Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-05-12
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 mai 1889 12 mai 1889
Description : 1889/05/12 (Numéro 10233). 1889/05/12 (Numéro 10233).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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D1MAN-GHE 13 MAI 1839,
VINGT-NEUVIÈME AKNËE. N* 10233.
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PARIS. Trois mois, 14 fr. Sir mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
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LES aboi\>emeists datent i>es i« etteide CHAQUE mois
Un numéro ^ép&rtg^eiïïs) 20 centimes:
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ÎÂWS. Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 28 fr. Un tn, 56 fr.
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LES A11O.NNEMENT8 DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro <» 3Paris> ltî centimes.
•' • • Directeur politique Adrien Hébrard
•̃ La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
c^i .,«.• Adresse télégraphique TEMPS PARIS
i ARIS, 11 MAI
BULLETIN DU JOUR
Le débat sur la politique africaine de l'Ita-
lie a abouti, comme on pouvait s'y attendre,
fe un blanc-seing en faveur de M. Crispi.
C'est le terme ordinaire de toutes les discus-
sions au Parlement de Montecitorio. Les ti-
mides efforts de l'opposition pour revendi-
quer les droits du pouvoir législatif, les ten-
tatives plus molles encore des simples indé-
pendants pour faire préciser les responsabi-
lités n'ont d'autre résultat que de constater
avec plus d'éclat la dictature qu'exerce M.
Crispi.
Le général Baldissera continuera-t-il à
monter la garde sur les quais d'un port où
rien n'arrive et à la tête d'une route où rien
ne passe ? Se donnera-t-il de l'air en allant
prendre part à la mêlée confuse ou plutôt à
l'anarchie sanglante qu'a déchaînée la mort
du négus ?
A ces questions et à toutes les autres du
même ordre, le sphinx gouvernemental ré-
pond en se mettant un doigt sur la bouche
et en faisant un chut accentué. Il serait in-
discret, téméraire, presque antipatriotique
de vouloir pénétrer ce mystère.
Sans doute,le princede Bismark lui-même,
quand il s'agit de politique coloniale, doit
mettre l'opinion au courant et publier des
Livres blancs. A Rome, M. Crispi est sous-
trait à ces humiliantes conditions.
Il n'a qu'à prononcer, orerotundo, quelques
mots sonores la gloire de l'Italie, les inté-
rêts de la civilisation et l'on se hâte de lui
donner carte blanche sur le continent noir.
M. Baecarini, pour avoir voulu réserver les
droits constitutionnels de la .Chambre en ma-
tière de déclaration de guerre, a failli être
honni.
C'est ainsi que se fait la grande politique.
Un fâcheux seul a -murmuré au milieu de
l'inattention générale Aujourd'hui la carte
blanche, demain la carte à payer l
Demain, 12 mai, sera célébré solennelle-
ment le quarantième anniversaire de l'avè-
nement et de la prestation de serment à la
constitution du roi Guillaume des Pays-Bas.
Ce monarque, dont certains de ses collaté-
raux s'étaient peut-être un peu trop empres-
sés de chausser les souliers, a fait preuve
d'une telle vitalité que les espérances provo-
quées par l'amélioration de son état parais-
sent presque aussi justifiées que les craintes
inspirées par son mal organique.
Il s'est montré un peu froissé, comme le
Géronte du Légataire universel de Regnard,
que l'on eût profité si rapidement de sa léthar-
gie pour inaugurer un nouvel ordre de cho-
ses dans le grand-duché de Luxembourg.
Son cousin, le duc de Nassau, depuis qu'il
est de retour, bien malgré lui, dans sca châ-
teau du Taunus, fait dire par un journal à sa
dévotion qu'il avait fait un grand sacrifice en
allant précipitamment prendre la régence et
qu'il aurait consenti tout au plus à demeurer
régent, si le roi l'en avait prié, mais sans ac-
cepter, comme on l'avait raconté, les fonc-
tions de lieutenant, trop au-dessous de la di-
gnité de l'ex-souverain d'une petite princi-
pauté, qui a eu l'honneurd'en être dépossédé
par la Prusse.
Le bruit a couru pourtant que le duc de
Nassau ne faisait pas tant le renchéri, avant
que le reclus de Loo lui eût signifié, un
peu sèchement, son congé. En tout cas, l'ex-
régent a gravement manqué aux convenan-
ces en faisant publier dans le Courrier du
Rhin une dissertation de pathologie sur le
cas du roi de Hollande, où les détails les plus
répugnants sont mis en lumière con amore et
dans l'intention évidente de conclure à l'in-
capacité absolue de ce souverain. Le duc de
Nassau n'en jugeait pas ainsi, lorsqu'il solli-
citait de son royal cousin une décision en fa-
veur du maintien de ses pouvoirs qui impli-
quait l'exercice rationnel de l'autorité de
Guillaume III, dont, par parenthèse, il n'est
le cadet que de cinq mois.
En même temps la presse allemande s'é-
chauffe fort sur le noir dessein qu'elle prête
au roi des Pays-Bas de supprimer la loi sa-
lique et de changer l'ordre de succession
dans le grand-duché de Luxembourg. Cette
nouvelle est en soi peu vraisemblable, sans
môme s'arrêter à l'absurdité manifeste de
mettre en cause les Etats généraux des Pays-
Bas qui, comme le fait remarquer, dans son
premier numéro d'hier, la Gazette de Cologne,
n'ont pas plus à s'occuper de la succession
du grand-duché que dé celle des Habsbourg
Qu des Hohenzollern.
Le roi Guillaume, en qualité de grand-duc,
aurait parfaitement le droit de proposer à la
Chambre des députés luxembourgeoise telle
modification de la loi successorale qui lui
paraîtrait bonne. Il y a quelques années, le
baron de Blochausen, alors chef du minis-
tère du grand-duché, avait préparé un projet
d'abolition de la loi salique.
On soutiendrait difficilement dans ce cas,
au point de vue du droit public international,
que la convention de famille de 1783 entre les
diverses branches de la maison de Nassau
devrait prévaloir contre un acte régulier des
CEBJIIJLEYOIV OU «TEMPS»,
DU 12 MAI 1889
LE SALON
̃"•̃'̃. • II “̃ ̃ .,]-
Il serait puéril de le dissimuler le public du
vernissage n'a pas fait un accueil très chaleu-
reux au Bacchus de M. Carolus Duran. On sa-
vait depuis longtemps que le courageux artiste
était aux prises avec un rude labeur, on avait
même entendu parler de son œuvre et l'on at-
tendait beaucoup du vigoureux effort qui l'ab-
sorbait au point de le contraindre à remettre
à des jours plus calmes l'exécution de certains
portraits promis. Au sentiment des connais-
seurs passionnés, sinon compétents, qui for-
ment le personnel des premières représenta-
tions, le résultat n'a pas répondu aux espérances
générales. Le Bacchvs a été sévèrement jugé.
Il est arrivé à ce tableau une étrange aven-
ture. Si le mari de la légende, le veuf aisément
consolé qui, revenant du cimetière où il a en-
terré sa femme, peut dire allègrement « Cette
petite promenade m'a fait du bien, » il est in-
terdit au Bacchus de tenir le même langage. La
promenade du passage Stanislas au palais des
Champs-Elysées ne lui a pas été salutaire.
Comme bien d'autres, nous avions vu le ta-
bleau dans l'atelier de l'artiste il avait alors
certaines qualités brillantes; il ne les a pas
toutes perdues en route, mais l'éclat s'en est
amoindri. Et c'est même, pour ceux qui croient
avoir l'habitude de voir des peintures, un fait
singulier que la déperdition que peut subir une
toile qu'on déménage. Tous ceux qui pos-
Voir le Temps du 5 mal.
organes légitimes de la souveraineté du
grand-duché de Luxembourg.
Néanmoins, il y a peu de probabilité que
le roi grand-duc songe à soulever actuelle-
ment une question qu'il n'a pas voulu tran-
cher dans ce sens jadis. S il a mandé M..
Eyschen, le premier ministre luxembour-
geois, auprès de lui, on peut croire que c'est
pour se faire rendre compte des démarches
un peu précipitées de cet homme d'Etat, qui
parait prendre le mot d'ordre plus volontiers
à Berlin qu'à la Haye, et peut-être aussi pour
lui marquer le mécontentement dont il a déjà
donné une preuve sensible à son cousin, le
duc de Nassau.
On a beau être roi, on n'aime jamais beau-
coup à voir partager son héritage avant
qu'on ait rendu le dernier soupir.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 11 mai, 9 h. 25.
Hier, à la Chambre des députés, M. Bonghi a de-
mandé au ministre de l'agriculture quelles mesures
il compte prendre pour améliorer la situation écono-
mique des Pouilles et assurer la vente des vins de
cette province, qui n'ont pas d'acheteurs depuis la
rupture du traité de commerce avec la France.
M. Imbriani, connu pour ses opinions républicai-
nes et irrédentistes, et élu récemment député des
Pouilles, traite le côté politique de la question dans
un discours très véhément.
M. Imbriani dit qu'il a été élu pour être le porte-
parole de la misère de ces populations. Ce qui ruine
les Pouilles, c'est la politique de. M. Crispi.
« C'est par servilisme envers l'Allemagne et l'Au-
triche, déclare l'orateur, que nous avons fait de la
politique antifrançaise. Aux rumeurs de la. Cham-
bre 11 répond en élevant la voix « Soyez sourds si
vous voulez; mais ,quand le peuple veut, il sait se
faire entendre. A quoi nous sert l'alliance avec les
puissances centrales 1 A rien; mais elle nous oblige
à faire la volonté de nos maîtres. » Protestations
du président, qui invite l'orateur à tenir un langage
plus parlementaire.
M. Imbriani répond « Ce langage est tellement
parlementaire qu'il fut tenu ici-même par M. Crispi,
dans la séance du 18 mai 1886, quand il dit que nous
étions les gendarmes de la Sainte-Alliance. » Ce
rappel soulève l'hilarité et un mélange d'approba-
tions et d'interruptions.
Vive agitation encore lorsque M. Imbriani dit qu'il
représente aussi Trieste et le Trentin. Le président
lui ayant objecté qu'il représente seulement les
Pouilîes « Pardon réplique-t-il, la loi qui confère
aux citoyens trentins et triestins les mêmes droits
civils qu'aux autres Italiens porte la signature de
M. Crispi. Du reste, ici je représente l'Italie, et j'ai
juré de faire de mon siège un poste de combat con-
tre l'Autriche. »
II répond à M. Crispi, qui avait dit que 20,000 fr.
avaient été envoyés aux populations malheureuses
des Pouilles, que cette somme est bien mesquine
quand on dépense 400,000 fr. pour le train royal qui
doit aller à Berlin.
M. Imbriani termine en disant qu'il est néces-
saire de persuader à la France que nous ne complo-
tons rien contre elle. « Vous devez la convaincre
que vous n'avez pas garanti à l'Allemagne la pos-
session de l'Alsace-Lorraine, comme vous n'avez pas
garanti à l'Autriche la possession du Trentin et de
Trieste. Alors seulement vous pouvez espérer un
traité de commerce. Il faudrait croire la France bien
ingénue pour fournir des armes contre elle. »
Le ministre de l'agriculture assure M. Bonghi de
toute la sollicitude du gouvernement pour la situa-
tion économique des Pouilles.
M. Crispi répond à son tour qu'il déplore cette
'̃.crise agricole, qui sévit non seulement sur les
Pouilles, mais sur l'Italie entière et même sur l'Eu-
rope.
«Notre politique étrangère, ajoute M. Crispi, c'est-
à-dire nos rapports internationaux, nos alliances,
ne sont pour rien dans la crise des Pouilles, qui est
un fait économique. •
M. Crispi croit qu'on ne peut faire un grief au
gouvernement de la non-conclusion du traité de
commerce avec la France, car, dit-il, la Chambre
sait bien qu'elle ne nous est pas imputable. Il ajoute
que M. Spuller en avait convenu lui-même.
Le président du conseil regrette que le malaise
économique serve de prétexte à des excitations fac-
tices, tandis que le gouvernement a fait et conti-
nuera de faire son devoir.
Il a ajouté qu'il ne répondra pas aux arguments
politiques formulés par M. Imbriani. Il a la con-
science d'avoir toujours maintenu ses idées et rem-
_pli ses promesses. Il a favorisé l'alliance avec les
puissances centrales, parce qu'elle est utile à l'Ita-
lie, sans méconnaître pour cela les droits des peu-
ples, comme il l'a montré dans la presqu'ile des
Balkans.
.*̃̃• ''̃> Bruxelles, 11 mai.
Le Nord rend aujourd'hui hommage à la bonne
tenue avec laquelle Paris a célébré les fêtes du Cen-
tenaire et l'ouverture de l'Exposition.
Il loue sans réserve l'entrain, la bonne humeur,
le sentiment de concorde, la bonne grâce de la po-
pulation parisienne.
Il ajouté «En face de l'Exposition, on se rend
compte combien il est oiseux pour les hommes d'E-
tat français de rêver de faire grand ils n'ont qu'à à
laisser la France s'occuper de cette besogne. D'elle-
même, naturellement, sans risques ni aventures,
elle fait grand par ses savants, ses artistes, ses in-
génieurs, ses industriels.
» Dans l'état d'esprit populaire qui s'est manifesté
pendant ces jours de fête, une part revient certai-
nement à M. Carnot. Son attitude toujours correcte,
sa droiture, l'estime et le respect qu'il inspire même
à ses adversaires, ont évidemment influé sur les
dispositions du public.
), Peut s'en faudrait qu'il ne fût le chef d'Etat qui
plane au-dessus des partis, si ce rôle était pratica-
ble en France.
» Les discours à Versailles, à l'Exposition, ont été
sèdent des tableaux savent par expérience com-
bien ils se modifient lorsqu'on les fait passer
d'une place à une autre, ou seulement quand
on leur donne de nouveaux voisins. Mais, pour
le Bacchus, traversant la Seine, le changement
a quelque chose qui déconcerte. Cette modifi-
cation imprévue se traduit par un abaissement
général du ton. Certaines parties qui, dans
l'atelier de la rive gauche, semblaient lumi-
neuses et fleuries se sont voilées et le tableau,
qu'on croyait vivace et remuant, paraît céder
à la loi d'une irrésistible somnolence.
Ce résultat, dont j'ai peine à me rendre
compte et qui me prouve une fois de plus qu'il
ne faut jamais aller chez les peintres, provient
peut-être de ce que, dans le Bacchus, l'exé-
cution ne correspond pas absolument à la
nature du sujet. En réalité, le triomphe du
dieu des vendanges trônant sur son char
que suivent les bacchantes en délire, c'est
un motif à la Jordaens, un thème qui appelle
toutes les somptuosités de la couleur, toutes les
libertés du pinceau. M. Carolus Duran a ra-
conté trop sagement des choses violentes il a
subi ainsi, et si bien doué qu'il soit, l'influence
générale qui a tempéré et assagi les généra-
tions nouvelles. C'est la mode aujourd'hui,
parmi les jeunes, de prétendre que les hommes
du grand mouvement d'art qui éclata aux
approches de 1827 étaient dénués de toute rai-
son pour moi, qui en ai connu quelques-uns,
je n'en suis nullement convaincu et je sais
qu'ils avaient au moins le bénéfice de leur fo-
lie. Au temps de la frénésie romantique, Bac-
chus avait beaucoup vieilli et nous avions
cessé de le peindre, mais, s'il était venu
à l'un des nôtres la pensée de traiter un
sujet aussi démodé, il y aurait mis, à ses ris-
ques et périls, un emportement, une flamme,
dont nos modernes, même les plus vaillants,
tiennent à honneur de se défendre. On est
prudent, et l'on ne veut pas faire sourire les
sages: mauvaise disposition pour peindra une
bacchanale.
empreints de la même modération et du même tact
que sa conduite. » Marseille, 11 mal, midi.
Marseille, 11 mai, midi.
Ce matin est arrivé, à bord du transport Provence,
le capitaine d'infanterie de marine Binger, officier
d'ordonnance du général Faidherbe. Le capitaine
Binger revient de Dakar, après une exploration de
vingt-huit mois au centre de l'Afrique.
Le capitaine a remonté le Sénégal jusqu'au Niger
par le Soudan français; il a visité des régions in-
connues du Niger traversées par de nombreux af-
fluents.
Après mille vicissitudes, M. Binger est arrivé à
Kong, grand centre du Soudan ayant une popula-
tion'de 15,000 âmes et dans laquelle son séjour aura
un excellent résultat pour l'influence française dans
cette partie du continent africain.
Des délégués des Sociétés géographiques de Pa-
ris, de Marseille et de Lille attendaient le capitaine
Binger qui repart ce soir pour Paris.
Marseille, 11 mai.
Le paquebot-poste le Saghalien, des Messageries
maritimes, courrier de Chine et du Japon, est entré
hier matin dans le canal de Suez, faisant route sur
Port-Saïd, Alexandrie et Marseille, où il est attendu
du 16 au 17 courant.
V Amazone, de la même compagnie, venant de
Madagascar, a quitté Aden hier matin, revenant de
Marseille.
(Service Havas)
Saint-Pétersbourg, 11 mai.
Le conseiller privé Durnovo, directeur de la chan-
cellerie privée de l'empereur pour les établissements
de bienfaisance, est nommé gérant du ministère de
l'intérieur.
M. Durnovo a déjà géré le ministère de l'intérieur
comme adjoint du comte Tolstoï. M. Durnôvo possède
l'expérience voulue et jouit d'une excellente réputa-
tion, de la considération et des sympathies générales.
Hier est mort l'écrivain satirique Salkow, connu
sous le pseudonyme de Stchedrine.
New-York, 11 mai.
Un cyclone des plus violents s'est abattu sur les
Etats de l'Est depuis le Maryland jusqu'au Connecticut.
A Williamsport (Pensylvanie centrale), le toit d'un
cirque s'est effondré. Plusieurs artistes ont été bles-
sés.
A Point-Rocks (Maryand), vingt-cinq ouvriers ont
été jetés en bas du pont du chemin de fer. Plusieurs
ont été tués.
• Dans 'Ja partie basse de l'Etat de New-York, les ef-
fets du cyclone se sont également fait sentir.
Le ciel est couvert de nuages et une poussière aveu-
glante entrave grandement le travail.
A Newhaven (Connecticut), un édifice s'est effondré.
Dix personnes ont été ensevelies sous les décombres
une d'elles a été tuée.
L'orage a causé partout de grands dégâts.
Bucarest, 11 mai.
La nouvelle que le gouvernement roumain aurait
obtenu du gouvernement français l'autorisation, pour
les officiers roumains, d'être admis à suivre les cours
de l'Ecole militaire de Saint-Cyr, a produit dans tous
les cercles militaires une excellente impression.
On dit que le ministre de la guerre a donné l'ordre
de suspendre les travaux des fortifications jusqu'au
vote, par le Sénat, du crédit de quinze millions déjà
voté par la Chambre. ̃•;
Athènes, 11 mai.
Un incident survenu, à Syra entre le ministre de la
marine et le commandant du navire russe le Domskoï,
est vivement commenté dans les cercles diplomati-
ques et dans la presse.
Le commandant du navire russe, manquant aux
usages établis, n'avait pas rendu visite au ministre.
Le ministre plénipotentiaire de Russie ayant pré-
senté le commandant à M. Theotoki, ministre de la
marine, pendant le dîner royal à bord du yacht
l'Amphitrtte, le ministre refusa de serrer la main du
commandant, lequel se serait ensuite exprimé, de-
vant plusieurs témoins, en termes malséants à l'é-
gard du ministre de la marine.
Le ministre de Russie aurait fait des représenta-
tions au roi, mais la presse grecque approuve l'atti-
tude de M. Theotoki qui, suivant elle, a agi confor-
mément à la dignité nationale.
Quelques journaux radicaux nous ont ap-
porté ce matin le récit d'une double confé-
rence faite hier à Màcon, par MM. Millerand
et de Lanessan.
Le premier est un socialiste convaincu; le
second est un libéral intransigeant. Com-
ment ce socialisme et ce libéralisme peuvent-
ils bien s'associer et faire bon ménage, nous
l'ignorons. Peut-être les deux orateurs n'ont-
ils pas le clair. sentiment de l'incompatibilité
absolue de leurs systèmes; peut-être aussi
ont-ils voulu donner aux républicains un
bon exemple d'union et de fraternelle propa-
gande au profit de la République, auquel
cas, loin de les blâmer, nous les louerions au
contraire, estimant qu'en présence des coali-
tions menaçantes qui assiègent le régime ac-
tuel la politique de concorde et d'association
est celle qui s'impose à tous.
Toutefois, en lisant le compte rendu de
leurs discours, notre surprise a été grande.
Il paraît que, si le socialismedeM. Millerand
est capable de supporter l'individualisme de
M. de Lanessan et vice versa, leur tolérance
commune ne saurait faire un effort de plus;
elle est aussitôt épuisée et se change même
en quelque chose de contraire dès qu'il s'agit
des autres républicains et, en particulier, de
ceux qu'on appelle opportunistes ou modé-
rés. M. de Lanessan n a pas hésité à faire
une charge à fond contre le gouvernement
actuel, au risque de procurer une très grande
joie aux boulangistes et aux réactionnaires;
d'autre part, M. Millerand, plus catégorique
encore, s'est élevé vivement contre la rentrée
dans la politique active de M. F^rry et de
ses amis, et a déclaré qu'il fallait com-
battre aux prochaines élections aussi bien
l'opportunisme que la réaction et le bou-
langisme. Il paraît même qu'il a démon-
tré qu'entre les modérés qui défendent la
Constitution et les radicaux qui l'attaquent
l'union était impossible et que les élections
futures devaient se faire, non comme nous
le pensions, sur la question du salut de la
République, qui rallie tous les républicains,
mais uniquement sur la question de la revi-
sion, qui les divise et les annule fatalement
les uns par les autres. Ainsi MM. Millerand
et de Lanessan mettent la revision au pre-
mier plan, et comme cette revision restera
forcément indéterminée, voilà les radicaux,
M. Carolus Duran a scrupuleusement sur-
veillé le délire de son personnel. Le cortège
s'ouvre par un groupe épisodique formé d'un
jeune homme et d'une belle fille qui dan-
sent sur le gazon non sans échanger quelques
baisers. Bacchus vient ensuite, assis impassi-
ble sur un lourd chariot que traînent pénible-
ment des esclaves au torse nu; derrière le
dieu, qui préside à la fête sans s'y mêler,
s'avance la foule compacte des fidèles qui
ont pris au sérieux le programme de la
journée et dont de copieuses libations ren-
dent la marche incertaine. Déjà une bac-
chante enivrée et vaincue s'est laissée choir
sur l'herbe, et elle étale au premier plan les
trésors de sa nudité plantureuse que voile une
légère demi-teinte. Ses compagnes sont encore
debout, mais pas pour longtemps deux d'entre
elles, placées derrière le char de Bacchus, sont
même à demi titubantes et ne craignent pas de
se compromettre. Ce sont les deux meilleures
figures du tableau. Un groupe de comparses
ferme confusément la marche triomphale. Cette
partie du cortège est abritée à droite par l'om-
bre d'un grand arbre. A gauche, le paysage
s'élargit et montre le contour d'un rivage que
caresse un flot d'un bleu méditerranéen. Tout
ceci est lumineux et grand. On voit des specta-
cles pareils lorsqu'on suit de Nice à Gênes la
route de la Corniche.
Le peintre a donc réuni dans son cadre de
très beaux éléments pittoresques. Bacchus et
ses associés triomphent dans un vaste décor
méridional; mais je me demande avec crainte
si ce n'est pas ce décor, très intense et très
monté, qui nuit aux figures et les diminue.
Sur ce fond, où la note bleue de la mer joue un
rôle capital, M. Carolus Duran a essayé de don-
ner aux carnations, qu'il a d'ailleurs savam-
ment variées, un éclat assez vif pour lutter
contre les colorations et les lumières du pay-
sage lointain. Il n'y a pas complètement réus-
si, du moins si l'on prend le groupe dans son
ensemble et si l'on cherche la tache remuante
s'ils suivent l'impulsion de ces honorables (
députés obligés de s'enrôler dans l'armée 1
boulangiste et réactionnaire, au moins au i
second tour de scrutin, et de marcher avec |
ellaspuç la même formule à l'assaut des in- j
stitutions républicaines. (
Nous ne voulons pourtant pas admettre i
que cette détestable politique de division et ]
d'excommunication prêchée à Mâcon soit
celle où s'arrête le groupe de l'extrême gau-
che et qu'adopte unanimement le parti radi-
cal tout entier. Nous n'en voulons d'autre
preuve que le remarquable article que M.
Henry Maret publie aujourd'hui même dans
le Radical, sous ce titre: « La Politique né-
cessaire. » Cette politique nécessaire, selon
M. Maret, est précisément le contraire de
celle que préconisent les deux orateurs de
Mâcon « Ce qui est en question, dit-il, c'est
» l'attitude que doivent prendre les républi-
» cains devant le corps électoral. Eh bien, e
» dis que ce doit être une attitude d'union et de
» concorde et que c'est mal la préparer que
» de commencer, dès à présent, des disputes
» rétroactives. » Et M. Maret continue sur ce
ton pendant deux colonnes, ne voulant pas
que radicaux et modérés s'injurient avant la
bataille, mais soient décidés les uns et les
autres à voter à la fin pour le candidat répu-
blicain le plus capable de faire gagner la vic-
toire et leur présentant, pour les rendre sa-
ges, l'exemple de la remarquable tolérance
réciproque dont fait preuve, dans le camp
boulangiste, les réactionnaires de droite et
les intransigeants d'extrême gauche unis
dans la même conspiration contre les institu-
tions républicaines.
Voilà deux politiques en présence celle
de M. Henry Maret, qui est la politique mê-
me du bon sens, et celle de MM. Millerand
et de Lanessan, qui est la politique de la ran-
cune et de la passion. Quelle est celle qui
triomphera au sein du radicalisme? Nous ne
tarderons pas à le savoir. Mais, en attendant,
il est facile de prévoir les conséquences de
l'une et de l'autre. Si l'attitude de M. Mille-
rand prévaut, si les républicains doivent en
pleine bataille et devant des ennemis admi-
rablement disciplinés tirer les uns sur les
autres et se démolir mutuellement comme
en 1885, le résultat final sera bien plus dé-
sastreux encore; la guerre intestine des ré-
publicains fera le succès des réactionnaires.
Au contraire, si l'on écarte ou si l'on su-
bordonne tout au moins l'idée de la revision
au salut de la République, si, tout en gar-
dant chacun ses convictions, on est dé-
cidé à s'unir franchement au second tour
de scrutin, contre le candidat boulangis-
te, alors il ne faut pas commencer par
prononcer des excommunications préalables
et par déclarer l'alliance impossible. Nous
en sommes à reprendre confiance nous
commençons à voir diminuer les menaces
du boulangisme. Que les radicaux fassent
un effort sur eux-mêmes et ne se mettent pas
en devoir de lui rendre les forces qu'il a per-
dues. C'est tout ce que le pays aujourd hui
leur demande.
L'attention publique continue à se concentrer
sur l'Exposition et la politique chôme de plus
en plus. C'est à peine si l'on écoute ceux qui
abordent les sujets qui passionnaient encore
les esprits il y a quelques semaines. Il sem-
ble que c% soient de vieilles histoires et que
tout le mondé les aient à peu près oubliées. La
galerie des machines, la rue du Caire, le palais
des colonies, voilà la véritable, la seule actua-
lité on laisse de côté le monde morose des po-
liticiens ce qui attire et ce qui captive, c'est la
population joyeuse et affairée, aux costumes
baroques et rutilants, aux visages d'ambre et
d'ébène, aux langues pleines de sonorités
bizarres, qui grouille, bavarde, chante, danse
et trafique à l'esplanade des Invalides et au
Champ de Mars. Paris vient de terminer fié-
vreusement sa toilette des jours de gala: il est
propre et élégant à souhait et les étrangers
peuvent venir: ils arrivent déjà en foule; par-
tout l'encombrement cosmopolite commence à
se faire sentir. En province également, l'Expo-
sition tourne toutes les têtes et l'on est unique-
ment préoccupé de combiner les moyens d'en-
treprendre le voyage désiré, d'aller contempler
les merveilles que célèbrent les journaux ainsi
que les lettres des parents ou des amis de
Paris.
L'Exposition produit donc, et au delà de
toute espérance, l'effet que nous avions prévu
chacun reconnaît qu'elle est plus belle, plus
étincelante que toutes celles qui l'ont précédée
et on ne veut plus penser qu'à ses magnificen-
ces. Combien il est souhaitable que cet accapa-
rement de l'opinion par la grande fête du tra-
vail et des arts dure longtemps! Il est vrai'que
nous apercevons un point sombre dans le bleu
de notre horizon actuel la rentrée des Cham-
bres est proche et il se trouve des prophètes de
malheur pour annoncer des orages qui gronde-
raient déjà sourdement. Ah ceux-là seraient
bien coupables qui entreprendraient de -trou-
bler la tranquillité parfaite et toute nouvelle dont
nous jouissons délicieusement. Tous les bons
citoyens désirent ardemment que lachambre, en
reprenant ses séances, fasse le moins de bruit
possible. La tâche de nos députés est des plus
simples voter rapidement un budget qui ne
saurait soulever des contestations bien sé-
rieuses, puisqu'il reproduit, à peu de chose
près, celui du dernier exercice; ensuite se sé-
parer et s'en aller, en attendant l'ouverture de
la période électorale, au gré de ses fantaisies,
et vive qu'il devrait produire au milieu de
la campagne. Mais un vague sommeil appe-
santit tous ces enivrés et les endort dans
l'abaissement du ton local. Quand on entre
dans le grand salon où le Bacchus est exposé,
on n'entend pas retentir le vigoureux coup de
trompette qui éveille d'emblée l'attention du
passant; on ne reçoit pas en pleine poitrine
cette décharge d'artillerie qui signale les œu-
vres des coloristes impérieux. Considérée dans
la masse, cette bacchanale est trop paisible et
manque de fanfare. C'est là peut-être ce qui, le
jour du vernissage, a pu motiver un jugement
sévère de la part de gens trop pressés pour
entreprendre un travail d'analyse. En ce sens
le tableau a été condamné trop vite; car, si l'on
prend la peine d'entrer dans le détail, on y
verra des morceaux de peinture d'une éton-
nante habileté. J'ai parlé des deux bacchantes
enjouées qui suivent immédiatement le char
de. Bacchus elles sont jeunes, elles rient
franchement; elles cèdent de tout leur cœur
aux folies de l'ivresse, et elles sont peintes à
miracle. Ici la virtuosité de l'artiste qui a copié
Rubens se retrouve dans tout son éclat et avec
toute sa certitude. L'œuvre du maître, depuis
ses débuts jusqu'à l'hiver dernier, ne contient
rien de plus souple et de plus vivant que ces
deux figures rayonnantes de gaieté et de lu-
mière.
Les tableaux qui nous montrent les formes
nues dans la campagne sont assez nombreux
au Salon mais il s'en faut de beaucoup qu'ils
soient tous intéressants M. Raphaël Collin a,
depuis quelques années, conquis une véritable
importance comme peintre d£ printemps et de
l'amour. Il apporte dans la peintuTe.des saisons
nouvelles une grande fraîcheur d'i^P1*68810"
la notion des roses délicats et des verdu7es f5.1*
res, parfois même un peu grises. Les quai.1'^3
qu'on lui connaît se retrouvent dans son ta-
bleau, Jeunesse. On y est fort tendrement occu-
pé. Une Chloé, dont l'imprudence est notoire et
oui ne sera pas longtemps innocente, a passé 1
qui dans la cohue brillante voisine du palais
Bourbon, qui dans les campagnes verdoyantes
et « doux-fleurantes » où l'herbe printanière
est si molle, où la brise est toute chargée de
senteurs qui rafralchissent les cerveaux sur-
menés. Voilà ce que nous attendons de la pru-
dence et du patriotisme de nos représentants
ils trouveront dans cette sage conduite le
moyen de réparer plus d'une erreur passée.
Et quand le peuple de Paris et de la province
se sera saturé des splendeurs de l'Exposition,
qu'il aura pu se rendre compte de ce qu'a pro-
duit en quatre années le génie laborieux de la
France, nous aurons le droit de dire aux élec-
teurs, avant la consultation d'octobre « Vou-
lez-vous continuer à profiter des bienfaits
d'une Constitution qui a permis à votre pays
de préparer les grandes choses que vous avez
admirées; voulez-vous maintenir la Répu-
blique, que les disputes parlementaires ont
parfois agitée sans doute, mais qui vous a
donné, en somme, avec la liberté, une longue
période de paix extérieure et intérieure
voulez-vous nommer des députés qui s'en-
gageront à consolider ce régime de raison
et de progrès en s'attachant à éviter les fautes
de leurs devanciers, ou bien êtes-vous dispo-
sés à vous lancer en plein inconnu ? Désirez-
vous voir renaître sur la terre de France, cent
ans après les conquêtes de 1789, l'odieuse dic-
tature militaire, le despotisme personnel qui,
par deux fois déjà, a eu pour conséquence l'in-
vasion de la patrie? Allez-vous rouvrir l'ère des
révolutions, que nous espérions fermée à ja-
mais ? » Soyez persuadé qu'un tel langage sera
compris par une nation de bon sens et de logi-
que comme la nôtre, et que la République sor-
tira triomphante et rajeunie de cette dure
épreuve.
AFFAIRES COLONIALES
̃~ Indo-Chine..
Le Journal officiel publie, à la suite d'un rapport
adressé au président de la République, suivi d'un
décret conforme, le tableau des modifications au
tarif général dos douanes pour l'Indo-Chino fran-
çaise. Après avoir rappelé qu'à la suite des protes-
tations soulevées par l'application, dans les pays
d'Union indo-chinoise, l'administration des colonies
a chargé une commission d'étudier les modifications
qu'il pourrait y avoir lieu d'apporter au régime en
vigueur, le rapport s'exprime ainsi
La commission a écarté de prime abord toutes les
réclamations qui tendaient à remettre en question
les dispositions par lesquelles les Chambres ont vou-
lu ouvrir à nos industries en Indo-Chine un marché
privilégié, et elle a décidé que le tarif général métro-
politain ne devait souffrir d'autres exceptions que
celtes que le législateur a implicitement autorisées.
Elle a recherché, dans cet ordre d'idées, si le tarif
spécial annexé au décret du 8 septembre 1887 ne ren-
ferme pas un certain nombre de taxes purement fis-
cales, inutiles pour la protection de notre industrie et
qui, s'appliquant à des objets d'un usage très répan-
du, imposent à la population indigène des charges
qu'il serait préférable de lui épargner; puis elle a
passé en revue les diverses propositions d'exemption
qui lui étaient soumises en faveur des produits n'ayant
pas de similaires en France.
Elle s'est préoccupée, en procédant à cet examen,
non seulement du point de vue fiscal, mais encore des
intérêts agricoles et commerciaux des pays de l'U-
nion, et c'est ainsi qu'elle a dû, dans un but de pro-
tection, maintenir les droits sur quelques articles que
la métropole ne peut, il est vrai, fournir à l'Indo-
Chine, mais que la Cochinchine, le Cambodge et
l'Annam produisent déjà ou pourront produire plus
tard.
D'autre part, elle a été appelée à se prononcer sur
les modifications qui étaient demandées, tant par l'ad-
ministration de l'Indo-Chine que par les représentants
de l'industrie française, dans le but de permettre à
certains produits nationaux de soutenir la concur-
rence étrangère sur les marchés de l'Union, et elle a
accueilli qnelques-unes des propositions qui lui étaient
soumises dans ce sens.
Le travail de cette commission a été soumis à l'exa-
men du conseil d'Etat, qui a formulé son avis dans sa
séance du 4 mai courant. -̃̃.̃•
Le Journal. officiel publie les mutations dans le
haut personnel de l'Indo-Chine que nous avons an-
noncées avant-hier.
M. Aymonier n'a pu accepter le poste de résident
supérieur au Cambodge gui lui a été offert. Atteint,
pendant sa dernière mission dans les provinces du
sud de l'Annam, d'une affection du foie qui l'a obligé
à rentrer en France prématurément, il est impossi-
ble à cet excellent administrateur, malgré son ex-
trême bon vouloir, d'aller continuer à servir e,n
Indo-Chine.
LES GRÈVES DE WESTPHALIE
(Dépéches de notre corre sp ondant particulier) l
Berlin, 11 mai, 9 heures 15.
Le comité des grévistes de Dortmund a demandé
une audience à l'empereur.
Les renseignements arrivés hier confirment
l'augmentation continuelle des grévistes, et parlent
aussi do collisions et de répressions sanglantes. Ces
derniers détails viennent de Bochum.
Les rapports administratifs prétendent que les
grévistes procèdent par intimidation et menaces
contre leurs camarades qui voudraient rsprendre
ou continuer le travail. D'après la même source, la
situation des directeurs et régisseurs de mines et de
leurs familles serait presque critique. Ils risque-
raient, on se montrant, d'être insultés ou molestés
par les bandes de grévistes, et d'autre part ils ne
font pas volontiers appel à la troupe, dont l'appa-
rition ne fait qu'exciter davantage les esprits.
La suspension du travail à commencé dans le
district d Essen même. Le président du gouverne-
ment est arrivé de Dusseldorf. On n'a pas encore
demandé des troupes.
On estime aujourd'hui le nombre des grévistes à
70 ou 80,000.
A Gelsenkirchen, on a essayé encore hier de dé-
truire les appareils et les chaudières de la mine
Moltke. Plusieurs milliers d'ouvriers auraient
donné assaut au bâtiment des machines. Ils ont été
contenus quelque temps par les employés, qui les
menaçaient du revolver. En même temps, on télé-
phonait à Gelsenkirchen et un train, formé immé-
diatement amenait, une demi-heure après, une
compagnie d'infanterie, qui fut accueillie par une
grêle de pierres qui blessa huit hommes. Après les
sommations d'usage, la troupe tira et coucha par
terre trois morts et quatre blessés (d'autres disent
neuf), dont trois sont morts dans la nuit.
ses bras autour du col d'un Daphnis étendu
sur l'herbe auprès d'elle; le berger prend à ce
jeu un plaisir extrême; la jeune fille n'y met
pas moins de conviction tous deux se regar-
dent les yeux dans les yeux, et leur muette ex-
tase en dit plus long que tous les discours. Le
dénouement est très prochain s'il y a un garde
champêtre en Arcadie, il aura bientôt l'occa-
sion de verbaliser. En réalité, ces naïfs, pen-
chés sur l'abîme, sont très amoureux et le ta-
bleau de M. Raphaël Collin n'est pas un tableau
d'église. Il n'en est pas moins très frais, très
jeune, aussi bien pour les figures que pour le
paysage où le printemps verdoie dans sa gam-
me la plus douce. Peintre des clartés matina-
les, ennemi résolu des ombres, M. Collin est
entré à plein collier dans les voies de l'idéal
moderne.
M. Bonnat n'est pas à ce point bucolique. Il
a tranché la tête à saint Denis, qui était un très
bon saint, et c'est un meurtre que l'amoureux
M. Collin n'aurait pas commis. Mais, dans les
années de centenaires, toutes les âmes s'adou-
cissent, et M. Bonnat a été pris d'un accès de
bergerie. Il a fait une Idylle et il a même cher-
ché dans l'éclairage de ses figures une note de
tendresse qui ne lui est pas familière. A l'en-
trée d'une grotte sauvage dont le profil échan-
cré laisse voir un coin de ciel, deux amoureux
sont debout, l'un devant l'autre et les mains
enlacées. Ce sont encore des jeux innocents.
La jeune fille, complètement nue, est vue
de dos, recevant du talon à la nuque, la ca-
resse de la lumière qui enveloppe ses formes
et vient jouer avec un vif éclat dans l'or clair
de ses cheveux. Il y a encore, dans les fonds et
dans les ombres, trop de tons bruns qui vien-
nent de l'école et qui sentent un peu 3e roussi.
Néanmoins, l'auteur de l'Idylle nous fait une
concession importante il y a dans son claii--
obscur un certain mystère, une recherche vers
,s délicatesses, et nous voyons avec joie M.
Boniî^* se servir, lui aussi, du rayon lumineux
au profit ruî* sentiment.
La foule des assaillants se dispersa en poussant
de grands cris.
A Bochum, à la suite de la réunion tenue jeudi
soir, et dans laquelle 5,000 grévistes ont décidé &
l'unanimité de maintenir leurs revendications, il y
eut à la sortie un tumulte qui parut assez violent
pour qu'on mit sur pied toute la garnison, qui dis".
-persa avec énergie tous les attroupements formés
sur divers points. Près de la gare, une patrouille,
accueillie à coups de pierre, tira une salve à pou-
dre, puis deux à balles. 11 v eut deux morts et deux
blessés, qui paraissent avoir été des passants ou
des curieux.
Berlin, 11 mai, 10 heures.
Le ministre de l'intérieur, M. Herfurth, le prési.
dent supérieur, de Hagemeister, et le président dt
gouvernement Rosen sont arrivés à Dortmund.
Les délégués des grévistes, réunis à Bochum, ont
décidé qu'il convenait d'insister sans compromis-
sion sur la réduction de la journée de travail à huit
heures. Par contre, chaque agglomération d'ou-
vriers, composée des travailleurs d'un puits de
mine, aura la latitude de consentir à des augmen-
tations de salaire moindres que celles primitivement
demandées et qui variaient entre 15 et 25 .0/0.
Le quartier général des grévistes est actuelle-
ment Bochum. -.̃̃̃•
La maison Krupp a adressé à ses ouvriers de la
mine « Hannover », près de Bochum, un manifeste
dans lequel elle appelle leur attention sur la viola-
tion de contrat dont ils se sont rendus coupables et
sur l'illégalité de leur conduite.
Berlin, 11 mai, 10 h. 35.
D'après la Post, on a discuté, dans le conseil des
ministres de jeudi, la question de la déclaration de
l'état de siège dans les districts où règne la grève
on n'a pas pris de résolution, mais une grande réu-
nion des patrons aura lieu aujourd'hui, en présence
du président supérieur de laWestphalie, et donnera
son opinion sur la mesure en question,
Berlin, 11 mal, 11 h. 15.
La conférence des fonctionnaires supérieurs, réu-
nis à Dortmund, sous la présidence du ministre do
l'intérieur, a décidé de réprimer énergiquemont tous
les excès et a recommandé aux administrations des
charbonnages de céder à toutes les prétentions jus?
tiflées. • • ̃̃̃-̃̃̃;
L'état de siège ne sera pas proclamé.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
(DEPECHES havas ET RENSEIGNEMENTS PARTICULIERS)
Allemagna ̃
Le prince de Bismarck a écrit la lettre suivante
au rajah sir J.Modova-Rao.qui est un indigène cré£
baronet par le gouvernement anglais
Honoré monsieur,
J'ai l'honneur de vous annoncer que j'ai reçu votrt
lettre du 9 février et un exemplaire du Tim>s de Madras
J'ai lu avec un vif intérêt les règles formulées pal
vous pour les rapports avec les peuples non civilisés,
et je suis convaincu que, si nos compatriotes obser-
vent et appliquent c^s règles, elles amélioreront con-
sidérablement leurs relations avec les tribus de l'A-
frique orientale, dont on ne comprend pas bien le ca-
ractère et les mœurs en Allemagne. En vous remer-
ciant sincèrement de l'intérêt que vous portez au suc-
cès de nos entreprises colonisatrices en Afrique, j'ai
l'honneur d'être, etc.
DS ÎIISMARCK.
Le roi et la reine de Wurtemberg, revenant d?
Nice, sont rentrés hier à Stuttgart.
Autriche-Hongrie
De nouveaux troubles, provoqués par l'agitation
antisémitique à laquelle se livre l'association por-
tant le nom d' « Association des chrétiens unis »,
ont eu lieu mardi à Vienne. Les chrétiens unis en
veulent au père Michel Hersan, recteur d'un collège
dont les professeurs appartiennent à l'ordre desPia-
ristcs ou pauvres frères de la Mère de Dieu des
écoles religieuses. Le père Hersan est animé de l'es-
prit le plus franchement libéral, et c'est comme can-
didat libéral qu'il vient d'être élu membre d'un con-
seil administratif, qui équivaut à peu près aux con-
seils d'arrondissement français. 11 a toujours refusé
de prendre part à l'agitation antisémitique, et c'est
pour le punir de son refus que les chrétiens unis
ont résolu de lui faire une ovation à rebours.
Ils se sont portés en masse, mardi dernier, dan?
la rue où est situé le collège des Piaristes et se
sont arrêtés devant le collège en poussant des cris
de menace A bas le calotin juif! A bas son
église C'est une église juive I » Des cris orduriers
ont été mêlés à ces menaces. Le vacarme augmen-
tant de minute en minute et l'attitude des assié-
geants devenant de plus en plus menaçante, la po-
lice est arrivée en force et a dispersé les perturba-
teurs au moment où ils se disposaient à bombar-
der le bâtiment avec des pavés.
Angleterre
Hier, à la Chambre des communes, sir M. Hicka-
Beach, président du Board of Trade, répondant à une
question de sir W. Harcourt, a dit que la France a
signé la convention pour l'abolition des primes sur
le sucre et qu'elle a pris part aux travaux de la con-
férence. Les représentants de la France ont eux-
mêmes proposé l'article supprimant la clause de la
nation la plus favorisée.
Sir J. Fergusson, répondant à M. Bristowe, dit
qu'aucune remontrance n'a été faite contre l'aug-
mentation des droits d'entrée en Cochinchine sur
les tissus de coton, car il n'y a pas de raison, en
l'absence d'un traité, de faire des remontrances,
surtout quand il s'agit d'une mesure permanente
prise après délibération. Quant à savoir si les mar-
chandises actuellement en route doivent être sou-
mises à l'augmentation des droits d'entrée, c'est
une question de règlements. Sur ce point, des in-
formations seront prises à Paris, et la réponse re-
çue sera communiquée aussitôt à la Chambre.
M. Robertson a présenté une motion demandant
la suppression de la représentation parlementaire
des Universités. Cette motion, combattue par le gou-
vernement, a été ropousséê par. 217 voix contre 126.
La commission internationale des sucres a tenu
séance hier, sous la présidence du baron H. de
Worms. Il parait qu'une parfaite harmonie règne
au sein de la commission et que, jusqu'à présent.
il n'est nullement question d'abandonner le projet
de convention. Toutefois, le cabinet anglais, effrayé
de l'opposition que cette atteinte aux principes du
libre échange rencontre dans les rangs mêmes da
ses partisans, songerait à battre en retraite et à se
ménager une sortie.
Hier, le public a montré beaucoup moins d'em-
pressement que les jours précédents à suivre les
débats de la commission spéciale 7'ime.s-Parnell,
Les interrogatoires des prêtres irlandais présentent
cependant un assez grand intérêt. Tous ces témoins.
Toutefois, sur un point qui a toujours été
grave, le malentendu dure encore entre le pein-
tre et le critique et nous devons persister dans
nos réserves. Il reste quelque chose de contes-
table dans la façon dont M. Bonnat peint les
chairs. Ce procédé vraiment inquiétant
pour ceux qui ont vécu dans la familiarité de
Corrège, consiste dans l'emploi abusif de lar.
ges hachures et de balafres juxtaposées pour
exprimer les méplats et les formes tournantes.
Cette pauvre fillette qui nous montre son dos ju-
vénile est marbrée de grands coups de pinceau,
qui ressemblent à des coups de fouet. Ces brus-
ques allures, acceptables dans un terrain où le
char des moissonneurs a creusé des ornières,
traduisent bien mal la morbidesse de Tépider-
me et la suave continuité du tissu dont le. corps
humain s'enveloppe. Le peintre a la caresse
violente. J'ai déjà protesté contre cette métho-
de et je renouvelle ma plainte. La réclamation
est d'autant plus légitime que M. Bonnat peut
peindre autrement. Il expose, non loin de
X Idylle, un très bon portrait du docteur B. dont
l'exécution est large et belle et où le caractère
des chairs s'exprime rationnellement à l'aide
des manœuvres consacrées par les vrais mal-
tres. Du reste, nous avons des raisons particu-
lières pour traiter M. Bonnat avec la courtoisie
qu'il mérite. Il vient de s'enrôler dans le groupe
des critiques d'art, et, de la part d'un académi-
cien, c'est très gentil. M. Bonnat entre même
dans la corporation de façon à l'honorer. Notre
nouveau confrère a écrit pour la Gazette des
Beaux-Arts du 1er mai une précieuse étude sur
Barye. On y voit combien le génie du robuste
Animalier a touché le peintre; on y voit aussi
que M. Bonnat apporte à ses travaux littérai-
res une intelligence passionnée et une forme
personnelle. Nous sommes fiers de cette re-
crue. Il est bon que les artistes prennent çà et
Jà la plume. Comment saurions-nôiis notre mé-
tier s'ils ne nous l'enseignaient pas ? 2
L'étudè de h lumière sur les chairs ntiià?*
également intéressé un peintre étranger, M*
D1MAN-GHE 13 MAI 1839,
VINGT-NEUVIÈME AKNËE. N* 10233.
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PARIS. Trois mois, 14 fr. Sir mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
DBP&iALSAGE-LOURAWB l'Tfr.; 34fr. j" 6Sfr.
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{Droit d'insertion réseivtt à la rédaction.)
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ÎÂWS. Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 28 fr. Un tn, 56 fr.
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LES A11O.NNEMENT8 DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro <» 3Paris> ltî centimes.
•' • • Directeur politique Adrien Hébrard
•̃ La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
c^i .,«.• Adresse télégraphique TEMPS PARIS
i ARIS, 11 MAI
BULLETIN DU JOUR
Le débat sur la politique africaine de l'Ita-
lie a abouti, comme on pouvait s'y attendre,
fe un blanc-seing en faveur de M. Crispi.
C'est le terme ordinaire de toutes les discus-
sions au Parlement de Montecitorio. Les ti-
mides efforts de l'opposition pour revendi-
quer les droits du pouvoir législatif, les ten-
tatives plus molles encore des simples indé-
pendants pour faire préciser les responsabi-
lités n'ont d'autre résultat que de constater
avec plus d'éclat la dictature qu'exerce M.
Crispi.
Le général Baldissera continuera-t-il à
monter la garde sur les quais d'un port où
rien n'arrive et à la tête d'une route où rien
ne passe ? Se donnera-t-il de l'air en allant
prendre part à la mêlée confuse ou plutôt à
l'anarchie sanglante qu'a déchaînée la mort
du négus ?
A ces questions et à toutes les autres du
même ordre, le sphinx gouvernemental ré-
pond en se mettant un doigt sur la bouche
et en faisant un chut accentué. Il serait in-
discret, téméraire, presque antipatriotique
de vouloir pénétrer ce mystère.
Sans doute,le princede Bismark lui-même,
quand il s'agit de politique coloniale, doit
mettre l'opinion au courant et publier des
Livres blancs. A Rome, M. Crispi est sous-
trait à ces humiliantes conditions.
Il n'a qu'à prononcer, orerotundo, quelques
mots sonores la gloire de l'Italie, les inté-
rêts de la civilisation et l'on se hâte de lui
donner carte blanche sur le continent noir.
M. Baecarini, pour avoir voulu réserver les
droits constitutionnels de la .Chambre en ma-
tière de déclaration de guerre, a failli être
honni.
C'est ainsi que se fait la grande politique.
Un fâcheux seul a -murmuré au milieu de
l'inattention générale Aujourd'hui la carte
blanche, demain la carte à payer l
Demain, 12 mai, sera célébré solennelle-
ment le quarantième anniversaire de l'avè-
nement et de la prestation de serment à la
constitution du roi Guillaume des Pays-Bas.
Ce monarque, dont certains de ses collaté-
raux s'étaient peut-être un peu trop empres-
sés de chausser les souliers, a fait preuve
d'une telle vitalité que les espérances provo-
quées par l'amélioration de son état parais-
sent presque aussi justifiées que les craintes
inspirées par son mal organique.
Il s'est montré un peu froissé, comme le
Géronte du Légataire universel de Regnard,
que l'on eût profité si rapidement de sa léthar-
gie pour inaugurer un nouvel ordre de cho-
ses dans le grand-duché de Luxembourg.
Son cousin, le duc de Nassau, depuis qu'il
est de retour, bien malgré lui, dans sca châ-
teau du Taunus, fait dire par un journal à sa
dévotion qu'il avait fait un grand sacrifice en
allant précipitamment prendre la régence et
qu'il aurait consenti tout au plus à demeurer
régent, si le roi l'en avait prié, mais sans ac-
cepter, comme on l'avait raconté, les fonc-
tions de lieutenant, trop au-dessous de la di-
gnité de l'ex-souverain d'une petite princi-
pauté, qui a eu l'honneurd'en être dépossédé
par la Prusse.
Le bruit a couru pourtant que le duc de
Nassau ne faisait pas tant le renchéri, avant
que le reclus de Loo lui eût signifié, un
peu sèchement, son congé. En tout cas, l'ex-
régent a gravement manqué aux convenan-
ces en faisant publier dans le Courrier du
Rhin une dissertation de pathologie sur le
cas du roi de Hollande, où les détails les plus
répugnants sont mis en lumière con amore et
dans l'intention évidente de conclure à l'in-
capacité absolue de ce souverain. Le duc de
Nassau n'en jugeait pas ainsi, lorsqu'il solli-
citait de son royal cousin une décision en fa-
veur du maintien de ses pouvoirs qui impli-
quait l'exercice rationnel de l'autorité de
Guillaume III, dont, par parenthèse, il n'est
le cadet que de cinq mois.
En même temps la presse allemande s'é-
chauffe fort sur le noir dessein qu'elle prête
au roi des Pays-Bas de supprimer la loi sa-
lique et de changer l'ordre de succession
dans le grand-duché de Luxembourg. Cette
nouvelle est en soi peu vraisemblable, sans
môme s'arrêter à l'absurdité manifeste de
mettre en cause les Etats généraux des Pays-
Bas qui, comme le fait remarquer, dans son
premier numéro d'hier, la Gazette de Cologne,
n'ont pas plus à s'occuper de la succession
du grand-duché que dé celle des Habsbourg
Qu des Hohenzollern.
Le roi Guillaume, en qualité de grand-duc,
aurait parfaitement le droit de proposer à la
Chambre des députés luxembourgeoise telle
modification de la loi successorale qui lui
paraîtrait bonne. Il y a quelques années, le
baron de Blochausen, alors chef du minis-
tère du grand-duché, avait préparé un projet
d'abolition de la loi salique.
On soutiendrait difficilement dans ce cas,
au point de vue du droit public international,
que la convention de famille de 1783 entre les
diverses branches de la maison de Nassau
devrait prévaloir contre un acte régulier des
CEBJIIJLEYOIV OU «TEMPS»,
DU 12 MAI 1889
LE SALON
̃"•̃'̃. • II “̃ ̃ .,]-
Il serait puéril de le dissimuler le public du
vernissage n'a pas fait un accueil très chaleu-
reux au Bacchus de M. Carolus Duran. On sa-
vait depuis longtemps que le courageux artiste
était aux prises avec un rude labeur, on avait
même entendu parler de son œuvre et l'on at-
tendait beaucoup du vigoureux effort qui l'ab-
sorbait au point de le contraindre à remettre
à des jours plus calmes l'exécution de certains
portraits promis. Au sentiment des connais-
seurs passionnés, sinon compétents, qui for-
ment le personnel des premières représenta-
tions, le résultat n'a pas répondu aux espérances
générales. Le Bacchvs a été sévèrement jugé.
Il est arrivé à ce tableau une étrange aven-
ture. Si le mari de la légende, le veuf aisément
consolé qui, revenant du cimetière où il a en-
terré sa femme, peut dire allègrement « Cette
petite promenade m'a fait du bien, » il est in-
terdit au Bacchus de tenir le même langage. La
promenade du passage Stanislas au palais des
Champs-Elysées ne lui a pas été salutaire.
Comme bien d'autres, nous avions vu le ta-
bleau dans l'atelier de l'artiste il avait alors
certaines qualités brillantes; il ne les a pas
toutes perdues en route, mais l'éclat s'en est
amoindri. Et c'est même, pour ceux qui croient
avoir l'habitude de voir des peintures, un fait
singulier que la déperdition que peut subir une
toile qu'on déménage. Tous ceux qui pos-
Voir le Temps du 5 mal.
organes légitimes de la souveraineté du
grand-duché de Luxembourg.
Néanmoins, il y a peu de probabilité que
le roi grand-duc songe à soulever actuelle-
ment une question qu'il n'a pas voulu tran-
cher dans ce sens jadis. S il a mandé M..
Eyschen, le premier ministre luxembour-
geois, auprès de lui, on peut croire que c'est
pour se faire rendre compte des démarches
un peu précipitées de cet homme d'Etat, qui
parait prendre le mot d'ordre plus volontiers
à Berlin qu'à la Haye, et peut-être aussi pour
lui marquer le mécontentement dont il a déjà
donné une preuve sensible à son cousin, le
duc de Nassau.
On a beau être roi, on n'aime jamais beau-
coup à voir partager son héritage avant
qu'on ait rendu le dernier soupir.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 11 mai, 9 h. 25.
Hier, à la Chambre des députés, M. Bonghi a de-
mandé au ministre de l'agriculture quelles mesures
il compte prendre pour améliorer la situation écono-
mique des Pouilles et assurer la vente des vins de
cette province, qui n'ont pas d'acheteurs depuis la
rupture du traité de commerce avec la France.
M. Imbriani, connu pour ses opinions républicai-
nes et irrédentistes, et élu récemment député des
Pouilles, traite le côté politique de la question dans
un discours très véhément.
M. Imbriani dit qu'il a été élu pour être le porte-
parole de la misère de ces populations. Ce qui ruine
les Pouilles, c'est la politique de. M. Crispi.
« C'est par servilisme envers l'Allemagne et l'Au-
triche, déclare l'orateur, que nous avons fait de la
politique antifrançaise. Aux rumeurs de la. Cham-
bre 11 répond en élevant la voix « Soyez sourds si
vous voulez; mais ,quand le peuple veut, il sait se
faire entendre. A quoi nous sert l'alliance avec les
puissances centrales 1 A rien; mais elle nous oblige
à faire la volonté de nos maîtres. » Protestations
du président, qui invite l'orateur à tenir un langage
plus parlementaire.
M. Imbriani répond « Ce langage est tellement
parlementaire qu'il fut tenu ici-même par M. Crispi,
dans la séance du 18 mai 1886, quand il dit que nous
étions les gendarmes de la Sainte-Alliance. » Ce
rappel soulève l'hilarité et un mélange d'approba-
tions et d'interruptions.
Vive agitation encore lorsque M. Imbriani dit qu'il
représente aussi Trieste et le Trentin. Le président
lui ayant objecté qu'il représente seulement les
Pouilîes « Pardon réplique-t-il, la loi qui confère
aux citoyens trentins et triestins les mêmes droits
civils qu'aux autres Italiens porte la signature de
M. Crispi. Du reste, ici je représente l'Italie, et j'ai
juré de faire de mon siège un poste de combat con-
tre l'Autriche. »
II répond à M. Crispi, qui avait dit que 20,000 fr.
avaient été envoyés aux populations malheureuses
des Pouilles, que cette somme est bien mesquine
quand on dépense 400,000 fr. pour le train royal qui
doit aller à Berlin.
M. Imbriani termine en disant qu'il est néces-
saire de persuader à la France que nous ne complo-
tons rien contre elle. « Vous devez la convaincre
que vous n'avez pas garanti à l'Allemagne la pos-
session de l'Alsace-Lorraine, comme vous n'avez pas
garanti à l'Autriche la possession du Trentin et de
Trieste. Alors seulement vous pouvez espérer un
traité de commerce. Il faudrait croire la France bien
ingénue pour fournir des armes contre elle. »
Le ministre de l'agriculture assure M. Bonghi de
toute la sollicitude du gouvernement pour la situa-
tion économique des Pouilles.
M. Crispi répond à son tour qu'il déplore cette
'̃.crise agricole, qui sévit non seulement sur les
Pouilles, mais sur l'Italie entière et même sur l'Eu-
rope.
«Notre politique étrangère, ajoute M. Crispi, c'est-
à-dire nos rapports internationaux, nos alliances,
ne sont pour rien dans la crise des Pouilles, qui est
un fait économique. •
M. Crispi croit qu'on ne peut faire un grief au
gouvernement de la non-conclusion du traité de
commerce avec la France, car, dit-il, la Chambre
sait bien qu'elle ne nous est pas imputable. Il ajoute
que M. Spuller en avait convenu lui-même.
Le président du conseil regrette que le malaise
économique serve de prétexte à des excitations fac-
tices, tandis que le gouvernement a fait et conti-
nuera de faire son devoir.
Il a ajouté qu'il ne répondra pas aux arguments
politiques formulés par M. Imbriani. Il a la con-
science d'avoir toujours maintenu ses idées et rem-
_pli ses promesses. Il a favorisé l'alliance avec les
puissances centrales, parce qu'elle est utile à l'Ita-
lie, sans méconnaître pour cela les droits des peu-
ples, comme il l'a montré dans la presqu'ile des
Balkans.
.*̃̃• ''̃> Bruxelles, 11 mai.
Le Nord rend aujourd'hui hommage à la bonne
tenue avec laquelle Paris a célébré les fêtes du Cen-
tenaire et l'ouverture de l'Exposition.
Il loue sans réserve l'entrain, la bonne humeur,
le sentiment de concorde, la bonne grâce de la po-
pulation parisienne.
Il ajouté «En face de l'Exposition, on se rend
compte combien il est oiseux pour les hommes d'E-
tat français de rêver de faire grand ils n'ont qu'à à
laisser la France s'occuper de cette besogne. D'elle-
même, naturellement, sans risques ni aventures,
elle fait grand par ses savants, ses artistes, ses in-
génieurs, ses industriels.
» Dans l'état d'esprit populaire qui s'est manifesté
pendant ces jours de fête, une part revient certai-
nement à M. Carnot. Son attitude toujours correcte,
sa droiture, l'estime et le respect qu'il inspire même
à ses adversaires, ont évidemment influé sur les
dispositions du public.
), Peut s'en faudrait qu'il ne fût le chef d'Etat qui
plane au-dessus des partis, si ce rôle était pratica-
ble en France.
» Les discours à Versailles, à l'Exposition, ont été
sèdent des tableaux savent par expérience com-
bien ils se modifient lorsqu'on les fait passer
d'une place à une autre, ou seulement quand
on leur donne de nouveaux voisins. Mais, pour
le Bacchus, traversant la Seine, le changement
a quelque chose qui déconcerte. Cette modifi-
cation imprévue se traduit par un abaissement
général du ton. Certaines parties qui, dans
l'atelier de la rive gauche, semblaient lumi-
neuses et fleuries se sont voilées et le tableau,
qu'on croyait vivace et remuant, paraît céder
à la loi d'une irrésistible somnolence.
Ce résultat, dont j'ai peine à me rendre
compte et qui me prouve une fois de plus qu'il
ne faut jamais aller chez les peintres, provient
peut-être de ce que, dans le Bacchus, l'exé-
cution ne correspond pas absolument à la
nature du sujet. En réalité, le triomphe du
dieu des vendanges trônant sur son char
que suivent les bacchantes en délire, c'est
un motif à la Jordaens, un thème qui appelle
toutes les somptuosités de la couleur, toutes les
libertés du pinceau. M. Carolus Duran a ra-
conté trop sagement des choses violentes il a
subi ainsi, et si bien doué qu'il soit, l'influence
générale qui a tempéré et assagi les généra-
tions nouvelles. C'est la mode aujourd'hui,
parmi les jeunes, de prétendre que les hommes
du grand mouvement d'art qui éclata aux
approches de 1827 étaient dénués de toute rai-
son pour moi, qui en ai connu quelques-uns,
je n'en suis nullement convaincu et je sais
qu'ils avaient au moins le bénéfice de leur fo-
lie. Au temps de la frénésie romantique, Bac-
chus avait beaucoup vieilli et nous avions
cessé de le peindre, mais, s'il était venu
à l'un des nôtres la pensée de traiter un
sujet aussi démodé, il y aurait mis, à ses ris-
ques et périls, un emportement, une flamme,
dont nos modernes, même les plus vaillants,
tiennent à honneur de se défendre. On est
prudent, et l'on ne veut pas faire sourire les
sages: mauvaise disposition pour peindra une
bacchanale.
empreints de la même modération et du même tact
que sa conduite. » Marseille, 11 mal, midi.
Marseille, 11 mai, midi.
Ce matin est arrivé, à bord du transport Provence,
le capitaine d'infanterie de marine Binger, officier
d'ordonnance du général Faidherbe. Le capitaine
Binger revient de Dakar, après une exploration de
vingt-huit mois au centre de l'Afrique.
Le capitaine a remonté le Sénégal jusqu'au Niger
par le Soudan français; il a visité des régions in-
connues du Niger traversées par de nombreux af-
fluents.
Après mille vicissitudes, M. Binger est arrivé à
Kong, grand centre du Soudan ayant une popula-
tion'de 15,000 âmes et dans laquelle son séjour aura
un excellent résultat pour l'influence française dans
cette partie du continent africain.
Des délégués des Sociétés géographiques de Pa-
ris, de Marseille et de Lille attendaient le capitaine
Binger qui repart ce soir pour Paris.
Marseille, 11 mai.
Le paquebot-poste le Saghalien, des Messageries
maritimes, courrier de Chine et du Japon, est entré
hier matin dans le canal de Suez, faisant route sur
Port-Saïd, Alexandrie et Marseille, où il est attendu
du 16 au 17 courant.
V Amazone, de la même compagnie, venant de
Madagascar, a quitté Aden hier matin, revenant de
Marseille.
(Service Havas)
Saint-Pétersbourg, 11 mai.
Le conseiller privé Durnovo, directeur de la chan-
cellerie privée de l'empereur pour les établissements
de bienfaisance, est nommé gérant du ministère de
l'intérieur.
M. Durnovo a déjà géré le ministère de l'intérieur
comme adjoint du comte Tolstoï. M. Durnôvo possède
l'expérience voulue et jouit d'une excellente réputa-
tion, de la considération et des sympathies générales.
Hier est mort l'écrivain satirique Salkow, connu
sous le pseudonyme de Stchedrine.
New-York, 11 mai.
Un cyclone des plus violents s'est abattu sur les
Etats de l'Est depuis le Maryland jusqu'au Connecticut.
A Williamsport (Pensylvanie centrale), le toit d'un
cirque s'est effondré. Plusieurs artistes ont été bles-
sés.
A Point-Rocks (Maryand), vingt-cinq ouvriers ont
été jetés en bas du pont du chemin de fer. Plusieurs
ont été tués.
• Dans 'Ja partie basse de l'Etat de New-York, les ef-
fets du cyclone se sont également fait sentir.
Le ciel est couvert de nuages et une poussière aveu-
glante entrave grandement le travail.
A Newhaven (Connecticut), un édifice s'est effondré.
Dix personnes ont été ensevelies sous les décombres
une d'elles a été tuée.
L'orage a causé partout de grands dégâts.
Bucarest, 11 mai.
La nouvelle que le gouvernement roumain aurait
obtenu du gouvernement français l'autorisation, pour
les officiers roumains, d'être admis à suivre les cours
de l'Ecole militaire de Saint-Cyr, a produit dans tous
les cercles militaires une excellente impression.
On dit que le ministre de la guerre a donné l'ordre
de suspendre les travaux des fortifications jusqu'au
vote, par le Sénat, du crédit de quinze millions déjà
voté par la Chambre. ̃•;
Athènes, 11 mai.
Un incident survenu, à Syra entre le ministre de la
marine et le commandant du navire russe le Domskoï,
est vivement commenté dans les cercles diplomati-
ques et dans la presse.
Le commandant du navire russe, manquant aux
usages établis, n'avait pas rendu visite au ministre.
Le ministre plénipotentiaire de Russie ayant pré-
senté le commandant à M. Theotoki, ministre de la
marine, pendant le dîner royal à bord du yacht
l'Amphitrtte, le ministre refusa de serrer la main du
commandant, lequel se serait ensuite exprimé, de-
vant plusieurs témoins, en termes malséants à l'é-
gard du ministre de la marine.
Le ministre de Russie aurait fait des représenta-
tions au roi, mais la presse grecque approuve l'atti-
tude de M. Theotoki qui, suivant elle, a agi confor-
mément à la dignité nationale.
Quelques journaux radicaux nous ont ap-
porté ce matin le récit d'une double confé-
rence faite hier à Màcon, par MM. Millerand
et de Lanessan.
Le premier est un socialiste convaincu; le
second est un libéral intransigeant. Com-
ment ce socialisme et ce libéralisme peuvent-
ils bien s'associer et faire bon ménage, nous
l'ignorons. Peut-être les deux orateurs n'ont-
ils pas le clair. sentiment de l'incompatibilité
absolue de leurs systèmes; peut-être aussi
ont-ils voulu donner aux républicains un
bon exemple d'union et de fraternelle propa-
gande au profit de la République, auquel
cas, loin de les blâmer, nous les louerions au
contraire, estimant qu'en présence des coali-
tions menaçantes qui assiègent le régime ac-
tuel la politique de concorde et d'association
est celle qui s'impose à tous.
Toutefois, en lisant le compte rendu de
leurs discours, notre surprise a été grande.
Il paraît que, si le socialismedeM. Millerand
est capable de supporter l'individualisme de
M. de Lanessan et vice versa, leur tolérance
commune ne saurait faire un effort de plus;
elle est aussitôt épuisée et se change même
en quelque chose de contraire dès qu'il s'agit
des autres républicains et, en particulier, de
ceux qu'on appelle opportunistes ou modé-
rés. M. de Lanessan n a pas hésité à faire
une charge à fond contre le gouvernement
actuel, au risque de procurer une très grande
joie aux boulangistes et aux réactionnaires;
d'autre part, M. Millerand, plus catégorique
encore, s'est élevé vivement contre la rentrée
dans la politique active de M. F^rry et de
ses amis, et a déclaré qu'il fallait com-
battre aux prochaines élections aussi bien
l'opportunisme que la réaction et le bou-
langisme. Il paraît même qu'il a démon-
tré qu'entre les modérés qui défendent la
Constitution et les radicaux qui l'attaquent
l'union était impossible et que les élections
futures devaient se faire, non comme nous
le pensions, sur la question du salut de la
République, qui rallie tous les républicains,
mais uniquement sur la question de la revi-
sion, qui les divise et les annule fatalement
les uns par les autres. Ainsi MM. Millerand
et de Lanessan mettent la revision au pre-
mier plan, et comme cette revision restera
forcément indéterminée, voilà les radicaux,
M. Carolus Duran a scrupuleusement sur-
veillé le délire de son personnel. Le cortège
s'ouvre par un groupe épisodique formé d'un
jeune homme et d'une belle fille qui dan-
sent sur le gazon non sans échanger quelques
baisers. Bacchus vient ensuite, assis impassi-
ble sur un lourd chariot que traînent pénible-
ment des esclaves au torse nu; derrière le
dieu, qui préside à la fête sans s'y mêler,
s'avance la foule compacte des fidèles qui
ont pris au sérieux le programme de la
journée et dont de copieuses libations ren-
dent la marche incertaine. Déjà une bac-
chante enivrée et vaincue s'est laissée choir
sur l'herbe, et elle étale au premier plan les
trésors de sa nudité plantureuse que voile une
légère demi-teinte. Ses compagnes sont encore
debout, mais pas pour longtemps deux d'entre
elles, placées derrière le char de Bacchus, sont
même à demi titubantes et ne craignent pas de
se compromettre. Ce sont les deux meilleures
figures du tableau. Un groupe de comparses
ferme confusément la marche triomphale. Cette
partie du cortège est abritée à droite par l'om-
bre d'un grand arbre. A gauche, le paysage
s'élargit et montre le contour d'un rivage que
caresse un flot d'un bleu méditerranéen. Tout
ceci est lumineux et grand. On voit des specta-
cles pareils lorsqu'on suit de Nice à Gênes la
route de la Corniche.
Le peintre a donc réuni dans son cadre de
très beaux éléments pittoresques. Bacchus et
ses associés triomphent dans un vaste décor
méridional; mais je me demande avec crainte
si ce n'est pas ce décor, très intense et très
monté, qui nuit aux figures et les diminue.
Sur ce fond, où la note bleue de la mer joue un
rôle capital, M. Carolus Duran a essayé de don-
ner aux carnations, qu'il a d'ailleurs savam-
ment variées, un éclat assez vif pour lutter
contre les colorations et les lumières du pay-
sage lointain. Il n'y a pas complètement réus-
si, du moins si l'on prend le groupe dans son
ensemble et si l'on cherche la tache remuante
s'ils suivent l'impulsion de ces honorables (
députés obligés de s'enrôler dans l'armée 1
boulangiste et réactionnaire, au moins au i
second tour de scrutin, et de marcher avec |
ellaspuç la même formule à l'assaut des in- j
stitutions républicaines. (
Nous ne voulons pourtant pas admettre i
que cette détestable politique de division et ]
d'excommunication prêchée à Mâcon soit
celle où s'arrête le groupe de l'extrême gau-
che et qu'adopte unanimement le parti radi-
cal tout entier. Nous n'en voulons d'autre
preuve que le remarquable article que M.
Henry Maret publie aujourd'hui même dans
le Radical, sous ce titre: « La Politique né-
cessaire. » Cette politique nécessaire, selon
M. Maret, est précisément le contraire de
celle que préconisent les deux orateurs de
Mâcon « Ce qui est en question, dit-il, c'est
» l'attitude que doivent prendre les républi-
» cains devant le corps électoral. Eh bien, e
» dis que ce doit être une attitude d'union et de
» concorde et que c'est mal la préparer que
» de commencer, dès à présent, des disputes
» rétroactives. » Et M. Maret continue sur ce
ton pendant deux colonnes, ne voulant pas
que radicaux et modérés s'injurient avant la
bataille, mais soient décidés les uns et les
autres à voter à la fin pour le candidat répu-
blicain le plus capable de faire gagner la vic-
toire et leur présentant, pour les rendre sa-
ges, l'exemple de la remarquable tolérance
réciproque dont fait preuve, dans le camp
boulangiste, les réactionnaires de droite et
les intransigeants d'extrême gauche unis
dans la même conspiration contre les institu-
tions républicaines.
Voilà deux politiques en présence celle
de M. Henry Maret, qui est la politique mê-
me du bon sens, et celle de MM. Millerand
et de Lanessan, qui est la politique de la ran-
cune et de la passion. Quelle est celle qui
triomphera au sein du radicalisme? Nous ne
tarderons pas à le savoir. Mais, en attendant,
il est facile de prévoir les conséquences de
l'une et de l'autre. Si l'attitude de M. Mille-
rand prévaut, si les républicains doivent en
pleine bataille et devant des ennemis admi-
rablement disciplinés tirer les uns sur les
autres et se démolir mutuellement comme
en 1885, le résultat final sera bien plus dé-
sastreux encore; la guerre intestine des ré-
publicains fera le succès des réactionnaires.
Au contraire, si l'on écarte ou si l'on su-
bordonne tout au moins l'idée de la revision
au salut de la République, si, tout en gar-
dant chacun ses convictions, on est dé-
cidé à s'unir franchement au second tour
de scrutin, contre le candidat boulangis-
te, alors il ne faut pas commencer par
prononcer des excommunications préalables
et par déclarer l'alliance impossible. Nous
en sommes à reprendre confiance nous
commençons à voir diminuer les menaces
du boulangisme. Que les radicaux fassent
un effort sur eux-mêmes et ne se mettent pas
en devoir de lui rendre les forces qu'il a per-
dues. C'est tout ce que le pays aujourd hui
leur demande.
L'attention publique continue à se concentrer
sur l'Exposition et la politique chôme de plus
en plus. C'est à peine si l'on écoute ceux qui
abordent les sujets qui passionnaient encore
les esprits il y a quelques semaines. Il sem-
ble que c% soient de vieilles histoires et que
tout le mondé les aient à peu près oubliées. La
galerie des machines, la rue du Caire, le palais
des colonies, voilà la véritable, la seule actua-
lité on laisse de côté le monde morose des po-
liticiens ce qui attire et ce qui captive, c'est la
population joyeuse et affairée, aux costumes
baroques et rutilants, aux visages d'ambre et
d'ébène, aux langues pleines de sonorités
bizarres, qui grouille, bavarde, chante, danse
et trafique à l'esplanade des Invalides et au
Champ de Mars. Paris vient de terminer fié-
vreusement sa toilette des jours de gala: il est
propre et élégant à souhait et les étrangers
peuvent venir: ils arrivent déjà en foule; par-
tout l'encombrement cosmopolite commence à
se faire sentir. En province également, l'Expo-
sition tourne toutes les têtes et l'on est unique-
ment préoccupé de combiner les moyens d'en-
treprendre le voyage désiré, d'aller contempler
les merveilles que célèbrent les journaux ainsi
que les lettres des parents ou des amis de
Paris.
L'Exposition produit donc, et au delà de
toute espérance, l'effet que nous avions prévu
chacun reconnaît qu'elle est plus belle, plus
étincelante que toutes celles qui l'ont précédée
et on ne veut plus penser qu'à ses magnificen-
ces. Combien il est souhaitable que cet accapa-
rement de l'opinion par la grande fête du tra-
vail et des arts dure longtemps! Il est vrai'que
nous apercevons un point sombre dans le bleu
de notre horizon actuel la rentrée des Cham-
bres est proche et il se trouve des prophètes de
malheur pour annoncer des orages qui gronde-
raient déjà sourdement. Ah ceux-là seraient
bien coupables qui entreprendraient de -trou-
bler la tranquillité parfaite et toute nouvelle dont
nous jouissons délicieusement. Tous les bons
citoyens désirent ardemment que lachambre, en
reprenant ses séances, fasse le moins de bruit
possible. La tâche de nos députés est des plus
simples voter rapidement un budget qui ne
saurait soulever des contestations bien sé-
rieuses, puisqu'il reproduit, à peu de chose
près, celui du dernier exercice; ensuite se sé-
parer et s'en aller, en attendant l'ouverture de
la période électorale, au gré de ses fantaisies,
et vive qu'il devrait produire au milieu de
la campagne. Mais un vague sommeil appe-
santit tous ces enivrés et les endort dans
l'abaissement du ton local. Quand on entre
dans le grand salon où le Bacchus est exposé,
on n'entend pas retentir le vigoureux coup de
trompette qui éveille d'emblée l'attention du
passant; on ne reçoit pas en pleine poitrine
cette décharge d'artillerie qui signale les œu-
vres des coloristes impérieux. Considérée dans
la masse, cette bacchanale est trop paisible et
manque de fanfare. C'est là peut-être ce qui, le
jour du vernissage, a pu motiver un jugement
sévère de la part de gens trop pressés pour
entreprendre un travail d'analyse. En ce sens
le tableau a été condamné trop vite; car, si l'on
prend la peine d'entrer dans le détail, on y
verra des morceaux de peinture d'une éton-
nante habileté. J'ai parlé des deux bacchantes
enjouées qui suivent immédiatement le char
de. Bacchus elles sont jeunes, elles rient
franchement; elles cèdent de tout leur cœur
aux folies de l'ivresse, et elles sont peintes à
miracle. Ici la virtuosité de l'artiste qui a copié
Rubens se retrouve dans tout son éclat et avec
toute sa certitude. L'œuvre du maître, depuis
ses débuts jusqu'à l'hiver dernier, ne contient
rien de plus souple et de plus vivant que ces
deux figures rayonnantes de gaieté et de lu-
mière.
Les tableaux qui nous montrent les formes
nues dans la campagne sont assez nombreux
au Salon mais il s'en faut de beaucoup qu'ils
soient tous intéressants M. Raphaël Collin a,
depuis quelques années, conquis une véritable
importance comme peintre d£ printemps et de
l'amour. Il apporte dans la peintuTe.des saisons
nouvelles une grande fraîcheur d'i^P1*68810"
la notion des roses délicats et des verdu7es f5.1*
res, parfois même un peu grises. Les quai.1'^3
qu'on lui connaît se retrouvent dans son ta-
bleau, Jeunesse. On y est fort tendrement occu-
pé. Une Chloé, dont l'imprudence est notoire et
oui ne sera pas longtemps innocente, a passé 1
qui dans la cohue brillante voisine du palais
Bourbon, qui dans les campagnes verdoyantes
et « doux-fleurantes » où l'herbe printanière
est si molle, où la brise est toute chargée de
senteurs qui rafralchissent les cerveaux sur-
menés. Voilà ce que nous attendons de la pru-
dence et du patriotisme de nos représentants
ils trouveront dans cette sage conduite le
moyen de réparer plus d'une erreur passée.
Et quand le peuple de Paris et de la province
se sera saturé des splendeurs de l'Exposition,
qu'il aura pu se rendre compte de ce qu'a pro-
duit en quatre années le génie laborieux de la
France, nous aurons le droit de dire aux élec-
teurs, avant la consultation d'octobre « Vou-
lez-vous continuer à profiter des bienfaits
d'une Constitution qui a permis à votre pays
de préparer les grandes choses que vous avez
admirées; voulez-vous maintenir la Répu-
blique, que les disputes parlementaires ont
parfois agitée sans doute, mais qui vous a
donné, en somme, avec la liberté, une longue
période de paix extérieure et intérieure
voulez-vous nommer des députés qui s'en-
gageront à consolider ce régime de raison
et de progrès en s'attachant à éviter les fautes
de leurs devanciers, ou bien êtes-vous dispo-
sés à vous lancer en plein inconnu ? Désirez-
vous voir renaître sur la terre de France, cent
ans après les conquêtes de 1789, l'odieuse dic-
tature militaire, le despotisme personnel qui,
par deux fois déjà, a eu pour conséquence l'in-
vasion de la patrie? Allez-vous rouvrir l'ère des
révolutions, que nous espérions fermée à ja-
mais ? » Soyez persuadé qu'un tel langage sera
compris par une nation de bon sens et de logi-
que comme la nôtre, et que la République sor-
tira triomphante et rajeunie de cette dure
épreuve.
AFFAIRES COLONIALES
̃~ Indo-Chine..
Le Journal officiel publie, à la suite d'un rapport
adressé au président de la République, suivi d'un
décret conforme, le tableau des modifications au
tarif général dos douanes pour l'Indo-Chino fran-
çaise. Après avoir rappelé qu'à la suite des protes-
tations soulevées par l'application, dans les pays
d'Union indo-chinoise, l'administration des colonies
a chargé une commission d'étudier les modifications
qu'il pourrait y avoir lieu d'apporter au régime en
vigueur, le rapport s'exprime ainsi
La commission a écarté de prime abord toutes les
réclamations qui tendaient à remettre en question
les dispositions par lesquelles les Chambres ont vou-
lu ouvrir à nos industries en Indo-Chine un marché
privilégié, et elle a décidé que le tarif général métro-
politain ne devait souffrir d'autres exceptions que
celtes que le législateur a implicitement autorisées.
Elle a recherché, dans cet ordre d'idées, si le tarif
spécial annexé au décret du 8 septembre 1887 ne ren-
ferme pas un certain nombre de taxes purement fis-
cales, inutiles pour la protection de notre industrie et
qui, s'appliquant à des objets d'un usage très répan-
du, imposent à la population indigène des charges
qu'il serait préférable de lui épargner; puis elle a
passé en revue les diverses propositions d'exemption
qui lui étaient soumises en faveur des produits n'ayant
pas de similaires en France.
Elle s'est préoccupée, en procédant à cet examen,
non seulement du point de vue fiscal, mais encore des
intérêts agricoles et commerciaux des pays de l'U-
nion, et c'est ainsi qu'elle a dû, dans un but de pro-
tection, maintenir les droits sur quelques articles que
la métropole ne peut, il est vrai, fournir à l'Indo-
Chine, mais que la Cochinchine, le Cambodge et
l'Annam produisent déjà ou pourront produire plus
tard.
D'autre part, elle a été appelée à se prononcer sur
les modifications qui étaient demandées, tant par l'ad-
ministration de l'Indo-Chine que par les représentants
de l'industrie française, dans le but de permettre à
certains produits nationaux de soutenir la concur-
rence étrangère sur les marchés de l'Union, et elle a
accueilli qnelques-unes des propositions qui lui étaient
soumises dans ce sens.
Le travail de cette commission a été soumis à l'exa-
men du conseil d'Etat, qui a formulé son avis dans sa
séance du 4 mai courant. -̃̃.̃•
Le Journal. officiel publie les mutations dans le
haut personnel de l'Indo-Chine que nous avons an-
noncées avant-hier.
M. Aymonier n'a pu accepter le poste de résident
supérieur au Cambodge gui lui a été offert. Atteint,
pendant sa dernière mission dans les provinces du
sud de l'Annam, d'une affection du foie qui l'a obligé
à rentrer en France prématurément, il est impossi-
ble à cet excellent administrateur, malgré son ex-
trême bon vouloir, d'aller continuer à servir e,n
Indo-Chine.
LES GRÈVES DE WESTPHALIE
(Dépéches de notre corre sp ondant particulier) l
Berlin, 11 mai, 9 heures 15.
Le comité des grévistes de Dortmund a demandé
une audience à l'empereur.
Les renseignements arrivés hier confirment
l'augmentation continuelle des grévistes, et parlent
aussi do collisions et de répressions sanglantes. Ces
derniers détails viennent de Bochum.
Les rapports administratifs prétendent que les
grévistes procèdent par intimidation et menaces
contre leurs camarades qui voudraient rsprendre
ou continuer le travail. D'après la même source, la
situation des directeurs et régisseurs de mines et de
leurs familles serait presque critique. Ils risque-
raient, on se montrant, d'être insultés ou molestés
par les bandes de grévistes, et d'autre part ils ne
font pas volontiers appel à la troupe, dont l'appa-
rition ne fait qu'exciter davantage les esprits.
La suspension du travail à commencé dans le
district d Essen même. Le président du gouverne-
ment est arrivé de Dusseldorf. On n'a pas encore
demandé des troupes.
On estime aujourd'hui le nombre des grévistes à
70 ou 80,000.
A Gelsenkirchen, on a essayé encore hier de dé-
truire les appareils et les chaudières de la mine
Moltke. Plusieurs milliers d'ouvriers auraient
donné assaut au bâtiment des machines. Ils ont été
contenus quelque temps par les employés, qui les
menaçaient du revolver. En même temps, on télé-
phonait à Gelsenkirchen et un train, formé immé-
diatement amenait, une demi-heure après, une
compagnie d'infanterie, qui fut accueillie par une
grêle de pierres qui blessa huit hommes. Après les
sommations d'usage, la troupe tira et coucha par
terre trois morts et quatre blessés (d'autres disent
neuf), dont trois sont morts dans la nuit.
ses bras autour du col d'un Daphnis étendu
sur l'herbe auprès d'elle; le berger prend à ce
jeu un plaisir extrême; la jeune fille n'y met
pas moins de conviction tous deux se regar-
dent les yeux dans les yeux, et leur muette ex-
tase en dit plus long que tous les discours. Le
dénouement est très prochain s'il y a un garde
champêtre en Arcadie, il aura bientôt l'occa-
sion de verbaliser. En réalité, ces naïfs, pen-
chés sur l'abîme, sont très amoureux et le ta-
bleau de M. Raphaël Collin n'est pas un tableau
d'église. Il n'en est pas moins très frais, très
jeune, aussi bien pour les figures que pour le
paysage où le printemps verdoie dans sa gam-
me la plus douce. Peintre des clartés matina-
les, ennemi résolu des ombres, M. Collin est
entré à plein collier dans les voies de l'idéal
moderne.
M. Bonnat n'est pas à ce point bucolique. Il
a tranché la tête à saint Denis, qui était un très
bon saint, et c'est un meurtre que l'amoureux
M. Collin n'aurait pas commis. Mais, dans les
années de centenaires, toutes les âmes s'adou-
cissent, et M. Bonnat a été pris d'un accès de
bergerie. Il a fait une Idylle et il a même cher-
ché dans l'éclairage de ses figures une note de
tendresse qui ne lui est pas familière. A l'en-
trée d'une grotte sauvage dont le profil échan-
cré laisse voir un coin de ciel, deux amoureux
sont debout, l'un devant l'autre et les mains
enlacées. Ce sont encore des jeux innocents.
La jeune fille, complètement nue, est vue
de dos, recevant du talon à la nuque, la ca-
resse de la lumière qui enveloppe ses formes
et vient jouer avec un vif éclat dans l'or clair
de ses cheveux. Il y a encore, dans les fonds et
dans les ombres, trop de tons bruns qui vien-
nent de l'école et qui sentent un peu 3e roussi.
Néanmoins, l'auteur de l'Idylle nous fait une
concession importante il y a dans son claii--
obscur un certain mystère, une recherche vers
,s délicatesses, et nous voyons avec joie M.
Boniî^* se servir, lui aussi, du rayon lumineux
au profit ruî* sentiment.
La foule des assaillants se dispersa en poussant
de grands cris.
A Bochum, à la suite de la réunion tenue jeudi
soir, et dans laquelle 5,000 grévistes ont décidé &
l'unanimité de maintenir leurs revendications, il y
eut à la sortie un tumulte qui parut assez violent
pour qu'on mit sur pied toute la garnison, qui dis".
-persa avec énergie tous les attroupements formés
sur divers points. Près de la gare, une patrouille,
accueillie à coups de pierre, tira une salve à pou-
dre, puis deux à balles. 11 v eut deux morts et deux
blessés, qui paraissent avoir été des passants ou
des curieux.
Berlin, 11 mai, 10 heures.
Le ministre de l'intérieur, M. Herfurth, le prési.
dent supérieur, de Hagemeister, et le président dt
gouvernement Rosen sont arrivés à Dortmund.
Les délégués des grévistes, réunis à Bochum, ont
décidé qu'il convenait d'insister sans compromis-
sion sur la réduction de la journée de travail à huit
heures. Par contre, chaque agglomération d'ou-
vriers, composée des travailleurs d'un puits de
mine, aura la latitude de consentir à des augmen-
tations de salaire moindres que celles primitivement
demandées et qui variaient entre 15 et 25 .0/0.
Le quartier général des grévistes est actuelle-
ment Bochum. -.̃̃̃•
La maison Krupp a adressé à ses ouvriers de la
mine « Hannover », près de Bochum, un manifeste
dans lequel elle appelle leur attention sur la viola-
tion de contrat dont ils se sont rendus coupables et
sur l'illégalité de leur conduite.
Berlin, 11 mai, 10 h. 35.
D'après la Post, on a discuté, dans le conseil des
ministres de jeudi, la question de la déclaration de
l'état de siège dans les districts où règne la grève
on n'a pas pris de résolution, mais une grande réu-
nion des patrons aura lieu aujourd'hui, en présence
du président supérieur de laWestphalie, et donnera
son opinion sur la mesure en question,
Berlin, 11 mal, 11 h. 15.
La conférence des fonctionnaires supérieurs, réu-
nis à Dortmund, sous la présidence du ministre do
l'intérieur, a décidé de réprimer énergiquemont tous
les excès et a recommandé aux administrations des
charbonnages de céder à toutes les prétentions jus?
tiflées. • • ̃̃̃-̃̃̃;
L'état de siège ne sera pas proclamé.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
(DEPECHES havas ET RENSEIGNEMENTS PARTICULIERS)
Allemagna ̃
Le prince de Bismarck a écrit la lettre suivante
au rajah sir J.Modova-Rao.qui est un indigène cré£
baronet par le gouvernement anglais
Honoré monsieur,
J'ai l'honneur de vous annoncer que j'ai reçu votrt
lettre du 9 février et un exemplaire du Tim>s de Madras
J'ai lu avec un vif intérêt les règles formulées pal
vous pour les rapports avec les peuples non civilisés,
et je suis convaincu que, si nos compatriotes obser-
vent et appliquent c^s règles, elles amélioreront con-
sidérablement leurs relations avec les tribus de l'A-
frique orientale, dont on ne comprend pas bien le ca-
ractère et les mœurs en Allemagne. En vous remer-
ciant sincèrement de l'intérêt que vous portez au suc-
cès de nos entreprises colonisatrices en Afrique, j'ai
l'honneur d'être, etc.
DS ÎIISMARCK.
Le roi et la reine de Wurtemberg, revenant d?
Nice, sont rentrés hier à Stuttgart.
Autriche-Hongrie
De nouveaux troubles, provoqués par l'agitation
antisémitique à laquelle se livre l'association por-
tant le nom d' « Association des chrétiens unis »,
ont eu lieu mardi à Vienne. Les chrétiens unis en
veulent au père Michel Hersan, recteur d'un collège
dont les professeurs appartiennent à l'ordre desPia-
ristcs ou pauvres frères de la Mère de Dieu des
écoles religieuses. Le père Hersan est animé de l'es-
prit le plus franchement libéral, et c'est comme can-
didat libéral qu'il vient d'être élu membre d'un con-
seil administratif, qui équivaut à peu près aux con-
seils d'arrondissement français. 11 a toujours refusé
de prendre part à l'agitation antisémitique, et c'est
pour le punir de son refus que les chrétiens unis
ont résolu de lui faire une ovation à rebours.
Ils se sont portés en masse, mardi dernier, dan?
la rue où est situé le collège des Piaristes et se
sont arrêtés devant le collège en poussant des cris
de menace A bas le calotin juif! A bas son
église C'est une église juive I » Des cris orduriers
ont été mêlés à ces menaces. Le vacarme augmen-
tant de minute en minute et l'attitude des assié-
geants devenant de plus en plus menaçante, la po-
lice est arrivée en force et a dispersé les perturba-
teurs au moment où ils se disposaient à bombar-
der le bâtiment avec des pavés.
Angleterre
Hier, à la Chambre des communes, sir M. Hicka-
Beach, président du Board of Trade, répondant à une
question de sir W. Harcourt, a dit que la France a
signé la convention pour l'abolition des primes sur
le sucre et qu'elle a pris part aux travaux de la con-
férence. Les représentants de la France ont eux-
mêmes proposé l'article supprimant la clause de la
nation la plus favorisée.
Sir J. Fergusson, répondant à M. Bristowe, dit
qu'aucune remontrance n'a été faite contre l'aug-
mentation des droits d'entrée en Cochinchine sur
les tissus de coton, car il n'y a pas de raison, en
l'absence d'un traité, de faire des remontrances,
surtout quand il s'agit d'une mesure permanente
prise après délibération. Quant à savoir si les mar-
chandises actuellement en route doivent être sou-
mises à l'augmentation des droits d'entrée, c'est
une question de règlements. Sur ce point, des in-
formations seront prises à Paris, et la réponse re-
çue sera communiquée aussitôt à la Chambre.
M. Robertson a présenté une motion demandant
la suppression de la représentation parlementaire
des Universités. Cette motion, combattue par le gou-
vernement, a été ropousséê par. 217 voix contre 126.
La commission internationale des sucres a tenu
séance hier, sous la présidence du baron H. de
Worms. Il parait qu'une parfaite harmonie règne
au sein de la commission et que, jusqu'à présent.
il n'est nullement question d'abandonner le projet
de convention. Toutefois, le cabinet anglais, effrayé
de l'opposition que cette atteinte aux principes du
libre échange rencontre dans les rangs mêmes da
ses partisans, songerait à battre en retraite et à se
ménager une sortie.
Hier, le public a montré beaucoup moins d'em-
pressement que les jours précédents à suivre les
débats de la commission spéciale 7'ime.s-Parnell,
Les interrogatoires des prêtres irlandais présentent
cependant un assez grand intérêt. Tous ces témoins.
Toutefois, sur un point qui a toujours été
grave, le malentendu dure encore entre le pein-
tre et le critique et nous devons persister dans
nos réserves. Il reste quelque chose de contes-
table dans la façon dont M. Bonnat peint les
chairs. Ce procédé vraiment inquiétant
pour ceux qui ont vécu dans la familiarité de
Corrège, consiste dans l'emploi abusif de lar.
ges hachures et de balafres juxtaposées pour
exprimer les méplats et les formes tournantes.
Cette pauvre fillette qui nous montre son dos ju-
vénile est marbrée de grands coups de pinceau,
qui ressemblent à des coups de fouet. Ces brus-
ques allures, acceptables dans un terrain où le
char des moissonneurs a creusé des ornières,
traduisent bien mal la morbidesse de Tépider-
me et la suave continuité du tissu dont le. corps
humain s'enveloppe. Le peintre a la caresse
violente. J'ai déjà protesté contre cette métho-
de et je renouvelle ma plainte. La réclamation
est d'autant plus légitime que M. Bonnat peut
peindre autrement. Il expose, non loin de
X Idylle, un très bon portrait du docteur B. dont
l'exécution est large et belle et où le caractère
des chairs s'exprime rationnellement à l'aide
des manœuvres consacrées par les vrais mal-
tres. Du reste, nous avons des raisons particu-
lières pour traiter M. Bonnat avec la courtoisie
qu'il mérite. Il vient de s'enrôler dans le groupe
des critiques d'art, et, de la part d'un académi-
cien, c'est très gentil. M. Bonnat entre même
dans la corporation de façon à l'honorer. Notre
nouveau confrère a écrit pour la Gazette des
Beaux-Arts du 1er mai une précieuse étude sur
Barye. On y voit combien le génie du robuste
Animalier a touché le peintre; on y voit aussi
que M. Bonnat apporte à ses travaux littérai-
res une intelligence passionnée et une forme
personnelle. Nous sommes fiers de cette re-
crue. Il est bon que les artistes prennent çà et
Jà la plume. Comment saurions-nôiis notre mé-
tier s'ils ne nous l'enseignaient pas ? 2
L'étudè de h lumière sur les chairs ntiià?*
également intéressé un peintre étranger, M*
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