Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-08-21
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 137484 Nombre total de vues : 137484
Description : 21 août 1911 21 août 1911
Description : 1911/08/21 (Numéro 18312). 1911/08/21 (Numéro 18312).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : France-Japon Collection numérique : France-Japon
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2405845
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
On s'abonne aux Bureaux au «Tournai, 5, RUE DES ITALIENS, A PARIS (9e), et dans tous les Bureaux de Poste
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N* 183i2
LUNDL21 AOUT 1911
PRIX DE L'ABONNEMENT
ÏABIS,.SnHEet seihe-et-oise.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr.; na an. 56 fr.
BEPABT" et^lSACE-IORSAINE.. 17 tr.| 34 fc; 68 Ir.
BHION POSTALE lSfr.; SSfr.; TSTr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 10 DE CUAQUE MOIS
Ua numéro (départements) -s SSO centimes
ANNONCES MM. Lagrange, Cerf et C'°, 8, place de laBourse
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant àleurtenew
TÉI.ÉlPBOjrE, S LIGUES
W« 103.07 103.08 103,09 103.32 103.33
PRIX DE L'ABONNEMENT
MHS,. SEINE et SEUre-ET-OKE.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr. Un an, 53 ffc
BtPâHT" et ALSADE-lOBBAME.. 17 fr.; 34 fr.; SBI&
B2U0N POSTALE 18 fr.; SSfr.; 72*
1ES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQOE MOIS
Un numéro (à IPai-is) 1S» centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Testes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
Adresse TÉLÉGRAPHIQUB temps par 19
SOMMAIRE
Lire en S' pa.g'©
AFFAIRES DU Maroc. LA FIN DE la GRÈVE AN-
glaise. UN VOYAGE SUR le RÉSEAU EN GRÈVE.
-L'ACCORD RUSSO-ALLEMAND.
Fagre Ô
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER. LA VIE LITTÉRAIRE
LA BICHE RELANCÉE, Pierre Mille. LA QUESTION
DE TAHITI, Georges Fronient-Guieysse.
Fag-e *3=
La FEMME DE demaln, Joseph Bois. LES JARDINS
DE L'HISTOIRE UN PARTI princier, Louis Bat-
tifol.
pad'e 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
L'AVIATION SPORTIVE EN 1911. MARCHÉS FINAN-
ciers ÉTRANGERS.
Page S
LA SEMAINE FINANCIÈRE. EXAMENS ET CONCOURS.
i
Paris, 20 août
BULLETIN V DE L'ÉTRANGER
LA SIGNATURE DE L'ACCORD RUSSO-ALLEMAND
L'accord russo-allemand relatif aux affaires
de Perse et de Turquie a été signé hier. On en
trouvera plus loin le texte.
C'est une vieille histoire que celle de cet ac-
cord. La conversation dont il est le terme a
commencé entre M. Isvolski, alors ministre des
affaires étrangères de Russie, et le baron de
Schœn, alors ambassadeur d'Allemagne à
Saint-Pétersbourg, au moment de l'accord an-
glo-russe de 1007. Très prudemment M. Isvolski
avait tenu à ce que cet accord ne portât point
sur des régions où l'Allemagne pût se plaindre
qu'on eût, sans son aveu, disposé de ses inté-
rêts. C'est ainsi notamment que, par égard pour
l'Allemagne, la question du golfe Persique avait
été laissée de côté., Néanmoins, M. de Schœn
ayant exprimé l'avis qu'un échange de vues
russo-allemand ne pourrait qu'être utile, M. Is-
volski ne fit aucune difficulté d'en convenir et
'de se déclarer en principe prêt à y procéder.
Cet échange de vues s'est poursuivi de 1907 à
1910 par notes et contre-notes. La crise orientale
de 1908-1909 l'a naturellement ralenti. Toute-
fois jamais, ni à Berlin ni à Saint-Pétersbourg,
en ne l'a considéré comme interrompu.
Au début de janvier 1911, VEvcning Times
publia le texte de l'accord en annonçant sa si-
gnature imminente. Huit mois ont passé depuis
lors, et c'est hier seulement que M. Neratof et le
comte de Pourtalès ont apposé leurs sceaux
sur le texte définitif. Ce texte ne diffère pas
sensiblement de celui qui fut publié en janvier
et l'on peut se demander pourquoi la conclusion
en a été si longtemps' retardée. Nous croyons
savoir que 'la causedeeeretard doit être cherchée
non seulement dans la maladie de M. Sasonof,
mais aussi dans certaines modifications de-
mandées par l'Allemagne et dont la plupart
ont été acceptées par la Russie. Les signatures
ont été échangées quand ces détails se sont
trouvés réglés. Il est superflu d'ajouter que M.
de Kidcrlen a dû souhaiter, dans les circons-
tances actuelles, ne pas ajourner ce fègletncnt
qui met à abii.aàtif un résultat positif, -1-- le
premier depuis qu'il est ministre des affaires
étrangères. La Russie, par contre, n'avait point
de raisons de se dérober à la conclusion d'un
arrangement connu dans tous ses détails non
seulement du gouvernement français, mais en-
core du public européen.
Ce que nous écrivions au mois de janvier de
cet accord reste vrai car il est à peu près
identique à ce qu'avait annoncé l'Evening Ti-
mes. La Russie a poursuivi et obtenu la recon-
naissance par l'Allemagne de ses intérêts spé-
ciaux dans la Perse septentrionale. Cette recon-
naissance figurait déjà dans l'accord russo-an-
glais de 1907. L'Allemagne se l'approprie et
déclare qu'elle n'a pas l'intention de recher-
cher pour elle-même dans cette région ni de
soutenir pour qui que ce soit des concessions
de voies ferrées, de navigation ou de télégra-
phes au nord d'une ligne Kasri, 'Chirin, Ispa-
han, Jezd, Khakh, Ghasik ('frontière afghane).
Cette ligne est précisément celle que fixait l'ar-
ticle premier de l'accord du 31 août 1907. Il
convient de remarquer que d'après les infor-
mations publiées en janvier l'Allemagne s'en-
gageait en outre à ne pas construire en Tur-
quie de lignes de chemins de fer dans la zone
située entre la Bagdadbahn et les frontières
russes et persanes au nord de Kanikine. Cet
engagement, contre lequel la presse turque avait
protesté avec véhémence, ne figure pas dans
le texte signé hier. C'est là sans doute l'effet
FEUILLETOM Sî>U <&CÎUpS
DU 21 kOUT 1911
GflîtOlÛQBE TflÉIITftflltE
LA SAISON THEATRALE A VIENNE
(1010-1911)
Les théâtres à Vienne. Pénurie de la production
locale les œuvres étrangères et françaises en
particulier. Les principales pièces de l'année
der Garde-Offizier de M. Molnar; Glaube und Hei-
tnat de M. Karl Schœnherr der Junge Medardus
de M. Arthur Schnitzler der Unsterbliche Lump
de MM. Félix Dœrrmann et Eysler. Deux artis-
tes viennois M. Alexandre Girardi et M. Hansi
Niese. Les opérettes nouvelles.
Vienne possède neuf théâtres de drame et de
comédie, six dont le répertoire se compose
d'opéras, d'opéras comiques ou d'opérettes et
trois grands music-halls, qui, pour obvier à la
monotonie de leurs spectacles ordinaires, em-
piètent fréquemment sur le domainé des théâ-
tres proprement dits. La capitale autrichienne
ne connaît pas ce passage d'étrangers parti-
culier à d'autres grandes villes qui, fournissant
aux théâtres un public sans cesse renouvelé,
permet aux directeurs de faire jouer une même
pièce cent ou deux cents fois de suite. Le
spectacle change donc ici tous les jours ou
presque tous les jours, et il en résulte, né-
cessairement, une consommation annuelle de
pièces nouvelles véritablement fantastique. Si
nous prenons par exemple le Deutsches-Volks-
theater, nous constatons que l'on y a joué, du-
rant la saison 1910-1911, quatorze premières,
remis en scène une dizaine d'oeuvres impor-
tantes anciennes «t donné néanmoins les nom-
breuses pièces du répertoire courant. Il en est
à peu près de même dans tous les autres théâ-
tres viennois. Si les auteurs dramatiques n'écri-
vaient que des chefs-d'œuvre, il serait extrê-
mement difficile de résumer, dans une chro-
nique comme celle-ci, la campagne théâtrale
d'une entente turco-allemande que la Russie a
dû accepter. Il se peut aussi que l'Allemagne
ait maintenu ses promesses dans un protocole
.additionnel et secret.
La Russie s'engage vis-à-vis de l'Allemagne
d'abord à respecter l'égalité commerciale en
Perse, ensuite à relier à la Bagdadbahn le ré-
seau futur des chemins de fer persans. La
Russie, qui compte demander au gouvernement
persan la concession de ce réseau, construira
une ligne de Téhéran à Kanikine, où la jonc-
tion se fera, par l'embranchement de Sadijeh,
avec la Bagdadbahn. Les travaux de construc-
tion de la ligne russe de raccordement Téhéran-
Kanikine devront commencer au plus tard
deux ans après l'achèvement du tronçon Sadi-
jeh-Kanikine et être terminés en quatre ans.
Si au bout du délai de deux ans la construc-
tion de la ligne Téhéran-Kanikine n'était pas
commencée, le gouvernement russe informera
le gouvernement allemand qu'il renonce à la
concession pour cette ligne et le gouvernement
allemand pourra la solliciter. Enfin et surtout
le gouvernement russe s'engage à « ne prendre
aucune mesure qui pourait entraver la cons-
truction de la Bagdadbahn ou empêcher la par-
ticipation des capitaux étrangers à cette entre-
prise ».
Tel est cet accord. Diverses circonstances sont
de nature à diminuer l'intérêt qu'il eût pré-
senté il y a dix mois. D'abord l'adhésion de la
Russie à la construction de la Bagdadbahn
adhésion, qui, nous l'avons dit en janvier, in-
flige un démenti aux projets d' « accord à
quatre » affirmés si souvent comme un axiome
en France et en Angleterre est pour l'Alle-
magne d'un moindre prix à la suite des con-
ventions qu'elle a signées avec la Turquie au
début de 1911. Ces conventions en effet ont
donné partie gagnée à la Bagdadbahn et con-
sacré la défaite définitive des éléments fran-'
çais et anglais dans la question des voies
transasiatiques. L'Allemagne n'a pratique-
ment plus rien à craindre hormis la vente
des titres de la Bagdadbahn que détient le syn-
dicat franco-anglais, et que, sans succès, la
Deutsche Bank a tenté récemment de repren-
dre. Le consentement de la Russie, si précieux
qu'il soit, n'a donc 'pas pour elle la même va-
leur que s'il eût été enregistré un an plus tôt
dans un traité pareil à celui qui vient d'être
signé.
De même la reconnaissance par l'Allemagne
des intérêts particuliers de la Russie dans le
nord de la Perse n'a pas, dans les circonstances
actuelles, une grande signification. L'Allema-
gne en effet a pris soin de marquer récemment
la médiocre importance qu'elle attache à de tels
engagements. Si les mots avaient un sens, la
reconnaissance qu'elle consent des intérêts par-
ticuliers russes dans la Perse du nord impli-
querait de sa part une tolérance amicale pour le
cas où la Russie aurait à exercer dans cette ré-
gion une action politique momentanée justifiée
par la particularité de ses intérêts. Mais préci-
sément la démonstration navale d'Agadir a dé-
montré que les promesses allemandes de dé-
sintéressement sont inopérantes quand vient
l'heure de les tenir. L'Allemagne avait promis
à la France, en février 1909, à propos du Maroc,
et avec plus de précision encore, ce qu'elle
promet aujourd'hui à la Russie à propos de la
Perse. Cela ne l'a pas empêchée de manquer à
son engagement quand elle' a cru pouvoir, en
le déchirant, se; procurer de petits profits au
Congo ou ailleurs. Dans les milieux russes les
mieux informés: cette remarque a été déjà faite.
