Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-05-15
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 mai 1889 15 mai 1889
Description : 1889/05/15 (Numéro 10236). 1889/05/15 (Numéro 10236).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
On s'abonne aux Bureaux au Journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARis, et dans tous les sureaux de reste
MERCREDI i5 MAI 1889.
VINGT NEUVIEME ANNÉE. N°10238
v: PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 1 «4 fr. Six mois, 2Sfr.; Un an, 56fr;
BÉP^&ALSACE-LORRAINB 17Ir.; 34 fr.; 68fc
B5M POSTALE 18fr.; 36fr.; 72fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES Ie' ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 8O centimes.
ANNONCES: MM. Lagrange, CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'insertion rcsei'vé à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens. PARIS
Adresse télé»graphique: TEMPS PARIS
;:r • prix DE L'ABONNEMENT ̃
»1W» ois ois 1 4 fr. Six mois, 2 8 fr. Ou en, 56 tf.
'1\11S. Trois mois, 14 fr.; Six mois, 2 S fr,; Un an, 56 Cr.
SîîijîSAOE-MERAHÏ 17fr.; 34 fr.; 6Sfc.
Jil/POSÎALE 18fr.; 36 fr.; 72fr.
LES ABOMSEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
JÇJn numéro <» Paris) 1£> centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PAUIS
PARIS, 14 MAI
a é t
BULLETIN DU JOUR
Les Chambres reprennent aujourd'hui leur
session interrompue depuis le 13 avril der-
nier pour le Sénat et le 11 avril pour la
Chambre.
Les interpellations au feu croisé desquelles
le cabinet italien est soumis depuis la rentrée
des Chambres semblent attester que la dicta-
ture parlementaire de M. Crispi n'est plus ab-
solument indiscutée.
Sans doute, pour la politique africaine, le
président du conseil n'a pas eu à se mettre
en frais de bien amples explications pour ob-
tenir un blanc-seing. Mais le député Imbriani,
récemment élu par les Pouilles, et le repré-
sentant d'une famille qui a fait des sacrifices
héroïques à la patrie, a fait passer un mau-
vais quart d'heure à M. Crispi en rattachant
avec une précision presque cruelle la crise
terrible dont souffre actuellement, le midi de
l'Italie à la politique suivie à l'égard de la
France pour se faire bien venir de la triple
.alliance.
M. Imbriani a parlé avec feu, avec une gé-
nérosité communicative qui rappelait l'ère
des nobles luttes et des dévouements magna-
nimes, et il a rendu à la France l'hommage
de cette gratitude que les grands cœurs seuls
savent vouer aux grands services. M. Crispi
a rabaissé la discussion et l'a même envem-
mée en reprenant la fameuse thèse, impos-
sible à démontrer, d'après laquelle la France
serait responsable de la dénonciation du traité
de commerce, bien que ce soit l'Italie, et non
pas elle, qui l'aitfaite, parce que, si l'Italie ne
s'y était portée la première, la France au-
rait probablement pris ce parti.
La presse indépendante italienne fait re-
marquer ce qu'a de singulier ce raisonne-
ment qui innocente un acte positif du cabinet
de Rome aux dépens d'un acte hypothétique
du cabinet de Paris. Elle blâme aussi sévè-
rement le langage gu'a cru devoir tenir M.
Crispi au sujet des congrès catholiques.
Interrogé au sujet de ces assemblées et
particulièrement de celle de Vienne, qui pa-
rait à certains esprits incompatible avec l'al-
liance austro-italienne, M. Crispi a jugé à
propos de mettre en cause la France qui n'en
peut mais et où précisément aucun congrès
catholique n'a encore siégé cette année. Le
Diritto, auquel nous laissons volontiers la
parole en cette occasion, dit « Le président
du conseil a donné une preuve nouvelle de
sa malveillance et de ses préjugés contre la
France en signalant cet Etat comme l'initia-
teur des congrès catholiques, pour mieux
excuser l'Autriche » Voilà ce que l'on pense
à Rome dans des milieux où l'on a gardé sa
liberté d'esprit il est bon qu'on le sache ici.
t-- La grève du bassin houiller de la Ruhr
'continue, malgré les efforts faits de divers
côtés pour amener un rapprochement entre
les mineurs et les compagnies. Il est assez
intéressant de noter que les grévistes, jus-
'qu'ici, ne mêlent point du tout de politique
.révolutionnaire à leurs revendications.
̃?̃ Ils ouvrent et terminent leurs meetings au
cri de Il Vive l'empereur! » Ils se racon-
lent entre eux que le jeune souverain se se-
rait fait expédier les tarifs et les livres de
caisse de certaines fosses afin de vérifier par
lui-même le bien-fondé des griefs des ou-
'vriers. Une délégation des mineurs de Dort-
mund est partie hier soir pour Berlin, afin de
solliciter une audience de l'empereur Guil-
laume qui la reçoit aujourd'hui.
Tous ces traits concordants ne trahissent
pas un esprit bien dangereux dans ces po-
pulations qui paraissent encore toutes péné-
nétrées de loyalisme monarchique, à la dif-
férence des classes laborieuses de Saxe,
de Silésie et du midi de l'Allemagne, où
le socialisme démocratique recrute son mil-
lion d'adhérents. Il suffit, du reste, de jeter
un coup d'œil sur les résultats des dernières
élections au Reichstag dans les circonscrip-
tions de cette région minière pour constater
que le milieu est singulièrement pacifique et
modéré.
En 1887, les partis gouvernementaux (na-
tionaux-libéraux et conservateurs-libres) ont
obtenu dans cette région 70,850 voix, le cen-
tre ou les cléricaux 53,529 voix et les socia-
listes le chiffre infime de 3,786 suffrages. On
comprend que le gouvernement tienne à ne
pas réduire au désespoir une population aussi
sage et à ne pas la jeter dans les bras des
agitateurs socialistes.
Aussi affirme-t-on que la troupe aurait
reçu l'ordre de ménager davantage l'habi-
tant et de ne pas recourir d'emblée à Yultima
ratio des feux de peloton. En même temps,
BTEtLJflïAJSTOW OU « 17EM1»® »;
DU 15 MAI 1889 [10]
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lUN CASQUE
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VIII– (Suite.)
Au petit jour, Saint-Sylvain trouva Pierre en-
dormi dans son fauteuil et fut frappé de la séré-
nité presqu'enfantine de ses traits.
Tiens, dit Pierre en se frottant les yeux,
j'ai donc oublié» de me coucher hier soir! Eh
bien, Saint-Sylvain? '?
Eh bien, mon Pierre, il est cinq heures
passées, à six heures, vous vous alignez. Es-tu
prêt?
Tout est prêt. Voici mon testament.
Quel bête de mot Enfin il n'y en a pas d'autre.
Tu y trouveras toutes les indications néces-
saires.
Bon, bon! tu m'ennuies. Comme si, sa-
pristi 1. Après tout, tu fais bien. Habille-toi.
Tu as des chemises de soirée: mets en une; le
plastron empesé est une bonne chose. N'ou-
blie pas des bottines à lacets, bien serrées.
Ah, j'entends monter Plérin qui vient nous re-
joindre nous sommes au complet.
Pierre et les deux témoins se rendirent au
manège. Ils firent un détour pour ne point pas-
ser devant le quartier, où les hommes du poste
les attendaient curieusement. A la porte, ils
rencontrèrent Albiosc avec ses seconds, Clé-
rambourg, le porte-étendard, et Chevanceaux,
l'adjoint du trésorier. On se fit de profonds sa-
luts ce fut à qui ne passerait pas le premier;
mais, après force cérémonies, Albiosc se décida
à précéder son adversaire.
Dans le manège, Borgès attendait en grande
tenue, portant deux paires d'épées à coquilles,
Pcproduction interdite.
une certaine pression serait exercée sur les
compagnies pour les induire à faire quel-
ques concessions aux grévistes.
Il est remarquable que les directions se
montrent plus disposées à des augmenta-
tions de salaires qu'à des réductions de
temps, tandis que les mineurs paraissent dé-
cidés à se montrer plus traitables sur le cha-
pitre des élévations de salaires que sur celui
de la réduction à sept heures de la durée du
travail des équipes.
Ils soutiennent qu'actuellement le travail
utile d'une équipe ne dure que huit heures,
mais qu'en outre les ouvriers sont retenus
de longues heures supplémentaires pour le
boisage des galeries et autres besognes né-
cessaires, mais non payées. Ils se plaignent
également des retenues opérées, sous divers
prétextes, sur leurs traitements nominaux.
Enfin, ils réclament la suppression du sys-
tème du marchandage, en vertu duquel un
entrepreneur secondaire traite à forfait avec
la compagnie pour l'exécution d'un certain
travail et ne remet aux mineurs qu'il embau-
che qu'une fraction du prix convenu, dont il
empoche le reliquat. Cette pratique leur pa-
rait avoir un double inconvénient; d'une part,
elle réduit outre mesure les ressources des
ouvriers et, d'autre part, elle trompe le pu-
blic sur le chiffre réel du salaire, les statis-
tiques établissant leurs movennes sur les
prix portés dans les contrats conclus avec
les marchandeurs, lesquels n'en font pas bé-
néficier intégralement leurs équipes.
On voit combien ces questions de l'ordre
industriel sont compliquées et délicates.
L'empereur a reçu des rapports détaillés du
prince de Bismarck et du ministre de l'inté-
rieur Herrfurth. Avec la meilleure volonté
du monde il aura quelque peine à trouver les
bases d'un accord entre les déux.parties.
.̃; -«S5-
"dépêches télégraphiques
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
̃̃?'
Berlin, 14 mai, 8 h. 40.
Le maréchal turc Ali-Nizami-Pacha est arrivé
avec une suite composée d'un secrétaire et deux
officiers. Il a pour mission de remettre à l'empe-
reur Guillaume le grand-cordon de l'Imtiaz, avec
plaque en brillants, et à l'impératrice le grand-cor-
don du Chefakat.
Ce fait n'a pas d'autre signification politique que
celle d'une manifestation nouvelle du désir du sul-
tan d'entretenir des relations aussi intimes que pos-
sible avec l'empereur d'Allemagne. Ali-Nizami-Pa-
cha n'est d'ailleurs pas chargé d'une mission spé-
ciale en dehors de celle qui motive son voyage.
Vienne, 14 mai, 8 h. 20.
La Chambre des députés du Reichsrath discute
une loi pour la protection des marques de fabrique.
M. de Bacquehem, ministre du commerce, n'est pas
d'avis d'assimiler la marque de fabrique à une pro-
priété. C'est le signe distinctif de l'individualité
d'un produit. Le gouvernement n'a pas encore
adhéré à la conférence de Paris, parce qu'il faut
d'abord achever la réforme de la législation des
brevets, et s'assurer du concours de la Hongrie. En
attendant, les traités internationaux suffisent à ga-
rantir les marques de fabrique.
Le ministre a annoncé qu'il avait consulté les
chambres de commerce sur l'utilité de certaines
mesures réclamées par les industriels de la haute
Autriche, pour empêcher l'abus ou la contrefaçon
des marques qui, depuis trois ou quatre siècles, font
reconnaître les produits des fabriques de faucilles et
instruments aratoires dus à l'industrie autrichienne.
Quant aux réclamations diplomatiques adressées
à l'Allemagne au sujet de la contrefaçon des mar-
ques autrichiennes, elles sont restées sans résultat.
Les fabricants devront s'adresser aux tribunaux.
Après la sortie obligée du député antisémite Turk
contre les fabricants juifs, et un discours du dépu-
té libéral Exner, qui s'est attaqué avec succès aux
théories économiques du prince Liechtenstein, la
loi a été votée.
Vienne, 14 mai, 8 h. 50.
Le procès des auteurs des troubles qui ont eu
lieu les 21, 22 et 23 avril vient de commencer de-
vant un tribunal composé de trois juges, sans le
concours du jury. Les accusés, au nombre de 190,
sont divisés en quatre groupes, et les débats dure-
ront une quinzaine de jours.
La premirèe audience n'a pas offert beaucoup
d'intérêt. Les accusés sont, pour la plupart, des ou-
vriers ou même des apprentis qui ont été signalés
comme ayant jeté des pierres, soit aux agents, soit
à la troupe, ou comme s'étant rendus coupables de
rébellion.
Vienne, 14 mai, 9 h. 15.
Un meeting de 3,000 personnes appartenant au
parti socialiste a eu lieu hier au Colosseum, à Ru-
dolfsheim (un faubourg de Vienne). La police a sé-
vèrement contrôlé les lettres d'invitation, qui étaient
indispensables pour être admis.
Différents discours ont été prononcés, tendant
tous à obtenir des droits politiques en faveur de la
classe ouvrière.
Budapest, 14 mai, 8 h. 10.
Une émeute agraire a éclaté à Eisenstein, dans le
comitat de Krasso. Les paysans se sont opposés à
l'exécution d'un contrat de fermage consenti pour
le gouvernement. Ils ont envahi le terrain en litige
et ont fait mine de s'y installer. Un détachement
et Coublevie étalait tranquillement ses petits
couteaux, déroulait des bandes, épluchait des
pinceaux de charpie.
Le garde-manège s'était confortablement
installé dans la tribune, comme le juge du
tournoi. Clérambourg dut lui lâcher une bor-
dée de menaces et de jurons pour le faire dé-
gringoler de son observatoire.
Il avait été décidé que le duel se poursuivrait
jusqu'à la mise hors de combat d'un des adver-
saires. Ceux-ci mirent habit bas, passèrent un
-gant de ville et s'armèrent. Saint-Sylvain croisa
les lames et recula en disant
-Allez, messieurs 1
Pierre, beau tireur de fleuret, possédait peu
le jeu de l'épée. Albiosc avait pris une garde
loin du corps, le bras allongé et tenait son
patiner à distance, lui mettant sans cesse la
pointe au visage et n'attaquant pas. L'autre
faisait des feintes et poussait à fond. Albiosc
rompait en parant et Pierre trouvait toujours à
hauteur de sa figure l'éternelle pointe qui lui
barrait la route. Enfin Albiosc, commençant à
se fatiguer, menaça la ligne basse par une
feinte de seconde, Pierre vint à la parade par le
même mouvement et se découvrit, Albiosc, ren-
trant dans la ligne haute par un tour de poi-
gnet rapide, se fendit et atteignit Pierre au
flanc droit a
-J'en ai, dit le blessé, continuons.
Mais son bras engourdi tomba le long du
corps; il s'abattit sur un genou et se coucha
lourdement.
Saint-Sylvain s'était précipité; il le saisit en
le soutenant derrière les épaules; Plérin lui dé-
chira sa chemise; mais Coublevie grommela:
Laissez-le donc tranquille. On ne secoue
pas un homme en syncope.
Albiosc et ses témoins firent un mouvement
pour s'approcher; Saint-Sylvain leur dit d'une
voix altérée
Nous avons l'honneur de vous saluer,
messieurs.
Ils se retirèrent pendant que Borgès ramas-
sait les épées en marmottant
Tonnerre de Diou, je n'aurais pas mieux
travaillé.
Coublevie, agenouillé, examinait Pierre avec
des réflexions à demi-voix
Bigre I c'est à la hauteur du lobe
moyen. Voyons la bouche. Bon, pas de
sang, le poumon n'a rien.
tout à coup il leva la tête. sentant quelque
de gendarmerie a fait feu. Quatre paysans ont été
tués sur le coup. Trois autres ont succombé à leurs
blessures.
Belgrade, 14 mai, 10 h. 30.
M. Zankof vient de revenir ici. Il a rédigé une
nouvelle proclamation que des agents distribuent
en Bulgarie. Cette proclamation adjure les Bulgares
patriotes de se joindre à ceux qui sont résolus à
chasser l'usurpateur. S'adressant aux officiers, M.
Zankof les assure de la bienveillance du tsar, et
leur affirme que leur situation n'aurait en rien à
souffrir d'un changement de régime. La Russie fera
la preuve de sa sollicitude pour l'armée bplgare.
Madrid, 14 mai, 9 heures.
A la Chambre des députés est venue hier la dis-
cussion de la proposition des conservateurs ten-
dant à relever les droits sur les céréales étrangè-
res. Le ministre des finances, M. Venanzio Gonza-
lez, a demandé à la Chambre de repousser cette
proposition, que les conservateurs ont présentée
pour diviser la majorité.
Cette discussion a pris une tournure complète-
ment politique. Les conservateurs ont réussi à pro-
voquer l'intervention de MM. Moret, Puigcerver et
Gamazo, qui représentent deux tendances économi-
ques rivales dans les rangs ministériels, et le gou-
vernement a dû consentir à un nouvel ajourne-
ment indéfini de la discussion du projet de loi sur
le suffrage universel, parce que MM. Canovas, Cas-
sola, Lopez Dominguez, veulent parler dans les dé-
bats économiques.
M. Sagasta a invité tous les députés ministériels
à revenir à Madrid pour ce débat, parce que il veut
faire du rejet de la proposition des protectionnistes
une question de cabinet.
Madrid, 14 mai, 9 h. 35.
A l'occasion de la fête littéraire de l'université
catholique de Bilbao, les jésuites et leurs élèves
ont fait des démonstrations ultramontaines et car-
listes tellement hostiles à la monarchie actuelle,
que le préfet de Bilbao a chargé le procureur du
roi de faire une enquête.
(Service Havas) -̃
Rome, 14 mai.
Le congrès de la paix a voté hier soir, à une grande
majorité, un ordre du jour exprimant le vœu que les
gouvernements .s'-entendent pour diminuer leurs ar-
moments; que l'organisation militaire de chaque pays
ait un but défensif et non offejisif; que tous les
citoyens soient préparés, dès l'enfance, à la défense
de leur patrie si elle était attaquée, et que la presse,
les associations et les députés travaillent à populari-
ser ces idées.
Berne, 14 mai.
La commission centrale suisse de l'Exposition de
Paris se réunira jeudi à Berne, pour fixer la liste des
citoyens suisses qui seront proposés comme mem-
bres ou comme membres suppléants du jury interna-
tional.
Madrid, 14 mai.
Le navire anglais le Poesvesca et le navire norvégien
le Kordkrap ont fait relâche,hier, dans le port de Cadix,
à la suite d'une collision survenue entre eux à la hau-
teur de Trafalgar.
Il se tient beaucoup de réunions en pro-
vince. Tous les partis s'agitent, s'organisent
et cherchent une plate-forme électorale, la
plus séduisante possible, en vue des pro-
chaines assises du suffrage universel. Nous
sommes loin de regretter ce grand mouve-
ment qui remue la nation entière, dans ses
couches les plus profondes et d'ordinaire les
plus immobiles, les force à s'occuper sérieu-
sement de ses propres affaires, et J'habitue à
la pratique et aux mœurs de la liberté. Tout
ce que nous demandons, c'est que les partis
descendent dans l'arène avec une entière
loyauté et se présentent au pays, qui est leur
juge à tous, avec leur drapeau véritable et
leurs propres doctrines. Ce que tout le monde
devrait condamner, c'est 1 équivoque et le
mensonge, car les réticences mentales chez
les candidats ont inévitablement pour consé-
de fausser la décision dernière du
suffrage universel.
Or il nous paralt, nous avons quelque
regret à le dire, que les monarchistes sent
en train de créer une de ces équivoques
fâcheuses en organisant dans les diverses
̃parues du territoire français ces prétendues
assemblées provinciales dont leurs journaux
nous racontent depuis quelques jours les
'délibérations variées.
Ils veulent, disent-ils, célébrer aussi le
centenaire de 1789. C'est leur droit et nous
les félicitons d'en user. Ils ont l'intention de
préparer et de dresser ce qu'ils nomment les
cahiers de 1889, et nous applaudissons volon-
tiers aux idées généreuses et libérales qui se
rencontrent souvent sur les lèvres de leurs
orateurs. Ce qui nous étonne seulement, le
point sur lequel nous demandons des expli-
cations, c'est le silence à peu près absolu
que, dans ces nouveaux cahiers de la France
démocratique, on garde sur le rétablissement
nécessaire de la monarchie. Ce devrait être le
premier article de leur programme; il y brille
par son absence. Après s'être montrés dy-
nastiques à outrance dans leur conduite
politique jusqu'à devenir révolutionnaires
et se faire les alliés de tous les partis ré-
volutionnaires, après avoir voté hier encore
contre l'honorable M. Poirrier au profit
de son concurrent radical, ces mêmes mo-
narchistes changent une fois de plus de vi-
sage et, devant le corps électoral des dépar-
tements, reparaissent comme de purs libé-
chose de chaud sur sa nuque. Le pauvre Saint-
Sylvain pleurait, penché sur le blessé, et de
grosses larmes, roulant le long de ses joues,
tombaient une à une dans le cou de l'aide-
major. Celui-ci sourit
Petit bonhomme vit encore, fit-il en se
redressant et en époussetant ses genoux, le
soufflet est intact, je crois dans quinze jours
il sera gaillard s'il ne survient pas d'érysipèle
ou d'abcès. Vite, Plérin, faites atteler la voi-
ture de la cantine. C'est égal, il a de la chance;
il s'est pâmé comme une petite femme. Mais
qu'est-ce qu'il raconte? Le voilà qui reprend du
vif Pas de discours, ami, pas de discours.
Ecoutez donc! fit Sylvain en frappant du
pied.
Pierre, d'une voix saccadée, bégayait rapide-
ment des mots sans suite qui se terminaient
en longs soupirs. Il était question d'un balcon
et d'une fenêtre qu'il décrivait en détail.
Il ne manque plus qu'une échelle de corde,
grogna Coublevie.
Et comme le garde-manège annonçait poli-
ment « V'là le sapin » » il répondit
C'est bon prends M. Savarèze par les
jambes. doucement. Plérin, Saint-Sylvain, te-
nez-le sous les bras. En route.
Le blessé gémit faiblement.
Vite, embarquez, fit le médecin, Saint-
Sylvain, étendez-le.Au pas, fourgonnier; moi,
je vais devant.
Et la voiture partit, pendant que le garde-
manège marmottait
On croirait que c'est Saint-Sylvain qui a
écopé. Est-il pâle est-il pâle l
IX
Les jours passaient tristementau Grand-Che-
villy. Deux fois déjà, Mme Le Febvre était ve-
nue de Malbec pour apprécier les résultats de
sa stratégie, et elle était partie sans avoir con-
staté le moindre progrès. M. Sauvain, toujours
absent, n'avait encore rien laissé paraître que
de la mauvaise humeur à l'état chronique sa
femme se taisait; la désolée Henriette avait en-
trepris un long travail de broderie pour l'autel
de la Sainte-Vierge, ce qui était un signe in-
discutable de désespoir.
Vers la fin d'août, la famille Sauvain fut,
comme tous les ans, invitée à Malbec; M. Le
Febvre réunissait à cette époque nombreuse
compagnie pour l'ouverture de la chasse et fai-
ràux, de dévoués philanthropes, de sages |
conservateurs, absolument désintéressés de
la forme du gouvernement, ne s'occupant ni
de la monarchie ni de la République, unique-
ment voués aux réformes sociales, aux amé-
liorations pratiques, et dôcidés à les poursui-
vre sous tous les régimes.
Cette figure nouvelle avec laquelle nous
apparaissent les partisans de la royauté ou
de l'empire nous plait infiniment mieux que
l'autre et incontestablement leur convient da-
vantage. Mais est-elle bien naturelle et vraie?
Ne recouvre-t-elle pas de nombreux sous-
entendus et de certaines arrière-pensées
qu'on garde au fond du cœur sans les dire?
Après qu'on aura groupé autour d'un beau
programme social et politique un grand nom-
bre d'électeurs à qui l'on aura fait croire que
la forme même du gouvernement n'est pas
en jeu, ne se réserve-t-on pas le lendemain
de crier bien fort que ces électeurs ont volé
pour la monarchie? Voilà l'équivoque qui
nous étonne et que nous voudrions voir
éclaircie.
Il sera bien difficile, en effet, de nous faire
croire que ce beau zèle libéral et décentrali-
sateur et cet enthousiasme pour les principes
dé 1789 éclatant quelques mois avant les
élections générales sont purs de tout intérêt
politique et, si un intérêt politique les inspire,
que ce n'est pas avant tout l'intérêt de la mo-
narchie. Mais s'il en est ainsi, pourquoi les
organisateurs de ces réunions ne le disent-ils
pas ouvertement? Au contraire, si nous nous
trompions, s'il en était autrement, que ne con-
fessent-ils alors que les progrès qu'ils récla-
ment peuvent s'accomplir sous la République
aussi bien que sous un autre régime et qu'ils
n'ont aucune raison de la renverser? En ce
moment, il se tient deux sortes d'assemblées
monarchiques les unes ou, comme à Tou-
louse, l'on arbore hautement le drapeau de
ia ̃ royauté et où l'on célèbre la chute de la
République les autres, comme à Lyon et à
Besançon, où l'on ne parle que de réformes
économiques et sociales, décentralisation, in-
térêts agricoles, tarifs de chemins de fer, etc.
Seulement il est impossible de ne pas voir
qu'on nourrit partout les mêmes espérances
et que par des chemins divers on tend au
même but politique. Entre ces deux maniè-
res de s'adresser au suffrage universel, nous
préférons la première qui est franche et nous
blâmons la seconde qui implique nécessaire-
ment les restrictions mentales et commence
par duper les électeurs qu'on voudrait con-
vertir.
Est-ce à dire que nous sommes systéma-
tiquement hostiles aux idées développées
dans ces assemblées de conservateurs ? Pas
lemoinsdu monde. Il en est beaucoup, au con-
traire, qui méritentla discussion, beaucoupqui
sont les nôtres, que nous avons défendues et
que nous ne cesserons de prêcher. Mais,
sans parler de l'illusion enfantine qu'il y au-
rait à attendre une politique libérale et dé-
centralisatrice d'un pouvoir monarchique res-
tauré par un coup de surprise et de violence,
et obligé par cette origine même à serrer tous
les freins de la machine gouvernementale
sans être jamais libre de les détendre, il
nous faut dire aux conservateurs qui s'en
font aujourd'hui les apôtres, qu'il y a con-
tradiction, et une contradiction irréductible
entre leurs passions dynastiques et leurs
idées conservatrices et libérales, et qu'ils
sont aujourd'hui dans l'étroite obligation de
choisir entre elles. Qu'est-ce qui fait que
nous nous épuisons des deux côtés à la fois
à nous battre sur laforme du gouvernement,
si ce n'est l'acharnement des monarchistes à
détruire celle que nous possédons? N'est-
ce pas eux qui mettent toujours la ques-
tion constitutionnelle sur le premier plan ?
N'est-ce pas cette question dynastique
qui dirige leur conduite, inspire tous leurs
votes et dicte leurs alliances étranges dans
le Parlement? Que cette opposition violente
systématique acharnée cesse de leur part et
aussitôt on pourra discuter avec fruit et
peut-être faire réussir quelques-unes des ré-
formes économiques ou sociales qu'ils pré-
conisent. Mais nous sommes bien contraints
de leur faire remarquer en attendant que
vouloir ces réformes et, d'autre part, ne son-
ger qu'à détruire la République, c'est vouloir
à la fois le blanc et le noir, l'agitation révo-
lutionnaire et les progrès pacifiques, la poli-
tique de passion et la politique de raison,
c'est-à-dire des choses contraires et à jamais
inconciliables.
4
La Justice, que le succès de M. Poirrier embar-
rasse fortement, s'efforce de le diminuer en l'expli-
quant exclusivement par la préoccupation des inté-
rêts de la banlieue qui a dominé toutes les autres.
Ce raisonnement vaudrait quelque chose si M.
Poirrier avait été le seul candidat favorable aux
revendications de la banlieue; mais ils l'étaient
tous, à commencer par M. Lefèvre, le vaincu du
3e tour; il n'y avait d'autre différence entre M.
sait magnifiquement les honneurs de son gi-
bier. Pendant que les papas et les maris cou-
raient les choux et les chaumes, les dames ar-
pentaient le parc ou papotaient en fabriquant
d'éternelles bandes de tapisserie. Puis on fai-
sait toilette, et au dîner ce n'étaient que coups
de fusil merveilleux ou ratés désespérants, liè-
vres invulnérables, perdreaux goguenards por-
tant le plomb comme de vieux sangliers.
Du resie, Mme Le Febvre avait horreur de
ces gasconnades, faisant de son mieux pour dé-
tourner la conversation, rappelant à l'ordre les
apologistes du « chokebored », pleins de leur
sujet, ou les propriétaires de « pointers » éton-
nants, empêtrés dans la généalogie de leurs
chiens.
On vivait en pleine liberté à Malbec; qui se
plaisait s'assemblait et, sans faire de coteries,
les atomes crochus s'accrochaient. Plus d'un
mariage s'était ébauché là sous l'œil vigilant
de la maîtresse de la maison. M. Le Febvre, fi-
dèle à ses sympathies militaires, ne manquait
pas d'agrémenter de quelques uniformes la
monotonie des habits noirs pressés' autour de
la table, et chaque année, les invités de fonda-
tion, comme la famille Sauvain, voyaient dé-
barquer de nouvelles figures.
Cette fois, M. Sauvain, qui se rasait à la fe-
nêtre, vers huit heures du matin; fit la grimace
quand le break attelé de postiers déposa au
pied du perron une fournée d'arrivants, où il
distingua Saint-Sylvain recouvert d'une peau
de bique. Il flaira des catastrophes prochaines,
et le grand garçon malin lui apparut comme un
trouble-fête. Après Saint-Sylvain étaient des-
cendus une demi-douzaine de bons jeunes gens
à la tournure antique, hobereaux des environs,
grands nemrods, défenseurs du trône et enne-
mis de l'orthographe, qui daignaient honorer
d'un appétit de veneurs les dîners de leurs
amphitryons et ronflaient après boire.
Cette gracieuse jeunesse bottée et guêtrée
s'engouffra dans le vestibule pendant que Mé-
dor, Azor et Nicanor, avec des mines de chiens
qu'on mène pendre, étaient entraînés par le
garde vers des pâtées succulentes. Mme Le
Febvre, habillée dès l'aube, reçut avec des airs
de reine les profondes salutations des gentils-
hommes. Elle était escortée d'Henriette, son
aide de camp préféré, fort au courant de toutes
choses dans la maison et voltigeant de l'office
à la lingerie sur un signe de la châtelaine de
Malbec.
Poirrier et M. Lefèvre que la modération de l'un et
le radicalisme de l'autre. La Justice aura de la peine
à nous faire croire qu'en choisissant lo premier les
électeurs sénatoriaux aient manifesté leur préfé-
rence pour les opinions du second.
«®3~
La situation économique s'est sensiblement
améliorée depuis quelque temps. La crise in-
dustrielle et commerciale qui a coïncidé avec
la liquidation du krach financier et immobi-
lier de 1882 a pris fin et la reprise des affaires
s'accentue de jour en jour. Ce qui le montre,
c'est, en premier lieu, l'augmentation que l'on
a remarquée dans le recouvrement des impôts
et revenus indirects. Les recettes des quatre
premiers mois de 1888 n'avaient atteint que
753 millions 1/2 celles de la période corres-
pondante de 1889 s'élèvent à plus de 772 mil-
lions 1/2. Le produit des taxes sur les vins, les
alcools et le tabac présente d'importantes plus-
values c'est là un indice irréfutable d'une
amélioration de la condition de la masse du
pays, car ce sont ces catégories d'impôts qui
sont le plus atteintes quand l'état général du
pays n'est pas satisfaisant. Les droits de muta-
tion entre vifs avaient beaucoup fléchi après le
krach ils reprennent dans des proportions
très rassurantes et cela montre que les affaires
immobilières sont sorties du marasme où elles
se trouvaient depuis cinq ou six ans.
D'autre part, il y a lieu de rapprocher l'aug-
mentation des recettes des postes et télégra-
phes de la plus-value que présentent les recet-
tes des chemins de fer, plus-value qui, pour les
quinze premières semaines de l'année n'est pas
inférieure à 7 millions 1/2. Le trafic sur les ca-
naux continue également à progresser. Enfin,
les statistiques qui donnent le mouvement de
la navigation maritime pendant l'année 1888,
indiquent une augmentation notable sur le
tonnage des années précédentes. A tous ces in-
dices on reconnaît une reprise dans l'ensem-
ble des transactions commerciales. C'est, d'ail-
leurs, ce que montrent encore les statistiques
des douanes, dont nous suivons les variations
mois par mois. °
Au point de vue industriel, des constatations
analogues peuvent être faites. Nous venons de
recevoir le rapport de la commission de sta-
tistique minérale dressé par le service des mi-
nes au ministère des travaux publics. Et nous
y voyons que l'extraction de la houille, qui n'a-
vait pas dépassé 21,288,000 tonnes en 1887, a
dépassé 22,952,000 tonnes en 1888. « C'est le
chiffre le plus fort qui ait été jusqu'à présent
obtenu, ajoute le rapport. En même temps, la
consommation de la houille a pris un grand
développement; si elle n'est pas tout à fait re-
montée au niveau exceptionnel qu'elle avait at-
teint en 1883, où elle dépassait 32 millions
de tonnes, elle s'en est toutefois rappro-
chée, puisqu'elle s'élève, pour 1887, à 31 mil-
lions 191,000 tonnes. La crise qui a sévi
sur notre industrie en général, à partir de
1884, semble donc toucher, à sa fin. » Voilà une
appréciation dont on ne peut que se montrer
satisfait. Ces chiffres sont d'autant plus signi-
ficatifs qu'en 1883 la construction du troisième
réseau des chemins de fer était dans son plein.
Les industries métallurgiques produisaient des
rails en grande quantité dans cette année-là
elles en avaient livré 414,000 tonnes. En 1887,
la fabrication n'a porté que sur 204,000 tonnes.
C'est une réduction de 50 0/0. Or, malgré cette
grande réduction, l'ensemble de la production
des aciers dépasse sensiblement le chiffre de
1886, par suite du développement de la consom-
mation des aciers industriels. Alors qu'en 1878
cette consommation ne dépassait pas 82,000
tonnes, elle a atteint 290,000 tonnes en 1887.
La consommation des fers s'accroît également
et celle de la fonte aussi, bien qu'elles restent
inférieures à celles des années 1881-1884. Mais
cela provient, on le sait, de la substitution de
l'acier aux autres produits sidérurgiques. Cette
substitution, que permet maintenant l'abais-
sement du prix de l'acier (la tonne de rail d'a-
cier, qui valait 218 fr. en 1880, est tombée à
126 fr. en 1887), a pour effet de réduire la con-
sommation du fer et de la fonte. L'acier est
exclusivement affecté à la fabrication des rails
et voilà qu'il commence à remplacer le fer dans
la fabrication des ponts. Comme il y a écono-
mie de matière dans l'emploi du métal et com-
me.des procédés nouveaux permettent de réali-
ser des réductions importantes dans la con-
sommation des combustibles, il ne faut pas
s'étonner s'il se produit une répercussion finale
dans l'utilisation de la houille. En toutcas, ce qui
ressort de ce fait, c'est que, si les industries
métallurgiques emploient moins de houille, les
autres industries en consomment davantage.
C'est une nouvelle preuve du développement
de l'activité manufacturière du pays.
Faut-il maintenant rappeler les règles si cu-
rieuses posées par M. Clément Juglar dans les
rapports qui existent entre l'encaisse et la cir-
culation des banques d'émission avec la situa-
tion économique du pays? Quand les affaires
vont mal, l'argent afflue dans les caves des
banques et la circulation des billets fléchit par
suite de la réduction du papier escomptable.
Le fait inverse se produit dans les périodes de
prospérité. Or, l'examen des bilans de la Ban-
que de France nous montre que l'encaisse to-
ta.le, qui se chiffrait par 2,356 millions le
12 mai 1887, a diminué depuis de 100 millions
la circulation des billets de banque a passé en
même temps de 2,733 millions à 2,876 millions.
Le portefeuille commercial a augmenté de
plus de 300 millions, et l'on voit que, même en
tenant compte de l'opération faite par la Ban-
Les hobereaux balbutièrent quelques platitu-
des, des «Vous allez bien, madame? » et furent
conduits a la salle à manger où, les attendait un
déjeuner de viandes froides, du thé et du cho-
colat. Saint-Sylvain les regarda défiler et, s'ap-
prochant de Mme Le Febvre, lui expliqua d'un
ton pénétré qu'il serait contraint de partir dès
le lendemain, devant accompagner en Anjou
un ami convalescent,
Henriette prêta l'oreille et l'officier ajouta
négligemment:
Un petit coup d'épée, une piqûre, moins
que rien d'abord, et puis l'érysipèle s'est dé-
claré enfin, il est maintenant hors d'affaire;
mais, vous savez, on doit soigner le moral pour
rétablir le physique. Le pauvre garçon tra-
verse une crise pénible, il est fiévreux; il a
besoin d'affection autant que de quinine, et je
ne veux pas l'abandonner.
Mme Le Febvre se rappela subitement qu'elle
avait oublié les serviettes à thé et dépêcha
Henriette à leur recherche; mais la jeune fille
ne l'entendit point et demanda en hésitant
De qui parlez-vous, monsieur?
De mon pauvre camarade Savarèze, ma-
demoiselle.
Mme Le Febvre haussa nerveusement les
épaules
Et le déjeuner qui vous attend, monsieur 1
Allez, allez donc Viens, mignonne.
Mignonne, vous êtes remontée bien vite dans
votre chambrette, plantant là votre vieille
amie; et, comme une bonne petite fille que
vous êtes, vous avez prié. Pour la première
fois, peut-être, Celui qui entend nos pensées
entendit un nom sortir de vos lèvres, et là-bas,
sous les rideaux tirés, le blessé, s'agitant dans
un mauvais sommeil, prononçait aussi votre
nom, mignonne. Vous avez pleuré; vous avez,
tout aveuglée par les larmes, poussé votre ver-
rou, vous avez embrassé une brindille de gui
qui ne vous quitte pas. C'est de l'enfantillage,
petite Henriette, et les gens graves en souri-
ront mais ceux-là n'ont point aimé. Ils ont
compté, réfléchi et pesé; jamais, jamais, de-
vant un brin de gui, devant un papillon de
soie rose leurs yeux ne se sont mouillés. Pleu-
rez donc, mignonne, et priez, car, là-bas, l'au-
tre, éveillé de son mauvais sommeil, pleure
aussi et prie ses prières d'enfant.
Monsieur Sauvain je suis votre servi-
teur. •
que de France il y a quelques semaines, la
plus-value prouve surabondamment une re-
prise des affaires d'escompte.
Malgré les épreuves qu'a subies le marché
financier de Paris, dans ces derniers temps, la
situation est bonne; Bien des causes ont motivé
la hausse si rapide des rentes françaises. Mais
la cause dominante, c'est l'abondance des ca-
pitaux disponibles et la confiance assez géné-
rale du monde des affaires.
Tous ces faits sont concordants ils fontpres-
sentir un mouvement profond daus le pays, el
l'Exposition universelle, dont le succès est in-
discutable et, disons-le, indiscuté, n'apparaît
pas seulement comme un phénomène superfi-
ciel, mais bien comme le résultat de l'amélio-
ration de la situation générale de la France.
Sans doute, nous n'avons pas encore retrouve
le degré de prospérité auquel nous étions par-
venus en 1882: cela tient, personne ne l'ignore,
aux ruines causées dans tout le Midi et dans la
région du Sud-Ouest par le ravage du phyl-
loxera. Mais déjà nos vignobles se reconsti-
tuent déjà les procédés de culture intense se
propagent avec rapidité. Que nos agriculteurs
fassent encore quelques efforts, qu'ils ne crai-
gnent pas de modifier leurs anciens systèmes
d'exploitation et le bien-être reviendra parmi
eux.
Aussi ne craignons-nous pas de dire que
l'année du Centenaire, qui, politiquement, a si
mal commencé, s'annonce comme devant être
excellente au point de vue des affaires, et
nous nous plaisons à croire que rien ne vien-
dra contrarier le mouvement de reprise dont
on a pu* constater les heureux effets.
Nous avons signalé, hier, l'article du Standard
sur l'état politique de la France. Aujourd'hui, la
journal russe les Novosli publie une étude très docu-
mentée sur la situation économique de la Franco en
1789 et en 1889, et il conclut en disant que les résul-
tats acquis sont dus à la liberté du travail et au dé-
veloppement intellectuel de la nation.
♦–
LES GRÈVES DE WESTPHALIE
(Dépéches de notre correspondant particulier)
Berlin, 14 mai, 8 h. 45.
La chancellerie a lu hier à l'empereur un rapport
complet et détaillé sur les grèves. D'après des ren-
seignements de source administrative, le mouve-
ment, concentré jusqu'ici dans les districts houil-
liers de Westphalie, tendrait à gagner d'autres pro-
vinces.
Il est certain que la plupart des corps d'état sont
travaillés sourdement et qu'une campagne en règle
est menée contre les capitalistes et les patrons.
Le rapport de M. de Bismarck n'est pas défavo-
rable aux mineurs, dont il admet en principe lea
réclamations.
Après avoir quitté le palais impérial, le chance-
lier a eu une longue conférence avec le ministre dft
l'intérieur Herrfurth.
Berlin, 14 mai, 9 h. 15.
A la suite du rapport de M. de Bismarck, l'empe-
reur a décidé d'accorder aux délégués des grévistee
l'audience qu'ils sollicitaient. Ceux-ci sont partis de
Dortmund avant-hier soir et sont arrivés hier soir
à Berlin. Ils seront reçus aujourd'hui.
Berlin, 14 mai, 9 h. 40.
Les nouvelles qui parviennent ici des différent!
centres de la grève sont contradictoires. La journée
du 12 mai n'a été signalée par aucun incident. Mais
hier, au Reichstag, les bruits les plus inquiétants
couraient. On parlait d'une tentative do destructioa
des ouvrages hydrauliques de la Ruhr alimentant
tout le bassin houiller, et aussi d'une collision à
Aplerbeck entre la troupe et les grévistes. Ces der-
niers auraient eu soixante morts.
Dca inforenatic/na pr<5ci«oe furent dcmaUClOCS tole-
graphiquement par. le ministère et, dit-on, par l'em-
pereur personnellement. A trois heures, la nouvelle
concernant les appareils hydrauliques était démen-
tie. A Aplerbeck, quelques jeunes gens avaient tiré
sur la troupe; mais ils avaient été arrêtés et les dé-
pêches no parlaient pas de répression sanglante.
La nouvelle du meurtre de M. Schrader, directeur
de mine, qui avait été lancée par le Journal de
Francfort, organe national-libéral, est entièrement
controuvée.
Berlin, 14 mai, 10 h. 20.
On évalue le nombre actuel des grévistes à 90,000,
et celui des troupes cantonnées sur les divers points
à 7,000 hommes d'infanterie et de cavalerie.
Hier, dix brigades de gendarmerie ont été appe-
lées de Francfort. On dit môme qu'on aurait fait
venir des troupes en garnison en Saxe.
Le bruit continue à courir que la houille est sur
le point de manquer sur les lignes de Halle, Franc-
fort et Erfurt, et que les compagnies sont môme
forcées de réduire le nombre des trains.
•#
AFFAIRES COLONIALES
Nouvelles coloniales et maritim93
On lit dans les Tablettes des Deux-Charentes
Nous avons annoncé que le cuirassé le Vauban avaiï
quitté le Pirée, le 2 mai, et que ce bâtiment était at-
tendu bientôt à Toulon, pour y recevoir le pavillon de.
M. le contre-amiral O'Neill.
A l'occasion du jubilé du roi Georpres, M. le contre-
amiral Olry, commandant en chef la division navale
du Levant, a été nommé grand-croix de l'ordre royai
du Sauveur de Grèce.
M. le capitaine de vaisseau Pottier, commandant le
Vauban, et M. le capitaine de vaisseau Eseandc, com-
mandant le Seignelay, ont été nommés commandeurs
du même ordre.
Avant le départ du Vauban pour la France, plusieurs
officiers de ce bâtiment ont aussi reçu un témoignaço a
de sympathie de S. M. le roi Georges, qui a remis la
croix d'officier du Sauveur de Grèce à MM. le capi-
taine de frégate Bellue, second; le commissaire ad-
joint Chatel, commissaire de division le médecin
principal Kermorgant, commissaire de division, et
abbé Rogel, aumônier de division.
MM. les lieutenants de vaisseau Moreau et Philibert,
-Monsieur de Saint-Sylvain, j'ai l'honneur
de vous saluer.
-Belle matinée, monsieur Sauvain!
Le gibier tiendra, monsieur de Saint-
Sylvain.
Les hobereaux, réconfortés, ceignaient leurs
cartouchières; les chiens en laisse poussaient
des hurlements étranglés. M. Le Febvre don-
nait au garde ses derniers ordres. Les autres
invités descendaient un à un, et c'étaient des
poignées de main, des exclamations, des cour-
bettes, des claques familières sur les épaules,
suivant qu'apparaissaient Othon de Macque-
ville, un beau sur le retour, la barbe teinte et
ne regardant que les gens « nés »; le vieux Pel-
levoisin, une bonne brute parasite, précieux en
temps d'élections; l'excellent général du Bloc,
toujours gai, aimable, partout reçu, partout
fêté; M. Guignot du Pigeonnier qui avait la con-
fiance des princes, etBavot, le bel avocat, nou-
vellement venu de Paris, où il croupissait, Ba-
vot, bien grave, bien banal, bien pensant sui-
vant les circonstances et les milieux, un Sau-
vain diplômé et dégrossi, insinuant et miel-
leux.
Le marchand de bois du nord avait déjà jeté
son dévolu sur cet aigle à tournure d'oie, dont
le, vol lourd lui semblait de la majesté. Il se
cramponnait à lui, lui donnant du « mon cher
maître » et décidé à s'en servir pour contre-
battre Savarèze dans l'esprit d'Henriette.
Bavot semblait, du reste, facile à apprivoi-
ser il se laissait faire, ayant pris des rensei-
gnements et crevant du désir d'épouser une
dot.
Ce fut pendant toute la journée une fusillade
nourrie, interrompue seulement, à midi etdemi,
par le déjeuner, expédié en hâte. A une heure,
les chasseurs, ravitaillés, recommencèrent le
massacre, et les lièvres culbutaient, et les per-
dreaux pelotés tombaient au milieu d'un nuage
de plumes.
Bavot tirait comme une ganache et faillit es-
tropier Dulcinée, la griffonne de Saint-Sylvain.
Enfin, quand sur la plaine et les bais la bise
du soir souffla, et que la voix rauque des cor,
nets sonna le ralliement, on vit revenir vers lo
château une troupe joyeuse aux carniers dé-
bordants, et des chansons gaillardes montaient
dans le ciel pâle avec les appels lointains des
perdrix dispersée
V HENRI ALLAIS.
(A suivre. J
MERCREDI i5 MAI 1889.
VINGT NEUVIEME ANNÉE. N°10238
v: PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 1 «4 fr. Six mois, 2Sfr.; Un an, 56fr;
BÉP^&ALSACE-LORRAINB 17Ir.; 34 fr.; 68fc
B5M POSTALE 18fr.; 36fr.; 72fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES Ie' ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 8O centimes.
ANNONCES: MM. Lagrange, CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'insertion rcsei'vé à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens. PARIS
Adresse télé»graphique: TEMPS PARIS
;:r • prix DE L'ABONNEMENT ̃
»1W» ois ois 1 4 fr. Six mois, 2 8 fr. Ou en, 56 tf.
'1\11S. Trois mois, 14 fr.; Six mois, 2 S fr,; Un an, 56 Cr.
SîîijîSAOE-MERAHÏ 17fr.; 34 fr.; 6Sfc.
Jil/POSÎALE 18fr.; 36 fr.; 72fr.
LES ABOMSEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
JÇJn numéro <» Paris) 1£> centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
Adresse télégraphique TEMPS PAUIS
PARIS, 14 MAI
a é t
BULLETIN DU JOUR
Les Chambres reprennent aujourd'hui leur
session interrompue depuis le 13 avril der-
nier pour le Sénat et le 11 avril pour la
Chambre.
Les interpellations au feu croisé desquelles
le cabinet italien est soumis depuis la rentrée
des Chambres semblent attester que la dicta-
ture parlementaire de M. Crispi n'est plus ab-
solument indiscutée.
Sans doute, pour la politique africaine, le
président du conseil n'a pas eu à se mettre
en frais de bien amples explications pour ob-
tenir un blanc-seing. Mais le député Imbriani,
récemment élu par les Pouilles, et le repré-
sentant d'une famille qui a fait des sacrifices
héroïques à la patrie, a fait passer un mau-
vais quart d'heure à M. Crispi en rattachant
avec une précision presque cruelle la crise
terrible dont souffre actuellement, le midi de
l'Italie à la politique suivie à l'égard de la
France pour se faire bien venir de la triple
.alliance.
M. Imbriani a parlé avec feu, avec une gé-
nérosité communicative qui rappelait l'ère
des nobles luttes et des dévouements magna-
nimes, et il a rendu à la France l'hommage
de cette gratitude que les grands cœurs seuls
savent vouer aux grands services. M. Crispi
a rabaissé la discussion et l'a même envem-
mée en reprenant la fameuse thèse, impos-
sible à démontrer, d'après laquelle la France
serait responsable de la dénonciation du traité
de commerce, bien que ce soit l'Italie, et non
pas elle, qui l'aitfaite, parce que, si l'Italie ne
s'y était portée la première, la France au-
rait probablement pris ce parti.
La presse indépendante italienne fait re-
marquer ce qu'a de singulier ce raisonne-
ment qui innocente un acte positif du cabinet
de Rome aux dépens d'un acte hypothétique
du cabinet de Paris. Elle blâme aussi sévè-
rement le langage gu'a cru devoir tenir M.
Crispi au sujet des congrès catholiques.
Interrogé au sujet de ces assemblées et
particulièrement de celle de Vienne, qui pa-
rait à certains esprits incompatible avec l'al-
liance austro-italienne, M. Crispi a jugé à
propos de mettre en cause la France qui n'en
peut mais et où précisément aucun congrès
catholique n'a encore siégé cette année. Le
Diritto, auquel nous laissons volontiers la
parole en cette occasion, dit « Le président
du conseil a donné une preuve nouvelle de
sa malveillance et de ses préjugés contre la
France en signalant cet Etat comme l'initia-
teur des congrès catholiques, pour mieux
excuser l'Autriche » Voilà ce que l'on pense
à Rome dans des milieux où l'on a gardé sa
liberté d'esprit il est bon qu'on le sache ici.
t-- La grève du bassin houiller de la Ruhr
'continue, malgré les efforts faits de divers
côtés pour amener un rapprochement entre
les mineurs et les compagnies. Il est assez
intéressant de noter que les grévistes, jus-
'qu'ici, ne mêlent point du tout de politique
.révolutionnaire à leurs revendications.
̃?̃ Ils ouvrent et terminent leurs meetings au
cri de Il Vive l'empereur! » Ils se racon-
lent entre eux que le jeune souverain se se-
rait fait expédier les tarifs et les livres de
caisse de certaines fosses afin de vérifier par
lui-même le bien-fondé des griefs des ou-
'vriers. Une délégation des mineurs de Dort-
mund est partie hier soir pour Berlin, afin de
solliciter une audience de l'empereur Guil-
laume qui la reçoit aujourd'hui.
Tous ces traits concordants ne trahissent
pas un esprit bien dangereux dans ces po-
pulations qui paraissent encore toutes péné-
nétrées de loyalisme monarchique, à la dif-
férence des classes laborieuses de Saxe,
de Silésie et du midi de l'Allemagne, où
le socialisme démocratique recrute son mil-
lion d'adhérents. Il suffit, du reste, de jeter
un coup d'œil sur les résultats des dernières
élections au Reichstag dans les circonscrip-
tions de cette région minière pour constater
que le milieu est singulièrement pacifique et
modéré.
En 1887, les partis gouvernementaux (na-
tionaux-libéraux et conservateurs-libres) ont
obtenu dans cette région 70,850 voix, le cen-
tre ou les cléricaux 53,529 voix et les socia-
listes le chiffre infime de 3,786 suffrages. On
comprend que le gouvernement tienne à ne
pas réduire au désespoir une population aussi
sage et à ne pas la jeter dans les bras des
agitateurs socialistes.
Aussi affirme-t-on que la troupe aurait
reçu l'ordre de ménager davantage l'habi-
tant et de ne pas recourir d'emblée à Yultima
ratio des feux de peloton. En même temps,
BTEtLJflïAJSTOW OU « 17EM1»® »;
DU 15 MAI 1889 [10]
/Ii.'
7 ̃̃ ̃ ̃
E
lUN CASQUE
-i~
VIII– (Suite.)
Au petit jour, Saint-Sylvain trouva Pierre en-
dormi dans son fauteuil et fut frappé de la séré-
nité presqu'enfantine de ses traits.
Tiens, dit Pierre en se frottant les yeux,
j'ai donc oublié» de me coucher hier soir! Eh
bien, Saint-Sylvain? '?
Eh bien, mon Pierre, il est cinq heures
passées, à six heures, vous vous alignez. Es-tu
prêt?
Tout est prêt. Voici mon testament.
Quel bête de mot Enfin il n'y en a pas d'autre.
Tu y trouveras toutes les indications néces-
saires.
Bon, bon! tu m'ennuies. Comme si, sa-
pristi 1. Après tout, tu fais bien. Habille-toi.
Tu as des chemises de soirée: mets en une; le
plastron empesé est une bonne chose. N'ou-
blie pas des bottines à lacets, bien serrées.
Ah, j'entends monter Plérin qui vient nous re-
joindre nous sommes au complet.
Pierre et les deux témoins se rendirent au
manège. Ils firent un détour pour ne point pas-
ser devant le quartier, où les hommes du poste
les attendaient curieusement. A la porte, ils
rencontrèrent Albiosc avec ses seconds, Clé-
rambourg, le porte-étendard, et Chevanceaux,
l'adjoint du trésorier. On se fit de profonds sa-
luts ce fut à qui ne passerait pas le premier;
mais, après force cérémonies, Albiosc se décida
à précéder son adversaire.
Dans le manège, Borgès attendait en grande
tenue, portant deux paires d'épées à coquilles,
Pcproduction interdite.
une certaine pression serait exercée sur les
compagnies pour les induire à faire quel-
ques concessions aux grévistes.
Il est remarquable que les directions se
montrent plus disposées à des augmenta-
tions de salaires qu'à des réductions de
temps, tandis que les mineurs paraissent dé-
cidés à se montrer plus traitables sur le cha-
pitre des élévations de salaires que sur celui
de la réduction à sept heures de la durée du
travail des équipes.
Ils soutiennent qu'actuellement le travail
utile d'une équipe ne dure que huit heures,
mais qu'en outre les ouvriers sont retenus
de longues heures supplémentaires pour le
boisage des galeries et autres besognes né-
cessaires, mais non payées. Ils se plaignent
également des retenues opérées, sous divers
prétextes, sur leurs traitements nominaux.
Enfin, ils réclament la suppression du sys-
tème du marchandage, en vertu duquel un
entrepreneur secondaire traite à forfait avec
la compagnie pour l'exécution d'un certain
travail et ne remet aux mineurs qu'il embau-
che qu'une fraction du prix convenu, dont il
empoche le reliquat. Cette pratique leur pa-
rait avoir un double inconvénient; d'une part,
elle réduit outre mesure les ressources des
ouvriers et, d'autre part, elle trompe le pu-
blic sur le chiffre réel du salaire, les statis-
tiques établissant leurs movennes sur les
prix portés dans les contrats conclus avec
les marchandeurs, lesquels n'en font pas bé-
néficier intégralement leurs équipes.
On voit combien ces questions de l'ordre
industriel sont compliquées et délicates.
L'empereur a reçu des rapports détaillés du
prince de Bismarck et du ministre de l'inté-
rieur Herrfurth. Avec la meilleure volonté
du monde il aura quelque peine à trouver les
bases d'un accord entre les déux.parties.
.̃; -«S5-
"dépêches télégraphiques
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
̃̃?'
Berlin, 14 mai, 8 h. 40.
Le maréchal turc Ali-Nizami-Pacha est arrivé
avec une suite composée d'un secrétaire et deux
officiers. Il a pour mission de remettre à l'empe-
reur Guillaume le grand-cordon de l'Imtiaz, avec
plaque en brillants, et à l'impératrice le grand-cor-
don du Chefakat.
Ce fait n'a pas d'autre signification politique que
celle d'une manifestation nouvelle du désir du sul-
tan d'entretenir des relations aussi intimes que pos-
sible avec l'empereur d'Allemagne. Ali-Nizami-Pa-
cha n'est d'ailleurs pas chargé d'une mission spé-
ciale en dehors de celle qui motive son voyage.
Vienne, 14 mai, 8 h. 20.
La Chambre des députés du Reichsrath discute
une loi pour la protection des marques de fabrique.
M. de Bacquehem, ministre du commerce, n'est pas
d'avis d'assimiler la marque de fabrique à une pro-
priété. C'est le signe distinctif de l'individualité
d'un produit. Le gouvernement n'a pas encore
adhéré à la conférence de Paris, parce qu'il faut
d'abord achever la réforme de la législation des
brevets, et s'assurer du concours de la Hongrie. En
attendant, les traités internationaux suffisent à ga-
rantir les marques de fabrique.
Le ministre a annoncé qu'il avait consulté les
chambres de commerce sur l'utilité de certaines
mesures réclamées par les industriels de la haute
Autriche, pour empêcher l'abus ou la contrefaçon
des marques qui, depuis trois ou quatre siècles, font
reconnaître les produits des fabriques de faucilles et
instruments aratoires dus à l'industrie autrichienne.
Quant aux réclamations diplomatiques adressées
à l'Allemagne au sujet de la contrefaçon des mar-
ques autrichiennes, elles sont restées sans résultat.
Les fabricants devront s'adresser aux tribunaux.
Après la sortie obligée du député antisémite Turk
contre les fabricants juifs, et un discours du dépu-
té libéral Exner, qui s'est attaqué avec succès aux
théories économiques du prince Liechtenstein, la
loi a été votée.
Vienne, 14 mai, 8 h. 50.
Le procès des auteurs des troubles qui ont eu
lieu les 21, 22 et 23 avril vient de commencer de-
vant un tribunal composé de trois juges, sans le
concours du jury. Les accusés, au nombre de 190,
sont divisés en quatre groupes, et les débats dure-
ront une quinzaine de jours.
La premirèe audience n'a pas offert beaucoup
d'intérêt. Les accusés sont, pour la plupart, des ou-
vriers ou même des apprentis qui ont été signalés
comme ayant jeté des pierres, soit aux agents, soit
à la troupe, ou comme s'étant rendus coupables de
rébellion.
Vienne, 14 mai, 9 h. 15.
Un meeting de 3,000 personnes appartenant au
parti socialiste a eu lieu hier au Colosseum, à Ru-
dolfsheim (un faubourg de Vienne). La police a sé-
vèrement contrôlé les lettres d'invitation, qui étaient
indispensables pour être admis.
Différents discours ont été prononcés, tendant
tous à obtenir des droits politiques en faveur de la
classe ouvrière.
Budapest, 14 mai, 8 h. 10.
Une émeute agraire a éclaté à Eisenstein, dans le
comitat de Krasso. Les paysans se sont opposés à
l'exécution d'un contrat de fermage consenti pour
le gouvernement. Ils ont envahi le terrain en litige
et ont fait mine de s'y installer. Un détachement
et Coublevie étalait tranquillement ses petits
couteaux, déroulait des bandes, épluchait des
pinceaux de charpie.
Le garde-manège s'était confortablement
installé dans la tribune, comme le juge du
tournoi. Clérambourg dut lui lâcher une bor-
dée de menaces et de jurons pour le faire dé-
gringoler de son observatoire.
Il avait été décidé que le duel se poursuivrait
jusqu'à la mise hors de combat d'un des adver-
saires. Ceux-ci mirent habit bas, passèrent un
-gant de ville et s'armèrent. Saint-Sylvain croisa
les lames et recula en disant
-Allez, messieurs 1
Pierre, beau tireur de fleuret, possédait peu
le jeu de l'épée. Albiosc avait pris une garde
loin du corps, le bras allongé et tenait son
patiner à distance, lui mettant sans cesse la
pointe au visage et n'attaquant pas. L'autre
faisait des feintes et poussait à fond. Albiosc
rompait en parant et Pierre trouvait toujours à
hauteur de sa figure l'éternelle pointe qui lui
barrait la route. Enfin Albiosc, commençant à
se fatiguer, menaça la ligne basse par une
feinte de seconde, Pierre vint à la parade par le
même mouvement et se découvrit, Albiosc, ren-
trant dans la ligne haute par un tour de poi-
gnet rapide, se fendit et atteignit Pierre au
flanc droit a
-J'en ai, dit le blessé, continuons.
Mais son bras engourdi tomba le long du
corps; il s'abattit sur un genou et se coucha
lourdement.
Saint-Sylvain s'était précipité; il le saisit en
le soutenant derrière les épaules; Plérin lui dé-
chira sa chemise; mais Coublevie grommela:
Laissez-le donc tranquille. On ne secoue
pas un homme en syncope.
Albiosc et ses témoins firent un mouvement
pour s'approcher; Saint-Sylvain leur dit d'une
voix altérée
Nous avons l'honneur de vous saluer,
messieurs.
Ils se retirèrent pendant que Borgès ramas-
sait les épées en marmottant
Tonnerre de Diou, je n'aurais pas mieux
travaillé.
Coublevie, agenouillé, examinait Pierre avec
des réflexions à demi-voix
Bigre I c'est à la hauteur du lobe
moyen. Voyons la bouche. Bon, pas de
sang, le poumon n'a rien.
tout à coup il leva la tête. sentant quelque
de gendarmerie a fait feu. Quatre paysans ont été
tués sur le coup. Trois autres ont succombé à leurs
blessures.
Belgrade, 14 mai, 10 h. 30.
M. Zankof vient de revenir ici. Il a rédigé une
nouvelle proclamation que des agents distribuent
en Bulgarie. Cette proclamation adjure les Bulgares
patriotes de se joindre à ceux qui sont résolus à
chasser l'usurpateur. S'adressant aux officiers, M.
Zankof les assure de la bienveillance du tsar, et
leur affirme que leur situation n'aurait en rien à
souffrir d'un changement de régime. La Russie fera
la preuve de sa sollicitude pour l'armée bplgare.
Madrid, 14 mai, 9 heures.
A la Chambre des députés est venue hier la dis-
cussion de la proposition des conservateurs ten-
dant à relever les droits sur les céréales étrangè-
res. Le ministre des finances, M. Venanzio Gonza-
lez, a demandé à la Chambre de repousser cette
proposition, que les conservateurs ont présentée
pour diviser la majorité.
Cette discussion a pris une tournure complète-
ment politique. Les conservateurs ont réussi à pro-
voquer l'intervention de MM. Moret, Puigcerver et
Gamazo, qui représentent deux tendances économi-
ques rivales dans les rangs ministériels, et le gou-
vernement a dû consentir à un nouvel ajourne-
ment indéfini de la discussion du projet de loi sur
le suffrage universel, parce que MM. Canovas, Cas-
sola, Lopez Dominguez, veulent parler dans les dé-
bats économiques.
M. Sagasta a invité tous les députés ministériels
à revenir à Madrid pour ce débat, parce que il veut
faire du rejet de la proposition des protectionnistes
une question de cabinet.
Madrid, 14 mai, 9 h. 35.
A l'occasion de la fête littéraire de l'université
catholique de Bilbao, les jésuites et leurs élèves
ont fait des démonstrations ultramontaines et car-
listes tellement hostiles à la monarchie actuelle,
que le préfet de Bilbao a chargé le procureur du
roi de faire une enquête.
(Service Havas) -̃
Rome, 14 mai.
Le congrès de la paix a voté hier soir, à une grande
majorité, un ordre du jour exprimant le vœu que les
gouvernements .s'-entendent pour diminuer leurs ar-
moments; que l'organisation militaire de chaque pays
ait un but défensif et non offejisif; que tous les
citoyens soient préparés, dès l'enfance, à la défense
de leur patrie si elle était attaquée, et que la presse,
les associations et les députés travaillent à populari-
ser ces idées.
Berne, 14 mai.
La commission centrale suisse de l'Exposition de
Paris se réunira jeudi à Berne, pour fixer la liste des
citoyens suisses qui seront proposés comme mem-
bres ou comme membres suppléants du jury interna-
tional.
Madrid, 14 mai.
Le navire anglais le Poesvesca et le navire norvégien
le Kordkrap ont fait relâche,hier, dans le port de Cadix,
à la suite d'une collision survenue entre eux à la hau-
teur de Trafalgar.
Il se tient beaucoup de réunions en pro-
vince. Tous les partis s'agitent, s'organisent
et cherchent une plate-forme électorale, la
plus séduisante possible, en vue des pro-
chaines assises du suffrage universel. Nous
sommes loin de regretter ce grand mouve-
ment qui remue la nation entière, dans ses
couches les plus profondes et d'ordinaire les
plus immobiles, les force à s'occuper sérieu-
sement de ses propres affaires, et J'habitue à
la pratique et aux mœurs de la liberté. Tout
ce que nous demandons, c'est que les partis
descendent dans l'arène avec une entière
loyauté et se présentent au pays, qui est leur
juge à tous, avec leur drapeau véritable et
leurs propres doctrines. Ce que tout le monde
devrait condamner, c'est 1 équivoque et le
mensonge, car les réticences mentales chez
les candidats ont inévitablement pour consé-
de fausser la décision dernière du
suffrage universel.
Or il nous paralt, nous avons quelque
regret à le dire, que les monarchistes sent
en train de créer une de ces équivoques
fâcheuses en organisant dans les diverses
̃parues du territoire français ces prétendues
assemblées provinciales dont leurs journaux
nous racontent depuis quelques jours les
'délibérations variées.
Ils veulent, disent-ils, célébrer aussi le
centenaire de 1789. C'est leur droit et nous
les félicitons d'en user. Ils ont l'intention de
préparer et de dresser ce qu'ils nomment les
cahiers de 1889, et nous applaudissons volon-
tiers aux idées généreuses et libérales qui se
rencontrent souvent sur les lèvres de leurs
orateurs. Ce qui nous étonne seulement, le
point sur lequel nous demandons des expli-
cations, c'est le silence à peu près absolu
que, dans ces nouveaux cahiers de la France
démocratique, on garde sur le rétablissement
nécessaire de la monarchie. Ce devrait être le
premier article de leur programme; il y brille
par son absence. Après s'être montrés dy-
nastiques à outrance dans leur conduite
politique jusqu'à devenir révolutionnaires
et se faire les alliés de tous les partis ré-
volutionnaires, après avoir voté hier encore
contre l'honorable M. Poirrier au profit
de son concurrent radical, ces mêmes mo-
narchistes changent une fois de plus de vi-
sage et, devant le corps électoral des dépar-
tements, reparaissent comme de purs libé-
chose de chaud sur sa nuque. Le pauvre Saint-
Sylvain pleurait, penché sur le blessé, et de
grosses larmes, roulant le long de ses joues,
tombaient une à une dans le cou de l'aide-
major. Celui-ci sourit
Petit bonhomme vit encore, fit-il en se
redressant et en époussetant ses genoux, le
soufflet est intact, je crois dans quinze jours
il sera gaillard s'il ne survient pas d'érysipèle
ou d'abcès. Vite, Plérin, faites atteler la voi-
ture de la cantine. C'est égal, il a de la chance;
il s'est pâmé comme une petite femme. Mais
qu'est-ce qu'il raconte? Le voilà qui reprend du
vif Pas de discours, ami, pas de discours.
Ecoutez donc! fit Sylvain en frappant du
pied.
Pierre, d'une voix saccadée, bégayait rapide-
ment des mots sans suite qui se terminaient
en longs soupirs. Il était question d'un balcon
et d'une fenêtre qu'il décrivait en détail.
Il ne manque plus qu'une échelle de corde,
grogna Coublevie.
Et comme le garde-manège annonçait poli-
ment « V'là le sapin » » il répondit
C'est bon prends M. Savarèze par les
jambes. doucement. Plérin, Saint-Sylvain, te-
nez-le sous les bras. En route.
Le blessé gémit faiblement.
Vite, embarquez, fit le médecin, Saint-
Sylvain, étendez-le.Au pas, fourgonnier; moi,
je vais devant.
Et la voiture partit, pendant que le garde-
manège marmottait
On croirait que c'est Saint-Sylvain qui a
écopé. Est-il pâle est-il pâle l
IX
Les jours passaient tristementau Grand-Che-
villy. Deux fois déjà, Mme Le Febvre était ve-
nue de Malbec pour apprécier les résultats de
sa stratégie, et elle était partie sans avoir con-
staté le moindre progrès. M. Sauvain, toujours
absent, n'avait encore rien laissé paraître que
de la mauvaise humeur à l'état chronique sa
femme se taisait; la désolée Henriette avait en-
trepris un long travail de broderie pour l'autel
de la Sainte-Vierge, ce qui était un signe in-
discutable de désespoir.
Vers la fin d'août, la famille Sauvain fut,
comme tous les ans, invitée à Malbec; M. Le
Febvre réunissait à cette époque nombreuse
compagnie pour l'ouverture de la chasse et fai-
ràux, de dévoués philanthropes, de sages |
conservateurs, absolument désintéressés de
la forme du gouvernement, ne s'occupant ni
de la monarchie ni de la République, unique-
ment voués aux réformes sociales, aux amé-
liorations pratiques, et dôcidés à les poursui-
vre sous tous les régimes.
Cette figure nouvelle avec laquelle nous
apparaissent les partisans de la royauté ou
de l'empire nous plait infiniment mieux que
l'autre et incontestablement leur convient da-
vantage. Mais est-elle bien naturelle et vraie?
Ne recouvre-t-elle pas de nombreux sous-
entendus et de certaines arrière-pensées
qu'on garde au fond du cœur sans les dire?
Après qu'on aura groupé autour d'un beau
programme social et politique un grand nom-
bre d'électeurs à qui l'on aura fait croire que
la forme même du gouvernement n'est pas
en jeu, ne se réserve-t-on pas le lendemain
de crier bien fort que ces électeurs ont volé
pour la monarchie? Voilà l'équivoque qui
nous étonne et que nous voudrions voir
éclaircie.
Il sera bien difficile, en effet, de nous faire
croire que ce beau zèle libéral et décentrali-
sateur et cet enthousiasme pour les principes
dé 1789 éclatant quelques mois avant les
élections générales sont purs de tout intérêt
politique et, si un intérêt politique les inspire,
que ce n'est pas avant tout l'intérêt de la mo-
narchie. Mais s'il en est ainsi, pourquoi les
organisateurs de ces réunions ne le disent-ils
pas ouvertement? Au contraire, si nous nous
trompions, s'il en était autrement, que ne con-
fessent-ils alors que les progrès qu'ils récla-
ment peuvent s'accomplir sous la République
aussi bien que sous un autre régime et qu'ils
n'ont aucune raison de la renverser? En ce
moment, il se tient deux sortes d'assemblées
monarchiques les unes ou, comme à Tou-
louse, l'on arbore hautement le drapeau de
ia ̃ royauté et où l'on célèbre la chute de la
République les autres, comme à Lyon et à
Besançon, où l'on ne parle que de réformes
économiques et sociales, décentralisation, in-
térêts agricoles, tarifs de chemins de fer, etc.
Seulement il est impossible de ne pas voir
qu'on nourrit partout les mêmes espérances
et que par des chemins divers on tend au
même but politique. Entre ces deux maniè-
res de s'adresser au suffrage universel, nous
préférons la première qui est franche et nous
blâmons la seconde qui implique nécessaire-
ment les restrictions mentales et commence
par duper les électeurs qu'on voudrait con-
vertir.
Est-ce à dire que nous sommes systéma-
tiquement hostiles aux idées développées
dans ces assemblées de conservateurs ? Pas
lemoinsdu monde. Il en est beaucoup, au con-
traire, qui méritentla discussion, beaucoupqui
sont les nôtres, que nous avons défendues et
que nous ne cesserons de prêcher. Mais,
sans parler de l'illusion enfantine qu'il y au-
rait à attendre une politique libérale et dé-
centralisatrice d'un pouvoir monarchique res-
tauré par un coup de surprise et de violence,
et obligé par cette origine même à serrer tous
les freins de la machine gouvernementale
sans être jamais libre de les détendre, il
nous faut dire aux conservateurs qui s'en
font aujourd'hui les apôtres, qu'il y a con-
tradiction, et une contradiction irréductible
entre leurs passions dynastiques et leurs
idées conservatrices et libérales, et qu'ils
sont aujourd'hui dans l'étroite obligation de
choisir entre elles. Qu'est-ce qui fait que
nous nous épuisons des deux côtés à la fois
à nous battre sur laforme du gouvernement,
si ce n'est l'acharnement des monarchistes à
détruire celle que nous possédons? N'est-
ce pas eux qui mettent toujours la ques-
tion constitutionnelle sur le premier plan ?
N'est-ce pas cette question dynastique
qui dirige leur conduite, inspire tous leurs
votes et dicte leurs alliances étranges dans
le Parlement? Que cette opposition violente
systématique acharnée cesse de leur part et
aussitôt on pourra discuter avec fruit et
peut-être faire réussir quelques-unes des ré-
formes économiques ou sociales qu'ils pré-
conisent. Mais nous sommes bien contraints
de leur faire remarquer en attendant que
vouloir ces réformes et, d'autre part, ne son-
ger qu'à détruire la République, c'est vouloir
à la fois le blanc et le noir, l'agitation révo-
lutionnaire et les progrès pacifiques, la poli-
tique de passion et la politique de raison,
c'est-à-dire des choses contraires et à jamais
inconciliables.
4
La Justice, que le succès de M. Poirrier embar-
rasse fortement, s'efforce de le diminuer en l'expli-
quant exclusivement par la préoccupation des inté-
rêts de la banlieue qui a dominé toutes les autres.
Ce raisonnement vaudrait quelque chose si M.
Poirrier avait été le seul candidat favorable aux
revendications de la banlieue; mais ils l'étaient
tous, à commencer par M. Lefèvre, le vaincu du
3e tour; il n'y avait d'autre différence entre M.
sait magnifiquement les honneurs de son gi-
bier. Pendant que les papas et les maris cou-
raient les choux et les chaumes, les dames ar-
pentaient le parc ou papotaient en fabriquant
d'éternelles bandes de tapisserie. Puis on fai-
sait toilette, et au dîner ce n'étaient que coups
de fusil merveilleux ou ratés désespérants, liè-
vres invulnérables, perdreaux goguenards por-
tant le plomb comme de vieux sangliers.
Du resie, Mme Le Febvre avait horreur de
ces gasconnades, faisant de son mieux pour dé-
tourner la conversation, rappelant à l'ordre les
apologistes du « chokebored », pleins de leur
sujet, ou les propriétaires de « pointers » éton-
nants, empêtrés dans la généalogie de leurs
chiens.
On vivait en pleine liberté à Malbec; qui se
plaisait s'assemblait et, sans faire de coteries,
les atomes crochus s'accrochaient. Plus d'un
mariage s'était ébauché là sous l'œil vigilant
de la maîtresse de la maison. M. Le Febvre, fi-
dèle à ses sympathies militaires, ne manquait
pas d'agrémenter de quelques uniformes la
monotonie des habits noirs pressés' autour de
la table, et chaque année, les invités de fonda-
tion, comme la famille Sauvain, voyaient dé-
barquer de nouvelles figures.
Cette fois, M. Sauvain, qui se rasait à la fe-
nêtre, vers huit heures du matin; fit la grimace
quand le break attelé de postiers déposa au
pied du perron une fournée d'arrivants, où il
distingua Saint-Sylvain recouvert d'une peau
de bique. Il flaira des catastrophes prochaines,
et le grand garçon malin lui apparut comme un
trouble-fête. Après Saint-Sylvain étaient des-
cendus une demi-douzaine de bons jeunes gens
à la tournure antique, hobereaux des environs,
grands nemrods, défenseurs du trône et enne-
mis de l'orthographe, qui daignaient honorer
d'un appétit de veneurs les dîners de leurs
amphitryons et ronflaient après boire.
Cette gracieuse jeunesse bottée et guêtrée
s'engouffra dans le vestibule pendant que Mé-
dor, Azor et Nicanor, avec des mines de chiens
qu'on mène pendre, étaient entraînés par le
garde vers des pâtées succulentes. Mme Le
Febvre, habillée dès l'aube, reçut avec des airs
de reine les profondes salutations des gentils-
hommes. Elle était escortée d'Henriette, son
aide de camp préféré, fort au courant de toutes
choses dans la maison et voltigeant de l'office
à la lingerie sur un signe de la châtelaine de
Malbec.
Poirrier et M. Lefèvre que la modération de l'un et
le radicalisme de l'autre. La Justice aura de la peine
à nous faire croire qu'en choisissant lo premier les
électeurs sénatoriaux aient manifesté leur préfé-
rence pour les opinions du second.
«®3~
La situation économique s'est sensiblement
améliorée depuis quelque temps. La crise in-
dustrielle et commerciale qui a coïncidé avec
la liquidation du krach financier et immobi-
lier de 1882 a pris fin et la reprise des affaires
s'accentue de jour en jour. Ce qui le montre,
c'est, en premier lieu, l'augmentation que l'on
a remarquée dans le recouvrement des impôts
et revenus indirects. Les recettes des quatre
premiers mois de 1888 n'avaient atteint que
753 millions 1/2 celles de la période corres-
pondante de 1889 s'élèvent à plus de 772 mil-
lions 1/2. Le produit des taxes sur les vins, les
alcools et le tabac présente d'importantes plus-
values c'est là un indice irréfutable d'une
amélioration de la condition de la masse du
pays, car ce sont ces catégories d'impôts qui
sont le plus atteintes quand l'état général du
pays n'est pas satisfaisant. Les droits de muta-
tion entre vifs avaient beaucoup fléchi après le
krach ils reprennent dans des proportions
très rassurantes et cela montre que les affaires
immobilières sont sorties du marasme où elles
se trouvaient depuis cinq ou six ans.
D'autre part, il y a lieu de rapprocher l'aug-
mentation des recettes des postes et télégra-
phes de la plus-value que présentent les recet-
tes des chemins de fer, plus-value qui, pour les
quinze premières semaines de l'année n'est pas
inférieure à 7 millions 1/2. Le trafic sur les ca-
naux continue également à progresser. Enfin,
les statistiques qui donnent le mouvement de
la navigation maritime pendant l'année 1888,
indiquent une augmentation notable sur le
tonnage des années précédentes. A tous ces in-
dices on reconnaît une reprise dans l'ensem-
ble des transactions commerciales. C'est, d'ail-
leurs, ce que montrent encore les statistiques
des douanes, dont nous suivons les variations
mois par mois. °
Au point de vue industriel, des constatations
analogues peuvent être faites. Nous venons de
recevoir le rapport de la commission de sta-
tistique minérale dressé par le service des mi-
nes au ministère des travaux publics. Et nous
y voyons que l'extraction de la houille, qui n'a-
vait pas dépassé 21,288,000 tonnes en 1887, a
dépassé 22,952,000 tonnes en 1888. « C'est le
chiffre le plus fort qui ait été jusqu'à présent
obtenu, ajoute le rapport. En même temps, la
consommation de la houille a pris un grand
développement; si elle n'est pas tout à fait re-
montée au niveau exceptionnel qu'elle avait at-
teint en 1883, où elle dépassait 32 millions
de tonnes, elle s'en est toutefois rappro-
chée, puisqu'elle s'élève, pour 1887, à 31 mil-
lions 191,000 tonnes. La crise qui a sévi
sur notre industrie en général, à partir de
1884, semble donc toucher, à sa fin. » Voilà une
appréciation dont on ne peut que se montrer
satisfait. Ces chiffres sont d'autant plus signi-
ficatifs qu'en 1883 la construction du troisième
réseau des chemins de fer était dans son plein.
Les industries métallurgiques produisaient des
rails en grande quantité dans cette année-là
elles en avaient livré 414,000 tonnes. En 1887,
la fabrication n'a porté que sur 204,000 tonnes.
C'est une réduction de 50 0/0. Or, malgré cette
grande réduction, l'ensemble de la production
des aciers dépasse sensiblement le chiffre de
1886, par suite du développement de la consom-
mation des aciers industriels. Alors qu'en 1878
cette consommation ne dépassait pas 82,000
tonnes, elle a atteint 290,000 tonnes en 1887.
La consommation des fers s'accroît également
et celle de la fonte aussi, bien qu'elles restent
inférieures à celles des années 1881-1884. Mais
cela provient, on le sait, de la substitution de
l'acier aux autres produits sidérurgiques. Cette
substitution, que permet maintenant l'abais-
sement du prix de l'acier (la tonne de rail d'a-
cier, qui valait 218 fr. en 1880, est tombée à
126 fr. en 1887), a pour effet de réduire la con-
sommation du fer et de la fonte. L'acier est
exclusivement affecté à la fabrication des rails
et voilà qu'il commence à remplacer le fer dans
la fabrication des ponts. Comme il y a écono-
mie de matière dans l'emploi du métal et com-
me.des procédés nouveaux permettent de réali-
ser des réductions importantes dans la con-
sommation des combustibles, il ne faut pas
s'étonner s'il se produit une répercussion finale
dans l'utilisation de la houille. En toutcas, ce qui
ressort de ce fait, c'est que, si les industries
métallurgiques emploient moins de houille, les
autres industries en consomment davantage.
C'est une nouvelle preuve du développement
de l'activité manufacturière du pays.
Faut-il maintenant rappeler les règles si cu-
rieuses posées par M. Clément Juglar dans les
rapports qui existent entre l'encaisse et la cir-
culation des banques d'émission avec la situa-
tion économique du pays? Quand les affaires
vont mal, l'argent afflue dans les caves des
banques et la circulation des billets fléchit par
suite de la réduction du papier escomptable.
Le fait inverse se produit dans les périodes de
prospérité. Or, l'examen des bilans de la Ban-
que de France nous montre que l'encaisse to-
ta.le, qui se chiffrait par 2,356 millions le
12 mai 1887, a diminué depuis de 100 millions
la circulation des billets de banque a passé en
même temps de 2,733 millions à 2,876 millions.
Le portefeuille commercial a augmenté de
plus de 300 millions, et l'on voit que, même en
tenant compte de l'opération faite par la Ban-
Les hobereaux balbutièrent quelques platitu-
des, des «Vous allez bien, madame? » et furent
conduits a la salle à manger où, les attendait un
déjeuner de viandes froides, du thé et du cho-
colat. Saint-Sylvain les regarda défiler et, s'ap-
prochant de Mme Le Febvre, lui expliqua d'un
ton pénétré qu'il serait contraint de partir dès
le lendemain, devant accompagner en Anjou
un ami convalescent,
Henriette prêta l'oreille et l'officier ajouta
négligemment:
Un petit coup d'épée, une piqûre, moins
que rien d'abord, et puis l'érysipèle s'est dé-
claré enfin, il est maintenant hors d'affaire;
mais, vous savez, on doit soigner le moral pour
rétablir le physique. Le pauvre garçon tra-
verse une crise pénible, il est fiévreux; il a
besoin d'affection autant que de quinine, et je
ne veux pas l'abandonner.
Mme Le Febvre se rappela subitement qu'elle
avait oublié les serviettes à thé et dépêcha
Henriette à leur recherche; mais la jeune fille
ne l'entendit point et demanda en hésitant
De qui parlez-vous, monsieur?
De mon pauvre camarade Savarèze, ma-
demoiselle.
Mme Le Febvre haussa nerveusement les
épaules
Et le déjeuner qui vous attend, monsieur 1
Allez, allez donc Viens, mignonne.
Mignonne, vous êtes remontée bien vite dans
votre chambrette, plantant là votre vieille
amie; et, comme une bonne petite fille que
vous êtes, vous avez prié. Pour la première
fois, peut-être, Celui qui entend nos pensées
entendit un nom sortir de vos lèvres, et là-bas,
sous les rideaux tirés, le blessé, s'agitant dans
un mauvais sommeil, prononçait aussi votre
nom, mignonne. Vous avez pleuré; vous avez,
tout aveuglée par les larmes, poussé votre ver-
rou, vous avez embrassé une brindille de gui
qui ne vous quitte pas. C'est de l'enfantillage,
petite Henriette, et les gens graves en souri-
ront mais ceux-là n'ont point aimé. Ils ont
compté, réfléchi et pesé; jamais, jamais, de-
vant un brin de gui, devant un papillon de
soie rose leurs yeux ne se sont mouillés. Pleu-
rez donc, mignonne, et priez, car, là-bas, l'au-
tre, éveillé de son mauvais sommeil, pleure
aussi et prie ses prières d'enfant.
Monsieur Sauvain je suis votre servi-
teur. •
que de France il y a quelques semaines, la
plus-value prouve surabondamment une re-
prise des affaires d'escompte.
Malgré les épreuves qu'a subies le marché
financier de Paris, dans ces derniers temps, la
situation est bonne; Bien des causes ont motivé
la hausse si rapide des rentes françaises. Mais
la cause dominante, c'est l'abondance des ca-
pitaux disponibles et la confiance assez géné-
rale du monde des affaires.
Tous ces faits sont concordants ils fontpres-
sentir un mouvement profond daus le pays, el
l'Exposition universelle, dont le succès est in-
discutable et, disons-le, indiscuté, n'apparaît
pas seulement comme un phénomène superfi-
ciel, mais bien comme le résultat de l'amélio-
ration de la situation générale de la France.
Sans doute, nous n'avons pas encore retrouve
le degré de prospérité auquel nous étions par-
venus en 1882: cela tient, personne ne l'ignore,
aux ruines causées dans tout le Midi et dans la
région du Sud-Ouest par le ravage du phyl-
loxera. Mais déjà nos vignobles se reconsti-
tuent déjà les procédés de culture intense se
propagent avec rapidité. Que nos agriculteurs
fassent encore quelques efforts, qu'ils ne crai-
gnent pas de modifier leurs anciens systèmes
d'exploitation et le bien-être reviendra parmi
eux.
Aussi ne craignons-nous pas de dire que
l'année du Centenaire, qui, politiquement, a si
mal commencé, s'annonce comme devant être
excellente au point de vue des affaires, et
nous nous plaisons à croire que rien ne vien-
dra contrarier le mouvement de reprise dont
on a pu* constater les heureux effets.
Nous avons signalé, hier, l'article du Standard
sur l'état politique de la France. Aujourd'hui, la
journal russe les Novosli publie une étude très docu-
mentée sur la situation économique de la Franco en
1789 et en 1889, et il conclut en disant que les résul-
tats acquis sont dus à la liberté du travail et au dé-
veloppement intellectuel de la nation.
♦–
LES GRÈVES DE WESTPHALIE
(Dépéches de notre correspondant particulier)
Berlin, 14 mai, 8 h. 45.
La chancellerie a lu hier à l'empereur un rapport
complet et détaillé sur les grèves. D'après des ren-
seignements de source administrative, le mouve-
ment, concentré jusqu'ici dans les districts houil-
liers de Westphalie, tendrait à gagner d'autres pro-
vinces.
Il est certain que la plupart des corps d'état sont
travaillés sourdement et qu'une campagne en règle
est menée contre les capitalistes et les patrons.
Le rapport de M. de Bismarck n'est pas défavo-
rable aux mineurs, dont il admet en principe lea
réclamations.
Après avoir quitté le palais impérial, le chance-
lier a eu une longue conférence avec le ministre dft
l'intérieur Herrfurth.
Berlin, 14 mai, 9 h. 15.
A la suite du rapport de M. de Bismarck, l'empe-
reur a décidé d'accorder aux délégués des grévistee
l'audience qu'ils sollicitaient. Ceux-ci sont partis de
Dortmund avant-hier soir et sont arrivés hier soir
à Berlin. Ils seront reçus aujourd'hui.
Berlin, 14 mai, 9 h. 40.
Les nouvelles qui parviennent ici des différent!
centres de la grève sont contradictoires. La journée
du 12 mai n'a été signalée par aucun incident. Mais
hier, au Reichstag, les bruits les plus inquiétants
couraient. On parlait d'une tentative do destructioa
des ouvrages hydrauliques de la Ruhr alimentant
tout le bassin houiller, et aussi d'une collision à
Aplerbeck entre la troupe et les grévistes. Ces der-
niers auraient eu soixante morts.
Dca inforenatic/na pr<5ci«oe furent dcmaUClOCS tole-
graphiquement par. le ministère et, dit-on, par l'em-
pereur personnellement. A trois heures, la nouvelle
concernant les appareils hydrauliques était démen-
tie. A Aplerbeck, quelques jeunes gens avaient tiré
sur la troupe; mais ils avaient été arrêtés et les dé-
pêches no parlaient pas de répression sanglante.
La nouvelle du meurtre de M. Schrader, directeur
de mine, qui avait été lancée par le Journal de
Francfort, organe national-libéral, est entièrement
controuvée.
Berlin, 14 mai, 10 h. 20.
On évalue le nombre actuel des grévistes à 90,000,
et celui des troupes cantonnées sur les divers points
à 7,000 hommes d'infanterie et de cavalerie.
Hier, dix brigades de gendarmerie ont été appe-
lées de Francfort. On dit môme qu'on aurait fait
venir des troupes en garnison en Saxe.
Le bruit continue à courir que la houille est sur
le point de manquer sur les lignes de Halle, Franc-
fort et Erfurt, et que les compagnies sont môme
forcées de réduire le nombre des trains.
•#
AFFAIRES COLONIALES
Nouvelles coloniales et maritim93
On lit dans les Tablettes des Deux-Charentes
Nous avons annoncé que le cuirassé le Vauban avaiï
quitté le Pirée, le 2 mai, et que ce bâtiment était at-
tendu bientôt à Toulon, pour y recevoir le pavillon de.
M. le contre-amiral O'Neill.
A l'occasion du jubilé du roi Georpres, M. le contre-
amiral Olry, commandant en chef la division navale
du Levant, a été nommé grand-croix de l'ordre royai
du Sauveur de Grèce.
M. le capitaine de vaisseau Pottier, commandant le
Vauban, et M. le capitaine de vaisseau Eseandc, com-
mandant le Seignelay, ont été nommés commandeurs
du même ordre.
Avant le départ du Vauban pour la France, plusieurs
officiers de ce bâtiment ont aussi reçu un témoignaço a
de sympathie de S. M. le roi Georges, qui a remis la
croix d'officier du Sauveur de Grèce à MM. le capi-
taine de frégate Bellue, second; le commissaire ad-
joint Chatel, commissaire de division le médecin
principal Kermorgant, commissaire de division, et
abbé Rogel, aumônier de division.
MM. les lieutenants de vaisseau Moreau et Philibert,
-Monsieur de Saint-Sylvain, j'ai l'honneur
de vous saluer.
-Belle matinée, monsieur Sauvain!
Le gibier tiendra, monsieur de Saint-
Sylvain.
Les hobereaux, réconfortés, ceignaient leurs
cartouchières; les chiens en laisse poussaient
des hurlements étranglés. M. Le Febvre don-
nait au garde ses derniers ordres. Les autres
invités descendaient un à un, et c'étaient des
poignées de main, des exclamations, des cour-
bettes, des claques familières sur les épaules,
suivant qu'apparaissaient Othon de Macque-
ville, un beau sur le retour, la barbe teinte et
ne regardant que les gens « nés »; le vieux Pel-
levoisin, une bonne brute parasite, précieux en
temps d'élections; l'excellent général du Bloc,
toujours gai, aimable, partout reçu, partout
fêté; M. Guignot du Pigeonnier qui avait la con-
fiance des princes, etBavot, le bel avocat, nou-
vellement venu de Paris, où il croupissait, Ba-
vot, bien grave, bien banal, bien pensant sui-
vant les circonstances et les milieux, un Sau-
vain diplômé et dégrossi, insinuant et miel-
leux.
Le marchand de bois du nord avait déjà jeté
son dévolu sur cet aigle à tournure d'oie, dont
le, vol lourd lui semblait de la majesté. Il se
cramponnait à lui, lui donnant du « mon cher
maître » et décidé à s'en servir pour contre-
battre Savarèze dans l'esprit d'Henriette.
Bavot semblait, du reste, facile à apprivoi-
ser il se laissait faire, ayant pris des rensei-
gnements et crevant du désir d'épouser une
dot.
Ce fut pendant toute la journée une fusillade
nourrie, interrompue seulement, à midi etdemi,
par le déjeuner, expédié en hâte. A une heure,
les chasseurs, ravitaillés, recommencèrent le
massacre, et les lièvres culbutaient, et les per-
dreaux pelotés tombaient au milieu d'un nuage
de plumes.
Bavot tirait comme une ganache et faillit es-
tropier Dulcinée, la griffonne de Saint-Sylvain.
Enfin, quand sur la plaine et les bais la bise
du soir souffla, et que la voix rauque des cor,
nets sonna le ralliement, on vit revenir vers lo
château une troupe joyeuse aux carniers dé-
bordants, et des chansons gaillardes montaient
dans le ciel pâle avec les appels lointains des
perdrix dispersée
V HENRI ALLAIS.
(A suivre. J
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