Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1874-02-11
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 février 1874 11 février 1874
Description : 1874/02/11 (Numéro 42). 1874/02/11 (Numéro 42).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
,V-
LE FIGARO MERCREDI 11 FÉVRIER 1874
verses. Selon la direction du vent, on
rend là main à l'un, et l'autre s'efface
momentanément, sauf à reparaître une
fois la crise terminée. Ce procédé ingé-
nieux a permis toutes les évolutions sans
que le public y prît garde! Seulement,
autrefois les Débats avaient la palinodie
dithyrambique. Il chantait les vertus de
Bonaparte sur le rhythme noble, sauf à
l'injurier plus tard dans le style ampoulé
de l'abbé de Lamennais il adressait à
madame la duchesse de Berry ou à Mgr
le comté de Chambord des souhaits am-
phigouriques dans des phrases longues,
cadencées, redondantes, sauf ensuite à
•mstifier l'incarcération de la princesse
et l'exil du roi.
Aujourd'hui, il a la palinodie scepti-
que il est roué, bel esprit, ne croit à
rien-et affecte de le dire. Il voltige avec
une aimable aisance d'un parti" à l'au-
tre, tantôt escarmouchant en faveur de
ses anciens princes; tantôt faisant risette
à la République de Thiers, le tout avec
une désinvolture charmante, le sourire
sur les lèvres! Une pirouette, et tout
est dit l
Dans une appréciation d'ailleurs très
bienveillante, parue dans Y Histoire de la
Révolution de 1848, M. de Lamartine glisse
la phrase suivante où perce l'ironie
« Le Journal des Débats, qui soutient les
gouvernements tour à tour comme étant
l'expression nécessaire des intérêts les
plus essentiels ci les plus permanents de
la Société. » Cela a été vrai de tout
temps.. Bi^n plus .que des journaux de
tf. dé Girardin,– qui, malgré qu'il en
Ait,, obéit., souvent à ses rancunes et à
ses haines, et qui se laisse parfois en-
fraîner dans le domaine des idées ou des
utopies, on pourrait dire des Débats
qu'ils sont le Moniteur du fait accompli.
C?e;st'yers la fin de 1799 que les deux
Bertin, ceux qu'on a appelés depuis Bertin
Xaîné, et Rertin'de Vaux, fils d'un secré-
taire du duc de Choiseul, achetèrent en
compagnie de M. Roux Laborie et de
lli-mpriméur Lenormand, dont la famille
a continué le commerce, une feuille qui
s'appelait alors le Journal des Débats et
lois du Pouvoir législatif et des Actes du
aouvernement. Ils en firent immédiate-
ment l'organe de la réaction catholique
et monarchique qui commençait à se
produire dans toute la France. Le nom
du critiqua Geoffroy était une vedette si-
gnificative^
C'est ici qu'apparaît, au berceau même
du tournai, cette merveilleuse souplesse
dont nous parlons plus haut. En 1801,
Bertin l'aîné, qui était un agent actif des
princes et qui croyait peut-être la Res-
tauration plus proche qu'elle n était en
réalité avait été compromis dans un
complot royaliste et obligé de fuir à l'é-
tranger la police de Fouchér mais l'au-
tre frère était resté. Bertin de Vaux ne
se piquait pas de convictions très soli-
des c'était un banquier, duquel Fiévee
écrivait plus tard, dans sa correspon-
dance intime avec Napoléon Ier « Ce
n'est pas ce qu'on appelle un homme à
opinions; il a d'autres aJJâires. Aussi, en
1803 la proclamation du Consulat à vie
ayant levé toutes leurs hésitations, les
Débats se prononçaient nettement en fa-
veur de Bonaparte contre les princes, et
demandaient pour lui l'investiture mo-
narchique.. pas
̃Cette conversion ne leur porta pas
bonr^ur. Napoléon, qui n'aimait guère
les journaux, commença par dépouiller
les Débats de leur titre,, qui se trans-
forma en celui de Journal de l'empire;
puis il leur imposa un censeur dans la
personne de Fiévée enfin, sur les ins-
tances de Fouché, l'Empereur, qui na-
vait pas sur la propriété des idées bien
SS expulsa complètement les > Bertin,
sans indemnité, et partagea leur pro-
priété entre dix-huit actionnaires, parmi
lesquels je remarque le nom de M. de
Rémusat, le père de l'académicien ac-
tuel.
La période qui-g'étend de la première
Restauration à la fin des Cent-Jours est
eurieuse à consulter. r
Le 27 mars 1814, le Journal de l Em-
pire ^disait `
L'emperoar est en marche pour délivrer sa
capitale assiégée..
Quatre jours après, le 1" avril, le Jour-
nal des Débats, redevenu tel, imprimait
ce qui suit
Monsieur, frère du Roi, est arrivé à Vesoul.
Bonaparte est resté à plusieurs heures de noa
murs.
Et comme, au sortir de ces effroyables
événements politiques, les Bertin n'ou- I
EeaiHefofl du ElflARO in H Février
7
I$$ PITS SANGLANTES
IJe t'ai trouvé une condition, fit
Beaucousin,~après avoir regardé de tous
côtés pour s'assurer qu'ils étaient seuls.
Rien à faire et bien payé ? demanda
le gamin d'un ton indéfinissable.
̃ À peu près.
Came va comme un gant. Continue,
je t'en prie, Beaucousin de mon coeur,
tes discours me" sont agréables comme la
fin d'un-feuilleton.qui vous a empêché
de dormir la nuit.
Alors, écoute bien, car je vais te
;ignaler la partie délicate de l'affaire
faut que tu te mettes sur ton trente-et-un,
que tu te déguises en groom de bonne
maison, que tu parles à la troisième per-
sonne et que tu rompes toute relation
avec -la; bouffarde qui, pour le quart
d'heure, fait tes délices.
La cigarette ne manque pas de char-
me et pourra bien me- suffire pendant
Quelque temps. Quant au ton et au lan-
iaeeid me charge do m'en acquitter à
ta plus grande gloire. Mais tout cela dé-
pend du but où'il fau.t atteindre, du ré-
sultat que je devrai obtenir.
Et; en prononçant ces mots, Fine-Mou-
che imitait de sa main droite le geste
d'une personne qui fait sauter des louis
pour se réjouir de leur bruit.
Beaucousin, sans paraître avoir re-
marqué cette mimique, continua:
_l>ès que je t'aurai fait habiller com-
me il convient, je te donnerai tes derniè-
res instructions,, fit tu iras ensuite te
présenter dans la maison que je tindi-
querai.
9U– Ah! s'écria Fine-Mouche, il faudra
que je me présente il faudra que je in§
fasse accepter! et tu appelles cela me
trouver une position Eh ben 1 vrai, t'es
La'ireprodueiion «sUnterdite. Pour obtenir
l'autorisation, s'adresser à l'auteur, aux bu-
reaux dit journal.
bliaient jamais ce qu'on appelle commu-
nément les intérêts de la boutique, ce
même numéro portait en tête de ses co-
lonnes le petit avis suivant
Messieurs les souscripteurs sont avertis
que les conditions d'abonnement sont tou-
jours les mômes.
Les princes légitimes revenus Ber-
tin de Vaux s'effaca, et son frère, celui
qui avait souffert pour la bonne cause,
reprit sa place au premier plan. C'est le
beau temps des Débats.: il tirait jusqu'à
25,000, chiffre encore respectable aujour-
d'hui et qui était énorme pour l'époque.
D'ailleurs, à partir de ce moment jusqu'à
leur mort, qui se produisit à une a-nnée
d'intervalle (1842-43), les deux Bertin
restèrent cantonnés dans les attributions
qu'ils s'étaient volontairement dépar-
ties. Tandis que Bertin de Vaux, épris des
situations officielles ettour àtour conseil-
ler d'Etat, député, pair de France, était
chargé des relations extérieures, Louis,
l'aîné, se consacrait exclusivement à la
trituration quotidienne du journal. Il
avait le département de l'intérieur et y
régnait en maître absolu.
Sous la Restauration, les Débats sui-
virent une ligne de conduite assez nette
très dévoués au roi, ils attaquaient les
ministres avec acharnement.
Et, au sujet de cette attitude d'opposi-
tion dynastique, nous trouvons dans les
ouvrages du temps une anecdote fort
curieuse. Comme on citait les Bertin
devant Charles X « Ne me parlez pas de
ces gens-là, fit le roi interrompant; ils
n'ont point d'opinion ils ont de l'orgueil
et l'amour de l'argent par dessus tout.
Voilà ce que j'ai entendu de Bertin de
Vaux lui-même c'était lorsque le minis-
tère Martignac fut appelé à remplacer le
ministère Villèle. Bertin de Vaux vint
me voir quelques jours après et me dit
dans la conversation Ce ministère, c'est
moi qui l'ai fait! Qu'il se conduise bien
avec moi, sans quoi je pourrais le défaire
comme l'autre. Ils ont exigé le paiement
immédiat d'une somme de cent mille écus
pour ce qu'ils appellent l'arriéré. Ça, di-
sait le roi, j'en suis sûr! »
Avec le ministère Polignac, l'hostilité
des Débats alla s'accentuant. Néanmoins
ils étaient toujours dynastiques ils le
restèrent même après la Révolution de
Juillet 1830, jusqu'au 4 août, c'est à dire
jusqu'au moment précis où ils s'aperçu-
rent que la lieutenance-générale du duc
d'Orléans allait se transformer en une
royauté nouvelle. A partir de ce jour, ils
brûlèrent à la fois leurs Dieux et leurs
vaisseaux..
D'ailleurs, pour bien se rendre compte
des transformations successives opérées
par le journal, toujours sous la direction
de Bertin, il n'est pas inutile de mettre
en regard son opinion sur les mêmes
sujets, mais à des dates différentes. On
verra les .Débats chanter tour à tour le
bonapartisme, la légitimité et l'orléa-
nisme sur des rhythmes divers, mais par-
ticulièrement sur le rhythme dithyram-
bique»" -;̃•
1803
Our, dans le Temple de mé-
| moire
Seront gravés fous-les hauts
1 faits
Deponaparte, dont la gloire
Fut la conquête de la paix.
S'il y a encore des
Français qui -conser-
vent des espérances
frivoles sur le retour
d'une famille malheu-
reuse qui n'a pas su
conserver son antique
héritage, ils convien-
dront aujourd'hui
qu'après s'être laissé
tomber par leur im-
prudence d'un trône
si bien affermi, ces
princes ne sauraient
s'y tenir fermes lors-
qu'ils sepa^on}; entou-
rés de' précipices et
d'écueils, lorsque tant
fa passions exaspé-
rées., t»ftt d'intérêts
frappés frémû'aipnt
autour d'eux. II ne
manque à Bonaparte
que cette habileté qui
doit fixer dans sa fa-
mille la fruit de ses
services. Qu'il soit
donc le fondateur
d'une dynastie nou-
velle
Lorsque, le 20 mars,
le tyran, protégé par
une soldatesque par-
jure, vint usurper la
place dans un palais
de Paris et dans une
capitale orpheline, il
enveloppa son entrée
des ombres de la nuit.
Il arriva seul, avec le
cortège de ses com-
plices et de ses crimes.
Quel homme aurait
pu se rappeler sans
etre saisi d'épouvanté
qu'à la même place où
la'physionomie céleste
de notre père rayon-
nait- de tout l'amour
du peuple et de toute
la sévérité d'une su-
blime vertu, on avait
pu voir naguère, ca-
ché à demi derrière
ses odieux satellites,
ce Corse au teint do
plomb et à l'œil de
tigre, dont la bouche
n'a jamais souri qu'au
darnage ? 1
Cet homme (Bona-
parte) est un des meil-
leurs acteurs qui aient
paru. Le mélodrame
lui convenait comme
la farce. Il pleurait
avec la même facilité
çpî'nn crocodile.
pas encore le malin des malins, mon
vieux Beaucousin, et je dois te dire que,
pour ma part, si je me mêlais de proté-
ger quelqu'un je le ferais un peu mieux
que toi.
Chut pas de blagues, interrompit
.Beaucousin, tout ça c'est des paroles en
l'air qui prennent du temps et ne font
pas avancer la besogne. Ce que je te dis
est sérieux, t#s-toi et écoute-moi. Il
faut que pas plus tard que demain tu sois
ïnsiullé dans la maison, en question et
que tu n'y perdes pas ton temps.
C'est 'boiïj mettons que j'y suis,
puisqu'il le faut. Uiu? fois là, que faudra-
t-il que je fasse ? 9
Je t'ai déjà dit que je te donnerais
tes dernières instructions quand je t'au-
rai habillé.
Mais, en attendant, et rien que pour
augmenter les charmes de la promenade,
il me semble que tu pourrais bien me
faire confidence de l'endroit où il m'est
ordonné d'aller me faire offrir le loge-
ment, le couvert et les bons procédés.
C'est rue de la Pépinière, répondit
brièvement Beaucousin.
Ce quartier me plaît, dit Fine-
.Mouche. Tout hôtels; tout gens riches,
des poseurs dont on peut avantageusement
soulager les poches. Ah! Beaucousin, tu
es un ami, et le choix du quartier seul me
raccommode avec toi et me fait passer
pardessus ce que ton offre a de défec-
tueux.
̃ Attends donc que j'aie fini pour me
remercier, sans quoi tu ne sauras plus
prouver de mots pour m'exprimer ta re-
connaissance.
Va, va toujours, parle encore, ta
voix est douée, je t'écoute 1
Je t'envoie chez le duc de Montra-
vert, un homme qui a autant de fortune
çué tu as d'années de misère sur le dos.
Si c'était vrai, mais là bien vrai, tu
ne serais plus seulement un homme pour
moi, Beaucousin, mais quelque chose de
•vénérable comme l'empereur de la
Chine. Mais, dis donc, des gens comme
ça, ça ne doit jamais savoir le compte de
sa monnaie, et, quand ça pose ses habits,
ça nè doit jamais songer non plus à vider
ses poches â
Il ne s'agit pas de cela, fit Beaucou-
sin, au contraire il faut que tout le
temps que tu passeras chez le duc tu
1815
1828
Personne ne veut
de révolution. La Fran-
ce veut à jamais la
race légitime de nos
rois, race immortelle,
qui est une sorte de
trésor vivant de nos
annales, une espèce de
monument historique
sacré de la patrie.
La branche aînée de
la famille des Bour-
bons a cessé de gou-
verner. Sa chute a
été prompte. En moins
de huit jours elle est
tombée du trône Elle
part aujourd'hui n'em-
portant de la France
qu'un éternel et irré-
vocable adieu, mêlé
dans les âmes honnê-
tes Tle pitié, mais sans
regret.
1831
Chacun a ses morts
chacunases douleurs:
les uns ont Borie, les
autres ont le duc de
Berry.
Quiconque a réflé-
chi un peu sur cette
matière sait qu'il n'y
a vraiment pas un
droit de légitimité.
1331
(Assassinat du duc de
Berry.)
Nous avons vu la
main qui a tenu le
poignard c'était une
idée libérale.
1821
(Naissance du comte
de Chambord.)
Cet enfant est l'en-
fant de la France il
est à nous, cet enfant
royal. Jurons de vivre
ou de mourir pour lui;
si c'est nécessaire, que
les ennemis de la lé-
gitimité frémissent de
leur impuissance.
1821
(De la duchesse de
Berry.)
Quel homme, s'il n'a
un cœur de boue ou
un cœur de rocher,
pourrait contempler
sans émotion ce cou-
rage sublime qui, pour
l'accomplissement de
ses hautes destinées,
vous élève au-dessus
de toutes les craintes,
vous fait triompher
de toutes les douleurs,
vous inspire une con-
fiance surnaturelle,
vous communique une
force supérieure à vo-
tre sexe, à votre cœur,
à vos malheurs
Oui, madame la du-
chesse de Berry a été
détenue; oui, elle a
été mise en liberté
contre les règles du
droit commun. Mais
où est le droit com-
mun pour madame la
duchesse de Berry ? i
Ces quelques citations suffiront, et
nous n'insisterons pas davantage. Sous le
gouvernement de juillet, le rôle des Dé-
bats était bien simple. Il 'était â la
royauté citoyenne ce que fut plus tard le
Constitutionnel à l'Empire. Il se bornait à
dire -dmen! toutes les fois que le minis-
tère parlait, et, à partir de 1840, il de-
vint le Moniteur officieux de M. Guizot.
La révolution de Février, comme il
fallait s'y attendre le laissa froid.
Dans son numéro du 25 février, il se
borna à déclarer, sans même prononcer
le nom de République. « qu'il était inva-
riablement attaché aux grands principes
inaugurés par la Révolution de 1789 » et
un peu plus loin, « que la reconnaissance
et le concours de tous les citoyens de-
vaient être acquis à tout gouvernement
qui donnerait à la France l'ordre et la
paix. »
Dans l'élection du 10 décembre, il s'abs-
tint, ne voulant prendre parti ni pour le
prince Louis, ni pour le général Cavai-
gnac.
A ce moment, le sceptre dictatorial
était passé, depuis sept ans, aux mains
de M. Armand Bortin, fils de Bertin l'aîné,
et duquel Ingres nous a laissé un mer-
veilleux portrait. M. Armand Bertin est
resté l'un des maîtres journalistes de ce
temps-ci. Toujours cravaté de blanc, la
démarche grave, la tôte basse, il avait
l'air d'un Lablache distingué et respecta-
ble. Détail à noter il n'a jamais laissé
paraître un numéro du journal, sans l'a-
voir lu en épreuves de la première ligne
à la dernière. Bertin le jeune était mort
aussi, laissant un fils alors lieutenant-
colonel, et qui lui avait succédé dans la
députation de Seine-et-Oise, depuis gé-
néral de brigade et ayant commandé là
cavalerie pendant le dernier 'siège de
Paris.
Sous l'empire, le journal des Débats,
qui n'avait eu, pendant la République de
1848, qu'une importance relative, trouva
l'occasion de récolter un immense regain
de popularité dans la bourgeoisie aisée,
dont il s'attacha à satisfaire les instincts
d'opposition quand même, sans toutefois
lui faire entrevoir les perspectives alar»
mantes et désagréables de l'émeute, des
barricades, des coups de fusil et de tout
ce qui s'en suit.
G'est alors qu'il inaugura le système
triomphant de l'opposition par allusion,
littérature extraordinaire qui ferait bien
sourire aujourd'hui qu'on est habitué à
toutes les crudités de la polémique. Les
épigrammes étaient entortillées dans des
filux de phrases alambiquées et quintes-
veilles sur tes pattes comme si c'était
celles de ton voisin.
Oh 1 alors, ca manque complètement
de gaieté, ton affaire 1
Que t'es bête 1 il y a des circonstan-
ces où il faut savoir dédaigner les peti-
tes choses pour cueillir le gros lot.
Ah 1 il y a un gros lot? Alors, c'est
différent.
Certainement qu'il y a un gros lot.
Pour qui me prends-tu donc, mouche-
ron ? As-tu jamais entendu dire que Beau-
cousin se baissât pour ramasser des épin-
gles? Mais, du reste, entends bien ceci:
La défense que je te fais à l'endroit des
goussets et des bibelots du duc n'est que
pour le temps où tu devras rester en bons
termes dans sa maison. Du moment que
je t'aurai donné ton congé, je t'autorise
pleinement à arrondir ton paquet et à
remplir tes poches. Je vais même plus
loin; si, à partir de ce moment-là, tu
trouvais quelques bijoux à usage d'hom-
me, quelque chose de riche, de cossu,
ayant de l'œil et du poids, je te promets
de te l'acheter à un bon prix, sans exiger
de reçu ni de payement à domicile.
Allons, Beaucousin, tu es décidé-
ment un grand homme, et tu mériterais
d'être classé parmi les bienfaiteurs de
l'humanité! l
Et écoute encore si les choses vont
bien, comme nous l'espérons, je te ferai
donner par la personne pour qui nous
travaillons tant et tant de jaunets que
tu en auras tes poches pleines; en outre,
et pour mon propre compte, je me pro-
pose de t'offrir une noce à tout casser,
où bon te semblera. Ce jour-là, ce sera
toi qui commanderas, et ce sera moi qui
payerai.
-Nous irons au Chat qui grignotte,
alors, fit vivement le gamin. Oh le Cliaj
qui grignotte, c'est mon rêve
Nous irons au Clwt qui grignotlé.
Y aura-t-il du homard?
Tant que tu en voudras et du poulet
aussi.
-r Avec du bordeaux et du champa-
gne ?
Tous les vins fins que tu voudras et
tant que tu pourras en boire.
Beaucousin, je regrette profondé-
meni ftea'Otre pas cent mille hommes à
moi tout seul js me serais fait un plai-
sir, le jour où tu me paieras cette ri-
1830
1830
senciées. On ne lançait pas au gouverne-
ment des boulettes empoisonnées, c'é-
taient des bonbons laxatifs enveloppés
dans des devises de confiseur.
L'abonné béat et parlementaire s'était
habitué avec joie à ces devinettes perpé-
tuelles. C'était alors une situation dans
le monde que d'être abonné aux Débats;
cela posait un homme tout de suite. L'a-
bonné donc cherchait de l'esprit dans une
virgule posée de travers, et quand il
croyait avoir déniché une grosse mé-
chanceté, il était heureux comme l'ha-
bitué du Cercle du Commerce, à Brives-
la-Gaillarde, qui a trouvé le mot d'un ré-
bus, ou la solution d'un problème d'é-
checs, dans les journaux illustrés.
C'est pour satisfaire ces passions mal-
saines de l'abonné que la direction des
Débats avait inventé un chef-d'œuvre,
une signature redoutable qu'on ne lisait
qu'avec une sorte d'effroi, la signature du
secrétaire de la rédaction F. Camus.
Cette signature mystérieuse et terri-
ble, précisément à cause de son allure
absolument bourgeoise, était tout bonne-
ment un procédé analogue à celui dont
se sont beaucoup servis les romanciers
de l'école d'Edgar Poë.
F. Camus, nom banal et singulier par
sa banalité même, cela voulait dire l'in-
connu, l'insondable, l'inabordable, l'im-
pénétrable Régulièrement, le public
attribuait les articles signés F. Camus,
selon les circonstances, à M. Guizot, au
duc d'Aumale, et même à M. de Morny 1
Inutile de dire que les articles signés
de ce nom effrayant de F. Camus étaient
tantôt de M. Prévost-Paradol, tantôt de
M. J.-J. Weiss, tantôt de M. Alloury, tan-
tôt de F. Camus lui-même, qui était un
être véritable, en chair et en os, mais qui
grâce au oréjugé des lecteurs, ne put ja-
mais jouir de la gloire qui lui était légiti-
mement duel 1
Dans deux occasions pourtant, le Jour-
nal des Débats rendit au gouvernement
impérial des services presque aussi dé-
voués que le Siècle. Au moment de la
guerre d'Italie, il y avait scission dans la
maison; mais M. Edouard Bertin, qui,
suivant ses procédés de famille, avait eu
soin de conserver autour de lui des
groupes de rédacteurs à opinions diver-
gentes, fit donner les libéraux, M. John
Lemoinne, M. Eugène Yung, et le journal
s'engagea dans la voie anti-religieuse
d'où il n'est plus. sorti. Plus tard, au
moment des traités de commerce, M. Mi-
chel Chevalier fut le principal auxi-
liaire deM.Rouher, et il gagna dans cette
campagne libre-échangiste son fauteuil
sénatorial, comme plus tard M. de Sacy
gagna le sien par son assiduité aux petits
lundis de l'Impératrice.
L'empire libéral trouva dans les Débats
un appui énergique et constant M. Pré-
vost-Paradol en devint ministre de France
aux Etats-Unis.
Au 4 septembre, peu sympathique à la
Révolution, il publia la note suivante qui
mérite d'être portée à son actif « Une
proclamation du gouvernement provi-
soire nous annonce la fin du gouverne-
nement personnel. Les hommes qui l'ont
signée sont certainement assez éclairés
pour comprendre que le pays ne veut
pas plus du gouvernement de onze parti-
culiers que de celui d'un seul »
Onze particuliers Cela ne l'empêche
pas aujourd'hui d'appeler M. Jules Favro
l'illustre orateur 1
Nous venons de prononcer le nom de
Prévost-Paradol. Demain, en achevant
par un historique contemporain l'étude
du Journal des Débats, nous donnerons un
détail inédit sur la fin tragique du re-
grettable journaliste, qui eut si peu le
temps d'être académicien et ministre.
Gustave Hector.
1833
TÉLÉGRAMMES
ET
CORRESPONDANCES
Elections «lu @ février.
Arras, 11 h. 55, matin,- Elections du
Pas-de-Calais. Résultat moins quelques
communes v
M. Sens, bonapartiste. 70,581
M. Brasme, républicain. 67,327
«~~ Vesoul, 9 février, midi.– Elections de
la Haute-Saône
MM. Hérisson, radical 36,661
le duc de Marmier, eonserv. 28,486
TOULOUSE, 9 février. On dit que le
nouveau maire de Toulouse sera M. Tous-
saint, colonel d'artillerie en retraite, qui s'est
vaillamment conduit à Metz.
paille, de te porter en triomphe, aux ap-
plaudissements de ma propre foule.
Tu es donc content de la proposi-
tion ?
Si tu tiens seulement la moitié de
ce que tu promets, je serai ravi.
Tout sera tenu, et même au delà.
Par conséquent, tu acceptes.
Aveuglément.
-Alors, allons immédiatement chez la
mère Griffard; je ne vois qu'elle d'assez
huppée pour te fournir la défroque qui
t'est nécessaire.
Et tous deux se dirigèrent, en hâtant
le pas, vers la cahute de m'ame .Griffard.
Cette cahute était ornée sur les côtés
de deux murs galeux qui, s'allongeant
comme des bras, allaient se rejoindre à
une porte cochère., enserrant une cour
dans laquelle on vidait les nottées,
Nos deux vauriens, arrivés à cette
porte, y frappèrent à grands coups de
poing, aucun cordon de sonnette ne se
laissant apercevoir, r
Aussitôt, deux boule-dogues firent en-
tendre des aboiements furieux.
A, ces aboiements, les chiens errants
qui fouillaient les tas d'ordures dans les
terrains vagues des environs, répondi-
rent avec une sympathie aussi unanime
que peu harmonieuse.
Ce fut pendant deux ou trois minutes
un concert effroyable, capable de rendre
l'ouïe à des sourds, et qui, néanmoins,
n'amena pas seulement une t6te aux
fenêtres des logis circonvoisins. `
Ce que voyant, Fine-Mouche se put à
siffler un de ces airs de barrière, fami-
liers aux rôdeurs de son espèce, et pres-
que aussitôt les deux chiens de la Grif-
fardj si furieux un instant avant, se cal-
mèrent comme par enchantement et vin-
rent montrer au bas de la porte rongée
leurs museaux taillés en moignons.
En même temps,, un pas lourd se fai-
sait entendre vers le fond de la cour, et
une voix hargneuse et brutale deman-
dait
Qu| est là ? g
G'est moi, m'ame Griffard, répondit
Fine-Mouche; mais, je vous en prie, avant
de m'ouvrir la porte, mettez donc un
peu de col-cream aux crocs de vos insec-
tes au cas où ils me mordraient, ils au-
Poitiers, 7 février. M. Gaston La-
verny, avocat à Saintes, se battit en duel le
26 octobre dernier, avec M. Auger, rédacteur
de Y Indépendant de la Charente-Inférieure.
Après un long engagement, ce dernier recut
une blessure à la main droite et le combat
fut arrêté.
A l'exception du blessé, 'ces messieurs com-
parurent le 29 novembre devant le tribunal
correctionnel qui les condamna à 2 fr. et 1 fr.
d'amende. Le procureur de la République
fit appel à mùrima et la cour de Poitiers,
dans sa séance d'hier, a élevé l'amende à 50
.francs pour M. Lavérny et à 25 francs pour
les quatre témoins. Ces messieurs étaient dé-
fendus par Me Inquimbert, du barreau de
Saintes, et M" Lepetit, de Poitiers.
«• Stuttgabd, 9 février. David-Fried-
rich Strauss, l'auteur célèbre de la Vie de
Jésus, est.mort hier, à Ludwisboùrg.
Le docteur Strauss naquit à Ludwis-
bourg, dans le Wurtemberg, en 1808. Il
fut nommé pasteur protestant en 1830'.
C'est en 1835 qu'étant à Tubingue, répé-
titeur au séminaire de théologie, le doc-
teur Strauss alors profondément in-
connu, publia la Fie de Jésus, examen cri-
tique de son Histoire, le livre qui a fait
peut-être le plus de bruit dans ce siècle.
L'ouvrage de M. Renan n'est venu que
vingt-huit ans après (1863).
En 1848, il posa sa candidature à l'As-
semblée nationale allemande, mais il fut
vivement combattu et il échoua.
Détail bizarre En 1840, le savantas doc-
teur épousa une actrice allemande, ma-
demoiselle Agnès Schébest,âgéede vingt-
sept ans, mais l'union ne fut pas heu-
reuse, et M. et madame Strauss se sépa-
rèrent après quelques années de mariage.
•*»*» Londres, 8 février. Le baron Meyer
de Rothschild, dont je vous ai annoncé la mort
par le télégraphe, a succombé à une longue
et douloureuse maladie des reins. Il est mort
dans son hôtel Piccadilly, à- l'àge de cin-
quante-six ans.
Le baron Meyer s'est peu occupé d'affaires
dans sa vie.Il avait un goût très vif pour tout
ce qui concerne le sport et habitait presque
toujours le magnigniflque châtau de Mont-
more, qu'il avait fait bâtir il y a une tren-
taine d'années. Sa meute était une des plus
renommées du royaume, et, c'est en chassant
chez lui l'année dernière, que le prince de
Galles apprit la mort de l'empereur Napo-
léon. •
Il était un des princes du turf, et, dans
une seule année, gagna tous les grands prix
pour les chevaux de trois ans.
Il ne laisse qu'une fille, Mlle Hannah de
Rothschild, fiancée, dit-on, àM.Fischoffsheim,
membre des Communes pour Folkestone.
Coïncidence singulière. Le jour même de
sa mort, son frère, le baron Lionel de Rots-
child échouait dans le collége électoral de
Londres où il se présentait.
Auguste Marcade.
PARIS Al JOUR LE JOUR
Les appréciations des journaux sont
fort divergentes sur le chapitre des élecj
tions; ainsi, hier matin, les journaux
républicains qui ne connaissaient encore
que les résultats des villes chantaient vic-
toire au sujet de M. Brasme; le soir, il a
fallu changer de note.
Pour la Gazette de France, le côté inté-
ressant de l'élection, c'est que le candi-
dat triomphant s'est posé sur le terrain
anti-républicain.
Si les conservateurs veulent arriver, ce
sera en arborant pour cri de combat • Plus
de république! lis réuniront des majorités
en demandant qu'on èn finisse avec cette
forme de gouvernement. Si M. Marmier avait
accentué cette note, il aurait certainement
triomphé de son adversaire et trouvé dans
les abstentions les quelques milliers de voix
qui lui ont fait défaut.
Le Français voit la chose sous un tout
autre aspect
Si M. Sens a triomphé dans le Pas-de-Ca-
lais, c'est que, par une profession de foi bien
formelle, qu'ont corroborée des déclarations
publiques, le candidat s'est engagé à soute-
nir résolument la politique du septennat Si
M. Hérisson a triomphé dans la Haute-Saône,
c'est qu'il est parvenu a jeter des doutes sur
la volonté qu'avait son honorable concurrent
de défendre le pouvoir du maréchal de Mac-
Mahon.
Ces doutes étaient réellement calomnieux,
et nul plus que M. le duc de Marmier n'a-
vait pris parti pour la politique du septen-
nat mais M. Hérisson avait, dans sa circu-
laire électorale accusé les conservateurs
d'avoir apporté dans le vote de la loi de pro-
rogation des arrière-pensées propses à en al-
térer le caractère, et ces vaines accusations
répétées par les journaux de M. Hérisson, et
surtout par les agents de sa candidature, ont
raient moins de peine et j'aurais moins
de mal.
Ah! c'est toi, bonne pièce, dit la mé-
gère d'une voix un peu radoucie, et
qu'est-ce qui t'amène à cette heure?
• Je ne suis pas seul, m'ame Griffard
je suis avec mon.ami;Beaucou3in, et nous
désirons d'abord vous présenter nos hom-
mages, puis faire un brin de commerce
avec vous, si toutefois vous n'êtes pas
trop mal disposée ce soir vis-à-vis du
pauvre monde.
Ah langue dorée, va Tu attendri-
rais des pierres avec ton bagout! ditMme
Griffard en se dirigeant de son pas lourd
et traînant,vers la porte, au centre de la-
quelle elle ouvrit un petit judas de fer
qui glissa en grinçant dans ses rainures.
L'ogresse, alors, jeta au travers des
grilles du judas un regard scrutateur de-
vant elle, et, s'étant assurée que Fine-
Mouohe et Beaucousin étaient bien seuls,
elle tira les verroux avec' une prudente
lenteur. •
La mère Griffard n'avait guère que
quarante ans, mais elle en paraissait
bien cinquante-cinq à soixante.
Elle mesurait, en hauteur, cinq pieds
six pouces, et son envergure était telle
qu'elle semblait aussi large que haute.
Sa lèvre supérieure était ornée d'une
paire de moustaches que n'aurait pas
dédaignées plus d'un grenadier dé la
garde, et, si son menton ne montrait Das
de barbe, c'est qu'elle prenait un sbin
tout particulier de cette partie de'son
visage,- et que, chaque matin, elle lui fai-
sait, à l'aide du va.soir, uoe conscien-
cieuse toilette.
Son nez était proéminent et rouge, et,
son front si bas, qu'on le distinguait à
peine sous la forêt de cheveux qui l'en-
vahissait. Ce qui en restait était encore
amoindri par l'ombre de deux sourcils
épais et rudes, qui s'étreignaient au-des-
sus du nez avec une fraternité furieuse.
Ses yeux, tout petits et enfoncés dans
leurs orbites, affectaient toujours de ne
rien voir, mais étaient, en réalité, ex-
trêmement mobiles, et auraient fendu
des points £ ceux du lynx po.ur la clair- i
voyance,
Quoi de neuf, les mômes, demandâ-
t-elle en refermant la porte avec des'^r*
cautions infinies, sitôt que les deux jeu-
nes gens eurent pénétré da,ns la cour ? g
eu contre M. de Marmier un succès déplora-
ble, mais décisif..
# Le Journal des Débats a reçu un
communiqué démentant de nouveau les
détails de l'entrevue de M. de Broglie
avec le correspondant du Daihj-Telegraph.
Orr en même temps paraissait dans le
Gaulois un article fort curieux, d'où il
résulte que le correspondant en question,
M. Marriott, maintient ses assertions.
Il déclare avoir écrit sa lettre en sor-
tant du cabinet du ministre « Comment,
dit-il entre autres choses, aurais-je in-
venté la théorie de YImperator et dé la
Res publica ?» et il ne comprend rien au
démenti que lui inflige M. de Broglie.
Je ne puis me l'expliquer. Aussi dois-je
vous dire que je viens d'adresser une lettre
à Son Excellence pour lui déclarer que je
maintenais, quant à moi, l'exactitude de mon
récit; mais pour lui dire aussi que, comme
je suis homme, en somme, et que je puis
m'être trompé sur un point ou sur deux je
le priais de vouloir bien rectifier les rares
erreurs que j'aurais commises. Ma responsa-
bilité est trop engagée à l'égard de mon jour-
nal pour que je reste sous le coup d'un dé-
menti aussi absolu, et je lui demande en con-
séquence de me permettre, si je ne recois
de lui aucune réponse rectificativé de détail
d'affirmer à nouveau et publiquement l'exac-
titude absolue de mon récit.
Et cette lettre, la publierez-vouj
Pas maintenant; je dois à M. le duc de
Broglie d'attendre qu'il ait eu le temps de
me répondre. C'est une question de savoir-
vivre dont je ne me départirai pas, si en-
nuyeux qu'il soit pourmoi de demeurer deux
ou trois jours de plus sous le coup d'un dé-
menti que je n'ai pas mérité. P
Je rvSpieAte ce sentiment et je vous en
félicite. Voilà tout ce que je voulais savoir.
Encore une fois, me permettez-vous de ra-
Zté^eT*™*™9*1 faite^sique
vos réponses.
Je vous y autorise. ̃̃
Nous attendons maintenant, ajoute le
Gaulois, -la réponse de M. le duc de Bro-
glie à la lettre de M. Marriott.
#*# Le cousin Jacques, dans sa chro-
nique de la Patrie, a trouvé un moyen de
sauver définitivement, le budget par un
impôt somptuaire dont voici l'économie
générale. Il y aurait peut-être à contester
ses chiffres, mais enfin l'idée est ori-
ginale.
Il y a, en France, 35 millions d'âmes ce
qui suppose 18 millions de femmes, les fem-
mes étant partout plus nombreuses que les
hommes. Sur ces 18 millions de femmes, il y,
en a au moins le quart, soit 4,5000,000 qui
ont, par an, une robe de soie. En multipliant,
4,500,000 par 5, chiffre du droit surla roïe II
soie, on arrive à une somme totale de 22 mil-
lions 500;000 francs. Il y a bien encore en
moyenne, un million de Françaises qui
achètent, par an, trois robes de soie, outre
celle déjà comptée. Un million multiplié trois
fois par 5 nous donne encore 15 millions
On a calculé qu'il y a, en moyenne -ton
jours, 500,000 femmes qui achètent ou se
font donner donner surtout, mais, comml v
disent les concierges, l'argent n'a pas d'odeur
–une robe de velours par an. Le droit étant
de 10 fr. sur 500,000 robes, produit 5millions.
En suivant les mêmes proportions on a trouvé
que le droit sur les chapeaux simplès donné-
rait 9 millions; celui sur les chapeaux à-*
fleurs l0m lions; celui sur les chapeaux à
plumes 3 millions, RÉSU~IÉ
KÉSUJ1É
Robes de soie ensemble, 37,500,000 fp
Robes de velours, >; non nnn
Chapeaux ensemble 22,000,000
1
-̃̃̃:̃ Total, 04,500,000 fr. tr
#*# Le critique théâtral de la Petita
Presse, M. Cochinat, prétend avoir décou-
vert pourquoi M. Offenbach, l'heureux
auteur d'Orphée aux Enfers, n'aime point
l'antiquité et pourquoi il a voulu se ven-
ger d'elle.
C'est qu'étant jeune et pour passer les mau-
vais jours qui barrent momentanément le
passage à toute célébrité durable, Offenbach
fut obligé de briguer l'honneur d'être le chef
d'orchestre du Théâtre-Français
Le malheureux réussit
Et pendant dix années entières, si ce n'est
plus, il conduisit d'un bâton frémissant d'in-
dignation romantique la musique de tragédie
qui précède l'entrée des Thésée, des -Achille
et des rŒT l0ngS CaS
rue de Richelieu.
Or, quand il sa trouva libre de ne plus en-
tourer d un respect apparent ces demi-dieux
et ces héros, il lâcha la bride à toute éaraa-"
cune contre eux, et, avec une ardeur, un feu
une verve et un brio d'une irrévérence sa%s
pareille, il fit cet Orphée aux Enfm et eettt
Belle Hélène an ont porté un coup si ter.
rible à 1 industrie de MM. Maubant, Talbot,
Geffroy, Chéry.et autres enfants deMelpo-
mène,
!f**# Une bonne plaisanterie de Gygès
On parlait devant le bohème J. de la sup-
pression des billets de cinq francs, et quel-
Il faut me faire beau, m'ame Grif-
fard, répondit Fine-Mauehe
Ça sera plus difficile que si c'était
pour Beaucousin riposta l'ogresse-
pourtant t'es mignon fin comme ton
nom, et gentil tout plein quand tu veux
en prendre a peine. Il ne sera donc pas
impossible d'arriver à ce que tu désires
Il s'agit de mon avenir, ditFine^Moit-
che faut donc être sérieux. J'entre dans
une place splendide, mais pour cela, il
me faut de belles nippes.
Si c'est pour habiter chez des gens
de commerce, faut du luxe et du cossu
vois-tu, mon fiston je connais oa, moi»'
les gens bien mis, ça attire la confiance'
Dans le commerce! fi donc m'amè
Griffard, pour qui me prenez-vous? Moi
Zidor, dit Fine-Mouche servir des gens
de boutique. Oh la la! Retenez Sn
ceci m'ame Griffard c'est que tant que
la chose est possible et lors même qu'elle
ne l'est pas, faut jamais déroger ni s'en-
canailler., parce que lorsqu'on est des-
cendu de son rang, il est bien difSci^
d'y remonter.
Ah gamin de malheur, va! s'écria
en riant la grosse femme c'est pas pour
rien qu'on t'a nommé Fine-Mouche ta
mère ne t'a pas manqué du côté de l'est
prit, car t'es bien le plus fin blaireau de
toutes les carrières,
Moi ? m'ame Qriffard, moi? où donc
me vous avez pris cela ? Je suis simple
et naïf comme l'enfant qui vient de na
tre, j'ai pas plus de malice qu'une co,
lombe, pas plus de' défense qu'un tour-
tereau. Depuis que je respiré à fa sainte
lumière du monde, chacun autour de moi
m'a tondu la laine sur le corps comme,
sur 1 échjne d'un pauvre agneau, et te.
n ai jamais fait que pousser des 'plaii
tes t l
'̃ Toi, vois-tu, môme, si tu avais voulu
être un comédien, t'aurais fait un grand,
artiste; tu joues tout ce que tu veux que
c'est plus beau que le naturel. q
CependanU'ogresse et ses deux visi-
W?1®, arrivés à la porte intérieure
du logis elle la poussa et leur fit signa
d'entrer.
MIE D'AGHONNE*
(I/x suite à demain.)
LE FIGARO MERCREDI 11 FÉVRIER 1874
verses. Selon la direction du vent, on
rend là main à l'un, et l'autre s'efface
momentanément, sauf à reparaître une
fois la crise terminée. Ce procédé ingé-
nieux a permis toutes les évolutions sans
que le public y prît garde! Seulement,
autrefois les Débats avaient la palinodie
dithyrambique. Il chantait les vertus de
Bonaparte sur le rhythme noble, sauf à
l'injurier plus tard dans le style ampoulé
de l'abbé de Lamennais il adressait à
madame la duchesse de Berry ou à Mgr
le comté de Chambord des souhaits am-
phigouriques dans des phrases longues,
cadencées, redondantes, sauf ensuite à
•mstifier l'incarcération de la princesse
et l'exil du roi.
Aujourd'hui, il a la palinodie scepti-
que il est roué, bel esprit, ne croit à
rien-et affecte de le dire. Il voltige avec
une aimable aisance d'un parti" à l'au-
tre, tantôt escarmouchant en faveur de
ses anciens princes; tantôt faisant risette
à la République de Thiers, le tout avec
une désinvolture charmante, le sourire
sur les lèvres! Une pirouette, et tout
est dit l
Dans une appréciation d'ailleurs très
bienveillante, parue dans Y Histoire de la
Révolution de 1848, M. de Lamartine glisse
la phrase suivante où perce l'ironie
« Le Journal des Débats, qui soutient les
gouvernements tour à tour comme étant
l'expression nécessaire des intérêts les
plus essentiels ci les plus permanents de
la Société. » Cela a été vrai de tout
temps.. Bi^n plus .que des journaux de
tf. dé Girardin,– qui, malgré qu'il en
Ait,, obéit., souvent à ses rancunes et à
ses haines, et qui se laisse parfois en-
fraîner dans le domaine des idées ou des
utopies, on pourrait dire des Débats
qu'ils sont le Moniteur du fait accompli.
C?e;st'yers la fin de 1799 que les deux
Bertin, ceux qu'on a appelés depuis Bertin
Xaîné, et Rertin'de Vaux, fils d'un secré-
taire du duc de Choiseul, achetèrent en
compagnie de M. Roux Laborie et de
lli-mpriméur Lenormand, dont la famille
a continué le commerce, une feuille qui
s'appelait alors le Journal des Débats et
lois du Pouvoir législatif et des Actes du
aouvernement. Ils en firent immédiate-
ment l'organe de la réaction catholique
et monarchique qui commençait à se
produire dans toute la France. Le nom
du critiqua Geoffroy était une vedette si-
gnificative^
C'est ici qu'apparaît, au berceau même
du tournai, cette merveilleuse souplesse
dont nous parlons plus haut. En 1801,
Bertin l'aîné, qui était un agent actif des
princes et qui croyait peut-être la Res-
tauration plus proche qu'elle n était en
réalité avait été compromis dans un
complot royaliste et obligé de fuir à l'é-
tranger la police de Fouchér mais l'au-
tre frère était resté. Bertin de Vaux ne
se piquait pas de convictions très soli-
des c'était un banquier, duquel Fiévee
écrivait plus tard, dans sa correspon-
dance intime avec Napoléon Ier « Ce
n'est pas ce qu'on appelle un homme à
opinions; il a d'autres aJJâires. Aussi, en
1803 la proclamation du Consulat à vie
ayant levé toutes leurs hésitations, les
Débats se prononçaient nettement en fa-
veur de Bonaparte contre les princes, et
demandaient pour lui l'investiture mo-
narchique.. pas
̃Cette conversion ne leur porta pas
bonr^ur. Napoléon, qui n'aimait guère
les journaux, commença par dépouiller
les Débats de leur titre,, qui se trans-
forma en celui de Journal de l'empire;
puis il leur imposa un censeur dans la
personne de Fiévée enfin, sur les ins-
tances de Fouché, l'Empereur, qui na-
vait pas sur la propriété des idées bien
SS expulsa complètement les > Bertin,
sans indemnité, et partagea leur pro-
priété entre dix-huit actionnaires, parmi
lesquels je remarque le nom de M. de
Rémusat, le père de l'académicien ac-
tuel.
La période qui-g'étend de la première
Restauration à la fin des Cent-Jours est
eurieuse à consulter. r
Le 27 mars 1814, le Journal de l Em-
pire ^disait `
L'emperoar est en marche pour délivrer sa
capitale assiégée..
Quatre jours après, le 1" avril, le Jour-
nal des Débats, redevenu tel, imprimait
ce qui suit
Monsieur, frère du Roi, est arrivé à Vesoul.
Bonaparte est resté à plusieurs heures de noa
murs.
Et comme, au sortir de ces effroyables
événements politiques, les Bertin n'ou- I
EeaiHefofl du ElflARO in H Février
7
I$$ PITS SANGLANTES
IJe t'ai trouvé une condition, fit
Beaucousin,~après avoir regardé de tous
côtés pour s'assurer qu'ils étaient seuls.
Rien à faire et bien payé ? demanda
le gamin d'un ton indéfinissable.
̃ À peu près.
Came va comme un gant. Continue,
je t'en prie, Beaucousin de mon coeur,
tes discours me" sont agréables comme la
fin d'un-feuilleton.qui vous a empêché
de dormir la nuit.
Alors, écoute bien, car je vais te
;ignaler la partie délicate de l'affaire
faut que tu te mettes sur ton trente-et-un,
que tu te déguises en groom de bonne
maison, que tu parles à la troisième per-
sonne et que tu rompes toute relation
avec -la; bouffarde qui, pour le quart
d'heure, fait tes délices.
La cigarette ne manque pas de char-
me et pourra bien me- suffire pendant
Quelque temps. Quant au ton et au lan-
iaeeid me charge do m'en acquitter à
ta plus grande gloire. Mais tout cela dé-
pend du but où'il fau.t atteindre, du ré-
sultat que je devrai obtenir.
Et; en prononçant ces mots, Fine-Mou-
che imitait de sa main droite le geste
d'une personne qui fait sauter des louis
pour se réjouir de leur bruit.
Beaucousin, sans paraître avoir re-
marqué cette mimique, continua:
_l>ès que je t'aurai fait habiller com-
me il convient, je te donnerai tes derniè-
res instructions,, fit tu iras ensuite te
présenter dans la maison que je tindi-
querai.
9U– Ah! s'écria Fine-Mouche, il faudra
que je me présente il faudra que je in§
fasse accepter! et tu appelles cela me
trouver une position Eh ben 1 vrai, t'es
La'ireprodueiion «sUnterdite. Pour obtenir
l'autorisation, s'adresser à l'auteur, aux bu-
reaux dit journal.
bliaient jamais ce qu'on appelle commu-
nément les intérêts de la boutique, ce
même numéro portait en tête de ses co-
lonnes le petit avis suivant
Messieurs les souscripteurs sont avertis
que les conditions d'abonnement sont tou-
jours les mômes.
Les princes légitimes revenus Ber-
tin de Vaux s'effaca, et son frère, celui
qui avait souffert pour la bonne cause,
reprit sa place au premier plan. C'est le
beau temps des Débats.: il tirait jusqu'à
25,000, chiffre encore respectable aujour-
d'hui et qui était énorme pour l'époque.
D'ailleurs, à partir de ce moment jusqu'à
leur mort, qui se produisit à une a-nnée
d'intervalle (1842-43), les deux Bertin
restèrent cantonnés dans les attributions
qu'ils s'étaient volontairement dépar-
ties. Tandis que Bertin de Vaux, épris des
situations officielles ettour àtour conseil-
ler d'Etat, député, pair de France, était
chargé des relations extérieures, Louis,
l'aîné, se consacrait exclusivement à la
trituration quotidienne du journal. Il
avait le département de l'intérieur et y
régnait en maître absolu.
Sous la Restauration, les Débats sui-
virent une ligne de conduite assez nette
très dévoués au roi, ils attaquaient les
ministres avec acharnement.
Et, au sujet de cette attitude d'opposi-
tion dynastique, nous trouvons dans les
ouvrages du temps une anecdote fort
curieuse. Comme on citait les Bertin
devant Charles X « Ne me parlez pas de
ces gens-là, fit le roi interrompant; ils
n'ont point d'opinion ils ont de l'orgueil
et l'amour de l'argent par dessus tout.
Voilà ce que j'ai entendu de Bertin de
Vaux lui-même c'était lorsque le minis-
tère Martignac fut appelé à remplacer le
ministère Villèle. Bertin de Vaux vint
me voir quelques jours après et me dit
dans la conversation Ce ministère, c'est
moi qui l'ai fait! Qu'il se conduise bien
avec moi, sans quoi je pourrais le défaire
comme l'autre. Ils ont exigé le paiement
immédiat d'une somme de cent mille écus
pour ce qu'ils appellent l'arriéré. Ça, di-
sait le roi, j'en suis sûr! »
Avec le ministère Polignac, l'hostilité
des Débats alla s'accentuant. Néanmoins
ils étaient toujours dynastiques ils le
restèrent même après la Révolution de
Juillet 1830, jusqu'au 4 août, c'est à dire
jusqu'au moment précis où ils s'aperçu-
rent que la lieutenance-générale du duc
d'Orléans allait se transformer en une
royauté nouvelle. A partir de ce jour, ils
brûlèrent à la fois leurs Dieux et leurs
vaisseaux..
D'ailleurs, pour bien se rendre compte
des transformations successives opérées
par le journal, toujours sous la direction
de Bertin, il n'est pas inutile de mettre
en regard son opinion sur les mêmes
sujets, mais à des dates différentes. On
verra les .Débats chanter tour à tour le
bonapartisme, la légitimité et l'orléa-
nisme sur des rhythmes divers, mais par-
ticulièrement sur le rhythme dithyram-
bique»" -;̃•
1803
Our, dans le Temple de mé-
| moire
Seront gravés fous-les hauts
1 faits
Deponaparte, dont la gloire
Fut la conquête de la paix.
S'il y a encore des
Français qui -conser-
vent des espérances
frivoles sur le retour
d'une famille malheu-
reuse qui n'a pas su
conserver son antique
héritage, ils convien-
dront aujourd'hui
qu'après s'être laissé
tomber par leur im-
prudence d'un trône
si bien affermi, ces
princes ne sauraient
s'y tenir fermes lors-
qu'ils sepa^on}; entou-
rés de' précipices et
d'écueils, lorsque tant
fa passions exaspé-
rées., t»ftt d'intérêts
frappés frémû'aipnt
autour d'eux. II ne
manque à Bonaparte
que cette habileté qui
doit fixer dans sa fa-
mille la fruit de ses
services. Qu'il soit
donc le fondateur
d'une dynastie nou-
velle
Lorsque, le 20 mars,
le tyran, protégé par
une soldatesque par-
jure, vint usurper la
place dans un palais
de Paris et dans une
capitale orpheline, il
enveloppa son entrée
des ombres de la nuit.
Il arriva seul, avec le
cortège de ses com-
plices et de ses crimes.
Quel homme aurait
pu se rappeler sans
etre saisi d'épouvanté
qu'à la même place où
la'physionomie céleste
de notre père rayon-
nait- de tout l'amour
du peuple et de toute
la sévérité d'une su-
blime vertu, on avait
pu voir naguère, ca-
ché à demi derrière
ses odieux satellites,
ce Corse au teint do
plomb et à l'œil de
tigre, dont la bouche
n'a jamais souri qu'au
darnage ? 1
Cet homme (Bona-
parte) est un des meil-
leurs acteurs qui aient
paru. Le mélodrame
lui convenait comme
la farce. Il pleurait
avec la même facilité
çpî'nn crocodile.
pas encore le malin des malins, mon
vieux Beaucousin, et je dois te dire que,
pour ma part, si je me mêlais de proté-
ger quelqu'un je le ferais un peu mieux
que toi.
Chut pas de blagues, interrompit
.Beaucousin, tout ça c'est des paroles en
l'air qui prennent du temps et ne font
pas avancer la besogne. Ce que je te dis
est sérieux, t#s-toi et écoute-moi. Il
faut que pas plus tard que demain tu sois
ïnsiullé dans la maison, en question et
que tu n'y perdes pas ton temps.
C'est 'boiïj mettons que j'y suis,
puisqu'il le faut. Uiu? fois là, que faudra-
t-il que je fasse ? 9
Je t'ai déjà dit que je te donnerais
tes dernières instructions quand je t'au-
rai habillé.
Mais, en attendant, et rien que pour
augmenter les charmes de la promenade,
il me semble que tu pourrais bien me
faire confidence de l'endroit où il m'est
ordonné d'aller me faire offrir le loge-
ment, le couvert et les bons procédés.
C'est rue de la Pépinière, répondit
brièvement Beaucousin.
Ce quartier me plaît, dit Fine-
.Mouche. Tout hôtels; tout gens riches,
des poseurs dont on peut avantageusement
soulager les poches. Ah! Beaucousin, tu
es un ami, et le choix du quartier seul me
raccommode avec toi et me fait passer
pardessus ce que ton offre a de défec-
tueux.
̃ Attends donc que j'aie fini pour me
remercier, sans quoi tu ne sauras plus
prouver de mots pour m'exprimer ta re-
connaissance.
Va, va toujours, parle encore, ta
voix est douée, je t'écoute 1
Je t'envoie chez le duc de Montra-
vert, un homme qui a autant de fortune
çué tu as d'années de misère sur le dos.
Si c'était vrai, mais là bien vrai, tu
ne serais plus seulement un homme pour
moi, Beaucousin, mais quelque chose de
•vénérable comme l'empereur de la
Chine. Mais, dis donc, des gens comme
ça, ça ne doit jamais savoir le compte de
sa monnaie, et, quand ça pose ses habits,
ça nè doit jamais songer non plus à vider
ses poches â
Il ne s'agit pas de cela, fit Beaucou-
sin, au contraire il faut que tout le
temps que tu passeras chez le duc tu
1815
1828
Personne ne veut
de révolution. La Fran-
ce veut à jamais la
race légitime de nos
rois, race immortelle,
qui est une sorte de
trésor vivant de nos
annales, une espèce de
monument historique
sacré de la patrie.
La branche aînée de
la famille des Bour-
bons a cessé de gou-
verner. Sa chute a
été prompte. En moins
de huit jours elle est
tombée du trône Elle
part aujourd'hui n'em-
portant de la France
qu'un éternel et irré-
vocable adieu, mêlé
dans les âmes honnê-
tes Tle pitié, mais sans
regret.
1831
Chacun a ses morts
chacunases douleurs:
les uns ont Borie, les
autres ont le duc de
Berry.
Quiconque a réflé-
chi un peu sur cette
matière sait qu'il n'y
a vraiment pas un
droit de légitimité.
1331
(Assassinat du duc de
Berry.)
Nous avons vu la
main qui a tenu le
poignard c'était une
idée libérale.
1821
(Naissance du comte
de Chambord.)
Cet enfant est l'en-
fant de la France il
est à nous, cet enfant
royal. Jurons de vivre
ou de mourir pour lui;
si c'est nécessaire, que
les ennemis de la lé-
gitimité frémissent de
leur impuissance.
1821
(De la duchesse de
Berry.)
Quel homme, s'il n'a
un cœur de boue ou
un cœur de rocher,
pourrait contempler
sans émotion ce cou-
rage sublime qui, pour
l'accomplissement de
ses hautes destinées,
vous élève au-dessus
de toutes les craintes,
vous fait triompher
de toutes les douleurs,
vous inspire une con-
fiance surnaturelle,
vous communique une
force supérieure à vo-
tre sexe, à votre cœur,
à vos malheurs
Oui, madame la du-
chesse de Berry a été
détenue; oui, elle a
été mise en liberté
contre les règles du
droit commun. Mais
où est le droit com-
mun pour madame la
duchesse de Berry ? i
Ces quelques citations suffiront, et
nous n'insisterons pas davantage. Sous le
gouvernement de juillet, le rôle des Dé-
bats était bien simple. Il 'était â la
royauté citoyenne ce que fut plus tard le
Constitutionnel à l'Empire. Il se bornait à
dire -dmen! toutes les fois que le minis-
tère parlait, et, à partir de 1840, il de-
vint le Moniteur officieux de M. Guizot.
La révolution de Février, comme il
fallait s'y attendre le laissa froid.
Dans son numéro du 25 février, il se
borna à déclarer, sans même prononcer
le nom de République. « qu'il était inva-
riablement attaché aux grands principes
inaugurés par la Révolution de 1789 » et
un peu plus loin, « que la reconnaissance
et le concours de tous les citoyens de-
vaient être acquis à tout gouvernement
qui donnerait à la France l'ordre et la
paix. »
Dans l'élection du 10 décembre, il s'abs-
tint, ne voulant prendre parti ni pour le
prince Louis, ni pour le général Cavai-
gnac.
A ce moment, le sceptre dictatorial
était passé, depuis sept ans, aux mains
de M. Armand Bortin, fils de Bertin l'aîné,
et duquel Ingres nous a laissé un mer-
veilleux portrait. M. Armand Bertin est
resté l'un des maîtres journalistes de ce
temps-ci. Toujours cravaté de blanc, la
démarche grave, la tôte basse, il avait
l'air d'un Lablache distingué et respecta-
ble. Détail à noter il n'a jamais laissé
paraître un numéro du journal, sans l'a-
voir lu en épreuves de la première ligne
à la dernière. Bertin le jeune était mort
aussi, laissant un fils alors lieutenant-
colonel, et qui lui avait succédé dans la
députation de Seine-et-Oise, depuis gé-
néral de brigade et ayant commandé là
cavalerie pendant le dernier 'siège de
Paris.
Sous l'empire, le journal des Débats,
qui n'avait eu, pendant la République de
1848, qu'une importance relative, trouva
l'occasion de récolter un immense regain
de popularité dans la bourgeoisie aisée,
dont il s'attacha à satisfaire les instincts
d'opposition quand même, sans toutefois
lui faire entrevoir les perspectives alar»
mantes et désagréables de l'émeute, des
barricades, des coups de fusil et de tout
ce qui s'en suit.
G'est alors qu'il inaugura le système
triomphant de l'opposition par allusion,
littérature extraordinaire qui ferait bien
sourire aujourd'hui qu'on est habitué à
toutes les crudités de la polémique. Les
épigrammes étaient entortillées dans des
filux de phrases alambiquées et quintes-
veilles sur tes pattes comme si c'était
celles de ton voisin.
Oh 1 alors, ca manque complètement
de gaieté, ton affaire 1
Que t'es bête 1 il y a des circonstan-
ces où il faut savoir dédaigner les peti-
tes choses pour cueillir le gros lot.
Ah 1 il y a un gros lot? Alors, c'est
différent.
Certainement qu'il y a un gros lot.
Pour qui me prends-tu donc, mouche-
ron ? As-tu jamais entendu dire que Beau-
cousin se baissât pour ramasser des épin-
gles? Mais, du reste, entends bien ceci:
La défense que je te fais à l'endroit des
goussets et des bibelots du duc n'est que
pour le temps où tu devras rester en bons
termes dans sa maison. Du moment que
je t'aurai donné ton congé, je t'autorise
pleinement à arrondir ton paquet et à
remplir tes poches. Je vais même plus
loin; si, à partir de ce moment-là, tu
trouvais quelques bijoux à usage d'hom-
me, quelque chose de riche, de cossu,
ayant de l'œil et du poids, je te promets
de te l'acheter à un bon prix, sans exiger
de reçu ni de payement à domicile.
Allons, Beaucousin, tu es décidé-
ment un grand homme, et tu mériterais
d'être classé parmi les bienfaiteurs de
l'humanité! l
Et écoute encore si les choses vont
bien, comme nous l'espérons, je te ferai
donner par la personne pour qui nous
travaillons tant et tant de jaunets que
tu en auras tes poches pleines; en outre,
et pour mon propre compte, je me pro-
pose de t'offrir une noce à tout casser,
où bon te semblera. Ce jour-là, ce sera
toi qui commanderas, et ce sera moi qui
payerai.
-Nous irons au Chat qui grignotte,
alors, fit vivement le gamin. Oh le Cliaj
qui grignotte, c'est mon rêve
Nous irons au Clwt qui grignotlé.
Y aura-t-il du homard?
Tant que tu en voudras et du poulet
aussi.
-r Avec du bordeaux et du champa-
gne ?
Tous les vins fins que tu voudras et
tant que tu pourras en boire.
Beaucousin, je regrette profondé-
meni ftea'Otre pas cent mille hommes à
moi tout seul js me serais fait un plai-
sir, le jour où tu me paieras cette ri-
1830
1830
senciées. On ne lançait pas au gouverne-
ment des boulettes empoisonnées, c'é-
taient des bonbons laxatifs enveloppés
dans des devises de confiseur.
L'abonné béat et parlementaire s'était
habitué avec joie à ces devinettes perpé-
tuelles. C'était alors une situation dans
le monde que d'être abonné aux Débats;
cela posait un homme tout de suite. L'a-
bonné donc cherchait de l'esprit dans une
virgule posée de travers, et quand il
croyait avoir déniché une grosse mé-
chanceté, il était heureux comme l'ha-
bitué du Cercle du Commerce, à Brives-
la-Gaillarde, qui a trouvé le mot d'un ré-
bus, ou la solution d'un problème d'é-
checs, dans les journaux illustrés.
C'est pour satisfaire ces passions mal-
saines de l'abonné que la direction des
Débats avait inventé un chef-d'œuvre,
une signature redoutable qu'on ne lisait
qu'avec une sorte d'effroi, la signature du
secrétaire de la rédaction F. Camus.
Cette signature mystérieuse et terri-
ble, précisément à cause de son allure
absolument bourgeoise, était tout bonne-
ment un procédé analogue à celui dont
se sont beaucoup servis les romanciers
de l'école d'Edgar Poë.
F. Camus, nom banal et singulier par
sa banalité même, cela voulait dire l'in-
connu, l'insondable, l'inabordable, l'im-
pénétrable Régulièrement, le public
attribuait les articles signés F. Camus,
selon les circonstances, à M. Guizot, au
duc d'Aumale, et même à M. de Morny 1
Inutile de dire que les articles signés
de ce nom effrayant de F. Camus étaient
tantôt de M. Prévost-Paradol, tantôt de
M. J.-J. Weiss, tantôt de M. Alloury, tan-
tôt de F. Camus lui-même, qui était un
être véritable, en chair et en os, mais qui
grâce au oréjugé des lecteurs, ne put ja-
mais jouir de la gloire qui lui était légiti-
mement duel 1
Dans deux occasions pourtant, le Jour-
nal des Débats rendit au gouvernement
impérial des services presque aussi dé-
voués que le Siècle. Au moment de la
guerre d'Italie, il y avait scission dans la
maison; mais M. Edouard Bertin, qui,
suivant ses procédés de famille, avait eu
soin de conserver autour de lui des
groupes de rédacteurs à opinions diver-
gentes, fit donner les libéraux, M. John
Lemoinne, M. Eugène Yung, et le journal
s'engagea dans la voie anti-religieuse
d'où il n'est plus. sorti. Plus tard, au
moment des traités de commerce, M. Mi-
chel Chevalier fut le principal auxi-
liaire deM.Rouher, et il gagna dans cette
campagne libre-échangiste son fauteuil
sénatorial, comme plus tard M. de Sacy
gagna le sien par son assiduité aux petits
lundis de l'Impératrice.
L'empire libéral trouva dans les Débats
un appui énergique et constant M. Pré-
vost-Paradol en devint ministre de France
aux Etats-Unis.
Au 4 septembre, peu sympathique à la
Révolution, il publia la note suivante qui
mérite d'être portée à son actif « Une
proclamation du gouvernement provi-
soire nous annonce la fin du gouverne-
nement personnel. Les hommes qui l'ont
signée sont certainement assez éclairés
pour comprendre que le pays ne veut
pas plus du gouvernement de onze parti-
culiers que de celui d'un seul »
Onze particuliers Cela ne l'empêche
pas aujourd'hui d'appeler M. Jules Favro
l'illustre orateur 1
Nous venons de prononcer le nom de
Prévost-Paradol. Demain, en achevant
par un historique contemporain l'étude
du Journal des Débats, nous donnerons un
détail inédit sur la fin tragique du re-
grettable journaliste, qui eut si peu le
temps d'être académicien et ministre.
Gustave Hector.
1833
TÉLÉGRAMMES
ET
CORRESPONDANCES
Elections «lu @ février.
Arras, 11 h. 55, matin,- Elections du
Pas-de-Calais. Résultat moins quelques
communes v
M. Sens, bonapartiste. 70,581
M. Brasme, républicain. 67,327
«~~ Vesoul, 9 février, midi.– Elections de
la Haute-Saône
MM. Hérisson, radical 36,661
le duc de Marmier, eonserv. 28,486
TOULOUSE, 9 février. On dit que le
nouveau maire de Toulouse sera M. Tous-
saint, colonel d'artillerie en retraite, qui s'est
vaillamment conduit à Metz.
paille, de te porter en triomphe, aux ap-
plaudissements de ma propre foule.
Tu es donc content de la proposi-
tion ?
Si tu tiens seulement la moitié de
ce que tu promets, je serai ravi.
Tout sera tenu, et même au delà.
Par conséquent, tu acceptes.
Aveuglément.
-Alors, allons immédiatement chez la
mère Griffard; je ne vois qu'elle d'assez
huppée pour te fournir la défroque qui
t'est nécessaire.
Et tous deux se dirigèrent, en hâtant
le pas, vers la cahute de m'ame .Griffard.
Cette cahute était ornée sur les côtés
de deux murs galeux qui, s'allongeant
comme des bras, allaient se rejoindre à
une porte cochère., enserrant une cour
dans laquelle on vidait les nottées,
Nos deux vauriens, arrivés à cette
porte, y frappèrent à grands coups de
poing, aucun cordon de sonnette ne se
laissant apercevoir, r
Aussitôt, deux boule-dogues firent en-
tendre des aboiements furieux.
A, ces aboiements, les chiens errants
qui fouillaient les tas d'ordures dans les
terrains vagues des environs, répondi-
rent avec une sympathie aussi unanime
que peu harmonieuse.
Ce fut pendant deux ou trois minutes
un concert effroyable, capable de rendre
l'ouïe à des sourds, et qui, néanmoins,
n'amena pas seulement une t6te aux
fenêtres des logis circonvoisins. `
Ce que voyant, Fine-Mouche se put à
siffler un de ces airs de barrière, fami-
liers aux rôdeurs de son espèce, et pres-
que aussitôt les deux chiens de la Grif-
fardj si furieux un instant avant, se cal-
mèrent comme par enchantement et vin-
rent montrer au bas de la porte rongée
leurs museaux taillés en moignons.
En même temps,, un pas lourd se fai-
sait entendre vers le fond de la cour, et
une voix hargneuse et brutale deman-
dait
Qu| est là ? g
G'est moi, m'ame Griffard, répondit
Fine-Mouche; mais, je vous en prie, avant
de m'ouvrir la porte, mettez donc un
peu de col-cream aux crocs de vos insec-
tes au cas où ils me mordraient, ils au-
Poitiers, 7 février. M. Gaston La-
verny, avocat à Saintes, se battit en duel le
26 octobre dernier, avec M. Auger, rédacteur
de Y Indépendant de la Charente-Inférieure.
Après un long engagement, ce dernier recut
une blessure à la main droite et le combat
fut arrêté.
A l'exception du blessé, 'ces messieurs com-
parurent le 29 novembre devant le tribunal
correctionnel qui les condamna à 2 fr. et 1 fr.
d'amende. Le procureur de la République
fit appel à mùrima et la cour de Poitiers,
dans sa séance d'hier, a élevé l'amende à 50
.francs pour M. Lavérny et à 25 francs pour
les quatre témoins. Ces messieurs étaient dé-
fendus par Me Inquimbert, du barreau de
Saintes, et M" Lepetit, de Poitiers.
«• Stuttgabd, 9 février. David-Fried-
rich Strauss, l'auteur célèbre de la Vie de
Jésus, est.mort hier, à Ludwisboùrg.
Le docteur Strauss naquit à Ludwis-
bourg, dans le Wurtemberg, en 1808. Il
fut nommé pasteur protestant en 1830'.
C'est en 1835 qu'étant à Tubingue, répé-
titeur au séminaire de théologie, le doc-
teur Strauss alors profondément in-
connu, publia la Fie de Jésus, examen cri-
tique de son Histoire, le livre qui a fait
peut-être le plus de bruit dans ce siècle.
L'ouvrage de M. Renan n'est venu que
vingt-huit ans après (1863).
En 1848, il posa sa candidature à l'As-
semblée nationale allemande, mais il fut
vivement combattu et il échoua.
Détail bizarre En 1840, le savantas doc-
teur épousa une actrice allemande, ma-
demoiselle Agnès Schébest,âgéede vingt-
sept ans, mais l'union ne fut pas heu-
reuse, et M. et madame Strauss se sépa-
rèrent après quelques années de mariage.
•*»*» Londres, 8 février. Le baron Meyer
de Rothschild, dont je vous ai annoncé la mort
par le télégraphe, a succombé à une longue
et douloureuse maladie des reins. Il est mort
dans son hôtel Piccadilly, à- l'àge de cin-
quante-six ans.
Le baron Meyer s'est peu occupé d'affaires
dans sa vie.Il avait un goût très vif pour tout
ce qui concerne le sport et habitait presque
toujours le magnigniflque châtau de Mont-
more, qu'il avait fait bâtir il y a une tren-
taine d'années. Sa meute était une des plus
renommées du royaume, et, c'est en chassant
chez lui l'année dernière, que le prince de
Galles apprit la mort de l'empereur Napo-
léon. •
Il était un des princes du turf, et, dans
une seule année, gagna tous les grands prix
pour les chevaux de trois ans.
Il ne laisse qu'une fille, Mlle Hannah de
Rothschild, fiancée, dit-on, àM.Fischoffsheim,
membre des Communes pour Folkestone.
Coïncidence singulière. Le jour même de
sa mort, son frère, le baron Lionel de Rots-
child échouait dans le collége électoral de
Londres où il se présentait.
Auguste Marcade.
PARIS Al JOUR LE JOUR
Les appréciations des journaux sont
fort divergentes sur le chapitre des élecj
tions; ainsi, hier matin, les journaux
républicains qui ne connaissaient encore
que les résultats des villes chantaient vic-
toire au sujet de M. Brasme; le soir, il a
fallu changer de note.
Pour la Gazette de France, le côté inté-
ressant de l'élection, c'est que le candi-
dat triomphant s'est posé sur le terrain
anti-républicain.
Si les conservateurs veulent arriver, ce
sera en arborant pour cri de combat • Plus
de république! lis réuniront des majorités
en demandant qu'on èn finisse avec cette
forme de gouvernement. Si M. Marmier avait
accentué cette note, il aurait certainement
triomphé de son adversaire et trouvé dans
les abstentions les quelques milliers de voix
qui lui ont fait défaut.
Le Français voit la chose sous un tout
autre aspect
Si M. Sens a triomphé dans le Pas-de-Ca-
lais, c'est que, par une profession de foi bien
formelle, qu'ont corroborée des déclarations
publiques, le candidat s'est engagé à soute-
nir résolument la politique du septennat Si
M. Hérisson a triomphé dans la Haute-Saône,
c'est qu'il est parvenu a jeter des doutes sur
la volonté qu'avait son honorable concurrent
de défendre le pouvoir du maréchal de Mac-
Mahon.
Ces doutes étaient réellement calomnieux,
et nul plus que M. le duc de Marmier n'a-
vait pris parti pour la politique du septen-
nat mais M. Hérisson avait, dans sa circu-
laire électorale accusé les conservateurs
d'avoir apporté dans le vote de la loi de pro-
rogation des arrière-pensées propses à en al-
térer le caractère, et ces vaines accusations
répétées par les journaux de M. Hérisson, et
surtout par les agents de sa candidature, ont
raient moins de peine et j'aurais moins
de mal.
Ah! c'est toi, bonne pièce, dit la mé-
gère d'une voix un peu radoucie, et
qu'est-ce qui t'amène à cette heure?
• Je ne suis pas seul, m'ame Griffard
je suis avec mon.ami;Beaucou3in, et nous
désirons d'abord vous présenter nos hom-
mages, puis faire un brin de commerce
avec vous, si toutefois vous n'êtes pas
trop mal disposée ce soir vis-à-vis du
pauvre monde.
Ah langue dorée, va Tu attendri-
rais des pierres avec ton bagout! ditMme
Griffard en se dirigeant de son pas lourd
et traînant,vers la porte, au centre de la-
quelle elle ouvrit un petit judas de fer
qui glissa en grinçant dans ses rainures.
L'ogresse, alors, jeta au travers des
grilles du judas un regard scrutateur de-
vant elle, et, s'étant assurée que Fine-
Mouohe et Beaucousin étaient bien seuls,
elle tira les verroux avec' une prudente
lenteur. •
La mère Griffard n'avait guère que
quarante ans, mais elle en paraissait
bien cinquante-cinq à soixante.
Elle mesurait, en hauteur, cinq pieds
six pouces, et son envergure était telle
qu'elle semblait aussi large que haute.
Sa lèvre supérieure était ornée d'une
paire de moustaches que n'aurait pas
dédaignées plus d'un grenadier dé la
garde, et, si son menton ne montrait Das
de barbe, c'est qu'elle prenait un sbin
tout particulier de cette partie de'son
visage,- et que, chaque matin, elle lui fai-
sait, à l'aide du va.soir, uoe conscien-
cieuse toilette.
Son nez était proéminent et rouge, et,
son front si bas, qu'on le distinguait à
peine sous la forêt de cheveux qui l'en-
vahissait. Ce qui en restait était encore
amoindri par l'ombre de deux sourcils
épais et rudes, qui s'étreignaient au-des-
sus du nez avec une fraternité furieuse.
Ses yeux, tout petits et enfoncés dans
leurs orbites, affectaient toujours de ne
rien voir, mais étaient, en réalité, ex-
trêmement mobiles, et auraient fendu
des points £ ceux du lynx po.ur la clair- i
voyance,
Quoi de neuf, les mômes, demandâ-
t-elle en refermant la porte avec des'^r*
cautions infinies, sitôt que les deux jeu-
nes gens eurent pénétré da,ns la cour ? g
eu contre M. de Marmier un succès déplora-
ble, mais décisif..
# Le Journal des Débats a reçu un
communiqué démentant de nouveau les
détails de l'entrevue de M. de Broglie
avec le correspondant du Daihj-Telegraph.
Orr en même temps paraissait dans le
Gaulois un article fort curieux, d'où il
résulte que le correspondant en question,
M. Marriott, maintient ses assertions.
Il déclare avoir écrit sa lettre en sor-
tant du cabinet du ministre « Comment,
dit-il entre autres choses, aurais-je in-
venté la théorie de YImperator et dé la
Res publica ?» et il ne comprend rien au
démenti que lui inflige M. de Broglie.
Je ne puis me l'expliquer. Aussi dois-je
vous dire que je viens d'adresser une lettre
à Son Excellence pour lui déclarer que je
maintenais, quant à moi, l'exactitude de mon
récit; mais pour lui dire aussi que, comme
je suis homme, en somme, et que je puis
m'être trompé sur un point ou sur deux je
le priais de vouloir bien rectifier les rares
erreurs que j'aurais commises. Ma responsa-
bilité est trop engagée à l'égard de mon jour-
nal pour que je reste sous le coup d'un dé-
menti aussi absolu, et je lui demande en con-
séquence de me permettre, si je ne recois
de lui aucune réponse rectificativé de détail
d'affirmer à nouveau et publiquement l'exac-
titude absolue de mon récit.
Et cette lettre, la publierez-vouj
Pas maintenant; je dois à M. le duc de
Broglie d'attendre qu'il ait eu le temps de
me répondre. C'est une question de savoir-
vivre dont je ne me départirai pas, si en-
nuyeux qu'il soit pourmoi de demeurer deux
ou trois jours de plus sous le coup d'un dé-
menti que je n'ai pas mérité. P
Je rvSpieAte ce sentiment et je vous en
félicite. Voilà tout ce que je voulais savoir.
Encore une fois, me permettez-vous de ra-
Zté^eT*™*™9*1 faite^sique
vos réponses.
Je vous y autorise. ̃̃
Nous attendons maintenant, ajoute le
Gaulois, -la réponse de M. le duc de Bro-
glie à la lettre de M. Marriott.
#*# Le cousin Jacques, dans sa chro-
nique de la Patrie, a trouvé un moyen de
sauver définitivement, le budget par un
impôt somptuaire dont voici l'économie
générale. Il y aurait peut-être à contester
ses chiffres, mais enfin l'idée est ori-
ginale.
Il y a, en France, 35 millions d'âmes ce
qui suppose 18 millions de femmes, les fem-
mes étant partout plus nombreuses que les
hommes. Sur ces 18 millions de femmes, il y,
en a au moins le quart, soit 4,5000,000 qui
ont, par an, une robe de soie. En multipliant,
4,500,000 par 5, chiffre du droit surla roïe II
soie, on arrive à une somme totale de 22 mil-
lions 500;000 francs. Il y a bien encore en
moyenne, un million de Françaises qui
achètent, par an, trois robes de soie, outre
celle déjà comptée. Un million multiplié trois
fois par 5 nous donne encore 15 millions
On a calculé qu'il y a, en moyenne -ton
jours, 500,000 femmes qui achètent ou se
font donner donner surtout, mais, comml v
disent les concierges, l'argent n'a pas d'odeur
–une robe de velours par an. Le droit étant
de 10 fr. sur 500,000 robes, produit 5millions.
En suivant les mêmes proportions on a trouvé
que le droit sur les chapeaux simplès donné-
rait 9 millions; celui sur les chapeaux à-*
fleurs l0m lions; celui sur les chapeaux à
plumes 3 millions, RÉSU~IÉ
KÉSUJ1É
Robes de soie ensemble, 37,500,000 fp
Robes de velours, >; non nnn
Chapeaux ensemble 22,000,000
1
-̃̃̃:̃ Total, 04,500,000 fr. tr
#*# Le critique théâtral de la Petita
Presse, M. Cochinat, prétend avoir décou-
vert pourquoi M. Offenbach, l'heureux
auteur d'Orphée aux Enfers, n'aime point
l'antiquité et pourquoi il a voulu se ven-
ger d'elle.
C'est qu'étant jeune et pour passer les mau-
vais jours qui barrent momentanément le
passage à toute célébrité durable, Offenbach
fut obligé de briguer l'honneur d'être le chef
d'orchestre du Théâtre-Français
Le malheureux réussit
Et pendant dix années entières, si ce n'est
plus, il conduisit d'un bâton frémissant d'in-
dignation romantique la musique de tragédie
qui précède l'entrée des Thésée, des -Achille
et des rŒT l0ngS CaS
rue de Richelieu.
Or, quand il sa trouva libre de ne plus en-
tourer d un respect apparent ces demi-dieux
et ces héros, il lâcha la bride à toute éaraa-"
cune contre eux, et, avec une ardeur, un feu
une verve et un brio d'une irrévérence sa%s
pareille, il fit cet Orphée aux Enfm et eettt
Belle Hélène an ont porté un coup si ter.
rible à 1 industrie de MM. Maubant, Talbot,
Geffroy, Chéry.et autres enfants deMelpo-
mène,
!f**# Une bonne plaisanterie de Gygès
On parlait devant le bohème J. de la sup-
pression des billets de cinq francs, et quel-
Il faut me faire beau, m'ame Grif-
fard, répondit Fine-Mauehe
Ça sera plus difficile que si c'était
pour Beaucousin riposta l'ogresse-
pourtant t'es mignon fin comme ton
nom, et gentil tout plein quand tu veux
en prendre a peine. Il ne sera donc pas
impossible d'arriver à ce que tu désires
Il s'agit de mon avenir, ditFine^Moit-
che faut donc être sérieux. J'entre dans
une place splendide, mais pour cela, il
me faut de belles nippes.
Si c'est pour habiter chez des gens
de commerce, faut du luxe et du cossu
vois-tu, mon fiston je connais oa, moi»'
les gens bien mis, ça attire la confiance'
Dans le commerce! fi donc m'amè
Griffard, pour qui me prenez-vous? Moi
Zidor, dit Fine-Mouche servir des gens
de boutique. Oh la la! Retenez Sn
ceci m'ame Griffard c'est que tant que
la chose est possible et lors même qu'elle
ne l'est pas, faut jamais déroger ni s'en-
canailler., parce que lorsqu'on est des-
cendu de son rang, il est bien difSci^
d'y remonter.
Ah gamin de malheur, va! s'écria
en riant la grosse femme c'est pas pour
rien qu'on t'a nommé Fine-Mouche ta
mère ne t'a pas manqué du côté de l'est
prit, car t'es bien le plus fin blaireau de
toutes les carrières,
Moi ? m'ame Qriffard, moi? où donc
me vous avez pris cela ? Je suis simple
et naïf comme l'enfant qui vient de na
tre, j'ai pas plus de malice qu'une co,
lombe, pas plus de' défense qu'un tour-
tereau. Depuis que je respiré à fa sainte
lumière du monde, chacun autour de moi
m'a tondu la laine sur le corps comme,
sur 1 échjne d'un pauvre agneau, et te.
n ai jamais fait que pousser des 'plaii
tes t l
'̃ Toi, vois-tu, môme, si tu avais voulu
être un comédien, t'aurais fait un grand,
artiste; tu joues tout ce que tu veux que
c'est plus beau que le naturel. q
CependanU'ogresse et ses deux visi-
W?1®, arrivés à la porte intérieure
du logis elle la poussa et leur fit signa
d'entrer.
MIE D'AGHONNE*
(I/x suite à demain.)
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