Dans ces conditions, il n'y a rien de plus à
dire du traité signé hier. Il était attendu, prévu,
connu dans ses grandes lignes. Les circons-
tances qui ont précédé sa conclusion dimi-
nuent sa portée. Il n'affecte pas est-il besoin
d'y insister? les relations générales des puis-
sances, et le seul vœu de la France est qu'il
apporte aux intérêts de la Russie d'appréciables
commodités.
DÉPÊCHES TÉLÉOBÂFHfQOES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ëfcmj)$
Vienne 20 août.
On annonce d'Ischl que le couple royal de Bulga-
rie ferait une visite à Vienne à l'empereur Fran-
çois-Joseph dans le courant du mois de septembre.
Budapest, 20 août.
Le journal hongrois Nap, l'organe le plus radical
et le plus violent du parti Justh, a été saisi pour
avoir publié doux articles offensant la personne de
l'empereur-roi François-Joseph. En même temps la
vente de cette feuille a été interdite sur la voie pu-
blique. Plusieurs journaux, et môme des organes
d'opposition modérés disent à ce propos que des
publications comme celle qui vient d être saisie
compromettent la liberté de la presse et nuisent à
leur parti.
d'une année. Mais1 pour un,e œuvre qui s'impo-
se, que de pièces médiocres, insignifiantes ou
banales
Cette fois-ci encore la. production nationale
s'est trouvée des plus restreintes, abstraction
faite de l'envahissante opérette. Elle disparaît
presque parmi les œuvres d'importation étran-
gère allemandes, anglaises, danoises, russes
et surtout françaises. C'est ainsi que le pu-
blic viennois a pu voir au Lustspieltheater
la Puissance des femmes, de M. A.-J. Sumba-
tow, et la Vérité (the Truth), de M. Clyde Fitch;
au théâtre de la Josefstadt la Reine Christine,
de M. Auguste Strindberg, Pénélope, de M.
William Somerset Mangham, et la Petite de-
moiselle (the Little damosel), de M. Monek-
ton Hoffe au Deutsches-Volkstheater, Mé-
salliance, de M.. Bernard Shaw. En ce
qui concerne les oeuvres françaises, elles
sont ici, pour ainsi dire, chez elles dans
les deux théâtres que nous venons de
citer le Deutsches-Volsktheater qui cul-
tive avec succès notre comédie, et le théâtre de
la Josefstadt, qui est une manière de succur-
sale du Palais-Royal.
Le Déutsches-Volkstheater a joué cette année:
la Petite chocolatière, de M. Paul Gavault, la
Vierge f olle, de M. Henry Bataille, le Bois
sacré, de MM. Robert de Felrs et G. A. de
Caillavet, le Danseur inconnu, de M. Tristan
Bernard, Un ange, de M. Alfred Capus, Le
théâtre de la Josefstadt nous a donné: Théodore
et Cie, de MM. Nancey et Armont, Feu la mère,
de Madame et l'Hôtel du Libre-Echange, de M.
G. Feydeau, le Rubicon, de M. Edouard Bourdet.
Si rénumératiôn n'est pas plus longue, c'est
que. le -succès a maintenu ces pièces au ré-
pertoire plus longtemps qu'il n'est d'usage à
Vienne.
Le Deutsches-Volskstheater, que dirige si heu-
reusement' M. Adolphe Weisse, est, après le
Burgtheater, la première scène de Vienne.
C'est un peu notre Odéon, mais un Odéon si-
tué en plein centre de la ville et très fréquenté
par le public élégant. La tenue de ce théâtre
est très artistique il possède une troupe d'éli-
te, dans laquelle des actrices comme Mlles
Paula Müller, Hedwige Reinau, Lili Marberg
qui vient de passer au Burgtheater, et Mme
Elsa interprètent excellemment les héroïnes de
nos pièces françaises. Au théâtre de la Josef-
stadt, M. Maran, comique fort original, incarne
depuis de longues années tous les premiers rô-
les de nos vaudevilles en les transposant tou-
jours un peu dans son ton personnel. Le di-
recteur, M. Joseph Jarno, qui est un régisseur
de tout premier ordre, a su donner à son per-
sonnel un jeu rapide et léger, un dialogue vif
[Service Bavas)
Calais, 20 août.
Les incidents de la grève des dockers ont été dén»*'
turés ou considérablement grossis.
C'est ainsi qu'à aucun moment les gendarmes n'ont
dégainé; les bagarres n'ont pas eu le caractère de gra-
vité qu'on a dit. Il n'y a pas eu de coups de couteau
de donnés, mais seulement un échange de coups de
pierres et de coups de bâton. L'état des blessés n'ins-
pire aucune inquiétude.
Trois grévistes ^seulement ont été arrêtés pour vio-
lences. et rébellion.
Depuis, tout est redevenu calme.
Dans une réunion tenue hier soir, les dockers ont
décidé de continuer la grève à outrance.
«gc
DERNIÈRE HEURE
L'Espagne et le Maroc
Madrid, 20 août.
On dit ici que le colonel Silvestre ira prochaine-
ment à Arzila pour entretenir Raissouli de diverses
questions relatives à la situation d'El-Kçar.
Une note officieuse russe
Saint-Pétersbourg, 20 août.
Commentant l'entente russo-allemande, la.Rossiya,
organe gouvernemental, déclare catégoriquement
que cotte entente n'influence pas le groupement ac-
tuel dos puissances, et que les intérêts de la Triplice
comme ceux de la Triple-Entente n'en souffriront
pas.
L'alliance franco-russe et l'amitié franco-anglaise
resteront toujours la base de la politique de la
Russie.
Au Portugal
Lisbonne, 20 août.
L'Assemblée proclamera la Constitution demain
lundi.
LVyleetiori du président de la République aura-licm
jeudi et l'élection du Sénat vendredi.
Les négociations entre les groupes de députés
pour le choix du président continuent.
Les chemins de fer allemands
contre la propagande socialiste
(Dépêche de notre correspondant particulier)
Berlin, 20 août.
La direction des chemins de fer d'Essen, dans le
but de combattre les eftorts que font les socialistes
pour gagner il leur cause le personnel des chemins
de fer, a fait à ses employés et ouvriers une com-
munication écrite, les -avertissant que l'introduc-
tion de journaux socialistes et les manifestations en
faveur des idées socialistes dans les endroits où ils
sont en service seront punies du renvoi de l'admi-
nistration.
Ce document sera soumis à la signature de tous
les employés, ouvriers et manoeuvres.
Réunion de cheminots du P.-L.-M.
Les employés de chemins de fer du P.-L.-M.,
réunis ce matin, ont protesté contre « le vote émis
par une partie des membres du congrès de trans-
former le syndicat national en fédération, à un
moment où la plupart des groupes se trouvent dé-
moralisés par l'absence de militants » et deman-
dent la convocation d'un congrès extraordinaire
« qui aurait lieu à Paris, au mois d'octobre, à.
l'époque de la rentrée des Chambres, pour réagir
contre cette décision ».
«»̃
LE SABOTAGE
M. Raouj Briquet, député socialiste unifié1 du
Pas-de-Calais, public dans une édition régio-
nale de l'Humanité un article qui aura sans
doute été jugé trop hardi et trop compromettant
pour l'édition de. Paris. Ce collaborateur dépar-
temental de l'organe officiel du parti socialiste
unifié (section française de l'internationale ou-
vrière) ne s'avise-t-il pas de partir en guerre
contre le sabotage? S'il est une guerre qui n'ait
point la faveur de l'Humanité, c'est bien celle-
là. M. Raoul Briquet veut donc brouiller M.
Jaurès avec la Bataille syndicaliste et la G. G. T.?
Quelle imprudence! Heureusement le député
de Carmaux, nouveau conquistador, vogue vers
les galions de l'Amérique du sud, prépare sa
tournée de conférences en contemplantd'autres
constellations, et ne peut lire tous les matins
son journal un si dangereux article aurait
troublé ses nuits. M. Raoul Briquet s'est-il bien
rendu compte lui-même de son excès d'audace?
Il écrit sans barguigner, comme si cela allait
de soi, des choses à frémir. « L'honneur comme
l'intérêt du parti, déclare-t-il, nous commandent
de réprouver énergiquement le sabotage et la
propagande anarchiste, de nous désolidariser
nettement des saboteurs et des anarchistes.
Depuis des mois, certains journaux, se disant
syndicalistes ou révolutionnaires, étalent com-
plaisamment dans leurs colonnes les hauts faits
de Mlle Cisaille fils coupés, rails brisés, ri-
deaux arraches, coussins éventrés, etc. Belle
qui permet de passer sur la faiblesse de cer-
taines traductions.
La traduction est en effet le grand écueil au-
quel se heurte notre théâtre à l'étranger. Le
tour d'esprit français supporte mal la forme
allemande; du moins ceux qui font métier de
traducteurs et nous soulignons le mot mé-
tier n'arrivent que bien rarement à rendre
l'original. Ce qui chez nous est mousse légère
devient plaisanterie lourde, parfois grossière.
Il faut dire en allemand ce qui s'indique d'un
geste en français. A cela viennent s'ajouter
souvent des coupures malencontreuses, que le
changement de milieu ne justifie pas toujours
et qui dénaturent l'ensemble d'un acte. Ce sont
là trop souvent les motifs d'insuccès que l'on
ne saurait s'expliquer autrement. Il serait aisé
d'en citer de nombreux exemples.
Mais arrivons au théâtre viennois. La saison
1910-1911 n'a apporté, disions-nous, que peu
de pièces autrichiennes nouvelles. Les sujets de
l'empereur François-Joseph ne sauraient être
accusés d'une fécondité dramatique exagérée.
M. Langmann nous laisse depuis de trop lon-
gues années sur le souvenir de son excellent
Bartel Turaser, M. Auernheimer n'aborde que
rarement les émotions de la scène, et cette fois-
ci, ni M. Hugo de Hoffmannsthal, ni M. Her-;
mann Bahr ne nous ont donné l'occasion de
les applaudir.
Si l'on met à part l'Officier de la garde, de
M. Molnar, qui est de nationalité hongroise, il
n'y a guère à signaler qu'une demi-douzaine
de pièces d'auteurs autrichiens. Un drame his-
torique de M. Arthur Schnitzler au Burgtheater,
le Jeune Medardus; une tragédie de M>, Karl
Schœnherr1, Foi et Patrie, et une pière roman-
tique de M.Hans Mûller, le Miracle de Beatus, au
Deutsches-Volkstheater; la Houppe à poudre1'
(die Puderquaste), de MM. Louis Hirschfeld et
Siegfried Geyer au théâtre de la Josefstadt; en-
fin au Burgertheater, avec Lutin d'automne
(Herbstkobold), de M. Wolfgang Madjera, l'Im-
mortel vaurien (der Unsteroliche Lump), de
MM. Dœrmann et Eysler, c'est tout le bilan de
la saison.
Un mari jaloux qui cherche à se convaincre
de la fidélité de sa femme sans y pouvoir,
comme de juste, parvenir complètement ce
n'est pas un sujet absolument nouveau, mais
M. Molnar l'a traité d'une manière agréable.
Il a. vêtu- son héros d'un uniforme étincelant
d'or, il a imaginé un clou de mise en scène
l'un des actes se passe dans une loge d'Opé-
ra, pendant une représentation c'est plus
qu'il n'en fallait pour assurer à l'Officier de
la garde une triomphale carrière.
M. Hans Miïller, l'auteur du Miracle de Bea-
façon de rendre la cause des cheminots sym-
pathique au public et de faciliter les efforts du
parti socialiste pour faire réintégrer les révo-
çaés! Et cependant ce bon parti socialiste ne
devrait avoir aucune parole de protestation con-
tre les « bons bougres » qui contrecarrent ses
efforts! »
Non seulement ce bon parti socialiste doit en
effet se garder de protester contre les sabo-
teurs, mais il doit les soutenir, les couvrir, les
patronner et les encourager de son mieux. D'où
arrive donc M. Raoul Briquet? Lamartine vou-
lait siéger au plafond le député du Pas-de-
Calais siégerait-il par hasard' dans la lune? Il
semble bien peu au courant des travaux et des
tumultes habituels de son parti. En prenant la
plume pour rédiger cet article, aurait-il été
frappé d'amnésie soudaine? Bornons-nous à lui
rappeler quelques faits récents. Le 3 juillet der-
nier, à la Chambre, M. de Boury questionnait
le ministre des travaux publics sur l'acte de
sabotage qui avait failli déchaîner, à Pont-de-
l'Arche, une effroyable catastrophe. M. Auga-
gneur, dans sa réponse, s'empressa de « flétrir »
de si « lâches attentats ». Il ne pouvait moins,
faire.Mais quelle fut l'attitude du groupe auquel
appartient M. Raoul Briquet? Plusieurs unifiés,
appuyés par leurs amis, ne cessèrent d'inter-
rompre violemment le ministre. Ce mot de
« lâches attentats » ne fut pas accepté par les
socialistes. L'Officiel signale que M. Augagneur
dut le répéter, étant interrompu par le bruit
et les exclamations de l'extrême gauche, tandis
que la gauche, le centre et la droite applaudis-
saient la parole ministérielle. Ainsi tous les
députés, sans distinction d'opinion, s'associaient
à l'indignation du gouvernement et du public
contre cette tentative criminelle seuls les uni-
fiés refusaient de la condamner. La semaine
suivante, à la séance du 10 juillet, M. Caillaux
supposait à une demande d'amnistie de M.
Si^te-Quenin, en faisant observer qu'elle s'ap-
pliquerait « à ceux qui dans des manuels ont
indiqué les meilleures méthodes de sabotage
des voies ferrées. » Par 435 voix contre 89, la
Chambre, conformément aux indications de M.
le président du conseil, repoussait cette propo-
sition d'amnistie. Mais tous les unifiés, y com-
pris M. Raoul Briquet, avaient voté pour, éten-
dant ainsi une fois de plus leur protection sur
les saboteurs et les professeurs de sabotage. Et
les syndiqués sont logés à la même enseigne
que des parlementaires le congrès des chemi-
nots n'a pu réunir contre le sabotage une véri-
table majorité. Les abstentions ont été plus
nombreuses que .les voix antisabotistes, si l'on
peut s'exprimer ainsi.
Il est clair que M. Raoul Briquet a de bonnes
intentions et qu'il faut lui en savoir gré. Mais
il aura de la peine à convaincre ses collègues
et coreligionnaires politiques, qui jusqu'à pré-
sent ont tremblé devant les « bons bougres » du
sabotage, et se sont constamment solidarisés
avec eux: Peut-être l'irritation du public, dont
la sécurité est menacée par ces pratiques abo-
minables, donnera-t-elle pourtant à réfléchir
aux unifiés, qui songent, comme les camarades,
à leur réélection. Les vacances et le contact avec
la masse électorale pourraient exercer,à ce point
de vue, une influence salutaire. En tout cas, si
les unifiés revenaient sur ce sujet à la raison,
ils reviendraient de loin.
«^
;PÀS DE R. M. AU RABAIS
Au directeur du Temps
Quoique depuis plus de vingt ans, en sou-
venir sans doute d'une collaboration qui m'est
demeurée chère, vous ayez bien voulu me tenir
toujours votre porte grand ouverte, ou plu-
tôt, pour cette raison même, je me reproche-
rais d'abuser de vôtre hospitalité. Je ne viens
donc point ici répondre au dernier discours de
M- Combes en quelle qualité le ferais-je?
Je ne viens pas non plus le commenter le
Temps l'a fait supérieurement.
Ce discours ne peut m'intéresser qu'en tant
qu'il intéresse la représentation proportionnelle,
ou de son nouveau nom qui n'est qu'un vieux
nom: la représentation des minorités. Et quand
je dis « en tant qu'il l'intéresse », c'est-à-
dire « en tant qu'il peut contribuer à en ré-
gler le sort ». Car des hommes, des actes et des
mobiles, que M. Combes pense ce qu'il veut il
serait facile, et peut-être amusant, de jouer avec
lui au jeu des petits portraits; mais cela serait
si parfaitement vain! De même, qu'il inter-
roge, après les avoir arrangés, des chiffres que
chacun est libre d'accommoder à sa guise, et
qui, disposés d'une autre façon, prouveraient
tout aussi bien le contraire, c'est propre-
ment porter la politique chez la somnambule
et lire l'avenir dans le marc de café.
tics, est un tout jeune homme de beaucoup de
talent, qui a été joué déjà, non sans succès, au
Burgtheater. Les destinées de la fille para-
lytique de Ferdinand de Castille, Maria-Dulce,
que son amant guérit par la suggestion et qui
se fait accuser de sorcellerie grâce aux in-
trigues d'un rival éconduit, n'ont pas eu le don
d'émouvoir le public le treizième siècle est
si loin de nous! La Houppe à poudrer, de MM.
Louis Hirschfeld et Siegfried Geyer veut être,
au contraire, une comédie très moderne. Mais
on ne l'a pas jugée beaucoup plus amusante.
Les auteurs sont des débutants, ils feront cer-
tainement mieux une autre fois. Nous en di-
rons autant de M. Wolfgang Madjera. Sa pièce,
Lutin d'automne ou le Voleur malgré lui, est
une satire en quatre actes c'est bien long
du pédantisme judiciaire. Elle a cependant
trouvé le succès d'estime que le passé littérai-
re, très honorable, de son auteur ne pouvait
manquer de lui assurer.
Les dramaturges de l'école naturaliste alle-
mande ont une prédilection marquée pour
l'Histoire. Leur maître à tous, M. Gerhart
Hauptmann, leur a donné le premier l'exem-
ple dans son Florian Geier exemple peu
encourageant s'il en fut. Car le drame, comme
on le sait, échoua, et les essais répétés des di-
recteurs du Lessing-Theater et du Deutsches-
Theater, à Berlin, pour secouer l'indifférence du
public n'eurent aucun résultat.
Il y avait donc quelque audace à faire une
nouvelle tentative dans le genre historique
après l'insuccès de Hauptmann, et il faut savoir
gré à M. Schœnherr de l'avoir osée. M. Schœn-
herr,, il; est vrai, possède à un plus haut de-
gTé que M. Hâuptmann ce qu'on pourrait appe-
ler la science du public le don de découvrir
ses tendances et ses goûts. Le public moderne,
quelque peu énervé, aime les émotions fortes,
M. Schœnherr ne lui épargne pas les secous-
ses violentes. Le naturalisme a une tendance à
s'exprimer chez lui par un excès de brutalité;
aussi abuse-t-il quelquefois des coups de
théâtre à sensation.
Habile ouvrier dramatique d'ailleurs, il sait
ménager ses effets, exciter la curiosité de son
auditoire, la tenir en haleine, tirer tout l'in-
térêt pathétique d'une situation. Les qualités
de facture et de composition qui, distinguent
l'œuvre de M. Schœnherr ont contribué sans
doute à assurer le succès de sa pièce en Au-
triche, où le public est moins sensible que dans
la Prusse protestante aux malheurs des pay-
sans gagnés au luthérianisme .et chassés de
leur pays au moment de la contre-Réforme.
C'est cette époque que dramatise M. Schœnherr.
Le lieu de l'action de Foi et Patrie est un vil-
Allons au fait. Après avoir déploré le rejet
de l'amendement Malavialle, qui, comme il le
rappelle,, « consacrait par une formule ex-
presse le principe majoritaire », après avoir
dépeint, en les ennoblissant un peu, les in-
quiétudes qui se sont alors éveillées chez cer-
tains de ses amis, M. Combes, historien véri-
dique, est obligé de constater « qu'un accord
a eu lieu entre les républicains des groupes de
gauche » et « a été sanctionné par un vote
formel de la Chambre ». Il ajoute une confi-
dence « J'ai applaudi à cet accord. d'autant
plus aisément que je m'étais efforcé par des
conseils pressants de le préparer »; et un voeu:
« Je souhaite et je veux espérer que les groupes
de gauche persisteront dans cet accord. »
Voilà qui irait bien; mais voici le terrible
mais
Mais qu'il soit bien entendu que la représenta-
tion des minorités ne nous (ramènera pas par une
voie détournée à la représentation proportionnelle.
Or, mes amis, ce retour à la représentation pro-
portionnelle, sous 'Couleur de représentation des
minorités, m'apparaît comme inévitable et j'ai
,le devoir d'en avertir les groupes de gauche si
l'on n'écarte pas résolument la formule du quotient
électoral qui, dans la proposition en discussion
devant la Chambre, détermine l'attribution des
sièges de députés aux listes concurrentes.
Pas de quotient! fulmine M. Combes. Le
quotient, c'est le retour aux vices ap^-ravés,
aux dangers accrus de « l'erpéisme primitif ».
Quelque chose de beaucoup plus simple
Puisqu'il est convenu entre nous, puisqu'il a
été décidé ferme par nos amis de la. Chambre que
les républicains des deux bords, proportionnalistes
et antiproportionnalMes de gauche, se concerte-
raient pour faire une part aux minorités, pour
leur ménager, en cas bien entendu d'importance
'su'fiffeaînfce, une représentation, cherchons 'en de-
hors de l'erpéisme un moyen sérieux et louable
d'assurer cette représentation aux minorités, sans
̃nous exposer à tomber dans .les absurdes, funestes
et inextricables embarras que je vous ai signalés.
Ainsi a parlé M. Combes au banquet de Poi-
tiers, et je m'excuse de l'avoir, tout en l'abré-
geant, si longuement cité. Mais il faut que
les positions soient nettes, et la sienne l'est
bien. La nôtre, d'ailleurs, ne l'est pas moins.
Sa position et la nôtre ne sauraient se rejoin-
dre, parce que sa voie et la nôtre ne sauraient
se rencontrer. Pour lui et pour nous, le pro-
blème n'est pas le même. Pour nous, étant
donné le corps électoral d'une part, et de l'au-
tre, la Chambre des députés, il s'agit de trouver
'-le système qui fera de celle-ci l'image de ce-
lui-là l'image la plus fidèle, ou la moins
infidèle qu'il sera, pcssible d'obtenir, quelle que
soit la nuance rui doive prédominer dans la
Chambre, pourvu c^e cette même nuance pré-
domine aussi, et d'autant, dans le pays. Pour
M. Combes, il ne s'agit que de trouver le sys-
tème qui donnera dans la Chambre le plus
de sièges possible à ce qu'il appelle la majorité
républicaine, au syndicat des groupes de gau-
che, socialistes et progressistes défalqués selon
les saints canons du Bloc, quand même cette
majorité devrait être factice, surprise, usur-
pée, et ne correspondrait pas à une mexirité
réelle dans le pays. Nous voulons d'aberd la
justice, il veut d'abord la queue de la poêle.
Entre lui et nous, il y a trop loin pour que
nous puissions nous comprendre.
Sans quoi nous lui demanderions Que fai-
tes-vous de la souveraineté du suffrage univer-
sel ? C'est là votre proportionnelle à vous, que
les voix de vos amis comptent pour un, et que
celles de vos adversaires ne comptent pas ou
comptent seulement pour un sixième ou un
septième! « A quel chiffre, dit gravement M.
Combes, faut-il fixer la part des minorités dans
l'attribution des sièges? Faut-il la fixer par
exemple à un siège sur sept? A un siège sur
six? Il appartient aux groupes unis de gauche
de se livrer à cette étude. » Gratias; grand mer-
ci. Cet « il appartient aux groupes de gauche »
nous ouvre un jardin de délices. Les groupes
de gauche, lorsqu'ils auront dîné, jetteront aux
autres l'os du sixième ou du septième. At-
trape, va dans le coin, et ronge!
Mais non, nous né demanderons rien à M.
Combes. Nous né lui demanderons pas s'il ou-
blie que la Chambre, groupes de,gauche com-
pris, parmi toutes « les décisions fermes »
qu'elle a déjà prises, a « décidé ferme » que
la répartition des sièges entre les listes se fe-
rait d'après le système du quotient électoral et
que ce quotient serait calculé d'après le nombre
des votants. C'est à M. Caillaux que nous nous
adresserons, à l'imitation de M. Combes, qui
crie vers lui « II appartient surtout au gou-
vernement de leur venir en aide » (à ces ré-
publicains privilégiés que M. Combes consi-
dère comme les seuls députés de plein exer-
cice). Et sans lui rien demander davantage,
lage du Tyrol autrichien. Un reître impérial,
avec sa horde de soldats, vient d'y arriver, por-
teur d'un décret de l'empereur bannissant tous
les paysans luthériens qui ne voudront pas
abjurer leur foi. Une scène d'exposition courte
et précise pose nettement le sujet et nous
éclaire dès l'abord sur le conflit psychologi-
que qui fait le fond de la pièce la lutte,
dans l'âme du paysan, entre l'amour pour le
sol natal et la foi dans la vraie religion, dans
le vrai Dieu.
Christophe Rott et son père, le vieux Rott,
sont secrètement devenus protestants. Fils et
petit-fils, père et frère de luthériens, martyrs
de leur foi, ils ont tenu leur conversion se-
crète pour ne pas être obligés de quitter le
sol natal auquel ils sont attachés par toutes
les (ibres de leur être. Ils veulent achever leur
vie dans ce village qu'ils n'ont jamais quitté,
et transmettre intact à leurs descendants le
patrimoine, une pauvre ferme, que les Rott
possèdent de père en fils. Ils se cachent pour
prier, pour lire la Bible défendue qu'ils ont
enfouie dans l'une des poutrelles du plancher.
Jusque-là, rien que de normal dans la con-
duite de ces deux hommes. Protestants convain-
cus, ils n'ont pourtant pas l'ardeur religieuse
qui anime les martyrs; en lisant la Bible ils
croient avoir assez fait pour leur salut futur.
Rien dans leur attitude ne fait prévoir l'élan
d'enthousiasme qui forcera l'un d'eux, Chris-
tophe Rott, en fin d'acte, à faire l'aveu de sa
foi. M. Schœnherr paraît s'être rendu compte
de ce défaut dans la contexture psychologique
de son drame. Aussi, pour imposer au spec-
tateur ce dénouement imprévu, il a eu recours
au moyen facile du coup de théâtre, ou di-
sons mieux, des coups de théâtre successi-
vement l'arrivée du reître, le carnage auquel
il se livre parmi les paysans protestants, et
enfin la mort de la Sandpergerin, une voisine
des Rott, que la valetaille du reître tue pour
lui faire livrer la Bible, qu'elle serre dans ses
bras.
Nous savons bien que ce spectacle agit puis-
samment sur l'esprit de Christophe Rott; nous
doutons pourtant que le timoré que nous a dé-
crit M. Schœnherr dans les premières scènes
soit capable d'un acte de foi qui peut à ce
moment même lui coûter la vie. Toutes les notes
pour la scène par lesquelles M. Schœnherr a
voulu préciser et régulariser le jeu de l'acteur
n'y font rien. Le meilleur artiste ne peut ex-
primer que les sentiments que l'auteur a mis
dans son œuvre. La conversion publique de
Rott reste donc insuffisamment expliquée, En
outre cette fin d'acte a un second défaut par
sa brutalité même, elle agit sur le spectateur
très tranquillement, très doucement, nous lui
disons
« La nuit où, dans votre cabinet, les seize
délégués des gauches (par une procédure parle-
mentaire plus ou moins correcte, mais passe!)
sont venus élaborer le texte dont la Chambre
a adopté, le lendemain, les deux premiers pa-
ragraphes, c'est vous-même qui avez insisté
pour que le quotient électoral fût calculé d'après
le nombre des votants; d'autres voulaient le
calculer d'après le nombre des inscrits, mais
personne encore n'avait eu l'idée de faire une
représentation proportionnelle ou même une
représentation des minorités au hasard, au ra-
bais, à vue de nez. Vous avez bien senti que
c'était le minimum de garanties dont pussent se
contenter les proportionnaJistes; qu'au delà,
tout craquait, tout était rompu. Vous avez exi-
gé le quotient; vous l'avez eu; nous Pavons.
Nous souhaitons, comme M. Combes, que « les
groupes de gauche persistent dans cet accord »;
nous voulons espérer qu'il sera maintenu. As-
surés que les minorités auront leur droit, nous
consentons, même au mépris de la pure or-
thodoxie et au détriment de la pure justice, à
ce que la majorité ait une prime. Chaque fois
que la balance devra pencher en faveur de
quelqu'un, nous acceptons que ce soit en sa
faveur. Nous avons fait ce sacrifice à des crain-
tes qui n'étaient peut-être pas tout à fait sans
forr'-eTnents, à des arguments qui ne sont pas
tout à fait sans fonce. Nous l'avons fait, nous le
faisons à la nécessité d'aboutir. Et nous en
avons fait encore d'autres, que vous connais-
sez l'apparentement, le panachage, le cumu-
latif. Mais si ce n'est pas le seul, c'est le der-
nier. Si vous vous prêtez :à ce qu'on nous re-
prenne, au vote sur l'ensemble, ce minimum
de garantie qu'est le quotient électoral, si, vous,
le 'permettez, il n'y a plus ni représentation pro-
portionnellei ni représentation des minorités';
il n'y en a plus l'ombre, il n'y a que traie et du-
perie.
« Seulement, nous ne serons pas les du-
pes. Et nos adversaires no sont pas les maî-
tres. Si vous ne faisiez ni R. P. ni R. M., com-
ment iriez-vous aux élections de 1914? Avec
le scrutin d'arrondissement? M. Combes et vous,
l'avez déclaré « déconsidéré ». Avec le scru-
tin de liste pur et simple? M. Combes et vous,
le savez « impossible ». Bon gré, mal gré, on
fera, par conséquent, la R. P. ou du moins la
R. M. Mais l'une ou l'autre, si vous ne voulez
pas la faire sans la majorité rapublrcaine, vous
ne pouvez pas la faire sans la majorité pro-
portionnaliste, qui ne veut pas la faire sans
le quotient, parce qu'elle ne veut pas laisser
tourner en une entreprise de flibusterie élec-
torale ce qu'elle a présenté comme une œuvre
de justice.
» Maintenant que vous avez remercié M.
Combes, nous vous renvoyons avec un sou-
rire le mot de M. Clemenceau Monsieur le.
président du conseil, nous vous attendons. »
Charles Benoist.
^1»
E MARGE
Les fêtes que l'on prépare pour le centenaire "de
Franz Liszt consacreront un genre de gloire qui ne
se recommencera plus. Au lendemain de la mort
c.e Pag'anini, .Liszt écrivait « L'artiste-roi est-il
encore possible? Je n'hésite pas le dire, une ap-
parition analogue à celle de Paganini ne saurait
se renouveler. La combinaison singulière d'un ta-
lent colossal avec toutes les circonstances les plus
propres à l'entourer de prestige restera comme un
fait isolé dans l'histoire de l'art; »' Songeait-il déjà
à rendre possible une fois de plus cette incarnation
miraculeuse? 11 a été en effet le second et dernier
exemplaire d'une espèce désormais disparue. Nul
ne pourrait de nos jours porter sans fléchir un pa-
reil fardeau de génie, de ridicule et de bonheur.
Les défauts de Liszt lui étaient aussi essentiels que
ses vertus. Avec le recul, on s'aperçoit que chez ce
diable d'homme c'est le bien qui l'emportait de
beaucoup. Peut-être fut-il de tous les mortels le
plus ingénument vaniteux; le moyen de faire au-
trement lorsqu'on a été, dès l'âge de douze ans, ins-
tallé dans l'apothéose? Mais cette vanité s'accom-
modait au besoin d'une humilité incomparable; on
sait avec quel noble zèle et quelle héroïque abné-
gation Liszt servit la mémoire de Beethoven et
couva le génie de Wagner. Et voilà encore quelque
chose que l'on ne reverra plus un homme qui
était adulé, et donjuanesque, et hongrois, et pia-
niste, et qui se jugeait peu de chose auprès de son
plus intime ami. Sous les oripeaux de parade se
cachait une modestie magnanime, et de toutes les
richesses de cette nature opulente, la plus pré-
cieuse fut la puissance d'admirer.
Et puis, qu'il a donc été merveilleusement amu-
sant, ce grand gosse sublime qui vibrait docilement
comme un dénouement définitif du drame, et
le public se trouve sans doute" fort surpris
d'être encore dans la salle au second acte. Ce
second acte est à notre gré beaucoup trop
long; l'intérêt y languit. Toute l'action tourne
autour du personnage du vieux Rott. La con-
version publique de son fils l'a rendu inquiet.
Va-t-on le forcer à quitter le sol natal comme
son fils Christophe, qui au moins pourra fon-
der un nouveau foyer à l'étranger, vivre heu-
reux avec sa compagne, la Rottin, et son en-
fant Spatz? Lui, qui n'a plus longtemps à vi-
vre, mourra au premier détour de la route et
on le couchera dans la terre à côté d'inconnus.
Il ne peut se résigner à ce sort; il continue-
ra à s'affirmer pieux catholique, à mentir à
sa conscience; il renverra ses deux fils; il re-
fusera même le gîte sous son toit à son. mal-
heureux enfant Pierre, un des convertis luthé-
riens chassé déjà du pays et que l'amour du
sol natal ramène au village. Il n'a pas un geste
de pitié, pas un cri d'amour paternel lorsque
les soldats chassent brutalement le pauvre hè-
re. Le vieux Rott se réserve toutefois, lors-
qu'il sentira la mort l'étreindre, de confesser
sa religion et sa vraie foi. Cette casuistique
du vieillard, ces restrictions mentales, sont fort
déplaisantes. M. Schœnherr y a trop lourde-
ment insisté; il a trop enlaidi moralement le
personnage du vieux Rott, dont l'amour du sol
natal n'excuse pas une pusillanimité sénile,
qui le rend odieux au public. Son sort tragi-
que ne nous émeut pas; nous éprouvons à
peine pour lui de la pitié cet égoïsme du
vieux Rott nous blesse. M. Schœnherr, dont les
sympathies pour son personnage paraissent
augmenter à mesuré qu'elles diminuent chez
le public, s'est avisé tout de même, en lin d'acte,
d'apaiser le courroux moral des spectateurs par
un beau geste du vieillard. S'il eût fallu sans
doute donner une explication psychologique de
ce beau geste, la tâche de M. Schœnherr n'eût
peut-être pas été facile, Il s'est servi d'un
moyen plus simple. Le reitre, qui a bien l'air
dans la pièce d'un simple deus ex machina, a
encore une fois tiré l'auteur d'embarras. Le
meurtre de la Sandpergerin avait provo-
qué la confession de Christophe Rott
la décision du reître de faire jeter, après
leur mort, les corps des hérétiques au
charnier, provoque celle du vieux Rott
« Un Rott au charnier, s'écrie-t-il, le vieux
Rott à côté d'un chien crevé Chevalier, j'en
suis un aussi, moi, un chrétien évangéîi-
que » La scène ne manque pas de pathétique.
C'est un coup de théâtre habilement amené.
L'habileté encore une fois .ici remplace chez
M. Schœnherr le talent. Le troisième acte est
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N* 183i2
LUNDL21 AOUT 1911
PRIX DE L'ABONNEMENT
ÏABIS,.SnHEet seihe-et-oise.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr.; na an. 56 fr.
BEPABT" et^lSACE-IORSAINE.. 17 tr.| 34 fc; 68 Ir.
BHION POSTALE lSfr.; SSfr.; TSTr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 10 DE CUAQUE MOIS
Ua numéro (départements) -s SSO centimes
ANNONCES MM. Lagrange, Cerf et C'°, 8, place de laBourse
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant àleurtenew
TÉI.ÉlPBOjrE, S LIGUES
W« 103.07 103.08 103,09 103.32 103.33
PRIX DE L'ABONNEMENT
MHS,. SEINE et SEUre-ET-OKE.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr. Un an, 53 ffc
BtPâHT" et ALSADE-lOBBAME.. 17 fr.; 34 fr.; SBI&
B2U0N POSTALE 18 fr.; SSfr.; 72*
1ES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQOE MOIS
Un numéro (à IPai-is) 1S» centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Testes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
Adresse TÉLÉGRAPHIQUB temps par 19
SOMMAIRE
Lire en S' pa.g'©
AFFAIRES DU Maroc. LA FIN DE la GRÈVE AN-
glaise. UN VOYAGE SUR le RÉSEAU EN GRÈVE.
-L'ACCORD RUSSO-ALLEMAND.
Fagre Ô
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER. LA VIE LITTÉRAIRE
LA BICHE RELANCÉE, Pierre Mille. LA QUESTION
DE TAHITI, Georges Fronient-Guieysse.
Fag-e *3=
La FEMME DE demaln, Joseph Bois. LES JARDINS
DE L'HISTOIRE UN PARTI princier, Louis Bat-
tifol.
pad'e 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
L'AVIATION SPORTIVE EN 1911. MARCHÉS FINAN-
ciers ÉTRANGERS.
Page S
LA SEMAINE FINANCIÈRE. EXAMENS ET CONCOURS.
i
Paris, 20 août
BULLETIN V DE L'ÉTRANGER
LA SIGNATURE DE L'ACCORD RUSSO-ALLEMAND
L'accord russo-allemand relatif aux affaires
de Perse et de Turquie a été signé hier. On en
trouvera plus loin le texte.
C'est une vieille histoire que celle de cet ac-
cord. La conversation dont il est le terme a
commencé entre M. Isvolski, alors ministre des
affaires étrangères de Russie, et le baron de
Schœn, alors ambassadeur d'Allemagne à
Saint-Pétersbourg, au moment de l'accord an-
glo-russe de 1007. Très prudemment M. Isvolski
avait tenu à ce que cet accord ne portât point
sur des régions où l'Allemagne pût se plaindre
qu'on eût, sans son aveu, disposé de ses inté-
rêts. C'est ainsi notamment que, par égard pour
l'Allemagne, la question du golfe Persique avait
été laissée de côté., Néanmoins, M. de Schœn
ayant exprimé l'avis qu'un échange de vues
russo-allemand ne pourrait qu'être utile, M. Is-
volski ne fit aucune difficulté d'en convenir et
'de se déclarer en principe prêt à y procéder.
Cet échange de vues s'est poursuivi de 1907 à
1910 par notes et contre-notes. La crise orientale
de 1908-1909 l'a naturellement ralenti. Toute-
fois jamais, ni à Berlin ni à Saint-Pétersbourg,
en ne l'a considéré comme interrompu.
Au début de janvier 1911, VEvcning Times
publia le texte de l'accord en annonçant sa si-
gnature imminente. Huit mois ont passé depuis
lors, et c'est hier seulement que M. Neratof et le
comte de Pourtalès ont apposé leurs sceaux
sur le texte définitif. Ce texte ne diffère pas
sensiblement de celui qui fut publié en janvier
et l'on peut se demander pourquoi la conclusion
en a été si longtemps' retardée. Nous croyons
savoir que 'la causedeeeretard doit être cherchée
non seulement dans la maladie de M. Sasonof,
mais aussi dans certaines modifications de-
mandées par l'Allemagne et dont la plupart
ont été acceptées par la Russie. Les signatures
ont été échangées quand ces détails se sont
trouvés réglés. Il est superflu d'ajouter que M.
de Kidcrlen a dû souhaiter, dans les circons-
tances actuelles, ne pas ajourner ce fègletncnt
qui met à abii.aàtif un résultat positif, -1-- le
premier depuis qu'il est ministre des affaires
étrangères. La Russie, par contre, n'avait point
de raisons de se dérober à la conclusion d'un
arrangement connu dans tous ses détails non
seulement du gouvernement français, mais en-
core du public européen.
Ce que nous écrivions au mois de janvier de
cet accord reste vrai car il est à peu près
identique à ce qu'avait annoncé l'Evening Ti-
mes. La Russie a poursuivi et obtenu la recon-
naissance par l'Allemagne de ses intérêts spé-
ciaux dans la Perse septentrionale. Cette recon-
naissance figurait déjà dans l'accord russo-an-
glais de 1907. L'Allemagne se l'approprie et
déclare qu'elle n'a pas l'intention de recher-
cher pour elle-même dans cette région ni de
soutenir pour qui que ce soit des concessions
de voies ferrées, de navigation ou de télégra-
phes au nord d'une ligne Kasri, 'Chirin, Ispa-
han, Jezd, Khakh, Ghasik ('frontière afghane).
Cette ligne est précisément celle que fixait l'ar-
ticle premier de l'accord du 31 août 1907. Il
convient de remarquer que d'après les infor-
mations publiées en janvier l'Allemagne s'en-
gageait en outre à ne pas construire en Tur-
quie de lignes de chemins de fer dans la zone
située entre la Bagdadbahn et les frontières
russes et persanes au nord de Kanikine. Cet
engagement, contre lequel la presse turque avait
protesté avec véhémence, ne figure pas dans
le texte signé hier. C'est là sans doute l'effet
FEUILLETOM Sî>U <&CÎUpS
DU 21 kOUT 1911
GflîtOlÛQBE TflÉIITftflltE
LA SAISON THEATRALE A VIENNE
(1010-1911)
Les théâtres à Vienne. Pénurie de la production
locale les œuvres étrangères et françaises en
particulier. Les principales pièces de l'année
der Garde-Offizier de M. Molnar; Glaube und Hei-
tnat de M. Karl Schœnherr der Junge Medardus
de M. Arthur Schnitzler der Unsterbliche Lump
de MM. Félix Dœrrmann et Eysler. Deux artis-
tes viennois M. Alexandre Girardi et M. Hansi
Niese. Les opérettes nouvelles.
Vienne possède neuf théâtres de drame et de
comédie, six dont le répertoire se compose
d'opéras, d'opéras comiques ou d'opérettes et
trois grands music-halls, qui, pour obvier à la
monotonie de leurs spectacles ordinaires, em-
piètent fréquemment sur le domainé des théâ-
tres proprement dits. La capitale autrichienne
ne connaît pas ce passage d'étrangers parti-
culier à d'autres grandes villes qui, fournissant
aux théâtres un public sans cesse renouvelé,
permet aux directeurs de faire jouer une même
pièce cent ou deux cents fois de suite. Le
spectacle change donc ici tous les jours ou
presque tous les jours, et il en résulte, né-
cessairement, une consommation annuelle de
pièces nouvelles véritablement fantastique. Si
nous prenons par exemple le Deutsches-Volks-
theater, nous constatons que l'on y a joué, du-
rant la saison 1910-1911, quatorze premières,
remis en scène une dizaine d'oeuvres impor-
tantes anciennes «t donné néanmoins les nom-
breuses pièces du répertoire courant. Il en est
à peu près de même dans tous les autres théâ-
tres viennois. Si les auteurs dramatiques n'écri-
vaient que des chefs-d'œuvre, il serait extrê-
mement difficile de résumer, dans une chro-
nique comme celle-ci, la campagne théâtrale
d'une entente turco-allemande que la Russie a
dû accepter. Il se peut aussi que l'Allemagne
ait maintenu ses promesses dans un protocole
.additionnel et secret.
La Russie s'engage vis-à-vis de l'Allemagne
d'abord à respecter l'égalité commerciale en
Perse, ensuite à relier à la Bagdadbahn le ré-
seau futur des chemins de fer persans. La
Russie, qui compte demander au gouvernement
persan la concession de ce réseau, construira
une ligne de Téhéran à Kanikine, où la jonc-
tion se fera, par l'embranchement de Sadijeh,
avec la Bagdadbahn. Les travaux de construc-
tion de la ligne russe de raccordement Téhéran-
Kanikine devront commencer au plus tard
deux ans après l'achèvement du tronçon Sadi-
jeh-Kanikine et être terminés en quatre ans.
Si au bout du délai de deux ans la construc-
tion de la ligne Téhéran-Kanikine n'était pas
commencée, le gouvernement russe informera
le gouvernement allemand qu'il renonce à la
concession pour cette ligne et le gouvernement
allemand pourra la solliciter. Enfin et surtout
le gouvernement russe s'engage à « ne prendre
aucune mesure qui pourait entraver la cons-
truction de la Bagdadbahn ou empêcher la par-
ticipation des capitaux étrangers à cette entre-
prise ».
Tel est cet accord. Diverses circonstances sont
de nature à diminuer l'intérêt qu'il eût pré-
senté il y a dix mois. D'abord l'adhésion de la
Russie à la construction de la Bagdadbahn
adhésion, qui, nous l'avons dit en janvier, in-
flige un démenti aux projets d' « accord à
quatre » affirmés si souvent comme un axiome
en France et en Angleterre est pour l'Alle-
magne d'un moindre prix à la suite des con-
ventions qu'elle a signées avec la Turquie au
début de 1911. Ces conventions en effet ont
donné partie gagnée à la Bagdadbahn et con-
sacré la défaite définitive des éléments fran-'
çais et anglais dans la question des voies
transasiatiques. L'Allemagne n'a pratique-
ment plus rien à craindre hormis la vente
des titres de la Bagdadbahn que détient le syn-
dicat franco-anglais, et que, sans succès, la
Deutsche Bank a tenté récemment de repren-
dre. Le consentement de la Russie, si précieux
qu'il soit, n'a donc 'pas pour elle la même va-
leur que s'il eût été enregistré un an plus tôt
dans un traité pareil à celui qui vient d'être
signé.
De même la reconnaissance par l'Allemagne
des intérêts particuliers de la Russie dans le
nord de la Perse n'a pas, dans les circonstances
actuelles, une grande signification. L'Allema-
gne en effet a pris soin de marquer récemment
la médiocre importance qu'elle attache à de tels
engagements. Si les mots avaient un sens, la
reconnaissance qu'elle consent des intérêts par-
ticuliers russes dans la Perse du nord impli-
querait de sa part une tolérance amicale pour le
cas où la Russie aurait à exercer dans cette ré-
gion une action politique momentanée justifiée
par la particularité de ses intérêts. Mais préci-
sément la démonstration navale d'Agadir a dé-
montré que les promesses allemandes de dé-
sintéressement sont inopérantes quand vient
l'heure de les tenir. L'Allemagne avait promis
à la France, en février 1909, à propos du Maroc,
et avec plus de précision encore, ce qu'elle
promet aujourd'hui à la Russie à propos de la
Perse. Cela ne l'a pas empêchée de manquer à
son engagement quand elle' a cru pouvoir, en
le déchirant, se; procurer de petits profits au
Congo ou ailleurs. Dans les milieux russes les
mieux informés: cette remarque a été déjà faite.
Dans ces conditions, il n'y a rien de plus à
dire du traité signé hier. Il était attendu, prévu,
connu dans ses grandes lignes. Les circons-
tances qui ont précédé sa conclusion dimi-
nuent sa portée. Il n'affecte pas est-il besoin
d'y insister? les relations générales des puis-
sances, et le seul vœu de la France est qu'il
apporte aux intérêts de la Russie d'appréciables
commodités.
DÉPÊCHES TÉLÉOBÂFHfQOES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ëfcmj)$
Vienne 20 août.
On annonce d'Ischl que le couple royal de Bulga-
rie ferait une visite à Vienne à l'empereur Fran-
çois-Joseph dans le courant du mois de septembre.
Budapest, 20 août.
Le journal hongrois Nap, l'organe le plus radical
et le plus violent du parti Justh, a été saisi pour
avoir publié doux articles offensant la personne de
l'empereur-roi François-Joseph. En même temps la
vente de cette feuille a été interdite sur la voie pu-
blique. Plusieurs journaux, et môme des organes
d'opposition modérés disent à ce propos que des
publications comme celle qui vient d être saisie
compromettent la liberté de la presse et nuisent à
leur parti.
d'une année. Mais1 pour un,e œuvre qui s'impo-
se, que de pièces médiocres, insignifiantes ou
banales
Cette fois-ci encore la. production nationale
s'est trouvée des plus restreintes, abstraction
faite de l'envahissante opérette. Elle disparaît
presque parmi les œuvres d'importation étran-
gère allemandes, anglaises, danoises, russes
et surtout françaises. C'est ainsi que le pu-
blic viennois a pu voir au Lustspieltheater
la Puissance des femmes, de M. A.-J. Sumba-
tow, et la Vérité (the Truth), de M. Clyde Fitch;
au théâtre de la Josefstadt la Reine Christine,
de M. Auguste Strindberg, Pénélope, de M.
William Somerset Mangham, et la Petite de-
moiselle (the Little damosel), de M. Monek-
ton Hoffe au Deutsches-Volkstheater, Mé-
salliance, de M.. Bernard Shaw. En ce
qui concerne les oeuvres françaises, elles
sont ici, pour ainsi dire, chez elles dans
les deux théâtres que nous venons de
citer le Deutsches-Volsktheater qui cul-
tive avec succès notre comédie, et le théâtre de
la Josefstadt, qui est une manière de succur-
sale du Palais-Royal.
Le Déutsches-Volkstheater a joué cette année:
la Petite chocolatière, de M. Paul Gavault, la
Vierge f olle, de M. Henry Bataille, le Bois
sacré, de MM. Robert de Felrs et G. A. de
Caillavet, le Danseur inconnu, de M. Tristan
Bernard, Un ange, de M. Alfred Capus, Le
théâtre de la Josefstadt nous a donné: Théodore
et Cie, de MM. Nancey et Armont, Feu la mère,
de Madame et l'Hôtel du Libre-Echange, de M.
G. Feydeau, le Rubicon, de M. Edouard Bourdet.
Si rénumératiôn n'est pas plus longue, c'est
que. le -succès a maintenu ces pièces au ré-
pertoire plus longtemps qu'il n'est d'usage à
Vienne.
Le Deutsches-Volskstheater, que dirige si heu-
reusement' M. Adolphe Weisse, est, après le
Burgtheater, la première scène de Vienne.
C'est un peu notre Odéon, mais un Odéon si-
tué en plein centre de la ville et très fréquenté
par le public élégant. La tenue de ce théâtre
est très artistique il possède une troupe d'éli-
te, dans laquelle des actrices comme Mlles
Paula Müller, Hedwige Reinau, Lili Marberg
qui vient de passer au Burgtheater, et Mme
Elsa interprètent excellemment les héroïnes de
nos pièces françaises. Au théâtre de la Josef-
stadt, M. Maran, comique fort original, incarne
depuis de longues années tous les premiers rô-
les de nos vaudevilles en les transposant tou-
jours un peu dans son ton personnel. Le di-
recteur, M. Joseph Jarno, qui est un régisseur
de tout premier ordre, a su donner à son per-
sonnel un jeu rapide et léger, un dialogue vif
[Service Bavas)
Calais, 20 août.
Les incidents de la grève des dockers ont été dén»*'
turés ou considérablement grossis.
C'est ainsi qu'à aucun moment les gendarmes n'ont
dégainé; les bagarres n'ont pas eu le caractère de gra-
vité qu'on a dit. Il n'y a pas eu de coups de couteau
de donnés, mais seulement un échange de coups de
pierres et de coups de bâton. L'état des blessés n'ins-
pire aucune inquiétude.
Trois grévistes ^seulement ont été arrêtés pour vio-
lences. et rébellion.
Depuis, tout est redevenu calme.
Dans une réunion tenue hier soir, les dockers ont
décidé de continuer la grève à outrance.
«gc
DERNIÈRE HEURE
L'Espagne et le Maroc
Madrid, 20 août.
On dit ici que le colonel Silvestre ira prochaine-
ment à Arzila pour entretenir Raissouli de diverses
questions relatives à la situation d'El-Kçar.
Une note officieuse russe
Saint-Pétersbourg, 20 août.
Commentant l'entente russo-allemande, la.Rossiya,
organe gouvernemental, déclare catégoriquement
que cotte entente n'influence pas le groupement ac-
tuel dos puissances, et que les intérêts de la Triplice
comme ceux de la Triple-Entente n'en souffriront
pas.
L'alliance franco-russe et l'amitié franco-anglaise
resteront toujours la base de la politique de la
Russie.
Au Portugal
Lisbonne, 20 août.
L'Assemblée proclamera la Constitution demain
lundi.
LVyleetiori du président de la République aura-licm
jeudi et l'élection du Sénat vendredi.
Les négociations entre les groupes de députés
pour le choix du président continuent.
Les chemins de fer allemands
contre la propagande socialiste
(Dépêche de notre correspondant particulier)
Berlin, 20 août.
La direction des chemins de fer d'Essen, dans le
but de combattre les eftorts que font les socialistes
pour gagner il leur cause le personnel des chemins
de fer, a fait à ses employés et ouvriers une com-
munication écrite, les -avertissant que l'introduc-
tion de journaux socialistes et les manifestations en
faveur des idées socialistes dans les endroits où ils
sont en service seront punies du renvoi de l'admi-
nistration.
Ce document sera soumis à la signature de tous
les employés, ouvriers et manoeuvres.
Réunion de cheminots du P.-L.-M.
Les employés de chemins de fer du P.-L.-M.,
réunis ce matin, ont protesté contre « le vote émis
par une partie des membres du congrès de trans-
former le syndicat national en fédération, à un
moment où la plupart des groupes se trouvent dé-
moralisés par l'absence de militants » et deman-
dent la convocation d'un congrès extraordinaire
« qui aurait lieu à Paris, au mois d'octobre, à.
l'époque de la rentrée des Chambres, pour réagir
contre cette décision ».
«»̃
LE SABOTAGE
M. Raouj Briquet, député socialiste unifié1 du
Pas-de-Calais, public dans une édition régio-
nale de l'Humanité un article qui aura sans
doute été jugé trop hardi et trop compromettant
pour l'édition de. Paris. Ce collaborateur dépar-
temental de l'organe officiel du parti socialiste
unifié (section française de l'internationale ou-
vrière) ne s'avise-t-il pas de partir en guerre
contre le sabotage? S'il est une guerre qui n'ait
point la faveur de l'Humanité, c'est bien celle-
là. M. Raoul Briquet veut donc brouiller M.
Jaurès avec la Bataille syndicaliste et la G. G. T.?
Quelle imprudence! Heureusement le député
de Carmaux, nouveau conquistador, vogue vers
les galions de l'Amérique du sud, prépare sa
tournée de conférences en contemplantd'autres
constellations, et ne peut lire tous les matins
son journal un si dangereux article aurait
troublé ses nuits. M. Raoul Briquet s'est-il bien
rendu compte lui-même de son excès d'audace?
Il écrit sans barguigner, comme si cela allait
de soi, des choses à frémir. « L'honneur comme
l'intérêt du parti, déclare-t-il, nous commandent
de réprouver énergiquement le sabotage et la
propagande anarchiste, de nous désolidariser
nettement des saboteurs et des anarchistes.
Depuis des mois, certains journaux, se disant
syndicalistes ou révolutionnaires, étalent com-
plaisamment dans leurs colonnes les hauts faits
de Mlle Cisaille fils coupés, rails brisés, ri-
deaux arraches, coussins éventrés, etc. Belle
qui permet de passer sur la faiblesse de cer-
taines traductions.
La traduction est en effet le grand écueil au-
quel se heurte notre théâtre à l'étranger. Le
tour d'esprit français supporte mal la forme
allemande; du moins ceux qui font métier de
traducteurs et nous soulignons le mot mé-
tier n'arrivent que bien rarement à rendre
l'original. Ce qui chez nous est mousse légère
devient plaisanterie lourde, parfois grossière.
Il faut dire en allemand ce qui s'indique d'un
geste en français. A cela viennent s'ajouter
souvent des coupures malencontreuses, que le
changement de milieu ne justifie pas toujours
et qui dénaturent l'ensemble d'un acte. Ce sont
là trop souvent les motifs d'insuccès que l'on
ne saurait s'expliquer autrement. Il serait aisé
d'en citer de nombreux exemples.
Mais arrivons au théâtre viennois. La saison
1910-1911 n'a apporté, disions-nous, que peu
de pièces autrichiennes nouvelles. Les sujets de
l'empereur François-Joseph ne sauraient être
accusés d'une fécondité dramatique exagérée.
M. Langmann nous laisse depuis de trop lon-
gues années sur le souvenir de son excellent
Bartel Turaser, M. Auernheimer n'aborde que
rarement les émotions de la scène, et cette fois-
ci, ni M. Hugo de Hoffmannsthal, ni M. Her-;
mann Bahr ne nous ont donné l'occasion de
les applaudir.
Si l'on met à part l'Officier de la garde, de
M. Molnar, qui est de nationalité hongroise, il
n'y a guère à signaler qu'une demi-douzaine
de pièces d'auteurs autrichiens. Un drame his-
torique de M. Arthur Schnitzler au Burgtheater,
le Jeune Medardus; une tragédie de M>, Karl
Schœnherr1, Foi et Patrie, et une pière roman-
tique de M.Hans Mûller, le Miracle de Beatus, au
Deutsches-Volkstheater; la Houppe à poudre1'
(die Puderquaste), de MM. Louis Hirschfeld et
Siegfried Geyer au théâtre de la Josefstadt; en-
fin au Burgertheater, avec Lutin d'automne
(Herbstkobold), de M. Wolfgang Madjera, l'Im-
mortel vaurien (der Unsteroliche Lump), de
MM. Dœrmann et Eysler, c'est tout le bilan de
la saison.
Un mari jaloux qui cherche à se convaincre
de la fidélité de sa femme sans y pouvoir,
comme de juste, parvenir complètement ce
n'est pas un sujet absolument nouveau, mais
M. Molnar l'a traité d'une manière agréable.
Il a. vêtu- son héros d'un uniforme étincelant
d'or, il a imaginé un clou de mise en scène
l'un des actes se passe dans une loge d'Opé-
ra, pendant une représentation c'est plus
qu'il n'en fallait pour assurer à l'Officier de
la garde une triomphale carrière.
M. Hans Miïller, l'auteur du Miracle de Bea-
façon de rendre la cause des cheminots sym-
pathique au public et de faciliter les efforts du
parti socialiste pour faire réintégrer les révo-
çaés! Et cependant ce bon parti socialiste ne
devrait avoir aucune parole de protestation con-
tre les « bons bougres » qui contrecarrent ses
efforts! »
Non seulement ce bon parti socialiste doit en
effet se garder de protester contre les sabo-
teurs, mais il doit les soutenir, les couvrir, les
patronner et les encourager de son mieux. D'où
arrive donc M. Raoul Briquet? Lamartine vou-
lait siéger au plafond le député du Pas-de-
Calais siégerait-il par hasard' dans la lune? Il
semble bien peu au courant des travaux et des
tumultes habituels de son parti. En prenant la
plume pour rédiger cet article, aurait-il été
frappé d'amnésie soudaine? Bornons-nous à lui
rappeler quelques faits récents. Le 3 juillet der-
nier, à la Chambre, M. de Boury questionnait
le ministre des travaux publics sur l'acte de
sabotage qui avait failli déchaîner, à Pont-de-
l'Arche, une effroyable catastrophe. M. Auga-
gneur, dans sa réponse, s'empressa de « flétrir »
de si « lâches attentats ». Il ne pouvait moins,
faire.Mais quelle fut l'attitude du groupe auquel
appartient M. Raoul Briquet? Plusieurs unifiés,
appuyés par leurs amis, ne cessèrent d'inter-
rompre violemment le ministre. Ce mot de
« lâches attentats » ne fut pas accepté par les
socialistes. L'Officiel signale que M. Augagneur
dut le répéter, étant interrompu par le bruit
et les exclamations de l'extrême gauche, tandis
que la gauche, le centre et la droite applaudis-
saient la parole ministérielle. Ainsi tous les
députés, sans distinction d'opinion, s'associaient
à l'indignation du gouvernement et du public
contre cette tentative criminelle seuls les uni-
fiés refusaient de la condamner. La semaine
suivante, à la séance du 10 juillet, M. Caillaux
supposait à une demande d'amnistie de M.
Si^te-Quenin, en faisant observer qu'elle s'ap-
pliquerait « à ceux qui dans des manuels ont
indiqué les meilleures méthodes de sabotage
des voies ferrées. » Par 435 voix contre 89, la
Chambre, conformément aux indications de M.
le président du conseil, repoussait cette propo-
sition d'amnistie. Mais tous les unifiés, y com-
pris M. Raoul Briquet, avaient voté pour, éten-
dant ainsi une fois de plus leur protection sur
les saboteurs et les professeurs de sabotage. Et
les syndiqués sont logés à la même enseigne
que des parlementaires le congrès des chemi-
nots n'a pu réunir contre le sabotage une véri-
table majorité. Les abstentions ont été plus
nombreuses que .les voix antisabotistes, si l'on
peut s'exprimer ainsi.
Il est clair que M. Raoul Briquet a de bonnes
intentions et qu'il faut lui en savoir gré. Mais
il aura de la peine à convaincre ses collègues
et coreligionnaires politiques, qui jusqu'à pré-
sent ont tremblé devant les « bons bougres » du
sabotage, et se sont constamment solidarisés
avec eux: Peut-être l'irritation du public, dont
la sécurité est menacée par ces pratiques abo-
minables, donnera-t-elle pourtant à réfléchir
aux unifiés, qui songent, comme les camarades,
à leur réélection. Les vacances et le contact avec
la masse électorale pourraient exercer,à ce point
de vue, une influence salutaire. En tout cas, si
les unifiés revenaient sur ce sujet à la raison,
ils reviendraient de loin.
«^
;PÀS DE R. M. AU RABAIS
Au directeur du Temps
Quoique depuis plus de vingt ans, en sou-
venir sans doute d'une collaboration qui m'est
demeurée chère, vous ayez bien voulu me tenir
toujours votre porte grand ouverte, ou plu-
tôt, pour cette raison même, je me reproche-
rais d'abuser de vôtre hospitalité. Je ne viens
donc point ici répondre au dernier discours de
M- Combes en quelle qualité le ferais-je?
Je ne viens pas non plus le commenter le
Temps l'a fait supérieurement.
Ce discours ne peut m'intéresser qu'en tant
qu'il intéresse la représentation proportionnelle,
ou de son nouveau nom qui n'est qu'un vieux
nom: la représentation des minorités. Et quand
je dis « en tant qu'il l'intéresse », c'est-à-
dire « en tant qu'il peut contribuer à en ré-
gler le sort ». Car des hommes, des actes et des
mobiles, que M. Combes pense ce qu'il veut il
serait facile, et peut-être amusant, de jouer avec
lui au jeu des petits portraits; mais cela serait
si parfaitement vain! De même, qu'il inter-
roge, après les avoir arrangés, des chiffres que
chacun est libre d'accommoder à sa guise, et
qui, disposés d'une autre façon, prouveraient
tout aussi bien le contraire, c'est propre-
ment porter la politique chez la somnambule
et lire l'avenir dans le marc de café.
tics, est un tout jeune homme de beaucoup de
talent, qui a été joué déjà, non sans succès, au
Burgtheater. Les destinées de la fille para-
lytique de Ferdinand de Castille, Maria-Dulce,
que son amant guérit par la suggestion et qui
se fait accuser de sorcellerie grâce aux in-
trigues d'un rival éconduit, n'ont pas eu le don
d'émouvoir le public le treizième siècle est
si loin de nous! La Houppe à poudrer, de MM.
Louis Hirschfeld et Siegfried Geyer veut être,
au contraire, une comédie très moderne. Mais
on ne l'a pas jugée beaucoup plus amusante.
Les auteurs sont des débutants, ils feront cer-
tainement mieux une autre fois. Nous en di-
rons autant de M. Wolfgang Madjera. Sa pièce,
Lutin d'automne ou le Voleur malgré lui, est
une satire en quatre actes c'est bien long
du pédantisme judiciaire. Elle a cependant
trouvé le succès d'estime que le passé littérai-
re, très honorable, de son auteur ne pouvait
manquer de lui assurer.
Les dramaturges de l'école naturaliste alle-
mande ont une prédilection marquée pour
l'Histoire. Leur maître à tous, M. Gerhart
Hauptmann, leur a donné le premier l'exem-
ple dans son Florian Geier exemple peu
encourageant s'il en fut. Car le drame, comme
on le sait, échoua, et les essais répétés des di-
recteurs du Lessing-Theater et du Deutsches-
Theater, à Berlin, pour secouer l'indifférence du
public n'eurent aucun résultat.
Il y avait donc quelque audace à faire une
nouvelle tentative dans le genre historique
après l'insuccès de Hauptmann, et il faut savoir
gré à M. Schœnherr de l'avoir osée. M. Schœn-
herr,, il; est vrai, possède à un plus haut de-
gTé que M. Hâuptmann ce qu'on pourrait appe-
ler la science du public le don de découvrir
ses tendances et ses goûts. Le public moderne,
quelque peu énervé, aime les émotions fortes,
M. Schœnherr ne lui épargne pas les secous-
ses violentes. Le naturalisme a une tendance à
s'exprimer chez lui par un excès de brutalité;
aussi abuse-t-il quelquefois des coups de
théâtre à sensation.
Habile ouvrier dramatique d'ailleurs, il sait
ménager ses effets, exciter la curiosité de son
auditoire, la tenir en haleine, tirer tout l'in-
térêt pathétique d'une situation. Les qualités
de facture et de composition qui, distinguent
l'œuvre de M. Schœnherr ont contribué sans
doute à assurer le succès de sa pièce en Au-
triche, où le public est moins sensible que dans
la Prusse protestante aux malheurs des pay-
sans gagnés au luthérianisme .et chassés de
leur pays au moment de la contre-Réforme.
C'est cette époque que dramatise M. Schœnherr.
Le lieu de l'action de Foi et Patrie est un vil-
Allons au fait. Après avoir déploré le rejet
de l'amendement Malavialle, qui, comme il le
rappelle,, « consacrait par une formule ex-
presse le principe majoritaire », après avoir
dépeint, en les ennoblissant un peu, les in-
quiétudes qui se sont alors éveillées chez cer-
tains de ses amis, M. Combes, historien véri-
dique, est obligé de constater « qu'un accord
a eu lieu entre les républicains des groupes de
gauche » et « a été sanctionné par un vote
formel de la Chambre ». Il ajoute une confi-
dence « J'ai applaudi à cet accord. d'autant
plus aisément que je m'étais efforcé par des
conseils pressants de le préparer »; et un voeu:
« Je souhaite et je veux espérer que les groupes
de gauche persisteront dans cet accord. »
Voilà qui irait bien; mais voici le terrible
mais
Mais qu'il soit bien entendu que la représenta-
tion des minorités ne nous (ramènera pas par une
voie détournée à la représentation proportionnelle.
Or, mes amis, ce retour à la représentation pro-
portionnelle, sous 'Couleur de représentation des
minorités, m'apparaît comme inévitable et j'ai
,le devoir d'en avertir les groupes de gauche si
l'on n'écarte pas résolument la formule du quotient
électoral qui, dans la proposition en discussion
devant la Chambre, détermine l'attribution des
sièges de députés aux listes concurrentes.
Pas de quotient! fulmine M. Combes. Le
quotient, c'est le retour aux vices ap^-ravés,
aux dangers accrus de « l'erpéisme primitif ».
Quelque chose de beaucoup plus simple
Puisqu'il est convenu entre nous, puisqu'il a
été décidé ferme par nos amis de la. Chambre que
les républicains des deux bords, proportionnalistes
et antiproportionnalMes de gauche, se concerte-
raient pour faire une part aux minorités, pour
leur ménager, en cas bien entendu d'importance
'su'fiffeaînfce, une représentation, cherchons 'en de-
hors de l'erpéisme un moyen sérieux et louable
d'assurer cette représentation aux minorités, sans
̃nous exposer à tomber dans .les absurdes, funestes
et inextricables embarras que je vous ai signalés.
Ainsi a parlé M. Combes au banquet de Poi-
tiers, et je m'excuse de l'avoir, tout en l'abré-
geant, si longuement cité. Mais il faut que
les positions soient nettes, et la sienne l'est
bien. La nôtre, d'ailleurs, ne l'est pas moins.
Sa position et la nôtre ne sauraient se rejoin-
dre, parce que sa voie et la nôtre ne sauraient
se rencontrer. Pour lui et pour nous, le pro-
blème n'est pas le même. Pour nous, étant
donné le corps électoral d'une part, et de l'au-
tre, la Chambre des députés, il s'agit de trouver
'-le système qui fera de celle-ci l'image de ce-
lui-là l'image la plus fidèle, ou la moins
infidèle qu'il sera, pcssible d'obtenir, quelle que
soit la nuance rui doive prédominer dans la
Chambre, pourvu c^e cette même nuance pré-
domine aussi, et d'autant, dans le pays. Pour
M. Combes, il ne s'agit que de trouver le sys-
tème qui donnera dans la Chambre le plus
de sièges possible à ce qu'il appelle la majorité
républicaine, au syndicat des groupes de gau-
che, socialistes et progressistes défalqués selon
les saints canons du Bloc, quand même cette
majorité devrait être factice, surprise, usur-
pée, et ne correspondrait pas à une mexirité
réelle dans le pays. Nous voulons d'aberd la
justice, il veut d'abord la queue de la poêle.
Entre lui et nous, il y a trop loin pour que
nous puissions nous comprendre.
Sans quoi nous lui demanderions Que fai-
tes-vous de la souveraineté du suffrage univer-
sel ? C'est là votre proportionnelle à vous, que
les voix de vos amis comptent pour un, et que
celles de vos adversaires ne comptent pas ou
comptent seulement pour un sixième ou un
septième! « A quel chiffre, dit gravement M.
Combes, faut-il fixer la part des minorités dans
l'attribution des sièges? Faut-il la fixer par
exemple à un siège sur sept? A un siège sur
six? Il appartient aux groupes unis de gauche
de se livrer à cette étude. » Gratias; grand mer-
ci. Cet « il appartient aux groupes de gauche »
nous ouvre un jardin de délices. Les groupes
de gauche, lorsqu'ils auront dîné, jetteront aux
autres l'os du sixième ou du septième. At-
trape, va dans le coin, et ronge!
Mais non, nous né demanderons rien à M.
Combes. Nous né lui demanderons pas s'il ou-
blie que la Chambre, groupes de,gauche com-
pris, parmi toutes « les décisions fermes »
qu'elle a déjà prises, a « décidé ferme » que
la répartition des sièges entre les listes se fe-
rait d'après le système du quotient électoral et
que ce quotient serait calculé d'après le nombre
des votants. C'est à M. Caillaux que nous nous
adresserons, à l'imitation de M. Combes, qui
crie vers lui « II appartient surtout au gou-
vernement de leur venir en aide » (à ces ré-
publicains privilégiés que M. Combes consi-
dère comme les seuls députés de plein exer-
cice). Et sans lui rien demander davantage,
lage du Tyrol autrichien. Un reître impérial,
avec sa horde de soldats, vient d'y arriver, por-
teur d'un décret de l'empereur bannissant tous
les paysans luthériens qui ne voudront pas
abjurer leur foi. Une scène d'exposition courte
et précise pose nettement le sujet et nous
éclaire dès l'abord sur le conflit psychologi-
que qui fait le fond de la pièce la lutte,
dans l'âme du paysan, entre l'amour pour le
sol natal et la foi dans la vraie religion, dans
le vrai Dieu.
Christophe Rott et son père, le vieux Rott,
sont secrètement devenus protestants. Fils et
petit-fils, père et frère de luthériens, martyrs
de leur foi, ils ont tenu leur conversion se-
crète pour ne pas être obligés de quitter le
sol natal auquel ils sont attachés par toutes
les (ibres de leur être. Ils veulent achever leur
vie dans ce village qu'ils n'ont jamais quitté,
et transmettre intact à leurs descendants le
patrimoine, une pauvre ferme, que les Rott
possèdent de père en fils. Ils se cachent pour
prier, pour lire la Bible défendue qu'ils ont
enfouie dans l'une des poutrelles du plancher.
Jusque-là, rien que de normal dans la con-
duite de ces deux hommes. Protestants convain-
cus, ils n'ont pourtant pas l'ardeur religieuse
qui anime les martyrs; en lisant la Bible ils
croient avoir assez fait pour leur salut futur.
Rien dans leur attitude ne fait prévoir l'élan
d'enthousiasme qui forcera l'un d'eux, Chris-
tophe Rott, en fin d'acte, à faire l'aveu de sa
foi. M. Schœnherr paraît s'être rendu compte
de ce défaut dans la contexture psychologique
de son drame. Aussi, pour imposer au spec-
tateur ce dénouement imprévu, il a eu recours
au moyen facile du coup de théâtre, ou di-
sons mieux, des coups de théâtre successi-
vement l'arrivée du reître, le carnage auquel
il se livre parmi les paysans protestants, et
enfin la mort de la Sandpergerin, une voisine
des Rott, que la valetaille du reître tue pour
lui faire livrer la Bible, qu'elle serre dans ses
bras.
Nous savons bien que ce spectacle agit puis-
samment sur l'esprit de Christophe Rott; nous
doutons pourtant que le timoré que nous a dé-
crit M. Schœnherr dans les premières scènes
soit capable d'un acte de foi qui peut à ce
moment même lui coûter la vie. Toutes les notes
pour la scène par lesquelles M. Schœnherr a
voulu préciser et régulariser le jeu de l'acteur
n'y font rien. Le meilleur artiste ne peut ex-
primer que les sentiments que l'auteur a mis
dans son œuvre. La conversion publique de
Rott reste donc insuffisamment expliquée, En
outre cette fin d'acte a un second défaut par
sa brutalité même, elle agit sur le spectateur
très tranquillement, très doucement, nous lui
disons
« La nuit où, dans votre cabinet, les seize
délégués des gauches (par une procédure parle-
mentaire plus ou moins correcte, mais passe!)
sont venus élaborer le texte dont la Chambre
a adopté, le lendemain, les deux premiers pa-
ragraphes, c'est vous-même qui avez insisté
pour que le quotient électoral fût calculé d'après
le nombre des votants; d'autres voulaient le
calculer d'après le nombre des inscrits, mais
personne encore n'avait eu l'idée de faire une
représentation proportionnelle ou même une
représentation des minorités au hasard, au ra-
bais, à vue de nez. Vous avez bien senti que
c'était le minimum de garanties dont pussent se
contenter les proportionnaJistes; qu'au delà,
tout craquait, tout était rompu. Vous avez exi-
gé le quotient; vous l'avez eu; nous Pavons.
Nous souhaitons, comme M. Combes, que « les
groupes de gauche persistent dans cet accord »;
nous voulons espérer qu'il sera maintenu. As-
surés que les minorités auront leur droit, nous
consentons, même au mépris de la pure or-
thodoxie et au détriment de la pure justice, à
ce que la majorité ait une prime. Chaque fois
que la balance devra pencher en faveur de
quelqu'un, nous acceptons que ce soit en sa
faveur. Nous avons fait ce sacrifice à des crain-
tes qui n'étaient peut-être pas tout à fait sans
forr'-eTnents, à des arguments qui ne sont pas
tout à fait sans fonce. Nous l'avons fait, nous le
faisons à la nécessité d'aboutir. Et nous en
avons fait encore d'autres, que vous connais-
sez l'apparentement, le panachage, le cumu-
latif. Mais si ce n'est pas le seul, c'est le der-
nier. Si vous vous prêtez :à ce qu'on nous re-
prenne, au vote sur l'ensemble, ce minimum
de garantie qu'est le quotient électoral, si, vous,
le 'permettez, il n'y a plus ni représentation pro-
portionnellei ni représentation des minorités';
il n'y en a plus l'ombre, il n'y a que traie et du-
perie.
« Seulement, nous ne serons pas les du-
pes. Et nos adversaires no sont pas les maî-
tres. Si vous ne faisiez ni R. P. ni R. M., com-
ment iriez-vous aux élections de 1914? Avec
le scrutin d'arrondissement? M. Combes et vous,
l'avez déclaré « déconsidéré ». Avec le scru-
tin de liste pur et simple? M. Combes et vous,
le savez « impossible ». Bon gré, mal gré, on
fera, par conséquent, la R. P. ou du moins la
R. M. Mais l'une ou l'autre, si vous ne voulez
pas la faire sans la majorité rapublrcaine, vous
ne pouvez pas la faire sans la majorité pro-
portionnaliste, qui ne veut pas la faire sans
le quotient, parce qu'elle ne veut pas laisser
tourner en une entreprise de flibusterie élec-
torale ce qu'elle a présenté comme une œuvre
de justice.
» Maintenant que vous avez remercié M.
Combes, nous vous renvoyons avec un sou-
rire le mot de M. Clemenceau Monsieur le.
président du conseil, nous vous attendons. »
Charles Benoist.
^1»
E MARGE
Les fêtes que l'on prépare pour le centenaire "de
Franz Liszt consacreront un genre de gloire qui ne
se recommencera plus. Au lendemain de la mort
c.e Pag'anini, .Liszt écrivait « L'artiste-roi est-il
encore possible? Je n'hésite pas le dire, une ap-
parition analogue à celle de Paganini ne saurait
se renouveler. La combinaison singulière d'un ta-
lent colossal avec toutes les circonstances les plus
propres à l'entourer de prestige restera comme un
fait isolé dans l'histoire de l'art; »' Songeait-il déjà
à rendre possible une fois de plus cette incarnation
miraculeuse? 11 a été en effet le second et dernier
exemplaire d'une espèce désormais disparue. Nul
ne pourrait de nos jours porter sans fléchir un pa-
reil fardeau de génie, de ridicule et de bonheur.
Les défauts de Liszt lui étaient aussi essentiels que
ses vertus. Avec le recul, on s'aperçoit que chez ce
diable d'homme c'est le bien qui l'emportait de
beaucoup. Peut-être fut-il de tous les mortels le
plus ingénument vaniteux; le moyen de faire au-
trement lorsqu'on a été, dès l'âge de douze ans, ins-
tallé dans l'apothéose? Mais cette vanité s'accom-
modait au besoin d'une humilité incomparable; on
sait avec quel noble zèle et quelle héroïque abné-
gation Liszt servit la mémoire de Beethoven et
couva le génie de Wagner. Et voilà encore quelque
chose que l'on ne reverra plus un homme qui
était adulé, et donjuanesque, et hongrois, et pia-
niste, et qui se jugeait peu de chose auprès de son
plus intime ami. Sous les oripeaux de parade se
cachait une modestie magnanime, et de toutes les
richesses de cette nature opulente, la plus pré-
cieuse fut la puissance d'admirer.
Et puis, qu'il a donc été merveilleusement amu-
sant, ce grand gosse sublime qui vibrait docilement
comme un dénouement définitif du drame, et
le public se trouve sans doute" fort surpris
d'être encore dans la salle au second acte. Ce
second acte est à notre gré beaucoup trop
long; l'intérêt y languit. Toute l'action tourne
autour du personnage du vieux Rott. La con-
version publique de son fils l'a rendu inquiet.
Va-t-on le forcer à quitter le sol natal comme
son fils Christophe, qui au moins pourra fon-
der un nouveau foyer à l'étranger, vivre heu-
reux avec sa compagne, la Rottin, et son en-
fant Spatz? Lui, qui n'a plus longtemps à vi-
vre, mourra au premier détour de la route et
on le couchera dans la terre à côté d'inconnus.
Il ne peut se résigner à ce sort; il continue-
ra à s'affirmer pieux catholique, à mentir à
sa conscience; il renverra ses deux fils; il re-
fusera même le gîte sous son toit à son. mal-
heureux enfant Pierre, un des convertis luthé-
riens chassé déjà du pays et que l'amour du
sol natal ramène au village. Il n'a pas un geste
de pitié, pas un cri d'amour paternel lorsque
les soldats chassent brutalement le pauvre hè-
re. Le vieux Rott se réserve toutefois, lors-
qu'il sentira la mort l'étreindre, de confesser
sa religion et sa vraie foi. Cette casuistique
du vieillard, ces restrictions mentales, sont fort
déplaisantes. M. Schœnherr y a trop lourde-
ment insisté; il a trop enlaidi moralement le
personnage du vieux Rott, dont l'amour du sol
natal n'excuse pas une pusillanimité sénile,
qui le rend odieux au public. Son sort tragi-
que ne nous émeut pas; nous éprouvons à
peine pour lui de la pitié cet égoïsme du
vieux Rott nous blesse. M. Schœnherr, dont les
sympathies pour son personnage paraissent
augmenter à mesuré qu'elles diminuent chez
le public, s'est avisé tout de même, en lin d'acte,
d'apaiser le courroux moral des spectateurs par
un beau geste du vieillard. S'il eût fallu sans
doute donner une explication psychologique de
ce beau geste, la tâche de M. Schœnherr n'eût
peut-être pas été facile, Il s'est servi d'un
moyen plus simple. Le reitre, qui a bien l'air
dans la pièce d'un simple deus ex machina, a
encore une fois tiré l'auteur d'embarras. Le
meurtre de la Sandpergerin avait provo-
qué la confession de Christophe Rott
la décision du reître de faire jeter, après
leur mort, les corps des hérétiques au
charnier, provoque celle du vieux Rott
« Un Rott au charnier, s'écrie-t-il, le vieux
Rott à côté d'un chien crevé Chevalier, j'en
suis un aussi, moi, un chrétien évangéîi-
que » La scène ne manque pas de pathétique.
C'est un coup de théâtre habilement amené.
L'habileté encore une fois .ici remplace chez
M. Schœnherr le talent. Le troisième acte est
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.26%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 76.26%.
- Collections numériques similaires Paulmy Antoine René de Voyer d'Argenson marquis de Paulmy Antoine René de Voyer d'Argenson marquis de /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Paulmy Antoine René de Voyer d'Argenson marquis de" or dc.contributor adj "Paulmy Antoine René de Voyer d'Argenson marquis de")
- Auteurs similaires Nefftzer Auguste Nefftzer Auguste /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Nefftzer Auguste" or dc.contributor adj "Nefftzer Auguste")Hébrard Adrien Hébrard Adrien /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Hébrard Adrien" or dc.contributor adj "Hébrard Adrien")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k2405845/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k2405845/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k2405845/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k2405845/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k2405845
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k2405845
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k2405845/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest