoin. »
Le lieutenant-colonel fait rechercher les auteurs
des attaques qui ont eu lieu hier au soir et les fera
•rèoursiiivre conformément à la loi. Le maire compte
i aur le bou esprit des habitants pour éviter le retour
%es scènes regrettables qui ont motivé l'ordre du
jjjour qui précède.
Vi- ^v^ ALGER, 8 AVRIL. Plusieurs jour-
Feuilleton da FIGARO du M Avril
<61
IlS NUITS SANGLANTES
LM Ntiil~ ~AMLAlItiM
« Toutefois, disait en terminant la
note de l'aide de cuisine, je m'offre en-
core à faire arriver, soit dans la chambre
de la marquise, soit dans l'oratoire de la
chanoinesse, la personne qui, ayant in-
térêt à entretenir l'une ou l'autre de ces
dames, ne craindrait pas de pénétrer su-
brepticement chez elles et de les abor-
der par suprise. Seulement, qu'on n'ou-
blie pas qu'il faut graisser la patte au
portier, avant de franchir le seuil du
temple. »
A ce que je.vois, dit Beaucousin
après avoir lu cette note, il n'est pas fa.
cile d'entrer là-dedans?
On peut ce qu'on veut, fit laconi-
quement Philippe, en allongeant la main
vers les pièces d'orque Beaucousin, bien
à regret, lui laissa prendre, et qu'il se
mit à compter.
C'est-y ton compte, demanda en-
suite Beaucousin.
Ça y est il n'y a rien à dire.
L'aide de cuisine empocha la somme et
retourna à l'hôtel Charvallon.
Quand Beaucousin fut seul
i– J'aurais pas eu difficile, se dit-il, de
lui prendre sa note tout en remettant les
deux cents francs dans mon gousset.
Elle ne dit pas grand'chose, sa note.
Mais si j'avars fait ça, il n'y aurait plus
eu moyen de rien tirer de Juliette, parce
que le cancre n'aurait plus voulu par la
suite traiter que directement avec elle, 4
naux ont annoncé que le général Chanzy
avait été mandé à Paris. Cette nouvelle est
inexacte. Le général n'a pas quitté Alger.
Berlin, 9 avril. L'empereur a
eu de nouvelles conférences avec lé feld-
maréchal comte de Moltke, le ministre de
la guerre et les généraux Voigts-Rhetz et
de Albedyll, au sujet de la loi militaire. On
croit généralement ici que le gouverne.
ment ne demandera que 384,000 hommes
et que le compromis sera conclu sur ce
chiffre.
La discussion de la loi militaire ne com-
mencera que samedi.
Auguste Marcade.
PARIS M JOUR LE JOUR
Depuis quelques jours les nouvelles
d'Espagne sont rares il y a bien eu
échange de canonnades entre les troupes
de Don Carlos et celles du maréchal Ser-
rano, mais le combat n'a pas repris avec
la même intensité que le 25, le 26 et le
27 mars. C'est sans doute à cette trêve
prolongée qu'il faut attribuer le bruit
persistant de pourparlers engagés entre
les parties belligérantes sur quelles
bases pourrait avoir lieu une entente,
personne ne le dit et personne ne le sait
probablement. Toutefois, et sans pou-
voir juger ce qu'il y a de vrai dans tout
ceci, nous devons enregistrer une infor-
mation du journal le Nord
Une transaction du maréchal Serrano est
aujourd'hui plus vraisemblable avec les
carlistes qu'avec le parti alphonsiste. Le
duc de la Torre a passé pendant quelque
temps'comme disposé à s'entendre avec ce
dernier et à se faire l'agent d'une restaura-
tion du fils d'Isabelle II mais cette ten-
dance, si elle a existé, a été remplacée par
des sentiments tout contraires. C'est ce
qu'il est facile d'inférer du déchaînement
dont la duchesse de la Torre est l'objet à
Madrid de la part de la société alphonsiste.
Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que la
marechale fût la première à conseiller à
son mari un rapprochement avec don Car-
los, et son influence, qui ne laisse pas
d'être grande sur l'esprit de M. Serrano,
combinée avec les risques d'une lutte à ou-
trance, pourrait déterminer du jour au len-
demain une conciliation que le prétendant
mettra peut-être moins crempressement à
accepter que son adversaire.
Le correspondant du Journal dûs Dé-
bats moins explicite laisse cependant en-
tendre qu'il y aurait une anguille sous
roche.
Nous avons conservé nos positions,
nous en avons même acquis de nouvelles
admettons que nous ayons fait un grand
pas; cependant nous sommes toujours de-
vant ce mont Abanto, où,, il y a plus d'un
mois, avait échoué Moriones. Ce général
était même allé plus en avant que nous.
C'est ce qu'il ne faudrait pas oublier.
Le maréchal Serrano, chef de l'Etat
dictateur, en définitive est le mieux
placé pour comprendre notre véritable si-
tuation. C'est à lui qu'il est à propos de
s'en rapporter.
L'Indépendance mentionne les mêmes
bruits, mais à rebours, c'est-à-dire qu'elle
suppose que don Carlos pourrait être
abandonne par une partie des siens. A
distance, il est, :nous le répétons, très
difficile de démêler la vérité, et il faut
se contenter d'enregistrer des supposi-
tions.
Donnons encore, d'après le Constitu-
tionnel, quelques détails sur la mort de
deux des meilleurs chefs carlistes, Ollo et
Radica.
La batterie établie sur la route qui prend
San Pedro en enfilade est commandée par
un officier d'artillerie du nom d'Alberico
cet officier se trouvait causant avec M. Muro
et le correspondant de l'Indépendance belge
de la fonderie de Liège. Soudain, le corres-
pondant indiqua à l'officier comme un ex-
cellent blanc à'atteindre, au moment même
où la batterie lancait ses projectiles, la
maison du curé. Alberico pointa l'une de
ses pièces sur l'endroit indiqué et ordonna
de faire feu. La pièce partit, et le projectile,
'rappant l'arête de derrière, fit explosion et
les'jô.çlftts atteignirent Ollo, Radica, l'audi-
teur gSlçi'al, et plusieurs autres officiers
ou chefs. ̃̃̃
Elio, qui se trouvait alors sépare et à quel-
que distance du groupe, allumait sa ciga-
rette? L'effet de l'explosion fut de tuer ins-
tantanément Ollo et l'auditeur, de blesser
grièvement Radjca, qui est mort hier, dans
Paprès-midi, à Santurce, et do causer des
blessures plus ou moins graves aux autres
chefs et officiers. Elio fut, en quelque sorte,
miraculeusement sauvé. •
Maintenant rentrons en France Un
journal étranger avait parlé d'une con-
versation du Maréchal-président et du
comte Rampônt, où celui-ci aurait de-
mandé pour gage d'une réconciliation
entre le centre gauche et la droite, la
modification du ministère et l'entrée de
M, de Goulard aux affaires. Cette histoire
étant en train de faire le tour de la
presse, l'agence Havas lui a opposé la
petite note qu'on va lire ¡
JUs journaux parlent, d'après un journal
et on m'aurait mis de côté. Ca n'em-
pêche que c'est dégoûtant de voir du bel
argent comme ça passer dans de pareilles
mains!
Juliette, quand il arriva chez elle était
en grande tenue, toilette riche et d'un
goût parfait.
Elle se jeta sur la note que lui appor-
tait le Beaucousin, la lut, la relut et la
médita longtemps.
Puis, congédianHe jeune homme, elle
fit venir une voiture de remise, et donna
l'ordre au cocher de la conduire rue de
Seine, à l'hôtel Charvallon.
En entrant à l'hôtel, elle demanda au
valet de pied qu'elle trouva dans l'anti-
chambre, si Mme la marquise de Ville-
haut d'Avron était visible.
Non, madame, lui fut-il répondu;
Mme la marquise ne reçoit plus per-
sonne depuis longtemps déjà.
Juliette sortit sa carte et la remit au
domestique, avec prière de la faire pas-
ser à sa maîtresse.
Je ne.saurais le faire, madame, dit
'le valet, qui refusa en même temps de
prendre le louis que la jeune femme
glissait avec la carte; j'ai des ordres qui
s'y opposent de la façon la plus absolue.
Pourtant, reprit Juliette, il est in-
dispensable que je voie Mme la mar.
quise ou que, tout au moins, elle sache
que je désire la voir, car il s'agit des in.
térêts le plus chers de sa famille.
Je regrette infiniment de n'y rien
pouvoir, répliqua le valet, mais M. Jean
est le seul qui entre chez madame, et
tout ce qu'il m'est possible de faire, c'est
de l'appeler. Alors madame pourra lui
dire l'objet qui l'amène. Si M. Jean veut
prendre sur lui d'enfreindre la consigne,
ce sera son affaire, je n'y serai pour
rien.
Juliette réfléchit un moment.
Elle se souvint que le valet de son
r,
belge, de pourparlers qui auraient eu lieu
entre le président de la République et des
membres du centre gauche. Nos renseigne-
ments ne confirment pas la démarche dont
il s'agit. ïï se peut que, dans telle ou telle
réception présidentielle, la politique ait
fait le sujet de conversations entre le ma-
réchal et des députés de cette nuance;
mais, dans ce cas, le président n'a pu que
répéter les déclarations qu'il a déjà faites
maintes fois, à savoir qu'il n'avait pris
d'engagement que vis-à-vis du pays, qu'il
tiendrait fidèlement cet engagement et
qu'il était résolu à organiser définitivement
son gouvernement avec l'aide des conser-
vateurs et des modérés de tous les partis.
,*¥ Paris-Journal collectionne les cu-
riosités télégraphiques de l'époque du 4
Septembre. Comment les grands soute-
neurs de la liberté de la presse met-
taient-ils leurs maximes en pratique
quand ils détenaient le pouvoir? voici;
une dépêche qui va répondre.
Bordeaux, 29 janvier 1871, 8 h. âmrsoir.
Intérieur à préfet Lot-et-Garonne, Agen–
urgence.
Saisissez le journal, l'abonné, le porteur et
les destinataires, car il y a égale culpabilité.
LÉON GAMBETTA.
Dans l'ordre purement comique, il y a
le cas de M. Léonce Ribert, préfet de la
Vienne on lui avait envoyé comme con-
seiller de préfecture un M. Bucaille de
Littinières, sans mentionner sa parti-
cule. M. Ribert, le croyant simplement
Bucaille, l'accepta sans difficulté mais
tout se découvrit, et l'incorruptible M.
Ribert envoya le télégramme qu'on .va
lire
Poitiers, 9 novembre 1870,' 11 h. 27 m. soir.
Préfet à Intérieur, Tours.
Quand j'acceptai M. Bucaille, j'ignorais
qu'il fùt de' Littinières; j'ai déjà M. de la
Grange cela ferait deux particules sur trois
conseillers de préfecture. L'effet serait fâ-
cheux.
LÉONCE RIBERT.
M. de Littinières fut-il sacrifié ? Re-
nonca-t-il à la particule pour rester
Bucaille et conseiller de préfecture ? Nous
l'ignorons.. • • >
J ,"¡..
V M. Laugel qui a été, qui est encore
secrétaire de M. le duc d'Aumale, a pu-
blié dans la Revue des Deux-Mondes, un
article sur Maurice de Nassau et la con-
centration des pouvoirs entre les mains
des stathouders hollandais de la maison
d'Orange, au commencement du XVIIe
siècle. Croirait-on qu'on a vu là un arti-
cle ayant des vues politiques et destiné
à convertir la France au stathoudérat.
Remarquez que tout en rendant justice
à Maurice de Nassau, M. Laugellui re-
proche sévèrement d'avoir sacrifié le
vieux Barneveldt à ses projets ambitieux,
si bien même que l'intérêt se porte sur
la victime et non sur le vainqueur.
Avouons que M. Laugel eût fait là une
singulière publicité au stathoudérat et
au stathouder dont le fantôme indistinct
trouble à la fois les bonapartistes et les
républicains.
Une amusante plaisanterie, de. 1*
Semaine parisienne.-
Au moment où je termine cette chroni-
que, je recois la'note d'un poète parfaite-
ment inconnu qui me demande de 1 appuyer
auprès de Jules de Glcrvillo, désireux qu'il
serait de publier quelques-uns de ses vers
dans la Semaine parisienne.
Quelle est votre spécialité ? lui deman-
dai-je.
Et lui de répondre' humblement
Le sublime 1
Le chef des insurgés cubains Carlos-
Manuel de Cespedes n'a pas été fusillé
comme on le supposait. Le Bulletin (le la
Révolution cubaine rectifie la version con-
nue jusqu'ici.
Le 27 février dernier, un'sous-otllcier es-
pagnol, avec quelques soldats, rencontra)
près de Aserradero, un nègre inoffensif qui
fut arrêté. On allait le fusiller, quand le
noir promit, si on lui pardonnait la vie,
de conduire les hommes qui l'avaient ar-
rêté, à l'endroit où se trouvait, presque
seul, Carlos-Manuel de Cespedes.
Le sergent et ses soldats arrivèrent, en
effet] 'sans contre-temps, près de l'ancien
président de Cuba, dont fos amis se sau-
veront lâchement. Quant à lui, saisissant
son revolver, il déchargea ses six coups
sur ses ennemis et tomba tué par eux,
combattant jusqu'au dernier moment.
Le corps de Cespedes fut transporté à
Santiago de Cuba et inhumé à la date du
1er mars dernier. F, m,
4- > r,
Injustices et Abus
DROITE! gauche! J ï:
L'ordre et la méthode ne sont pas mal-
heureusement on honneur en France.,
C'est pourtant si beau, l'ordre et là mé-
thode!
Demandez plutôt à Courvoisier et à Des'
cartes.
En dépit de ces deux philosophes, on per.
père, celui qui venait la voir à la pen-
sion et lui apporter les choses dont elle
pouvait avoir besoin, s'appelait aussi
Jean.
Quel âge a le M. Jean dont vous me
parlez? demanda-t-elle aussitôt.
C'est un homme de quarante-sept à
cinquante ans environ, peut-être meme
un peu plus je ne saurais dire au juste.
C'est le valet de chambre de Mine la mar-
quise qui le tient de son père, ce qui fait
qu'il jouit dans la maison d'une considé-
ration exceptionnelle.
Juliette, à ce renseignement, resta un
peu indécise. Elle se demandait si, plutôt
que de se mettre en contact avec ce vieux
serviteur, il ne vaudrait, pas mieux se
faire introduire auprès de la marquise
par Bel.Amour, ainsi que celui-ci le lui
avait offert; mais elle se rappela l'affec-
tueuse déférence que lui montrait autre-
fois le valet de M. d'Avranches, la con-
science avec laquelle il remplissait vis-
à-vis d'elle le rôle de tuteur que lui avait
confié son maître, et elle en conclut
qu'il ne pouvait être qu'utile à l'exécu-
tion de ses projets de sefaire reconnaître,
Wn la circonstance, de ce personnage.
Je verrais avec plaisir M. Jean,
finit-elle par dire; mais pour qu'il sache
tout de suite ce qu'il a à faire, remet-
tez-lui ma carte.
Le valet prit la carte et l'alla porter à-
M. Jean.
A peine avait-il disparu qu'une porte
s'entr'ouvrait discrètement et laissait voir
la tête de l'aide de cuisine, qui dit tout
bas à Juliette
Si Jean ne vous fait pas entrer,
n'insistez pas; sortez sans rien dire et
venez, ce soir, vers les sept heures, il la
petite porte du jardin; j'y serai et je
vous introduirai.
C'est convenu. Merci et voilà des
arrhes, fit Juliette, également à voix
sistc, dans notre pays,, à trouver que le
désordre, quel quil soit, est un effet de
l'art, et que l'absence de méthode est un
des caractères de l'indépendance.
Ce n'était point l'opinion d'un digne pré-
fet de police du, rqi Louis Philippe, M. Ga-
briel Dalessort qui, au contraire, partageait
la manière de voir des Gôurvoisiers et des
Despartes, et avait, en conséquence, ima-
giné, un jour, d'engager les personnes cir-
culant dans les rues de Paris à prendre
toujours Je- trottoir" de droite, à moins
de circonstances particulières justifiant l'in-
fraction à ce principe général.
De cette façon, il ne devait y avoir sauf
quelques exceptions sur chaque trottoir
que- des gens allant dans le même sens, ce
qui évitait beaucoup de « froissements » et
diminuait d'une manière considérable l'en-
combrement dans les rues populeuses.
M. Delessert fit apposer des afriches con-
seillant ce système.
On en rit un peu les premiers jours, puis
on trouva que la chose avait du bon, et
beaucoup ,de personnes s'y conformèrent
pendant quelque temps.
Puis on oublia la recommandation, et on
se reprit à marcher à tort et à travers, sans
rime ni raison, sur n'importe quel trot-
toir, se heurtant, se bousculant, se querel-
lant et quelquefois se battant. C'est ainsi
que cela se pratique encore aujourd'hui; et
c est fort regrettable.
A Londres, on est plus sage qu'à Paris,
et la population, sans avoir eu besoin d'y
être invitée par le lord-maire, prend régu-
lièrement le trottoir qui se trouve à sa
droite
Combien les promenades et les'courses
seraient plus agréables, plus rapides et
moins fatigantes, si nous voulions bien
imiter les habitants de Londres
Pourquoi, d'ailleurs, ne ferions nous pas
ce que nous exigeons que fassent les- co-
chers et les charretiers?
Pour être moins graves que sur la
Chaussée, les inconvénients du désordre et
de la confusion sur le trottoir, ne sont pas
moins réels.
Et dire qu'il suffirait, pour les faire dis-
paraître, de la moindre bonne volonté, et
que personne ne voudra en faire preuve!
Le^ mieux, dans ces conditions, serait
qu'on nous y forçât,
.̃̃̃ Emile Faure.-
INFORMATIONS
La Journée'
'L¡~{\l;l! ,¡ f s';
LES' CR i M ES DU CARTON DE. LIMOURS
Yisite à Limours, le bois d'Ardau, le Chardohnay,
Angervilliers, Briis.– Entretien avec les quatre
accusés mis en liberté dernièrement. Mort tra-
gique d'un ancien cocher et d'un clerc de notaire,
attribuée aux mystérieux assassins de Limours.
Opinion des gens du canton. La terreur géné-
rale.
J'avais promis à mes lecteurs qu'au mo-
ment où cette terrible question des assas-
sinats du canton de Limours, qu'on
croyait vidée par les cinq arrestations que
l'on sait,- se présente de nouveau plus
mystérieuse que jamais, je leur donnerais
les détails les plus complets sur la situation
actuelle de cette cause célèbre, destinée à
faire oublier toutes celles qui l'ont pré-
cédée.
Je tiens parole aujourd'hui.
C'est à Limours, en effet, que j'écris cet
article, dans une chambre de l'hôtel du
'Sabot rouae, en attendant le train de huit
heures vingt-cinq qui va me ramener à
Paris.
Ainsi que je le pensais hier, j'ai trouvé
.le pays aussi terrifié quependant la période
où se commettaient les assassinats légen-
daires que j'ai racontés.
Si ceux qu'on avait arrêtés sont inno-
cents, se dit tout le monde, les coupables
sont donc en liberté, et peuvent recom-
mencer d'un jour à l'autre
(
En débarquant du chemin de for, je
tombe en plein marché. Toutes les com-
.meres des environs sont à leur poste, criant
leur marchandise à l'instar de Paris, appe-
lant les passants par leur nom, et los inju-
riant au besoin.
–Hé, père Guillemard vocifère l'une tout
à coup a un homme en blouse qui passe
.rapidement devant elle. Te faut-y une
belle oie, toi qu'cs riche?
L'homme interpellé hausse les épaules et
disparaît avant que je. puisse l'aborder à
mon très grand regret, car il n'est autre que
1 un des individus dénoncés par le facteur
Legrand, et relâché il y a quatre jours. Je'
«me promets bien du reste de le revoir dans
la journée. >
Me voici à flâner dans le marché, écou-
tant cà et là ce qui se dit sur la mise en li-
berté des inculpés.
Tout le monde semble terrifié de cette
solution inattendue,
Tenez, monsieur, me dit une mar-
chande de fleurs à qui je demande des ren.
seignements, en voilà un, le vieux Gui-
gnard! 1
J'aperçois un vieillard cassé, voûté, traî-
f'nànn^ jamb.0. Figure mpiuio-<# sans expres-
(ni}M 'yeux, ~113x,(3s :¡!gl1;r~ n¡¡:ll\.qoQ~ fJqns, hébété
sion, yeux fixos_c,t vitreux. Il semble' hébété
tt comme obsédé par quelque idée persis-
ante. On voit que les sept semaines de
̃prison qu'il vient de faire ont terribleme^ t
priso,n ~on oDrvo~yu. d,e faire ont terriblcmœ1~1:
frappé son cpryotui. •• ̃
J§ l'appelle; il se retourne et s'éloigne
après m avoir lancé un regard mécontent
-de ses petits yeux verdâtres. On aurait dit
'.un bonhomme d'Hou'mann à ce moment-là.
Comme Ie mQ.nte dans ia votiuM) idéale-
basse en mettant quelques louis dans la
main du drôle.
Au bout de quelques instants, le valet
revint, suivi de Jean, fort ému, plein
d'inquiétude et d'indignation.
En .présence de la belle jeune femme
qui s appelait Juliette Mérillac, et dont
la physionomie lui parut plus insolente
que sympathique, il se demanda si estait
bien là cette jeune fille à laquelle son
maître avait fait donner une si excel-
lente éducation.
Elle ressemblait si peu à ce qu'elle
était jadis, il y avait si loin de cette
belle personne a la pensionnaire d'au-
trefois, qu'il ne pouvait croire à leur
identité. Pourtant, c'était bien le regard
de Mme Mérillac, et ce port de tête était
bien celui du marquis son maître
D'autre part, les traits de la personne qu'il
avait devant les yeux étaient bien les
traits de la jaune fille à qui il portait
jadis des friandises et des cadeaux. Mais
quel changement s'était opéré dans l'ex-
pression de son regard et dans son main-
tien Elle était vraiment méconnais-
sable Et puis, comment, pourquoi se
trouvait-elle dans cette maison ?
Et l'honnête Jean restait là, devant
cette femme, stupéfait, indécis, ne sa-
chant que faire m que dire.
Juliette comprit tout de suite l'effet
qu'elle produisait sur le valet de cham-
bre, et se basant sur le trouble auquel
elle le voyait en proie, elle ne douta pas
que si elle pouvait arriver à l'entretenir
sans témoins, elle n'obtînt facilement de
lui ce qu'elle désirait.
Jean, vous me reconnaissez, n'est-
ce pas, lui dit-elle au bout île quelques
secondes? Moi, je vous remets parfaite-
ment et me souviens très bien de vous.
J'ai à vous parler de choses excessive-
ment importantes, veuillez me conduire
ment peu suspendue de l'hôtel du Sabot
rouge, uu homme du pays que j'avais vu
dans mes précédentes tournées, s'approche
de mol 'et me demande si je sais « le. nou-
veau malheur ?»
Quel nouveau malheur ?
Hais. la mort du père Beaufils
Je me fais raconter cë.que c'est. Le père
Beaufils, un vieillard de soixante-quinze
ans, ancien cocher de fiacre à Paris, ha-
bitait Limours depuis longtemps. Avant-
hier, il a été trouvé la gorge coupée avec
un vieux rasoir ébréché.
Bien que le suicide semble évident, on
n'a pas manqué de dire, et on dit dans tout
le canton, que Beaufils a été tué par les
mystérieux assasins. A l'appui de cette ver-
sion, on raconte que, la veille de sa mort,
le malheureux s'en était allé à Forgos-ïes-
Bains, demander une consultation au mé-
decin de cette localité, M. le docteur Kol-"
zowski, et avait manifesté une très grande
peur de mourir. On ajoute que le rasoir a
été retrouvé sous le lit et que Beaufils n'a
pu le jeter là, son coup fait. J'ai vérifié
la première de ces assertions; elle est
exacte. Quant à la seconde, impossible de
la contrôler sérieusement.
Quoi qu'il en soit, il me paraît certain
qu'il y a suicide et non crime. Les habi-
tants cm canton de Limours n'entendent
malheureusement pas de cette oreille-là, et
beaucoup voient dans la mort du pere
Beaufils une nouvelle causé de terreur.
C'est surtout à mesure qu'on s'éloigne de
Limours pour entrer dans la campagne
proprement dite, que cette terreur aug-
mente. J'en ai la preuve au hameau du
Chardonnay, le premier qui se présente en
allant à Forges. Tout le monde m'y 'regarde
avec une mefiance peu déguisée. On me
prend évidemment un peu pour un assas-
sin.
J'entre tout naturellement dans l'établis-
sement du marchand de vins Robin, chez
lequel le facteur Désiré Legrand a écrit sa
dénonciation posthume.
Robin n'est pas là; il n'y a que sa femme
et sa fille. A peine ai-je ouvert la -bouche
que je les vois se rapprocher et chuchoter,
sans me répondre. Comme j'insiste, la
mère se détache et vient à moi de très
mauvaise grâce
Est-ce vous qui avez vu Legrand écrire
sa lettre? •
Non, monsieur, c'est ma fille, i •'
C'est vous, mademoiselle?
Qué-qu' ça vous regarde?
Bref, il m'est absolument impossible de
tirer aucun renseignement précis de ces
deux payannes entêtées et rusées. Tout ce
qu'on veut bien m'indiquer, c'est la table
où était assis le facteur.
Au moment où je quitte le Chardonnay,
me dirigeant sur le bois d'Ardau, j'entends
une femme crier à une autre
.t-. C'est un monsieur de Paris qui vient
bien sûr pour l'affaire du Clerc de no-
taire
Je me demande ce que peut bien être
l'affaire du clerc de notaire, et cela com-
mence à m'intriguer fortement quand j'ar-
rive au bois d'Ardau.
A l'entrée du hameau se dresse une pe-
tite maison que Guillemard s'est fait bâtir.
Il habite à côté dans une chaumière d'as-
pect sordide et misérable. Au mur sont
pendus des haillons de travail ça et là, des
meubles disloqués et boîteux; des cassero-
les avec des bêches, des peaux de" lapins sur
un vieux tambour. C'est un indescriptible
capharnaum. Au mur pend, d'un air cons-
terné, une horrible lithographie qui repré-
sente « la République versant à boire au
peuple souverain » à côté d'un peigne ébré-
ché accroché à deux clous. Un intérieur
.comme en imaginait Eugène Sue
Dans un coin, sur un grand escabeau on
bois blanc, est accroupie une petite fille aux
cheveux jaunes, à la figure maigre et souf-
freteuse, qui, en me voyant, me cr e d'unç,
voix aiguë
L'père Guillemard n'y est pas, Y casse
des pierros sur le chemin du Pivot! Faut
vous on aller, ot plus vite quo ça!
Jo cède avec empressement à l'invitation
de l'aimable enfant. Ma sortie est encore
saluée par cette remarque
C'en est un qui vient, pour l'affaire du
clerc de notaire de Briis
Cette affaire du clerc de notaire Com-
mence à me préoccuper furieusement, et je
me mets en route pour Briis. A mi-che-
min, j'apercois sur un poteau indicateur
ces mots Chemin du Pivot. C'est là qu'est
le pèro Guillemard,
Je le trouve on effet, au haut d'une côte
abrupte, cassant des cailloux en compa-
fnie de sa femme, de son fils et d'un autre
omme. ̃ • '̃>̃̃̃
Je l'appelle; il me lance un regard de
coté et s'approche do ma voiture.
C'est un homme de moyenne taille,' à la
physionomie singulièrement rusée et alerte.
Un long nez crochu, de petits yeux étince-
lants, une bouche aux lèvres mjjioes, des
cheveux jaunes. Avec cela des mains tollos
que je n'en ayajs jamais vu des mains im-
menses, auxquelles, si Guillemard se gan-
sait, il faudrait au moins du dix-sept trois
quarts, petit dix-huit. Les doigts, gros
comme de petits cervelas, se terminent
par des ongles acérés. On pouse JnvQÏQn?
tairement cru'une de ces maires là étrangle-
rait un h&nmië avec la même facilité que
vous fie lisez pas le Rappel.
Bonjour, pèro Guillcm.^ vous voilà
donc relâche ?
• Gqnirne vous voyez, monsieur, depuis
quatre jours.
Cela a dû faire joliment plaisir à votre
femme et à vos enfants ?
Ici le père Guillemard me regarde d'un
air singulièrement ironique, et se tourne
vers un ami qui m'accompagne, en ayant
l'air de lui dire ` .•
quelque part où personne ne puisse venir
nous déranger.
Jean comgft'it, de reste, qu'il valait'
mieux que leur conversation eût lieu'
sans témoins, et faisant signe a Juliette
de le suivre, il la conduisit dans un pe-
tit salon du rez-de-chaussée, où, depuis
le retour de Biarritz, personne ne met-
tait plus les pieds, la phanoinesse et Ma-
rianne vivant absolument cloîtrées dans
leurs appartements.
Que venez- vous fajre daqs cette
maison frappée par le malheur ? lui de-
manda Jean avant qu'elle eùt le temps
de prendre la parole elle-même.
Je ne pensais pas, Jean, vous, qui
étiez si dévoué^ si complaisant, si em-
pressé autrefois pour moi, que vous me
recevriez comme vous le faites aujour-
d'hui. Vous ne pouvez cependant avoir
oublié que je suis la fille de feu le mar-
quis, votre maître.
Oh! ne dites pas de pareilles choses,
madame, s'écria Jean avec désespoir et
colère, ne le dites jamais, ne le dites pas
ici surtout! Pour moi, vous êtes Mlle
Merillac, rien de plus, ne l'oubliez pas
plus longtemps, je vous en conjure 1
? Puisque c'est ainsi que vous vous
souvenez, je me charge de vous rafraî-
chir la mémoire de manière à vous faire
changer de façons de parler et d'agir à
mon égard.
Rien, madame, rien au monâe ne
saurait me faire dire ce qui n'est pas.
Mais, mon pauvre Jean, vous me
prenez donc pour une femme folle ou
bien sotte, que vous avez l'air de croire
que j'ai fait cette démarche sans avoir
réuni toutes les pièces nécessaires à l'af-
firmation de ce que je prétends!
Je ne sais rien, madame, de ce que
vous voulez dire je ne vous ai jamais
vue et je ne comprends pas pour quel
Est-il bête, ce paroissien-là
Je lui demande de me raconter ses im-
pressions de prison. Il paraît ne pas com.
prendre, et me répond seulement qu'il a
été interrogé très souvent, que d'ailleurs il
n'en veut pas à la justice.
Mais enfin, pourquoi le facteur vous
a-t-il dénoncé?
Guillemard riposte brusquement que Dé-
siré Legrand n'est plus là pour le dire, et
qu'il n'en sait rien. Puis il se remet à cas-
ser ses cailloux à grand fracas, et je me
prépare à m'éloigner après lui avoir fait
accepter quarante sous, et lui avoir de-
mandé si la maison qu'il a fait bâtir est
bien à son goût.
-Pourquoi me demandez-vous cela? in-
terroge Guillemard.
