Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-08-20
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 août 1911 20 août 1911
Description : 1911/08/20 (Numéro 18311). 1911/08/20 (Numéro 18311).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
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Date de mise en ligne : 15/10/2007
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CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N" 18311
XHMANCHE 20 AOUT 1911
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Un numéro (à I»arïs) s 1SE centimes
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SOMM:AIIS.I3
Lire eri S* pag-e
iiesgrèves anglaises. lacrise DES trxdb?tink*&s.
Affaïres DU Maroc. Nouvelles DE l'étran-
GER L'ACCORD DE POTSDAM ET l'incident d'A-
GADIR. LE TOMBEAU DE Balzac, G. D.
Page S
Notes ET souvenirs UN ROMANTIQUE MÉCONNU,
Jules Troubat. CORRESPONDANCE, UNE LETTRE
DE M. GASQUET. LA FEMME DE demain, Joseph
Bois.
Page 4
L'IMPORTATION EN FRANCE DES DENRÉES FRIGORI-
FIÉES. LES JARDINS DE L'HISTOIRE, LE MAROC IL
Y A CENT ANS, François Ponsard.
Page 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
Sport. BOURSE.
Page S
LES ADMISSIONS A l'école CENTRALE ET AUX ÉCOLES
D'AGRICULTURE.
Dernières nouvelles.. LES négociations, LES
NAVIRES ALLEMANDS A agadir. EXTENSION DE
l'a GRÈVE EN ANGLETERRE. LES RÉCOMPENSES
AUX SOLDATS FRANÇAIS AU MAROC. OBSÈQUES
DU PROFESSEUR DIEULAFOY.
Paris, 19 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA LUTTE CONSTITUTIONNELLE EN SUÈDE
Dans quinze jours auront lieu en Suède les
élections législatives. On ne voit pas cependant
sur les murs la moindre afifiche aux couleurs
criardes. On n'entend ni dans les rues ni dans
les cafés de discussions politiques. Tout est
calme et mesuré dans la vie sociale. Les réu-
nions publiques sont des réunions de bonne
société où les candidats développent posément
leur programme, avec moins de recherche lit-
téraire que de désir de précision et de clarté.
Le premier ministre, M. Lindman, a pu, de-
vant un auditoire de huit mille personnes, à
Skara, exposer les principes de la politique
conservatrice sans que la réunion fût troublée
le moins du monde. Une musique militaire a
joué quelques airs nationaux après le discours;
puis chacun tranquillement s'en est allé.
Il ne faudrait pas pourtant prendre cette
tranquillité pour de l'indifférence. Jusqu'ici
sans doute le peuple suédois se désintéressait
des élections législatives. 50 0/0 seulement des
électeurs inscrits, d'après la statistique de 1905,
participaient au vote, et comme le cens électo-
ral excluait du droit de suffrage 69 0/0 envi-,
ron de la population masculine et majeure, les
députés n'étaient élus en somme que par une
infime minorité. Une nouvelle loi, qui date de
1909 et qui va être appliquée cette année pour
la première fois aux élections législatives, ac-
corde au peuple le suffrage presque universel.
Elle donne en effet le droit de suffrage à tous
les citoyens suédois « de bonne réputation »,
âgés de plus de vingt-quatre ans, qui ont ac-
quitte les années précédentes leurs imposi-
tions royales et' çômjhûnales, et. qui ne reçoi-
vent pas de subvention de l'assistance publi-
que pour eux, pour leurs femmes ou pour leurs
enfants. Si ce n'est pas absolument le suffrage
universel, c'est du moins la capacité électorale
infiniment étendue. On comprend dès lors que
les élections captivent l'opinion publique. Ce
n'est plus, comme autrefois, la manifestation
des volontés d'une classe privilégiée, c'est une
consultation nationale sur la politique tout en-
tière de la Suède.
Si le parti conservateur, qui est au pouvoir,
a consenti à la réforme électorale et il ne
l'a pas fait sans essayer de prendre ses pré-
cautions, il entend bien s'en tenir là. Il dé-
clare terminée l'époque de l'idéologie et des
« discussions politiques stériles ». Il ne vou-
drait pas accorder à ces élections une impor-
tance plus grande qu'aux élections passées.
Le système électoral seul est changé. La Cons-
titution politique de la Suède ne saurait en
souffrir la moindre atteinte. C'est ainsi que
parlait M. Lindman, premier ministre, et avec
lui le comte Hamilton, ministre de l'intérieur,
et M. Petersson, ministre de la justice. Mais les
partis de gauche, libéraux et socialistes, posent.
le problème politique d'une autre manière.
La réforme électorale n'est pas pour eux une
fin, mais un moyen. C'est le premier stade de
l'évolution constitutionnelle de la Suède. Ils
veulent faire du gouvernement suédois un gou-
vernement parlementaire, les libéraux en li-
mitant la puissance royale, les socialistes en
la supprimant et voilà l'intérêt des élections
actuelles. Elles prennent du fait des circons-
tances et de l'état des partis la valeur d'un re-
FEUILLETON DU <&£tttpS
DU &• AOUT 1911
LA LOUVE
LIVRE CINQUIÈME
IA PROIE (SUITE)
II s'empara de la lettre; d'un regard il la
parcourut.
« Un mariage odieux! »'murmura-t-il, en ré-
pétant les termes cruels qui anéantissaient jus-
que dans le passé les joies pures de son amour.
.La destruction de son bonheur s'étendait jus-
qu'aux souvenirs. Il ne lui resterait pas même
l'amère douceur des regrets. Tout s'abolissait,
tout sombrait d'un seul coup dans le néant
définitif. Tout était bien fini, à présent.
A son tour,. il éclata en sanglots, la tête dans
ses mains. Seul, le vieux Colonna ne pleurait
pas, debout au milieu du groupe écroulé, qu'il
dominait comme la ruine sévère d'un tour ba-
saltique s'élève dans la campagne romaine au-
dessus des tombeaux plus humbles. Le senti-
ment du déshonneur lui rongeait les entrailles;
son orgueil agonisait dans une indicible tor-
ture sa face ne tressaillait plus. Il se tenait ri-
gide, immobile, comme les cadavres de ceux
que le souffle de la fournaise a suffoqués dans
un incendie et que la mort a saisis dans une
attitude, au milieu d'un geste commencé, le
bras tendu, la bouche ouverte.
L'horloge sonna une heure quelconque; ses
vibrations se prolongèrent en résonnances in-
terminables dans le cœur de ces malheureux,
qui crurent entendre le tintement de leurs vies
brisées sous le marteau de la fatalité. Au milieu
du nouveau silence, une voix s'éleva, celle de
la mère.
Virginio, dit-elle timidement.
Les épaules de Colonna tressaillirept arra-
ché à la torpeur de son désespoir, il tourna len-
tement sa face vers celle qui lui parlait.
Reproduction interdite.
feréndum populaire sur la question constitu-
tionnelle.
Aux termes de la Constitution suédoise, la
seuv«aiïieié*#éside dans le peuple,- qui nomme
le iroi. C'est une .des plus anciennes règles de la
monarchie suédoise « « Les Svear, dit une loi
westrogothiqùe du treizième siècle, possèdent
le droit de choisir et de déposer le roi. » Et de
fait les Etats de Suède ont usé de cette préro-
gative, notamment lorsqu'ils déposèrent Gus-
tave IV, qu'ils rendaient responsable, par son
incapacité, des suites funestes de la politique
extérieure et de la perte de la Finlande. S'ils
n'en usèrent pas un siècle plus tôt, au temps
de Charles XII, lorsque le roi, se taillant un
pouvoir absolu, levait à sa volonté des soldats
et des impôts, c'est assurément à cause du
prestige qu'exerçait le héros sur l'imagination
populaire. Le roi d'ailleurs prête serment à la
Constitution le droit du peuple est donc an-
térieur au sien.
Mais la puissance populaire a éprouvé le be-
soin de se limiter elle-même. On a connu en
Suède, au dix-huitième siècle, depuis la mort
de Charles XII jusqu'à la réaction absolutiste
de Gustave III, le parlementarisme sans contre-
poids, ce que l'on nomme en Suède « l'ère de
la liberté (frihetstiden) ». C'est l'époque des
luttes entre les Bonnets et les Chapeaux, deux
partis qui ne se divisaient pas seulement sur
les questions économiques ou sur les questions
de politique étrangère, mais qui se disputaient
aussi les places et les faveurs une époque de
corruption où sévissait l'or de l'étranger, et
qui est jugée sans tendresse par les historiens
suédois.
Aussi les rédacteurs de la Constitution de 1809
qui étaient des hommes pratiques et il fal-
lait bien qu'ils le fussent puisqu'ils devaient
sauver la Suède d'une situation intérieure into-
lérable, et la protéger contre l'ennemi qui était
aux portes s'efforcèrent, en s'inspirant de
l'expérience historique, de dresser l'une en face
de l'autre les deux puissances traditionnelles
de la Suède, le peuple et le roi, sans qu'il pût y
avoir usurpation de la part de l'une ou de l'au-
tre. Ils décrétèrent donc contre le roi, l'indé-
pendance presque absolue du Riksdag (Parle-
ment) en matière financière; le droit pour lui
de fixer les impôts et de diriger la politique
douanière, sans que ses décisions aient besoin
d'être contresignées par le roi; enfin un droit
de contrôle sur tous les actes du roi discutés au
Conseil d'Etat. La liberté de la presse est un
résultat de ce droit de contrôle très étendu qui
appartient au peuple et au Parlement c'est
un principe constitutionnel en Suède, et non
pas un droit reconnu à la personne humaine.
Contre le Parlement, ils définirent l'autorité
du roi sur l'administration du royaume, le droit
pour lui de commander les armées, la direction
de la politique extérieure et la nomination des
fonctionnaires. S'il doit faire contresigner ses
décisions par un ministre responsable, ses mi-
nistres, qu'il choisit lui-même à son gré, ne sont
que ses hommes de confiance qui ne doivent
pas se retirer devant un vote de défiance du
Parlement c'est une royauté constitutionnelle.
Cette Constitution résulte entièrement de l'ex-
périence aucune place n'y est faite aux prin-
cipes affirmés par les philosophes du dix-hui-
tième siècle. L'histoire nationale seule a guidé
las rédacteurs de ce texte de 1809, qui subsiste
encore aujourd'hui.
On peut comprendre maintenant l'attitude
du parti. conservateur dans les élections ac-
tuelles. « Notre Constitution, dit-il, est une Cons-
titution éprouvée et une Constitution vraiment
nationale. C'est la seule qui nous convienne,
puisqu'elle a été inspirée par l'expérience et
par l'Histoire. Pourquoi risquer de rouvrir l'ère
des aventures ruineuses? Pourquoi user notre
énergie à débattre les questions constitution-
nelles, qui sont des questions de pure forme,
tandis que d'autres intérêts essentiels nous sol-
licitent, notamment les intérêts économiques?
Défendons la Constitution au nom dé l'Histoire,
et soyons des gens pratiques; nous serons alors
dans la vraie tradition suédoise. » Et l'on sait la
force que la tradition a chez le peuple suédois.
Les libéraux, en revanche, manient une arme
non moins puissante le droit du peuple à se
gouverner suivant ses volontés et l'exemple
de la Constitution anglaise. Ce dernier exemple
n'est peut-être pas «le moins agissant, car le
peuple suédois, traditionaliste par nature, est
cosmopolite par éducation.
ge
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Sttttpf
Berlin, 19 août.
Une note du Lokal-Anzeiaer annonce que le gou-
verneur de la colonie de l'ouest africain a résolu,
afin d'éviter toute mesure qui pourrait provoquer
en ce moment des insurrections dans le territoire
de l'Ovambo, que les Européens ne recevront pas
d'autorisation pour aller y embaucher des ouvriers.
Virginio, reprit-elle, je ne peux pas croire
que nobre enfant ait écrit ce qu'il y a dans cette
lettre comme sa pensée et sa volonté à elle.
Ecoute, avant de la condamner, je t'en prie.
Ecoutez aussi, vous autres. Prospero surtout.
Elle est entre des mains formidables. Vous sa-
vez ce que peuvent oser des Borgia. Qui sait?
On l'a peut-être forcée à nous envoyer cette
lettre monstrueuse pour nous faire croire qu'el-
le est la complice de ce César, pour nous ôter
l'envie de l'a lui réclamer. On l'a obligée à nous
renier, à renier son lîancé. Quand elle a écrit,
peut-être qu'elle avait le poignard de ce monstre
sur la gorge. Comment aurait-elle résisté aux
menaces, aux bourreaux, notre colombe?
Oui, vous avez raison, s'écria Prospero, à
qui cet espoir de ne pas trouver Alba coupable
fit presque oublier un instant le malheur de sa
perte.
Vous avez raison, répétèrent les deux frè-
res de la jeune fille.
Le vieux Colonna hocha la tête.
Clarice, dit-il, c'est votre amour maternel
qui a parlé. Le cosur d'un père est moins prompt
à s'abuser, quelque désir qu'il ait de ne pas
croire au crime de son enfant. Dieu sait si j'a-
chèterais votre illusion de ma vie! Enifin, ce
que vous vous imaginez n'est pas impossible
je n'espère rien, mais, je dois, pour mon hon-
neur, 'faire comme si j1espérais. Demain, je se-
rai à. Rome.,
Virginio!
Je verrai Alexandre. Je demanderai au
Père universel de me faire rendre ma fille. Nous
verrons ce qu'il me répondra. Au moins, je sau-
rai, après cela, ce qui peut bien rester d'humain
dans son âme.
Le chef se tut. Un peu d'espoir tremblant re-
vivait au cœur des siens. Peut-être que la lettre
d'Alba n'exprimait point sa pensée; peut-être
qu'Alexandre VI ne serait pas impitoyable.
Le lendemain, comme il l'avait dit, Virginie
Colonna était à Rome, et toute superbe déposée,
sollicitait une audience du Saint-Père. Elle lui
fut accordée pour le jour suivant.
Alexandre ne craignait plus cette famille des
Colonna, qu'il avait écrasée. Il ne lui déplaisait
point de s'admirer dans l'attitude de l'homme
accueillant et généreux. Il attendait avec une
satisfaction orgueilleuse la visite du vaincu
il escomptait la joie que lui donnerait la pré-
sence d'un Colonna au Vatican, dans ce même
palais où Sixte IV avait signé l'arrêt de mort
d'un parent de Virginio, car depuis longtemps
la papauté poursuivait, tantôt de sa justices
Toutefois le'g-oTiyerneur a fait construire à Swa-
kopmùnde et Otiwarongq de grands abris où les
habitants de rOv-atnbo pourront venir attendre les
embaucheurs, '̃̃ .̃ .̃
e~baucl~eur~. Saint-Pétersbourg, 19 août.
L'accord russo-allemand relatif à la Perse sera
probablement signé ce soir.
Mulhouse, 19 août.
Le secrétaire d'Etat de Kiderlen-Wsechter,quiavu
hier l'empereur à Wilhelmshœhe, est arrivé ce ma-
tin à Badenwiller, près de Mullheim. Il s'y arrêtera
quelques heures pour rendre visite à l'ancien isous-
secrétaire de Stemrich, actuellement en traitement
dans cette station. ')
Rome, 19 août.
Le pape, dont la santé continue à s'améliorer, a
entendu hier matin une messe célébrée dans sa
chapelle privée par Mgr Bréssan.
Les médecins et les sœurs du pape continuent à
le visiter.
Le pape a eu dans la journée un long entretien
avec le cardinal Merry del Val.
Belgrade, 19 août.
Le roi Pierre a conféré au prince Jean de Russie
l'ordre de Karageorge il l'a aussi nommé lieute-
nant à la suite du régiment de cavalerie Miloch-
Obilitch.
On. croit que le roi de Serbie se rendra à Saint-
Pétersbourg pour assister au mariage. Comme té-
moins de la princesse Hélène on désigne le roi du
Montenegro et la grande-duchesse Militza, sa fille
aînée; le prince Jean Constantinovitch aurait pour
témoins le tsar Nicolas H et la reine Olga de Grèce.
Constantinople, 19 août.
D'après le Jeune turc, le dernier conseil des mi-
nistres aurait décidé d'envoyer une flotte dans les
eaux crétoises. Elle arrivera demain dans les Dar-
danelles pour y faire du charbon et recevrait des
instructions secrètes.
Constantinople, 19 août.
On rapporte que sir Edward Grey a répondu à la
démarche de l'ambassadeur de Turquie au sujet de
la Crète que la remise sur le tapis de la question
crétoise était inopportune au moment actuel.
4
LA FAILLITE DE L'ARBITRAGE
Les grèves anglaises provoquent en Angle-
terre et en France une profonde désillusion
chez les partisans de l'arbitrage organisé. La
faillite est en effet retentissante, et la Bataille
syndicaliste, qui s'en réjouit, emploie même
l'expression plus forte de « banqueroute frau-
duleuse ». Le mouvement général qui se pro-
page chez nos voisins a eu, on ne l'a pas ou-
blié, pour origine le désaveu d'un accord inter-
venu entre les représentants des dockers et les
patrons. Si les ouvriers refusent d'admettre les
clauses d'un traité direct signé par leurs man-
dataires, à pfus forte raison s'insurgeraient-ils
contre une sentence arbitrale. Mais le fait le
plus démonstratif nous est fourni par la grève
des employés de chemins de fer.
L'agitation chez ces travailleurs ne date pas
d'hier. En 1907, une propagande active en vue
du relèvement des salaires et de l'obtention
d'autres avantages avait ébranlé la masse des
cheminots. On craignait une grève générale. La
perspective de cette éventualité émut le minis-
tère libéral, et M. Lloyd George, qui est, comme
nos socialistes parlementaires et unifiés, un par-
tisan de l'intervention de l'Etat dans les con-
flits entre le travail et le capital, intervint.. Il
réussit; à' imposer une convention d'arbitrage,
dont notre correspondant à Londres a derniè-
rement exposé le mécanisme. Le litige est d'a-
bord soumis au comité mixte de la section à
laquelle appartiennent les agents intéressés. Si
ce comité n'aboutit pas à une solution, l'affaire
est portée devant un autre comité, composé de
représentants des employeurs et de délégués
de toutes les sections ouvrières réunies. En cas
de désaccord, le différend est alors soumis à
des arbitres.
Les cheminots anglais consentirent volontiers
à faire l'essai de cette procédure, qui parut aux
directeurs des compagnies comporter de graves
inconvénients. Ils l'acceptèrent néanmoins,
sauf une exception, et suivant le mot de l'un
d'entre eux, « le pistolet sur la gorge ». Le chan-
celier de l'Echiquier reçut les félicitations de
tous les procéduriers sociaux de la Grande-
Bretagne et d'ailleurs.
La combinaison de M. Lloyd George, qui
pour les interventionnistes constituait une so-
lution, n'était en réalité qu'un expédient. Elle
ne résista pas à l'usage la grève quasi géné-
rale des chemins de fer anglais en est la preuve.
Les compagnies objectaient le manque de
sanctions contre les ouvriers qui refuseraient
de s'incliner devant la sentence. Cette objection
était sérieuse; la conduite des dockers, dans une
corporation .voisine, et bien d'autres exemples
en montrent la valeur. Mais les cheminots à
leur tour repoussent la convention naguère ac-
ceptée par eux. Ils reprochent à la procédure
arbitrale de différer indéfiniment la solution
des litiges et de méconnaître la solidarité qui
unit les travailleurs, en particularisant leurs re-
sanglante et tantôt de ses anathèmes, cette race
encore indomptée bien qu'à demi détruite.
Le pontife venait de s'entretenir avec César
des affaires de l'Etat, dans ses appartements
privés; à peine avait-il été question du Co-
lonna et de ses griefs. Tandis que son père se
rendait dans la salle de la Vie-des-Saints, où
il donnait ses audiences, le duc restait en deçà
de l'entrée, que cachait une tapisserie flamande,
de celles qu'on nommait « arrazzi » à cause
d'Arras, où elles étaient fabriquées. Ainsi il
pourrait intervenir dans la conversation, s'il
le jugeait opportun, puisqu'en somme c'était de
lui surtout qu'il s'agissait.
Dès qu'Alexandre se fut assis sur le trône
spécial qui remplaçait en ces circonstances la
cathèdre plus somptueuse réservée pour les
grandes cérémonies, l'officier de garde intro-
duisit Virginio Colonna.
Il entra vêtu de deuil, pâle et courbé. Il trem-
blait un peu de l'effort qu'il imposait à son
orgueil en venant ici; une volonté héroïque le
commandait et le poussait. Il n'omit aucun des
prosternements obligatoires, et à. trois reprises,
ils interrompirent sa marche lente jusqu'aux
pieds du souverain pontife. '1
Kous sommes heureux de vous voir, très
cher fils,, prononça Alexandre avec un mélan-
ge (fonction et de dignité. Notre main pater-
nelle a-dû s'appesantir sur vous jadis, mâùs
votre "âme ne nous en restait pas moins chèiê,.
et il nous plaît de vous accueillir avec les, pa-
roles de la paix éternelle.
J'en remercie Votre Béatitude, répondit
Colonna, la gorge serrée.
Et que désirez-vous de notre faveur et de
notre dilection, très cher fils ?
Votre Sainteté, magnanime Alexandre, ne
peut l'ignorer. Je viens lui demander ma fille.
La garde de cette âme précieuse ne nous
a pas été spécialement commise, noble Co-
lonna.
Votre Sainteté me comprend. Alba est.
la captive de don César. Sur un ordre de son,
père, il ne peut refuser de me la rendre. C'est
cet ordre que je viens chercher.
Dans le ton ferme et plus élevé avec lequel
furent prononcées ces dernières paroles, il y
avait comme une sommation. L'ordre qu'il ré-
clamait, Virginio l'intimait déjà lui-même au
souverain pontife.
Alexandre sourit légèrement, comme s'il eut
dédaigné d'apercevoir la brusquerie impérative
de l'accent et de la phrase.
̃. Votre fille n'-est point captive, Virgink), ré–
^idiications. Bref, la Bataille syndicaliste, avec
son fraoc-parjer habituel, accuse les « comités'
•1!e çonfeLliiaMon. » -de porter atteinte à ̃'l'unité
sffedicale. Elle ne voit dans cette institution
qu'un piège dirigé contre la « classe ouvrière »
par les hommes ayant intérêt à « diviser pour
régner ». `
Nous ne suivrons pas l'organe syndicaliste
jusqu'au bout «le ses critiques. La bonne foi de
M. Lloyd George nous semble évidente, mais
il s'est trompé, comme se trompent chez nous
les hommes qui prétendent aboutir à la paix
sociale par le procédé arbitraire de l'arbitrage.
Il en est des conflits entre le capital et le tra-
vail comme des conflits entre nations. On peut,
on doit même essayer de tous les moyens de
conciliation, mais il faut être prêt à se battre.
Et tin accond duraible ne peut surgir que des
concessions directes et réciproques obtenues
par des parties qui connaissent leur force res-
pective. L'entente résulte alors du risque que
comporterait une lutte dont l'issue est dou-
teuse. Les intéressés sont plus aptes que des
tiers sans responsabilité à évaluer le dommage
pouvant résulter d'un conflit, et ils savent mieux
que pensonne s'ils doivent courir la chance dies
batailles ou se contenter d'une satisfaction rela-
tive. L'arbitrage organisé est d'autant plus dan-
gereux que le gouvernement peut peser dans
la balance de cette « justice » professionnelle
et reste impuissant quant à l'application d» ses
jugements.
La preuve est faite. Partout, en Angleterre,
en France, en Nouvelle-Zélande, en Australie,
au Canada, Parbitrage a déçu les espoirs qu'il
avait fart naître. Il farat revenir au régime
de la liberté de discussion et de décision. Il
comporte des risques; c'est vrai, mais il s'ac-
cowje; avec la logique des choses, et en laissant
à chacun la responsabilité de ses actes, il dis-
pense un enseignement utile. Les patrons et les
ouvriers sont des gens raisonnables, ou qui de-
vraient l'être. L'arbitrage les traite en mineurs.
Il n'est pas surprenant qu'ils essayent de s'é-
manciper.
Seènes de la vie administrative
Le ministre reçoit les préfets par séries
Les préfets qui avaient soufflé un instant, pen-
dant la durée, courte cette fois, de la crise minis-
térielle, préparèrent leur valise lorsque les dé-
crets constituant le (nouveau cabinet parurent au
Journal officiel. Ils savaient que le ministre de
l'intérieur ne tarderait pas à ,les convoquer à -la
place Beauvau.
il,y a des rites. Après la lecture de la déclara-
tion du gouvernement et l'interpellation qui la
suit, le ministre de «l'intérieur reçoit les préfets
par séries. Chaque série comprend une trentaine
de ces fonctionnaires, appelés par télégramme,
dans l'ordre alphabétique des départements. Il
faudrait que des événements bien graves se fus-
sent produits dans l'Yonne pour que son préfet
passât -en même temps que celui des Basses-Alpes.
Aussi, en dehora des relations personnelles anté-
rieures à leur entrée en fonctions, le préfet des
•Bouches-du-Rhône a-t-il des chances de connaî-
tre *elui du Cantal, mais non celui du Var. Le
télégramme jaune ne fait aucune distinction entre
lès;"cfis tances et les horaires des •chèmins'-de fer
qui- ne permettent pas au préfet du Gard d'arri-
ver la place Beauvau aussitôt que celui de
l'Aube. Toute ,la série est invitée à se présenter
tel jour, à la même heure, au oabinet du ministre.
Et tandis qu'à la présidence de la République,
l'ordre de réception est si bien réglé que 4es visi-
teurs n'attendent guère leur tour plus d'un quart
d'heure, à l'intérieur on n'est jamais sûr de passer
avant midi et;demi.
Une aussi longue station devrait favoriser les
conversations et les confidences entre trente fonc-
tionnaires de,même ordre. Mais il y a peu d'anima-
ti&8 dans J'antichambre du cabinet. On se fait ins-
crire ou l'on vérifi-e son inscription et on va de
là accomplir la même formalité chez le secrétaire
général ou le directeur du personnel, quand les
deux fonctions ne sont pas réunies; on s'informe
ensuite auprès des huissiers, toujours discrets
sans être impénétrables et assez familiers de lon-
gue date avec les préfets; on demande quel est le
chef ou le directeur du cabinet, ou le sous-chef,
dans la cohue de ces confidents politiques qui ont
l'oreille du président du conseil; et si on a entre-
tenu quelques rapports avec eux déjà, dans les
déplacements ministériels,, on va leur donner une
poignée de main et prendre langue. Les premiers
mots échangés, après les politesses d'usage, sont
toujours ceux-ci
Le mouvement paraîtra-t-il bientôt? Pensez
à moi.
Le mouvement, c'est le mouvement adminis-
tratif, c'est-à-dire les mutations dans le personnel
que fait généralement le nouveau ministre, s'il a
pris im directeur dans les préfectures et s'il y a
quelques postes vacants.
pondit-il. Elle s'est réfugiée librement dans
le palais du duc, pour échapper à un mariage
qui lui répugnait, paraît-il.
Faux rapports. Elle-même le voulut, ce
mariage.
Autrefois. Maintenant, elle a changé d'a-
vis. Tout à l'heure le duc nous affirmait qu'elle
vous avait annoncé sa résolution dans une let-
tre.
Dictée par lui. Cette lettre, signée d'elle,
écrite toute par elle, n'est pas vraiment d'elle.
C'est par force qu'il la lui a arrachée, par force
qu'il la tient elle-même chez lui prisonnière.
Vous vous égarez, mon fils. Nous vous
protestons.
La tapisserie se souleva César parât
̃ ̃– Laissez, mon père, dit-il. Il ne convient
pas à la majesté du chef de l'Eglise de discuter
avec un de ses vassaux.
Qu'avez-vous dit, seigneur duc ? Vassal!
Prenez garde
Le vieux Colonna s'était rejeté en arrière et
toisait César; il semblait chercher à son côté
son épée absente. Le Valentinois s'adoucit. Et
avec une nonchalante condescendance, qui ren-
dait dédaigneuses ses façons d'excuses au vieil-
lard
Je n'ai pas voulu vous insulter par ce mot,
seigneur Colonna. Je m'enorgueillis moi-même
d'être le vassal très obéissant de notre seigneur
commun, Sa Sainteté Alexandre. Je dis que la
Icihoseest à régier entre' vous et moi, qui- sommes
princes romains tous les deux; aussi bien n'est-
ce pas moi qui suis ici en cause. Virginio Co-
lonna, je vous affirme que votre fille elle-même
mesupplia de l'enlever, que je n'ai jamais rien
fait pour la retenir, que ce qu'elle vous a écrit
est vérité pure. Elle s'est placée sous ma pro-
tection de chevalier, de chrétien et de gentil-
homme je ne vous la livrerai pas; je la garde.
Vous ne me croyez pas ? Vous allez donc le
croire.
II était sorti avant que Virginio eût le temps
des répondre. Un instant après, il reparut, avec
une femme voilée. La poussant, la soutenant, il
l'amena jusqu'au milieu de la salle. La face
invisible, les épaules secouées de sanglots, cette
forme blanche ressemblait à une Iphigénie ar-
rêtée par la faiblesse et la peur sur le chemin du
sacrifice et cachant ses larmes sous-le voile des
victimes. Colonna, d'un bond, fut à côté d'elle;
son geste furieux arracha le voile. Alba, proté-
geant de son bras replié la honte de son visage,
ressembla aux allégories de la Pudeur que les
statuaires grecs nous ont laissées. Mais au Heu
de garder une immobilité harmonieuse, tout
La deuxième phrase est toujours celle-ci
Comment est-il, le patron ? 9
Le patron, de tout temps, c'est le ministre. Le
mot remonte tout au moins à M. Constans. C'est
lui qui mit à la mode ta visite des préfets, non pas
qu'il tînt à les recevoir en fournée, mais à l'occa-
sion de l'exécution des décrets du 29 mars 1880,
il eut des instructions verbales à leur donner et
quelques-uns de ses subordonnés ne lui plurent
guère.
On lui prête ce mot
Je ne nommerai plus un préfet sans l'avoir
vu il y en a qui marquent trop mal
Depuis trente ans, le personnel s'est bien trans-
formé. On ne peut dire vraiment qu'il y a aujour-
d'hui des préfets qui marquent mal on les dis-
tingue à peine des députés. Jadis on allait au mi-
nistère en redingote et en chapeau haut de forme,
mais depuis le ministère Briand, les jaquettes et
les chapeaux ronds dominent; il y a même des ves-
tons et des chapeaux mous, mais on les compte.
Quelques préfets retenus la veille par des inau-
gurations ou des cérémonies diverses arrivent di-
rectement de la gare, ayant fait leur toilette dans
le train. D'autres sont à Paris depuis vingt-quatre
ou quarante-huit heures ce sont ceux de la
grande banlieue. Les derniers promus font les cent
pas dans la cour pendant que les huissiers donnent
aux sièges les derniers coups de plumeau. Cer-
tains chevronnés, au courant des usages, se pré-
sentent seulement vers onze heures, sachant qu'ils
ont le temps. En effet, sauf sous lé règne de M. Cle-
menceau, le ministre le plus matïneux qu'on ait vu
place Beauvau, la réception commence assez tard.
Ceux qui ont lu la Joumée d'un ministre, de J.-J,
Weiss, savent bien pourquoi.
M. Clemenceau réglait admirablement ses: au-
diences, Il entrait ponctuellement au ministère à
huit heures et demie, traversait, les antichambres
d'un pas alerte, le couvre-chef un peu incliné sur
le côté droit, donnait un rapide coup d'œil aux.
personnes qui attendaient déjà, et sans être grand
physionomiste, savait parfois reconnaître un pré-
fet qu'il n'avait pas mandé. Il lui donnait même
une préférence, qui n'avait pas été recherchée et
il l'expédiait lestement, par le premier train, avec
prière instante, faite d'un ton tout particulier, de
téléphoner son arrivée à destination. Son ministè-
re vit la fin des promenades des préfets sur le bou-
levard. Ceux qu'on y rencontrait n'y faisaient pas
long feu.
Disons cependant que c'était une légende. Il y a
eu de tout temps des préfets sur le boulevard ce
sont les familiers des ministres et des directeurs
ou ceux qui peuvent regagner leur résidence au
premier appel du téléphone, en deux heures au
plus. On y voyait aussi ceux qui -annonçaient leur
visite pour faire des révélations sensationnelles
̃sur la politique de leur départememot et dont l'au-
dience était ajournée. Quand leur jour venait, les
événements s'étaient arrangés d'eux-mêmes et ils
repartaient après avoir vu un vague sous-chef de
cabinet, mais non sans avoir fait les achats de
leurs familles dans les grands magasins, assisté
à un spectacle ou fait un tour à la Chambre des
députés. Il en est pourtant qui, peu satisfaits d'un
poste qu'on leur avait attribué, ont attendu à Paris
le mouvement administratif suivant, mais c'est
l'exception, et ils avaient soin d'aller aux informa-
tions tous les jours au personnel.
Que dire de son département à cet homme qui
pense à l'Allemagne, à'i'Angletapre, à l'Espagne, -au
Maroc, aux nouvelles interpellations annoncés, à
la délégation des gauches, aux grèves des postes ou
des cheminots ? L'entretenir des querelles de ce
dépoté avec ce sénateur et de la lutte d'influence
générale entre les représentants du département au
Sénat et à la Chambre, et des menées sourdes des
anciens députés qui rôdent dans tes circonscrip-
tions et des conseillers généraux et des maires qui
organisent des candidatures, et des fédérations,
des comités exécutifs, des congrès, des loges, des
sous-préfets et des conseillers de préfecture qui
désirent obtenir leur avancement, de la classe ef-
feetive de celui-ci, de la classe personnelle de ce-
lui-là, de l'attitude de la presse, des annonces ad-
ministratives que l'on juge réparties sans propor-
tionnalité, oui, que lui dire de tout cela qui l'in-
téresse et fixe son attention, et fasse valoir aussi
le mérite, l'élocution précise, la connaissance des
hommes et de la politique de l'auteur de cet ex-
posé ?
Il faudrait une matinée entière pour le faire
convenablement or, voici le préfet de la Seine-In-
férieure qui vient d'entrer dans le cabinet du mi-
nistre et qui en sort deux minutes après voici le
préfet du Rhône qui est resté avec le patron moins
de cinq minutes. mais l'huissier m'appelle moi-
même et je pénètre à mon tour dans le cabinet que
je connais depuis vingt ans, où j'ai été reçu bien
des fois, dont l'ameublement ne change pas avec le
titulaire du poste et que je ne regarde même
plus, n'ayant d'attention, une fois le paravent à
demeure dépassé, que pour le patron.
C'est dans ce fauteuil que j'ai vu successivement
tous les présidents du conseil, ou les ministres de
l'intérieur, les uns solennels et secs, d'autres à
son corps délicat, parcouru de tremblements,
frémissait comme une lyre. Cette posture de
détresse et d'humiliation irrita Virginio davan-
tage elle était déjà un aveu.
Misérable]
Alba courba la tête sous l'injure; elle parut
attendre qu'il la frappât. En effet la main de
Colonna s'était levée, mais sans achever le
geste, le bras retomba le long du buste, comme
s'il avait été brisé tout à coup., Colonna se 'tai-
sait qu'avait-il besoin d'interroger sa fille
après ce silence où elle s'accusait de tout? Mais
César ne l'entendait point ainsi; il voulait mie
satisfaction entière, car il n'était jamais las de
triompher.
Alba, dit-il, votre illustre père est ici pour
recevoir vos déclarations au sujet de la con-
duite que vous avez tenue. Dites-lui si vous vous
êtes enfuie volontairement de sa maison pour
ne point épouser Prospero Savelli, à qui vous
étiez fiancée.
Elle ne put répondre, mais sa tête s'inclina
sur sa poitrine.
Est-ce également de voire plein gré que
vous continuez à demeurer sous notre sauve-
garde et dans notre palais particulier?
Elle répéta le même signe.
Alba Colonna, poursuivit César impiiova-
ble, nous vous offrons, si vous avez cette pro-
position pour agréable, de vous faire recon-
duire, avec une escorte digne de votre rang, au
oflâteau dur seigneur Virginio Colônna votre
père, à moins qu'il ne vous plaise mieux de le
suivre et de partir immédiatement avec lui, qui
est venu vous réclamer. Vous seule déciderez si
vous devez nous laisser ou rester sous notre
protection. Faites un pas, un mouvement vers
le seigneur Colonna, et nous saurons compren-
dre votre volonté. ̃
Elle demeura immobile. Quelques paroles, à
peine murmurées, sortirent de ses lèvres
Don César, gardez-moi
Le duc demeurait impassible Alexandre se
retranchait dans sa gravité d'idole sacrée et
lointaine. On n'entendit pendant plusieurs se-
condes que le souffle palpitant de la victime, de
la proie 'misérable disputée par deux instincts,
deux tyrannies, deux cruautés. Pour avoir ohoi-
si de céder à la plus redoutable, edle n'en était
pas moins déchirée par l'autre. Aux murailles
de l'appartement, les saintes du Pmtaricchio
souriaient avec une douceur profane.
Le visage de Colonna prenait une rigidité im-
mobile, il ne décédait plus ni colère ni souf-
france le durcissement soudain du masque-
aiiiK>iiçait-que-le-«œur~aassi--s^BBt-^>éifié.
l'aise et vous mettant à l'aise, ,d'autres encore im-
posants par le caractère plus que par l'attitude, ra-
rement affables et ayant -bientôt pris l'air de la
maison qui consisté à traiter les préfets et sous-
préfets sans beaucoup d'égards et parmi eux il'
y a eu M. Bourgeois, M. Deschànel, M. de Selves, et
un certain nombre d'ambassadeurs ou ministres de
France, sans parler de quelques hommes de valeur
reconnue.
Le premier devoir d'un ministre de l'intérieur
parait être de se montrer défiant envers des incon-
nus, et hors les préfets de la région de Paris, pres-
que tous sont inconnus au ministre ou à peine
connus de vue. Celui qui gardait le mieux la mé-
moire des visages est M. Barthou un nom lui
était un repère 'définitif. Et il écoutait, les yeux
vifs derrière son lorgnon. M. Méline était président
du conseil. Avec M. Rouvier et M. Sarrien, ce sont
les trois présidents qui n'ont pas été, depuis un
quart do siècle, ministres de l'intérieur, et l'expé-
rience n'a pas été tellement favorable à cette com-
binaison qu'on y soit revenu.
La tradition voulait que dans ce cas, la liste des
préfets venus à l'audience de la place BeatEvau fût
communiquée à la présidence du conseil; ceux qui
l'apprenaient y couraient aussitôt, et M. Sarrien
leur en savait gré visiblement, en notant leurs pro-
pos. Il doit en avoir un carnet volumineux.
La conversation avec le patron commence, pru-
dente, diplomatique, de part et d'autre, car les
personnages dont il est question sont les sénateurs,
les députés, le président du conseil général, le
maire du chef-lieu, le préfet lui-tions avec chacun de ceux-là. Il faut, d'un mot qui
se grave dans l'esprit, les juger et indiquer le
d«gré de leur influence au baromètre de la poli-
tique départementale.
M. Brisson écoutait gravement, en hochant la
tête, le rapport des préfets il avait la phrase ap-
propriée, connaissant, mieux qu'on ne la dit, les
réalités, les difficultés sentant, comme il disait,
le parti malade, il recommandait la prudence et
l'union. Sa parole était lente et loyale. On le quit-
tait avec confiance et avec une pensée de réel dé-
vouement.
M. Charles Dupuy, bienveillant avec les uns,
rude avec les autres, n'était pas fort commode on
se souvient qu'il a cassé un préfet à la suite d'une
conversation téléphonique. Je ne l'ai pas entendue
et n'en puis rien dire, mais il était généralement
attentif, et il est le seul dont on sache effective-
ment qu'il lisait certains rapports, la plume à la
main.
M. Waldeck-Rouaseau, la cigarette au bout d'un
•long ituyau de bambou, écoutait merveille, de l'air
d'un homme à qui l'on n'apprend pas grand'«hose,
et il avait des mots peu de mots qui prou-
vaient son attention. Pour le menu des affaires, il
disait
Voyez Demagny.
Et il vous congédiait de son grand an' britanni-
que, avec une poignée de main peu appuyée, mais
très condescendante. On voyait qu'il ne s'était pas
enquis minutieusement sur le compte de chaque
préfet, mais sur quelques-uns seulement, cités
comme remarquables, ou comme douteux, ou com-
me suspects. On réussissait rarement à avoir
une audience que n'avaient pas jngée utile ses col-
laborateurs. On ne le lui reprochait pas. Les cir-
constances connues expliquaient cette réserve. Mais
un ministre ne gagne rien à s'isoler des préfets.
M. Combes prêtait une attention soutenue à ses
interlocuteurs et de plus il savait entendre la
vérité, quand on la lui disait. On .sait combien
d'adresses lui étaient votées pour l'encourager dans
sa politique. Il lui en était tant venu de cer-
tains départements qu'on prétendait inspirées par
les préfets, qu'il interrogea l'un d'eux. Et avec
franchise, celui-ci ne lui dissimuda aucunement
que les auteurs âo ces adresses étaient des chefs
de groupes radicaux et socialistes dans des com-
munes a municipalités réactionnaires, qui recher-
chaient par là quelques reflets d'influence que
pouvait leur apporter la réponse ministérielle.
Ce sont donc des minorités agissantes, conclut
le président du conseil. Je vous remercie de me le
dire. Vous ne leur communiquerez ma réponse que
si vous le jugez utile.
Et il n'eut aucune amertume de ce langage, au
contraire, car il décora ce préfet, avant son tour
de bête. Il faut entendre par ces mots l'ordre d'an-
cienneté.
M. Etienne était très accessible et bon enfant
avec ceux qu'il connaissait; c'est bien lui qui a
la plus nombreuse clientèle. Il ne se trouvait pas
bien à l'intérieur où, disait-il, il s'empoisonnait.
Il avait jugé bon de se donner quelques spectacles
amusants, tels que celui d'inviter à déjeuner des
députés avec les préfets dont ils prétendaient avoir
à se plaindre; il jugeait assez impartialement les
uns et les autres, disant des procédés de Fun « Ce
sont les mœurs du 'bonapartisme », et conseil-
lant tout de même à l'autre d'éviter- les plaintes.
Eviter les plaintes! C'était conseiller au para-
tonnerre d'éviter l'électricité.
Mais enfin il écoutait, il discutait, il avait re-
cours aux ordres, aux injonctions, à, la persua-
sion, aux prières; il tenait à ses idées pt il espé-
rait toujours faire coup double satisfaire le plai-
-Reste donc avec lui, prononça enfin le vieil-
lard. Je te laisse à cette destinée qu'elle suffise
à ta punition. Je ne confierai point ma ven-
.geance à Dieu. S'en soucierait-il, lui qui souf-
fre un Alexandre sur ce trône et un César à
côté cje. lui?
Le duc allait bondir, mais le pontife l'arrêta
du geste.
Laissez, mon fils, nous ne voulons point
entendre ces vains outrages. Puisse le Seigneur,
qu'il blasphème, les remettre à ce malheureux
égaré. Vi-nginio Colonna, l'audience que nous
vous avions accordée vient de prendre fin.
Colonna s'était redressé il se retirait lente-
ment, tel qu'une statue qui marche. Que pou-
vait-il contre les Borgia, en plein palais apos-
tolique, seul, dans le fort de la bête malfai-
sante?- Toutes les issues étaient gardées; il y
avait des soldats dans tous les corridors, au
bas de ohaque escalier. Un geste de provocation
aurait suffi pour que cette canaille toujours aux
aguets derrière les portes fît irruption des bra-
vi le massacreraient, lui le grand baron ro-
main. Il s'en alla donc sans un mot, la tête hau-
te. Au moment où il aillait passer le seuil, une
voix l'appela
Père!
Alba tendait les bras vers lui. Virginio s'était
retourné; il ne répondit que par un regard, tel
que la malheureuse se cacha la figure dans ses
mains. Puis il sortit. L'officier qui se tenait à la
porte le salua de l'épée. Alba rouvrit les yeux et
vit César à côté d'elle. Désormais, c'était bien
fini. Son passé, sa vie de jeune fille, son an-
cienne innocence et son bonheur d'autrefois
venaient de la quitter pour toujours, quand son
père, le premier maître de son existence, avait
franchi le seuil. Maintenant, il n'y avait plus
au monde pour elle qu'un homme et qu'une des-
tinée.
César souriait. Il Juiprit la main.
Vous voyez, dit-il, que nous avons fait
entendre raison à ce terrible seigneur. Vous êtes
désormais à l'abri de ses remontrances et de
ses persécutions.
Hélas! répondit-elle, j'ai peur. M'aime-
rez-vous bien, don César?
Comme ma vie.
Et il baisa ses yeux qui avaient pleuré. Las
saintes madones du Pinturicchio gardaient
leur sourire; elles savaient ce que valent et ce
que durent les amours du siècle.
(A SUitJre). Maxime FohmoxNt.
(A swore).
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N" 18311
XHMANCHE 20 AOUT 1911
PRIX DE L'ABONNEMENT
Bùns, SEDŒ et SEIH&EI-OISE.. Trois mots, 14 fr.; six mois, SS fr.; Bn an, 53 tt.
WPART" et AISACMOBBAIOT.. 1*7 tr. S4 fr.; 65 fr.
tcaoH posiaie.. is.fr.; se fr.; 7aifc t&
LES ABONNEMENTS DATENT DES i" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à I»arïs) s 1SE centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
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Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
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B£MHT* et^SAŒ-lORBATHE.. 17 fr.; 34 fr.; 68 fr
BHIO!tH)STALE 13 fr.; SS^ VS
Un numéro (départements) 3*> centimes
ANNONCES MM. LAGRANGE, Cerf -et Cie, 8, place de la Bourse
le Journal et les Régisseurs déclinenttouteresponsabilité quant à leur-teneur
TÉI.ÉPBAICE, & LICITES
»« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
SOMM:AIIS.I3
Lire eri S* pag-e
iiesgrèves anglaises. lacrise DES trxdb?tink*&s.
Affaïres DU Maroc. Nouvelles DE l'étran-
GER L'ACCORD DE POTSDAM ET l'incident d'A-
GADIR. LE TOMBEAU DE Balzac, G. D.
Page S
Notes ET souvenirs UN ROMANTIQUE MÉCONNU,
Jules Troubat. CORRESPONDANCE, UNE LETTRE
DE M. GASQUET. LA FEMME DE demain, Joseph
Bois.
Page 4
L'IMPORTATION EN FRANCE DES DENRÉES FRIGORI-
FIÉES. LES JARDINS DE L'HISTOIRE, LE MAROC IL
Y A CENT ANS, François Ponsard.
Page 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
Sport. BOURSE.
Page S
LES ADMISSIONS A l'école CENTRALE ET AUX ÉCOLES
D'AGRICULTURE.
Dernières nouvelles.. LES négociations, LES
NAVIRES ALLEMANDS A agadir. EXTENSION DE
l'a GRÈVE EN ANGLETERRE. LES RÉCOMPENSES
AUX SOLDATS FRANÇAIS AU MAROC. OBSÈQUES
DU PROFESSEUR DIEULAFOY.
Paris, 19 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA LUTTE CONSTITUTIONNELLE EN SUÈDE
Dans quinze jours auront lieu en Suède les
élections législatives. On ne voit pas cependant
sur les murs la moindre afifiche aux couleurs
criardes. On n'entend ni dans les rues ni dans
les cafés de discussions politiques. Tout est
calme et mesuré dans la vie sociale. Les réu-
nions publiques sont des réunions de bonne
société où les candidats développent posément
leur programme, avec moins de recherche lit-
téraire que de désir de précision et de clarté.
Le premier ministre, M. Lindman, a pu, de-
vant un auditoire de huit mille personnes, à
Skara, exposer les principes de la politique
conservatrice sans que la réunion fût troublée
le moins du monde. Une musique militaire a
joué quelques airs nationaux après le discours;
puis chacun tranquillement s'en est allé.
Il ne faudrait pas pourtant prendre cette
tranquillité pour de l'indifférence. Jusqu'ici
sans doute le peuple suédois se désintéressait
des élections législatives. 50 0/0 seulement des
électeurs inscrits, d'après la statistique de 1905,
participaient au vote, et comme le cens électo-
ral excluait du droit de suffrage 69 0/0 envi-,
ron de la population masculine et majeure, les
députés n'étaient élus en somme que par une
infime minorité. Une nouvelle loi, qui date de
1909 et qui va être appliquée cette année pour
la première fois aux élections législatives, ac-
corde au peuple le suffrage presque universel.
Elle donne en effet le droit de suffrage à tous
les citoyens suédois « de bonne réputation »,
âgés de plus de vingt-quatre ans, qui ont ac-
quitte les années précédentes leurs imposi-
tions royales et' çômjhûnales, et. qui ne reçoi-
vent pas de subvention de l'assistance publi-
que pour eux, pour leurs femmes ou pour leurs
enfants. Si ce n'est pas absolument le suffrage
universel, c'est du moins la capacité électorale
infiniment étendue. On comprend dès lors que
les élections captivent l'opinion publique. Ce
n'est plus, comme autrefois, la manifestation
des volontés d'une classe privilégiée, c'est une
consultation nationale sur la politique tout en-
tière de la Suède.
Si le parti conservateur, qui est au pouvoir,
a consenti à la réforme électorale et il ne
l'a pas fait sans essayer de prendre ses pré-
cautions, il entend bien s'en tenir là. Il dé-
clare terminée l'époque de l'idéologie et des
« discussions politiques stériles ». Il ne vou-
drait pas accorder à ces élections une impor-
tance plus grande qu'aux élections passées.
Le système électoral seul est changé. La Cons-
titution politique de la Suède ne saurait en
souffrir la moindre atteinte. C'est ainsi que
parlait M. Lindman, premier ministre, et avec
lui le comte Hamilton, ministre de l'intérieur,
et M. Petersson, ministre de la justice. Mais les
partis de gauche, libéraux et socialistes, posent.
le problème politique d'une autre manière.
La réforme électorale n'est pas pour eux une
fin, mais un moyen. C'est le premier stade de
l'évolution constitutionnelle de la Suède. Ils
veulent faire du gouvernement suédois un gou-
vernement parlementaire, les libéraux en li-
mitant la puissance royale, les socialistes en
la supprimant et voilà l'intérêt des élections
actuelles. Elles prennent du fait des circons-
tances et de l'état des partis la valeur d'un re-
FEUILLETON DU <&£tttpS
DU &• AOUT 1911
LA LOUVE
LIVRE CINQUIÈME
IA PROIE (SUITE)
II s'empara de la lettre; d'un regard il la
parcourut.
« Un mariage odieux! »'murmura-t-il, en ré-
pétant les termes cruels qui anéantissaient jus-
que dans le passé les joies pures de son amour.
.La destruction de son bonheur s'étendait jus-
qu'aux souvenirs. Il ne lui resterait pas même
l'amère douceur des regrets. Tout s'abolissait,
tout sombrait d'un seul coup dans le néant
définitif. Tout était bien fini, à présent.
A son tour,. il éclata en sanglots, la tête dans
ses mains. Seul, le vieux Colonna ne pleurait
pas, debout au milieu du groupe écroulé, qu'il
dominait comme la ruine sévère d'un tour ba-
saltique s'élève dans la campagne romaine au-
dessus des tombeaux plus humbles. Le senti-
ment du déshonneur lui rongeait les entrailles;
son orgueil agonisait dans une indicible tor-
ture sa face ne tressaillait plus. Il se tenait ri-
gide, immobile, comme les cadavres de ceux
que le souffle de la fournaise a suffoqués dans
un incendie et que la mort a saisis dans une
attitude, au milieu d'un geste commencé, le
bras tendu, la bouche ouverte.
L'horloge sonna une heure quelconque; ses
vibrations se prolongèrent en résonnances in-
terminables dans le cœur de ces malheureux,
qui crurent entendre le tintement de leurs vies
brisées sous le marteau de la fatalité. Au milieu
du nouveau silence, une voix s'éleva, celle de
la mère.
Virginio, dit-elle timidement.
Les épaules de Colonna tressaillirept arra-
ché à la torpeur de son désespoir, il tourna len-
tement sa face vers celle qui lui parlait.
Reproduction interdite.
feréndum populaire sur la question constitu-
tionnelle.
Aux termes de la Constitution suédoise, la
seuv«aiïieié*#éside dans le peuple,- qui nomme
le iroi. C'est une .des plus anciennes règles de la
monarchie suédoise « « Les Svear, dit une loi
westrogothiqùe du treizième siècle, possèdent
le droit de choisir et de déposer le roi. » Et de
fait les Etats de Suède ont usé de cette préro-
gative, notamment lorsqu'ils déposèrent Gus-
tave IV, qu'ils rendaient responsable, par son
incapacité, des suites funestes de la politique
extérieure et de la perte de la Finlande. S'ils
n'en usèrent pas un siècle plus tôt, au temps
de Charles XII, lorsque le roi, se taillant un
pouvoir absolu, levait à sa volonté des soldats
et des impôts, c'est assurément à cause du
prestige qu'exerçait le héros sur l'imagination
populaire. Le roi d'ailleurs prête serment à la
Constitution le droit du peuple est donc an-
térieur au sien.
Mais la puissance populaire a éprouvé le be-
soin de se limiter elle-même. On a connu en
Suède, au dix-huitième siècle, depuis la mort
de Charles XII jusqu'à la réaction absolutiste
de Gustave III, le parlementarisme sans contre-
poids, ce que l'on nomme en Suède « l'ère de
la liberté (frihetstiden) ». C'est l'époque des
luttes entre les Bonnets et les Chapeaux, deux
partis qui ne se divisaient pas seulement sur
les questions économiques ou sur les questions
de politique étrangère, mais qui se disputaient
aussi les places et les faveurs une époque de
corruption où sévissait l'or de l'étranger, et
qui est jugée sans tendresse par les historiens
suédois.
Aussi les rédacteurs de la Constitution de 1809
qui étaient des hommes pratiques et il fal-
lait bien qu'ils le fussent puisqu'ils devaient
sauver la Suède d'une situation intérieure into-
lérable, et la protéger contre l'ennemi qui était
aux portes s'efforcèrent, en s'inspirant de
l'expérience historique, de dresser l'une en face
de l'autre les deux puissances traditionnelles
de la Suède, le peuple et le roi, sans qu'il pût y
avoir usurpation de la part de l'une ou de l'au-
tre. Ils décrétèrent donc contre le roi, l'indé-
pendance presque absolue du Riksdag (Parle-
ment) en matière financière; le droit pour lui
de fixer les impôts et de diriger la politique
douanière, sans que ses décisions aient besoin
d'être contresignées par le roi; enfin un droit
de contrôle sur tous les actes du roi discutés au
Conseil d'Etat. La liberté de la presse est un
résultat de ce droit de contrôle très étendu qui
appartient au peuple et au Parlement c'est
un principe constitutionnel en Suède, et non
pas un droit reconnu à la personne humaine.
Contre le Parlement, ils définirent l'autorité
du roi sur l'administration du royaume, le droit
pour lui de commander les armées, la direction
de la politique extérieure et la nomination des
fonctionnaires. S'il doit faire contresigner ses
décisions par un ministre responsable, ses mi-
nistres, qu'il choisit lui-même à son gré, ne sont
que ses hommes de confiance qui ne doivent
pas se retirer devant un vote de défiance du
Parlement c'est une royauté constitutionnelle.
Cette Constitution résulte entièrement de l'ex-
périence aucune place n'y est faite aux prin-
cipes affirmés par les philosophes du dix-hui-
tième siècle. L'histoire nationale seule a guidé
las rédacteurs de ce texte de 1809, qui subsiste
encore aujourd'hui.
On peut comprendre maintenant l'attitude
du parti. conservateur dans les élections ac-
tuelles. « Notre Constitution, dit-il, est une Cons-
titution éprouvée et une Constitution vraiment
nationale. C'est la seule qui nous convienne,
puisqu'elle a été inspirée par l'expérience et
par l'Histoire. Pourquoi risquer de rouvrir l'ère
des aventures ruineuses? Pourquoi user notre
énergie à débattre les questions constitution-
nelles, qui sont des questions de pure forme,
tandis que d'autres intérêts essentiels nous sol-
licitent, notamment les intérêts économiques?
Défendons la Constitution au nom dé l'Histoire,
et soyons des gens pratiques; nous serons alors
dans la vraie tradition suédoise. » Et l'on sait la
force que la tradition a chez le peuple suédois.
Les libéraux, en revanche, manient une arme
non moins puissante le droit du peuple à se
gouverner suivant ses volontés et l'exemple
de la Constitution anglaise. Ce dernier exemple
n'est peut-être pas «le moins agissant, car le
peuple suédois, traditionaliste par nature, est
cosmopolite par éducation.
ge
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Sttttpf
Berlin, 19 août.
Une note du Lokal-Anzeiaer annonce que le gou-
verneur de la colonie de l'ouest africain a résolu,
afin d'éviter toute mesure qui pourrait provoquer
en ce moment des insurrections dans le territoire
de l'Ovambo, que les Européens ne recevront pas
d'autorisation pour aller y embaucher des ouvriers.
Virginio, reprit-elle, je ne peux pas croire
que nobre enfant ait écrit ce qu'il y a dans cette
lettre comme sa pensée et sa volonté à elle.
Ecoute, avant de la condamner, je t'en prie.
Ecoutez aussi, vous autres. Prospero surtout.
Elle est entre des mains formidables. Vous sa-
vez ce que peuvent oser des Borgia. Qui sait?
On l'a peut-être forcée à nous envoyer cette
lettre monstrueuse pour nous faire croire qu'el-
le est la complice de ce César, pour nous ôter
l'envie de l'a lui réclamer. On l'a obligée à nous
renier, à renier son lîancé. Quand elle a écrit,
peut-être qu'elle avait le poignard de ce monstre
sur la gorge. Comment aurait-elle résisté aux
menaces, aux bourreaux, notre colombe?
Oui, vous avez raison, s'écria Prospero, à
qui cet espoir de ne pas trouver Alba coupable
fit presque oublier un instant le malheur de sa
perte.
Vous avez raison, répétèrent les deux frè-
res de la jeune fille.
Le vieux Colonna hocha la tête.
Clarice, dit-il, c'est votre amour maternel
qui a parlé. Le cosur d'un père est moins prompt
à s'abuser, quelque désir qu'il ait de ne pas
croire au crime de son enfant. Dieu sait si j'a-
chèterais votre illusion de ma vie! Enifin, ce
que vous vous imaginez n'est pas impossible
je n'espère rien, mais, je dois, pour mon hon-
neur, 'faire comme si j1espérais. Demain, je se-
rai à. Rome.,
Virginio!
Je verrai Alexandre. Je demanderai au
Père universel de me faire rendre ma fille. Nous
verrons ce qu'il me répondra. Au moins, je sau-
rai, après cela, ce qui peut bien rester d'humain
dans son âme.
Le chef se tut. Un peu d'espoir tremblant re-
vivait au cœur des siens. Peut-être que la lettre
d'Alba n'exprimait point sa pensée; peut-être
qu'Alexandre VI ne serait pas impitoyable.
Le lendemain, comme il l'avait dit, Virginie
Colonna était à Rome, et toute superbe déposée,
sollicitait une audience du Saint-Père. Elle lui
fut accordée pour le jour suivant.
Alexandre ne craignait plus cette famille des
Colonna, qu'il avait écrasée. Il ne lui déplaisait
point de s'admirer dans l'attitude de l'homme
accueillant et généreux. Il attendait avec une
satisfaction orgueilleuse la visite du vaincu
il escomptait la joie que lui donnerait la pré-
sence d'un Colonna au Vatican, dans ce même
palais où Sixte IV avait signé l'arrêt de mort
d'un parent de Virginio, car depuis longtemps
la papauté poursuivait, tantôt de sa justices
Toutefois le'g-oTiyerneur a fait construire à Swa-
kopmùnde et Otiwarongq de grands abris où les
habitants de rOv-atnbo pourront venir attendre les
embaucheurs, '̃̃ .̃ .̃
e~baucl~eur~. Saint-Pétersbourg, 19 août.
L'accord russo-allemand relatif à la Perse sera
probablement signé ce soir.
Mulhouse, 19 août.
Le secrétaire d'Etat de Kiderlen-Wsechter,quiavu
hier l'empereur à Wilhelmshœhe, est arrivé ce ma-
tin à Badenwiller, près de Mullheim. Il s'y arrêtera
quelques heures pour rendre visite à l'ancien isous-
secrétaire de Stemrich, actuellement en traitement
dans cette station. ')
Rome, 19 août.
Le pape, dont la santé continue à s'améliorer, a
entendu hier matin une messe célébrée dans sa
chapelle privée par Mgr Bréssan.
Les médecins et les sœurs du pape continuent à
le visiter.
Le pape a eu dans la journée un long entretien
avec le cardinal Merry del Val.
Belgrade, 19 août.
Le roi Pierre a conféré au prince Jean de Russie
l'ordre de Karageorge il l'a aussi nommé lieute-
nant à la suite du régiment de cavalerie Miloch-
Obilitch.
On. croit que le roi de Serbie se rendra à Saint-
Pétersbourg pour assister au mariage. Comme té-
moins de la princesse Hélène on désigne le roi du
Montenegro et la grande-duchesse Militza, sa fille
aînée; le prince Jean Constantinovitch aurait pour
témoins le tsar Nicolas H et la reine Olga de Grèce.
Constantinople, 19 août.
D'après le Jeune turc, le dernier conseil des mi-
nistres aurait décidé d'envoyer une flotte dans les
eaux crétoises. Elle arrivera demain dans les Dar-
danelles pour y faire du charbon et recevrait des
instructions secrètes.
Constantinople, 19 août.
On rapporte que sir Edward Grey a répondu à la
démarche de l'ambassadeur de Turquie au sujet de
la Crète que la remise sur le tapis de la question
crétoise était inopportune au moment actuel.
4
LA FAILLITE DE L'ARBITRAGE
Les grèves anglaises provoquent en Angle-
terre et en France une profonde désillusion
chez les partisans de l'arbitrage organisé. La
faillite est en effet retentissante, et la Bataille
syndicaliste, qui s'en réjouit, emploie même
l'expression plus forte de « banqueroute frau-
duleuse ». Le mouvement général qui se pro-
page chez nos voisins a eu, on ne l'a pas ou-
blié, pour origine le désaveu d'un accord inter-
venu entre les représentants des dockers et les
patrons. Si les ouvriers refusent d'admettre les
clauses d'un traité direct signé par leurs man-
dataires, à pfus forte raison s'insurgeraient-ils
contre une sentence arbitrale. Mais le fait le
plus démonstratif nous est fourni par la grève
des employés de chemins de fer.
L'agitation chez ces travailleurs ne date pas
d'hier. En 1907, une propagande active en vue
du relèvement des salaires et de l'obtention
d'autres avantages avait ébranlé la masse des
cheminots. On craignait une grève générale. La
perspective de cette éventualité émut le minis-
tère libéral, et M. Lloyd George, qui est, comme
nos socialistes parlementaires et unifiés, un par-
tisan de l'intervention de l'Etat dans les con-
flits entre le travail et le capital, intervint.. Il
réussit; à' imposer une convention d'arbitrage,
dont notre correspondant à Londres a derniè-
rement exposé le mécanisme. Le litige est d'a-
bord soumis au comité mixte de la section à
laquelle appartiennent les agents intéressés. Si
ce comité n'aboutit pas à une solution, l'affaire
est portée devant un autre comité, composé de
représentants des employeurs et de délégués
de toutes les sections ouvrières réunies. En cas
de désaccord, le différend est alors soumis à
des arbitres.
Les cheminots anglais consentirent volontiers
à faire l'essai de cette procédure, qui parut aux
directeurs des compagnies comporter de graves
inconvénients. Ils l'acceptèrent néanmoins,
sauf une exception, et suivant le mot de l'un
d'entre eux, « le pistolet sur la gorge ». Le chan-
celier de l'Echiquier reçut les félicitations de
tous les procéduriers sociaux de la Grande-
Bretagne et d'ailleurs.
La combinaison de M. Lloyd George, qui
pour les interventionnistes constituait une so-
lution, n'était en réalité qu'un expédient. Elle
ne résista pas à l'usage la grève quasi géné-
rale des chemins de fer anglais en est la preuve.
Les compagnies objectaient le manque de
sanctions contre les ouvriers qui refuseraient
de s'incliner devant la sentence. Cette objection
était sérieuse; la conduite des dockers, dans une
corporation .voisine, et bien d'autres exemples
en montrent la valeur. Mais les cheminots à
leur tour repoussent la convention naguère ac-
ceptée par eux. Ils reprochent à la procédure
arbitrale de différer indéfiniment la solution
des litiges et de méconnaître la solidarité qui
unit les travailleurs, en particularisant leurs re-
sanglante et tantôt de ses anathèmes, cette race
encore indomptée bien qu'à demi détruite.
Le pontife venait de s'entretenir avec César
des affaires de l'Etat, dans ses appartements
privés; à peine avait-il été question du Co-
lonna et de ses griefs. Tandis que son père se
rendait dans la salle de la Vie-des-Saints, où
il donnait ses audiences, le duc restait en deçà
de l'entrée, que cachait une tapisserie flamande,
de celles qu'on nommait « arrazzi » à cause
d'Arras, où elles étaient fabriquées. Ainsi il
pourrait intervenir dans la conversation, s'il
le jugeait opportun, puisqu'en somme c'était de
lui surtout qu'il s'agissait.
Dès qu'Alexandre se fut assis sur le trône
spécial qui remplaçait en ces circonstances la
cathèdre plus somptueuse réservée pour les
grandes cérémonies, l'officier de garde intro-
duisit Virginio Colonna.
Il entra vêtu de deuil, pâle et courbé. Il trem-
blait un peu de l'effort qu'il imposait à son
orgueil en venant ici; une volonté héroïque le
commandait et le poussait. Il n'omit aucun des
prosternements obligatoires, et à. trois reprises,
ils interrompirent sa marche lente jusqu'aux
pieds du souverain pontife. '1
Kous sommes heureux de vous voir, très
cher fils,, prononça Alexandre avec un mélan-
ge (fonction et de dignité. Notre main pater-
nelle a-dû s'appesantir sur vous jadis, mâùs
votre "âme ne nous en restait pas moins chèiê,.
et il nous plaît de vous accueillir avec les, pa-
roles de la paix éternelle.
J'en remercie Votre Béatitude, répondit
Colonna, la gorge serrée.
Et que désirez-vous de notre faveur et de
notre dilection, très cher fils ?
Votre Sainteté, magnanime Alexandre, ne
peut l'ignorer. Je viens lui demander ma fille.
La garde de cette âme précieuse ne nous
a pas été spécialement commise, noble Co-
lonna.
Votre Sainteté me comprend. Alba est.
la captive de don César. Sur un ordre de son,
père, il ne peut refuser de me la rendre. C'est
cet ordre que je viens chercher.
Dans le ton ferme et plus élevé avec lequel
furent prononcées ces dernières paroles, il y
avait comme une sommation. L'ordre qu'il ré-
clamait, Virginio l'intimait déjà lui-même au
souverain pontife.
Alexandre sourit légèrement, comme s'il eut
dédaigné d'apercevoir la brusquerie impérative
de l'accent et de la phrase.
̃. Votre fille n'-est point captive, Virgink), ré–
^idiications. Bref, la Bataille syndicaliste, avec
son fraoc-parjer habituel, accuse les « comités'
•1!e çonfeLliiaMon. » -de porter atteinte à ̃'l'unité
sffedicale. Elle ne voit dans cette institution
qu'un piège dirigé contre la « classe ouvrière »
par les hommes ayant intérêt à « diviser pour
régner ». `
Nous ne suivrons pas l'organe syndicaliste
jusqu'au bout «le ses critiques. La bonne foi de
M. Lloyd George nous semble évidente, mais
il s'est trompé, comme se trompent chez nous
les hommes qui prétendent aboutir à la paix
sociale par le procédé arbitraire de l'arbitrage.
Il en est des conflits entre le capital et le tra-
vail comme des conflits entre nations. On peut,
on doit même essayer de tous les moyens de
conciliation, mais il faut être prêt à se battre.
Et tin accond duraible ne peut surgir que des
concessions directes et réciproques obtenues
par des parties qui connaissent leur force res-
pective. L'entente résulte alors du risque que
comporterait une lutte dont l'issue est dou-
teuse. Les intéressés sont plus aptes que des
tiers sans responsabilité à évaluer le dommage
pouvant résulter d'un conflit, et ils savent mieux
que pensonne s'ils doivent courir la chance dies
batailles ou se contenter d'une satisfaction rela-
tive. L'arbitrage organisé est d'autant plus dan-
gereux que le gouvernement peut peser dans
la balance de cette « justice » professionnelle
et reste impuissant quant à l'application d» ses
jugements.
La preuve est faite. Partout, en Angleterre,
en France, en Nouvelle-Zélande, en Australie,
au Canada, Parbitrage a déçu les espoirs qu'il
avait fart naître. Il farat revenir au régime
de la liberté de discussion et de décision. Il
comporte des risques; c'est vrai, mais il s'ac-
cowje; avec la logique des choses, et en laissant
à chacun la responsabilité de ses actes, il dis-
pense un enseignement utile. Les patrons et les
ouvriers sont des gens raisonnables, ou qui de-
vraient l'être. L'arbitrage les traite en mineurs.
Il n'est pas surprenant qu'ils essayent de s'é-
manciper.
Seènes de la vie administrative
Le ministre reçoit les préfets par séries
Les préfets qui avaient soufflé un instant, pen-
dant la durée, courte cette fois, de la crise minis-
térielle, préparèrent leur valise lorsque les dé-
crets constituant le (nouveau cabinet parurent au
Journal officiel. Ils savaient que le ministre de
l'intérieur ne tarderait pas à ,les convoquer à -la
place Beauvau.
il,y a des rites. Après la lecture de la déclara-
tion du gouvernement et l'interpellation qui la
suit, le ministre de «l'intérieur reçoit les préfets
par séries. Chaque série comprend une trentaine
de ces fonctionnaires, appelés par télégramme,
dans l'ordre alphabétique des départements. Il
faudrait que des événements bien graves se fus-
sent produits dans l'Yonne pour que son préfet
passât -en même temps que celui des Basses-Alpes.
Aussi, en dehora des relations personnelles anté-
rieures à leur entrée en fonctions, le préfet des
•Bouches-du-Rhône a-t-il des chances de connaî-
tre *elui du Cantal, mais non celui du Var. Le
télégramme jaune ne fait aucune distinction entre
lès;"cfis tances et les horaires des •chèmins'-de fer
qui- ne permettent pas au préfet du Gard d'arri-
ver la place Beauvau aussitôt que celui de
l'Aube. Toute ,la série est invitée à se présenter
tel jour, à la même heure, au oabinet du ministre.
Et tandis qu'à la présidence de la République,
l'ordre de réception est si bien réglé que 4es visi-
teurs n'attendent guère leur tour plus d'un quart
d'heure, à l'intérieur on n'est jamais sûr de passer
avant midi et;demi.
Une aussi longue station devrait favoriser les
conversations et les confidences entre trente fonc-
tionnaires de,même ordre. Mais il y a peu d'anima-
ti&8 dans J'antichambre du cabinet. On se fait ins-
crire ou l'on vérifi-e son inscription et on va de
là accomplir la même formalité chez le secrétaire
général ou le directeur du personnel, quand les
deux fonctions ne sont pas réunies; on s'informe
ensuite auprès des huissiers, toujours discrets
sans être impénétrables et assez familiers de lon-
gue date avec les préfets; on demande quel est le
chef ou le directeur du cabinet, ou le sous-chef,
dans la cohue de ces confidents politiques qui ont
l'oreille du président du conseil; et si on a entre-
tenu quelques rapports avec eux déjà, dans les
déplacements ministériels,, on va leur donner une
poignée de main et prendre langue. Les premiers
mots échangés, après les politesses d'usage, sont
toujours ceux-ci
Le mouvement paraîtra-t-il bientôt? Pensez
à moi.
Le mouvement, c'est le mouvement adminis-
tratif, c'est-à-dire les mutations dans le personnel
que fait généralement le nouveau ministre, s'il a
pris im directeur dans les préfectures et s'il y a
quelques postes vacants.
pondit-il. Elle s'est réfugiée librement dans
le palais du duc, pour échapper à un mariage
qui lui répugnait, paraît-il.
Faux rapports. Elle-même le voulut, ce
mariage.
Autrefois. Maintenant, elle a changé d'a-
vis. Tout à l'heure le duc nous affirmait qu'elle
vous avait annoncé sa résolution dans une let-
tre.
Dictée par lui. Cette lettre, signée d'elle,
écrite toute par elle, n'est pas vraiment d'elle.
C'est par force qu'il la lui a arrachée, par force
qu'il la tient elle-même chez lui prisonnière.
Vous vous égarez, mon fils. Nous vous
protestons.
La tapisserie se souleva César parât
̃ ̃– Laissez, mon père, dit-il. Il ne convient
pas à la majesté du chef de l'Eglise de discuter
avec un de ses vassaux.
Qu'avez-vous dit, seigneur duc ? Vassal!
Prenez garde
Le vieux Colonna s'était rejeté en arrière et
toisait César; il semblait chercher à son côté
son épée absente. Le Valentinois s'adoucit. Et
avec une nonchalante condescendance, qui ren-
dait dédaigneuses ses façons d'excuses au vieil-
lard
Je n'ai pas voulu vous insulter par ce mot,
seigneur Colonna. Je m'enorgueillis moi-même
d'être le vassal très obéissant de notre seigneur
commun, Sa Sainteté Alexandre. Je dis que la
Icihoseest à régier entre' vous et moi, qui- sommes
princes romains tous les deux; aussi bien n'est-
ce pas moi qui suis ici en cause. Virginio Co-
lonna, je vous affirme que votre fille elle-même
mesupplia de l'enlever, que je n'ai jamais rien
fait pour la retenir, que ce qu'elle vous a écrit
est vérité pure. Elle s'est placée sous ma pro-
tection de chevalier, de chrétien et de gentil-
homme je ne vous la livrerai pas; je la garde.
Vous ne me croyez pas ? Vous allez donc le
croire.
II était sorti avant que Virginio eût le temps
des répondre. Un instant après, il reparut, avec
une femme voilée. La poussant, la soutenant, il
l'amena jusqu'au milieu de la salle. La face
invisible, les épaules secouées de sanglots, cette
forme blanche ressemblait à une Iphigénie ar-
rêtée par la faiblesse et la peur sur le chemin du
sacrifice et cachant ses larmes sous-le voile des
victimes. Colonna, d'un bond, fut à côté d'elle;
son geste furieux arracha le voile. Alba, proté-
geant de son bras replié la honte de son visage,
ressembla aux allégories de la Pudeur que les
statuaires grecs nous ont laissées. Mais au Heu
de garder une immobilité harmonieuse, tout
La deuxième phrase est toujours celle-ci
Comment est-il, le patron ? 9
Le patron, de tout temps, c'est le ministre. Le
mot remonte tout au moins à M. Constans. C'est
lui qui mit à la mode ta visite des préfets, non pas
qu'il tînt à les recevoir en fournée, mais à l'occa-
sion de l'exécution des décrets du 29 mars 1880,
il eut des instructions verbales à leur donner et
quelques-uns de ses subordonnés ne lui plurent
guère.
On lui prête ce mot
Je ne nommerai plus un préfet sans l'avoir
vu il y en a qui marquent trop mal
Depuis trente ans, le personnel s'est bien trans-
formé. On ne peut dire vraiment qu'il y a aujour-
d'hui des préfets qui marquent mal on les dis-
tingue à peine des députés. Jadis on allait au mi-
nistère en redingote et en chapeau haut de forme,
mais depuis le ministère Briand, les jaquettes et
les chapeaux ronds dominent; il y a même des ves-
tons et des chapeaux mous, mais on les compte.
Quelques préfets retenus la veille par des inau-
gurations ou des cérémonies diverses arrivent di-
rectement de la gare, ayant fait leur toilette dans
le train. D'autres sont à Paris depuis vingt-quatre
ou quarante-huit heures ce sont ceux de la
grande banlieue. Les derniers promus font les cent
pas dans la cour pendant que les huissiers donnent
aux sièges les derniers coups de plumeau. Cer-
tains chevronnés, au courant des usages, se pré-
sentent seulement vers onze heures, sachant qu'ils
ont le temps. En effet, sauf sous lé règne de M. Cle-
menceau, le ministre le plus matïneux qu'on ait vu
place Beauvau, la réception commence assez tard.
Ceux qui ont lu la Joumée d'un ministre, de J.-J,
Weiss, savent bien pourquoi.
M. Clemenceau réglait admirablement ses: au-
diences, Il entrait ponctuellement au ministère à
huit heures et demie, traversait, les antichambres
d'un pas alerte, le couvre-chef un peu incliné sur
le côté droit, donnait un rapide coup d'œil aux.
personnes qui attendaient déjà, et sans être grand
physionomiste, savait parfois reconnaître un pré-
fet qu'il n'avait pas mandé. Il lui donnait même
une préférence, qui n'avait pas été recherchée et
il l'expédiait lestement, par le premier train, avec
prière instante, faite d'un ton tout particulier, de
téléphoner son arrivée à destination. Son ministè-
re vit la fin des promenades des préfets sur le bou-
levard. Ceux qu'on y rencontrait n'y faisaient pas
long feu.
Disons cependant que c'était une légende. Il y a
eu de tout temps des préfets sur le boulevard ce
sont les familiers des ministres et des directeurs
ou ceux qui peuvent regagner leur résidence au
premier appel du téléphone, en deux heures au
plus. On y voyait aussi ceux qui -annonçaient leur
visite pour faire des révélations sensationnelles
̃sur la politique de leur départememot et dont l'au-
dience était ajournée. Quand leur jour venait, les
événements s'étaient arrangés d'eux-mêmes et ils
repartaient après avoir vu un vague sous-chef de
cabinet, mais non sans avoir fait les achats de
leurs familles dans les grands magasins, assisté
à un spectacle ou fait un tour à la Chambre des
députés. Il en est pourtant qui, peu satisfaits d'un
poste qu'on leur avait attribué, ont attendu à Paris
le mouvement administratif suivant, mais c'est
l'exception, et ils avaient soin d'aller aux informa-
tions tous les jours au personnel.
Que dire de son département à cet homme qui
pense à l'Allemagne, à'i'Angletapre, à l'Espagne, -au
Maroc, aux nouvelles interpellations annoncés, à
la délégation des gauches, aux grèves des postes ou
des cheminots ? L'entretenir des querelles de ce
dépoté avec ce sénateur et de la lutte d'influence
générale entre les représentants du département au
Sénat et à la Chambre, et des menées sourdes des
anciens députés qui rôdent dans tes circonscrip-
tions et des conseillers généraux et des maires qui
organisent des candidatures, et des fédérations,
des comités exécutifs, des congrès, des loges, des
sous-préfets et des conseillers de préfecture qui
désirent obtenir leur avancement, de la classe ef-
feetive de celui-ci, de la classe personnelle de ce-
lui-là, de l'attitude de la presse, des annonces ad-
ministratives que l'on juge réparties sans propor-
tionnalité, oui, que lui dire de tout cela qui l'in-
téresse et fixe son attention, et fasse valoir aussi
le mérite, l'élocution précise, la connaissance des
hommes et de la politique de l'auteur de cet ex-
posé ?
Il faudrait une matinée entière pour le faire
convenablement or, voici le préfet de la Seine-In-
férieure qui vient d'entrer dans le cabinet du mi-
nistre et qui en sort deux minutes après voici le
préfet du Rhône qui est resté avec le patron moins
de cinq minutes. mais l'huissier m'appelle moi-
même et je pénètre à mon tour dans le cabinet que
je connais depuis vingt ans, où j'ai été reçu bien
des fois, dont l'ameublement ne change pas avec le
titulaire du poste et que je ne regarde même
plus, n'ayant d'attention, une fois le paravent à
demeure dépassé, que pour le patron.
C'est dans ce fauteuil que j'ai vu successivement
tous les présidents du conseil, ou les ministres de
l'intérieur, les uns solennels et secs, d'autres à
son corps délicat, parcouru de tremblements,
frémissait comme une lyre. Cette posture de
détresse et d'humiliation irrita Virginio davan-
tage elle était déjà un aveu.
Misérable]
Alba courba la tête sous l'injure; elle parut
attendre qu'il la frappât. En effet la main de
Colonna s'était levée, mais sans achever le
geste, le bras retomba le long du buste, comme
s'il avait été brisé tout à coup., Colonna se 'tai-
sait qu'avait-il besoin d'interroger sa fille
après ce silence où elle s'accusait de tout? Mais
César ne l'entendait point ainsi; il voulait mie
satisfaction entière, car il n'était jamais las de
triompher.
Alba, dit-il, votre illustre père est ici pour
recevoir vos déclarations au sujet de la con-
duite que vous avez tenue. Dites-lui si vous vous
êtes enfuie volontairement de sa maison pour
ne point épouser Prospero Savelli, à qui vous
étiez fiancée.
Elle ne put répondre, mais sa tête s'inclina
sur sa poitrine.
Est-ce également de voire plein gré que
vous continuez à demeurer sous notre sauve-
garde et dans notre palais particulier?
Elle répéta le même signe.
Alba Colonna, poursuivit César impiiova-
ble, nous vous offrons, si vous avez cette pro-
position pour agréable, de vous faire recon-
duire, avec une escorte digne de votre rang, au
oflâteau dur seigneur Virginio Colônna votre
père, à moins qu'il ne vous plaise mieux de le
suivre et de partir immédiatement avec lui, qui
est venu vous réclamer. Vous seule déciderez si
vous devez nous laisser ou rester sous notre
protection. Faites un pas, un mouvement vers
le seigneur Colonna, et nous saurons compren-
dre votre volonté. ̃
Elle demeura immobile. Quelques paroles, à
peine murmurées, sortirent de ses lèvres
Don César, gardez-moi
Le duc demeurait impassible Alexandre se
retranchait dans sa gravité d'idole sacrée et
lointaine. On n'entendit pendant plusieurs se-
condes que le souffle palpitant de la victime, de
la proie 'misérable disputée par deux instincts,
deux tyrannies, deux cruautés. Pour avoir ohoi-
si de céder à la plus redoutable, edle n'en était
pas moins déchirée par l'autre. Aux murailles
de l'appartement, les saintes du Pmtaricchio
souriaient avec une douceur profane.
Le visage de Colonna prenait une rigidité im-
mobile, il ne décédait plus ni colère ni souf-
france le durcissement soudain du masque-
aiiiK>iiçait-que-le-«œur~aassi--s^BBt-^>éifié.
l'aise et vous mettant à l'aise, ,d'autres encore im-
posants par le caractère plus que par l'attitude, ra-
rement affables et ayant -bientôt pris l'air de la
maison qui consisté à traiter les préfets et sous-
préfets sans beaucoup d'égards et parmi eux il'
y a eu M. Bourgeois, M. Deschànel, M. de Selves, et
un certain nombre d'ambassadeurs ou ministres de
France, sans parler de quelques hommes de valeur
reconnue.
Le premier devoir d'un ministre de l'intérieur
parait être de se montrer défiant envers des incon-
nus, et hors les préfets de la région de Paris, pres-
que tous sont inconnus au ministre ou à peine
connus de vue. Celui qui gardait le mieux la mé-
moire des visages est M. Barthou un nom lui
était un repère 'définitif. Et il écoutait, les yeux
vifs derrière son lorgnon. M. Méline était président
du conseil. Avec M. Rouvier et M. Sarrien, ce sont
les trois présidents qui n'ont pas été, depuis un
quart do siècle, ministres de l'intérieur, et l'expé-
rience n'a pas été tellement favorable à cette com-
binaison qu'on y soit revenu.
La tradition voulait que dans ce cas, la liste des
préfets venus à l'audience de la place BeatEvau fût
communiquée à la présidence du conseil; ceux qui
l'apprenaient y couraient aussitôt, et M. Sarrien
leur en savait gré visiblement, en notant leurs pro-
pos. Il doit en avoir un carnet volumineux.
La conversation avec le patron commence, pru-
dente, diplomatique, de part et d'autre, car les
personnages dont il est question sont les sénateurs,
les députés, le président du conseil général, le
maire du chef-lieu, le préfet lui-
se grave dans l'esprit, les juger et indiquer le
d«gré de leur influence au baromètre de la poli-
tique départementale.
M. Brisson écoutait gravement, en hochant la
tête, le rapport des préfets il avait la phrase ap-
propriée, connaissant, mieux qu'on ne la dit, les
réalités, les difficultés sentant, comme il disait,
le parti malade, il recommandait la prudence et
l'union. Sa parole était lente et loyale. On le quit-
tait avec confiance et avec une pensée de réel dé-
vouement.
M. Charles Dupuy, bienveillant avec les uns,
rude avec les autres, n'était pas fort commode on
se souvient qu'il a cassé un préfet à la suite d'une
conversation téléphonique. Je ne l'ai pas entendue
et n'en puis rien dire, mais il était généralement
attentif, et il est le seul dont on sache effective-
ment qu'il lisait certains rapports, la plume à la
main.
M. Waldeck-Rouaseau, la cigarette au bout d'un
•long ituyau de bambou, écoutait merveille, de l'air
d'un homme à qui l'on n'apprend pas grand'«hose,
et il avait des mots peu de mots qui prou-
vaient son attention. Pour le menu des affaires, il
disait
Voyez Demagny.
Et il vous congédiait de son grand an' britanni-
que, avec une poignée de main peu appuyée, mais
très condescendante. On voyait qu'il ne s'était pas
enquis minutieusement sur le compte de chaque
préfet, mais sur quelques-uns seulement, cités
comme remarquables, ou comme douteux, ou com-
me suspects. On réussissait rarement à avoir
une audience que n'avaient pas jngée utile ses col-
laborateurs. On ne le lui reprochait pas. Les cir-
constances connues expliquaient cette réserve. Mais
un ministre ne gagne rien à s'isoler des préfets.
M. Combes prêtait une attention soutenue à ses
interlocuteurs et de plus il savait entendre la
vérité, quand on la lui disait. On .sait combien
d'adresses lui étaient votées pour l'encourager dans
sa politique. Il lui en était tant venu de cer-
tains départements qu'on prétendait inspirées par
les préfets, qu'il interrogea l'un d'eux. Et avec
franchise, celui-ci ne lui dissimuda aucunement
que les auteurs âo ces adresses étaient des chefs
de groupes radicaux et socialistes dans des com-
munes a municipalités réactionnaires, qui recher-
chaient par là quelques reflets d'influence que
pouvait leur apporter la réponse ministérielle.
Ce sont donc des minorités agissantes, conclut
le président du conseil. Je vous remercie de me le
dire. Vous ne leur communiquerez ma réponse que
si vous le jugez utile.
Et il n'eut aucune amertume de ce langage, au
contraire, car il décora ce préfet, avant son tour
de bête. Il faut entendre par ces mots l'ordre d'an-
cienneté.
M. Etienne était très accessible et bon enfant
avec ceux qu'il connaissait; c'est bien lui qui a
la plus nombreuse clientèle. Il ne se trouvait pas
bien à l'intérieur où, disait-il, il s'empoisonnait.
Il avait jugé bon de se donner quelques spectacles
amusants, tels que celui d'inviter à déjeuner des
députés avec les préfets dont ils prétendaient avoir
à se plaindre; il jugeait assez impartialement les
uns et les autres, disant des procédés de Fun « Ce
sont les mœurs du 'bonapartisme », et conseil-
lant tout de même à l'autre d'éviter- les plaintes.
Eviter les plaintes! C'était conseiller au para-
tonnerre d'éviter l'électricité.
Mais enfin il écoutait, il discutait, il avait re-
cours aux ordres, aux injonctions, à, la persua-
sion, aux prières; il tenait à ses idées pt il espé-
rait toujours faire coup double satisfaire le plai-
-Reste donc avec lui, prononça enfin le vieil-
lard. Je te laisse à cette destinée qu'elle suffise
à ta punition. Je ne confierai point ma ven-
.geance à Dieu. S'en soucierait-il, lui qui souf-
fre un Alexandre sur ce trône et un César à
côté cje. lui?
Le duc allait bondir, mais le pontife l'arrêta
du geste.
Laissez, mon fils, nous ne voulons point
entendre ces vains outrages. Puisse le Seigneur,
qu'il blasphème, les remettre à ce malheureux
égaré. Vi-nginio Colonna, l'audience que nous
vous avions accordée vient de prendre fin.
Colonna s'était redressé il se retirait lente-
ment, tel qu'une statue qui marche. Que pou-
vait-il contre les Borgia, en plein palais apos-
tolique, seul, dans le fort de la bête malfai-
sante?- Toutes les issues étaient gardées; il y
avait des soldats dans tous les corridors, au
bas de ohaque escalier. Un geste de provocation
aurait suffi pour que cette canaille toujours aux
aguets derrière les portes fît irruption des bra-
vi le massacreraient, lui le grand baron ro-
main. Il s'en alla donc sans un mot, la tête hau-
te. Au moment où il aillait passer le seuil, une
voix l'appela
Père!
Alba tendait les bras vers lui. Virginio s'était
retourné; il ne répondit que par un regard, tel
que la malheureuse se cacha la figure dans ses
mains. Puis il sortit. L'officier qui se tenait à la
porte le salua de l'épée. Alba rouvrit les yeux et
vit César à côté d'elle. Désormais, c'était bien
fini. Son passé, sa vie de jeune fille, son an-
cienne innocence et son bonheur d'autrefois
venaient de la quitter pour toujours, quand son
père, le premier maître de son existence, avait
franchi le seuil. Maintenant, il n'y avait plus
au monde pour elle qu'un homme et qu'une des-
tinée.
César souriait. Il Juiprit la main.
Vous voyez, dit-il, que nous avons fait
entendre raison à ce terrible seigneur. Vous êtes
désormais à l'abri de ses remontrances et de
ses persécutions.
Hélas! répondit-elle, j'ai peur. M'aime-
rez-vous bien, don César?
Comme ma vie.
Et il baisa ses yeux qui avaient pleuré. Las
saintes madones du Pinturicchio gardaient
leur sourire; elles savaient ce que valent et ce
que durent les amours du siècle.
(A SUitJre). Maxime FohmoxNt.
(A swore).
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