Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-08-22
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 août 1911 22 août 1911
Description : 1911/08/22 (Numéro 18313). 1911/08/22 (Numéro 18313).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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CINQUANTE ET UNIEME ANNEE– N« 18313
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LA FIÈVRE aphteuse, docteur E. Doyen. LES
négociations .ehanco-allemandes. APRÈS LA
GRÈVE ANGLAISE. NOUVELLES DE l'étranger.
LA DÉLIMITATION DE LA frontière: du Sud-Came-
ROUN ET LA MISSION COTTES (AVÉC CARTE). LES
BONS D'IMPORTATION EN ALLEMAGNE, René Mo-
reux.
Page S
NOTES ET SOUVENIRS TOQUADES PARISIENNES,
Georges Cain. LA MUSIQUE RICHARD Wagner,
Pierre Lalo.
Page 4
HISTOIRES DE PARTOUT L'étrange aventure
D'ALFRED LAND, T. de ,Wyz§wa. LECTURES
françaises UNE GRANDE VILLE D'EAUX AU DIX-
SEPTIÈME siècle, François Ponsard. Au JOUR
LE JOUR LES JEUNES ET LES VIEUX BOUCHONNIERS.
FAITS DIVERS LES EMBELLISSEMENTS DE LA
BUTTE Montmartre. LE DÉMÉNAGEMENT DES
BOIS DE JUSTICE.'
Page 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
SPORT. BOURSE.
Page s
OUVERTURE DE LA SESSION DES CONSEILS généraux.
UN VOYAGE DE M. PAMS DANS L'ISÈRE. LES
INCENDIES DE BUREAUX DE POSTE. LES troubles
DANS LES COMMUNICATIONS téléphoniques. UNE
EXPLOSION A Chalais-Meudon; DEUX MORTS.
Paris, 21 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
̃“ PENDANT L'ENTR'ACTE
Tout ce qui s'est passé depuis quinze jours
prouve combien le Temps avait raison, lors-
qu'il écrivait le 9 août « L'entente n'est pas
faite. On ne sait ni si elle se fera, ni quand. »
Depuis lors, les notes optimistes ont fait place
aux notes inquiètes. On a parlé de recul. On
a parlé d'arrêt. Cet arrêt, nous y sommes. M.
de Kiderlen est parti à la campagne. M. Jules
Cambon arrivera ce soir à Paris. On annonce
que ces messieurs 'se retrouveront le 28 août
et recommenceront à causer. Nous en accep-
tons l'augure.
On nous pardonnera toutefois d'ajouter que
si cette conversation doit ressemblelr à celle
qui se poursuit depuis le 1er juillet, nous n'en
attendons pas grand'chose. Les interlocuteurs
se sont rencontrés à larges intervalles, sans
rien confier au public de leur dialogue inter-
mittent. Mais la récente conversation n'a pas
justifié, par la rapidité du résultat, le mys-
tère dont elle s'est enveloppée. Nous nous per-
mettons donc de penser qu'on pounrait avec
profit changer' de système. Le Times a parlé
d'ouvrir les fenêtres et d'aérer. Ce sont les
termes mêmes qui nous viennent à l'esprit.
Cette « aération » est d'autant plus néces-
saire qu'entre le point de vue allemand et le
point de vue français nous discernons l'un de
ces abîmes d'obscurité psychologique que la di-
plomatie a peine à franchir quand la presse ne
les éclaire point. Cette difficultés d'ordre moral
a, selon nous, l'origine suivante.
L'Allemagne prétend nous offrir quelque
chose de très gros en nous proposant de nous
laisser au Maroc liberté complète et définitive.
L'Allemagne, ce disant, est sans doute de
bonne foi. Mais elle néglige deux ordres de
considérations qui ne permettent pas à l'opinion
française, de partager actuellement son senti-
ment.
i° Ce qu'elle nous propose, c'est un protocole
de désintéressement. Si cette offre se produi-
sait à l'état de virginité, elle ferait en France
impression. Mais ce n'est pas le 'cas. Nous
avons déjà. en poche un traité de 1909. qui a été
compris chez nous comme on désire que nous
comprenions le prochain traité. Les promesses
de l'Allemagne perdent, de ce fait, de leur
fraîcheur. Elles sont déflorées. Elles laissent
notre public sceptique.'Il serait donc essen-
tiel, si l'on veut nous convaincre, d'établir net-
tement que ce qu'on nous promet aujourd'hui
aura une tout autre valeur que ce qu'on nous
a promis, il y a deux ans. C'est là le point
capital. Or que voyons-nous?
2° Nous voyons précisément du côté alle-
mand tout le contraire. de ce qu'il faudrait pour
persuader le public français. Au lieu de pré-
ciser l'importance de ce qu'on nous of fre, on
se borne à déprécier la valeur de ce qu'on
nous demande. Nous avons lu avec grand soin
les journaux allemands. Ils parlent du Congo,
des cessions territoriales que la France doit con-
sentir si elle veut traiter. Aucun d'entre eux
n'a suggéré une formule, positive marquant net-
tement les changements dont, d'après l'Alle-
magne, la France bénéficiera au Maroc. Tout le
monde dit « Le gouvernement allemand sera
très large. » Mais l'opinion allemande dont
FEUILLETON OU (HXÎttpS
DU il AOUT 1911 ui>
LA LOUVE
LIVRE CINQUIÈME
LA PROIE (SUITE)
Virginio Colonna, à présent, chevauchait vers
la porte Capène. Il recueillait sur son pas-
sage les saluts du peuple ,et des patriciens qui
honoraient en lui le plus illustre sang de Rome.
Quelques-uns seulement, craignant les rapports
des gens de police dissimulés partout, s'abste-
naient de tout hommage envers le prince que
les rigueurs pontificales avaient atteint à plu-
sieurs reprises. Il allait, indifférent à la cour-
toisie des uns et à la lâcheté des autres. Parfois,
cependant, il tressaillait, lorsqu'une remarque
proférée par quelqu'un d'une voix mal étouf-
fée l'avertissait que son dernier malheur n'é-
tait plus secret. Rome savait maintenant, de-
puis plus longtemps que lui peut-être, le dés-
honneur infligé à la race des Colonna. Ainsi
l'avait vouiu César lui-même, afin que le bruit
suscité autour de sa plus récente folie lui per-
mît de travailler tranquillement à son ef-
froyable projet.
Cependant Rome était toute tumultueuse de
bruit et de fêtes. Le pape avait prorogé bien au
delà des limites ordinaires la durée du jubilé,
afin que la ville profitât plus longtemps du con-
cours des étrangers qui venaient y perdre leur
argent, tout en gagnant les indulgences. Les
réjouissances étaient continuelles au Campo
di Fiore, courses des juifs, des jeunes gens et
des vieillards courses de chevaux, genêts, bar-
bes, pouliches, au mont Testaccio; courses d'â-
Beproduction interdite.
on nous parle si souvent? Cette opinion, si dé-
fiante, si ombrageuse, si exigeante au dire de
M. de Kiderlen, pourquoi ne J'oriente-t-on pas
dans le sens d'un accord catégorique, qui donne
à la France dans l'empire chérifien toutes sa-
tisfactions.sans équivoque possible?
Voilà la secondé difficulté. Elle se lie étroi-
tement à la première. Tant que l'une et l'autre
ne seront pas résolues, tant que la France ne
saura pas exactement, sûrement ce qui lui est
offert, elle restera sur ses gardes et craindra
un. malentendu pareil à celui de 1909. Elle
n'a pas cédé à la tentation des représailles.
Elle n'a pas envoyé de bateau à Agadir. Elle
n'a pas réclamé le retrait du Berlin. Elle n'a
pas convié l'Europe à une conférence immé-
diate, car d'une part elle sait qu'aucun de ces
trois recours ne lui est fermé pour l'avenir, et
d'autre part elle voulait que nul ne pût douter
de son esprit de conciliation. Mais elle tient
à ne pas faire un marché de dupes.
Or actuellement le débat fait songer à un
tel marché. On discute âprement sur te prix
à payer, mais sans fixer d'abord la valeur de
la marchandise vendue. Est-ce l'effet du hasard?
Non, sans doute. Car il n'est fias aisé pour
l'Allemagne, après sa politique des six der-
nières années, de rédiger clairement ce
qu'elle nous offre au Maroc. Quand ce papier
sera noir sur blanc, il y aura bien des gens
à Berlin qui le dénonceront comme un Bla-
magç, de nature à discréditer la diplomatie
impériale, brûlant en 1911 tout ce qu'elle ado-
rait en 1905. Mais c'est précisément pour cela
que la France, non seulement le. gouvernement,
mais le public, réclame des précisions. Plus
ces précisions sont pour l'Allemagne difficiles
à fournir, plus elles sont pour nous néces-
saires à obtenir. C'est un point sur lequel on
ne saurait trop insister.
Que ce point soit réglé publiquement, dé-
finitivement, et l'on pourra parler du prix qu'on
nous demande. Ce prix, l'Allemagne l'a fixé très
haut au début. Elle le fixait trop haut encore
dans les derniers entretiens, puisqu'elle ces-
sait de nous consentir certains avantages ter-
ritoriaux d'abord annoncés et qui nous sem-
blent indispensables. Dans le détail de ce mar-
chandage nous n'entrons pas, et le gouverne-
ment, à notre avis, ne devrait pas entrer non
plus, tant que le problème marocain ne sera
pas complètement vidé. On nous dit « Si vous
avez le Maroc, si vous réussissez à parfaire
ainsi votre empire nord-africain, ayez le geste
large. Ne chicanez pas sur le pourboire. »
D'accord. Mais un Trinkgeld, réclamé au nom
du Faustrecht, s'appellerait un chantage. Et
une grande puissance ne peut se prêter à ce
jeu sans grever son avenir d'une ruineuse
hypothèque.
Que M. de Kiderlen y songe. Il n'y a pas
de gouvernement français qui puisse faire
accepter au pays, surtout au profit de l'Al-
lemagne, une cession territoriale de plusieurs
millions d'hectares, si le pays n'est pas d'a-
bord profondément convaincu que cette ces-
sion est le prix d'un contrat équitable. Si le
gouvernement allemand eût évité la faute
d'envoyer un bateau à Agadir, il eût trouvé la
France plus libre d'esprit. Sa manifestation
navale a mêlé à une question d'affaires une
question de dignité. Le gouvernement fran-
çais ne les dissociera pas. Le pourboire, puis-
que pourboire il -y a mais quelle étrange'
façon de concevoir les rapports de deux grands
peuples! ne dépassera pas le point où son
chiffre serait un aveu de faiblesse. Nous paye-
rons ce que l'Allemagne nous donnera, quand
nous saurons clairement ce qu'elle nous
donne.
En résumé, si l'on veut que la conversa-
tion reprenne utilement, il faut mettre l'opi-
nion en mesure d'apprécier, sans incertitude,
sans équivoque, les avantages en échange des-
quels un sacrifice est demandé à la France. On
a négligé de le faire jusqu'ici par égard pour
l'Allemagne qui désirait le secret. L'immense
majorité du peuple français et du peuple al-
lemand sincèrement désireux d'un accord ho-
norable et durable, a le droit de réclamer la lu-
mière. La diplomatie n'a point mérité, par son
œuvre passée dans l'affaire marocaine, un blanc-
seing de confiance. Qu'elle accepte désormais
la collaboration du bon sens public.
DEPECHES TELEGRAPHIQUES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU geilipg
Athènes, 21 août.
D'après une information puisée aux meilleures
sources, il se confirme que le roi et la reine d'An-
gleterre, à l'occasion de leur voyage dans l'Inde,
passeront par Athènes où ils seront pendant plu-
sieurs jours les hôtes du roi Georges. p p
Rome, 21 août.
Hier dimanche le pape devait sortir dans les jar-
dins du Vatican tout avait été préparé à cette in-
tention, mais le temps incertain a fait ajourner ce
projet. Le pape est toutefois resté levé la plus
grande partie de la journée et il a travaillé.
nes et de buffles sur la place Saint-Pierre;
mascarades sur la place Navone; fêtes des tau-
reaux et des pores qui commémoraient, dans
la Rome catholique,les suovelaurilia de la Rome
païenne. Le carnaval semblait durer toute l'an-
née, d'autant plus que la multitude des costu-
mes différents qui chatoyaient dans les rues
donnait l'idée d'une cité folle, dont les habitants
se seraient travestis en toutes guises. Les taver-
niers et les prêtresses de Vénus y trouvaient
leur compte; aussi les boutiquiers et les chan-
geurs, grâce à l'ignorance où étaient ces fores-
lien du prix des choses et de la valeur des mon-
naies. La plus forte aubaine était cependant
pour l'Eglise aussi deux écuyers en armes
montaient la garde auprès du tronc aux aumô-
nes, dans chacune des quatre basiliques majeu-
res que les pèlerins visitaient nuit et jour.
Le gendre de Sa Sainteté, Alphonse d'Aragon,
duc de Bisceglie et prince de Salerne, donnait
natùrellement l'exemple de cette pieuse assi-
duité. Un soir, vers onze heures, il sortait du
Vatican et se dirigeait vers la basilique de
Saint-Pierre; au moment où il mettait le pied
sur la première marche de l'escalier, un groupe
d'inconnus se jetèrent sur lui.Circonvenu,appré-
hendé, terrasse, il recevait aussitôt trois grièves,
hlessures, à la tête, au br,as droit et à la cuisse.
Puis les sicaires, ,1e laissant pour moft, s'en-
fuyaient à toutes jambes; une quarantaine de
cavaliers, postés à peu de distance, les entou-
raient pour les protéger, et les escortant ainsi,
les conduisaient jusqu'à la porta Pertusa. L'af-
faire avait été merveilleusement combinée, et
pour la mener à bien, en pleine cité léonine, à
deux pas du Vatican, il avait fallu tout l'énergi-
que savoir-faire du Micheletto, aiguillonné par
le désir de complaire à son maître et de ne
pas retourner au château Saint-Ange.
Cependant, le prétendu cadavre étendu sur
les degrés de Saint-Pierre s'était soulevé à
demi s'appuyant sur le bras gauche qui n'a-
vait pas été troué par les poignards, Alphonse
d'Aragon parvint à se mettre à genoux, regarda
autour de lui il n'y avait plus personne. La
porte devant laquelle il était tombé était préci-
sément en face de celle qui ouvrait sur les ap-
partements privés du pape il s'agissait d'arri-
ver jusque-là. Il réunit dans son désir de vivre,
tout ce qui lui restait de forces. Rampant, se
traînant, ramant de son bras valide qu'il éten-
dait devant lui pour s'agripper à l'arête d'un.
Christiania, 21 aojCtt.
Le président du conseil a déclaré au Storthing que
les grandes manœuvres, qui doivent commencer
cette semaine, n'auront pas lieu, à moins que des
pluies ne permettent d'assurer l'approvisionnement
d'eau des troupes, impossible en ce moment par
suite de'la sécheresse prolongée.
Soûa, 21 août.
Le bruit court que le prince héritier Boris se
fiancerait prochainement avec la prinéesse Elisa-
beth de Roumanie, fille du prince Ferdinand. °
Le prince Boris a dix-huit ans, la princesse Eli-
sabeth est plus jeune de huit mois.
Constantinople, 21 août.
Le conseil des ministres a décidé l'envoi d'une
escadre dans les eaux de Crète. L'escadre partira
pour sa destination dans le courant de la semaine.
Tanger, 20 août.
La troisième escadre, avec les escadres de croi-
seurs et de contre-torpilleurs, a passé cet après-
midi le détroit, allant à Oran.
«
LE PRIX DE LA PAIX SOCIALE
Sous la pression du ministère anglais, les
compagnies de chemins de fer et leurs'em-
ployés viennent de signer un accord qui tout
en remettant au lendemain la solution des dif-
ficultés pendantes, rend du moins à nos amis
la liberté de leurs mouvements. Le pays vient
d'échapper à la paralysie, c'est l'essentiel. A
quel prix? Voilà ce qui semble avoir moins
d'importance et ce qu'il convient d'examiner,
ne fût-ce que pour l'exemple.
Les. compagnies persisteront-elles à exiger
demain que les représentants des ouvriers dans
les tribunaux de conciliation soient choisis dans
leur personnel ou accepteront-elles définitive-
ment de converser de façon régulière avec les
mandataires du syndicat comme elles l'ont fait
hier dans une circonstance difficile? Sont-elles
décidées dès aujourd'hui à reconnaître les trade-
unions si le gouvernement le leur demande ?
Autant de points sur lesquels personne n'est
exactement fixé, puisque la bataille juridique
continue. Ici même les journaux syndicalistes
diffèrent d'opinion sur la victoire des ouvriers
anglais. Tandis que l'Humanité proclame la dé-
faite des compagnies, la Bataille syndicaliste
«fait des réserves sur le succès des ouvriers.
En réalité tout repose sur la reconnaissance
du syndicat et rien n'indique explicitement jus-
qu'ici qu'elle soit acquise. Si M. Lloyd George
a pris des engagements à ce sujet, ils ne sont
point évidents, et l'on voit mal d'ailleurs com-
ment il aurait pu le faire, puisqu'il ne dispose
que d'une force morale et qu'il ne peut pas de
sa propre autorité imposer sa décision.
Quoi qu'il en soit, une seule chose est cer-
taine les compagnies obtiennent le droit de
relever leurs "tarifs à bref délai. Ainsi en sera-
t-il toujours dans les batailles économiques. La
fameuse clef du champ de manœuvres social,
c'est la clef de la caisse, mais de la caisse pu-
blique. Les ouvriers se brouillent avec leurs
employeurs, et monsieur Tout-le-Monde paye
les frais de la réconciliation. Il se rattrape
d'ailleurs et ne saurait être l'éternelle victime.
L'augmentation des tarifs de transport entraî-
nera sur-le-champ une élévation du prix de la
vie et particulièrement de la vie élémentaire,
de sorte que les premiers àtteiiits par le ren-
chérissement seront ceux-là mêmes qui l'ail-'
ront provoqué. En fin de compte, par le jeu
des « lois d'airain », il ne revient à chacun
que la rémunération proportionnelle à son ef-
fort.
Mais que dirait-on en France si un gouverne-
ment venait demander aux Chambres l'autori-
sation de modifier en faveur des compagnies
les tarifs des chemins de fer? Les députés se
soulèveraient. Autrefois leur ambition se bor-
nait à accroître les impôts sans élever les char-
ges des contribuables. Aujourd'hui n'est-elle
pas de faire payer davantage les salariés sans
gêner l'industrie et le commerce ? Nos bons
députés recherchent la quadrature du cercle. Il
est vrai qu'ils trouvent des moyens ingénieux.
N'avons-nous pas la garantie d'intérêt ? Quand
l'Etat paye, qui songe à se plaindre ? Par le
temps qui court, l'Etat, ça n'est plus personne.
La question des pourboires
En cette saison de déplacements et villégiatures,
la question des pourboires se pose à l'état aigu
pour des personnes de plus en plus nombreuses
puisque le goût des voyages ne cesse de se ré-
pandre. Il faut même qu'il soit singulièrement
fort pour résister à des abus si agaçants et si
onéreux. Le pourboire a pris les proportions d'une
véritable plaie d'Egypte. Pareils à une nuée de
sauterelles, des domestiques de toute espèce s'a-
battent sur l'infortuné voyageur et le tondent de
près. C'est incroyable ce que la division du tra-
vail est pratiquée dans les grands hôtels à confort
moderne. Valet de chambre, femme de chambre,
cireur de bottes, maître d'hôtel, garçon de salle,
pavé, à une saillie du terrain, il avait l'air de
nager dans son sang.
Le frôlement de son corps contre les pierres
faisait un bruit mol et sourd son épée clique-
tait ses gémissements et ses râles montaient,
sinistrement, dans la nuit, comme s'ils étaient
sortis de dessous terre. Un rayon de lune éclaira
brusquement le visage, livide partout où il n'é-
tait pas ensanglanté Alphonse d'Aragon res-
semblait aux fantômes d'assassinés qui revien-
nent éternellement au lieu du crime. Un garde
qui veillait à la porte, se trouvant tout à coup en
face de cette vision, fit un bond en arrière.
Ami, murmura le spectre, ami. aide-
moi. soutiens-moi. Je me meurs.
Le soldat reconnut avec épouvante le gendre
du pape, dans ce blessé lamentable. Il courut à
lui, et de ses deux bras lui entourant le corps, il
l'amena jusqu'au seuil, l'accota contre les mar-
ches. Puis il fut à l'intérieur pour appeler ses
camarades qui somnolaient. Ils arrivèrent;
leurs yeux encore gonflés s'ouvrirent avec ter-
reur sur le spectacle atroce. A peine réveiillés,
ils avaient déjà tout compris, et se souvenant
du duc de Gandia, ils prononçaient en eux-mê-
mes un nom qu'il eût été mortellement dange-
reux d'articuler à voix haute.
Sans perdre un instant, ils saisirent le prince
pour le transporter auprès de Madonna Lu-
crezia, qui se trouvait dans les appartements
du pape. Il poussait de faibles cris blessé à la
fois à la jambe et près de l'épaule, on né pou-
vait le toucher sans le faire souffrir. La mon-
tée de l'escalier fut celle d'un calvaire. Au bruit,
Alexandre et sa filde étaient accourus, ainsi que
le cardinal Monreale leur parent, qui était venu
passer la soirée avec eux. Un cri aigu déchira
l'air, un corps tomba lourdement sur le plan-
cher Madonna Lucrezia s'évanouissait.
Il est mourant, dit le cardinal de Monreale.
Mais peut-être lui sera-t-il possible encore de se
reconnaître avant de paraître devant Dieu.
Il s'approcha du prince, et dévotement pro-
nonça la formule de l'absolution in articulo
mortis.
Alexandre se taisait et gardait les yeux secs.
Du premier coup, sa pensée s'était portée sur
César. Leduc ne lui avait pas déclaré formelle-
ment son projet; il le lui avait laissé pressen-
tir le pontife n'ignorait point combien il im-
portait à l'ambition de son fils que Lucrezia
redevînt libre pour une nouvelle alliance, et à
sa rancune que l'Aragonais expiât sa tiédeur
sommelier, gardiens et gardiennes de vestiaire et
d'autres asiles intimes, portier, garçon d'ascen-
scocher et conducteur d'omnibus, portefaix chargé
des bagages tous les membres de cet imposant
personnel attendent des pourboires et considèrent
qu'ils y ont un droit strict. C'est un impôt qu'on
ne pourrait Refuser de 'payer sans s'exposer aux
plus graves, ennuis^ Toute cette livrée cosmopo-
lite est reliée jpar \une sorte de franc-maçonnerie
les malles et valises sont marquées subrepticement
de signes cabalistiques, révélant aux camarades
des autres hôtels la générosité ou la parcimonie
du touriste. Gare à celui qui n'a pas eu la main
suffisamment large! Sans s'#n douter il emporte
avec lui sa.fiche. Un minutieux et hypocrite sa-
botage empoisonnera désormais ses séjours dans
les auberges et les palaces. Il ferait aussi bien de
rentrer tout de suite chez lui.
Une abonnée du Figaro a écrit à notre confrère
pour proposer un nouveau système, qui ne déli-
vrerait point le client de cette lourde taxe ce
serait folie d'y songer mais qui permettrait de
la solder dans des conditions un peu moins exas-
pérantes. Il est particulièrement pénible, remar-
quait cette dame, de subir au moment du départ
l'assaut de cette bande faussement obséquieuse et
véritablement rapace. On est pris au dépourvu
jamais on n'avait pu supposer qu'ils seraient tant
que cela! On s'aperçoit qu'on n'a pas la monnaie
qu'il faudrait; et puis on n'a pas le loisir d'éva-
luer les services et les mérites respectifs de cha-
cun de ces quémandeurs. Alors, pour s'en débar-
rasser, on opère au petit bonheur une distribution
souvent injuste et toujours ruineuse. Est-ce que
le caissier de l'hôtel ne pourrait pas toucher une
somme globale, en sus de l'addition proprement
dite, pour être ensuite répartie entre' les divers
serviteurs, proportionnellement à.leurs titres hié-
rarchiques et conformément aux nsagos? En som-
me, on acquitterait ce supplément comme on ac-
quitte maintenant le droit des pauvres dans les
théâtres en prenant son billet au bureau de loca-
tion.
L'idée peut sembler pratique à première vue
si l'on y réfléchit, on s'aperçoit qu'elle est très
dangereuse. Savez-vous ce qui arriverait au bout
de très peu de temps ? Les cinq ou-dix pour cent
affectés aux pourboires continueraient de figurer
régulièrement sur les notes d'hôtel et d'être payés
par le voyageur. Mais celui-ci verrait de nouveau
se dresser devant lui l'armée des domestiques es-
comptant visiblement ses libéralités. Dès l'instant
qu'il entrerait dans la comptabilité officielle et ne
serait plus versé de la main à la main, le pour-
boire ne serait plus un pourboire. On aurait l'air
de ne rien donner, et les valets auraient l'air de
ne rien recevoir. La moindre apparence de zèle
leur créerait des titres à une gratification suréro-
gatoire, ajoutée bénévolement au pourboire banal
et enregistré, lequel ne compterait plus du tout
comme gracieuseté, mais ferait partie des gages
acquis d'avance et inscrits au contrat de travail.
Résultat pour avoir essayé de rendre le pour-
boire un peu moins désagréable, on n'aurait réussi
qu'à le payer deux fois. Le régime actuel est indé-
fendable. Mais pour éviter un mal, gardons-nous
de tomber dans un pire.
LE CONTROLE DES DÉPENSES
̃ des chemins de fer de l'Etat
Par décret publié à l'Officiel, il est créé un 1
emploi de « contrôleur des dépenses engagées
à l'administration des chemins de fer de
l'Etat », et M. Courtray, inspecteur des finances,
est nommé à ce poste nouveau, dont on ne peut
dire que ce soit une sinécure. M. Courtray aura
fort à faire s'il veut, comme nous n'en doutons
pas, exercer un contrôle actif et effectif sur les
dépenses auxquelles se livre l'administration des
chemins de fer de l'Etat avec d'autant plus de
générosité et d'insouciance que c'est l'argent
dès; contribuables qui est en jeu. Une série d'in-
cidents viennent de prouver en quel mépris le
réseau de l'Etat, depuis surtoutqu'il a été démesu-
rément grossi du réseau racheté de l'Ouest, tient
les règles les plus impératives de la comptabi-
lité publique, engageant les dépenses sans au-
torisation, mettant le Parlement en face du fait
accompli et dans des conditions telles qu'il n'y
avait qu'à s'incliner.
On oublie vite en France. Et c'est pour cela
qu'il est bon de rappeler la conduite désinvolte
de l'administration du « réseau modèle », lors-
qu'elle voulut, l'an dernier, augmenter de
12 millions les traitements de son personnel,
bien qu'elle n'eût pas d'argent pour cette dé-
pense non autorisée par les Chambres. Sans
s'occuper du Parlement, elle disposa de ces
12 millions qu'elle ne possédait pas, puisqu'elle
né les avait ni inscrits dans son budget, ni de-
mandés sous forme de crédits supplémentai-
res. L'affaire fut révélée par M. Aimond, au
mois de mars 1911, et ce fut un beau scandale
qua/id on apprit que les dépenses avaient été
efjeetûées, sur de simples décisions ministériel-
les des travaux publics, le 1er janvier, le 11 mars,
le ,21 juin et le 28 septembre de l'année précé-
dente. M. Cochery, alors ministre, des finances,
à lé servir, ainsi que l'audace de rivaliser avec
lui de beauté et de mâle prestige. Mais ayant
pardonné à César la mort de Juan son bien-
aimé, il ne pouvait s'irriter gravement contre
lui pour un crime envers un indifférent, et qui
servait avec tant d'efficacité leur politique à
tous deux. Tout au plus estimait-il que son
cher Valentinois abusait un peu du poignard
dans le règlement des affaires de famille; da-
vantage, il craignait quelques complications du
côté de Naples, où l'accident d'un prince royal,
quoique illégitime, soulèverait sans aucun doute
des accusations justifiées. Heureusement, il
pourrait compter sur l'intervention du roi de
France.
.Madonna Lucrezia n'était pas encore revenue
à- elle; la face blanche parmi ses cheveux dont
l%r factice se déroulait, elle gisait sur un fau-
teuil, en face du blessé. Cependant le médecin
du Vatican avait été appelé. Comme il arrivait,
Madonna Lucrezia rouvrit les yeux. Etouffant
ses sanglots, elle le regarda anxieusement exa-
miner les plaies, tâter le pouls du blessé, inter-
roger le souffle haletant de sa poitrine. Quand
U eut achevé, elle s'approcha de lui, et tout
bas
• Il va mourir? demanda-t-elle.
Le médecin ne répondit que par un geste de
dénégation. Puis il se tourna vers les gardes
Demain, quand le prince aura reposé, vous
le transporterez dans la nouvelle tour, au milieu
du jardin; il y respirera plus à l'aise qu'ici.
-fil s'occupa de poser le premier appareil la
princesse l'aidait gauchement, à cause de son
angoisse même.
7- Il n'y a pas de danger probable pour cette
nuit, dit-il. Restez auprès du prince, Madonna,
et s'il le demande, donnez-lui à boire avec mo-
dération. Je ne crains qu'un accès de fièvre à
cause de la blessure à la tête. S'il venait à
'délirer, faites-moi prévenir. Je ne quitterai pas
la chambre voisine.
Il sortit; Alexandre s'était retiré dans ses
appartements privés. Lucrezia resta seule près
de son mari, avec un serviteur. La lampe
qui brûlait sur une haute colonne l'éclai-
rait en plein. La fille d'Alexandre n'avait
pas encore vingt ans.Son visage blanc, épanoui,
aux traits réguliers quoique peu accusés, aux
grands yeux immobiles, au menton arrondi et
fuyant, était encadré par ses cheveux blondis
qui l'enveloppaient comme deux ailes de cha-
_que côté, une longue mèche tordue en spirale
n'avait pas été consulté; quand il fut « averti »,
il n'hésita pas à déclarer que si on lui avait de-
mandé, comme on le devait, son avis, il n'eût
pas hésité à répondre que l'administration des
chemins de fer de l'Etat ne pouvait « légale-
ment » engager ces dépenses avant d'avoir
obtenu les crédits nécessaires. Et M. Klotz,
quand il succéda à M. Cochery, s'éleva à son
tour contre « la violation des principes géné-
raux de notre droit financier et même de notre
droit public »; il protesta contre l'obstination
de l'administration des chemins de fer de l'Etat
à persister, malgré tous les avertissements,
dans « des errements dont elle ne pouvait igno-
rer l'incorrection ». La sanction ne fut pas sé-
vère. Le Sénat, puis la Chambre se bornèrent à
voter une réduction de 10,000 francs, avec cette
signification qu'ils « regrettaient que les crédits
n'eussent pas été demandés avant l'engagement
des dépenses et que certaines décisions eussent
été prises sans le contreseing nécessaire du
ministre des finances ».
La leçon ne profita pas. Moins de quatre mois
après cette aventure, l'administration des che-
mins de fer de l'Etat, décidément incorrigible,
et dédaigneuse du blâme, évidemment insufli-
sant, qui lui avait été infligé, tentait une ré-
cidive.
Nous avons conté la chose ces jours derniers.
Au lendemain même de la séparation des
Chambres, au lendemain par conséquent du
vote du budget, l'administration des chemins.de
fer de l'Etat essaya d'accroître sa dotation de
18 millions, une bagatelle. Pourtant elle n'osa
pas, cette fois, procéder aussi illégalement que
l'an dernier, c'est-à-dire par voie de simple. dé-
cision ministérielle. Elle s'adressa au Conseil
d'Etat, espérant que sa demande serait accueil-
lie sans discussion,, ©t qu'elle serait ainsi cou-
verte contre le reproche d'illégalité ou d'incor-
rection. Mais le Conseil d'Etat ce qui ne sur-
prendra personne fit son devoir. Il examina
de près les allocations supplémentaires et cons-
tata que sur les 18 millions sollicités, 6 seule-
ment pouvaient bénéficier de l'autorisation im-
prudemment escomptée. Les 12 autres s'appli-
quaient manifestement à des dépenses qui pou-
vaient être prévues à l'époque où siégeait le
Parlement; ils auraient par conséquent dû figu-
rer au budget des chemins de fer de l'Etat, afin
d'être soumis au contrôle préalable du Parle-
ment. Autoriser, dans de pareilles conditions,
l'ouverture de crédits qui ne correspondaient
nullement à des besoins imprévus, c'eût été,
pour le Conseil d'Etat, s'associer, par une com-
plaisance fâcheuse, à cette sorte de dissimula-
tion de ses besoins réels, imaginée par l'ad-
ministration des chemins de fer de l'Etat
dans l'établissement de son budget; c'était ou-
trepasser ses pouvoirs et empiéter sur les droits
du Parlement. L'administration des chemins de
fer de l'Etat n'obtint que le tiers de l'allocation
souhaitée. Elle devra demander aux Chambres
les 12 millions refusés par le Conseil d'Etat, et
en justifier, si elle le peut, la nécessité de
l'emploi.
Le budget des chemins de fer de l'Etat dé-
passe, en 1911, un demi-milliard. Il s'élève
exactement, tant en dépenses ordinaires qu'en
dépenses extraordinaires, à 505 millions 571,400
francs 93,165,000 francs pour l'ancien réseau
et 412,406,400 francs pour le réseau racheté. Il
est dès à présent acquis que cette somme
énorme s'augmentera d'au moins 18 millions,
montant des crédits supplémentaires qu'on eut
un instant l'espoir de se voir ouvrir par le Con-
seil d'Etat. C'est sur l'ensemble de ces dépen-
ses que le nouveau contrôleur devra exercer une
surveillance minutieuse.
Sa tâche sera lourde, car il lui faudra lutter
contre des errements et des habitudes déplora-
bles. Il devra faire régner l'ordre là où triom-
phe le désordre. Car on peut appliquer à l'ad-
ministration des chemins de fer de l'Etat et
aussi d'ailleurs à quelques autres administra-
tions publiques (on n'a pas oublié les histoires
extravagantes de l'Imprimerie nationale et du
bureau des Archives, par exemple) ce que
disait M. Poincaré du ministère des affaires
étrangères, dans son rapport sur le budget de
ce département « Il y a régné depuis plusieurs
années un incroyable désordre administratif, et
les règles les plus élémentaires de la comptabi-
lité publique y ont été méconnues avec une per-
sévérance inouïe. » Les pouvoirs conférés au
nouveau contrôleur' sont considérables et pré-
cis. Il doit examiner toutes les propositions
d'engagement « au point de vue de l'imputa-
tion de la dépense, de la disponibilité des cré-
dits, de l'exactitude de l'évaluation, de l'appli-
cation des dispositions d'ordre financier des lois
et règlements, de l'exécution du budget en con-
formité du vote des Chambres »; au cas où les
mesures proposées lui paraîtraient entachées
d'irrégularité, il doit refuser son visa. S'il use
rigoureusement de ses droits, s'il n'autorise au-
cune dépense qui ne soit régulière et pleine-
ment justifiée, s'il parvient à enrayer le gas-
pillage, il pourra compter sur la reconnaissance
des contribuables, qui voient les deniers pu-
blics s'engloutir dans le gouffre de l'Ouest-Etat
et pour quels résultats!
tombait le long des joues, venait caresser la
naissance de la gorge. Un cercle d'or, qui bril-
lait sur la peau neigeuse du front, retenait un
filet constellé de diamants et de perles Ma-
donna Lucrezia ne quittait jamais cette résille,
même lorsqu'elle portait les cheveux épars pour
les laisser sécher après un lavage. Surprise par
la catastrophe, la princesse de Salerne n'avait
point ôté le costume somptueux du jour, in-
commode pour la veillée au chevet du blessé.
Elle avait gardé sa robe de velours noir, aux
manches ouvertes dans les divisions du cor-
sage, on apercevait la chemisette en toile des
Flandres..
La fille du cruel mais joyeux Alexandre, celle
dont l'ambassadeur de Parme disait « Tout son
être respire l'allégresse et le sourire », n'était
plus elle-même, en ce moment. Abattue, anéan-
tie, elle semblait se demander comment elle
avait pu être élue pour ces destinées tragiques,
elle créature de gaieté et de frivolité.
Depuis quelque temps, elle se rendait compte
enfin qu'elle ne vivait point sa propre vie, mais
celle que son père et .son frère lui imposaient.
A onze ans déjà, elle était fiancée avec un jeune
Valencien, don Chérubin de Centelles, et il était
décidé qu'elle passerait son existence en Espa-
gne puis Alexandre, rompant le contrat, la
donnait à un Catalan venu à Naples avec les
Aragons, don Gasparo 'de Procida. >I1 n'était
alors lui-même que cardinal devenu pape, il
estima que le fils d'un simple comte n'était plus
pour sa fille un parti sortable, et manquant une
seconde fois à sa parole, il maria Lucrezia avec
Giovanni Sforza, qui apportait en dot l'alliance
milanaise. Mais bientôt César le faisait repentir
de ce calcul au moment où Milan. abandonnait
la cause de l'Eglise; il lui proposait de tran-
cher le lien matrimonial d'un coup de poi-
gnard le pape acceptait. Ayant appris à
connaître les siens, Lucrezia devina le com-
plot. G.. 1 d G.
Un soir, Giacomino, le camérier de Gio-
vanni, étant près d'elle, voici qu'elle aper-
çoit César, qui traverse la cour du palais.
« Vite, cache-toi derrière cette tapisserie »,
dit-elle à Giacomino. Il obéit. César entre,
prend place à côté d'elle et se met à lui conter
avec grâce les nouvelles de la cour. Entre temps,
il l'informe négligemment que l'ordre est donné
de poignarder Giovanni. Après s'être entretenu
ainsi fraternellement avec elle, il la quitte. Gia-
comino sort de dessous la tapisserie. « As-tu en-
Tribune médicale
LA FIÈVRE APHTEUSE
Au directeur du Temps
Je viens de lire les deux articles de M. Vallée,
professeur à l'Ecole d'Alfort.
M. Vallée, dans son premier article, parle des
recherches de Nocard en 1901. Il parle d'un sérum
et laisse entendre que la production de ce sérum
serait impossible à réaliser. Dans le second article,
il confirme l'impuissance actuelle des moyens mé-
dicaux contre la fièvre aphteuse et conclut que
c'est la police sanitaire seule qu'il faut avoir
recours.
J'ai été l'admirateur et l'ami de son maître, le
professeur Nocard, et dans les dix années qui ont
précédé sa mort, je me suis rendu fréquemment à
son laboratoire, à Alfort, pour lui communiquer
les résultats de mes recherches personnelles et
m'entretenir avec lui de la question intéressante
de la pathologie comparée des maladies infectieu-
ses. Mes débuts en bactériologie remontent à 1881',
c'est-à-dire à trente ans déjà. Depuis plusieurs 's
années, j'ai fait de nombreuses publications sur le
traitement des maladies infectieuses de l'homme
et des animaux. J'ai démontré que par une mé-
thode nouvelle et tout à fait originale, méthode
qui n'a d'analogue dans aucune des méthodes anté-
rieures, j'ai découvert la possibilité d'augmenter
l'immunité naturelle chez l'homme et chez les ani-
maux supérieurs et de les mettre d'un seul coup à
l'abri de la plupart des maladies. J'ai communiqué
le résultat de mes recherches à divers congrès et
aux diverses sociétés savantes. La conspiration du
Silence a été organisée devant moi. Mais dans ce*
temps de progrès, la vérité se fait jour assez vite.
De nombreux médecins ont étudié ma méthode, et
ils se sont rendu compte de l'exactitude de mes af-
firmations. Actuellement, malgré les protestations
de tous les médecins de l'ancienne école, l'emploi
de la mycolysine se généralise avec une rapidité
croissante. Toutes les personnes qui ont employé
la mycolysine savent que par son usage habituel,
ils se mettent complètement à l'abri de l'acné, de la
furonculose, du rhume de cerveau, de l'angine, des
bronchites et des autres maladies des voies respi-
ratoires. Les fidèles de la méthode savent qu'avec
un peu de patience, l'emploi de la mycofysine bu-
vable guérit la diarrhée infantile, l'entérite muco-
membraneuse des adultes, et ce qui est plus extra-
ordinaire la diarrhée de Cochinchine et la dysen-
terie épidémique. Elle arrête l'évolution de la fiè-
vre typhoïde., Le^s deux médications combinées,
buvable et injectable, suppriment toutes les com-
plications des fièvres éruptives. La mycolysine in-
jectable, à son tour, prévient la péritonite post-
opératoire, elle guérit la fièvre puerpérale, l'éry-
sipèle, presque tous les phlegmons, la fièvre de
Malte, jusqu'ici tout à fait incurable, et la ménin-
gite cérébro-spinale. Il paraît que c'est trop pour
les médecins de l'ancienne école, qui deviennent en-
ragés lorsqu'on leur parle de la suppression des
maladies. Le public ne pensera peut-être pas de
même. J'ai annoncé dans les mêmes sociétés sa-
vantes que des colloïdes phagogènes analogues à
ceux de la mycolysine guérissaient aussi la plu-
part des maladies infectieuses des animaux do-
mestiques. Voici plusieurs années déjà que nous
publions comment on pouvait guérir par ma mé-
thode la gourme, la pneumonie et la pasteurellose
du cheval, la maladie du jeune àg% la stomatite
gangréneuse et la pneumonie du chien, et la plu-
part des maladies infectieuses de l'âne, du chat, de
la chèvre et des oiseaux.
L'heure est venue où l'opinion publique, qui a
acclamé les aéroplanes, va se libérer de toutes les
erreurs du paganisme scientifique. Le problème de
la guérison de la fièvre aphteuse était difficile à
résoudre. J'ai parcouru les herbages et les fer-
mes. Il m'a fallu vivre de la vie des hommes des
champs. Mes expériences sont terminées. J'ai re-
cherché les doses qui conviennent aux différentes
espèces animales, suivant l'âge et suivant le poids.
Mes expériences ont été faites avec la rigueur qui
a présidé à toutes mes expériences antérieures.
Mes résultats sont aussi intangibles que ceux de
Pasteur et de Roux. Actuellement j'enseigne la vé-
rité à ceux qui veulent me croire, et je dédaigne les
incrédules. J'ai annoncé que ma méthode avait
pour conséquence la disparition presque coin-.
plète de la plupart des maladies infectieuses de
l'homme et des animaux. Libre aux personnes ar-
riérées de continuer à contracter des maladies.
Toutes celles qui savent déjà les prévenir et les
éviter par ma méthode les entraîneront bientôt
dans un mouvement général où succomberont à la
fois la vieille médecine et la vieille pharmacopée.
J'ai affirmé que la fièvre aphteuse était vaincue
parce que telle est la vérité. J'ai dit que les me-
sures sanitaires avaient vécu
1° Parce qu'elles sont inutiles et inefficaces;
2° Parce que mon liquide immunisant arrête la
maladie en 24 heures dès son apparition.
Ma méthode, comme toutes les méthodes nou-
velles, n'a pas été bien appliquée partout. J'ai dû
vaincre des difficultés matérielles considérables.
Dès que les premiers résultats ont été constatés,
plusieurs vétérinaires qui avaient une grande in-
tendu tout ce qu'il m'a dit ? lui demande Lucre-
zia. Va donc et fais-le savoir à ton maître. »
Giovanni saute sur son cheval turc et galope
vers Pesaro. Il y arrive en vingt-quatre heures,
mais à l'entrée de la ville son cheval tombe
raide mort. Quelque temps après, Alexandre,
n'ayant pu faire assassiner le mari, dissout le
mariage, en obligeant Giovanni à signer lui-
même l'attestation de sa prétendue incapacité.
Lucrezia, qui a pris l'habitude de se soumet-
tre, se résigne à la séparation. Là voilà encore
une fois fiàncée, mariée presque aussitôt à Al-
phonse d'Aragon son époux est un bel adoles-
cent, trop beau puisqu'il excite la jalousie de
César. Lucrezia se met à l'aimer avec toute la
passion dont est capable sa nature, douce, mol-
le, inerte comme son visage dolce ciera. Et
César île fait poignarder. Car elle ne s'y trompe
pas le coup ne peut partir que de sa main,
déjà fratricide.
Ainsi donc, voilà sa destinée être l'appât vi-
vant que son père et son frère jettent à la con-
voitise des princes. Ses amours ne doivent du-
rer que le temps nécessaire à l'évolution d'une
combinaison politique. On lui désigne un hom-
me qu'il lui faut aimer, et dès que son cœur s'y
habitue, on l'en sépare. Ses intrigues conjuga-
les, nouées sans qu'elle y ait consenti, sont bru-
talement tranchées par le crime et la ruse. Mais
cette fois. elle aime de tonte sa pauvre, âme fai-
ble et passive. Et autant qu'elle peut, elle se ré-
volte.
La fièvre que redoutait le médecin se montra
bénigne; don Alphonse reposa cette nuit pres-
que paisiblement. A l'audience du matin, le
pape affecta la plus profonde douleur à propos
de l'attentat; il fit placer des sentinelles aux
portes de l'appartement où l'on soignait le bles-
sé. Entrant dans cette comédie, César publia un
édit défendant quiconque de pénétrer en ar-
mes dans l'a cité léonine, depuis le château
Saint-Ange jusqu'à Saint-Pierre. Le lendemain
et les jours suivants, le prince de Salerne parut
aller un peu mieux; la cour de Naples envoya
un médecin avec la charge de surveiller ce-
lui du pape et de déjouer les tentatives d'empoi-
sonnement par lesquelles on voudrait suppléer
à l'inefficacité des blessures.
Maxime Formont.
(A suivre).
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ROUN ET LA MISSION COTTES (AVÉC CARTE). LES
BONS D'IMPORTATION EN ALLEMAGNE, René Mo-
reux.
Page S
NOTES ET SOUVENIRS TOQUADES PARISIENNES,
Georges Cain. LA MUSIQUE RICHARD Wagner,
Pierre Lalo.
Page 4
HISTOIRES DE PARTOUT L'étrange aventure
D'ALFRED LAND, T. de ,Wyz§wa. LECTURES
françaises UNE GRANDE VILLE D'EAUX AU DIX-
SEPTIÈME siècle, François Ponsard. Au JOUR
LE JOUR LES JEUNES ET LES VIEUX BOUCHONNIERS.
FAITS DIVERS LES EMBELLISSEMENTS DE LA
BUTTE Montmartre. LE DÉMÉNAGEMENT DES
BOIS DE JUSTICE.'
Page 5
TRIBUNAUX. CARNET SCIENTIFIQUE. Théâtres.
SPORT. BOURSE.
Page s
OUVERTURE DE LA SESSION DES CONSEILS généraux.
UN VOYAGE DE M. PAMS DANS L'ISÈRE. LES
INCENDIES DE BUREAUX DE POSTE. LES troubles
DANS LES COMMUNICATIONS téléphoniques. UNE
EXPLOSION A Chalais-Meudon; DEUX MORTS.
Paris, 21 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
̃“ PENDANT L'ENTR'ACTE
Tout ce qui s'est passé depuis quinze jours
prouve combien le Temps avait raison, lors-
qu'il écrivait le 9 août « L'entente n'est pas
faite. On ne sait ni si elle se fera, ni quand. »
Depuis lors, les notes optimistes ont fait place
aux notes inquiètes. On a parlé de recul. On
a parlé d'arrêt. Cet arrêt, nous y sommes. M.
de Kiderlen est parti à la campagne. M. Jules
Cambon arrivera ce soir à Paris. On annonce
que ces messieurs 'se retrouveront le 28 août
et recommenceront à causer. Nous en accep-
tons l'augure.
On nous pardonnera toutefois d'ajouter que
si cette conversation doit ressemblelr à celle
qui se poursuit depuis le 1er juillet, nous n'en
attendons pas grand'chose. Les interlocuteurs
se sont rencontrés à larges intervalles, sans
rien confier au public de leur dialogue inter-
mittent. Mais la récente conversation n'a pas
justifié, par la rapidité du résultat, le mys-
tère dont elle s'est enveloppée. Nous nous per-
mettons donc de penser qu'on pounrait avec
profit changer' de système. Le Times a parlé
d'ouvrir les fenêtres et d'aérer. Ce sont les
termes mêmes qui nous viennent à l'esprit.
Cette « aération » est d'autant plus néces-
saire qu'entre le point de vue allemand et le
point de vue français nous discernons l'un de
ces abîmes d'obscurité psychologique que la di-
plomatie a peine à franchir quand la presse ne
les éclaire point. Cette difficultés d'ordre moral
a, selon nous, l'origine suivante.
L'Allemagne prétend nous offrir quelque
chose de très gros en nous proposant de nous
laisser au Maroc liberté complète et définitive.
L'Allemagne, ce disant, est sans doute de
bonne foi. Mais elle néglige deux ordres de
considérations qui ne permettent pas à l'opinion
française, de partager actuellement son senti-
ment.
i° Ce qu'elle nous propose, c'est un protocole
de désintéressement. Si cette offre se produi-
sait à l'état de virginité, elle ferait en France
impression. Mais ce n'est pas le 'cas. Nous
avons déjà. en poche un traité de 1909. qui a été
compris chez nous comme on désire que nous
comprenions le prochain traité. Les promesses
de l'Allemagne perdent, de ce fait, de leur
fraîcheur. Elles sont déflorées. Elles laissent
notre public sceptique.'Il serait donc essen-
tiel, si l'on veut nous convaincre, d'établir net-
tement que ce qu'on nous promet aujourd'hui
aura une tout autre valeur que ce qu'on nous
a promis, il y a deux ans. C'est là le point
capital. Or que voyons-nous?
2° Nous voyons précisément du côté alle-
mand tout le contraire. de ce qu'il faudrait pour
persuader le public français. Au lieu de pré-
ciser l'importance de ce qu'on nous of fre, on
se borne à déprécier la valeur de ce qu'on
nous demande. Nous avons lu avec grand soin
les journaux allemands. Ils parlent du Congo,
des cessions territoriales que la France doit con-
sentir si elle veut traiter. Aucun d'entre eux
n'a suggéré une formule, positive marquant net-
tement les changements dont, d'après l'Alle-
magne, la France bénéficiera au Maroc. Tout le
monde dit « Le gouvernement allemand sera
très large. » Mais l'opinion allemande dont
FEUILLETON OU (HXÎttpS
DU il AOUT 1911 ui>
LA LOUVE
LIVRE CINQUIÈME
LA PROIE (SUITE)
Virginio Colonna, à présent, chevauchait vers
la porte Capène. Il recueillait sur son pas-
sage les saluts du peuple ,et des patriciens qui
honoraient en lui le plus illustre sang de Rome.
Quelques-uns seulement, craignant les rapports
des gens de police dissimulés partout, s'abste-
naient de tout hommage envers le prince que
les rigueurs pontificales avaient atteint à plu-
sieurs reprises. Il allait, indifférent à la cour-
toisie des uns et à la lâcheté des autres. Parfois,
cependant, il tressaillait, lorsqu'une remarque
proférée par quelqu'un d'une voix mal étouf-
fée l'avertissait que son dernier malheur n'é-
tait plus secret. Rome savait maintenant, de-
puis plus longtemps que lui peut-être, le dés-
honneur infligé à la race des Colonna. Ainsi
l'avait vouiu César lui-même, afin que le bruit
suscité autour de sa plus récente folie lui per-
mît de travailler tranquillement à son ef-
froyable projet.
Cependant Rome était toute tumultueuse de
bruit et de fêtes. Le pape avait prorogé bien au
delà des limites ordinaires la durée du jubilé,
afin que la ville profitât plus longtemps du con-
cours des étrangers qui venaient y perdre leur
argent, tout en gagnant les indulgences. Les
réjouissances étaient continuelles au Campo
di Fiore, courses des juifs, des jeunes gens et
des vieillards courses de chevaux, genêts, bar-
bes, pouliches, au mont Testaccio; courses d'â-
Beproduction interdite.
on nous parle si souvent? Cette opinion, si dé-
fiante, si ombrageuse, si exigeante au dire de
M. de Kiderlen, pourquoi ne J'oriente-t-on pas
dans le sens d'un accord catégorique, qui donne
à la France dans l'empire chérifien toutes sa-
tisfactions.sans équivoque possible?
Voilà la secondé difficulté. Elle se lie étroi-
tement à la première. Tant que l'une et l'autre
ne seront pas résolues, tant que la France ne
saura pas exactement, sûrement ce qui lui est
offert, elle restera sur ses gardes et craindra
un. malentendu pareil à celui de 1909. Elle
n'a pas cédé à la tentation des représailles.
Elle n'a pas envoyé de bateau à Agadir. Elle
n'a pas réclamé le retrait du Berlin. Elle n'a
pas convié l'Europe à une conférence immé-
diate, car d'une part elle sait qu'aucun de ces
trois recours ne lui est fermé pour l'avenir, et
d'autre part elle voulait que nul ne pût douter
de son esprit de conciliation. Mais elle tient
à ne pas faire un marché de dupes.
Or actuellement le débat fait songer à un
tel marché. On discute âprement sur te prix
à payer, mais sans fixer d'abord la valeur de
la marchandise vendue. Est-ce l'effet du hasard?
Non, sans doute. Car il n'est fias aisé pour
l'Allemagne, après sa politique des six der-
nières années, de rédiger clairement ce
qu'elle nous offre au Maroc. Quand ce papier
sera noir sur blanc, il y aura bien des gens
à Berlin qui le dénonceront comme un Bla-
magç, de nature à discréditer la diplomatie
impériale, brûlant en 1911 tout ce qu'elle ado-
rait en 1905. Mais c'est précisément pour cela
que la France, non seulement le. gouvernement,
mais le public, réclame des précisions. Plus
ces précisions sont pour l'Allemagne difficiles
à fournir, plus elles sont pour nous néces-
saires à obtenir. C'est un point sur lequel on
ne saurait trop insister.
Que ce point soit réglé publiquement, dé-
finitivement, et l'on pourra parler du prix qu'on
nous demande. Ce prix, l'Allemagne l'a fixé très
haut au début. Elle le fixait trop haut encore
dans les derniers entretiens, puisqu'elle ces-
sait de nous consentir certains avantages ter-
ritoriaux d'abord annoncés et qui nous sem-
blent indispensables. Dans le détail de ce mar-
chandage nous n'entrons pas, et le gouverne-
ment, à notre avis, ne devrait pas entrer non
plus, tant que le problème marocain ne sera
pas complètement vidé. On nous dit « Si vous
avez le Maroc, si vous réussissez à parfaire
ainsi votre empire nord-africain, ayez le geste
large. Ne chicanez pas sur le pourboire. »
D'accord. Mais un Trinkgeld, réclamé au nom
du Faustrecht, s'appellerait un chantage. Et
une grande puissance ne peut se prêter à ce
jeu sans grever son avenir d'une ruineuse
hypothèque.
Que M. de Kiderlen y songe. Il n'y a pas
de gouvernement français qui puisse faire
accepter au pays, surtout au profit de l'Al-
lemagne, une cession territoriale de plusieurs
millions d'hectares, si le pays n'est pas d'a-
bord profondément convaincu que cette ces-
sion est le prix d'un contrat équitable. Si le
gouvernement allemand eût évité la faute
d'envoyer un bateau à Agadir, il eût trouvé la
France plus libre d'esprit. Sa manifestation
navale a mêlé à une question d'affaires une
question de dignité. Le gouvernement fran-
çais ne les dissociera pas. Le pourboire, puis-
que pourboire il -y a mais quelle étrange'
façon de concevoir les rapports de deux grands
peuples! ne dépassera pas le point où son
chiffre serait un aveu de faiblesse. Nous paye-
rons ce que l'Allemagne nous donnera, quand
nous saurons clairement ce qu'elle nous
donne.
En résumé, si l'on veut que la conversa-
tion reprenne utilement, il faut mettre l'opi-
nion en mesure d'apprécier, sans incertitude,
sans équivoque, les avantages en échange des-
quels un sacrifice est demandé à la France. On
a négligé de le faire jusqu'ici par égard pour
l'Allemagne qui désirait le secret. L'immense
majorité du peuple français et du peuple al-
lemand sincèrement désireux d'un accord ho-
norable et durable, a le droit de réclamer la lu-
mière. La diplomatie n'a point mérité, par son
œuvre passée dans l'affaire marocaine, un blanc-
seing de confiance. Qu'elle accepte désormais
la collaboration du bon sens public.
DEPECHES TELEGRAPHIQUES
DFS CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU geilipg
Athènes, 21 août.
D'après une information puisée aux meilleures
sources, il se confirme que le roi et la reine d'An-
gleterre, à l'occasion de leur voyage dans l'Inde,
passeront par Athènes où ils seront pendant plu-
sieurs jours les hôtes du roi Georges. p p
Rome, 21 août.
Hier dimanche le pape devait sortir dans les jar-
dins du Vatican tout avait été préparé à cette in-
tention, mais le temps incertain a fait ajourner ce
projet. Le pape est toutefois resté levé la plus
grande partie de la journée et il a travaillé.
nes et de buffles sur la place Saint-Pierre;
mascarades sur la place Navone; fêtes des tau-
reaux et des pores qui commémoraient, dans
la Rome catholique,les suovelaurilia de la Rome
païenne. Le carnaval semblait durer toute l'an-
née, d'autant plus que la multitude des costu-
mes différents qui chatoyaient dans les rues
donnait l'idée d'une cité folle, dont les habitants
se seraient travestis en toutes guises. Les taver-
niers et les prêtresses de Vénus y trouvaient
leur compte; aussi les boutiquiers et les chan-
geurs, grâce à l'ignorance où étaient ces fores-
lien du prix des choses et de la valeur des mon-
naies. La plus forte aubaine était cependant
pour l'Eglise aussi deux écuyers en armes
montaient la garde auprès du tronc aux aumô-
nes, dans chacune des quatre basiliques majeu-
res que les pèlerins visitaient nuit et jour.
Le gendre de Sa Sainteté, Alphonse d'Aragon,
duc de Bisceglie et prince de Salerne, donnait
natùrellement l'exemple de cette pieuse assi-
duité. Un soir, vers onze heures, il sortait du
Vatican et se dirigeait vers la basilique de
Saint-Pierre; au moment où il mettait le pied
sur la première marche de l'escalier, un groupe
d'inconnus se jetèrent sur lui.Circonvenu,appré-
hendé, terrasse, il recevait aussitôt trois grièves,
hlessures, à la tête, au br,as droit et à la cuisse.
Puis les sicaires, ,1e laissant pour moft, s'en-
fuyaient à toutes jambes; une quarantaine de
cavaliers, postés à peu de distance, les entou-
raient pour les protéger, et les escortant ainsi,
les conduisaient jusqu'à la porta Pertusa. L'af-
faire avait été merveilleusement combinée, et
pour la mener à bien, en pleine cité léonine, à
deux pas du Vatican, il avait fallu tout l'énergi-
que savoir-faire du Micheletto, aiguillonné par
le désir de complaire à son maître et de ne
pas retourner au château Saint-Ange.
Cependant, le prétendu cadavre étendu sur
les degrés de Saint-Pierre s'était soulevé à
demi s'appuyant sur le bras gauche qui n'a-
vait pas été troué par les poignards, Alphonse
d'Aragon parvint à se mettre à genoux, regarda
autour de lui il n'y avait plus personne. La
porte devant laquelle il était tombé était préci-
sément en face de celle qui ouvrait sur les ap-
partements privés du pape il s'agissait d'arri-
ver jusque-là. Il réunit dans son désir de vivre,
tout ce qui lui restait de forces. Rampant, se
traînant, ramant de son bras valide qu'il éten-
dait devant lui pour s'agripper à l'arête d'un.
Christiania, 21 aojCtt.
Le président du conseil a déclaré au Storthing que
les grandes manœuvres, qui doivent commencer
cette semaine, n'auront pas lieu, à moins que des
pluies ne permettent d'assurer l'approvisionnement
d'eau des troupes, impossible en ce moment par
suite de'la sécheresse prolongée.
Soûa, 21 août.
Le bruit court que le prince héritier Boris se
fiancerait prochainement avec la prinéesse Elisa-
beth de Roumanie, fille du prince Ferdinand. °
Le prince Boris a dix-huit ans, la princesse Eli-
sabeth est plus jeune de huit mois.
Constantinople, 21 août.
Le conseil des ministres a décidé l'envoi d'une
escadre dans les eaux de Crète. L'escadre partira
pour sa destination dans le courant de la semaine.
Tanger, 20 août.
La troisième escadre, avec les escadres de croi-
seurs et de contre-torpilleurs, a passé cet après-
midi le détroit, allant à Oran.
«
LE PRIX DE LA PAIX SOCIALE
Sous la pression du ministère anglais, les
compagnies de chemins de fer et leurs'em-
ployés viennent de signer un accord qui tout
en remettant au lendemain la solution des dif-
ficultés pendantes, rend du moins à nos amis
la liberté de leurs mouvements. Le pays vient
d'échapper à la paralysie, c'est l'essentiel. A
quel prix? Voilà ce qui semble avoir moins
d'importance et ce qu'il convient d'examiner,
ne fût-ce que pour l'exemple.
Les. compagnies persisteront-elles à exiger
demain que les représentants des ouvriers dans
les tribunaux de conciliation soient choisis dans
leur personnel ou accepteront-elles définitive-
ment de converser de façon régulière avec les
mandataires du syndicat comme elles l'ont fait
hier dans une circonstance difficile? Sont-elles
décidées dès aujourd'hui à reconnaître les trade-
unions si le gouvernement le leur demande ?
Autant de points sur lesquels personne n'est
exactement fixé, puisque la bataille juridique
continue. Ici même les journaux syndicalistes
diffèrent d'opinion sur la victoire des ouvriers
anglais. Tandis que l'Humanité proclame la dé-
faite des compagnies, la Bataille syndicaliste
«fait des réserves sur le succès des ouvriers.
En réalité tout repose sur la reconnaissance
du syndicat et rien n'indique explicitement jus-
qu'ici qu'elle soit acquise. Si M. Lloyd George
a pris des engagements à ce sujet, ils ne sont
point évidents, et l'on voit mal d'ailleurs com-
ment il aurait pu le faire, puisqu'il ne dispose
que d'une force morale et qu'il ne peut pas de
sa propre autorité imposer sa décision.
Quoi qu'il en soit, une seule chose est cer-
taine les compagnies obtiennent le droit de
relever leurs "tarifs à bref délai. Ainsi en sera-
t-il toujours dans les batailles économiques. La
fameuse clef du champ de manœuvres social,
c'est la clef de la caisse, mais de la caisse pu-
blique. Les ouvriers se brouillent avec leurs
employeurs, et monsieur Tout-le-Monde paye
les frais de la réconciliation. Il se rattrape
d'ailleurs et ne saurait être l'éternelle victime.
L'augmentation des tarifs de transport entraî-
nera sur-le-champ une élévation du prix de la
vie et particulièrement de la vie élémentaire,
de sorte que les premiers àtteiiits par le ren-
chérissement seront ceux-là mêmes qui l'ail-'
ront provoqué. En fin de compte, par le jeu
des « lois d'airain », il ne revient à chacun
que la rémunération proportionnelle à son ef-
fort.
Mais que dirait-on en France si un gouverne-
ment venait demander aux Chambres l'autori-
sation de modifier en faveur des compagnies
les tarifs des chemins de fer? Les députés se
soulèveraient. Autrefois leur ambition se bor-
nait à accroître les impôts sans élever les char-
ges des contribuables. Aujourd'hui n'est-elle
pas de faire payer davantage les salariés sans
gêner l'industrie et le commerce ? Nos bons
députés recherchent la quadrature du cercle. Il
est vrai qu'ils trouvent des moyens ingénieux.
N'avons-nous pas la garantie d'intérêt ? Quand
l'Etat paye, qui songe à se plaindre ? Par le
temps qui court, l'Etat, ça n'est plus personne.
La question des pourboires
En cette saison de déplacements et villégiatures,
la question des pourboires se pose à l'état aigu
pour des personnes de plus en plus nombreuses
puisque le goût des voyages ne cesse de se ré-
pandre. Il faut même qu'il soit singulièrement
fort pour résister à des abus si agaçants et si
onéreux. Le pourboire a pris les proportions d'une
véritable plaie d'Egypte. Pareils à une nuée de
sauterelles, des domestiques de toute espèce s'a-
battent sur l'infortuné voyageur et le tondent de
près. C'est incroyable ce que la division du tra-
vail est pratiquée dans les grands hôtels à confort
moderne. Valet de chambre, femme de chambre,
cireur de bottes, maître d'hôtel, garçon de salle,
pavé, à une saillie du terrain, il avait l'air de
nager dans son sang.
Le frôlement de son corps contre les pierres
faisait un bruit mol et sourd son épée clique-
tait ses gémissements et ses râles montaient,
sinistrement, dans la nuit, comme s'ils étaient
sortis de dessous terre. Un rayon de lune éclaira
brusquement le visage, livide partout où il n'é-
tait pas ensanglanté Alphonse d'Aragon res-
semblait aux fantômes d'assassinés qui revien-
nent éternellement au lieu du crime. Un garde
qui veillait à la porte, se trouvant tout à coup en
face de cette vision, fit un bond en arrière.
Ami, murmura le spectre, ami. aide-
moi. soutiens-moi. Je me meurs.
Le soldat reconnut avec épouvante le gendre
du pape, dans ce blessé lamentable. Il courut à
lui, et de ses deux bras lui entourant le corps, il
l'amena jusqu'au seuil, l'accota contre les mar-
ches. Puis il fut à l'intérieur pour appeler ses
camarades qui somnolaient. Ils arrivèrent;
leurs yeux encore gonflés s'ouvrirent avec ter-
reur sur le spectacle atroce. A peine réveiillés,
ils avaient déjà tout compris, et se souvenant
du duc de Gandia, ils prononçaient en eux-mê-
mes un nom qu'il eût été mortellement dange-
reux d'articuler à voix haute.
Sans perdre un instant, ils saisirent le prince
pour le transporter auprès de Madonna Lu-
crezia, qui se trouvait dans les appartements
du pape. Il poussait de faibles cris blessé à la
fois à la jambe et près de l'épaule, on né pou-
vait le toucher sans le faire souffrir. La mon-
tée de l'escalier fut celle d'un calvaire. Au bruit,
Alexandre et sa filde étaient accourus, ainsi que
le cardinal Monreale leur parent, qui était venu
passer la soirée avec eux. Un cri aigu déchira
l'air, un corps tomba lourdement sur le plan-
cher Madonna Lucrezia s'évanouissait.
Il est mourant, dit le cardinal de Monreale.
Mais peut-être lui sera-t-il possible encore de se
reconnaître avant de paraître devant Dieu.
Il s'approcha du prince, et dévotement pro-
nonça la formule de l'absolution in articulo
mortis.
Alexandre se taisait et gardait les yeux secs.
Du premier coup, sa pensée s'était portée sur
César. Leduc ne lui avait pas déclaré formelle-
ment son projet; il le lui avait laissé pressen-
tir le pontife n'ignorait point combien il im-
portait à l'ambition de son fils que Lucrezia
redevînt libre pour une nouvelle alliance, et à
sa rancune que l'Aragonais expiât sa tiédeur
sommelier, gardiens et gardiennes de vestiaire et
d'autres asiles intimes, portier, garçon d'ascen-
scocher et conducteur d'omnibus, portefaix chargé
des bagages tous les membres de cet imposant
personnel attendent des pourboires et considèrent
qu'ils y ont un droit strict. C'est un impôt qu'on
ne pourrait Refuser de 'payer sans s'exposer aux
plus graves, ennuis^ Toute cette livrée cosmopo-
lite est reliée jpar \une sorte de franc-maçonnerie
les malles et valises sont marquées subrepticement
de signes cabalistiques, révélant aux camarades
des autres hôtels la générosité ou la parcimonie
du touriste. Gare à celui qui n'a pas eu la main
suffisamment large! Sans s'#n douter il emporte
avec lui sa.fiche. Un minutieux et hypocrite sa-
botage empoisonnera désormais ses séjours dans
les auberges et les palaces. Il ferait aussi bien de
rentrer tout de suite chez lui.
Une abonnée du Figaro a écrit à notre confrère
pour proposer un nouveau système, qui ne déli-
vrerait point le client de cette lourde taxe ce
serait folie d'y songer mais qui permettrait de
la solder dans des conditions un peu moins exas-
pérantes. Il est particulièrement pénible, remar-
quait cette dame, de subir au moment du départ
l'assaut de cette bande faussement obséquieuse et
véritablement rapace. On est pris au dépourvu
jamais on n'avait pu supposer qu'ils seraient tant
que cela! On s'aperçoit qu'on n'a pas la monnaie
qu'il faudrait; et puis on n'a pas le loisir d'éva-
luer les services et les mérites respectifs de cha-
cun de ces quémandeurs. Alors, pour s'en débar-
rasser, on opère au petit bonheur une distribution
souvent injuste et toujours ruineuse. Est-ce que
le caissier de l'hôtel ne pourrait pas toucher une
somme globale, en sus de l'addition proprement
dite, pour être ensuite répartie entre' les divers
serviteurs, proportionnellement à.leurs titres hié-
rarchiques et conformément aux nsagos? En som-
me, on acquitterait ce supplément comme on ac-
quitte maintenant le droit des pauvres dans les
théâtres en prenant son billet au bureau de loca-
tion.
L'idée peut sembler pratique à première vue
si l'on y réfléchit, on s'aperçoit qu'elle est très
dangereuse. Savez-vous ce qui arriverait au bout
de très peu de temps ? Les cinq ou-dix pour cent
affectés aux pourboires continueraient de figurer
régulièrement sur les notes d'hôtel et d'être payés
par le voyageur. Mais celui-ci verrait de nouveau
se dresser devant lui l'armée des domestiques es-
comptant visiblement ses libéralités. Dès l'instant
qu'il entrerait dans la comptabilité officielle et ne
serait plus versé de la main à la main, le pour-
boire ne serait plus un pourboire. On aurait l'air
de ne rien donner, et les valets auraient l'air de
ne rien recevoir. La moindre apparence de zèle
leur créerait des titres à une gratification suréro-
gatoire, ajoutée bénévolement au pourboire banal
et enregistré, lequel ne compterait plus du tout
comme gracieuseté, mais ferait partie des gages
acquis d'avance et inscrits au contrat de travail.
Résultat pour avoir essayé de rendre le pour-
boire un peu moins désagréable, on n'aurait réussi
qu'à le payer deux fois. Le régime actuel est indé-
fendable. Mais pour éviter un mal, gardons-nous
de tomber dans un pire.
LE CONTROLE DES DÉPENSES
̃ des chemins de fer de l'Etat
Par décret publié à l'Officiel, il est créé un 1
emploi de « contrôleur des dépenses engagées
à l'administration des chemins de fer de
l'Etat », et M. Courtray, inspecteur des finances,
est nommé à ce poste nouveau, dont on ne peut
dire que ce soit une sinécure. M. Courtray aura
fort à faire s'il veut, comme nous n'en doutons
pas, exercer un contrôle actif et effectif sur les
dépenses auxquelles se livre l'administration des
chemins de fer de l'Etat avec d'autant plus de
générosité et d'insouciance que c'est l'argent
dès; contribuables qui est en jeu. Une série d'in-
cidents viennent de prouver en quel mépris le
réseau de l'Etat, depuis surtoutqu'il a été démesu-
rément grossi du réseau racheté de l'Ouest, tient
les règles les plus impératives de la comptabi-
lité publique, engageant les dépenses sans au-
torisation, mettant le Parlement en face du fait
accompli et dans des conditions telles qu'il n'y
avait qu'à s'incliner.
On oublie vite en France. Et c'est pour cela
qu'il est bon de rappeler la conduite désinvolte
de l'administration du « réseau modèle », lors-
qu'elle voulut, l'an dernier, augmenter de
12 millions les traitements de son personnel,
bien qu'elle n'eût pas d'argent pour cette dé-
pense non autorisée par les Chambres. Sans
s'occuper du Parlement, elle disposa de ces
12 millions qu'elle ne possédait pas, puisqu'elle
né les avait ni inscrits dans son budget, ni de-
mandés sous forme de crédits supplémentai-
res. L'affaire fut révélée par M. Aimond, au
mois de mars 1911, et ce fut un beau scandale
qua/id on apprit que les dépenses avaient été
efjeetûées, sur de simples décisions ministériel-
les des travaux publics, le 1er janvier, le 11 mars,
le ,21 juin et le 28 septembre de l'année précé-
dente. M. Cochery, alors ministre, des finances,
à lé servir, ainsi que l'audace de rivaliser avec
lui de beauté et de mâle prestige. Mais ayant
pardonné à César la mort de Juan son bien-
aimé, il ne pouvait s'irriter gravement contre
lui pour un crime envers un indifférent, et qui
servait avec tant d'efficacité leur politique à
tous deux. Tout au plus estimait-il que son
cher Valentinois abusait un peu du poignard
dans le règlement des affaires de famille; da-
vantage, il craignait quelques complications du
côté de Naples, où l'accident d'un prince royal,
quoique illégitime, soulèverait sans aucun doute
des accusations justifiées. Heureusement, il
pourrait compter sur l'intervention du roi de
France.
.Madonna Lucrezia n'était pas encore revenue
à- elle; la face blanche parmi ses cheveux dont
l%r factice se déroulait, elle gisait sur un fau-
teuil, en face du blessé. Cependant le médecin
du Vatican avait été appelé. Comme il arrivait,
Madonna Lucrezia rouvrit les yeux. Etouffant
ses sanglots, elle le regarda anxieusement exa-
miner les plaies, tâter le pouls du blessé, inter-
roger le souffle haletant de sa poitrine. Quand
U eut achevé, elle s'approcha de lui, et tout
bas
• Il va mourir? demanda-t-elle.
Le médecin ne répondit que par un geste de
dénégation. Puis il se tourna vers les gardes
Demain, quand le prince aura reposé, vous
le transporterez dans la nouvelle tour, au milieu
du jardin; il y respirera plus à l'aise qu'ici.
-fil s'occupa de poser le premier appareil la
princesse l'aidait gauchement, à cause de son
angoisse même.
7- Il n'y a pas de danger probable pour cette
nuit, dit-il. Restez auprès du prince, Madonna,
et s'il le demande, donnez-lui à boire avec mo-
dération. Je ne crains qu'un accès de fièvre à
cause de la blessure à la tête. S'il venait à
'délirer, faites-moi prévenir. Je ne quitterai pas
la chambre voisine.
Il sortit; Alexandre s'était retiré dans ses
appartements privés. Lucrezia resta seule près
de son mari, avec un serviteur. La lampe
qui brûlait sur une haute colonne l'éclai-
rait en plein. La fille d'Alexandre n'avait
pas encore vingt ans.Son visage blanc, épanoui,
aux traits réguliers quoique peu accusés, aux
grands yeux immobiles, au menton arrondi et
fuyant, était encadré par ses cheveux blondis
qui l'enveloppaient comme deux ailes de cha-
_que côté, une longue mèche tordue en spirale
n'avait pas été consulté; quand il fut « averti »,
il n'hésita pas à déclarer que si on lui avait de-
mandé, comme on le devait, son avis, il n'eût
pas hésité à répondre que l'administration des
chemins de fer de l'Etat ne pouvait « légale-
ment » engager ces dépenses avant d'avoir
obtenu les crédits nécessaires. Et M. Klotz,
quand il succéda à M. Cochery, s'éleva à son
tour contre « la violation des principes géné-
raux de notre droit financier et même de notre
droit public »; il protesta contre l'obstination
de l'administration des chemins de fer de l'Etat
à persister, malgré tous les avertissements,
dans « des errements dont elle ne pouvait igno-
rer l'incorrection ». La sanction ne fut pas sé-
vère. Le Sénat, puis la Chambre se bornèrent à
voter une réduction de 10,000 francs, avec cette
signification qu'ils « regrettaient que les crédits
n'eussent pas été demandés avant l'engagement
des dépenses et que certaines décisions eussent
été prises sans le contreseing nécessaire du
ministre des finances ».
La leçon ne profita pas. Moins de quatre mois
après cette aventure, l'administration des che-
mins de fer de l'Etat, décidément incorrigible,
et dédaigneuse du blâme, évidemment insufli-
sant, qui lui avait été infligé, tentait une ré-
cidive.
Nous avons conté la chose ces jours derniers.
Au lendemain même de la séparation des
Chambres, au lendemain par conséquent du
vote du budget, l'administration des chemins.de
fer de l'Etat essaya d'accroître sa dotation de
18 millions, une bagatelle. Pourtant elle n'osa
pas, cette fois, procéder aussi illégalement que
l'an dernier, c'est-à-dire par voie de simple. dé-
cision ministérielle. Elle s'adressa au Conseil
d'Etat, espérant que sa demande serait accueil-
lie sans discussion,, ©t qu'elle serait ainsi cou-
verte contre le reproche d'illégalité ou d'incor-
rection. Mais le Conseil d'Etat ce qui ne sur-
prendra personne fit son devoir. Il examina
de près les allocations supplémentaires et cons-
tata que sur les 18 millions sollicités, 6 seule-
ment pouvaient bénéficier de l'autorisation im-
prudemment escomptée. Les 12 autres s'appli-
quaient manifestement à des dépenses qui pou-
vaient être prévues à l'époque où siégeait le
Parlement; ils auraient par conséquent dû figu-
rer au budget des chemins de fer de l'Etat, afin
d'être soumis au contrôle préalable du Parle-
ment. Autoriser, dans de pareilles conditions,
l'ouverture de crédits qui ne correspondaient
nullement à des besoins imprévus, c'eût été,
pour le Conseil d'Etat, s'associer, par une com-
plaisance fâcheuse, à cette sorte de dissimula-
tion de ses besoins réels, imaginée par l'ad-
ministration des chemins de fer de l'Etat
dans l'établissement de son budget; c'était ou-
trepasser ses pouvoirs et empiéter sur les droits
du Parlement. L'administration des chemins de
fer de l'Etat n'obtint que le tiers de l'allocation
souhaitée. Elle devra demander aux Chambres
les 12 millions refusés par le Conseil d'Etat, et
en justifier, si elle le peut, la nécessité de
l'emploi.
Le budget des chemins de fer de l'Etat dé-
passe, en 1911, un demi-milliard. Il s'élève
exactement, tant en dépenses ordinaires qu'en
dépenses extraordinaires, à 505 millions 571,400
francs 93,165,000 francs pour l'ancien réseau
et 412,406,400 francs pour le réseau racheté. Il
est dès à présent acquis que cette somme
énorme s'augmentera d'au moins 18 millions,
montant des crédits supplémentaires qu'on eut
un instant l'espoir de se voir ouvrir par le Con-
seil d'Etat. C'est sur l'ensemble de ces dépen-
ses que le nouveau contrôleur devra exercer une
surveillance minutieuse.
Sa tâche sera lourde, car il lui faudra lutter
contre des errements et des habitudes déplora-
bles. Il devra faire régner l'ordre là où triom-
phe le désordre. Car on peut appliquer à l'ad-
ministration des chemins de fer de l'Etat et
aussi d'ailleurs à quelques autres administra-
tions publiques (on n'a pas oublié les histoires
extravagantes de l'Imprimerie nationale et du
bureau des Archives, par exemple) ce que
disait M. Poincaré du ministère des affaires
étrangères, dans son rapport sur le budget de
ce département « Il y a régné depuis plusieurs
années un incroyable désordre administratif, et
les règles les plus élémentaires de la comptabi-
lité publique y ont été méconnues avec une per-
sévérance inouïe. » Les pouvoirs conférés au
nouveau contrôleur' sont considérables et pré-
cis. Il doit examiner toutes les propositions
d'engagement « au point de vue de l'imputa-
tion de la dépense, de la disponibilité des cré-
dits, de l'exactitude de l'évaluation, de l'appli-
cation des dispositions d'ordre financier des lois
et règlements, de l'exécution du budget en con-
formité du vote des Chambres »; au cas où les
mesures proposées lui paraîtraient entachées
d'irrégularité, il doit refuser son visa. S'il use
rigoureusement de ses droits, s'il n'autorise au-
cune dépense qui ne soit régulière et pleine-
ment justifiée, s'il parvient à enrayer le gas-
pillage, il pourra compter sur la reconnaissance
des contribuables, qui voient les deniers pu-
blics s'engloutir dans le gouffre de l'Ouest-Etat
et pour quels résultats!
tombait le long des joues, venait caresser la
naissance de la gorge. Un cercle d'or, qui bril-
lait sur la peau neigeuse du front, retenait un
filet constellé de diamants et de perles Ma-
donna Lucrezia ne quittait jamais cette résille,
même lorsqu'elle portait les cheveux épars pour
les laisser sécher après un lavage. Surprise par
la catastrophe, la princesse de Salerne n'avait
point ôté le costume somptueux du jour, in-
commode pour la veillée au chevet du blessé.
Elle avait gardé sa robe de velours noir, aux
manches ouvertes dans les divisions du cor-
sage, on apercevait la chemisette en toile des
Flandres..
La fille du cruel mais joyeux Alexandre, celle
dont l'ambassadeur de Parme disait « Tout son
être respire l'allégresse et le sourire », n'était
plus elle-même, en ce moment. Abattue, anéan-
tie, elle semblait se demander comment elle
avait pu être élue pour ces destinées tragiques,
elle créature de gaieté et de frivolité.
Depuis quelque temps, elle se rendait compte
enfin qu'elle ne vivait point sa propre vie, mais
celle que son père et .son frère lui imposaient.
A onze ans déjà, elle était fiancée avec un jeune
Valencien, don Chérubin de Centelles, et il était
décidé qu'elle passerait son existence en Espa-
gne puis Alexandre, rompant le contrat, la
donnait à un Catalan venu à Naples avec les
Aragons, don Gasparo 'de Procida. >I1 n'était
alors lui-même que cardinal devenu pape, il
estima que le fils d'un simple comte n'était plus
pour sa fille un parti sortable, et manquant une
seconde fois à sa parole, il maria Lucrezia avec
Giovanni Sforza, qui apportait en dot l'alliance
milanaise. Mais bientôt César le faisait repentir
de ce calcul au moment où Milan. abandonnait
la cause de l'Eglise; il lui proposait de tran-
cher le lien matrimonial d'un coup de poi-
gnard le pape acceptait. Ayant appris à
connaître les siens, Lucrezia devina le com-
plot. G.. 1 d G.
Un soir, Giacomino, le camérier de Gio-
vanni, étant près d'elle, voici qu'elle aper-
çoit César, qui traverse la cour du palais.
« Vite, cache-toi derrière cette tapisserie »,
dit-elle à Giacomino. Il obéit. César entre,
prend place à côté d'elle et se met à lui conter
avec grâce les nouvelles de la cour. Entre temps,
il l'informe négligemment que l'ordre est donné
de poignarder Giovanni. Après s'être entretenu
ainsi fraternellement avec elle, il la quitte. Gia-
comino sort de dessous la tapisserie. « As-tu en-
Tribune médicale
LA FIÈVRE APHTEUSE
Au directeur du Temps
Je viens de lire les deux articles de M. Vallée,
professeur à l'Ecole d'Alfort.
M. Vallée, dans son premier article, parle des
recherches de Nocard en 1901. Il parle d'un sérum
et laisse entendre que la production de ce sérum
serait impossible à réaliser. Dans le second article,
il confirme l'impuissance actuelle des moyens mé-
dicaux contre la fièvre aphteuse et conclut que
c'est la police sanitaire seule qu'il faut avoir
recours.
J'ai été l'admirateur et l'ami de son maître, le
professeur Nocard, et dans les dix années qui ont
précédé sa mort, je me suis rendu fréquemment à
son laboratoire, à Alfort, pour lui communiquer
les résultats de mes recherches personnelles et
m'entretenir avec lui de la question intéressante
de la pathologie comparée des maladies infectieu-
ses. Mes débuts en bactériologie remontent à 1881',
c'est-à-dire à trente ans déjà. Depuis plusieurs 's
années, j'ai fait de nombreuses publications sur le
traitement des maladies infectieuses de l'homme
et des animaux. J'ai démontré que par une mé-
thode nouvelle et tout à fait originale, méthode
qui n'a d'analogue dans aucune des méthodes anté-
rieures, j'ai découvert la possibilité d'augmenter
l'immunité naturelle chez l'homme et chez les ani-
maux supérieurs et de les mettre d'un seul coup à
l'abri de la plupart des maladies. J'ai communiqué
le résultat de mes recherches à divers congrès et
aux diverses sociétés savantes. La conspiration du
Silence a été organisée devant moi. Mais dans ce*
temps de progrès, la vérité se fait jour assez vite.
De nombreux médecins ont étudié ma méthode, et
ils se sont rendu compte de l'exactitude de mes af-
firmations. Actuellement, malgré les protestations
de tous les médecins de l'ancienne école, l'emploi
de la mycolysine se généralise avec une rapidité
croissante. Toutes les personnes qui ont employé
la mycolysine savent que par son usage habituel,
ils se mettent complètement à l'abri de l'acné, de la
furonculose, du rhume de cerveau, de l'angine, des
bronchites et des autres maladies des voies respi-
ratoires. Les fidèles de la méthode savent qu'avec
un peu de patience, l'emploi de la mycofysine bu-
vable guérit la diarrhée infantile, l'entérite muco-
membraneuse des adultes, et ce qui est plus extra-
ordinaire la diarrhée de Cochinchine et la dysen-
terie épidémique. Elle arrête l'évolution de la fiè-
vre typhoïde., Le^s deux médications combinées,
buvable et injectable, suppriment toutes les com-
plications des fièvres éruptives. La mycolysine in-
jectable, à son tour, prévient la péritonite post-
opératoire, elle guérit la fièvre puerpérale, l'éry-
sipèle, presque tous les phlegmons, la fièvre de
Malte, jusqu'ici tout à fait incurable, et la ménin-
gite cérébro-spinale. Il paraît que c'est trop pour
les médecins de l'ancienne école, qui deviennent en-
ragés lorsqu'on leur parle de la suppression des
maladies. Le public ne pensera peut-être pas de
même. J'ai annoncé dans les mêmes sociétés sa-
vantes que des colloïdes phagogènes analogues à
ceux de la mycolysine guérissaient aussi la plu-
part des maladies infectieuses des animaux do-
mestiques. Voici plusieurs années déjà que nous
publions comment on pouvait guérir par ma mé-
thode la gourme, la pneumonie et la pasteurellose
du cheval, la maladie du jeune àg% la stomatite
gangréneuse et la pneumonie du chien, et la plu-
part des maladies infectieuses de l'âne, du chat, de
la chèvre et des oiseaux.
L'heure est venue où l'opinion publique, qui a
acclamé les aéroplanes, va se libérer de toutes les
erreurs du paganisme scientifique. Le problème de
la guérison de la fièvre aphteuse était difficile à
résoudre. J'ai parcouru les herbages et les fer-
mes. Il m'a fallu vivre de la vie des hommes des
champs. Mes expériences sont terminées. J'ai re-
cherché les doses qui conviennent aux différentes
espèces animales, suivant l'âge et suivant le poids.
Mes expériences ont été faites avec la rigueur qui
a présidé à toutes mes expériences antérieures.
Mes résultats sont aussi intangibles que ceux de
Pasteur et de Roux. Actuellement j'enseigne la vé-
rité à ceux qui veulent me croire, et je dédaigne les
incrédules. J'ai annoncé que ma méthode avait
pour conséquence la disparition presque coin-.
plète de la plupart des maladies infectieuses de
l'homme et des animaux. Libre aux personnes ar-
riérées de continuer à contracter des maladies.
Toutes celles qui savent déjà les prévenir et les
éviter par ma méthode les entraîneront bientôt
dans un mouvement général où succomberont à la
fois la vieille médecine et la vieille pharmacopée.
J'ai affirmé que la fièvre aphteuse était vaincue
parce que telle est la vérité. J'ai dit que les me-
sures sanitaires avaient vécu
1° Parce qu'elles sont inutiles et inefficaces;
2° Parce que mon liquide immunisant arrête la
maladie en 24 heures dès son apparition.
Ma méthode, comme toutes les méthodes nou-
velles, n'a pas été bien appliquée partout. J'ai dû
vaincre des difficultés matérielles considérables.
Dès que les premiers résultats ont été constatés,
plusieurs vétérinaires qui avaient une grande in-
tendu tout ce qu'il m'a dit ? lui demande Lucre-
zia. Va donc et fais-le savoir à ton maître. »
Giovanni saute sur son cheval turc et galope
vers Pesaro. Il y arrive en vingt-quatre heures,
mais à l'entrée de la ville son cheval tombe
raide mort. Quelque temps après, Alexandre,
n'ayant pu faire assassiner le mari, dissout le
mariage, en obligeant Giovanni à signer lui-
même l'attestation de sa prétendue incapacité.
Lucrezia, qui a pris l'habitude de se soumet-
tre, se résigne à la séparation. Là voilà encore
une fois fiàncée, mariée presque aussitôt à Al-
phonse d'Aragon son époux est un bel adoles-
cent, trop beau puisqu'il excite la jalousie de
César. Lucrezia se met à l'aimer avec toute la
passion dont est capable sa nature, douce, mol-
le, inerte comme son visage dolce ciera. Et
César île fait poignarder. Car elle ne s'y trompe
pas le coup ne peut partir que de sa main,
déjà fratricide.
Ainsi donc, voilà sa destinée être l'appât vi-
vant que son père et son frère jettent à la con-
voitise des princes. Ses amours ne doivent du-
rer que le temps nécessaire à l'évolution d'une
combinaison politique. On lui désigne un hom-
me qu'il lui faut aimer, et dès que son cœur s'y
habitue, on l'en sépare. Ses intrigues conjuga-
les, nouées sans qu'elle y ait consenti, sont bru-
talement tranchées par le crime et la ruse. Mais
cette fois. elle aime de tonte sa pauvre, âme fai-
ble et passive. Et autant qu'elle peut, elle se ré-
volte.
La fièvre que redoutait le médecin se montra
bénigne; don Alphonse reposa cette nuit pres-
que paisiblement. A l'audience du matin, le
pape affecta la plus profonde douleur à propos
de l'attentat; il fit placer des sentinelles aux
portes de l'appartement où l'on soignait le bles-
sé. Entrant dans cette comédie, César publia un
édit défendant quiconque de pénétrer en ar-
mes dans l'a cité léonine, depuis le château
Saint-Ange jusqu'à Saint-Pierre. Le lendemain
et les jours suivants, le prince de Salerne parut
aller un peu mieux; la cour de Naples envoya
un médecin avec la charge de surveiller ce-
lui du pape et de déjouer les tentatives d'empoi-
sonnement par lesquelles on voudrait suppléer
à l'inefficacité des blessures.
Maxime Formont.
(A suivre).
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