Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-09
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 février 1887 09 février 1887
Description : 1887/02/09 (Numéro 9411). 1887/02/09 (Numéro 9411).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
t/n s'aDonnç aux Bureaux du Journal, 5, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARIS, et dans tous les Bureaux de Posté
.VINGT-SEPTIÈME ANNÉE N» 0411.
"MERCREDI 9 FEVRIER 1887.
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14tt.; Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
BÉpts & ALSACE-LORRAINE lTfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. lSfr.; 36fr.; "72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) 1È» centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués '•'
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT v
PARIS Trois mois, 14tr, Six mois, 28fr.; Un an, 56fr. ̃
DÉP's* ALSACE-LORRAINE 17(r.; 34fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18 fr. 36 fr. 72 fr.. v
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 20 centimes. l\
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Ce, 8, place de ï& Boursa
(Droit d'insertion réservé à la rédaction.) •-̃ c
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
En France, le mode d'abonnement le plus
simple consiste à en verser le montant dans un
bureau de poste. Ce bureau se charge de toutes
les formalités.
PARIS, 8 FÉVRIER,
BULLETIN DU JOUR
La Chambre a commencé hier l'examen
de l'état des recettes dans le budget. La dis-
cussion générale a été engagée par M. Kel-
ïer, qui est revenu sur les économies à effec-
tuer dans les divers départements pour réta-
blir l'équilibre financier. Après une réplique
fie M. Wilson, qui renvoie M. Keller au
budget de l'année prochaine pour formuler
utilement ses propositions, la Chambre a
passé à la discussion des articles. Celui sur
l'affectation de huit millions de bénéfice
résultant de l'abaissement du taux des
saisses d'épargne a seul donné lieu à
un débat notable. M. Hubbard a deman-
dé que cette somme fût versée au fonds
de réserve de ces caisses, M. Wilson qu'elle
fût portée aux produits divers du budget la
Chambre s'est ralliée aux conclusions de M.
Hubbard et a renvoyé la suite du débat à
aujourd'hui.
Le Sénat a voté hier une loi ayant pour
but de réprimer les fraudes commises dans
5e commerce des beurres et a repris ensuite
la discussion de la loi de naturalisation; d'a-
près les articles adoptés, il a été décidé que
coût étranger né en France de parents étran-
gers ne pourra conserver sa nationalité à sa
majorité que s'il prouve avoir satisfait à la
loi de recrutement de son pays, et que les
descendants des familles proscrites lors de
la révocation de l'édit de Nantes pourront
continuer à bénéficier des dispositions de la
loi de 1790. La suite de la discussion a été
remise à aujourd'hui. .c
M. Parnell a présenté hier l'amendement à
Tadresse qu'il a l'habitude de proposer toutes
les années pour engager devant le Parle-
ment une discussion générale sur les affaires
d'Irlande. Le chef des nationalistes a com-
mencé par exprimer ses regrets de ce que le
gouvernement eût repoussé, dans la dernière
session, le bill de composition entre les pro-
priétaires et les tenanciers irlandais. Ce bill
aurait suffi à empêcher les différends agraires
qui se multiplient de nouveau et auxquels le
gouvernement s'apprête à opposer comme
par le passé des mesures de coercition.
jCes mesures n'ont jamais eu d'effet utile;
elles n'en auront pas plus à l'avenir,
ïii pour les rapports entre propriétaires et
fermiers, ni pour les relations politiques en-
tre l'Irlande et l'Angleterre. Les pouvoirs
exceptionnels que le gouvernement va de-
mander à la Chambre visent les auteurs
de ce qu'on a appelé le plan de campagne
du parti nationaliste. L'orateur, tout en se
déclarant étranger àce projet de coalition des
tenanciers contre les propriétaires, expose
qu'il a eu pour effet d'empêcher bien des
"évictions et de forcer ces derniers à des con-
cessions dont le gouvernement a lui-même re-
connu l'équité, puisqu'il s'est employé de son
"côté à les conseiller. On a parlé à ce propos de
vol et de détournement, mais on oublie que les
droits acquis sur la plus grande partie des
terres d'Irlande reposent précisément sur le
.vol et le détournement. En présence de cet
état de choses, les mesures de coercition
ne peuvent amener que des troubles et des
mesures de répression de plus en plus gra-
ves, jusqu'au jour où le peuple d'Irlande, de-
jvenu autonome, pourra prouver à ses détrac-
teurs qu'il sait obéir aux lois qu'il se sera
^tonnées.
1 Après une courte réponse de M. Holmes,
̃fittorney général pour l'Irlande, et une ré-
plique de M. Dillon, le député nationaliste
,pour le procès duquel le gouvernement va
demander des pouvoirs judiciaires excep-
tionnels, la suite de la discussion a été re-
mise à aujourd'hui; elle ne sera guère ter-
)ninée avant vendredi, et il reste douteux
lue M. Gladstone y prenne part.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 8 février, 8 h. 50.
Un schisme dans le parti du centre paraît immi-
nent. Un groupe de dissidents va se former, qui
sera favorable au septennat.
On annonce la prochaine publication à Berlin
d'un nouvel organe catholique qui défendra par
patriotisme les projets du gouvernement.
Berlin, 8 février, 9 h. 10.
La Gazette de l'Allemagne du Nord, parlant de la note
0u cardinal Jacobini, accuse MM. Windthorst et de
FEUÏLLETOM OU «TE&fïPgi
DU 9 FÉVRIER i887 (t)
L'AVEUGLE
Près d'un bureau d'omnibus de la rive gau-
che, on voyait, il y a quelques années, un aveu-
lie assez confortablement installé dans une es-
,'pèce de boîte à auvent semblable à celles qui
servaient d'abri aux marchandes du carreau
des Halles et que représentent de vieilles gra-
vures du siècle dernier.
Chaudement et proprement vêtu, les mains
dans de gros gants fourrés, les pieds sur une
chaufferette, une sébile sur les genoux, le mal-
heureux tenait haut la tête et restait de lon-
^gues heures immobile, le regard fixe et sans
aucune expression dirigé vers le ciel. L'œil
était sec, la pupille dilatée, d'un vert sale.
II avait, du reste, toutes les apparences de la
force et de la santé, le teint rose, un embon-
point de bon aloi, ce qui n'empêchait pas qu'il
ne portât sur tous ses trails l'expression d'une
grande tristesse sa bouche avait des plis
d'une indicible amertume; ses yeux sans re-
gard, éternellement tendus vers la lumière et
aspirant au soleil, étaient eux-mêmes un poème
d'angoisse et de douleur.
Sans changer sa position, il murmurait ma-
chinalement un monotone « Merci Dieu vous
le rende! » chaque fois qu'il entendait la bruit
d'un sou contre le fer-blanc de sa boîte. De
"môme, quand deux ou trois pièces de monnaie
Étaient tombées dans la sébile, il les prenait
et les mettait dans la poche de son gilet sans
que l'inclinaison de sa tête déviât d'une ligne,
ce qui se renouvelait souvent, car les sous tom-
baient avec une certaine abondance.
Deux ou trois fois seulement il était sorti de
son mutisme en faveur d'étudiants qui l'inter-
rogeaient et, non sans un grand étonnement,
l'entendaient réciter couramment des passages
de Y Iliade et de Y Enéide. Cette particularité j'
Reproduction interdite.
Frankenstein d'avoir gardé secrète la première let-
tre du pape et d'avoir exercé une pression sur le
'centre pour le décider à voter contre le septennat.
La Gazette de Cologne prétend que le gouvernement
allemand a eu confidentiellement, mais non offi-
ciellement, connaissance de cette première lettre
du pape, dans laquelle le saint-père insistait tout
particulièrement sur la nécessité de voter le sep-
tennat, et dans laquelle aussi ne figurait aucun
compliment pour le centre.. Les chefs du centre
n'ayant pas porté cette lettre à la connaissance de
leur parti, le pape se décida à faire écrire au car-
dinal Jacobini la note que l'on sait et à y faire
ajouter, pour ménager les susceptibilités des ca-
tholiques en Allemagne, les éloges sur la fidélité
du centre au Saint-Siège.
Berlin, 8 février, 9 h. 20.
Un conseil des ministres, présidé par M. de Putt-
kamer, a eu lieu aujourd'hui. Les projets de lois
ecclésiastiques ont été examinés et seront pro-
chainement soumis au Landtag.
Berlin, 8 février, 9 h. 30.
Le Moniteur officiel de l'empire publie une note du
chancelier dont voici le texte
L'empereur a reçu des adresses de sociétés qui ex-
priment l'intention de venir en corps présenter leurs
hommages à Sa Majesté et l'assurer de leur fidélité, à
l'occasion du prochain quatre-vingt dixième anniver-
saire de sa naissance.
L'empereur, ayant besoin de ménagements et de re-
pos, est obligé, à son grand regret, de renoncer à rece-
voir personnellement ces hommages.
Les manifestations de ce genre doivent donc être évi-
tées, afin d'épargner les forces de Sa Majesté.
Berlin, 8 février, 11 heures.
La Gazette de l'Allemagne du Nord publie, en entre-
filet, la nouvelle déjà donnée par les Nouvelles poli-
tiques de Berlin, et d'après laquelle le maréchal de
Moltke aurait déclaré à une députation d'électeurs
conservateurs que la situation était très grave et
qu'il était autorisé à le dire.
Vienne, 8 février, 8 h. 30.
La Correspondance politique publie le compte rendu
d'un entretien que son correspondant de Londres
aurait eu avec un membre du cabinet anglais,
ami intime de lord Salisbury. D'après cet homme
politique, M. de Bismarck n'aurait nullement l'in-
tention d'attaquer la France, parce qu'il comprend
très bien que la guerre serait un grand malheur
pour l'Allemagne, et serait en opposition avec les
vœux de l'empereur et du peuple. En France, a
ajouté l'interlocuteur du correspondant, il y a, il
est vrai, une école politique qui n'abandonne
pas l'idée d'une revanche, mais l'occasion de
prendre cette revanche ne peut se présenter
que si un conflit européen éclatait et si la France
trouvait un allié. Ce conflit peut se produire au
sujet de la Bulgarie, et si, dans ce cas, l'Allemagne
s'en mêlait, la France certainement n'hésiterait pas
à attaquer son ennemi, déjà engagé d'autre part.
Le conflit ne manquerait pas de devenir alors eu-
ropéen et serait très préjudiciable à l'Angleterre,
même si celle-ci n'y était pas directement mêlée.
Aussi lord Salisbury a-t-il modifié son attitude
dans la question bulgare et fera-t-il sincèrement
tout ce qui est possible pour arriver à une solu-
tion pacifique, dût-il dans une certaine mesure sa-
crifier les intérêts de l'Angleterre en faisant des
concessions à la Russie.
Budapest, 8 février, 8 h. 15.
Il est absolument faux qu'on ait le projet d'éta-
blir un camp retranché autour de Budapest, ainsi
qu'un journal de notre ville l'a annoncé.
î(*pé*- i*
Voici un résumé du discours que M. Windthorst
a prononcé dimanche dernier devant l'assemblée
des catholiques, à Cologne, à laquelle assistaient
plus de 5,000 électeurs
M. Windthorst a d'abord parlé de la lettre du cardi-
nal Jacobini. Le centre ne peut que se réjouir de cette
lettre, puisque le pape déclare non seulement que le
centre a rendu les plus grands services, mais encore
que le maintien de ce parti est nécessaire pour l'ave-
nir. M. de Frankenstein ayant demandé si ce parti doit
se dissoudre, le pape a répondu non. Le pape désire
que les personnes qui forment ce parti restent à leur
poste. Le pape pose ensuite ce principe essentiel que,
dans les questions laïques, le centre, comme du reste
tout bon catholique, peut voter selon son libre arbitre.
Ce principe doit être maintenu, car c'est la base même
de l'existence politique du parti.
Le pape, il est vrai, désire que le septennat soit ac-
cepté ce désir toutefois ne repose pas sur le contenu
matériel du projet, mais sur des raisons d'opportunité
et des considérations politiques. S'il nous avait été
possible de déférer à ce désir, nous l'aurions fait volon-
tiers, mais à l'impossible nul n'est tenu. » L'orateur
explique pourquoi il y a impossibilité et ajoute que, si
le saint-père pèse encore une fois les motifs du centre,
il ne tiendra pas rigueur aux fils fidèles de l'Eglise.
La presse adverse fait grand tapage du fait que la
première déclaration du saint-père n'a pas été rendue
publique et parle d'abus de confiance. Elle oublie qu'il
n'est pas d'usage de livrer à la publicité les documents
qu'on a reçus sous le sceau du secret. C'est ainsi que
la Gazette de Cologne n'a pas l'habitude de publier les
dépêches qu'elle reçoit du prince de Bismarck.
Il est évident que, par respect pour le saint-père, on
a soigneusement pesé les déclarations de ce dernier.
A l'avenir aussi on examinera la possibilité de déférer
à ses vœux, mais il faudra toujours faire une distinc-
tion entre les questions politiques et les questions re-
ligieuses.
Le saint-père reconnaît les vertus du peuple alle-
mand. C'est une calomnie de dire que le pape ne peut
supporter la vérité d'une bouche allemande. Autrefois,
dit l'orateur, on a fait en Allemagne des lois pour res-
treindre les compétences du pape dans ce pays; au-
jourd'hui, grands et petits reconnaissent son autorité
à un degré qui était inconnu dans ce siècle. On invo-
que son secours et son appui, et dans les affaires exté-
rieures et dansjes affaires intérieures. Nous sommes
fiers de cette victoire du pape, et nous serions tout
disposés à soutenir une proposition tendant à remettre
la question du septennat à l'arbitrage du pape. Mais, si
excitait naturellement la curiosité; mais on
n'avait pu obtenir de lui aucun renseignement
sur son passé.
11 planait donc sur cet homme une sorte de
mystère qui éveillait l'intérêt parmi la popula-
tion scolaire du quartier et était pour lui une
cause de fructueuses recettes.
Sa vie était d'une grande régularité. Il arri-
vait à la station à neuf heures; à onze heures
et demie, avec une exactitude de chronomètre,
une vieille femme venait le chercher, et le ra-
menait à deux heures à son poste, où il restait
jusqu'à cinq heures, la même femme venant
alors lui offrir le bras.
Il semblait remplir une fonction et y apporter
la ponctualité d'un employé. Les contrôleurs
du bureau d'omnibus voisin pouvaient régler
leur horloge sur ses départs et ses arrivées
ils disaient
Il n'est pas deux heures, le père Antoine
n'est pas encore revenu à son bureau!
Un matin, un monsieur qui attendait l'om-
nibus, appuyé contre un candélabre du gaz, re-
gardait depuis longtemps l'aveugle avec atten-
tion. A un moment il quitta son appui et s'ap-
procha de lui.
Permettez-moi de regarder vos yeux, lui
dit-il.
L'aveugle baissa la tête et la tendit dans la
direction d'où venait la voix.
Depuis combien de temps êtes-vous aveu-
gle ? demanda le monsieur après un minutieux
examen.
Depuis trois ans.
Avant de perdre la vue, vous étiez sujet
aux congestions, n'est-ce pas ?
En effet, monsieur, j'avais des coups de
sang assez fréquents.
Et l'affection qui vous a rendu aveugle a
suivi une marche rapide; en quelques jours, en
quelques heures peut-être, vous avez cessé de
voir? ·
En moins de deux heures, monsieur. J'ai
ressenti tout à coup une intolérable douleur, et,
brusquement, tout s'est éteint autour de moi
pendant longtemps j'ai souffert comme un
damné; la violence du mal même me faisait
espérer que ce ne serait là qu'un état passager;
mais peu à peu le calme est venu, et mes yeux
sont restés fermés à la lumière Voici de ce-
là trois ans. Trois ans dans un tombeau, et vi-
vant Quel supplice! Si Dieu était bon,
une pareille proposition était acceptée, le pape.n'enten-
drait plus M. de Schlœzer seul; il nous entendrait
aussi avant de trancher la question.
Dans la seconde partie de son discours, M. Wind-
thorst a traité la question de guerre ou de paix. Selon
lui tous les bruits de guerre ne reposent que sur des
manœuvres de bourse ou sur des manœuvres électorâ-'
les. Du côté de la France, il y. a, sans doute, toujours
du danger. Aussi le centre était-il disposé à voter tout
ce que le gouvernement demandait, mais il ne voulait
l'accorder que pour trois ans. Si, au bout de ces trois
années, la situation avait encore été la même, on au.
rait encore une fois accordé l'augmentation des forces
militaires.
Après le discours de M. Windthorst, les membres
du parti du centre des provinces rhénanes ont
adopté à l'unanimité une résolution par laquelle
ils déclarent, d'une part, qu'ils reconnaissent, d'ac-
cord avec l'opinion exprimée dans la note du car-
dinal Jacobini du 21 janvier, les services rendus à
la cause catholique par le centre et par ses chefs;
et, d'autre part, qu'ils approuvent l'attitude ob-
servée par les représentants du parti dans la der-
nière session du Parlement, et exhortent de la fa-
çon la plus énergique les électeurs à réélire ces
députés ou d'autres candidats ayant la même opi-
nion.
Le Barliner Tageblatt publie une lettre qui lui est
adressée de province, et qui signale les pertes
infligées au commerce et à l'industrie de l'Alle-
magne par les bruits de guerre qu'ont répandus
et entretenus, dans un but électoral, les gens qui
prétendent appartenir au parti « national » par
excellence.
Des centaines de millions, dit ce journal, ont été per-
dus par les capitaux allemands par suite de cette agi-
tation déplorable. Les pires ennemis de l'Allemagne
n'auraient pu tenir à l'égard de la patrie allemande une
conduite plus nuisible que celle qu'ont tenue les gens
qui se disent « nationaux ». Ce sont précisément les
petits capitalistes, les plus fidèles partisans de notre
empereur héroïque et de son gouvernement, les plus
grands amis de l'ordre et de la paix publique, qui ont
perdu une grande partie de leur avoir par suite des cris
de guerre poussés par les conservateurs et les natio-
naux-libéraux. Combien de ces petites gens ont vendu,
dans un accès de folle terreur, au cours le plus bas, des
valeurs de banque et des valeurs industrielles! Qui
est-ce qui rendra à ces gens les capitaux qu'ils ont
perdus par suite des craintes de guerre exagérées ? Qui
est-ce qui fera des commandes à leur place, qui dé-
dommagera les fabriques et avec elles les ouvriers pour
les commandes qui ne viennent plus ? Partout on con-
sommera le moins possible pour rattraper un peu, par.
des économies, ce qu'on vient de perdre.
Ces ruines, le peuple allemand les doit aux conserva-
teurs et aux nationaux-libéraux, aux messieurs qui
s'appellent « les vrais patriotes, les seuls et uniques
amis de la patrie allemande », et qui, en même temps,
font perdre à leurs compatriotes allemands des cen-
taines de millions et minent la fortune publique.
Si le projet de loi militaire doit avoirune valeur quel-
conque, l'Allemagne a besoin d'une longue série d'an-
nées de paix pour former les nouvelles troupes et con-
stituer peu à peu une armée plus nombreuse. Les amis
du projet devraient donc désirer la paix et tâcher de la
maintenir. Mais ceux qui répandent les bruits de guerre
se soucient bien du projet de loi militaire! Il s'agit
pour eux de tout autre chose, et, pour atteindre leur
but, ils ne craignent pas de recourir aux moyens les
plus condamnables et de léser les intérêts d'une grande
partie de la population.
Le Standard suggère la singulière idée d'une mé-
diation du pape entre la France et l'Allemagne,
en vue d'améliorer les rapports de ces deux puis-
sances.
Le Standard paraît être, du reste, le premier à ne
pas croire beaucoup au succès de son idée.
(Dépêches de nos correspondants particuliers)
Vienne, 8 février, 9 heures.
Hier circulait le bruit de la démission du minis-
tre des finances autrichien, M. de Dunajewski. La
nouvelle est d'autant plus imprévue que le mi-
nistre, dans les négociations pour le renouvelle-
ment du compromis austro-hongrois, avait ob-
tenu ce qu'il demandait sur la question du pé-
trole.
Plus certaine est la démission de M. Szapary, le
ministre des finances du cabinet hongrois; on
croit même qu'il n'attendra pas la fin des débats
du budget pour se retirer. Il est même déjà ques-
tion de l'intérim de M. Baross.
Saint-Pétersbourg, 8 février, 8 h. 15.
M. Katkof, dans la Gazette de Moscou, prétend que,
d'après les informations de l'hetman des Cosaques
Aschinof, qui revient d'Abyssinie, il est fort dou-
teux que le roi de Choa, Menelik, soit plus ami
des Italiens que Ras-Alula. Aschinof dit qu'il a
laissé en Abyssinie un petit détachement de Cosa-
ques commandé par Jastreb.
Madrid, 8 février, 9 heures.
L'expédition contre Mindanao a provoqué hier
une discussion à la Chambre des députés entre le
ministre des colonies et l'opposition. L'expédition
se compose de plusieurs canonnières, d'avisos et
de transports sur lesquels on a embarqué un fai-
ble contingent européen, mais plusieurs batail-
lons indigènes commandés par des Européens.
Les instructions du ministre des colonies inter-
disent au général Terreros de pénétrer dans l'in-
térieur de Mindanao et de prolonger cette expédi-
tion onéreuse au delà du temps nécessaire à châ-
tier les indigènes.
Le gouvernement ne fera connaître' aux Cortès
les péripéties de l'expédition que lorsqu'elle sera
terminée et n'acceptera pas les interpellations de
l'opposition qui voulait démontrer que ctte cam-
pagne pourrait avoir pour conséquence d'indispo-
ser les chefs indigènes des îles voisines, surtout
ceux de Soulou, oùles tribus vont élire un nouveau
sultan, vassal de l'Espagne.
L'expédition est très mal vue à Manille et a été
désapprouvée par les autorités locales et le géné-
ral brigadier Serina; mais le ministère n'a voulu
ni désavouer, ni rappeler le vice-roi.
puisqu'il me condamnait à la nuit éternelle,
que ne m'envoyait-il le sommeil sans réveil!
Il faut croire que le chagrin ne tue pas
Eh bien, mon brave homme, dit l'inconnu,
ne vous désespérez pas; la nuit peut n'être pas
éternelle; votre affection n'est pas incurable! I
L'aveugle hocha la tête avec découragement;
il eut un triste sourire.
Ah! oui. l'espérance! Il y a longtemps
que je lui ai dit adieu! Hélas je suis condamné
sans appel! AX. où m'est arrivé mon mal-
heur, tous les médecins se sont occupés de
moi, et au bout de quelques essais de traite-
ment, ils ont tous abandonné la partie en dé-
clarantque jamais plus je nereverrais le jour!
Mon ami, si je vous ai parlé comme je
viens de le faire, c'est que j'ai quelque autorité
pour cela; je suis le docteur Wianowiez, et j'ai
fait des affections de la vue l'étude de toute
ma vie. Ce n'est donc pas dans le seul but de
relever votre courage et de vous donner un es-
poir vain que je vous ai dit que votre mal se
pouvait guérir. Et maintenant j'affirme que je
puis vous rendre la vue, si vous vous en re-
mettez à moi 1. Voyez ce que vous voulez
faire l
Quoi 1 monsieur! vous pourriez?. Vrai-
ment, vous croyez? Vous êtes le premier qui
m'ait parlé avec cette assurance 1. J'y verrais
encore vous feriez ce miracle Ah vous ne
savez pas l'émotion que me cause cette pen-
sée Je ne crois pas qu'un condamné à mort
auquel on apporte sa grâce reçoive au cœur
une secousse plus forte! Et, suivant vous, mon-
sieur le docteur, le traitement exigerait-il un
temps bien long?.
Non, répondit le médecin; c'est l'affaire
d'une opération de quelques minutes, après la-
quelle le sens visuel reparaîtrait presque in-
stantanément. Voyons, nous sommes mal ici
pour causer de cela; il faut que je vous exa-
mine à mon aise; prenez mon bras, et je vais
vous emmener dans mon cabinet.
C'est que, fit l'aveugle avec hésitation, on
vient me chercher à onze heures et demie; et si
on ne me trouve pas ici, ma femmeet mes filles
en seront bouleversées
Eh bien, rien de plus simple; allons chez
vous. Où demeurez-vous?
Tout près d'ici, rue Serpente.
En route, alors l
Et, lui prenant le bras, Wianriwiez gagna la
rue Serpente.
L'intervention publique du pape dans les
élections qui vont avoir lieu en Allemagne
soulève bien des discussions. D'une part,
tout le monde voit ce qu'a de nouveau et
\tf audacieux, au point de vue de la papauté
elle-même, un acte par lequel elle apparaît
et s'impose en pouvoir arbitral dans les af-
faires intérieures d'un pays, et cela à propos
d'une question aussi technique que celle du
septennat militaire. D'autre part, on apprend
que tous les catholiques allemands ne sont
pas disposés à obéir à l'inspiration venue de
Rome. On discute avec passion, de l'autre
côté du Rhin, cette intervention du pape. Ceux
qu'elle vise, comme M. Windthorst, décla-
rent que s'ils sont toujours prêts à s'incliner
devant le Saint-Siège dans toutes les ques-
tions de dogme ou de morale, ils ne sau-
raient lui sacrifier leur liberté politique, parce
qu'alors ils n'auraient plus aucune raison de
solliciter le vote des électeurs ni de siéger
dans un Parlement. Au point de vue des in-
térêts de la papauté, l'acte de Léon XIII
peut avoir été habile, car M. de Bismarck
saura reconnaître le service qu'on lui aura
rendu, et déjà même on annonce, en effet,
que la nouvelle loi ecclésiastique qui abroge
les fameuses lois de combat ou lois de Mai
a été déposée par le gouvernement prussien
sur le bureau de la Chambre des seigneurs, à
Berlin. Mais toute médaille a son revers, et
le revers de la médaille, ici, c'est le trouble
et l'humiliation que cet acte du pape a jetés
dans les rangs des catholiques allemands.
Le nerf de leur opposition se trouve brisé
mais celui de leur action politique utile
n'est-il pas du même coup singulièrement
affaibli?
Pour notre part, nous n'avons rien à re-
gretter de tout ce qui peut rendre plus facile
et plus assurée l'adoption parle futur Reich-
stag du septennat militaire, puisque M, de
Bismarck et M. de Moltke ont répété à l'en-
vi que le vote de cette mesure rendrait la
paix certaine. Aussi bien nous désintéres-
sons-nous absolument de cette action du pape,
en tant qu'elle s'adresse à l'Allemagne. Mais
elle a un intérêt plus général; elle ouvre sur
le présent et sur l'avenir des jours tout nou-
veaux. La papauté, qu'on croyait n'être plus
qu'une puissance métaphysique, apparaît
tout d'un coup comme un facteur puissant
dans les luttes politiques de chaque pays. Ce
qui se passe aujourd'hui fait inévitablement
songer à ce qui pourrait se passer dans
d'autres circonstances et dans d autres pays,
et cela ne peut laisser personne indifférent.
On a rappelé avec raison que Pie IX, avec
ses prétentions absolutistes, n'avait jamais
donné l'exemple d'une pareille intervention
dans les luttes électorales d'une nation.
L'acte de Léon XIII devient d'autant plus
significatif qu'il n'est pas l'effet d'un aveugle
fanatisme, mais le calcul d'une habile di-
plomatie. Privée du pouvoir temporel, la
papauté a pris d'autant plus conscience de
sa puissance religieuse et morale. Et c'est
avec cette puissance presque sans limite
qu'elle se jette dans les conflits des inté-
rêts et des partis. Qu'on se représente bien
de quel poids cette intervention peut être
dans toutes les nations chrétiennes Toutes
plus ou moins, sauf la Russie, sont divisées
en fractions parlementaires rivales. Par-
tout il y a lutte, au moment des consultations
populaires, entre les représentants de princi-
pes ou d'intérêts opposés. Est-ce que le pape
n'a pas réellement le moyen de donner la
victoire à qui lui plaît, en jetant d'un même
côté tout l'effort des âmes catholiques? Etran-
ge retour des choses humaines que, par le
fait de la chute du pouvoir temporel d'une
part, et l'avènement du régime représentatif
de l'autre, on puisse entrevoir la possibilité
de ce rêve du moyen âge, la papauté déci-
dant en fait du gouvernement politique de
presque toutes les nations On nous dira
qu'en s'exerçant ainsi sans discrétion ni me-
sure, cette puissance morale, aujourd'hui
presque absolue, s'userait bien vite. Nous le
savons bien mais avant qu'elle fût usée, ce
qui impliquerait la ruine du catholicisme,
quels effets ne pourrait-elle pas produire, et
comment pourrait-on y parer?
En France,-car c'est toujours à la France
que nous songeons, -tout le monde sait bien
que les partis monarchiques, réduits à leur
seule force politique, ne sont qu'une pous-
sière sans résistance ni cohésion. Toute la
force qui les fait agir et leur donne encore
prise sur les masses leur vient du clérica-
lisme, avec lequel ils s'ingénient à identifier
leur cause et leurs destinées. Se figure-t-on
l'effet que produirait chez nous, au moment
le plus critique des élections, une lettre du
pape du même genre de celle qu'il a adressée
aux catholiques allemands? Actuellement il
ne le peut pas; nous sommes protégés con-
tre lui par ce traité de paix qu'on appelle le
Concordat, que des aveugles et des étourdis
II
Quand ils arrivèrent dans l'escalier, une
vieille femme qui secouait une descente de lit
sur le palier, apercevant l'aveugle, de surprise
lâcha son tapis et, accourant, lui demanda
d'une voix effarée
Mon doux Jésus, monsieur, quoi donc
qu'il vous est arrivé?.
Mais rien, rien du tout, mère Chevaine
Rien que d'heureux répondit le bonhomme.
Ah j'en ai les sangs tournés de vous voir
revenir comme ça avant que je ne vous aille
chercher! Je me suis t'y pas figuré qu'on vous
ramenait blessé dans la rue, comme qui dirait
que l'omnibus vous aurait passé dessus 1. Un
bonheur que madame ne soit pas là 1 Et made-
moiselle, donc Ben sûr qu'elles en auraient
comme une apoplexie 1
Une bonne, une grande nouvelle, madame
Chevaine, fit l'aveugle avec joie. Je vais recou-
vrer la vue! Monsieur que voici me promet
de me la rendre! Comprenez-vous? Je ne'serai
plus aveugle Je pourrai voir Line, ma chère
petite inconnue! Où est-elle?
Et, s'adressant au docteur qui lui donnait
toujours le bras
-Line, ajouta-t-il, est ma dernière petite
fille.; elle est née six mois après la catastrophe!
Et je ne l'ai jamais vue!
Mlle Line dort pour le moment, interrom-
pit la vieille.
Et, se retournant vers le médecin
Et comme ça, vrai de vrai, demanda-t-elle,
monsieur, vous allez lui rendre la vue, à ce
pauvre cher homme?. C'est pas des mente-
ries ?. Vous êtes donc plus malin que les cinq
ou six médecins du pays, qui y ont perdu leur
latin?.
–J'espère beaucoup le guérir! ditWianowiez.
C'est-y ça des affaires murmurait la
bonne femme. Remettre des yeux aux aveu-
gles Pour sûr, faut que ce soit à Paris pour
qu'on y croie!
Ils étaient entrés, et le père Antoine, se dé-
gageant du bras de son conducteur, marcha
sans hésitation vers un berceau où dormait une
petite rille.
Wianowiez fut fort étonné en voyant cet in-
térieur. C'était un petit logement confortable,
meublé bourgeoisement et entretenu avec le
plus grand soin. Un bon grand lit d'acajou au
bois reluisant, avec de gais rideaux de perse,
attaquent chaque jour sans en comprendre
l'importance politique. Par le Concordat, nous
sommes à l'abri d'interventions semblables,
car cette convention lie le pape encore plus que
notre gouvernement. Mais supposez le Concor-
dat aboli, l'Eglise en guerre ouverte avec nos
institutions, comme cela ne manquerait pas
d'arriver avant trois mois; croyez-vous que
le pape se désintéresserait de nos élections
républicaines et qu'il hésiterait à traiter en
France avec le parti qui lui offrirait le plus
de gages, comme il fait actuellement avec
M. de Bismarck? S'il était nécessaire de
convaincre les plus prévenus de l'intérêt su-
prême qu'il y a pour nous, dans l'Europe
actuelle, à conserver le Concordat, qui règle
les rapports de la France avec le Saint-
Siège, on avouera que la démonstration est
éclatante et arrive à son heure.
La Chambre a eu hier une discussion inté-
ressante à propos des caisses d'épargne. Di-
sons immédiatement que le débat a eu pour
conséquence le rejet de l'un des articles de la
loi de finances, et, par suite, la création d'un
nouveau déficit de huit millions dans le budget
de 1887. La chose vaut qu'on s'en occupe.
La question soumise à la Chambre était celle-
ci l'Etat peut-il disposer librement des reve-
nus que va rendre disponibles, à la Caisse des
dépôts et consignations, l'abaissement du taux
d'intérêt servi aux caisses d'épargne? On sait
que l'Etat a remis à la Caisse des dépôts et con-
signations certaines valeurs, en représentation
d'une partie des fonds que cette institution a
reçus des caisses d'épargne et versés en
compte courant au Trésor. M. Léon Say a
déchargé ainsi d'un seul coup, de 1,200 mil-
lions le Trésor, au moyen de la remise d'une
pareille contre-valeur en rentes 3 0/0 amor-
tissables. L'année dernière, M. Sadi Carnot a
procédé à une opération semblable, pour un
capital de 400 millions, mais cette fois à
l'aide de titres de 3 0/0 perpétuel. G'estce qu'on
appelle consolider les ressources de là dette
flottante. Le Trésor est libéré, en effet.et pour
lui il y a bel et bien œuvre de consolidation. Il
cesse d'être débiteur de la Caisse des dépôts et
consignations. Mais quelle est la situation
exacte de celle-ci? C'est toute la question.
Les rentes reçues par la Caisse des dépôts
sont-elles sa propriété personnelle ? L'Etat, et
non plus seulement le Trésor, est-il libéré en-
vers elle ? Si on l'admet, les arrérages des ren-
tes appartiennent à la Caisse des dépôts, et ils
n'appartiennent qu'à elle. Elle n'en peut être
légitimement dépossédée. Avec ces arrérages,
joints à ses autres revenus, elle fait face au
payement des intérêts qu'elle doit aux caisses
d'épargne. Si ces intérêts diminuent, elle réa-
lise une économie dont elle ne doit compte à
personne. Sa réserve s'ehrichit, et nul n'est
fondé à protester contre cet accroissement il
ne saurait, en aucun cas, être réclamé par l'E-
tat et se voir reversé sur le budget. Admet-on,
au contraire, que les rentes délivrées à la
Caisse des dépôts et consignations n'ont pas
cessé dlappartenir à l'Etat que celui-ci est de-
meuré, malgré cette création et cette remise de
rentes, le véritable débiteur des caisses d'é-
pargne qu'il aurait, par exemple, dans l'hypo-
thèse d'un rehaussement du taux de l'intérêt,
à parfaire la différence entre les arrérages des
rentes et le taux effectivement garanti par la
loi aux caisses d'épargne? Dans ce cas, toute
économie réalisée peut lui revenir et être attri-
buée par lui au budget. La Caisse des dépôts
ne peut se dire lésée elle n'était qu'un inter-
médiaire, un instrument commode, mais irres-
ponsable.
Entre ces deux théories, nous concevons
parfaitement qu'on hésite. Ce que nous conce-
vons moins, c'est que des partisans de la se-
conde protestent quand on veut attribuer au
budget les économies provenant de la réduc-
tion de l'intérêt servi aux caisses d'épargne.
M. Hubbard, qui a prononcé hier un brillant
discours, n'a pas hésité à déclarer que les 1,200
millions en rente amortissable remis à la
caisse des dépôts et consignations par M. Léon
Say « sont restés la propriété de l'Etat ». S'il
en est ainsi, peu importe que ces titres, com-
me l'ajoute l'orateur, aient été « engagés en
quelque sorte entre les mains d'un tiers comme
garantie d'une dette toujours exigible ». L'E*-
tat, qui a cette dette et qui en doit les intérêts,
tient son engagement s'il les paye; il n'est pas
tenu d'y ajouter un centime.
Sa charge consiste en ces intérêts, et la loi
les modifie suivant les convenances de l'Etat,
ou mieux suivant la valeur réelle de l'argent.
La loi organique des caisses d'épargne a prévu
ces variations. Elles ne peuvent surprendre
personne. Le taux qui était dû naguère aux
caisses d'épargne était de 4 0/0. On le réduit à
g 25 0/0, ce qui, soit dit incidemment, est en-
core un taux excessif. L'Etat, en ne payant
plus que ce taux, ne réalise pas un bénéfice
il cesse de faire une perte, rien de plus.
Cette idée d'un bénéfice obtenu par l'Etat au
détriment de la petite épargne a joué un grand
rôle dans la discussion d'hier. M. Hubbard l'a
présentée sous les aspects les plus divers, va-
riant ses formules avec une souplesse et une
ingéniosité auxquelles nous rendons bien vo-
lontiers hommage. « L'argent déposé aux cais-
ses d'épargne, s'est-il écrié, n'est pas un ar-
gent avec lequel on joue en quelque sorte pour
rBéliser un bénéfice. » Et ailleurs « Prenez
garde On dira que, dans ce budget d'où vous
et, au pied, le coquet berceau de l'enfant; un
vaste fauteuil, une armoire et une toilette, un
chiffonnier, une table à manger; quelques gra-
vures sous passe-partout aux murs et, au mi-
lieu, un diplôme de bachelier encadré, au nom
de Bérard; sur les meubles, des chiffons de
femmes, des broderies, quelques romans, des
morceaux de musique; par une porte entr'ou-
verte, on apercevait une seconde chambre à
coucher avec un lit à rideaux blancs et- ce
qui n'était pas la moindre surprise -un piano.
Déjà, en traversant le couloir, le docteur avait
vu une petite cuisine proprette, bien rangée,
avec une batterie flambante dont les cuivres
accrochaient la lumière et brillaient, entretenus
comme des casques de dragons.
Tout cela ne représentait guère l'installation
d'un malheureux réduit à la mendicité.
̃ Ma femme est absente en ce moment, dit
Antoine; elle rentrera à onze heures et demie;
elle accompagne tous les jours notre fille aînée
au Conservatoire et chez un professeur de
chant qui lui trouve une très belle voix et as-
sure que dans un ou deux ans au plus elle
pourra gagner une fortune. C'est le charme
de la maison, mon Elise, et, dans mon
malheur, Dieu m'a laissé au moins une
grande consolation; je suis ingrat quand je l'ac-
cuse de cruauté Tous les soirs, ma fille chante
pour moi, et je m'endors bercé par des mélodies
divines! Celait une jolie enfant, il y a trois
ans; aujourd'hui il paraît qu'elle est superbe
Ah! que je voudrais la voir! L'entendre ne
suffit pas Mais c'est ma. petite Caroline,
cette enfant qui dort là, près de nous, nous
l'appelons Line par abréviation, c'est cette
chère petite que je souffre de ne pouvoir con-
templer D'Elise j'ai encore un souvenir;
tous ses traits sont photographiés dans ma mé-
moire, et à mesure que les jours s'écoulent je
suis en quelque sorte, dans ma nuit, le travail
de transformation du temps; je développe les
traits, je grandis les contours, je fais de l'en-
fant de quatorze ans, au dessin encore indécis,
la belle jeune fille de dix-sept ans en pleine pos-
session de sa beauté; je suis sûr que, si je me
réveillais aujourd'hui, je n'aurais pas d'éton-
nement à la regarder; elle doit ressembler à
l'épreuve définitive que perçoit ma vue inté-
rieure. Mais ce petit ange, ma Line, que je n'ai
jamais vue Tout le monde l'aime, la caresse,
la dit jolie, adorable; moi seul n'ai jamais eu
cette joie de l'admirer I Pauvre enfant! elle
avez écarté tous les impôts nouveaux, il n'y a
qu'une seule ressourcenouvelle:c'estl'impôtsur
les économies des classes laborieuses.» M. Laro-
che-Joubert a abondé dans ce sens. L'idée est,
pourtant, manifestement inexacte.
L'Etat, quand il a remis des rentes à la
Caisse des dépôts et consignations, n'a pu vou-
loir abroger implicitement la loi de 1837 et re«
noncer à la faculté de réduction du taux de
l'intérêt qui s'y trouve stipulée en sa faveur.
Cette opération toute spéciale qu'il a conclue
avec la Caisse des dépôts eût pris un caractère
bien étrange si elle eût été l'équivalent d'une
telle abrogation. L'Etat aurait fixé pour soixan-
te-six ans, ou même, en ce qui concerne la
dernière consolidation, à perpétuité, un taux
d'intérêt pour cette partie des capitaux des
caisses d'épargne? Il aurait consenti à une telle
perte, bien que connaissant très bien la loi éco-
nomique de la diminution de l'intérêt? II est
difficile de le croire. En tout cas, si l'Etat
abaisse aujourd'hui, conformément à la loi de
1837, le taux de l'intérêt servi aux caisses d'é-
pargne, sans faire de distinction entre les fonds
représentés par des valeurs diverses et ceux
qui ont pour contre-partie les rentes provenant
des deux consolidations, il ne fait qu'éviter une
perte: il ne réalise aucun bénéfice.
M. Wilson l'a parfaitement démontré hier,
mais il n'a pas réussi à dissiper l'impression
qu'avait laissée la véhémente allocution de M.
Hubbard. Par 267 voix contre 249, la Chambre
a donné raison à celui-ci. Le budget de 1887 y
perd 8 millions. Qu'on ne soit^ pas en peine
pour si peu M. Hubbard a rappelé qu'il y avait
encore 25 millions à la « réserve du budget ».
Elle descendra à 17 millions, voilà tout. Pauvre e
réserve pauvre budget 1
AFFAIRES COLONIALES
Algérie
On nous écrit d'Alger
fi La Société des courses de Biskra vient d'inaugu-
rer une course de méharis, ou chameaux, à grande
vitesse. La départ a eu lieu à Tuggurt, distant de
Biskra de 225 kilomètres; le gagnant a franchi
cette distance en 26 heures, le second en 29 et le
troisième en 30. Cet exemple prouve surabondam-
ment tout le parti que l'on pourrait tirer des mé-
haris pour organiser dans le Sud des colonnes vo-
lantes.
Cette création est depuis longtemps à l'étude
dans les bureaux du ministère de la guerre; l'ex-
périence que vient de faire la SociéLé des courses
de Biskra en hâtera sans doute la solution.
Le chiffre de la récolte de vin de 1886 est, pour
toute l'Algérie, de 1,567,284 hectolitres, dont 624,347
pour la province d'Alger, 385,556 pour celle de
Constantine, et 559,381 pour celle d'Oran ce qui
constitue sur 1885 une augmentation de 550,981
hectolitres.
Nouvelles maritimes et coloniales
La commission parlementaire des cadres de la
marine a terminé l'étude des cadres des mécani-
ciens et a fixé ainsi que suit les effectifs
2 mécaniciens inspecteurs enchef,ayant rang de
capitaines de vaisseau; un à Paris, l'autre dispo-
nible pour les missions;
12 mécaniciens en chef, assimilés aux capitaines
de frégate, qui seront répartis entre les cinq arse-
naux, l'escadre et les divisions navales les plus
importantes, 10 d'entre eux étant en service actif
et 2 disponibles
50 mécaniciens principaux assimilés aux lieute-
nants de vaisseau;
200 mécaniciens assimilés aux enseignes de
vaisseau.
La commission n'a pas approuvé la création du
grade d'aide mécanicien et a, en conséquence,
supprimé les 350 officiers de ce grade prévus par
le projet du ministre. Elle estime que les pre-
miers-maîtres mécaniciens suffisent pour assurer
le service en sous-ordres.
Les premiers-maîtres passeront au grade supé-
rieur, les deux tiers au choix et un tiers à l'an-
cienneté, à condition toutefois qu'ils aient subi
d'une façon satisfaisante un examen dont le pro-
gramme sera fixé par le ministre.
Les mécaniciens de la marine seront retraités
aux mêmes âges que les officiers de marine.
En somme, la commission donne satisfaction en-
tière au corps si méritant et si utile dont elle vient
de s'occuper. M. Gerville-Réache, rapporteur de la
loi en ce qui concerne les officiers de marine, a été
également chargé du rapport sur le personnel su-
périeur des machines.
On achève en ce moment une vente de livres
assez considérable qui n'aura pas tenu moins de
neuf séances à la salle de la rue des Bons-Enfants,
bien que l'on ait pris soin, pour aller plus vite, de
grouper un grand nomhre d'ouvrages par petits
lots de huit ou dix. La bibliothèque ainsi dispersée
est celle de M. Charles de Mandre, un homme du
monde, peintre amateur et veneur passionné, très
mêlé il y a une trentaine d'années au monde litté-
raire et même un peu à la politique, car il avait
prêté son domaine retiré pour une conférence se-
crète entre Napoléon III et Cavour. Cette biblio-
thèque était composée en grande partie de livres
modernes dont beaucoup ne sont point rares
mais ce qui en faisait le caractère particulier, c'est
que presque tous les volumes étaient rehaussés
par l'addition d'autographes. Non seulement M.
de Mandre lui-même recherchait les autogra-
phes pendant ses excursions à Paris, mais ses
amis et ses hôtes avaient pris intérêt à sa pour-
suite et la continuaient pendant qu'il chassait au
loin quelques écrivains de son intimité, comme
Jules Sandeau, Toussenel, Eugène Guinot, M. Mar-
mier, écrémaient à son intention leur correspon-
dance personnelle. La moisson ainsi faite a été cçh
ne comprend pas encore le malheur qui m'ac-
cable dans son babil inconscient, il y a parfois
des mots qui sont comme un nouveau déchi-
rement d'une blessure, et font cruellement
saigner ma douleur! L'autre jour, sa mère
lui avait mis une robe neuve. « Vois donc,
père, comme je suis belle, me dit-elle.» Et com-
me mes pauvres yeux, sans regard, ne lui ré-
pondaient pas « Hou le méchant papa qui
ne me regarde seulement pas » ajouta-t-elle.
Ah! la chère innocente, quel mal elle m'a fait!
Les larmes m'étouffaient; je suis allé pleurer
dans la chambre à côté pour ne pas l'attrister I
Pauvre homme fit le docteur ému.
Alors, vous comprenez monsieur, que
lorsqu'avec l'autorité de la science vous ve-
nez me dire Je vous rendrai la vue; lorsqu'il
semble que, comme Jésus, vous n'avez qu'à
imposer vos doigts sur mes yeux pour les rou-
vrir à la lumière, vous comprenez mon émo-
tion, mes angoisses, mon espoir et mes ter-
reurs Si vous vous trompiez! Si, après
m'avoir grisé de cette divine espérance de voir
le ciel, le soleil, les fleuves et, par dessus tout,
mon enfant, vous alliez être impuissant contre
cette ombre qui m'a terrassé, que deviendrais-
je alors? J'aurais dépassé la limite du déses-
poir et je n'aurais plus qu'à mourir! Voyons,
monsieur, nous sommes seuls examinez-moi
donc bien. Ne me leurrez pas! S'il y a doute,
n'entreprenez rien Si vous êtes sûr de vous,
ordonnez telle opération, tel supplice que vous
voudrez; je suis prêt! Et alors je croirai aux
miracles!
Wianowiez le soumit à un examen appro-
fondi, après quoi il lui dit
Mon ami, je ne suis pas un faiseur de mi-
racles, et cependant je puis vous affirmer main-
tenant que je vous rendrai la vue Votre affec-
tion est parfaitement connue et caractérisée;
dans notre glossaire spécial, elle est indiquée
sous le nom de glaucome on en vient à bout
au moyen d'une opération expérimentée, avec
un succès à peu près constant, par la science
moderne et que l'on nomme Y Irideclomie la
guérison, c'est-à-dire le retour de la vision, ̃
suit presque immédiatement l'opération.
Et, entrant dans les détails, pour le rassurer
et le convaincre, il lui décrivit le mal, ses ça»*
ses et l'opération qu'il aurait à subir.
ALPHONSE DE LAUNAY.
(A suivre.)
.VINGT-SEPTIÈME ANNÉE N» 0411.
"MERCREDI 9 FEVRIER 1887.
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14tt.; Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
BÉpts & ALSACE-LORRAINE lTfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. lSfr.; 36fr.; "72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) 1È» centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués '•'
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT v
PARIS Trois mois, 14tr, Six mois, 28fr.; Un an, 56fr. ̃
DÉP's* ALSACE-LORRAINE 17(r.; 34fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18 fr. 36 fr. 72 fr.. v
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 20 centimes. l\
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Ce, 8, place de ï& Boursa
(Droit d'insertion réservé à la rédaction.) •-̃ c
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
En France, le mode d'abonnement le plus
simple consiste à en verser le montant dans un
bureau de poste. Ce bureau se charge de toutes
les formalités.
PARIS, 8 FÉVRIER,
BULLETIN DU JOUR
La Chambre a commencé hier l'examen
de l'état des recettes dans le budget. La dis-
cussion générale a été engagée par M. Kel-
ïer, qui est revenu sur les économies à effec-
tuer dans les divers départements pour réta-
blir l'équilibre financier. Après une réplique
fie M. Wilson, qui renvoie M. Keller au
budget de l'année prochaine pour formuler
utilement ses propositions, la Chambre a
passé à la discussion des articles. Celui sur
l'affectation de huit millions de bénéfice
résultant de l'abaissement du taux des
saisses d'épargne a seul donné lieu à
un débat notable. M. Hubbard a deman-
dé que cette somme fût versée au fonds
de réserve de ces caisses, M. Wilson qu'elle
fût portée aux produits divers du budget la
Chambre s'est ralliée aux conclusions de M.
Hubbard et a renvoyé la suite du débat à
aujourd'hui.
Le Sénat a voté hier une loi ayant pour
but de réprimer les fraudes commises dans
5e commerce des beurres et a repris ensuite
la discussion de la loi de naturalisation; d'a-
près les articles adoptés, il a été décidé que
coût étranger né en France de parents étran-
gers ne pourra conserver sa nationalité à sa
majorité que s'il prouve avoir satisfait à la
loi de recrutement de son pays, et que les
descendants des familles proscrites lors de
la révocation de l'édit de Nantes pourront
continuer à bénéficier des dispositions de la
loi de 1790. La suite de la discussion a été
remise à aujourd'hui. .c
M. Parnell a présenté hier l'amendement à
Tadresse qu'il a l'habitude de proposer toutes
les années pour engager devant le Parle-
ment une discussion générale sur les affaires
d'Irlande. Le chef des nationalistes a com-
mencé par exprimer ses regrets de ce que le
gouvernement eût repoussé, dans la dernière
session, le bill de composition entre les pro-
priétaires et les tenanciers irlandais. Ce bill
aurait suffi à empêcher les différends agraires
qui se multiplient de nouveau et auxquels le
gouvernement s'apprête à opposer comme
par le passé des mesures de coercition.
jCes mesures n'ont jamais eu d'effet utile;
elles n'en auront pas plus à l'avenir,
ïii pour les rapports entre propriétaires et
fermiers, ni pour les relations politiques en-
tre l'Irlande et l'Angleterre. Les pouvoirs
exceptionnels que le gouvernement va de-
mander à la Chambre visent les auteurs
de ce qu'on a appelé le plan de campagne
du parti nationaliste. L'orateur, tout en se
déclarant étranger àce projet de coalition des
tenanciers contre les propriétaires, expose
qu'il a eu pour effet d'empêcher bien des
"évictions et de forcer ces derniers à des con-
cessions dont le gouvernement a lui-même re-
connu l'équité, puisqu'il s'est employé de son
"côté à les conseiller. On a parlé à ce propos de
vol et de détournement, mais on oublie que les
droits acquis sur la plus grande partie des
terres d'Irlande reposent précisément sur le
.vol et le détournement. En présence de cet
état de choses, les mesures de coercition
ne peuvent amener que des troubles et des
mesures de répression de plus en plus gra-
ves, jusqu'au jour où le peuple d'Irlande, de-
jvenu autonome, pourra prouver à ses détrac-
teurs qu'il sait obéir aux lois qu'il se sera
^tonnées.
1 Après une courte réponse de M. Holmes,
̃fittorney général pour l'Irlande, et une ré-
plique de M. Dillon, le député nationaliste
,pour le procès duquel le gouvernement va
demander des pouvoirs judiciaires excep-
tionnels, la suite de la discussion a été re-
mise à aujourd'hui; elle ne sera guère ter-
)ninée avant vendredi, et il reste douteux
lue M. Gladstone y prenne part.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 8 février, 8 h. 50.
Un schisme dans le parti du centre paraît immi-
nent. Un groupe de dissidents va se former, qui
sera favorable au septennat.
On annonce la prochaine publication à Berlin
d'un nouvel organe catholique qui défendra par
patriotisme les projets du gouvernement.
Berlin, 8 février, 9 h. 10.
La Gazette de l'Allemagne du Nord, parlant de la note
0u cardinal Jacobini, accuse MM. Windthorst et de
FEUÏLLETOM OU «TE&fïPgi
DU 9 FÉVRIER i887 (t)
L'AVEUGLE
Près d'un bureau d'omnibus de la rive gau-
che, on voyait, il y a quelques années, un aveu-
lie assez confortablement installé dans une es-
,'pèce de boîte à auvent semblable à celles qui
servaient d'abri aux marchandes du carreau
des Halles et que représentent de vieilles gra-
vures du siècle dernier.
Chaudement et proprement vêtu, les mains
dans de gros gants fourrés, les pieds sur une
chaufferette, une sébile sur les genoux, le mal-
heureux tenait haut la tête et restait de lon-
^gues heures immobile, le regard fixe et sans
aucune expression dirigé vers le ciel. L'œil
était sec, la pupille dilatée, d'un vert sale.
II avait, du reste, toutes les apparences de la
force et de la santé, le teint rose, un embon-
point de bon aloi, ce qui n'empêchait pas qu'il
ne portât sur tous ses trails l'expression d'une
grande tristesse sa bouche avait des plis
d'une indicible amertume; ses yeux sans re-
gard, éternellement tendus vers la lumière et
aspirant au soleil, étaient eux-mêmes un poème
d'angoisse et de douleur.
Sans changer sa position, il murmurait ma-
chinalement un monotone « Merci Dieu vous
le rende! » chaque fois qu'il entendait la bruit
d'un sou contre le fer-blanc de sa boîte. De
"môme, quand deux ou trois pièces de monnaie
Étaient tombées dans la sébile, il les prenait
et les mettait dans la poche de son gilet sans
que l'inclinaison de sa tête déviât d'une ligne,
ce qui se renouvelait souvent, car les sous tom-
baient avec une certaine abondance.
Deux ou trois fois seulement il était sorti de
son mutisme en faveur d'étudiants qui l'inter-
rogeaient et, non sans un grand étonnement,
l'entendaient réciter couramment des passages
de Y Iliade et de Y Enéide. Cette particularité j'
Reproduction interdite.
Frankenstein d'avoir gardé secrète la première let-
tre du pape et d'avoir exercé une pression sur le
'centre pour le décider à voter contre le septennat.
La Gazette de Cologne prétend que le gouvernement
allemand a eu confidentiellement, mais non offi-
ciellement, connaissance de cette première lettre
du pape, dans laquelle le saint-père insistait tout
particulièrement sur la nécessité de voter le sep-
tennat, et dans laquelle aussi ne figurait aucun
compliment pour le centre.. Les chefs du centre
n'ayant pas porté cette lettre à la connaissance de
leur parti, le pape se décida à faire écrire au car-
dinal Jacobini la note que l'on sait et à y faire
ajouter, pour ménager les susceptibilités des ca-
tholiques en Allemagne, les éloges sur la fidélité
du centre au Saint-Siège.
Berlin, 8 février, 9 h. 20.
Un conseil des ministres, présidé par M. de Putt-
kamer, a eu lieu aujourd'hui. Les projets de lois
ecclésiastiques ont été examinés et seront pro-
chainement soumis au Landtag.
Berlin, 8 février, 9 h. 30.
Le Moniteur officiel de l'empire publie une note du
chancelier dont voici le texte
L'empereur a reçu des adresses de sociétés qui ex-
priment l'intention de venir en corps présenter leurs
hommages à Sa Majesté et l'assurer de leur fidélité, à
l'occasion du prochain quatre-vingt dixième anniver-
saire de sa naissance.
L'empereur, ayant besoin de ménagements et de re-
pos, est obligé, à son grand regret, de renoncer à rece-
voir personnellement ces hommages.
Les manifestations de ce genre doivent donc être évi-
tées, afin d'épargner les forces de Sa Majesté.
Berlin, 8 février, 11 heures.
La Gazette de l'Allemagne du Nord publie, en entre-
filet, la nouvelle déjà donnée par les Nouvelles poli-
tiques de Berlin, et d'après laquelle le maréchal de
Moltke aurait déclaré à une députation d'électeurs
conservateurs que la situation était très grave et
qu'il était autorisé à le dire.
Vienne, 8 février, 8 h. 30.
La Correspondance politique publie le compte rendu
d'un entretien que son correspondant de Londres
aurait eu avec un membre du cabinet anglais,
ami intime de lord Salisbury. D'après cet homme
politique, M. de Bismarck n'aurait nullement l'in-
tention d'attaquer la France, parce qu'il comprend
très bien que la guerre serait un grand malheur
pour l'Allemagne, et serait en opposition avec les
vœux de l'empereur et du peuple. En France, a
ajouté l'interlocuteur du correspondant, il y a, il
est vrai, une école politique qui n'abandonne
pas l'idée d'une revanche, mais l'occasion de
prendre cette revanche ne peut se présenter
que si un conflit européen éclatait et si la France
trouvait un allié. Ce conflit peut se produire au
sujet de la Bulgarie, et si, dans ce cas, l'Allemagne
s'en mêlait, la France certainement n'hésiterait pas
à attaquer son ennemi, déjà engagé d'autre part.
Le conflit ne manquerait pas de devenir alors eu-
ropéen et serait très préjudiciable à l'Angleterre,
même si celle-ci n'y était pas directement mêlée.
Aussi lord Salisbury a-t-il modifié son attitude
dans la question bulgare et fera-t-il sincèrement
tout ce qui est possible pour arriver à une solu-
tion pacifique, dût-il dans une certaine mesure sa-
crifier les intérêts de l'Angleterre en faisant des
concessions à la Russie.
Budapest, 8 février, 8 h. 15.
Il est absolument faux qu'on ait le projet d'éta-
blir un camp retranché autour de Budapest, ainsi
qu'un journal de notre ville l'a annoncé.
î(*pé*- i*
Voici un résumé du discours que M. Windthorst
a prononcé dimanche dernier devant l'assemblée
des catholiques, à Cologne, à laquelle assistaient
plus de 5,000 électeurs
M. Windthorst a d'abord parlé de la lettre du cardi-
nal Jacobini. Le centre ne peut que se réjouir de cette
lettre, puisque le pape déclare non seulement que le
centre a rendu les plus grands services, mais encore
que le maintien de ce parti est nécessaire pour l'ave-
nir. M. de Frankenstein ayant demandé si ce parti doit
se dissoudre, le pape a répondu non. Le pape désire
que les personnes qui forment ce parti restent à leur
poste. Le pape pose ensuite ce principe essentiel que,
dans les questions laïques, le centre, comme du reste
tout bon catholique, peut voter selon son libre arbitre.
Ce principe doit être maintenu, car c'est la base même
de l'existence politique du parti.
Le pape, il est vrai, désire que le septennat soit ac-
cepté ce désir toutefois ne repose pas sur le contenu
matériel du projet, mais sur des raisons d'opportunité
et des considérations politiques. S'il nous avait été
possible de déférer à ce désir, nous l'aurions fait volon-
tiers, mais à l'impossible nul n'est tenu. » L'orateur
explique pourquoi il y a impossibilité et ajoute que, si
le saint-père pèse encore une fois les motifs du centre,
il ne tiendra pas rigueur aux fils fidèles de l'Eglise.
La presse adverse fait grand tapage du fait que la
première déclaration du saint-père n'a pas été rendue
publique et parle d'abus de confiance. Elle oublie qu'il
n'est pas d'usage de livrer à la publicité les documents
qu'on a reçus sous le sceau du secret. C'est ainsi que
la Gazette de Cologne n'a pas l'habitude de publier les
dépêches qu'elle reçoit du prince de Bismarck.
Il est évident que, par respect pour le saint-père, on
a soigneusement pesé les déclarations de ce dernier.
A l'avenir aussi on examinera la possibilité de déférer
à ses vœux, mais il faudra toujours faire une distinc-
tion entre les questions politiques et les questions re-
ligieuses.
Le saint-père reconnaît les vertus du peuple alle-
mand. C'est une calomnie de dire que le pape ne peut
supporter la vérité d'une bouche allemande. Autrefois,
dit l'orateur, on a fait en Allemagne des lois pour res-
treindre les compétences du pape dans ce pays; au-
jourd'hui, grands et petits reconnaissent son autorité
à un degré qui était inconnu dans ce siècle. On invo-
que son secours et son appui, et dans les affaires exté-
rieures et dansjes affaires intérieures. Nous sommes
fiers de cette victoire du pape, et nous serions tout
disposés à soutenir une proposition tendant à remettre
la question du septennat à l'arbitrage du pape. Mais, si
excitait naturellement la curiosité; mais on
n'avait pu obtenir de lui aucun renseignement
sur son passé.
11 planait donc sur cet homme une sorte de
mystère qui éveillait l'intérêt parmi la popula-
tion scolaire du quartier et était pour lui une
cause de fructueuses recettes.
Sa vie était d'une grande régularité. Il arri-
vait à la station à neuf heures; à onze heures
et demie, avec une exactitude de chronomètre,
une vieille femme venait le chercher, et le ra-
menait à deux heures à son poste, où il restait
jusqu'à cinq heures, la même femme venant
alors lui offrir le bras.
Il semblait remplir une fonction et y apporter
la ponctualité d'un employé. Les contrôleurs
du bureau d'omnibus voisin pouvaient régler
leur horloge sur ses départs et ses arrivées
ils disaient
Il n'est pas deux heures, le père Antoine
n'est pas encore revenu à son bureau!
Un matin, un monsieur qui attendait l'om-
nibus, appuyé contre un candélabre du gaz, re-
gardait depuis longtemps l'aveugle avec atten-
tion. A un moment il quitta son appui et s'ap-
procha de lui.
Permettez-moi de regarder vos yeux, lui
dit-il.
L'aveugle baissa la tête et la tendit dans la
direction d'où venait la voix.
Depuis combien de temps êtes-vous aveu-
gle ? demanda le monsieur après un minutieux
examen.
Depuis trois ans.
Avant de perdre la vue, vous étiez sujet
aux congestions, n'est-ce pas ?
En effet, monsieur, j'avais des coups de
sang assez fréquents.
Et l'affection qui vous a rendu aveugle a
suivi une marche rapide; en quelques jours, en
quelques heures peut-être, vous avez cessé de
voir? ·
En moins de deux heures, monsieur. J'ai
ressenti tout à coup une intolérable douleur, et,
brusquement, tout s'est éteint autour de moi
pendant longtemps j'ai souffert comme un
damné; la violence du mal même me faisait
espérer que ce ne serait là qu'un état passager;
mais peu à peu le calme est venu, et mes yeux
sont restés fermés à la lumière Voici de ce-
là trois ans. Trois ans dans un tombeau, et vi-
vant Quel supplice! Si Dieu était bon,
une pareille proposition était acceptée, le pape.n'enten-
drait plus M. de Schlœzer seul; il nous entendrait
aussi avant de trancher la question.
Dans la seconde partie de son discours, M. Wind-
thorst a traité la question de guerre ou de paix. Selon
lui tous les bruits de guerre ne reposent que sur des
manœuvres de bourse ou sur des manœuvres électorâ-'
les. Du côté de la France, il y. a, sans doute, toujours
du danger. Aussi le centre était-il disposé à voter tout
ce que le gouvernement demandait, mais il ne voulait
l'accorder que pour trois ans. Si, au bout de ces trois
années, la situation avait encore été la même, on au.
rait encore une fois accordé l'augmentation des forces
militaires.
Après le discours de M. Windthorst, les membres
du parti du centre des provinces rhénanes ont
adopté à l'unanimité une résolution par laquelle
ils déclarent, d'une part, qu'ils reconnaissent, d'ac-
cord avec l'opinion exprimée dans la note du car-
dinal Jacobini du 21 janvier, les services rendus à
la cause catholique par le centre et par ses chefs;
et, d'autre part, qu'ils approuvent l'attitude ob-
servée par les représentants du parti dans la der-
nière session du Parlement, et exhortent de la fa-
çon la plus énergique les électeurs à réélire ces
députés ou d'autres candidats ayant la même opi-
nion.
Le Barliner Tageblatt publie une lettre qui lui est
adressée de province, et qui signale les pertes
infligées au commerce et à l'industrie de l'Alle-
magne par les bruits de guerre qu'ont répandus
et entretenus, dans un but électoral, les gens qui
prétendent appartenir au parti « national » par
excellence.
Des centaines de millions, dit ce journal, ont été per-
dus par les capitaux allemands par suite de cette agi-
tation déplorable. Les pires ennemis de l'Allemagne
n'auraient pu tenir à l'égard de la patrie allemande une
conduite plus nuisible que celle qu'ont tenue les gens
qui se disent « nationaux ». Ce sont précisément les
petits capitalistes, les plus fidèles partisans de notre
empereur héroïque et de son gouvernement, les plus
grands amis de l'ordre et de la paix publique, qui ont
perdu une grande partie de leur avoir par suite des cris
de guerre poussés par les conservateurs et les natio-
naux-libéraux. Combien de ces petites gens ont vendu,
dans un accès de folle terreur, au cours le plus bas, des
valeurs de banque et des valeurs industrielles! Qui
est-ce qui rendra à ces gens les capitaux qu'ils ont
perdus par suite des craintes de guerre exagérées ? Qui
est-ce qui fera des commandes à leur place, qui dé-
dommagera les fabriques et avec elles les ouvriers pour
les commandes qui ne viennent plus ? Partout on con-
sommera le moins possible pour rattraper un peu, par.
des économies, ce qu'on vient de perdre.
Ces ruines, le peuple allemand les doit aux conserva-
teurs et aux nationaux-libéraux, aux messieurs qui
s'appellent « les vrais patriotes, les seuls et uniques
amis de la patrie allemande », et qui, en même temps,
font perdre à leurs compatriotes allemands des cen-
taines de millions et minent la fortune publique.
Si le projet de loi militaire doit avoirune valeur quel-
conque, l'Allemagne a besoin d'une longue série d'an-
nées de paix pour former les nouvelles troupes et con-
stituer peu à peu une armée plus nombreuse. Les amis
du projet devraient donc désirer la paix et tâcher de la
maintenir. Mais ceux qui répandent les bruits de guerre
se soucient bien du projet de loi militaire! Il s'agit
pour eux de tout autre chose, et, pour atteindre leur
but, ils ne craignent pas de recourir aux moyens les
plus condamnables et de léser les intérêts d'une grande
partie de la population.
Le Standard suggère la singulière idée d'une mé-
diation du pape entre la France et l'Allemagne,
en vue d'améliorer les rapports de ces deux puis-
sances.
Le Standard paraît être, du reste, le premier à ne
pas croire beaucoup au succès de son idée.
(Dépêches de nos correspondants particuliers)
Vienne, 8 février, 9 heures.
Hier circulait le bruit de la démission du minis-
tre des finances autrichien, M. de Dunajewski. La
nouvelle est d'autant plus imprévue que le mi-
nistre, dans les négociations pour le renouvelle-
ment du compromis austro-hongrois, avait ob-
tenu ce qu'il demandait sur la question du pé-
trole.
Plus certaine est la démission de M. Szapary, le
ministre des finances du cabinet hongrois; on
croit même qu'il n'attendra pas la fin des débats
du budget pour se retirer. Il est même déjà ques-
tion de l'intérim de M. Baross.
Saint-Pétersbourg, 8 février, 8 h. 15.
M. Katkof, dans la Gazette de Moscou, prétend que,
d'après les informations de l'hetman des Cosaques
Aschinof, qui revient d'Abyssinie, il est fort dou-
teux que le roi de Choa, Menelik, soit plus ami
des Italiens que Ras-Alula. Aschinof dit qu'il a
laissé en Abyssinie un petit détachement de Cosa-
ques commandé par Jastreb.
Madrid, 8 février, 9 heures.
L'expédition contre Mindanao a provoqué hier
une discussion à la Chambre des députés entre le
ministre des colonies et l'opposition. L'expédition
se compose de plusieurs canonnières, d'avisos et
de transports sur lesquels on a embarqué un fai-
ble contingent européen, mais plusieurs batail-
lons indigènes commandés par des Européens.
Les instructions du ministre des colonies inter-
disent au général Terreros de pénétrer dans l'in-
térieur de Mindanao et de prolonger cette expédi-
tion onéreuse au delà du temps nécessaire à châ-
tier les indigènes.
Le gouvernement ne fera connaître' aux Cortès
les péripéties de l'expédition que lorsqu'elle sera
terminée et n'acceptera pas les interpellations de
l'opposition qui voulait démontrer que ctte cam-
pagne pourrait avoir pour conséquence d'indispo-
ser les chefs indigènes des îles voisines, surtout
ceux de Soulou, oùles tribus vont élire un nouveau
sultan, vassal de l'Espagne.
L'expédition est très mal vue à Manille et a été
désapprouvée par les autorités locales et le géné-
ral brigadier Serina; mais le ministère n'a voulu
ni désavouer, ni rappeler le vice-roi.
puisqu'il me condamnait à la nuit éternelle,
que ne m'envoyait-il le sommeil sans réveil!
Il faut croire que le chagrin ne tue pas
Eh bien, mon brave homme, dit l'inconnu,
ne vous désespérez pas; la nuit peut n'être pas
éternelle; votre affection n'est pas incurable! I
L'aveugle hocha la tête avec découragement;
il eut un triste sourire.
Ah! oui. l'espérance! Il y a longtemps
que je lui ai dit adieu! Hélas je suis condamné
sans appel! AX. où m'est arrivé mon mal-
heur, tous les médecins se sont occupés de
moi, et au bout de quelques essais de traite-
ment, ils ont tous abandonné la partie en dé-
clarantque jamais plus je nereverrais le jour!
Mon ami, si je vous ai parlé comme je
viens de le faire, c'est que j'ai quelque autorité
pour cela; je suis le docteur Wianowiez, et j'ai
fait des affections de la vue l'étude de toute
ma vie. Ce n'est donc pas dans le seul but de
relever votre courage et de vous donner un es-
poir vain que je vous ai dit que votre mal se
pouvait guérir. Et maintenant j'affirme que je
puis vous rendre la vue, si vous vous en re-
mettez à moi 1. Voyez ce que vous voulez
faire l
Quoi 1 monsieur! vous pourriez?. Vrai-
ment, vous croyez? Vous êtes le premier qui
m'ait parlé avec cette assurance 1. J'y verrais
encore vous feriez ce miracle Ah vous ne
savez pas l'émotion que me cause cette pen-
sée Je ne crois pas qu'un condamné à mort
auquel on apporte sa grâce reçoive au cœur
une secousse plus forte! Et, suivant vous, mon-
sieur le docteur, le traitement exigerait-il un
temps bien long?.
Non, répondit le médecin; c'est l'affaire
d'une opération de quelques minutes, après la-
quelle le sens visuel reparaîtrait presque in-
stantanément. Voyons, nous sommes mal ici
pour causer de cela; il faut que je vous exa-
mine à mon aise; prenez mon bras, et je vais
vous emmener dans mon cabinet.
C'est que, fit l'aveugle avec hésitation, on
vient me chercher à onze heures et demie; et si
on ne me trouve pas ici, ma femmeet mes filles
en seront bouleversées
Eh bien, rien de plus simple; allons chez
vous. Où demeurez-vous?
Tout près d'ici, rue Serpente.
En route, alors l
Et, lui prenant le bras, Wianriwiez gagna la
rue Serpente.
L'intervention publique du pape dans les
élections qui vont avoir lieu en Allemagne
soulève bien des discussions. D'une part,
tout le monde voit ce qu'a de nouveau et
\tf audacieux, au point de vue de la papauté
elle-même, un acte par lequel elle apparaît
et s'impose en pouvoir arbitral dans les af-
faires intérieures d'un pays, et cela à propos
d'une question aussi technique que celle du
septennat militaire. D'autre part, on apprend
que tous les catholiques allemands ne sont
pas disposés à obéir à l'inspiration venue de
Rome. On discute avec passion, de l'autre
côté du Rhin, cette intervention du pape. Ceux
qu'elle vise, comme M. Windthorst, décla-
rent que s'ils sont toujours prêts à s'incliner
devant le Saint-Siège dans toutes les ques-
tions de dogme ou de morale, ils ne sau-
raient lui sacrifier leur liberté politique, parce
qu'alors ils n'auraient plus aucune raison de
solliciter le vote des électeurs ni de siéger
dans un Parlement. Au point de vue des in-
térêts de la papauté, l'acte de Léon XIII
peut avoir été habile, car M. de Bismarck
saura reconnaître le service qu'on lui aura
rendu, et déjà même on annonce, en effet,
que la nouvelle loi ecclésiastique qui abroge
les fameuses lois de combat ou lois de Mai
a été déposée par le gouvernement prussien
sur le bureau de la Chambre des seigneurs, à
Berlin. Mais toute médaille a son revers, et
le revers de la médaille, ici, c'est le trouble
et l'humiliation que cet acte du pape a jetés
dans les rangs des catholiques allemands.
Le nerf de leur opposition se trouve brisé
mais celui de leur action politique utile
n'est-il pas du même coup singulièrement
affaibli?
Pour notre part, nous n'avons rien à re-
gretter de tout ce qui peut rendre plus facile
et plus assurée l'adoption parle futur Reich-
stag du septennat militaire, puisque M, de
Bismarck et M. de Moltke ont répété à l'en-
vi que le vote de cette mesure rendrait la
paix certaine. Aussi bien nous désintéres-
sons-nous absolument de cette action du pape,
en tant qu'elle s'adresse à l'Allemagne. Mais
elle a un intérêt plus général; elle ouvre sur
le présent et sur l'avenir des jours tout nou-
veaux. La papauté, qu'on croyait n'être plus
qu'une puissance métaphysique, apparaît
tout d'un coup comme un facteur puissant
dans les luttes politiques de chaque pays. Ce
qui se passe aujourd'hui fait inévitablement
songer à ce qui pourrait se passer dans
d'autres circonstances et dans d autres pays,
et cela ne peut laisser personne indifférent.
On a rappelé avec raison que Pie IX, avec
ses prétentions absolutistes, n'avait jamais
donné l'exemple d'une pareille intervention
dans les luttes électorales d'une nation.
L'acte de Léon XIII devient d'autant plus
significatif qu'il n'est pas l'effet d'un aveugle
fanatisme, mais le calcul d'une habile di-
plomatie. Privée du pouvoir temporel, la
papauté a pris d'autant plus conscience de
sa puissance religieuse et morale. Et c'est
avec cette puissance presque sans limite
qu'elle se jette dans les conflits des inté-
rêts et des partis. Qu'on se représente bien
de quel poids cette intervention peut être
dans toutes les nations chrétiennes Toutes
plus ou moins, sauf la Russie, sont divisées
en fractions parlementaires rivales. Par-
tout il y a lutte, au moment des consultations
populaires, entre les représentants de princi-
pes ou d'intérêts opposés. Est-ce que le pape
n'a pas réellement le moyen de donner la
victoire à qui lui plaît, en jetant d'un même
côté tout l'effort des âmes catholiques? Etran-
ge retour des choses humaines que, par le
fait de la chute du pouvoir temporel d'une
part, et l'avènement du régime représentatif
de l'autre, on puisse entrevoir la possibilité
de ce rêve du moyen âge, la papauté déci-
dant en fait du gouvernement politique de
presque toutes les nations On nous dira
qu'en s'exerçant ainsi sans discrétion ni me-
sure, cette puissance morale, aujourd'hui
presque absolue, s'userait bien vite. Nous le
savons bien mais avant qu'elle fût usée, ce
qui impliquerait la ruine du catholicisme,
quels effets ne pourrait-elle pas produire, et
comment pourrait-on y parer?
En France,-car c'est toujours à la France
que nous songeons, -tout le monde sait bien
que les partis monarchiques, réduits à leur
seule force politique, ne sont qu'une pous-
sière sans résistance ni cohésion. Toute la
force qui les fait agir et leur donne encore
prise sur les masses leur vient du clérica-
lisme, avec lequel ils s'ingénient à identifier
leur cause et leurs destinées. Se figure-t-on
l'effet que produirait chez nous, au moment
le plus critique des élections, une lettre du
pape du même genre de celle qu'il a adressée
aux catholiques allemands? Actuellement il
ne le peut pas; nous sommes protégés con-
tre lui par ce traité de paix qu'on appelle le
Concordat, que des aveugles et des étourdis
II
Quand ils arrivèrent dans l'escalier, une
vieille femme qui secouait une descente de lit
sur le palier, apercevant l'aveugle, de surprise
lâcha son tapis et, accourant, lui demanda
d'une voix effarée
Mon doux Jésus, monsieur, quoi donc
qu'il vous est arrivé?.
Mais rien, rien du tout, mère Chevaine
Rien que d'heureux répondit le bonhomme.
Ah j'en ai les sangs tournés de vous voir
revenir comme ça avant que je ne vous aille
chercher! Je me suis t'y pas figuré qu'on vous
ramenait blessé dans la rue, comme qui dirait
que l'omnibus vous aurait passé dessus 1. Un
bonheur que madame ne soit pas là 1 Et made-
moiselle, donc Ben sûr qu'elles en auraient
comme une apoplexie 1
Une bonne, une grande nouvelle, madame
Chevaine, fit l'aveugle avec joie. Je vais recou-
vrer la vue! Monsieur que voici me promet
de me la rendre! Comprenez-vous? Je ne'serai
plus aveugle Je pourrai voir Line, ma chère
petite inconnue! Où est-elle?
Et, s'adressant au docteur qui lui donnait
toujours le bras
-Line, ajouta-t-il, est ma dernière petite
fille.; elle est née six mois après la catastrophe!
Et je ne l'ai jamais vue!
Mlle Line dort pour le moment, interrom-
pit la vieille.
Et, se retournant vers le médecin
Et comme ça, vrai de vrai, demanda-t-elle,
monsieur, vous allez lui rendre la vue, à ce
pauvre cher homme?. C'est pas des mente-
ries ?. Vous êtes donc plus malin que les cinq
ou six médecins du pays, qui y ont perdu leur
latin?.
–J'espère beaucoup le guérir! ditWianowiez.
C'est-y ça des affaires murmurait la
bonne femme. Remettre des yeux aux aveu-
gles Pour sûr, faut que ce soit à Paris pour
qu'on y croie!
Ils étaient entrés, et le père Antoine, se dé-
gageant du bras de son conducteur, marcha
sans hésitation vers un berceau où dormait une
petite rille.
Wianowiez fut fort étonné en voyant cet in-
térieur. C'était un petit logement confortable,
meublé bourgeoisement et entretenu avec le
plus grand soin. Un bon grand lit d'acajou au
bois reluisant, avec de gais rideaux de perse,
attaquent chaque jour sans en comprendre
l'importance politique. Par le Concordat, nous
sommes à l'abri d'interventions semblables,
car cette convention lie le pape encore plus que
notre gouvernement. Mais supposez le Concor-
dat aboli, l'Eglise en guerre ouverte avec nos
institutions, comme cela ne manquerait pas
d'arriver avant trois mois; croyez-vous que
le pape se désintéresserait de nos élections
républicaines et qu'il hésiterait à traiter en
France avec le parti qui lui offrirait le plus
de gages, comme il fait actuellement avec
M. de Bismarck? S'il était nécessaire de
convaincre les plus prévenus de l'intérêt su-
prême qu'il y a pour nous, dans l'Europe
actuelle, à conserver le Concordat, qui règle
les rapports de la France avec le Saint-
Siège, on avouera que la démonstration est
éclatante et arrive à son heure.
La Chambre a eu hier une discussion inté-
ressante à propos des caisses d'épargne. Di-
sons immédiatement que le débat a eu pour
conséquence le rejet de l'un des articles de la
loi de finances, et, par suite, la création d'un
nouveau déficit de huit millions dans le budget
de 1887. La chose vaut qu'on s'en occupe.
La question soumise à la Chambre était celle-
ci l'Etat peut-il disposer librement des reve-
nus que va rendre disponibles, à la Caisse des
dépôts et consignations, l'abaissement du taux
d'intérêt servi aux caisses d'épargne? On sait
que l'Etat a remis à la Caisse des dépôts et con-
signations certaines valeurs, en représentation
d'une partie des fonds que cette institution a
reçus des caisses d'épargne et versés en
compte courant au Trésor. M. Léon Say a
déchargé ainsi d'un seul coup, de 1,200 mil-
lions le Trésor, au moyen de la remise d'une
pareille contre-valeur en rentes 3 0/0 amor-
tissables. L'année dernière, M. Sadi Carnot a
procédé à une opération semblable, pour un
capital de 400 millions, mais cette fois à
l'aide de titres de 3 0/0 perpétuel. G'estce qu'on
appelle consolider les ressources de là dette
flottante. Le Trésor est libéré, en effet.et pour
lui il y a bel et bien œuvre de consolidation. Il
cesse d'être débiteur de la Caisse des dépôts et
consignations. Mais quelle est la situation
exacte de celle-ci? C'est toute la question.
Les rentes reçues par la Caisse des dépôts
sont-elles sa propriété personnelle ? L'Etat, et
non plus seulement le Trésor, est-il libéré en-
vers elle ? Si on l'admet, les arrérages des ren-
tes appartiennent à la Caisse des dépôts, et ils
n'appartiennent qu'à elle. Elle n'en peut être
légitimement dépossédée. Avec ces arrérages,
joints à ses autres revenus, elle fait face au
payement des intérêts qu'elle doit aux caisses
d'épargne. Si ces intérêts diminuent, elle réa-
lise une économie dont elle ne doit compte à
personne. Sa réserve s'ehrichit, et nul n'est
fondé à protester contre cet accroissement il
ne saurait, en aucun cas, être réclamé par l'E-
tat et se voir reversé sur le budget. Admet-on,
au contraire, que les rentes délivrées à la
Caisse des dépôts et consignations n'ont pas
cessé dlappartenir à l'Etat que celui-ci est de-
meuré, malgré cette création et cette remise de
rentes, le véritable débiteur des caisses d'é-
pargne qu'il aurait, par exemple, dans l'hypo-
thèse d'un rehaussement du taux de l'intérêt,
à parfaire la différence entre les arrérages des
rentes et le taux effectivement garanti par la
loi aux caisses d'épargne? Dans ce cas, toute
économie réalisée peut lui revenir et être attri-
buée par lui au budget. La Caisse des dépôts
ne peut se dire lésée elle n'était qu'un inter-
médiaire, un instrument commode, mais irres-
ponsable.
Entre ces deux théories, nous concevons
parfaitement qu'on hésite. Ce que nous conce-
vons moins, c'est que des partisans de la se-
conde protestent quand on veut attribuer au
budget les économies provenant de la réduc-
tion de l'intérêt servi aux caisses d'épargne.
M. Hubbard, qui a prononcé hier un brillant
discours, n'a pas hésité à déclarer que les 1,200
millions en rente amortissable remis à la
caisse des dépôts et consignations par M. Léon
Say « sont restés la propriété de l'Etat ». S'il
en est ainsi, peu importe que ces titres, com-
me l'ajoute l'orateur, aient été « engagés en
quelque sorte entre les mains d'un tiers comme
garantie d'une dette toujours exigible ». L'E*-
tat, qui a cette dette et qui en doit les intérêts,
tient son engagement s'il les paye; il n'est pas
tenu d'y ajouter un centime.
Sa charge consiste en ces intérêts, et la loi
les modifie suivant les convenances de l'Etat,
ou mieux suivant la valeur réelle de l'argent.
La loi organique des caisses d'épargne a prévu
ces variations. Elles ne peuvent surprendre
personne. Le taux qui était dû naguère aux
caisses d'épargne était de 4 0/0. On le réduit à
g 25 0/0, ce qui, soit dit incidemment, est en-
core un taux excessif. L'Etat, en ne payant
plus que ce taux, ne réalise pas un bénéfice
il cesse de faire une perte, rien de plus.
Cette idée d'un bénéfice obtenu par l'Etat au
détriment de la petite épargne a joué un grand
rôle dans la discussion d'hier. M. Hubbard l'a
présentée sous les aspects les plus divers, va-
riant ses formules avec une souplesse et une
ingéniosité auxquelles nous rendons bien vo-
lontiers hommage. « L'argent déposé aux cais-
ses d'épargne, s'est-il écrié, n'est pas un ar-
gent avec lequel on joue en quelque sorte pour
rBéliser un bénéfice. » Et ailleurs « Prenez
garde On dira que, dans ce budget d'où vous
et, au pied, le coquet berceau de l'enfant; un
vaste fauteuil, une armoire et une toilette, un
chiffonnier, une table à manger; quelques gra-
vures sous passe-partout aux murs et, au mi-
lieu, un diplôme de bachelier encadré, au nom
de Bérard; sur les meubles, des chiffons de
femmes, des broderies, quelques romans, des
morceaux de musique; par une porte entr'ou-
verte, on apercevait une seconde chambre à
coucher avec un lit à rideaux blancs et- ce
qui n'était pas la moindre surprise -un piano.
Déjà, en traversant le couloir, le docteur avait
vu une petite cuisine proprette, bien rangée,
avec une batterie flambante dont les cuivres
accrochaient la lumière et brillaient, entretenus
comme des casques de dragons.
Tout cela ne représentait guère l'installation
d'un malheureux réduit à la mendicité.
̃ Ma femme est absente en ce moment, dit
Antoine; elle rentrera à onze heures et demie;
elle accompagne tous les jours notre fille aînée
au Conservatoire et chez un professeur de
chant qui lui trouve une très belle voix et as-
sure que dans un ou deux ans au plus elle
pourra gagner une fortune. C'est le charme
de la maison, mon Elise, et, dans mon
malheur, Dieu m'a laissé au moins une
grande consolation; je suis ingrat quand je l'ac-
cuse de cruauté Tous les soirs, ma fille chante
pour moi, et je m'endors bercé par des mélodies
divines! Celait une jolie enfant, il y a trois
ans; aujourd'hui il paraît qu'elle est superbe
Ah! que je voudrais la voir! L'entendre ne
suffit pas Mais c'est ma. petite Caroline,
cette enfant qui dort là, près de nous, nous
l'appelons Line par abréviation, c'est cette
chère petite que je souffre de ne pouvoir con-
templer D'Elise j'ai encore un souvenir;
tous ses traits sont photographiés dans ma mé-
moire, et à mesure que les jours s'écoulent je
suis en quelque sorte, dans ma nuit, le travail
de transformation du temps; je développe les
traits, je grandis les contours, je fais de l'en-
fant de quatorze ans, au dessin encore indécis,
la belle jeune fille de dix-sept ans en pleine pos-
session de sa beauté; je suis sûr que, si je me
réveillais aujourd'hui, je n'aurais pas d'éton-
nement à la regarder; elle doit ressembler à
l'épreuve définitive que perçoit ma vue inté-
rieure. Mais ce petit ange, ma Line, que je n'ai
jamais vue Tout le monde l'aime, la caresse,
la dit jolie, adorable; moi seul n'ai jamais eu
cette joie de l'admirer I Pauvre enfant! elle
avez écarté tous les impôts nouveaux, il n'y a
qu'une seule ressourcenouvelle:c'estl'impôtsur
les économies des classes laborieuses.» M. Laro-
che-Joubert a abondé dans ce sens. L'idée est,
pourtant, manifestement inexacte.
L'Etat, quand il a remis des rentes à la
Caisse des dépôts et consignations, n'a pu vou-
loir abroger implicitement la loi de 1837 et re«
noncer à la faculté de réduction du taux de
l'intérêt qui s'y trouve stipulée en sa faveur.
Cette opération toute spéciale qu'il a conclue
avec la Caisse des dépôts eût pris un caractère
bien étrange si elle eût été l'équivalent d'une
telle abrogation. L'Etat aurait fixé pour soixan-
te-six ans, ou même, en ce qui concerne la
dernière consolidation, à perpétuité, un taux
d'intérêt pour cette partie des capitaux des
caisses d'épargne? Il aurait consenti à une telle
perte, bien que connaissant très bien la loi éco-
nomique de la diminution de l'intérêt? II est
difficile de le croire. En tout cas, si l'Etat
abaisse aujourd'hui, conformément à la loi de
1837, le taux de l'intérêt servi aux caisses d'é-
pargne, sans faire de distinction entre les fonds
représentés par des valeurs diverses et ceux
qui ont pour contre-partie les rentes provenant
des deux consolidations, il ne fait qu'éviter une
perte: il ne réalise aucun bénéfice.
M. Wilson l'a parfaitement démontré hier,
mais il n'a pas réussi à dissiper l'impression
qu'avait laissée la véhémente allocution de M.
Hubbard. Par 267 voix contre 249, la Chambre
a donné raison à celui-ci. Le budget de 1887 y
perd 8 millions. Qu'on ne soit^ pas en peine
pour si peu M. Hubbard a rappelé qu'il y avait
encore 25 millions à la « réserve du budget ».
Elle descendra à 17 millions, voilà tout. Pauvre e
réserve pauvre budget 1
AFFAIRES COLONIALES
Algérie
On nous écrit d'Alger
fi La Société des courses de Biskra vient d'inaugu-
rer une course de méharis, ou chameaux, à grande
vitesse. La départ a eu lieu à Tuggurt, distant de
Biskra de 225 kilomètres; le gagnant a franchi
cette distance en 26 heures, le second en 29 et le
troisième en 30. Cet exemple prouve surabondam-
ment tout le parti que l'on pourrait tirer des mé-
haris pour organiser dans le Sud des colonnes vo-
lantes.
Cette création est depuis longtemps à l'étude
dans les bureaux du ministère de la guerre; l'ex-
périence que vient de faire la SociéLé des courses
de Biskra en hâtera sans doute la solution.
Le chiffre de la récolte de vin de 1886 est, pour
toute l'Algérie, de 1,567,284 hectolitres, dont 624,347
pour la province d'Alger, 385,556 pour celle de
Constantine, et 559,381 pour celle d'Oran ce qui
constitue sur 1885 une augmentation de 550,981
hectolitres.
Nouvelles maritimes et coloniales
La commission parlementaire des cadres de la
marine a terminé l'étude des cadres des mécani-
ciens et a fixé ainsi que suit les effectifs
2 mécaniciens inspecteurs enchef,ayant rang de
capitaines de vaisseau; un à Paris, l'autre dispo-
nible pour les missions;
12 mécaniciens en chef, assimilés aux capitaines
de frégate, qui seront répartis entre les cinq arse-
naux, l'escadre et les divisions navales les plus
importantes, 10 d'entre eux étant en service actif
et 2 disponibles
50 mécaniciens principaux assimilés aux lieute-
nants de vaisseau;
200 mécaniciens assimilés aux enseignes de
vaisseau.
La commission n'a pas approuvé la création du
grade d'aide mécanicien et a, en conséquence,
supprimé les 350 officiers de ce grade prévus par
le projet du ministre. Elle estime que les pre-
miers-maîtres mécaniciens suffisent pour assurer
le service en sous-ordres.
Les premiers-maîtres passeront au grade supé-
rieur, les deux tiers au choix et un tiers à l'an-
cienneté, à condition toutefois qu'ils aient subi
d'une façon satisfaisante un examen dont le pro-
gramme sera fixé par le ministre.
Les mécaniciens de la marine seront retraités
aux mêmes âges que les officiers de marine.
En somme, la commission donne satisfaction en-
tière au corps si méritant et si utile dont elle vient
de s'occuper. M. Gerville-Réache, rapporteur de la
loi en ce qui concerne les officiers de marine, a été
également chargé du rapport sur le personnel su-
périeur des machines.
On achève en ce moment une vente de livres
assez considérable qui n'aura pas tenu moins de
neuf séances à la salle de la rue des Bons-Enfants,
bien que l'on ait pris soin, pour aller plus vite, de
grouper un grand nomhre d'ouvrages par petits
lots de huit ou dix. La bibliothèque ainsi dispersée
est celle de M. Charles de Mandre, un homme du
monde, peintre amateur et veneur passionné, très
mêlé il y a une trentaine d'années au monde litté-
raire et même un peu à la politique, car il avait
prêté son domaine retiré pour une conférence se-
crète entre Napoléon III et Cavour. Cette biblio-
thèque était composée en grande partie de livres
modernes dont beaucoup ne sont point rares
mais ce qui en faisait le caractère particulier, c'est
que presque tous les volumes étaient rehaussés
par l'addition d'autographes. Non seulement M.
de Mandre lui-même recherchait les autogra-
phes pendant ses excursions à Paris, mais ses
amis et ses hôtes avaient pris intérêt à sa pour-
suite et la continuaient pendant qu'il chassait au
loin quelques écrivains de son intimité, comme
Jules Sandeau, Toussenel, Eugène Guinot, M. Mar-
mier, écrémaient à son intention leur correspon-
dance personnelle. La moisson ainsi faite a été cçh
ne comprend pas encore le malheur qui m'ac-
cable dans son babil inconscient, il y a parfois
des mots qui sont comme un nouveau déchi-
rement d'une blessure, et font cruellement
saigner ma douleur! L'autre jour, sa mère
lui avait mis une robe neuve. « Vois donc,
père, comme je suis belle, me dit-elle.» Et com-
me mes pauvres yeux, sans regard, ne lui ré-
pondaient pas « Hou le méchant papa qui
ne me regarde seulement pas » ajouta-t-elle.
Ah! la chère innocente, quel mal elle m'a fait!
Les larmes m'étouffaient; je suis allé pleurer
dans la chambre à côté pour ne pas l'attrister I
Pauvre homme fit le docteur ému.
Alors, vous comprenez monsieur, que
lorsqu'avec l'autorité de la science vous ve-
nez me dire Je vous rendrai la vue; lorsqu'il
semble que, comme Jésus, vous n'avez qu'à
imposer vos doigts sur mes yeux pour les rou-
vrir à la lumière, vous comprenez mon émo-
tion, mes angoisses, mon espoir et mes ter-
reurs Si vous vous trompiez! Si, après
m'avoir grisé de cette divine espérance de voir
le ciel, le soleil, les fleuves et, par dessus tout,
mon enfant, vous alliez être impuissant contre
cette ombre qui m'a terrassé, que deviendrais-
je alors? J'aurais dépassé la limite du déses-
poir et je n'aurais plus qu'à mourir! Voyons,
monsieur, nous sommes seuls examinez-moi
donc bien. Ne me leurrez pas! S'il y a doute,
n'entreprenez rien Si vous êtes sûr de vous,
ordonnez telle opération, tel supplice que vous
voudrez; je suis prêt! Et alors je croirai aux
miracles!
Wianowiez le soumit à un examen appro-
fondi, après quoi il lui dit
Mon ami, je ne suis pas un faiseur de mi-
racles, et cependant je puis vous affirmer main-
tenant que je vous rendrai la vue Votre affec-
tion est parfaitement connue et caractérisée;
dans notre glossaire spécial, elle est indiquée
sous le nom de glaucome on en vient à bout
au moyen d'une opération expérimentée, avec
un succès à peu près constant, par la science
moderne et que l'on nomme Y Irideclomie la
guérison, c'est-à-dire le retour de la vision, ̃
suit presque immédiatement l'opération.
Et, entrant dans les détails, pour le rassurer
et le convaincre, il lui décrivit le mal, ses ça»*
ses et l'opération qu'il aurait à subir.
ALPHONSE DE LAUNAY.
(A suivre.)
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