Je lui réponds que c'est parce que je m'in-
téresse beaucoup à la bâtisse, en qualité
d'architecte, et me voilà sur la route de
Brus.
A peine arrivé, je demande au premier
passant ce que c'est que cette fameuse af4
faire du clerc de notaire.
x.«7~P11C01'c un crime de ces, gredins-lit,
bêle le passant. Et il me raconte l'histoire
suivante, qui çst véritablement fort drama-
tique. "̃ -•̃•
11 y a douze ans, le notaire de Briis, M.
1 i>»ry avait pris pour clerc un jeune homme
sans fortune, du nom de Péan. M. Péan
aimait, depuis sept ans, une jeune fille dù
pays, Mlle Picot, laquelle était beaucoup
plus riche que lui.
Tout dernièrement, contre son osro>
rance, le père de la jeune fille résolut de
lui accorder sa main. M. Péan faillit deve-
nir fou de joie et fut, pendant quinze jours
dans l'ivresse du bonheur le plus absolu
Or, dimanche dernier, il disparut tout à
coup, et depuis, personne ne l'a plus revu
Tandis que son patron et tous les gens in-
telligents sont convaincus qu'il s'est sui-
cidé dans un accès d'aliénation mentale
causé par la joie, tout le reste du pays ntè-
tend qu'il a été assassiné.
C'est à la première hypothèse que je me
range complètement, i^-j^uu
Quoiqu'il en soit, la gendarmerie de Li-
mours recherche partout le cadavre. On a
exploré en ma présence une mare dont
l'aspect rappelle celle qu'on voit dans le
Sphinx. C'est une longue 'pièce deau ver-
datre avec des nénufars blancs qui flot.
tent à la surface. Les gendarmes anpo»
laient cela des nunufars. Des centaines
de grenouilles coassent sur les bords, et,
à travers les longues herbes sous-marines1
on voit passer de grosses écrevisses, les
pinces en avant. Elle doit être funèbrè au
clair de lune, cette mare, avec ses eaux
fantastiquement: éclairées, et les? mil-
liers d'êtres bizarres qui se jouent dans ses
profondeurs saumâtres! Un amateur de
suicide ne pourrait rêver tombeau plus trao-
quille. On n'y, a du reste rien trouvé
faute des instruments nécessaires. Les re-
cherches doivent recommencer ce sot ri
•̃"̃̃̃̃ '̃ .•̃̃•̃ ̃:< .-y
En route pour Angervilliersl Voici, dans
sa boutique, un autre des prévenus, le ca-
baretier Henault, que je vois, à travers les
vitres, trinquer avec son coaccusé Frottier,
dit Frocquet. Ce dernier a sa carriole à la
porte: elle porte cette extraordinaire ins-
cription Voiture DE LA Gomme, et est te-
nuemr un être beaucoup plus curieux à
contempler que l'homme-chien. Son vi-
sage, sa tête et ses mains ne sont, en efftet
qu une série d'énormes loupes, de la aras*'
sour d'une noix. ̃ ?
Frocquet et Hénault sont entourés jr,,n
cercle nombreux de buveurs. On* -ùu J»h? ̃
dans le pays, une grande sv^-fftM ?
eux, et ils ont tout à f> 1^uPdtni° Poul
d'honnêtes gens. ~'at la Physionomie
Aussi, E0J'ant qu'on les disculpe à An-
S-™i i Sl continue-t-on à charger, seule-
ment les trois autres, ce qui est tout à fait
illogique. Mais nos bons villageois n'y re-
gardent pas de si près.
Il se fait tard voici l'heure de rentrer à
Limours. En passant, je m'arrête chez le
fermierBatide,dontj'aiparlé dans plusieurs
de mes précédents articles. Je retourne en
sa compagnie voir 1>endroit où s'est pendu
le facteur Désiré,
Depuis la mort du facteur, il y est venu
ul\-?0Tmb,re considérable de curieux, et le
petit bouleau auquel il s'était accroché a
ete. dépouille par eux de toutes ses bran-
ches. J ai retrouvé sur l'écorce les mvsté-
riouses initiales P. D. qu'une main incon-
nue y avait gravées le jour même où le
corps avait éte découvert
On est superstitieux dans le canton de
Limours, et M. Batide m'en donne la
prouve en me racontant la légende sui-
vante, à laquelle nombre de gens du pavs
croient comme à l'Evangile.
On dit qu'à certaines époques lorsque lo temps est clair, on voit entre
aiw heures et minuit, le facteur bé"irè
sortir du bois, S01\Sac^e ^pieSeSban-
douliere. Le spectre alors se met à filer
sur les longs rubana de route, silencieuse-
ment,' sans toucher le sol, comme il con-
vient a tout revenant qui se respecte. Il
passe TO les pays qu'il desservait de son
vivant, et cogne., do son doigt de squelette,
à.quelques-i.vnos des portes où il avait l'ha-
bitude d.e s'arrêter. Le lendemain il arrive
toujours quelque malheur aux habitants
de ces maisons là. Leur bétail meurt, leurs
afÇures tournent mal, ou ils tombent ma.
lades. Il y a deux mois, un cultivateurdu
nom de Macher-y s'est pendu aux environs
'de lorges; on a attribué samort au sorti.
lège que lui avait jeté le toc-toc surnaturel
du facteur.
Voici la légende fantastique: qu'on me é
permette de placer à'la suite uvu 'hiZ
toire touohahtô et pourtant bien. banale
quo M, Batide m'a également racontée Dé.
motif vous nie parlez ainsi familière,
ment.
•– Voyons; mon pauvre Jean; ne pose^z
pas vis-a-vis de moi. Qu'est-ce que je
suis-? Une femme dont vous avez, dirige
l'enfance et qui a gardé le meilleur sou-
venir de vos soins affectueux. Quand j'a-
vais un caprice; une fantaisie, en ce
temps-là c'était à vous que je m'adres-
sais, et c'était par vous que me venaient
tous mes petits bonheurs. Est-ce parce
que le marquis d'Avranches est "mort?
Qu'il n'est plus là pour vous donner des
ordres à mon égard ? Alors, c'est mal,
c'est très-mal, Jean, car ce sont les plus
abandonnés qui ont le plus besoin de
secours et de protection t
En entendant la jeune femme \a[ ran-
pelgr ainsi le passe d'une voix attendrie
iresqu'aveçdes larmes, J^n pensa que'
dans ces dispositions, il pourrait plus
facilement lui faire accepter un silence
qui, pour le moment, était à ses yeux du
plus gs>and prix, car il s'agissait avant
tout pour lui que Marianne ni la chanoi.
-nesse ne fussent troublées dans leur
deuil par les extravagantes prétentions
de Mlle Menllac. La marquise devait
entrer en religion dans quelques mois,
et Mme de Charvallon devant, à la même
époque, se retirer dans son ancien cha-
pitre, le tout était d'ajourner'les tracas-
series de Juliette jusqu'à cet instant où
elles seraient sans inconvénient. C'était
quelques mois de patience à faire pren-
dre a la jeune femme, après quoi la ré-
vélation des folies de jeunesse de M. d'A-
vranches serait impuissante à atteindra
ses maîtresses dans leur sainte retraite.
MIE D'AGHONNE.
(La suite à demain.)
Ce n'est guère qu'à partir de sa rup-
ture avec 1 empire 4 propos de la réor-
ganisation de l'Ecole des Beaux-Arts, et
à dater de ses études, moins historiques
que politiques, sur Auguste et sur Tibère,
que M. Beulé vit s'étendre 'le cercle de
sa célébrité, restreinte jusqu'alors au
petit monde des académiciens, et des sa-
vants. Encore sa réputation avait si peu
pénétré dans le grand public qu'au 24
mai, après la chute de M. Thiers, son
nom parut comme une énigme dans la
liste du nouveau cabinet; neuf journaux
sur dix l'appelèrent BOulé. Et l'on ne
saurait croire combien il fut affecté de
cette erreur typographique. Cet o à la
place de l'e le froissait au suprême de-
gré. Ayez donc publié vingt volumes,
conquis deux fauteuils académiques, un
Siège parlementaire et un portefeuille
ministériel, pour que l'Agence Havas ne
sache même pas orthographier votre
nom!
Ce nom, il l'entourait depuis long-
temps d'une sollicitude toute particu-
lière et l'avait de bonne heure dégagé
du prénom d'Ernest, qui aurait pu en
compromettre la gravite. Il s'appelait et
voulait qu'on l'appelât Monsieur Beulé
tout court, comme on dit Monsieur
Guizot ou Monsieur Thiers. Et certes, ce
n'était pas uniquement pour la gloire
archéologique qu'il soignait avec un zèle
si jaloux la toilette de son nom. L'ar-
cheologie avait pu être pour lui un
moyen, elle n'était point un but, et rien
ne l'irritait davantage que de se voir
classé comme archéologue et comme sa-
vant. Dès 1855, il disait à un ami qui
était aller le voir dans un plus que mo-
deste logement de la rue des Beaux-
Arts « Je suis un peu à l'étroit ici;
mais j'espère bien vous recevoir un jour
'plus grandement. » « Dans un cabinet
xle ministre? Peut-être! »
Le sort, qui se joue trop souvent des
'prôjets humains, ne lui a pas permis de
̃donner, comme homme politique, toute
'sa mesure et c'est surtout a des décou-
'"vertes, à des travaux littéraires et à des
Técrits esthétiques que son nom restera
'attaché. En face de cette mort soudaine,
â quarante-sept ans, dans toute la force
'de la maturité, après un passé si bril-
lant et un avenir qui pouvait jeter tant
"d'éclat en songeant à cette jeune veuve,
Hi cet enfant au berceau, à ces deux col-
légiens revenant tout joyeux du lyeée;
'passer à l'Institut leurs vacances de Pâ-
"ques, et ne trouvant plus à la maison
'que le cadavre de leur père, je ne puis
m'empêcher de rappeler, comme une
cruelle ironie, l'épithète échappée autre-
'fois à la plume de Sainte-Beuve « L'heu-
'reux Beulé! » ̃ »
'ViGtor Chevalier.:
TÉLÉGRAMMES & CORRESPONDANCES
TROYES, 8 avril. M. Epaminon-
.das Delatour a été élu membre du Conseil
général du canton de Ramerupt, par 1,375
voix contre 778, données au marquis des
Réaulx.
̃ BREST, 8 AVRIL. Le transport le
Calvados, parti de Brest à la fin de juillet
1873, est de retour depuis le 24 mars. Voici
l'étonnante légende qui circule au sujet de
ce voyage. Le Calvados, après avoir débar-
qué les prisonniers qu'il transportait, a
t»iïs quelques passagers pour Taïti et
France Or i1 paraîtrait que deux déportés
auraient trouve U moyen de s'embarquer à
son bord, d'y séjourner pendant 32 jours,
sans être découverts.
Mais il était écrit que les deux fugitifs
n'arriveraient pas à bon port. En eltet, ren-
dus à Taïti, où ils auraient pu débarquer
giîns difficulté, ils se seraient mis à voler,
ce qui n'aurait pas tardé à les faire arrêter.
L'un d'eux aurait été .trouve nanti de la
montre d'or d'un lieutenant du Calvados.
Nous reproduisons cette nouvelle sous
toutes réserves et à titre de simple cu-
riosité.
w. Marseille, 9 avril. On çonV 1
mence à compter les victimes de la faillite
.de la Boulangerie. Outre M. Raynouard,
dont nous avons déjà parlé, on cite plu-
sieurs gros banquiers.
Bourg, 9 avril. Le maire vient
de faire aflicher l'avis suivant
Le maire do Bourg informe ses administrés que
.'le lieutenant-colonel du23° de ligne, commandant
d'armes, a fait les recommandations suivantes aux
iroupes composant la garnison de Bourg
n Quelques attaques d'un caractère assez grave
ont été signalées de la part des civils contre les
"soldats du régiment; le lioutenant-eolonel recom-
mande à tout militaire do se servir impitoyable-
ment de ses armes dans le cas où il serait attaqué;
on évitera toute provocation, mais on agira avec la
dorniëre rigueur en cas de besoin. »
Le lieutenant-colonel fait rechercher les auteurs
des attaques qui ont eu lieu hier au soir et les fera
•rèoursiiivre conformément à la loi. Le maire compte
i aur le bou esprit des habitants pour éviter le retour
%es scènes regrettables qui ont motivé l'ordre du
jjjour qui précède.
Vi- ^v^ ALGER, 8 AVRIL. Plusieurs jour-
Feuilleton da FIGARO du M Avril
<61
IlS NUITS SANGLANTES
LM Ntiil~ ~AMLAlItiM
« Toutefois, disait en terminant la
note de l'aide de cuisine, je m'offre en-
core à faire arriver, soit dans la chambre
de la marquise, soit dans l'oratoire de la
chanoinesse, la personne qui, ayant in-
térêt à entretenir l'une ou l'autre de ces
dames, ne craindrait pas de pénétrer su-
brepticement chez elles et de les abor-
der par suprise. Seulement, qu'on n'ou-
blie pas qu'il faut graisser la patte au
portier, avant de franchir le seuil du
temple. »
A ce que je.vois, dit Beaucousin
après avoir lu cette note, il n'est pas fa.
cile d'entrer là-dedans?
On peut ce qu'on veut, fit laconi-
quement Philippe, en allongeant la main
vers les pièces d'orque Beaucousin, bien
à regret, lui laissa prendre, et qu'il se
mit à compter.
C'est-y ton compte, demanda en-
suite Beaucousin.
Ça y est il n'y a rien à dire.
L'aide de cuisine empocha la somme et
retourna à l'hôtel Charvallon.
Quand Beaucousin fut seul
i– J'aurais pas eu difficile, se dit-il, de
lui prendre sa note tout en remettant les
deux cents francs dans mon gousset.
Elle ne dit pas grand'chose, sa note.
Mais si j'avars fait ça, il n'y aurait plus
eu moyen de rien tirer de Juliette, parce
que le cancre n'aurait plus voulu par la
suite traiter que directement avec elle, 4
naux ont annoncé que le général Chanzy
avait été mandé à Paris. Cette nouvelle est
inexacte. Le général n'a pas quitté Alger.
Berlin, 9 avril. L'empereur a
eu de nouvelles conférences avec lé feld-
maréchal comte de Moltke, le ministre de
la guerre et les généraux Voigts-Rhetz et
de Albedyll, au sujet de la loi militaire. On
croit généralement ici que le gouverne.
ment ne demandera que 384,000 hommes
et que le compromis sera conclu sur ce
chiffre.
La discussion de la loi militaire ne com-
mencera que samedi.
Auguste Marcade.
PARIS M JOUR LE JOUR
Depuis quelques jours les nouvelles
d'Espagne sont rares il y a bien eu
échange de canonnades entre les troupes
de Don Carlos et celles du maréchal Ser-
rano, mais le combat n'a pas repris avec
la même intensité que le 25, le 26 et le
27 mars. C'est sans doute à cette trêve
prolongée qu'il faut attribuer le bruit
persistant de pourparlers engagés entre
les parties belligérantes sur quelles
bases pourrait avoir lieu une entente,
personne ne le dit et personne ne le sait
probablement. Toutefois, et sans pou-
voir juger ce qu'il y a de vrai dans tout
ceci, nous devons enregistrer une infor-
mation du journal le Nord
Une transaction du maréchal Serrano est
aujourd'hui plus vraisemblable avec les
carlistes qu'avec le parti alphonsiste. Le
duc de la Torre a passé pendant quelque
temps'comme disposé à s'entendre avec ce
dernier et à se faire l'agent d'une restaura-
tion du fils d'Isabelle II mais cette ten-
dance, si elle a existé, a été remplacée par
des sentiments tout contraires. C'est ce
qu'il est facile d'inférer du déchaînement
dont la duchesse de la Torre est l'objet à
Madrid de la part de la société alphonsiste.
Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que la
marechale fût la première à conseiller à
son mari un rapprochement avec don Car-
los, et son influence, qui ne laisse pas
d'être grande sur l'esprit de M. Serrano,
combinée avec les risques d'une lutte à ou-
trance, pourrait déterminer du jour au len-
demain une conciliation que le prétendant
mettra peut-être moins crempressement à
accepter que son adversaire.
Le correspondant du Journal dûs Dé-
bats moins explicite laisse cependant en-
tendre qu'il y aurait une anguille sous
roche.
Nous avons conservé nos positions,
nous en avons même acquis de nouvelles
admettons que nous ayons fait un grand
pas; cependant nous sommes toujours de-
vant ce mont Abanto, où,, il y a plus d'un
mois, avait échoué Moriones. Ce général
était même allé plus en avant que nous.
C'est ce qu'il ne faudrait pas oublier.
Le maréchal Serrano, chef de l'Etat
dictateur, en définitive est le mieux
placé pour comprendre notre véritable si-
tuation. C'est à lui qu'il est à propos de
s'en rapporter.
L'Indépendance mentionne les mêmes
bruits, mais à rebours, c'est-à-dire qu'elle
suppose que don Carlos pourrait être
abandonne par une partie des siens. A
distance, il est, :nous le répétons, très
difficile de démêler la vérité, et il faut
se contenter d'enregistrer des supposi-
tions.
Donnons encore, d'après le Constitu-
tionnel, quelques détails sur la mort de
deux des meilleurs chefs carlistes, Ollo et
Radica.
La batterie établie sur la route qui prend
San Pedro en enfilade est commandée par
un officier d'artillerie du nom d'Alberico
cet officier se trouvait causant avec M. Muro
et le correspondant de l'Indépendance belge
de la fonderie de Liège. Soudain, le corres-
pondant indiqua à l'officier comme un ex-
cellent blanc à'atteindre, au moment même
où la batterie lancait ses projectiles, la
maison du curé. Alberico pointa l'une de
ses pièces sur l'endroit indiqué et ordonna
de faire feu. La pièce partit, et le projectile,
'rappant l'arête de derrière, fit explosion et
les'jô.çlftts atteignirent Ollo, Radica, l'audi-
teur gSlçi'al, et plusieurs autres officiers
ou chefs. ̃̃̃
Elio, qui se trouvait alors sépare et à quel-
que distance du groupe, allumait sa ciga-
rette? L'effet de l'explosion fut de tuer ins-
tantanément Ollo et l'auditeur, de blesser
grièvement Radjca, qui est mort hier, dans
Paprès-midi, à Santurce, et do causer des
blessures plus ou moins graves aux autres
chefs et officiers. Elio fut, en quelque sorte,
miraculeusement sauvé. •
Maintenant rentrons en France Un
journal étranger avait parlé d'une con-
versation du Maréchal-président et du
comte Rampônt, où celui-ci aurait de-
mandé pour gage d'une réconciliation
entre le centre gauche et la droite, la
modification du ministère et l'entrée de
M, de Goulard aux affaires. Cette histoire
étant en train de faire le tour de la
presse, l'agence Havas lui a opposé la
petite note qu'on va lire ¡
JUs journaux parlent, d'après un journal
et on m'aurait mis de côté. Ca n'em-
pêche que c'est dégoûtant de voir du bel
argent comme ça passer dans de pareilles
mains!
Juliette, quand il arriva chez elle était
en grande tenue, toilette riche et d'un
goût parfait.
Elle se jeta sur la note que lui appor-
tait le Beaucousin, la lut, la relut et la
médita longtemps.
Puis, congédianHe jeune homme, elle
fit venir une voiture de remise, et donna
l'ordre au cocher de la conduire rue de
Seine, à l'hôtel Charvallon.
En entrant à l'hôtel, elle demanda au
valet de pied qu'elle trouva dans l'anti-
chambre, si Mme la marquise de Ville-
haut d'Avron était visible.
Non, madame, lui fut-il répondu;
Mme la marquise ne reçoit plus per-
sonne depuis longtemps déjà.
Juliette sortit sa carte et la remit au
domestique, avec prière de la faire pas-
ser à sa maîtresse.
Je ne.saurais le faire, madame, dit
'le valet, qui refusa en même temps de
prendre le louis que la jeune femme
glissait avec la carte; j'ai des ordres qui
s'y opposent de la façon la plus absolue.
Pourtant, reprit Juliette, il est in-
dispensable que je voie Mme la mar.
quise ou que, tout au moins, elle sache
que je désire la voir, car il s'agit des in.
térêts le plus chers de sa famille.
Je regrette infiniment de n'y rien
pouvoir, répliqua le valet, mais M. Jean
est le seul qui entre chez madame, et
tout ce qu'il m'est possible de faire, c'est
de l'appeler. Alors madame pourra lui
dire l'objet qui l'amène. Si M. Jean veut
prendre sur lui d'enfreindre la consigne,
ce sera son affaire, je n'y serai pour
rien.
Juliette réfléchit un moment.
Elle se souvint que le valet de son
r,
belge, de pourparlers qui auraient eu lieu
entre le président de la République et des
membres du centre gauche. Nos renseigne-
ments ne confirment pas la démarche dont
il s'agit. ïï se peut que, dans telle ou telle
réception présidentielle, la politique ait
fait le sujet de conversations entre le ma-
réchal et des députés de cette nuance;
mais, dans ce cas, le président n'a pu que
répéter les déclarations qu'il a déjà faites
maintes fois, à savoir qu'il n'avait pris
d'engagement que vis-à-vis du pays, qu'il
tiendrait fidèlement cet engagement et
qu'il était résolu à organiser définitivement
son gouvernement avec l'aide des conser-
vateurs et des modérés de tous les partis.
,*¥ Paris-Journal collectionne les cu-
riosités télégraphiques de l'époque du 4
Septembre. Comment les grands soute-
neurs de la liberté de la presse met-
taient-ils leurs maximes en pratique
quand ils détenaient le pouvoir? voici;
une dépêche qui va répondre.
Bordeaux, 29 janvier 1871, 8 h. âmrsoir.
Intérieur à préfet Lot-et-Garonne, Agen–
urgence.
Saisissez le journal, l'abonné, le porteur et
les destinataires, car il y a égale culpabilité.
LÉON GAMBETTA.
Dans l'ordre purement comique, il y a
le cas de M. Léonce Ribert, préfet de la
Vienne on lui avait envoyé comme con-
seiller de préfecture un M. Bucaille de
Littinières, sans mentionner sa parti-
cule. M. Ribert, le croyant simplement
Bucaille, l'accepta sans difficulté mais
tout se découvrit, et l'incorruptible M.
Ribert envoya le télégramme qu'on .va
lire
Poitiers, 9 novembre 1870,' 11 h. 27 m. soir.
Préfet à Intérieur, Tours.
Quand j'acceptai M. Bucaille, j'ignorais
qu'il fùt de' Littinières; j'ai déjà M. de la
Grange cela ferait deux particules sur trois
conseillers de préfecture. L'effet serait fâ-
cheux.
LÉONCE RIBERT.
M. de Littinières fut-il sacrifié ? Re-
nonca-t-il à la particule pour rester
Bucaille et conseiller de préfecture ? Nous
l'ignorons.. • • >
J ,"¡..
V M. Laugel qui a été, qui est encore
secrétaire de M. le duc d'Aumale, a pu-
blié dans la Revue des Deux-Mondes, un
article sur Maurice de Nassau et la con-
centration des pouvoirs entre les mains
des stathouders hollandais de la maison
d'Orange, au commencement du XVIIe
siècle. Croirait-on qu'on a vu là un arti-
cle ayant des vues politiques et destiné
à convertir la France au stathoudérat.
Remarquez que tout en rendant justice
à Maurice de Nassau, M. Laugellui re-
proche sévèrement d'avoir sacrifié le
vieux Barneveldt à ses projets ambitieux,
si bien même que l'intérêt se porte sur
la victime et non sur le vainqueur.
Avouons que M. Laugel eût fait là une
singulière publicité au stathoudérat et
au stathouder dont le fantôme indistinct
trouble à la fois les bonapartistes et les
républicains.
Une amusante plaisanterie, de. 1*
Semaine parisienne.-
Au moment où je termine cette chroni-
que, je recois la'note d'un poète parfaite-
ment inconnu qui me demande de 1 appuyer
auprès de Jules de Glcrvillo, désireux qu'il
serait de publier quelques-uns de ses vers
dans la Semaine parisienne.
Quelle est votre spécialité ? lui deman-
dai-je.
Et lui de répondre' humblement
Le sublime 1
Le chef des insurgés cubains Carlos-
Manuel de Cespedes n'a pas été fusillé
comme on le supposait. Le Bulletin (le la
Révolution cubaine rectifie la version con-
nue jusqu'ici.
Le 27 février dernier, un'sous-otllcier es-
pagnol, avec quelques soldats, rencontra)
près de Aserradero, un nègre inoffensif qui
fut arrêté. On allait le fusiller, quand le
noir promit, si on lui pardonnait la vie,
de conduire les hommes qui l'avaient ar-
rêté, à l'endroit où se trouvait, presque
seul, Carlos-Manuel de Cespedes.
Le sergent et ses soldats arrivèrent, en
effet] 'sans contre-temps, près de l'ancien
président de Cuba, dont fos amis se sau-
veront lâchement. Quant à lui, saisissant
son revolver, il déchargea ses six coups
sur ses ennemis et tomba tué par eux,
combattant jusqu'au dernier moment.
Le corps de Cespedes fut transporté à
Santiago de Cuba et inhumé à la date du
1er mars dernier. F, m,
4- > r,
Injustices et Abus
DROITE! gauche! J ï:
L'ordre et la méthode ne sont pas mal-
heureusement on honneur en France.,
C'est pourtant si beau, l'ordre et là mé-
thode!
Demandez plutôt à Courvoisier et à Des'
cartes.
En dépit de ces deux philosophes, on per.
père, celui qui venait la voir à la pen-
sion et lui apporter les choses dont elle
pouvait avoir besoin, s'appelait aussi
Jean.
Quel âge a le M. Jean dont vous me
parlez? demanda-t-elle aussitôt.
C'est un homme de quarante-sept à
cinquante ans environ, peut-être meme
un peu plus je ne saurais dire au juste.
C'est le valet de chambre de Mine la mar-
quise qui le tient de son père, ce qui fait
qu'il jouit dans la maison d'une considé-
ration exceptionnelle.
Juliette, à ce renseignement, resta un
peu indécise. Elle se demandait si, plutôt
que de se mettre en contact avec ce vieux
serviteur, il ne vaudrait, pas mieux se
faire introduire auprès de la marquise
par Bel.Amour, ainsi que celui-ci le lui
avait offert; mais elle se rappela l'affec-
tueuse déférence que lui montrait autre-
fois le valet de M. d'Avranches, la con-
science avec laquelle il remplissait vis-
à-vis d'elle le rôle de tuteur que lui avait
confié son maître, et elle en conclut
qu'il ne pouvait être qu'utile à l'exécu-
tion de ses projets de sefaire reconnaître,
Wn la circonstance, de ce personnage.
Je verrais avec plaisir M. Jean,
finit-elle par dire; mais pour qu'il sache
tout de suite ce qu'il a à faire, remet-
tez-lui ma carte.
Le valet prit la carte et l'alla porter à-
M. Jean.
A peine avait-il disparu qu'une porte
s'entr'ouvrait discrètement et laissait voir
la tête de l'aide de cuisine, qui dit tout
bas à Juliette
Si Jean ne vous fait pas entrer,
n'insistez pas; sortez sans rien dire et
venez, ce soir, vers les sept heures, il la
petite porte du jardin; j'y serai et je
vous introduirai.
C'est convenu. Merci et voilà des
arrhes, fit Juliette, également à voix
sistc, dans notre pays,, à trouver que le
désordre, quel quil soit, est un effet de
l'art, et que l'absence de méthode est un
des caractères de l'indépendance.
Ce n'était point l'opinion d'un digne pré-
fet de police du, rqi Louis Philippe, M. Ga-
briel Dalessort qui, au contraire, partageait
la manière de voir des Gôurvoisiers et des
Despartes, et avait, en conséquence, ima-
giné, un jour, d'engager les personnes cir-
culant dans les rues de Paris à prendre
toujours Je- trottoir" de droite, à moins
de circonstances particulières justifiant l'in-
fraction à ce principe général.
De cette façon, il ne devait y avoir sauf
quelques exceptions sur chaque trottoir
que- des gens allant dans le même sens, ce
qui évitait beaucoup de « froissements » et
diminuait d'une manière considérable l'en-
combrement dans les rues populeuses.
M. Delessert fit apposer des afriches con-
seillant ce système.
On en rit un peu les premiers jours, puis
on trouva que la chose avait du bon, et
beaucoup ,de personnes s'y conformèrent
pendant quelque temps.
Puis on oublia la recommandation, et on
se reprit à marcher à tort et à travers, sans
rime ni raison, sur n'importe quel trot-
toir, se heurtant, se bousculant, se querel-
lant et quelquefois se battant. C'est ainsi
que cela se pratique encore aujourd'hui; et
c est fort regrettable.
A Londres, on est plus sage qu'à Paris,
et la population, sans avoir eu besoin d'y
être invitée par le lord-maire, prend régu-
lièrement le trottoir qui se trouve à sa
droite
Combien les promenades et les'courses
seraient plus agréables, plus rapides et
moins fatigantes, si nous voulions bien
imiter les habitants de Londres
Pourquoi, d'ailleurs, ne ferions nous pas
ce que nous exigeons que fassent les- co-
chers et les charretiers?
Pour être moins graves que sur la
Chaussée, les inconvénients du désordre et
de la confusion sur le trottoir, ne sont pas
moins réels.
Et dire qu'il suffirait, pour les faire dis-
paraître, de la moindre bonne volonté, et
que personne ne voudra en faire preuve!
Le^ mieux, dans ces conditions, serait
qu'on nous y forçât,
.̃̃̃ Emile Faure.-
INFORMATIONS
La Journée'
'L¡~{\l;l! ,¡ f s';
LES' CR i M ES DU CARTON DE. LIMOURS
Yisite à Limours, le bois d'Ardau, le Chardohnay,
Angervilliers, Briis.– Entretien avec les quatre
accusés mis en liberté dernièrement. Mort tra-
gique d'un ancien cocher et d'un clerc de notaire,
attribuée aux mystérieux assassins de Limours.
Opinion des gens du canton. La terreur géné-
rale.
J'avais promis à mes lecteurs qu'au mo-
ment où cette terrible question des assas-
sinats du canton de Limours, qu'on
croyait vidée par les cinq arrestations que
l'on sait,- se présente de nouveau plus
mystérieuse que jamais, je leur donnerais
les détails les plus complets sur la situation
actuelle de cette cause célèbre, destinée à
faire oublier toutes celles qui l'ont pré-
cédée.
Je tiens parole aujourd'hui.
C'est à Limours, en effet, que j'écris cet
article, dans une chambre de l'hôtel du
'Sabot rouae, en attendant le train de huit
heures vingt-cinq qui va me ramener à
Paris.
Ainsi que je le pensais hier, j'ai trouvé
.le pays aussi terrifié quependant la période
où se commettaient les assassinats légen-
daires que j'ai racontés.
Si ceux qu'on avait arrêtés sont inno-
cents, se dit tout le monde, les coupables
sont donc en liberté, et peuvent recom-
mencer d'un jour à l'autre
(
En débarquant du chemin de for, je
tombe en plein marché. Toutes les com-
.meres des environs sont à leur poste, criant
leur marchandise à l'instar de Paris, appe-
lant les passants par leur nom, et los inju-
riant au besoin.
–Hé, père Guillemard vocifère l'une tout
à coup a un homme en blouse qui passe
.rapidement devant elle. Te faut-y une
belle oie, toi qu'cs riche?
L'homme interpellé hausse les épaules et
disparaît avant que je. puisse l'aborder à
mon très grand regret, car il n'est autre que
1 un des individus dénoncés par le facteur
Legrand, et relâché il y a quatre jours. Je'
«me promets bien du reste de le revoir dans
la journée. >
Me voici à flâner dans le marché, écou-
tant cà et là ce qui se dit sur la mise en li-
berté des inculpés.
Tout le monde semble terrifié de cette
solution inattendue,
Tenez, monsieur, me dit une mar-
chande de fleurs à qui je demande des ren.
seignements, en voilà un, le vieux Gui-
gnard! 1
J'aperçois un vieillard cassé, voûté, traî-
f'nànn^ jamb.0. Figure mpiuio-<# sans expres-
(ni}M 'yeux, ~113x,(3s :¡!gl1;r~ n¡¡:ll\.qoQ~ fJqns, hébété
sion, yeux fixos_c,t vitreux. Il semble' hébété
tt comme obsédé par quelque idée persis-
ante. On voit que les sept semaines de
̃prison qu'il vient de faire ont terribleme^ t
priso,n ~on oDrvo~yu. d,e faire ont terriblcmœ1~1:
frappé son cpryotui. •• ̃
J§ l'appelle; il se retourne et s'éloigne
après m avoir lancé un regard mécontent
-de ses petits yeux verdâtres. On aurait dit
'.un bonhomme d'Hou'mann à ce moment-là.
Comme Ie mQ.nte dans ia votiuM) idéale-
basse en mettant quelques louis dans la
main du drôle.
Au bout de quelques instants, le valet
revint, suivi de Jean, fort ému, plein
d'inquiétude et d'indignation.
En .présence de la belle jeune femme
qui s appelait Juliette Mérillac, et dont
la physionomie lui parut plus insolente
que sympathique, il se demanda si estait
bien là cette jeune fille à laquelle son
maître avait fait donner une si excel-
lente éducation.
Elle ressemblait si peu à ce qu'elle
était jadis, il y avait si loin de cette
belle personne a la pensionnaire d'au-
trefois, qu'il ne pouvait croire à leur
identité. Pourtant, c'était bien le regard
de Mme Mérillac, et ce port de tête était
bien celui du marquis son maître
D'autre part, les traits de la personne qu'il
avait devant les yeux étaient bien les
traits de la jaune fille à qui il portait
jadis des friandises et des cadeaux. Mais
quel changement s'était opéré dans l'ex-
pression de son regard et dans son main-
tien Elle était vraiment méconnais-
sable Et puis, comment, pourquoi se
trouvait-elle dans cette maison ?
Et l'honnête Jean restait là, devant
cette femme, stupéfait, indécis, ne sa-
chant que faire m que dire.
Juliette comprit tout de suite l'effet
qu'elle produisait sur le valet de cham-
bre, et se basant sur le trouble auquel
elle le voyait en proie, elle ne douta pas
que si elle pouvait arriver à l'entretenir
sans témoins, elle n'obtînt facilement de
lui ce qu'elle désirait.
Jean, vous me reconnaissez, n'est-
ce pas, lui dit-elle au bout île quelques
secondes? Moi, je vous remets parfaite-
ment et me souviens très bien de vous.
J'ai à vous parler de choses excessive-
ment importantes, veuillez me conduire
ment peu suspendue de l'hôtel du Sabot
rouge, uu homme du pays que j'avais vu
dans mes précédentes tournées, s'approche
de mol 'et me demande si je sais « le. nou-
veau malheur ?»
Quel nouveau malheur ?
Hais. la mort du père Beaufils
Je me fais raconter cë.que c'est. Le père
Beaufils, un vieillard de soixante-quinze
ans, ancien cocher de fiacre à Paris, ha-
bitait Limours depuis longtemps. Avant-
hier, il a été trouvé la gorge coupée avec
un vieux rasoir ébréché.
Bien que le suicide semble évident, on
n'a pas manqué de dire, et on dit dans tout
le canton, que Beaufils a été tué par les
mystérieux assasins. A l'appui de cette ver-
sion, on raconte que, la veille de sa mort,
le malheureux s'en était allé à Forgos-ïes-
Bains, demander une consultation au mé-
decin de cette localité, M. le docteur Kol-"
zowski, et avait manifesté une très grande
peur de mourir. On ajoute que le rasoir a
été retrouvé sous le lit et que Beaufils n'a
pu le jeter là, son coup fait. J'ai vérifié
la première de ces assertions; elle est
exacte. Quant à la seconde, impossible de
la contrôler sérieusement.
Quoi qu'il en soit, il me paraît certain
qu'il y a suicide et non crime. Les habi-
tants cm canton de Limours n'entendent
malheureusement pas de cette oreille-là, et
beaucoup voient dans la mort du pere
Beaufils une nouvelle causé de terreur.
C'est surtout à mesure qu'on s'éloigne de
Limours pour entrer dans la campagne
proprement dite, que cette terreur aug-
mente. J'en ai la preuve au hameau du
Chardonnay, le premier qui se présente en
allant à Forges. Tout le monde m'y 'regarde
avec une mefiance peu déguisée. On me
prend évidemment un peu pour un assas-
sin.
J'entre tout naturellement dans l'établis-
sement du marchand de vins Robin, chez
lequel le facteur Désiré Legrand a écrit sa
dénonciation posthume.
Robin n'est pas là; il n'y a que sa femme
et sa fille. A peine ai-je ouvert la -bouche
que je les vois se rapprocher et chuchoter,
sans me répondre. Comme j'insiste, la
mère se détache et vient à moi de très
mauvaise grâce
Est-ce vous qui avez vu Legrand écrire
sa lettre? •
Non, monsieur, c'est ma fille, i •'
C'est vous, mademoiselle?
Qué-qu' ça vous regarde?
Bref, il m'est absolument impossible de
tirer aucun renseignement précis de ces
deux payannes entêtées et rusées. Tout ce
qu'on veut bien m'indiquer, c'est la table
où était assis le facteur.
Au moment où je quitte le Chardonnay,
me dirigeant sur le bois d'Ardau, j'entends
une femme crier à une autre
.t-. C'est un monsieur de Paris qui vient
bien sûr pour l'affaire du Clerc de no-
taire
Je me demande ce que peut bien être
l'affaire du clerc de notaire, et cela com-
mence à m'intriguer fortement quand j'ar-
rive au bois d'Ardau.
A l'entrée du hameau se dresse une pe-
tite maison que Guillemard s'est fait bâtir.
Il habite à côté dans une chaumière d'as-
pect sordide et misérable. Au mur sont
pendus des haillons de travail ça et là, des
meubles disloqués et boîteux; des cassero-
les avec des bêches, des peaux de" lapins sur
un vieux tambour. C'est un indescriptible
capharnaum. Au mur pend, d'un air cons-
terné, une horrible lithographie qui repré-
sente « la République versant à boire au
peuple souverain » à côté d'un peigne ébré-
ché accroché à deux clous. Un intérieur
.comme en imaginait Eugène Sue
Dans un coin, sur un grand escabeau on
bois blanc, est accroupie une petite fille aux
cheveux jaunes, à la figure maigre et souf-
freteuse, qui, en me voyant, me cr e d'unç,
voix aiguë
L'père Guillemard n'y est pas, Y casse
des pierros sur le chemin du Pivot! Faut
vous on aller, ot plus vite quo ça!
Jo cède avec empressement à l'invitation
de l'aimable enfant. Ma sortie est encore
saluée par cette remarque
C'en est un qui vient, pour l'affaire du
clerc de notaire de Briis
Cette affaire du clerc de notaire Com-
mence à me préoccuper furieusement, et je
me mets en route pour Briis. A mi-che-
min, j'apercois sur un poteau indicateur
ces mots Chemin du Pivot. C'est là qu'est
le pèro Guillemard,
Je le trouve on effet, au haut d'une côte
abrupte, cassant des cailloux en compa-
fnie de sa femme, de son fils et d'un autre
omme. ̃ • '̃>̃̃̃
Je l'appelle; il me lance un regard de
coté et s'approche do ma voiture.
C'est un homme de moyenne taille,' à la
physionomie singulièrement rusée et alerte.
Un long nez crochu, de petits yeux étince-
lants, une bouche aux lèvres mjjioes, des
cheveux jaunes. Avec cela des mains tollos
que je n'en ayajs jamais vu des mains im-
menses, auxquelles, si Guillemard se gan-
sait, il faudrait au moins du dix-sept trois
quarts, petit dix-huit. Les doigts, gros
comme de petits cervelas, se terminent
par des ongles acérés. On pouse JnvQÏQn?
tairement cru'une de ces maires là étrangle-
rait un h&nmië avec la même facilité que
vous fie lisez pas le Rappel.
Bonjour, pèro Guillcm.^ vous voilà
donc relâche ?
• Gqnirne vous voyez, monsieur, depuis
quatre jours.
Cela a dû faire joliment plaisir à votre
femme et à vos enfants ?
Ici le père Guillemard me regarde d'un
air singulièrement ironique, et se tourne
vers un ami qui m'accompagne, en ayant
l'air de lui dire ` .•
quelque part où personne ne puisse venir
nous déranger.
Jean comgft'it, de reste, qu'il valait'
mieux que leur conversation eût lieu'
sans témoins, et faisant signe a Juliette
de le suivre, il la conduisit dans un pe-
tit salon du rez-de-chaussée, où, depuis
le retour de Biarritz, personne ne met-
tait plus les pieds, la phanoinesse et Ma-
rianne vivant absolument cloîtrées dans
leurs appartements.
Que venez- vous fajre daqs cette
maison frappée par le malheur ? lui de-
manda Jean avant qu'elle eùt le temps
de prendre la parole elle-même.
Je ne pensais pas, Jean, vous, qui
étiez si dévoué^ si complaisant, si em-
pressé autrefois pour moi, que vous me
recevriez comme vous le faites aujour-
d'hui. Vous ne pouvez cependant avoir
oublié que je suis la fille de feu le mar-
quis, votre maître.
Oh! ne dites pas de pareilles choses,
madame, s'écria Jean avec désespoir et
colère, ne le dites jamais, ne le dites pas
ici surtout! Pour moi, vous êtes Mlle
Merillac, rien de plus, ne l'oubliez pas
plus longtemps, je vous en conjure 1
? Puisque c'est ainsi que vous vous
souvenez, je me charge de vous rafraî-
chir la mémoire de manière à vous faire
changer de façons de parler et d'agir à
mon égard.
Rien, madame, rien au monâe ne
saurait me faire dire ce qui n'est pas.
Mais, mon pauvre Jean, vous me
prenez donc pour une femme folle ou
bien sotte, que vous avez l'air de croire
que j'ai fait cette démarche sans avoir
réuni toutes les pièces nécessaires à l'af-
firmation de ce que je prétends!
Je ne sais rien, madame, de ce que
vous voulez dire je ne vous ai jamais
vue et je ne comprends pas pour quel
Est-il bête, ce paroissien-là
Je lui demande de me raconter ses im-
pressions de prison. Il paraît ne pas com.
prendre, et me répond seulement qu'il a
été interrogé très souvent, que d'ailleurs il
n'en veut pas à la justice.
Mais enfin, pourquoi le facteur vous
a-t-il dénoncé?
Guillemard riposte brusquement que Dé-
siré Legrand n'est plus là pour le dire, et
qu'il n'en sait rien. Puis il se remet à cas-
ser ses cailloux à grand fracas, et je me
prépare à m'éloigner après lui avoir fait
accepter quarante sous, et lui avoir de-
mandé si la maison qu'il a fait bâtir est
bien à son goût.
-Pourquoi me demandez-vous cela? in-
terroge Guillemard.
Je lui réponds que c'est parce que je m'in-
téresse beaucoup à la bâtisse, en qualité
d'architecte, et me voilà sur la route de
Brus.
A peine arrivé, je demande au premier
passant ce que c'est que cette fameuse af4
faire du clerc de notaire.
x.«7~P11C01'c un crime de ces, gredins-lit,
bêle le passant. Et il me raconte l'histoire
suivante, qui çst véritablement fort drama-
tique. "̃ -•̃•
11 y a douze ans, le notaire de Briis, M.
1 i>»ry avait pris pour clerc un jeune homme
sans fortune, du nom de Péan. M. Péan
aimait, depuis sept ans, une jeune fille dù
pays, Mlle Picot, laquelle était beaucoup
plus riche que lui.
Tout dernièrement, contre son osro>
rance, le père de la jeune fille résolut de
lui accorder sa main. M. Péan faillit deve-
nir fou de joie et fut, pendant quinze jours
dans l'ivresse du bonheur le plus absolu
Or, dimanche dernier, il disparut tout à
coup, et depuis, personne ne l'a plus revu
Tandis que son patron et tous les gens in-
telligents sont convaincus qu'il s'est sui-
cidé dans un accès d'aliénation mentale
causé par la joie, tout le reste du pays ntè-
tend qu'il a été assassiné.
C'est à la première hypothèse que je me
range complètement, i^-j^uu
Quoiqu'il en soit, la gendarmerie de Li-
mours recherche partout le cadavre. On a
exploré en ma présence une mare dont
l'aspect rappelle celle qu'on voit dans le
Sphinx. C'est une longue 'pièce deau ver-
datre avec des nénufars blancs qui flot.
tent à la surface. Les gendarmes anpo»
laient cela des nunufars. Des centaines
de grenouilles coassent sur les bords, et,
à travers les longues herbes sous-marines1
on voit passer de grosses écrevisses, les
pinces en avant. Elle doit être funèbrè au
clair de lune, cette mare, avec ses eaux
fantastiquement: éclairées, et les? mil-
liers d'êtres bizarres qui se jouent dans ses
profondeurs saumâtres! Un amateur de
suicide ne pourrait rêver tombeau plus trao-
quille. On n'y, a du reste rien trouvé
faute des instruments nécessaires. Les re-
cherches doivent recommencer ce sot ri
•̃"̃̃̃̃ '̃ .•̃̃•̃ ̃:< .-y
En route pour Angervilliersl Voici, dans
sa boutique, un autre des prévenus, le ca-
baretier Henault, que je vois, à travers les
vitres, trinquer avec son coaccusé Frottier,
dit Frocquet. Ce dernier a sa carriole à la
porte: elle porte cette extraordinaire ins-
cription Voiture DE LA Gomme, et est te-
nuemr un être beaucoup plus curieux à
contempler que l'homme-chien. Son vi-
sage, sa tête et ses mains ne sont, en efftet
qu une série d'énormes loupes, de la aras*'
sour d'une noix. ̃ ?
Frocquet et Hénault sont entourés jr,,n
cercle nombreux de buveurs. On* -ùu J»h? ̃
dans le pays, une grande sv^-fftM ?
eux, et ils ont tout à f> 1^uPdtni° Poul
d'honnêtes gens. ~'at la Physionomie
Aussi, E0J'ant qu'on les disculpe à An-
S-™i i Sl continue-t-on à charger, seule-
ment les trois autres, ce qui est tout à fait
illogique. Mais nos bons villageois n'y re-
gardent pas de si près.
Il se fait tard voici l'heure de rentrer à
Limours. En passant, je m'arrête chez le
fermierBatide,dontj'aiparlé dans plusieurs
de mes précédents articles. Je retourne en
sa compagnie voir 1>endroit où s'est pendu
le facteur Désiré,
Depuis la mort du facteur, il y est venu
ul\-?0Tmb,re considérable de curieux, et le
petit bouleau auquel il s'était accroché a
ete. dépouille par eux de toutes ses bran-
ches. J ai retrouvé sur l'écorce les mvsté-
riouses initiales P. D. qu'une main incon-
nue y avait gravées le jour même où le
corps avait éte découvert
On est superstitieux dans le canton de
Limours, et M. Batide m'en donne la
prouve en me racontant la légende sui-
vante, à laquelle nombre de gens du pavs
croient comme à l'Evangile.
On dit qu'à certaines époques
aiw heures et minuit, le facteur bé"irè
sortir du bois, S01\Sac^e ^pieSeSban-
douliere. Le spectre alors se met à filer
sur les longs rubana de route, silencieuse-
ment,' sans toucher le sol, comme il con-
vient a tout revenant qui se respecte. Il
passe TO les pays qu'il desservait de son
vivant, et cogne., do son doigt de squelette,
à.quelques-i.vnos des portes où il avait l'ha-
bitude d.e s'arrêter. Le lendemain il arrive
toujours quelque malheur aux habitants
de ces maisons là. Leur bétail meurt, leurs
afÇures tournent mal, ou ils tombent ma.
lades. Il y a deux mois, un cultivateurdu
nom de Macher-y s'est pendu aux environs
'de lorges; on a attribué samort au sorti.
lège que lui avait jeté le toc-toc surnaturel
du facteur.
Voici la légende fantastique: qu'on me é
permette de placer à'la suite uvu 'hiZ
toire touohahtô et pourtant bien. banale
quo M, Batide m'a également racontée Dé.
motif vous nie parlez ainsi familière,
ment.
•– Voyons; mon pauvre Jean; ne pose^z
pas vis-a-vis de moi. Qu'est-ce que je
suis-? Une femme dont vous avez, dirige
l'enfance et qui a gardé le meilleur sou-
venir de vos soins affectueux. Quand j'a-
vais un caprice; une fantaisie, en ce
temps-là c'était à vous que je m'adres-
sais, et c'était par vous que me venaient
tous mes petits bonheurs. Est-ce parce
que le marquis d'Avranches est "mort?
Qu'il n'est plus là pour vous donner des
ordres à mon égard ? Alors, c'est mal,
c'est très-mal, Jean, car ce sont les plus
abandonnés qui ont le plus besoin de
secours et de protection t
En entendant la jeune femme \a[ ran-
pelgr ainsi le passe d'une voix attendrie
iresqu'aveçdes larmes, J^n pensa que'
dans ces dispositions, il pourrait plus
facilement lui faire accepter un silence
qui, pour le moment, était à ses yeux du
plus gs>and prix, car il s'agissait avant
tout pour lui que Marianne ni la chanoi.
-nesse ne fussent troublées dans leur
deuil par les extravagantes prétentions
de Mlle Menllac. La marquise devait
entrer en religion dans quelques mois,
et Mme de Charvallon devant, à la même
époque, se retirer dans son ancien cha-
pitre, le tout était d'ajourner'les tracas-
series de Juliette jusqu'à cet instant où
elles seraient sans inconvénient. C'était
quelques mois de patience à faire pren-
dre a la jeune femme, après quoi la ré-
vélation des folies de jeunesse de M. d'A-
vranches serait impuissante à atteindra
ses maîtresses dans leur sainte retraite.
MIE D'AGHONNE.
(La suite à demain.)
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 61.87%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 61.87%.
- Collections numériques similaires Hecquet Philippe Hecquet Philippe /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Hecquet Philippe" or dc.contributor adj "Hecquet Philippe")Georgii Baglivi,... Opera omnia medico-practica et anatomica. Hac sexta editione post ultimam Ultrajectinam aucta novisque locupletata dissertationibus, epistolis et praefatione... Accedit tractatus de vegetatione lapidum... necnon de terrae motu romano et urbium adjacentium, anno 1703 /ark:/12148/bpt6k4228596x.highres De l'indecence aux hommes d'accoucher les femmes, et de l'obligation aux femmes de nourrir leurs enfans. 1re partie, [18]-94 p. / . Pour montrer par des raisons de physique, de morale, & de medecine, que les meres n'exposeroient ni leurs vies ni celles de leurs enfans, en se passant ordinairement d'accoucheurs & de nourrices. /ark:/12148/bpt6k1269220j.highres
- Auteurs similaires Hecquet Philippe Hecquet Philippe /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Hecquet Philippe" or dc.contributor adj "Hecquet Philippe")Georgii Baglivi,... Opera omnia medico-practica et anatomica. Hac sexta editione post ultimam Ultrajectinam aucta novisque locupletata dissertationibus, epistolis et praefatione... Accedit tractatus de vegetatione lapidum... necnon de terrae motu romano et urbium adjacentium, anno 1703 /ark:/12148/bpt6k4228596x.highres De l'indecence aux hommes d'accoucher les femmes, et de l'obligation aux femmes de nourrir leurs enfans. 1re partie, [18]-94 p. / . Pour montrer par des raisons de physique, de morale, & de medecine, que les meres n'exposeroient ni leurs vies ni celles de leurs enfans, en se passant ordinairement d'accoucheurs & de nourrices. /ark:/12148/bpt6k1269220j.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 2/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k275201f/f2.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k275201f/f2.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k275201f/f2.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k275201f/f2.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k275201f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k275201f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k275201f/f2.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest