Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1905-08-29
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 août 1905 29 août 1905
Description : 1905/08/29 (Numéro 16141). 1905/08/29 (Numéro 16141).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
MARDI 29 AOUT 1903
On s'àl)6ûne aux Buïeaux (îti Journal, 5. BOULEVARD D$S ITALIFj^s, A PARIS {2% et flans tdos ïes Bureaux flô Posta
QUARANTE-CÏNQUIËME ANNEE. N» ioifL,
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Un numéro (départements) 2O centimes C^Z.
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nés nouveaux recevront tout
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Paris, 28 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
L'AGITATION DANS LES PROVINCES BALTIQUES
,Les grandes villes des provinces baltiques,
particulièrement Revel, Riga et Mitau, respec-
tivement placées au centre des gouvernements ts
d'Esthonie, de Livonie et de Courlande, n'a-
vaient pas cessé depuis un an de donner des si-
gnes d'effervescence. Les troubles du mois de
février dernier à Revel et Riga étaient sans nul
ri o u te l'écho immédiat des échauffourées san-
glantes du 22 janvier à Pétersbourg; récem-
ment, l'attitude des équipages de la flotte à Li-
bau faisait craindre que ce port militaire n'eût
été atteint paries propagandes révolutionnaires
au même degré que Cronstadt et que Sébasto-
pol. Mais le peuple des campagnes n'avait pas
paru suivre jusqu'à présent l'exemple des
paysans peti ts-russiens, saccageant les domai-
nes des gouvernements de Kharkof et de Tcher-
nigof, et donnant au mois de mars le branle du
mouvement agraire dont nul ne peut plus, à
1'heure actuelle, prévoir au juste l'extension.
La première agitation entretenue par Yintel-
lîgence lettone portait surtout sur le libre usage
des langues populaires; elle affectait une forme
modérée. Les revendications élevées par les
paysans sur le môme sujet s'exprimaient en
termes si peu menaçants qu'elles atteignaient
au comique par endroits. On cite, à ce propos,
ie fait suivant. Au village de Griva (Livonie),
dans l'église catholique, une partie de l'assis-
tance s'avisait, un dimanche, d'entonner le
Gloria en lithuanien l'autre moitié commen-
tait aussitôt le cantique en polonais. Le prêtre
essayait de mettre fin à la cacophonie, en se re-
tournant vers les fidèles et paraphrasant sur le
'.hume « Pourquoi entrer au temple, si vous
portez le démon dans vos cœurs ? » Il s'ensui-
vait une bagarre l'office ne pouvait être achevé
qu'en latin, langue que personne n'entendait
st qui mettait, bientôt tout le monde d'accord.
Les vœux exprimés par les landtags des trois
gouvernements relativement a l'introduction de
l'allemand dans les écoles publiques, à la créa-
tion d'écoles normales d'instituteurs, à l'insti-
tution d'un collège de la noblesse allemande à
Revel ne paraissaient pas beaucoup plus sub-
versifs; ou du moins ces tendances vers une
Autonomie relative étaient balancées par des
prétentions analogues qu'élevaient, à l'encontre
des Allemands, les Lettons et les Esthoniens.
On sait que ceux-ci forment le fond de la popu-
lation rurale et représentent la vieille souche
autochtone, sur laquelle l'ordre Teutonique
n'avait plaqué, au moyen âge, que l'écorce
d'une organisation d'emprunt. Depuis, le dis-
parate entre la couche de fond et la couche su-
perficielle a subsisté, en dépit des vicissitudes
qui ont rendu la contrée tour à tour lithua-
nienne, polonaise, suédoise, et russe. L'ad-
ministration russe et les garnisons russes main-
tenaient l'équilibre entre les deux éléments
juxtaposés et les forçaient à vivre en paix, aussi
longtemps que le lieu établi resterait rigide et
ne menacerait pas lui-même de se rompre par
l'effet de la commotion qui secoue l'empire tout.
entier.
Bientôt cependant, cet ébranlement général
se traduisit dans les provinces baltiques par
des symptômes plus Les Lettons et
les Esthoniens s'élevèrent contre l'organisation
toute féodale qui livre à des landtags provin-
ciaux formés pour la majorité de nobles et pour
le reste de grands propriétaires fonciers, la di-
rection de toutes les affaires. Ils réclamèrent un
self-govemment par district, analogue à celui
qui fonctionne dans les provinces russes pour-
vues de zemstvos, et voulurent contribuer à la
formation de ces organes nouveaux au même
titre que les beati possidentes, qui font remonter
aux chevaliers porte-glaive leurs titres de pro-
priété.
Ces prétentions venaient à la traverse de cel-
les de la noblesse allemande tendant à rendre
le lustre ancien aux « institutions historiques
locales ». L'introduction des zemstvos, à elle
seule,aurait été désastreuse pour la classe privi-
légiée en l'obligeant à compter sur le pied d'é-
galité avec une classe rurale qui l'emporte déjà
beaucoup surelle numériquement. Aussi vit-on
les landtags venir à résipiscence et chercher à
snrayer par des compromis la marche de la
« démagogie letto-esthonienne ». A défaut de
zemstvos, on chercha à organiser des commu-
nes rurales en prenant pour centres de forma-
tion les paroisses luthériennes le landtag
a'Esthonie offrit quelques-uns de ses sièges aux
paysans, qui refusèrent, attendant des Russes
une réforme plus complète, opérée dans le sens
̃dnliallemand. Puis, cette réforme étant lente à, •
venir et la misère du prolétariat rural ne per-
mettant pas une plus longue attente, la situa-
tion jusque-là indécise se précisa et toute
conciliation amiable devint impossible devant
les symptômes d'agitation révolutionnaire si-
gnalés parmi les paysans.
La Courlande, où l'influence allemande est
particulièrement puissante, donna le spectacle
d'une insurrection agraire soigneusement orga-
nisée on vit en peu de jours les domaines de
Grunhof, do Hofzimmberg, de Fokkenhof, de
FEU]ULLETON DU' QrCtUPi'i
DU 27 AOUT 1905 (»)
L'HISTOIRE DES GADSBY
CONTE SANS INTRIGUE
Blayne. C'est mauvais. C'est très mauvais.
Pauvre petit Miggy 1 Bon petit type, tout de
même. Dites donc.
ANTHONY. Quoi « dites donc »?
Blayne. Eh bien, écoutez. voici. Si c'est
comme cela. moi, je dis cinquante.
Curtiss. -Je dis cinquante.
Mackesy. J'y vais de vingt de plus.
Doone. Gros Crésus du barreau Je dis
cinquante. Jervoise, que dites-vous? Hi réveil-
lez-vous 1
Jervoise. Hein? Qu'est-ce que c'est? 2
Qu'est-'ce que c'est?
Curtiss. Nous voulons vous soutirer cent
roupies. Vous êtes un célibataire aux revenus
gigantesques, et il y a un homme dans le lac.
Jervoise. Quel homme? Quelqu'un de
mort?
BLAYNE. Non, mais il mourra si vous ne
donnez pas les cent. Tenez, voici un bon tout
prêt. Vous pouvez voir pour combien nous
avons signé, et l'homme d'Anthony viendra de-
uiain encaisser. De sorte qu'il n'y aura pas de
difficultés. -̃•«-•
Jervoise (signant).– Cent, E. M. J. Voilà.
faiblement.) Ce n'est pas une de vos facéties,
» est-ce pas?
Reproduction interdite.
Novi-Haus, de Zimmern, de Pankelhof brûlés ou
dévastés. A Hofzimmberg, il y eut un combat
véritable entre les révolutionnaires et les cosa-
,ques; à Annenborg, on brûla sur un bûcher le
portrait de l'empereur et les affiches officielles
pour la convocation, des réservistes.
Ces faits do jacquerie, rapprochés des atten-
tats anarchistes commis dans les villes de Li-
vonie cu de Courlande contre des agents de po-
lice ou des patrouilles et des manifestations
dont les églises luthériennes ont été le théâtre
chaque dimanche aux mois de mai et de juin
derniers, témoignent d'un état politique profon-
dément troublé. C'est, en somme, la même -si-
tuation qu'en Pologne, avec cette circonstance
aggravante qu'il n'existe pas même ici, entre la
noblesse et les paysans, les liens de la langue
et de la nationalité.- Cette incompatibilité fon-
cière, jointe à l'insuffisance ou à la mauvaise
distribution des garnisons russes, est cause que
les grands propriétaires soldent pour leur sau-
vegarde des compagnies de sbires allemands,
recrutas en Galicie, armés et commandés par
eux-mêmes, comme au temps de la féodalité.
Cette régression singulière vers les siècles
passés ne peut s'expliquer que par l'étendue et
la variété des influences politiques qui pèsent à
la fois sur les provinces baltiques. La propa-
gande socialiste du comité lithuanien est peut-
être, comme le veut un document récent émané
du département de la police à Saint-Péters-
bourg, un de ces fléaux; mais la cause princi-
pale est dans l'encouragement qu'une partie de
l'opinion, à Pétersbourg et à Moscou, donne
ouvertement aux tendances séparatistes. Elle
est dans le désordre intellectuel qui oblitère
chez certains Russes le sentiment national et
dans l'absence de cette précieuse solidarité sans
laquelle la Russie risque de ne pas maintenir
son unité politique.
B£PÊCHES TÉLÉGRAPHIÉES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Madrid, 28 août.
En passant ici hier, le roi a signé le décret insti-
tuant un modus vivendi commercial entre l'Espagne
et la Suisse sur les bases suivantes
1° Maintien du traité de commerce actuel expirant
le 31 août jusqu'au 31 décembre 1905
2° A partir de cette date jusqu'au 1er mars 1906,
application aux produits espagnols du nouveau ta-
rif en usage en Suisse, sur le même pied que les
produits italiens ou allemands (soit 8 francs pour
les vins).
Les deux pays s'assurent réciproquement le trai-
tement de la nation la plus favorisée.
Si au 1er janvier 1906 les négociations relatives à
un traité de commerce définitif n'étaient pas assez
avancées, le gouvernement espagnol, d'accord avec
le gouvernement helvétique, solliciterait des Cortès
l'autorisation nécessaire pour une prorogation sine
die du modus vivendi.
Cet arrangement fournit une base solide au cabi-
net de Madrid pour négocier non seulement la nou-
velle convention avec la Suisse, mais encore des ac-
cords avec l'Italie et l'Allemagne, avec qui les trai-
tés existants vont prendre fin prochainement.
Madrid, 28 août.
Le roi d'Espagne s'est rendu hier à Madrid. Son
incognito avait été si bien gardé que la sentinelle
faillit lui interdire l'entrée du palais royal.
Le roi a examiné les préparatifs qui sont faits au
palais pour la réception de M. Loubet.
Alphonse XIII est leparti ensuite pour Rio-Frio.
Tons les astronomes étrangers qui se trouvent
actuellement en Espagne pour observer l'éclipsé de
soleil du 30 août, ont été invités par le roi à se ren-
dre à son palais de Miramar à Saint-Sébastien.
Vienne, 28 août.
L'empereur François-Joseph est passé hier à
Bozen; se rendant aux manœuvres. La ville, qui re-
gorge d'étrangers en ce moment, lui a fait un ac-
cueil enthousiaste.
L'empereur est arrivé à Romeno, quartier géné-
ral dos manœuvres, dans l'après-midi et a reçu en
audience et invité à dîner le général Bisesti, de l'ar-
mée italienne.
LE DISCOURS DE M. M91LERAND
Le discours prononcé hier à Dunkerque par
M. Millerand est, à tous points de vue, fort re-
marquable. La forme en est sobre, vigoureuse,
et fait le plus heureux contraste avec la rhéto-
rique filandreuse et boursouflée où se complai-
sent trop d'orateurs parlementaires. L'idée,
chez M. Millerand, n'est pas moins nette que le
style. On a vraiment l'impression d'être en pré-
sence d'un homme qui sait ce qu'il veut dire, et
qui le dit, sans chercher de circonlocutions ni
de faux-fuyants. M. Millerand possède émi-
nemment les deux qualités maîtresses, et assez
peu communes par le temps qui court, sans
lesquelles il n'y a pas de politique sincère
c'est à savoir le courage et la lucidité d'esprit.
Dans ce beau discours, qui a l'importance
d'un acte, presque tout doit être approuvé sans
réserve. Quel républicain, même parmi ceux à
qui leur indépendance a fait un devoir de dis-
cuter certaines paroles et certaines décisions
de Waldeck-Rousseau, ne s'associerait à l'hom-
.mage rendu par M. Millerand à cet illustre
homme d'Etat? Ce sont peut-être ceux-là qui
l'ont le mieux compris, et qui précisément
parce qu'ils n'abdiquaient pas, même pour lui,
leur droit à la libre critique, ont pu lui décerner
pleinement le tribut d'admiration dont il était
Blayne. Non, il le faut vraiment. Anthony,
vous avez été le plus gros gagnant au poker la
semaine dernière, et vous avez frustré le per-
cepteur trop longtemps. Signez!
Anthony. Voyons. Trois cinquante et un
soixante-dix. deux cent vingt. trois cent
vingt. disons quatre cent vingt. Cela lui don-
nera un bon mois dans les montagnes. Mille
mercis, vous autres. J'enverrai le chaprassi (i)
demain.
Curtiss. -Il faut vous arranger pour qu'il
accepte, et naturellement il ne faut pas.
ANTHONY. Naturellement. Cela ne ferait
pas l'affaire. Il s'en irait pleurer de gratitude
sur son verre du soir.
Blayne. Maudit soit-il, c'est bien ce qu'il
irait faire 1 Oh I dites-moi, Anthony, vous qui
prétendez tout savoir: avez-vous entendu par-
ler de Gaddy?
Anthony. Non. Un procès en divorce, en-
fin ?
Blayne. Pire. Il est fiancé 1
Anthony. Comment dites-vous? Pas pos-
sible
Blayne. Plus que possible. Il va se marier
dans quelques semaines. C'est Markyn qui me
l'a dit chez le juge ce soir. C'est puma (2). m
ANTHONY. Vous ne parlez pas sérieuse-
ment ? Saperlipopette 1 Il y aura du grabuge
sous les tentes de Cédar.
Curtiss. Croyez-vous que le régiment mon-
trera son mécontentement ?
Anthony. Ne sais quoi que ce soit sur le
régiment.
Magkesy. C'est la bigamie, alors ?
Anthony. Peut-être bien. Voulez-vous dire
que vous autres, vous avez oublié, ou est-ce
qu'il y a plus de charité dans le monde que je
ne pensais?
Doone. Cela ne vous embellit pas d'essayer
de garder un secret. Vous gonflez à péter. Ex-
pliquez.
Anthony. Mrs. Herriott.
Blayne (après une longue pause, à tout le
monde à la ronde). C'est mon avis que nous
sommes une collection d'idiots. -j'
(1) Commis.
12) .C'est une affaire réglée.
digne. Qui ne souscrirait à l'éloge de M. Mille-
rand, disant que si Waldeck-Rousseau « fut uri
bon serviteur du peuple, c'est qu'il se proposa
toujours de l'instruire sans descendre jamais à
le flatter »? Les flatteurs qu'eut naturellement
Waldeck-Rousseau, pendant ses trois années
'de pouvoir, ne furent pas sans doute' ses plus
sûrs amis.
S'adressant à la démocratie avec cette même
franchise qu'il loue à juste titre chez son ancien
président du conseil, M. Millerand n'a pas hé-
sité à affirmer que de graves et d'étroites obli-
gations s'imposent, sous peine de déchéance.
Le régime sorti de la Révolution n'a pas sup-
primé la nécessité d'une règle, faute de laquelle
surgit l'anarchie. « L'ordre, a dit l'orateur, ce
besoin élémentaire et primordial de toute so-
ciété, n'y peut naître (dans le régime démocra-
tique) que de l'acceptation raisonnée et con-
sciente d'une organisation et d'une discipline
communes. » Voilà un langage où se traduit la
vérité toute pure, mais une vérité que les dé-
magogues n'admettent pas volontiers.
Sur la question actuelle et brûlante du patrio-
tisme, M. Millerand ne se sépare-pas moins dé-
libérément des révolutionnaires internationa-
listes et des protecteurs avoués ou honteux
qu'ils trouvent jusque chez certains radicaux,
jusque chez quelques anciens gambettistes que
le combisme a dévoyés. Ce n'est pas par prété-
rition et de mauvaise grâce que M. Millerand
répudie l'internationalisme. Il évoque éloquem-
ment l'exemple de Gambetta, aussi grand pa-
triote que grand républicain. Il fait observeraux
pacifistes à outrance que la paix est précaire
et qu'il ne suffit pas que nous la voulions pas-
sionnément pour être assurés de la maintenir,
car elle ne dépend pas que de nous. Il proclame
qu'aujourd'hui, comme au lendemain de nos
désastres, « le devoir militaire est le devoir de
tout citoyen », et que « la France a besoin au-
tant que jamais, pour là sauvegarde de son
..indépendance, -d'une armée redoutable et d'ujie
flotte puissante ».
Sur la question ministérielle, qui semble pres-
que-secondaire en comparaison de ces'principes
si généraux et si nécessaires, mais qui cepen-
dant a bien sa valeur, M. Millerand se distingue
encore des mécontents et des attardés que leur
nostalgie du Bloc pousse à tendre des pièges
insidieux au cabinet Rouvier. Il n'a pas dissi-
mulé ses sympathies pour « l'homme politique
expérimenté qui a la charge et l'honneur de
parler, à cette heure, au nom de la France ».
Ainsi, M. Millerand apparaît comme définiti-
vement affranchi des préjugés brouillons et des
passions violentes qui constituent le fond de la
politique révolutionnaire. Il n'est pas non plus
de ceux qui pactisent, par intérêt égoïste, avec
les représentants de cette funeste politique.
Ayant eu le maniement direct des affaires pu-
bliques, M. Millerand a su profiter de cette ex-
périence, et il considère qu'il doit à son pays,
qu'il se doit à lui-même de ne pas affecter de
n'avoir rien appris. Il parle et il agit, à présent,
en véritable- homme de gouvernement. On ne
saurait trop l'en féliciter. Et il faut espérer que
l'éducation de la démocratie se faisant peu à
peu, la leçon de bon sens et de sagesse républi-
caine, donnée par M. Millerand contribuera à
détourner le peuple des folies où s'efforcent de
l'entraîner les mauvais bergers. ·
«©>
ENCORE LE «SABOTAGE» b
Le sabotage » n'a plus de secrets pour nos lec-
teurs.' Ils savent qu'ils ont, comme on dit, mangé
leur pain blanc le premier et qu'ils sont menacés du
pain noir de la Révolution. Nous avons indiqué la
formule. En attendant qu'il soit arrosé de leurs
larmes, comme le pain de Fénelon, ce pain sera
trempé d'eau de savon et de pétrole. Ainsi l'a décidé
le citoyen Bousquet, secrétaire du syndicat des bou-
langers, inventeur du système.
De cette invention, M. Bousquet tire vanité, cela
se conçoit. Aussi avons-nous rendu hommage à son
esprit ingénieux en ramenant à lui, à lui seul, la
gloire du « sabotage » dans l'alimentation. En
somme, avouons-le, nous lui avons fait une belle
réclame.
Eh bien, il n'est pas satisfait. Il nous adresse une
longue lettre, au cours de laquelle, non content de
vanter son pain, il critique celui de ses confrères. Le
citoyen Bousquet abuse. Nous voulons bien décla-
rer qu'il débite le meilleur pain de savon, l'authen-
tique, le vrai pain de savon, celui qui porte la mar-
que syndicale et encore, que va dire Marseille?
nous ne pouvons tout de même-pas mordre la main
qui pétrit notre pain de chaque jour. Ce serait pour
nous le pain du déshonneur. Nous ne man geons pas
de ce pain-là.
Et pourtant, M. Bousquet menace. Il nous re-
quiert d'insérer sa lettre, « quoiqu'il lui répugne de
se servir des lois >\ Pourquoi faut-il que ce citoyen
ait eu la fâcheuse idée de surmonter cette fois sa
répugnance? Un avocat disait un jour au prétoire
« Sachez, maître Un Tel, que je suis à cheval sur le
Code. II est bien dangereux de monter une bête
que l'on ne connaît pas », répondit l'autre.
Cet apologue pourrait servir do leçon à M. Bous-
quet. Une connaît pas les lois qu'il se contente de
les violer. Il les violera, ne lui déplaise, le jour où
il « sabotera le pain suivant son procédé. En atten-
dant, il n'y a pas de loi qui oblige un journal à pu-
blier une apologie de manœuvres délictueuses, ni
des propos diffamatoires envers des tiers;
Au reste, la lettre de M. Bousquet confirme abso-
lument la partie documentaire de notre article sur
le « sabotage ». Le secrétaire du syndicat des bou-
langers se félicite que ce que nous avons appelé un
« bluff» ait déjà obligé les patrons, dans le Nord, à
Mackesy. Des bêtises Cette affaire-là était
morte et enterrée à la saison dernière. Com-
ment donc? Le jeune Mallard.
Anthony. Mallard tenait la chandelle. C'est
pour cela qu'il était là. Réfléchissez un instant.
.Rappelez-vous la saison dernière et ce qu'on
disait. Mallard ou pas Mallard, Gaddy a-t-il
adressé la parole à une seule autre femme?
CunTiss. -Il y a quelque chose là-dedans.
C'était quelque peu remarquable, maintenant
que vous en parlez. Mais elle est à Naini-Tal et
il est à Simla.
Anthony. Il lui a fallu aller à Simla piloter
un globe-trotter de sa famille. un personnage
titré, oncle ou tante.
Blayne. Et c'est là qu'il s'est fiancé. Il n'y
a pas de loi qui empêche un homme de se fati-
guer d'une femme.
Anthony. Sauf qu'il ne doit pas le faire
tant que la femme n'est pas fatiguée de lui. Et
ce n'était pas le cas de la Herriott.
Curtiss. Il se peut qu'elle le soit mainte-
nant. Deux mois de Naini-Tal accomplissent
des prodiges.
Doone. C'est curieux comme il y a des fem-
mes qui portent un sort avec elles Il y avait
une certaine Mrs. Deggie, dans les provinces
du centre, que les hommes finissaient invaria-
blement par quitter pour se marier. C'était passé
en proverbe parmi nous quand j'étais là-bas. Je
me souviens de trois hommes qui étaient éper-
dûment à sa dévotion, et qui tous. l'un après
l'autre, prirent femme.
CuRTiss. C'est bizarre. Pour moi, j'aurais
pensé que l'influence de Mrs. Deggie devait les
pousser à prendre les femmes dés autres. Cela
aura dû leur inspirer la crainte du jugement de
la Providence.
Anthony. Mrs. Herriott inspirera à Gaddy
la crainte de quelque chose de plus que le juge-
ment de la Providence, j'imagine.
Blayne. -En supposant que les choses soient
comme vous dites, ce serait un imbécile d'aller
affronter cette femme. Il ne bougera pas de
Simla.
ANTHONY. Serais pas le moins du monde
surpris qu'il s'en aille à Naini s'expliquer. C'est
une espèce d'homme incompréhensible, et t
quant à. elle, c'est probablement une femme
-4llU3 oulncQiajQréhBaaiJble.'
.fonder une ligue contre le « sabotage », et il écrit
«Oui, j'ai préconisé et préconise encore le sabo-
tage; mais le sabotage ayant pour aboutissant de
réduire à l'impuissance les instruments de travail,
et cela au cas de conflit. »
A la bonne heure! Avec le citoyen Bousquet on
est fixé tout de suite. C'est bien cela que nous nom-
mons un délit.
Néanmoins, convenons que cette phrase de M.
Bousquet m diffuse », suivant son expression, « un
point obscur ». Elle subordonne la pratique du « sa-
botage » à un conflit, c'est-à-dire à une déclaration
de grève. Nous n'avons jamais dit autre chose.
Mais ce conflit, les meneurs du syndicat des boulan-
gers s'efforcent de le provoquer. L'ordre du jour
dont M. Bousquet nous envoie une copie l'indique
clairement « Les ouvriers boulangers donnent le
mandat au conseil syndical de continuer la campa-
gne entreprise et décident d'appliquer le sabotage si
les patrons persistent à ne point employer d'ouvriers
syndiqués. »̃•_•̃
Voilà ce qui, pour M. Bousquet, constitue une rec-
tification. Il n'est que de s'entendre. Et de se garder
aussi. Les malheureux ouvriers qui risqueraient de
se laisser entraîner au « sabotage » savent qu'ils
encourraient- une peine do deux ans de prison.
Nous ne regrettons pas de les avoir instruits à cet
égard.
La manoeuvre à laquelle on les incite pourrait
d'ailleurs coinporter d'autres risques, car le public
trompé serait bien capable d'user de représailles
envers ces boulangers infidèles et de « leur faire pas-
ser le gpùt du pain ».
LA FLOTTE ANGLAISE A SWIHETODE
(Dépêches de notre envoyai spécial)
Arrivée de la flotte anglaise
Swinemunde, 28 août.
La flotte anglaise, attendue seulement ce matin, a
surpris. Swinèmuiido- en arrivant dès hier dimanche e
soir! Vers cinq heures et demie, douze grands na-
vires et six torpilleurs jetaient l'ancre dans la
grande rade extérieure et saluaient les forts de onze
coups. 8..
L agent consulaire anglais qui est sujet alle-
mand, et l'attaché naval britannique montèrent en
hâte dans une embarcation pour aller saluer l'ami-
ral Wilson. Les baigneurs se rassemblèrent sur la
plage et quelques vapeurs de promenade vinrent se
mettre à la disposition du public pour aller faire le
tour de l'escadre anglaise. Des hourras furent échan-
gés avec les équipages et des saluts avec les offi-
ciers. La journée, pluvieuse et maussade, ne portait
guère à l'expansion, et les curieux sur la plage bat-
tirent bientôt en retraite sous les averses.
La composition de la flotte anglaise
Swinemunde, 28 août.
L'escadre de la Manche et la première escadre de
croiseurs, qui viennent d'arriver à Swinemunde,
comptent, la première, neuf cuirassés de première
classe et trois croiseurs protégés, et la seconde, cinq
croiseurs cuirassés de première classe et une flot-
tille de destroyers.
Des neuf cuirassés, six sont du type Duncan et
forment une belle escadre homogène. Ce sont YAl-
bemarle, le Cornwallis, le Duncan, VExmoulh, le
Monlagu et le Russell. Ils déplacent 14,000 tonnes et
filent 18 nœuds 9. Les trois autres cuirassés sont du
type Ma.jestic. Ce sont le Csesar, qui déplace un peu
plus de 14,000 tonnes, le Triumph et le Swiftsure, de
11,800 tonnes et filant 21 nœuds. Ces deux derniers
ont été achetés au Chili.
Les croiseurs cuirassés sont VAnlrim, le Donegal,
le Kent, le Monmouth d'un déplacement de 10,000 à
11,000 tonnes et d'une vitesse de 22 nœuds 25, et le
Good-Hope, le plus puissant de tous, qui déplace
14,100 tonnes et file 23 nœuds. Les trois croiseurs s
protégés sont le Didon, le Junon, do seconde classe,
et le Topaze, de troisième classe.
De Swinemundo, la flotte anglaise doit se rendre
à Dantzig, puis à Cronstadt, et revenir par Esbjerg,
sur la côte occidentale du Danemark, et Ymuiden,
près d'Amsterdam, dans les eaux néerlandaises.
En ville
Swinemunde, 28 août.
La population de Swinemunde a accueilli amicale-
ment les matelots descendus à terre. Nombre d'au-
berges et de restaurants avaient eu soin d'afficher
« English spoken ». La ville est jusqu'à présent très
peu pavoisee et tout concourt, môme la tempéra-
ture, à rendre la réception purement courtoise, mais
sans empressement, comme en a témoigné d'ailleurs
le fait que les forts ont mis deux heures à rendre le
salut à la flotte.
La municipalité a voté un crédit de 3,000 marks
pour le banquet et la réception offerts aux officiers
anglais au casino.
On attend l'arrivée de l'amiral von Koester, com-
mandant l'escadre allemande, qui viendra saluer
avec plusieurs cuirassés la flotte anglaise, au-devant
de laquelle il a déjà envoyé le croiseur Medusa, à la
sortie des Belts, au delà des eaux territoriales.
Les autorités locales civiles et militaires assiste-
ront à la fête du casino, voulant donner à la récep-
tion « un caractère témoignant de la considération
que se doivent deux nations marchant à la tête de
la civilisation », suivant l'expression des journaux
officieux.
Les officiers anglais à terre
Swinemunde, 28 août.
Malgré l'amélioration de la température, les trains
et les steamers amènent moins de monde que ne le
souhaiteraient les hôteliers, qui ont fait de grands
préparatifs. La foule se montre simplement curieuse
et reste très froide.
L'amiral Wilson a accosté dans le port à dix heu-
res il a été reçu par le consul anglais à Stettin et
l'agent consulaire à Swinemunde. Il a rendu visite
au chef du district et au commandant de place. La
visite de la flotte anglaise n'ayant pas un caractère
officiel, il n'y avait aucune autorité, ni de garde
d'honneur au débarcadère. Les édifices publics ne
sont d'ailleurs pas pavoisés et les particuliers eux-
mêmes ont arboré peu de drapeaux; j'ai compté
seulement deux drapeaux anglais dans toute la
ville.
Doone. Qu'est-ce qui vous fait la débiner
avec une pareille confiance? 2
Anthony. Primitm tempus. Gaddy a été son
premier, et une femme ne laisse pas échapper
son premier amant sans se plaindre. Elle se
justifie à elle-même le premier transfert d'affec-
tion, en jurant que c'est pour toujours et tou-
jours. Par conséquent.
Blayne. Par conséquent, nous voilà assis
jusqu'à une heure passée à causer scandale
comme un cénacle de portières. Anthony, c'est
aussi vôtre faute. Nous étions parfaitement res-
pectables jusqu'au moment où vous êtes entré.
Allez vous coucher. J'y vais. Bonne nuit tous.
CURTISS. Une heure passée 1 II est deux
heures passées, sur mon âme, et voici venir le
khit pour l'extra. Justes cieux Une, deux, trois,
quatre, cinq roupies à payer pour le plaisir de
dire qu'un pauvre petit diable ne vaut pas mieux
que cela. J'ai honte de moi-ir ême. Allez vous
coucher, méchantes langues, et si l'on m'envoie
demain à Béora, préparez-vous à apprendre
que je suis mort avant de payer mes dettes de
jeu 1
Les tentes de Cédar
Only why should it ho with stain at ail
Why must I, 'Iwixt the leaYes of coronal,
Put any ltiss of pardon on thy brow î
Why should the other women know so much,
And talk together « such the look and such
» The smile he need to love with, then as now »
Any viifc i6 any husband (1).
DÊCÔR- Un dlne-r de Naini-Tal de 34 couverts. Ar-
genterie, vins, vaisselle et « khilmatgars » soigneu-
sement calculés à l'échelle de 6,000 roupies par
mois, le change en moins. La table divisée dans
toute sa longueur p ar une haie de fleurs.
Mrs. Herïuott (après que la conversation s'est
élevée au diapason convenable). Ah 1 je ne
vous ai pas vu dans la cohue au salon. (Sottar
voce.) Ou avez-vous bien pu être tout ce temps-
là, Pip ? 2
LE CAPITAINE GadsbY (se détournant de la
dame dont il a reçu officiellement la charge et
remuant les verres à vin du Rhin). Bonsoir.
(Sotto voce.) Pas tout à fait si haut une autre
fois. Vous n'avez pas idée comme votre voix
porte. (A part.) Voilà ce que c'est que d'avoir
voulu esquiver l'explication écrite. Il va mainte-
{1} Robert Brp^njgg.
Sur le parcours de l'amiral Wilson, il y avait peu
de curieux. Le service d'ordre préparé était du reste
superflu.
Au débarcadère et sur tout lé trajet dans la ville,
pas un hourra, pas un salut n'a été adressé à la voi-
ture découverte où se trouvaient l'amiral et son ad-
judant, ainsi,,que les consuls,
Une curiosité pleine de réserve et de froideur
sans aucune espèce de démonstration, caractérise la
réception.
La garnison, qui comporte un bataillon de forte-
resse, a été renforcée de deux compagnies de grena-
diers dont le service consiste surtout à défendre au
public l'accès vers les forts.
Les grands navires cuirassés et croiseurs de l'ami-
ral Wilson restent dans la grande rade au delà des
môles les. bâtiments d'un moindre déplacement et
les torpilleurs sont entrés dans le port.
L'impression
Swinemunde, 28 août.
Nous sommes loin'des discussions passionnées
soulevées dans la presse par cette démonstration na-
vale britannique, et des craintes exprimées par quel-
ques organes d'une sensibilité nationale toute par-
ticulière.
Le premier contact n'a donné qu'une impression
de politesse sans cordialité. Mais il est possible que
les réceptions animent un peu les rapports, d'autant
plus que du côté allemand on ne négligera rien pour
donner à la « bienvenue » do la flotte anglaise un
ton de camaraderie. Mais en même temps, on dé-
sire impressionner les marins anglais en leur mon-
trant, comme dit un journal d'ici, que « sur les cô-
tes de la Baltique existe un peuple pacifique qui
vaut la peine qu'on vive en sympathie et amitié
avec lui »..
C'est- évidemment dans ce but que les amiraux
anglais ont été invités à assister, aux chantiers
Vulkan, près de Stettin, au lancement du nou-
veau paquebot do la ligne Hamburg-Amerika, qui
portera le nom de l'impératrice et qui sera le plus
grand, le plus rapide et le plus beau des transatlan-
tiques et môme des navires postaux existants.
La Ligue navale allemande aurait saisi l'occasion
pour demander à tous ses membres de lui adresser
un rapport sur la construction des navires britan-
niques. ̃ ̃ ̃ >
On assure que le prince Henri do Prusse visitera
la flotte anglaise pendant son séjour.
Arrivée de la flotte allemande
Swinemunde, 28 août.
La flotte allemande comprenant quatorze cuiras-
sés, quatre croiseurs, dix torpilleurs, est arrivée.
Elle a échangé les saluts réglementaires avec la
flotte anglaise et a pris son ancrage à côté d'elle
dans la grande rade. Elle restera jusqu'à demain
matin.
De nombreux bateaux conduisent les curieux voir
les deux flottes, que tous sont désireux de com-
parer.
La flotte allemande surpasse d'ailleurs l'escadre
anglaise par le nombre des unités.
La presse allemande
Le Berliner Tageblatt fait en guise de bienvenue à
la flotte anglaise une comparaison de la rivalité de
l'Angleterre et de l'Allemagne avec celle de Rome
et de Carthage.
S'il est peu probable, dit-il, que l'Angleterre trouve
un Annibal, il est certain que la terre d'Allemagne
produirait des Catons, qui par l'exemple et par la pro-
pagande sauraient réveiller toutes les énergies du
peuple.
Il est certain aussi qu'à la fin de la grande lutte, il
n'y aurait pas de Caton méditant sur les ruines de Lon-
dres mais si les grenadiers prussiens faisaient une
petite promenade dans les rues de la City, l'orgueil lé-
gendaire de la vieille Angleterre n'en serait pas moins
humilié.
Nous ne verrons pas se reproduire les épisodes des
guerres puniques, parce que dans l'époque présente,
la concurrence pacifique entre les nations rivales est
avantageuse pour les intérêts de la civilisation, bien
plus que la suppression de l'adversaire.
Et l'organe berlinois conseille aux Allemands qui
assisteront à l'arrivée de la plus grande flotté an-
glaise qui ait évolué dans la Baltique de puiser dans
ce spectacle un juste enseignement et de bien se
convaincre que c'est seulement lorsque l'Allemagne
aura une flotte aussi puissante que celle de l'Angle-
terre que les deux nations, maintenant rivales, se-
ront les meilleures amies du monde.
Au demeurant, il exhorte tous les Allemands à
être unis dans l'amour de la patrie et dans le souci
do sa grandeur.
• «fi»
LES AFFAIRES DU MAROC
La détention de Bou Mzian
On mande de Tanger, 27 août, au Times
Le makhzen refuse de relâcher le sujet français
algérien qui se trouve incarcéré illégalement à Fez.
Le refus du sultan a été communiqué par écrit of-
ficiellement au ministre de France à Fez.-
La Franco accordera maintenant au sultan un
délai, dans lequel la personne en question devra
être mise en liberté. Passé ce délai, la France usera
de représailles. Il est probable que le sultan finira
par céder.
Cette affaire provoque ici le plus vif intérêt, puis-
qu'elle porte sur la situation au Maroc des sujets
musulmans de toutes les puissances.
On nous télégraphie de Toulon, le 27 août
Le commandant de l'escadre active au golfe Juan
a reçu des instructions pour tenir deux croiseurs
prêts à partir, au premier ordre, pour la côte maro-
caine.
Le Berliner Tageblalt écrit dans sa revue politique
de la semaine
Pareille chose s'est souvent produite dans ce pays
de brigands sans qu'on agite immédiatement son
grand sabre. Mais il convient précisément au gouver-
nement français, en ce moment, de montrer au sultan
du Maroc que le gouvernement français est encore
« fort ». C'est pourquoi il menace de rompre les rela-
tions diplomatiques, d'intervenir à- la frontière algé-
rienne et de faire une démonstration navale devant
Tanger.
nant la falloir verbale. Charmante perspective!
Comment diable vais-je lui dire que je suis
fiancé, membre respectable de la société, et que
tout est fini entre nous ?
Mas. H. J'ai un gros compte à régler avec
vous. Ou étiez-vous, au concert Pop 1) de lundi?
Où étiez-vous, au tennis des Lamont? Je cher-
chais partout.
LE CAP. G. Pour.me voir?Ohl j'étais en vie
quelque part, je suppose (A part). C'est pour
Minnie, mais cela va être salement désagréable.
MRS. H. Ai-je fait quelque chose pour vous
offenser ? Si oui, cela n'a jamais été mon inten-
tion. Je ne pouvais pas m'abstenir d'aller faire
une promenade à cheval avec ce Vaynor. C'é-
tait promis une semaine avant que vous arri-
viez.
LE CAP. G. J'ignorais.
MRS. H. Cela l'était, vraiment.
LE cap. G. Quoi que ce soit à ce sujet, voilà
ce que je veux dire.
Mrs. H. Qu'est-ce que vous avez aujour-
d'hui ? Tous ces jours-ci ? Il y a quatre grands
jours, presque cent heures, que vous n'avez été
près de moi. Est-ce gentil à vous, Pip ? Et j'ai
tant attendu votre arrivée.
LE CAP. G. Vraiment ?
Mas. H. Vous le savez bien J'ai été aussi
sotte à ce propos qu'une pensionnaire. J'ai fait
un petit calendrier que j'ai mis dans mon porte-
cartes, et chaque fois que le canon de midi par-
tait, j'effaçais une ligne et disais « Cela me
rapproche de Pip, mon Pip 1 »
Lu CAP. G. (avec un rire contraint). Que va
penser Mackler si vous le négligez pareille-
ment ?
Mrs. II. Et cela ne vous a pas rapproche.
Vous paraissez beaucoup plus loin que jamais.
Avez-vous quelque raison de bouder? Je connais
votre caractère.
LE cap. G. Non.
Mrs. H. Suis-je donc devenue vieille dans
ces quelques derniers mois? (Elle étend la main
vers la haie de fleurs pour prendre le menu.)
VOISIN DE gauche. Permettez-moi. (Il tend
le menu. Mrs. H. reste le bras étendu l'espace de
trois secondes.)
MRS. H. (au voisin, son cavalier).- Oh 1 merci,
&) Concert jp.Qjpulaire. J
C'est beaucoup de bruit, à ce qu'il nous semble, pour
M. Bou Mzian el Miliani. On ne peut que souhaiter
que la France aussi, quelque énervée qu'elle puisse
être des fêtes de Portsmouth, conserve assez de sang-
froid pour s'en tenir aux menaces. Car une occupation
du Maroc, sous quel prétexte que ce soit, conduirait
nécessairement aux plus graves complications, et dé«
truirait tout au moins les conventions auxquelles ou
a si péniblement abouti jusqu'à présent.
BEBEL A STRASBOURG
(De notre envoyé spécial) x
Strasbourg, 27 août.
Pour répondre aux manifestations du congrès ca-
tholique, les socialistes de Strasbourg avaient or-
ganisé, comme vous savez, une grande réunion et
invité Bebel. L'orateur socialiste s'est rendu à cette
invitation.
Vous n'ignorez pas les difficultés qu'ont rencontrées
les organisateurs pour trouver un local assez vaste.
Celui qui avait servi aux séances des catholiques a
été démoli quelques heures après la fin des séances.
Les socialistes ont dû chercher ailleurs dans Stras-
bourg une salle capable de contenir plusieurs mil-
liers d'auditeurs. C'est le marché couvert, qui oc-
cupe l'emplacement de l'ancienne gare, qui a été
choisi.
Une foule énorme se pressait, cet après-midi, dans
cette halle, où on avait aménagé quelques tribunes,
aux couleurs alsaciennes. Les hommes étaient natu-
rellement en majorité, mais on remarquait aussi do
nombreuses femmes. Tous se tenaient debout il n'y
avait, en effet, ni chaises, ni bancs, ni tables.
De joyeux et vigoureux hoch ont salué Bebel à
son apparition à la tribune. Le député socialiste
n'avait pas parlé à Strasbourg depuis l'époque de
son élection au Reichstag comme représentant
d'Alsace. On sait qu'il a été élu en 1897 député de
Strasbourg; il est actuellement député de Ham-
bourg. A peine le représentant de la police, un offi--
eior, avait-il pris plar.fi h la trihnnn, que la séance a
commencé. "'•'•
Je passe sur l'allocution de Bœhle, chef du parti
socialiste strasbourgeois. Bebel se lève. Les vivats
reprennent de plus en plus nourris. Bebel sourit et
fait signe de la main, pour apaiser l'enthousiasme.
Les cheveux blancs rejetés en arrière, en boucles
épaisses, la barbe blanche courte et drue, taillée en
pointe, accentuent une espèce de hàle sombre. Les
yeux gris sont grands et singulièrement expressifs.
La voix est forte, mais un peu rauque; elle a parfoia
un éclat métallique et de sourdes consonances, sur-
tout à la fin des phrases. Il parle avec feu, on dirait
même souvent avec une âpreté agressive; sa mâ-
choire a un mouvement de côté, comme pour broyer
fortement. Les gestes ne sont ni variés, ni violents
il se borne à frapper le bord de la tribune ou bien à
élever les deux mains, en suppliant..
Le discours je parle du moins de celui que je
viens d'entendre n'a ni la composition artistique,
ni la belle ordonnance, ni la tenue littéraire que l'on
remarque chez nos orateurs socialistes. C'est que.
ceux-ci sont tous, ou presque, des lettrés et des es-
prits nourris de la substance classique. Les philo-
sophes leur sont familiers. Nos leaders socialistes
évitent les lieux communs et ne s'abandonnent pas
à de faciles et triviales plaisanteries. Tout, au con-
traire, témoigne en Bebel d'une construction hâtive.
Certes, il connaît bien les « développements » que
comporte son sujet, mais ses digressions et sescita-
tations historiques sont insuffisantes. Il plaisanta
lourdement, ce qui ne contribue pas peu à son suc-
cès. Au demeurant, c'est un bel échantillon de tri-
bun, qui connaît la foule, qui en devine les mouve-
ment soudains d'impression, et qui règle son élo-
quence sur les dispositions de ses auditeurs.
Le cas qu'on fait de lui en Allemagne, et même
ici en Alsace, a je ne sais quoi de touchant. On l'é-
coute avec dévotion, avec ferveur. Pas la moindre
interruption: on boit ses paroles.
Il a parlé pendant deux heures et demie. Il a tou-
ché à de nombreux sujets au hasard, et au petit
bonheur des points qu'il se proposait de traiter. Je
me vois obligé de resserrer ses développements et
de mettre, pour plus de clarté, un peu d'ordre dans
son désordre.
Dans la première partie, qu'on pourrait appeler
la partie de polémique, il a fait le procès des catho-
liques en général, puis celui des catholiques alle-
mands en particulier; il a abordé ensuite le pro-
gramme socialiste et parlé dn féminisme la femme
est maintenant la plus noble conquête que le socia-
liste allemand veuille faire; enfin, il a critiqué la
politique du centre, politique de conquêtes colonia-
les, politique favorable au militarisme et ruineuse
pour les ouvriers. Il a dit qu'en se rapprochant du
centre, en s'alliant avec lui, les catholiques alsaciens
seraient désormais obligés de donner leur adhésion,
et leur appui à cette politique d'impérialisme.
Bebel, au début de son discours, a d'abord ironi-
quement remercié le président du « Catholikontag»,
le prince Loewenstein-Wertheim, pour la réclame
que celui-ci a faite au parti socialiste en rendant
cette réunion nécessaire et en arrachant Bebel aux
douceurs de sa villégiature.
Non, dit-il, le congrès catholique n'est pas un ai-
guillon dans la chair de la socialdémocratie. Les ca-
tholiques se trompent s'ils croient qu'ils arrêteront
les progrès du socialisme. Je ne puis, continue Be-
bel, répondre à toutes les questions qui ont été agi-
tées pendant les cinq jours du congrès. Je ne veux
retenir que ce qui touche aux doctrines générales
de l'émancipation sociale. Pourquoi accuser les so-
cialistes d'internationalisme? Ne sont-ils pas inter-
nationalistes, ces princes, ces riches propriétaires
qui possèdent des terres dans des pays différents ?
Et Dieu lui-même n'est-il pas le premier des' inter-
nationalistes ?
Bebel pense que les catholiques ont eu tort d'in-
sister sur les prétendues misères de la papauté. La
puissance temporelle est incompatible avec la sim-
je ne voyais pas. (Elle se retourne à droite.) Y
3 a-t-il en moi quelque chose de changé ? r
3 LE cap. G. De grâce, occupez-vous de dîner!
Il faut manger quelque chose. Essayez une de
3 ces façons de côtelettes. {A part.) Et je m'ima-
? ginais qu'elle avait de belles épaules, au beau
temps jadis! Quel âne on peut faire de soi
Mrs. H. (se servant une manchette de papier,
i sept pois, quelques carottes découpées à l'emporte-
r pièce et une cuillerée de sauce). Ce n'est pas
une réponse. Dites-moi si. j'ai fait quelque
s chose.
LE CAP. G. (à part). Si l'on n'en finit pas ici,
3 il y aura quelque scène diabolique ailleurs. Si
seulement j'avais écrit et que j'eusse accepté la
bataille. à longue portée (Au khitmatgar.)
lîanl Simpkin do (1). (Haut.) Je vous raconterai
cela plus tard.
Mrs. H. Racontez-le-moi tout de suite.- Ca
I doit être quelque ridicule malentendu, et vous
savez qu'il ne devait rien arriver de la sorto
entre nous. Nous, moins que personne, ne pbu-
vons nous le permettre. C'est ce Vaynor, et vous
i ne voulez pas le dire? Sur mon honneur.
LE CAP. G. Je n'ai jamais pensé un instant
à ce Vaynor.
MRS. H.– -Mais comment savez-vous que moi,
je n'y ai pas pensé?
LE CAP. G. (àparl). Voici {'occasion, et puissa
le diable me la faire saisir aux cheveux (Haut
et d'un ton mesuré.) Croyez-moi, peu m'importa
que vous pensiez plus ou moins souvent à ca
Vaynor, ni que vous y pensiez d'une façon plus
ou moins tendre.
Mrs. H. -Je me demande si c'est bien ce que
vous voulez dire. Oh I qu'est-ce que cela rap-
porte de se chamailler et de prétendre ne pas
se comprendre quand vous n'êtes ici en haut
que pour si peu de temps? Pip, ne faites pas la
bête 1
Suit une pause, pétulant laquelle il croise sa jambe
gauche par-dessus la droite et continue son dinev,
RUDYARD KIPLING.
Traduitde l'anglais par
LoUIS FABULET et ARTHUR Austin-JacksON.
(A suivre.)
tiù Qirfi du chamiMUËM»
On s'àl)6ûne aux Buïeaux (îti Journal, 5. BOULEVARD D$S ITALIFj^s, A PARIS {2% et flans tdos ïes Bureaux flô Posta
QUARANTE-CÏNQUIËME ANNEE. N» ioifL,
PRIX DE L'ABONNEMENT
PUUS, SEKS et SEIKE-ET-OISE. Troll mois, 14 fr.J Six mois, 28 &•! Ba U, 50 fr.
DtPjmT"ttAMACE-MMMM. 176- 34 &. 6e fr,
OTIOH POSTALE 18 fr.; 3S fr.; 72 fr. tF^&sfWJ^
IBS ADOUBEMENTS DAMWT DBS 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS f f"
Un numéro (départements) 2O centimes C^Z.
le
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Cie, 8, place de la Bourse ̃–
Le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TÉLÉPHONE, 5 LIGNES:
3S»« iO3,OT ̃ 1O3.O3 1O3.O9 119.37 ""• 110.4O
PRIX DE L'ABONNEMENT
PASIS, "SEIHE et 8EIHE-ET-0ISE. Trois mois, 14 fc. Six mois, 28 fr.J On sn, BS fr.
DÉPART*" et AISACE-LOBRAHIE. IV fr.J 34 fr,5 68 fr.
BHIOH POSTALE. 18 fr,; 36 fr. 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATHIT DES 1" BT 10 DE CHAQUE MO»
Un numéro (à Paris) ISS centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées an Directeur
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqué*
prie tes auteurs d'en garder copte
ADRESSE télégraphique TEMPS PARIS
Sur leur demande, les abon-
nés nouveaux recevront tout
ce qui a paru du feuilleton en
cours de publication.
Paris, 28 août
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
L'AGITATION DANS LES PROVINCES BALTIQUES
,Les grandes villes des provinces baltiques,
particulièrement Revel, Riga et Mitau, respec-
tivement placées au centre des gouvernements ts
d'Esthonie, de Livonie et de Courlande, n'a-
vaient pas cessé depuis un an de donner des si-
gnes d'effervescence. Les troubles du mois de
février dernier à Revel et Riga étaient sans nul
ri o u te l'écho immédiat des échauffourées san-
glantes du 22 janvier à Pétersbourg; récem-
ment, l'attitude des équipages de la flotte à Li-
bau faisait craindre que ce port militaire n'eût
été atteint paries propagandes révolutionnaires
au même degré que Cronstadt et que Sébasto-
pol. Mais le peuple des campagnes n'avait pas
paru suivre jusqu'à présent l'exemple des
paysans peti ts-russiens, saccageant les domai-
nes des gouvernements de Kharkof et de Tcher-
nigof, et donnant au mois de mars le branle du
mouvement agraire dont nul ne peut plus, à
1'heure actuelle, prévoir au juste l'extension.
La première agitation entretenue par Yintel-
lîgence lettone portait surtout sur le libre usage
des langues populaires; elle affectait une forme
modérée. Les revendications élevées par les
paysans sur le môme sujet s'exprimaient en
termes si peu menaçants qu'elles atteignaient
au comique par endroits. On cite, à ce propos,
ie fait suivant. Au village de Griva (Livonie),
dans l'église catholique, une partie de l'assis-
tance s'avisait, un dimanche, d'entonner le
Gloria en lithuanien l'autre moitié commen-
tait aussitôt le cantique en polonais. Le prêtre
essayait de mettre fin à la cacophonie, en se re-
tournant vers les fidèles et paraphrasant sur le
'.hume « Pourquoi entrer au temple, si vous
portez le démon dans vos cœurs ? » Il s'ensui-
vait une bagarre l'office ne pouvait être achevé
qu'en latin, langue que personne n'entendait
st qui mettait, bientôt tout le monde d'accord.
Les vœux exprimés par les landtags des trois
gouvernements relativement a l'introduction de
l'allemand dans les écoles publiques, à la créa-
tion d'écoles normales d'instituteurs, à l'insti-
tution d'un collège de la noblesse allemande à
Revel ne paraissaient pas beaucoup plus sub-
versifs; ou du moins ces tendances vers une
Autonomie relative étaient balancées par des
prétentions analogues qu'élevaient, à l'encontre
des Allemands, les Lettons et les Esthoniens.
On sait que ceux-ci forment le fond de la popu-
lation rurale et représentent la vieille souche
autochtone, sur laquelle l'ordre Teutonique
n'avait plaqué, au moyen âge, que l'écorce
d'une organisation d'emprunt. Depuis, le dis-
parate entre la couche de fond et la couche su-
perficielle a subsisté, en dépit des vicissitudes
qui ont rendu la contrée tour à tour lithua-
nienne, polonaise, suédoise, et russe. L'ad-
ministration russe et les garnisons russes main-
tenaient l'équilibre entre les deux éléments
juxtaposés et les forçaient à vivre en paix, aussi
longtemps que le lieu établi resterait rigide et
ne menacerait pas lui-même de se rompre par
l'effet de la commotion qui secoue l'empire tout.
entier.
Bientôt cependant, cet ébranlement général
se traduisit dans les provinces baltiques par
des symptômes plus Les Lettons et
les Esthoniens s'élevèrent contre l'organisation
toute féodale qui livre à des landtags provin-
ciaux formés pour la majorité de nobles et pour
le reste de grands propriétaires fonciers, la di-
rection de toutes les affaires. Ils réclamèrent un
self-govemment par district, analogue à celui
qui fonctionne dans les provinces russes pour-
vues de zemstvos, et voulurent contribuer à la
formation de ces organes nouveaux au même
titre que les beati possidentes, qui font remonter
aux chevaliers porte-glaive leurs titres de pro-
priété.
Ces prétentions venaient à la traverse de cel-
les de la noblesse allemande tendant à rendre
le lustre ancien aux « institutions historiques
locales ». L'introduction des zemstvos, à elle
seule,aurait été désastreuse pour la classe privi-
légiée en l'obligeant à compter sur le pied d'é-
galité avec une classe rurale qui l'emporte déjà
beaucoup surelle numériquement. Aussi vit-on
les landtags venir à résipiscence et chercher à
snrayer par des compromis la marche de la
« démagogie letto-esthonienne ». A défaut de
zemstvos, on chercha à organiser des commu-
nes rurales en prenant pour centres de forma-
tion les paroisses luthériennes le landtag
a'Esthonie offrit quelques-uns de ses sièges aux
paysans, qui refusèrent, attendant des Russes
une réforme plus complète, opérée dans le sens
̃dnliallemand. Puis, cette réforme étant lente à, •
venir et la misère du prolétariat rural ne per-
mettant pas une plus longue attente, la situa-
tion jusque-là indécise se précisa et toute
conciliation amiable devint impossible devant
les symptômes d'agitation révolutionnaire si-
gnalés parmi les paysans.
La Courlande, où l'influence allemande est
particulièrement puissante, donna le spectacle
d'une insurrection agraire soigneusement orga-
nisée on vit en peu de jours les domaines de
Grunhof, do Hofzimmberg, de Fokkenhof, de
FEU]ULLETON DU' QrCtUPi'i
DU 27 AOUT 1905 (»)
L'HISTOIRE DES GADSBY
CONTE SANS INTRIGUE
Blayne. C'est mauvais. C'est très mauvais.
Pauvre petit Miggy 1 Bon petit type, tout de
même. Dites donc.
ANTHONY. Quoi « dites donc »?
Blayne. Eh bien, écoutez. voici. Si c'est
comme cela. moi, je dis cinquante.
Curtiss. -Je dis cinquante.
Mackesy. J'y vais de vingt de plus.
Doone. Gros Crésus du barreau Je dis
cinquante. Jervoise, que dites-vous? Hi réveil-
lez-vous 1
Jervoise. Hein? Qu'est-ce que c'est? 2
Qu'est-'ce que c'est?
Curtiss. Nous voulons vous soutirer cent
roupies. Vous êtes un célibataire aux revenus
gigantesques, et il y a un homme dans le lac.
Jervoise. Quel homme? Quelqu'un de
mort?
BLAYNE. Non, mais il mourra si vous ne
donnez pas les cent. Tenez, voici un bon tout
prêt. Vous pouvez voir pour combien nous
avons signé, et l'homme d'Anthony viendra de-
uiain encaisser. De sorte qu'il n'y aura pas de
difficultés. -̃•«-•
Jervoise (signant).– Cent, E. M. J. Voilà.
faiblement.) Ce n'est pas une de vos facéties,
» est-ce pas?
Reproduction interdite.
Novi-Haus, de Zimmern, de Pankelhof brûlés ou
dévastés. A Hofzimmberg, il y eut un combat
véritable entre les révolutionnaires et les cosa-
,ques; à Annenborg, on brûla sur un bûcher le
portrait de l'empereur et les affiches officielles
pour la convocation, des réservistes.
Ces faits do jacquerie, rapprochés des atten-
tats anarchistes commis dans les villes de Li-
vonie cu de Courlande contre des agents de po-
lice ou des patrouilles et des manifestations
dont les églises luthériennes ont été le théâtre
chaque dimanche aux mois de mai et de juin
derniers, témoignent d'un état politique profon-
dément troublé. C'est, en somme, la même -si-
tuation qu'en Pologne, avec cette circonstance
aggravante qu'il n'existe pas même ici, entre la
noblesse et les paysans, les liens de la langue
et de la nationalité.- Cette incompatibilité fon-
cière, jointe à l'insuffisance ou à la mauvaise
distribution des garnisons russes, est cause que
les grands propriétaires soldent pour leur sau-
vegarde des compagnies de sbires allemands,
recrutas en Galicie, armés et commandés par
eux-mêmes, comme au temps de la féodalité.
Cette régression singulière vers les siècles
passés ne peut s'expliquer que par l'étendue et
la variété des influences politiques qui pèsent à
la fois sur les provinces baltiques. La propa-
gande socialiste du comité lithuanien est peut-
être, comme le veut un document récent émané
du département de la police à Saint-Péters-
bourg, un de ces fléaux; mais la cause princi-
pale est dans l'encouragement qu'une partie de
l'opinion, à Pétersbourg et à Moscou, donne
ouvertement aux tendances séparatistes. Elle
est dans le désordre intellectuel qui oblitère
chez certains Russes le sentiment national et
dans l'absence de cette précieuse solidarité sans
laquelle la Russie risque de ne pas maintenir
son unité politique.
B£PÊCHES TÉLÉGRAPHIÉES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Madrid, 28 août.
En passant ici hier, le roi a signé le décret insti-
tuant un modus vivendi commercial entre l'Espagne
et la Suisse sur les bases suivantes
1° Maintien du traité de commerce actuel expirant
le 31 août jusqu'au 31 décembre 1905
2° A partir de cette date jusqu'au 1er mars 1906,
application aux produits espagnols du nouveau ta-
rif en usage en Suisse, sur le même pied que les
produits italiens ou allemands (soit 8 francs pour
les vins).
Les deux pays s'assurent réciproquement le trai-
tement de la nation la plus favorisée.
Si au 1er janvier 1906 les négociations relatives à
un traité de commerce définitif n'étaient pas assez
avancées, le gouvernement espagnol, d'accord avec
le gouvernement helvétique, solliciterait des Cortès
l'autorisation nécessaire pour une prorogation sine
die du modus vivendi.
Cet arrangement fournit une base solide au cabi-
net de Madrid pour négocier non seulement la nou-
velle convention avec la Suisse, mais encore des ac-
cords avec l'Italie et l'Allemagne, avec qui les trai-
tés existants vont prendre fin prochainement.
Madrid, 28 août.
Le roi d'Espagne s'est rendu hier à Madrid. Son
incognito avait été si bien gardé que la sentinelle
faillit lui interdire l'entrée du palais royal.
Le roi a examiné les préparatifs qui sont faits au
palais pour la réception de M. Loubet.
Alphonse XIII est leparti ensuite pour Rio-Frio.
Tons les astronomes étrangers qui se trouvent
actuellement en Espagne pour observer l'éclipsé de
soleil du 30 août, ont été invités par le roi à se ren-
dre à son palais de Miramar à Saint-Sébastien.
Vienne, 28 août.
L'empereur François-Joseph est passé hier à
Bozen; se rendant aux manœuvres. La ville, qui re-
gorge d'étrangers en ce moment, lui a fait un ac-
cueil enthousiaste.
L'empereur est arrivé à Romeno, quartier géné-
ral dos manœuvres, dans l'après-midi et a reçu en
audience et invité à dîner le général Bisesti, de l'ar-
mée italienne.
LE DISCOURS DE M. M91LERAND
Le discours prononcé hier à Dunkerque par
M. Millerand est, à tous points de vue, fort re-
marquable. La forme en est sobre, vigoureuse,
et fait le plus heureux contraste avec la rhéto-
rique filandreuse et boursouflée où se complai-
sent trop d'orateurs parlementaires. L'idée,
chez M. Millerand, n'est pas moins nette que le
style. On a vraiment l'impression d'être en pré-
sence d'un homme qui sait ce qu'il veut dire, et
qui le dit, sans chercher de circonlocutions ni
de faux-fuyants. M. Millerand possède émi-
nemment les deux qualités maîtresses, et assez
peu communes par le temps qui court, sans
lesquelles il n'y a pas de politique sincère
c'est à savoir le courage et la lucidité d'esprit.
Dans ce beau discours, qui a l'importance
d'un acte, presque tout doit être approuvé sans
réserve. Quel républicain, même parmi ceux à
qui leur indépendance a fait un devoir de dis-
cuter certaines paroles et certaines décisions
de Waldeck-Rousseau, ne s'associerait à l'hom-
.mage rendu par M. Millerand à cet illustre
homme d'Etat? Ce sont peut-être ceux-là qui
l'ont le mieux compris, et qui précisément
parce qu'ils n'abdiquaient pas, même pour lui,
leur droit à la libre critique, ont pu lui décerner
pleinement le tribut d'admiration dont il était
Blayne. Non, il le faut vraiment. Anthony,
vous avez été le plus gros gagnant au poker la
semaine dernière, et vous avez frustré le per-
cepteur trop longtemps. Signez!
Anthony. Voyons. Trois cinquante et un
soixante-dix. deux cent vingt. trois cent
vingt. disons quatre cent vingt. Cela lui don-
nera un bon mois dans les montagnes. Mille
mercis, vous autres. J'enverrai le chaprassi (i)
demain.
Curtiss. -Il faut vous arranger pour qu'il
accepte, et naturellement il ne faut pas.
ANTHONY. Naturellement. Cela ne ferait
pas l'affaire. Il s'en irait pleurer de gratitude
sur son verre du soir.
Blayne. Maudit soit-il, c'est bien ce qu'il
irait faire 1 Oh I dites-moi, Anthony, vous qui
prétendez tout savoir: avez-vous entendu par-
ler de Gaddy?
Anthony. Non. Un procès en divorce, en-
fin ?
Blayne. Pire. Il est fiancé 1
Anthony. Comment dites-vous? Pas pos-
sible
Blayne. Plus que possible. Il va se marier
dans quelques semaines. C'est Markyn qui me
l'a dit chez le juge ce soir. C'est puma (2). m
ANTHONY. Vous ne parlez pas sérieuse-
ment ? Saperlipopette 1 Il y aura du grabuge
sous les tentes de Cédar.
Curtiss. Croyez-vous que le régiment mon-
trera son mécontentement ?
Anthony. Ne sais quoi que ce soit sur le
régiment.
Magkesy. C'est la bigamie, alors ?
Anthony. Peut-être bien. Voulez-vous dire
que vous autres, vous avez oublié, ou est-ce
qu'il y a plus de charité dans le monde que je
ne pensais?
Doone. Cela ne vous embellit pas d'essayer
de garder un secret. Vous gonflez à péter. Ex-
pliquez.
Anthony. Mrs. Herriott.
Blayne (après une longue pause, à tout le
monde à la ronde). C'est mon avis que nous
sommes une collection d'idiots. -j'
(1) Commis.
12) .C'est une affaire réglée.
digne. Qui ne souscrirait à l'éloge de M. Mille-
rand, disant que si Waldeck-Rousseau « fut uri
bon serviteur du peuple, c'est qu'il se proposa
toujours de l'instruire sans descendre jamais à
le flatter »? Les flatteurs qu'eut naturellement
Waldeck-Rousseau, pendant ses trois années
'de pouvoir, ne furent pas sans doute' ses plus
sûrs amis.
S'adressant à la démocratie avec cette même
franchise qu'il loue à juste titre chez son ancien
président du conseil, M. Millerand n'a pas hé-
sité à affirmer que de graves et d'étroites obli-
gations s'imposent, sous peine de déchéance.
Le régime sorti de la Révolution n'a pas sup-
primé la nécessité d'une règle, faute de laquelle
surgit l'anarchie. « L'ordre, a dit l'orateur, ce
besoin élémentaire et primordial de toute so-
ciété, n'y peut naître (dans le régime démocra-
tique) que de l'acceptation raisonnée et con-
sciente d'une organisation et d'une discipline
communes. » Voilà un langage où se traduit la
vérité toute pure, mais une vérité que les dé-
magogues n'admettent pas volontiers.
Sur la question actuelle et brûlante du patrio-
tisme, M. Millerand ne se sépare-pas moins dé-
libérément des révolutionnaires internationa-
listes et des protecteurs avoués ou honteux
qu'ils trouvent jusque chez certains radicaux,
jusque chez quelques anciens gambettistes que
le combisme a dévoyés. Ce n'est pas par prété-
rition et de mauvaise grâce que M. Millerand
répudie l'internationalisme. Il évoque éloquem-
ment l'exemple de Gambetta, aussi grand pa-
triote que grand républicain. Il fait observeraux
pacifistes à outrance que la paix est précaire
et qu'il ne suffit pas que nous la voulions pas-
sionnément pour être assurés de la maintenir,
car elle ne dépend pas que de nous. Il proclame
qu'aujourd'hui, comme au lendemain de nos
désastres, « le devoir militaire est le devoir de
tout citoyen », et que « la France a besoin au-
tant que jamais, pour là sauvegarde de son
..indépendance, -d'une armée redoutable et d'ujie
flotte puissante ».
Sur la question ministérielle, qui semble pres-
que-secondaire en comparaison de ces'principes
si généraux et si nécessaires, mais qui cepen-
dant a bien sa valeur, M. Millerand se distingue
encore des mécontents et des attardés que leur
nostalgie du Bloc pousse à tendre des pièges
insidieux au cabinet Rouvier. Il n'a pas dissi-
mulé ses sympathies pour « l'homme politique
expérimenté qui a la charge et l'honneur de
parler, à cette heure, au nom de la France ».
Ainsi, M. Millerand apparaît comme définiti-
vement affranchi des préjugés brouillons et des
passions violentes qui constituent le fond de la
politique révolutionnaire. Il n'est pas non plus
de ceux qui pactisent, par intérêt égoïste, avec
les représentants de cette funeste politique.
Ayant eu le maniement direct des affaires pu-
bliques, M. Millerand a su profiter de cette ex-
périence, et il considère qu'il doit à son pays,
qu'il se doit à lui-même de ne pas affecter de
n'avoir rien appris. Il parle et il agit, à présent,
en véritable- homme de gouvernement. On ne
saurait trop l'en féliciter. Et il faut espérer que
l'éducation de la démocratie se faisant peu à
peu, la leçon de bon sens et de sagesse républi-
caine, donnée par M. Millerand contribuera à
détourner le peuple des folies où s'efforcent de
l'entraîner les mauvais bergers. ·
«©>
ENCORE LE «SABOTAGE» b
Le sabotage » n'a plus de secrets pour nos lec-
teurs.' Ils savent qu'ils ont, comme on dit, mangé
leur pain blanc le premier et qu'ils sont menacés du
pain noir de la Révolution. Nous avons indiqué la
formule. En attendant qu'il soit arrosé de leurs
larmes, comme le pain de Fénelon, ce pain sera
trempé d'eau de savon et de pétrole. Ainsi l'a décidé
le citoyen Bousquet, secrétaire du syndicat des bou-
langers, inventeur du système.
De cette invention, M. Bousquet tire vanité, cela
se conçoit. Aussi avons-nous rendu hommage à son
esprit ingénieux en ramenant à lui, à lui seul, la
gloire du « sabotage » dans l'alimentation. En
somme, avouons-le, nous lui avons fait une belle
réclame.
Eh bien, il n'est pas satisfait. Il nous adresse une
longue lettre, au cours de laquelle, non content de
vanter son pain, il critique celui de ses confrères. Le
citoyen Bousquet abuse. Nous voulons bien décla-
rer qu'il débite le meilleur pain de savon, l'authen-
tique, le vrai pain de savon, celui qui porte la mar-
que syndicale et encore, que va dire Marseille?
nous ne pouvons tout de même-pas mordre la main
qui pétrit notre pain de chaque jour. Ce serait pour
nous le pain du déshonneur. Nous ne man geons pas
de ce pain-là.
Et pourtant, M. Bousquet menace. Il nous re-
quiert d'insérer sa lettre, « quoiqu'il lui répugne de
se servir des lois >\ Pourquoi faut-il que ce citoyen
ait eu la fâcheuse idée de surmonter cette fois sa
répugnance? Un avocat disait un jour au prétoire
« Sachez, maître Un Tel, que je suis à cheval sur le
Code. II est bien dangereux de monter une bête
que l'on ne connaît pas », répondit l'autre.
Cet apologue pourrait servir do leçon à M. Bous-
quet. Une connaît pas les lois qu'il se contente de
les violer. Il les violera, ne lui déplaise, le jour où
il « sabotera le pain suivant son procédé. En atten-
dant, il n'y a pas de loi qui oblige un journal à pu-
blier une apologie de manœuvres délictueuses, ni
des propos diffamatoires envers des tiers;
Au reste, la lettre de M. Bousquet confirme abso-
lument la partie documentaire de notre article sur
le « sabotage ». Le secrétaire du syndicat des bou-
langers se félicite que ce que nous avons appelé un
« bluff» ait déjà obligé les patrons, dans le Nord, à
Mackesy. Des bêtises Cette affaire-là était
morte et enterrée à la saison dernière. Com-
ment donc? Le jeune Mallard.
Anthony. Mallard tenait la chandelle. C'est
pour cela qu'il était là. Réfléchissez un instant.
.Rappelez-vous la saison dernière et ce qu'on
disait. Mallard ou pas Mallard, Gaddy a-t-il
adressé la parole à une seule autre femme?
CunTiss. -Il y a quelque chose là-dedans.
C'était quelque peu remarquable, maintenant
que vous en parlez. Mais elle est à Naini-Tal et
il est à Simla.
Anthony. Il lui a fallu aller à Simla piloter
un globe-trotter de sa famille. un personnage
titré, oncle ou tante.
Blayne. Et c'est là qu'il s'est fiancé. Il n'y
a pas de loi qui empêche un homme de se fati-
guer d'une femme.
Anthony. Sauf qu'il ne doit pas le faire
tant que la femme n'est pas fatiguée de lui. Et
ce n'était pas le cas de la Herriott.
Curtiss. Il se peut qu'elle le soit mainte-
nant. Deux mois de Naini-Tal accomplissent
des prodiges.
Doone. C'est curieux comme il y a des fem-
mes qui portent un sort avec elles Il y avait
une certaine Mrs. Deggie, dans les provinces
du centre, que les hommes finissaient invaria-
blement par quitter pour se marier. C'était passé
en proverbe parmi nous quand j'étais là-bas. Je
me souviens de trois hommes qui étaient éper-
dûment à sa dévotion, et qui tous. l'un après
l'autre, prirent femme.
CuRTiss. C'est bizarre. Pour moi, j'aurais
pensé que l'influence de Mrs. Deggie devait les
pousser à prendre les femmes dés autres. Cela
aura dû leur inspirer la crainte du jugement de
la Providence.
Anthony. Mrs. Herriott inspirera à Gaddy
la crainte de quelque chose de plus que le juge-
ment de la Providence, j'imagine.
Blayne. -En supposant que les choses soient
comme vous dites, ce serait un imbécile d'aller
affronter cette femme. Il ne bougera pas de
Simla.
ANTHONY. Serais pas le moins du monde
surpris qu'il s'en aille à Naini s'expliquer. C'est
une espèce d'homme incompréhensible, et t
quant à. elle, c'est probablement une femme
-4llU3 oulncQiajQréhBaaiJble.'
.fonder une ligue contre le « sabotage », et il écrit
«Oui, j'ai préconisé et préconise encore le sabo-
tage; mais le sabotage ayant pour aboutissant de
réduire à l'impuissance les instruments de travail,
et cela au cas de conflit. »
A la bonne heure! Avec le citoyen Bousquet on
est fixé tout de suite. C'est bien cela que nous nom-
mons un délit.
Néanmoins, convenons que cette phrase de M.
Bousquet m diffuse », suivant son expression, « un
point obscur ». Elle subordonne la pratique du « sa-
botage » à un conflit, c'est-à-dire à une déclaration
de grève. Nous n'avons jamais dit autre chose.
Mais ce conflit, les meneurs du syndicat des boulan-
gers s'efforcent de le provoquer. L'ordre du jour
dont M. Bousquet nous envoie une copie l'indique
clairement « Les ouvriers boulangers donnent le
mandat au conseil syndical de continuer la campa-
gne entreprise et décident d'appliquer le sabotage si
les patrons persistent à ne point employer d'ouvriers
syndiqués. »̃•_•̃
Voilà ce qui, pour M. Bousquet, constitue une rec-
tification. Il n'est que de s'entendre. Et de se garder
aussi. Les malheureux ouvriers qui risqueraient de
se laisser entraîner au « sabotage » savent qu'ils
encourraient- une peine do deux ans de prison.
Nous ne regrettons pas de les avoir instruits à cet
égard.
La manoeuvre à laquelle on les incite pourrait
d'ailleurs coinporter d'autres risques, car le public
trompé serait bien capable d'user de représailles
envers ces boulangers infidèles et de « leur faire pas-
ser le gpùt du pain ».
LA FLOTTE ANGLAISE A SWIHETODE
(Dépêches de notre envoyai spécial)
Arrivée de la flotte anglaise
Swinemunde, 28 août.
La flotte anglaise, attendue seulement ce matin, a
surpris. Swinèmuiido- en arrivant dès hier dimanche e
soir! Vers cinq heures et demie, douze grands na-
vires et six torpilleurs jetaient l'ancre dans la
grande rade extérieure et saluaient les forts de onze
coups. 8..
L agent consulaire anglais qui est sujet alle-
mand, et l'attaché naval britannique montèrent en
hâte dans une embarcation pour aller saluer l'ami-
ral Wilson. Les baigneurs se rassemblèrent sur la
plage et quelques vapeurs de promenade vinrent se
mettre à la disposition du public pour aller faire le
tour de l'escadre anglaise. Des hourras furent échan-
gés avec les équipages et des saluts avec les offi-
ciers. La journée, pluvieuse et maussade, ne portait
guère à l'expansion, et les curieux sur la plage bat-
tirent bientôt en retraite sous les averses.
La composition de la flotte anglaise
Swinemunde, 28 août.
L'escadre de la Manche et la première escadre de
croiseurs, qui viennent d'arriver à Swinemunde,
comptent, la première, neuf cuirassés de première
classe et trois croiseurs protégés, et la seconde, cinq
croiseurs cuirassés de première classe et une flot-
tille de destroyers.
Des neuf cuirassés, six sont du type Duncan et
forment une belle escadre homogène. Ce sont YAl-
bemarle, le Cornwallis, le Duncan, VExmoulh, le
Monlagu et le Russell. Ils déplacent 14,000 tonnes et
filent 18 nœuds 9. Les trois autres cuirassés sont du
type Ma.jestic. Ce sont le Csesar, qui déplace un peu
plus de 14,000 tonnes, le Triumph et le Swiftsure, de
11,800 tonnes et filant 21 nœuds. Ces deux derniers
ont été achetés au Chili.
Les croiseurs cuirassés sont VAnlrim, le Donegal,
le Kent, le Monmouth d'un déplacement de 10,000 à
11,000 tonnes et d'une vitesse de 22 nœuds 25, et le
Good-Hope, le plus puissant de tous, qui déplace
14,100 tonnes et file 23 nœuds. Les trois croiseurs s
protégés sont le Didon, le Junon, do seconde classe,
et le Topaze, de troisième classe.
De Swinemundo, la flotte anglaise doit se rendre
à Dantzig, puis à Cronstadt, et revenir par Esbjerg,
sur la côte occidentale du Danemark, et Ymuiden,
près d'Amsterdam, dans les eaux néerlandaises.
En ville
Swinemunde, 28 août.
La population de Swinemunde a accueilli amicale-
ment les matelots descendus à terre. Nombre d'au-
berges et de restaurants avaient eu soin d'afficher
« English spoken ». La ville est jusqu'à présent très
peu pavoisee et tout concourt, môme la tempéra-
ture, à rendre la réception purement courtoise, mais
sans empressement, comme en a témoigné d'ailleurs
le fait que les forts ont mis deux heures à rendre le
salut à la flotte.
La municipalité a voté un crédit de 3,000 marks
pour le banquet et la réception offerts aux officiers
anglais au casino.
On attend l'arrivée de l'amiral von Koester, com-
mandant l'escadre allemande, qui viendra saluer
avec plusieurs cuirassés la flotte anglaise, au-devant
de laquelle il a déjà envoyé le croiseur Medusa, à la
sortie des Belts, au delà des eaux territoriales.
Les autorités locales civiles et militaires assiste-
ront à la fête du casino, voulant donner à la récep-
tion « un caractère témoignant de la considération
que se doivent deux nations marchant à la tête de
la civilisation », suivant l'expression des journaux
officieux.
Les officiers anglais à terre
Swinemunde, 28 août.
Malgré l'amélioration de la température, les trains
et les steamers amènent moins de monde que ne le
souhaiteraient les hôteliers, qui ont fait de grands
préparatifs. La foule se montre simplement curieuse
et reste très froide.
L'amiral Wilson a accosté dans le port à dix heu-
res il a été reçu par le consul anglais à Stettin et
l'agent consulaire à Swinemunde. Il a rendu visite
au chef du district et au commandant de place. La
visite de la flotte anglaise n'ayant pas un caractère
officiel, il n'y avait aucune autorité, ni de garde
d'honneur au débarcadère. Les édifices publics ne
sont d'ailleurs pas pavoisés et les particuliers eux-
mêmes ont arboré peu de drapeaux; j'ai compté
seulement deux drapeaux anglais dans toute la
ville.
Doone. Qu'est-ce qui vous fait la débiner
avec une pareille confiance? 2
Anthony. Primitm tempus. Gaddy a été son
premier, et une femme ne laisse pas échapper
son premier amant sans se plaindre. Elle se
justifie à elle-même le premier transfert d'affec-
tion, en jurant que c'est pour toujours et tou-
jours. Par conséquent.
Blayne. Par conséquent, nous voilà assis
jusqu'à une heure passée à causer scandale
comme un cénacle de portières. Anthony, c'est
aussi vôtre faute. Nous étions parfaitement res-
pectables jusqu'au moment où vous êtes entré.
Allez vous coucher. J'y vais. Bonne nuit tous.
CURTISS. Une heure passée 1 II est deux
heures passées, sur mon âme, et voici venir le
khit pour l'extra. Justes cieux Une, deux, trois,
quatre, cinq roupies à payer pour le plaisir de
dire qu'un pauvre petit diable ne vaut pas mieux
que cela. J'ai honte de moi-ir ême. Allez vous
coucher, méchantes langues, et si l'on m'envoie
demain à Béora, préparez-vous à apprendre
que je suis mort avant de payer mes dettes de
jeu 1
Les tentes de Cédar
Only why should it ho with stain at ail
Why must I, 'Iwixt the leaYes of coronal,
Put any ltiss of pardon on thy brow î
Why should the other women know so much,
And talk together « such the look and such
» The smile he need to love with, then as now »
Any viifc i6 any husband (1).
DÊCÔR- Un dlne-r de Naini-Tal de 34 couverts. Ar-
genterie, vins, vaisselle et « khilmatgars » soigneu-
sement calculés à l'échelle de 6,000 roupies par
mois, le change en moins. La table divisée dans
toute sa longueur p ar une haie de fleurs.
Mrs. Herïuott (après que la conversation s'est
élevée au diapason convenable). Ah 1 je ne
vous ai pas vu dans la cohue au salon. (Sottar
voce.) Ou avez-vous bien pu être tout ce temps-
là, Pip ? 2
LE CAPITAINE GadsbY (se détournant de la
dame dont il a reçu officiellement la charge et
remuant les verres à vin du Rhin). Bonsoir.
(Sotto voce.) Pas tout à fait si haut une autre
fois. Vous n'avez pas idée comme votre voix
porte. (A part.) Voilà ce que c'est que d'avoir
voulu esquiver l'explication écrite. Il va mainte-
{1} Robert Brp^njgg.
Sur le parcours de l'amiral Wilson, il y avait peu
de curieux. Le service d'ordre préparé était du reste
superflu.
Au débarcadère et sur tout lé trajet dans la ville,
pas un hourra, pas un salut n'a été adressé à la voi-
ture découverte où se trouvaient l'amiral et son ad-
judant, ainsi,,que les consuls,
Une curiosité pleine de réserve et de froideur
sans aucune espèce de démonstration, caractérise la
réception.
La garnison, qui comporte un bataillon de forte-
resse, a été renforcée de deux compagnies de grena-
diers dont le service consiste surtout à défendre au
public l'accès vers les forts.
Les grands navires cuirassés et croiseurs de l'ami-
ral Wilson restent dans la grande rade au delà des
môles les. bâtiments d'un moindre déplacement et
les torpilleurs sont entrés dans le port.
L'impression
Swinemunde, 28 août.
Nous sommes loin'des discussions passionnées
soulevées dans la presse par cette démonstration na-
vale britannique, et des craintes exprimées par quel-
ques organes d'une sensibilité nationale toute par-
ticulière.
Le premier contact n'a donné qu'une impression
de politesse sans cordialité. Mais il est possible que
les réceptions animent un peu les rapports, d'autant
plus que du côté allemand on ne négligera rien pour
donner à la « bienvenue » do la flotte anglaise un
ton de camaraderie. Mais en même temps, on dé-
sire impressionner les marins anglais en leur mon-
trant, comme dit un journal d'ici, que « sur les cô-
tes de la Baltique existe un peuple pacifique qui
vaut la peine qu'on vive en sympathie et amitié
avec lui »..
C'est- évidemment dans ce but que les amiraux
anglais ont été invités à assister, aux chantiers
Vulkan, près de Stettin, au lancement du nou-
veau paquebot do la ligne Hamburg-Amerika, qui
portera le nom de l'impératrice et qui sera le plus
grand, le plus rapide et le plus beau des transatlan-
tiques et môme des navires postaux existants.
La Ligue navale allemande aurait saisi l'occasion
pour demander à tous ses membres de lui adresser
un rapport sur la construction des navires britan-
niques. ̃ ̃ ̃ >
On assure que le prince Henri do Prusse visitera
la flotte anglaise pendant son séjour.
Arrivée de la flotte allemande
Swinemunde, 28 août.
La flotte allemande comprenant quatorze cuiras-
sés, quatre croiseurs, dix torpilleurs, est arrivée.
Elle a échangé les saluts réglementaires avec la
flotte anglaise et a pris son ancrage à côté d'elle
dans la grande rade. Elle restera jusqu'à demain
matin.
De nombreux bateaux conduisent les curieux voir
les deux flottes, que tous sont désireux de com-
parer.
La flotte allemande surpasse d'ailleurs l'escadre
anglaise par le nombre des unités.
La presse allemande
Le Berliner Tageblatt fait en guise de bienvenue à
la flotte anglaise une comparaison de la rivalité de
l'Angleterre et de l'Allemagne avec celle de Rome
et de Carthage.
S'il est peu probable, dit-il, que l'Angleterre trouve
un Annibal, il est certain que la terre d'Allemagne
produirait des Catons, qui par l'exemple et par la pro-
pagande sauraient réveiller toutes les énergies du
peuple.
Il est certain aussi qu'à la fin de la grande lutte, il
n'y aurait pas de Caton méditant sur les ruines de Lon-
dres mais si les grenadiers prussiens faisaient une
petite promenade dans les rues de la City, l'orgueil lé-
gendaire de la vieille Angleterre n'en serait pas moins
humilié.
Nous ne verrons pas se reproduire les épisodes des
guerres puniques, parce que dans l'époque présente,
la concurrence pacifique entre les nations rivales est
avantageuse pour les intérêts de la civilisation, bien
plus que la suppression de l'adversaire.
Et l'organe berlinois conseille aux Allemands qui
assisteront à l'arrivée de la plus grande flotté an-
glaise qui ait évolué dans la Baltique de puiser dans
ce spectacle un juste enseignement et de bien se
convaincre que c'est seulement lorsque l'Allemagne
aura une flotte aussi puissante que celle de l'Angle-
terre que les deux nations, maintenant rivales, se-
ront les meilleures amies du monde.
Au demeurant, il exhorte tous les Allemands à
être unis dans l'amour de la patrie et dans le souci
do sa grandeur.
• «fi»
LES AFFAIRES DU MAROC
La détention de Bou Mzian
On mande de Tanger, 27 août, au Times
Le makhzen refuse de relâcher le sujet français
algérien qui se trouve incarcéré illégalement à Fez.
Le refus du sultan a été communiqué par écrit of-
ficiellement au ministre de France à Fez.-
La Franco accordera maintenant au sultan un
délai, dans lequel la personne en question devra
être mise en liberté. Passé ce délai, la France usera
de représailles. Il est probable que le sultan finira
par céder.
Cette affaire provoque ici le plus vif intérêt, puis-
qu'elle porte sur la situation au Maroc des sujets
musulmans de toutes les puissances.
On nous télégraphie de Toulon, le 27 août
Le commandant de l'escadre active au golfe Juan
a reçu des instructions pour tenir deux croiseurs
prêts à partir, au premier ordre, pour la côte maro-
caine.
Le Berliner Tageblalt écrit dans sa revue politique
de la semaine
Pareille chose s'est souvent produite dans ce pays
de brigands sans qu'on agite immédiatement son
grand sabre. Mais il convient précisément au gouver-
nement français, en ce moment, de montrer au sultan
du Maroc que le gouvernement français est encore
« fort ». C'est pourquoi il menace de rompre les rela-
tions diplomatiques, d'intervenir à- la frontière algé-
rienne et de faire une démonstration navale devant
Tanger.
nant la falloir verbale. Charmante perspective!
Comment diable vais-je lui dire que je suis
fiancé, membre respectable de la société, et que
tout est fini entre nous ?
Mas. H. J'ai un gros compte à régler avec
vous. Ou étiez-vous, au concert Pop 1) de lundi?
Où étiez-vous, au tennis des Lamont? Je cher-
chais partout.
LE CAP. G. Pour.me voir?Ohl j'étais en vie
quelque part, je suppose (A part). C'est pour
Minnie, mais cela va être salement désagréable.
MRS. H. Ai-je fait quelque chose pour vous
offenser ? Si oui, cela n'a jamais été mon inten-
tion. Je ne pouvais pas m'abstenir d'aller faire
une promenade à cheval avec ce Vaynor. C'é-
tait promis une semaine avant que vous arri-
viez.
LE CAP. G. J'ignorais.
MRS. H. Cela l'était, vraiment.
LE cap. G. Quoi que ce soit à ce sujet, voilà
ce que je veux dire.
Mrs. H. Qu'est-ce que vous avez aujour-
d'hui ? Tous ces jours-ci ? Il y a quatre grands
jours, presque cent heures, que vous n'avez été
près de moi. Est-ce gentil à vous, Pip ? Et j'ai
tant attendu votre arrivée.
LE CAP. G. Vraiment ?
Mas. H. Vous le savez bien J'ai été aussi
sotte à ce propos qu'une pensionnaire. J'ai fait
un petit calendrier que j'ai mis dans mon porte-
cartes, et chaque fois que le canon de midi par-
tait, j'effaçais une ligne et disais « Cela me
rapproche de Pip, mon Pip 1 »
Lu CAP. G. (avec un rire contraint). Que va
penser Mackler si vous le négligez pareille-
ment ?
Mrs. II. Et cela ne vous a pas rapproche.
Vous paraissez beaucoup plus loin que jamais.
Avez-vous quelque raison de bouder? Je connais
votre caractère.
LE cap. G. Non.
Mrs. H. Suis-je donc devenue vieille dans
ces quelques derniers mois? (Elle étend la main
vers la haie de fleurs pour prendre le menu.)
VOISIN DE gauche. Permettez-moi. (Il tend
le menu. Mrs. H. reste le bras étendu l'espace de
trois secondes.)
MRS. H. (au voisin, son cavalier).- Oh 1 merci,
&) Concert jp.Qjpulaire. J
C'est beaucoup de bruit, à ce qu'il nous semble, pour
M. Bou Mzian el Miliani. On ne peut que souhaiter
que la France aussi, quelque énervée qu'elle puisse
être des fêtes de Portsmouth, conserve assez de sang-
froid pour s'en tenir aux menaces. Car une occupation
du Maroc, sous quel prétexte que ce soit, conduirait
nécessairement aux plus graves complications, et dé«
truirait tout au moins les conventions auxquelles ou
a si péniblement abouti jusqu'à présent.
BEBEL A STRASBOURG
(De notre envoyé spécial) x
Strasbourg, 27 août.
Pour répondre aux manifestations du congrès ca-
tholique, les socialistes de Strasbourg avaient or-
ganisé, comme vous savez, une grande réunion et
invité Bebel. L'orateur socialiste s'est rendu à cette
invitation.
Vous n'ignorez pas les difficultés qu'ont rencontrées
les organisateurs pour trouver un local assez vaste.
Celui qui avait servi aux séances des catholiques a
été démoli quelques heures après la fin des séances.
Les socialistes ont dû chercher ailleurs dans Stras-
bourg une salle capable de contenir plusieurs mil-
liers d'auditeurs. C'est le marché couvert, qui oc-
cupe l'emplacement de l'ancienne gare, qui a été
choisi.
Une foule énorme se pressait, cet après-midi, dans
cette halle, où on avait aménagé quelques tribunes,
aux couleurs alsaciennes. Les hommes étaient natu-
rellement en majorité, mais on remarquait aussi do
nombreuses femmes. Tous se tenaient debout il n'y
avait, en effet, ni chaises, ni bancs, ni tables.
De joyeux et vigoureux hoch ont salué Bebel à
son apparition à la tribune. Le député socialiste
n'avait pas parlé à Strasbourg depuis l'époque de
son élection au Reichstag comme représentant
d'Alsace. On sait qu'il a été élu en 1897 député de
Strasbourg; il est actuellement député de Ham-
bourg. A peine le représentant de la police, un offi--
eior, avait-il pris plar.fi h la trihnnn, que la séance a
commencé. "'•'•
Je passe sur l'allocution de Bœhle, chef du parti
socialiste strasbourgeois. Bebel se lève. Les vivats
reprennent de plus en plus nourris. Bebel sourit et
fait signe de la main, pour apaiser l'enthousiasme.
Les cheveux blancs rejetés en arrière, en boucles
épaisses, la barbe blanche courte et drue, taillée en
pointe, accentuent une espèce de hàle sombre. Les
yeux gris sont grands et singulièrement expressifs.
La voix est forte, mais un peu rauque; elle a parfoia
un éclat métallique et de sourdes consonances, sur-
tout à la fin des phrases. Il parle avec feu, on dirait
même souvent avec une âpreté agressive; sa mâ-
choire a un mouvement de côté, comme pour broyer
fortement. Les gestes ne sont ni variés, ni violents
il se borne à frapper le bord de la tribune ou bien à
élever les deux mains, en suppliant..
Le discours je parle du moins de celui que je
viens d'entendre n'a ni la composition artistique,
ni la belle ordonnance, ni la tenue littéraire que l'on
remarque chez nos orateurs socialistes. C'est que.
ceux-ci sont tous, ou presque, des lettrés et des es-
prits nourris de la substance classique. Les philo-
sophes leur sont familiers. Nos leaders socialistes
évitent les lieux communs et ne s'abandonnent pas
à de faciles et triviales plaisanteries. Tout, au con-
traire, témoigne en Bebel d'une construction hâtive.
Certes, il connaît bien les « développements » que
comporte son sujet, mais ses digressions et sescita-
tations historiques sont insuffisantes. Il plaisanta
lourdement, ce qui ne contribue pas peu à son suc-
cès. Au demeurant, c'est un bel échantillon de tri-
bun, qui connaît la foule, qui en devine les mouve-
ment soudains d'impression, et qui règle son élo-
quence sur les dispositions de ses auditeurs.
Le cas qu'on fait de lui en Allemagne, et même
ici en Alsace, a je ne sais quoi de touchant. On l'é-
coute avec dévotion, avec ferveur. Pas la moindre
interruption: on boit ses paroles.
Il a parlé pendant deux heures et demie. Il a tou-
ché à de nombreux sujets au hasard, et au petit
bonheur des points qu'il se proposait de traiter. Je
me vois obligé de resserrer ses développements et
de mettre, pour plus de clarté, un peu d'ordre dans
son désordre.
Dans la première partie, qu'on pourrait appeler
la partie de polémique, il a fait le procès des catho-
liques en général, puis celui des catholiques alle-
mands en particulier; il a abordé ensuite le pro-
gramme socialiste et parlé dn féminisme la femme
est maintenant la plus noble conquête que le socia-
liste allemand veuille faire; enfin, il a critiqué la
politique du centre, politique de conquêtes colonia-
les, politique favorable au militarisme et ruineuse
pour les ouvriers. Il a dit qu'en se rapprochant du
centre, en s'alliant avec lui, les catholiques alsaciens
seraient désormais obligés de donner leur adhésion,
et leur appui à cette politique d'impérialisme.
Bebel, au début de son discours, a d'abord ironi-
quement remercié le président du « Catholikontag»,
le prince Loewenstein-Wertheim, pour la réclame
que celui-ci a faite au parti socialiste en rendant
cette réunion nécessaire et en arrachant Bebel aux
douceurs de sa villégiature.
Non, dit-il, le congrès catholique n'est pas un ai-
guillon dans la chair de la socialdémocratie. Les ca-
tholiques se trompent s'ils croient qu'ils arrêteront
les progrès du socialisme. Je ne puis, continue Be-
bel, répondre à toutes les questions qui ont été agi-
tées pendant les cinq jours du congrès. Je ne veux
retenir que ce qui touche aux doctrines générales
de l'émancipation sociale. Pourquoi accuser les so-
cialistes d'internationalisme? Ne sont-ils pas inter-
nationalistes, ces princes, ces riches propriétaires
qui possèdent des terres dans des pays différents ?
Et Dieu lui-même n'est-il pas le premier des' inter-
nationalistes ?
Bebel pense que les catholiques ont eu tort d'in-
sister sur les prétendues misères de la papauté. La
puissance temporelle est incompatible avec la sim-
je ne voyais pas. (Elle se retourne à droite.) Y
3 a-t-il en moi quelque chose de changé ? r
3 LE cap. G. De grâce, occupez-vous de dîner!
Il faut manger quelque chose. Essayez une de
3 ces façons de côtelettes. {A part.) Et je m'ima-
? ginais qu'elle avait de belles épaules, au beau
temps jadis! Quel âne on peut faire de soi
Mrs. H. (se servant une manchette de papier,
i sept pois, quelques carottes découpées à l'emporte-
r pièce et une cuillerée de sauce). Ce n'est pas
une réponse. Dites-moi si. j'ai fait quelque
s chose.
LE CAP. G. (à part). Si l'on n'en finit pas ici,
3 il y aura quelque scène diabolique ailleurs. Si
seulement j'avais écrit et que j'eusse accepté la
bataille. à longue portée (Au khitmatgar.)
lîanl Simpkin do (1). (Haut.) Je vous raconterai
cela plus tard.
Mrs. H. Racontez-le-moi tout de suite.- Ca
I doit être quelque ridicule malentendu, et vous
savez qu'il ne devait rien arriver de la sorto
entre nous. Nous, moins que personne, ne pbu-
vons nous le permettre. C'est ce Vaynor, et vous
i ne voulez pas le dire? Sur mon honneur.
LE CAP. G. Je n'ai jamais pensé un instant
à ce Vaynor.
MRS. H.– -Mais comment savez-vous que moi,
je n'y ai pas pensé?
LE CAP. G. (àparl). Voici {'occasion, et puissa
le diable me la faire saisir aux cheveux (Haut
et d'un ton mesuré.) Croyez-moi, peu m'importa
que vous pensiez plus ou moins souvent à ca
Vaynor, ni que vous y pensiez d'une façon plus
ou moins tendre.
Mrs. H. -Je me demande si c'est bien ce que
vous voulez dire. Oh I qu'est-ce que cela rap-
porte de se chamailler et de prétendre ne pas
se comprendre quand vous n'êtes ici en haut
que pour si peu de temps? Pip, ne faites pas la
bête 1
Suit une pause, pétulant laquelle il croise sa jambe
gauche par-dessus la droite et continue son dinev,
RUDYARD KIPLING.
Traduitde l'anglais par
LoUIS FABULET et ARTHUR Austin-JacksON.
(A suivre.)
tiù Qirfi du chamiMUËM»
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