Titre : La Croix de la Lozère
Éditeur : [s.n.] (Mende)
Date d'édition : 1906-02-18
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327530478
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 18 février 1906 18 février 1906
Description : 1906/02/18 (A17,N905). 1906/02/18 (A17,N905).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG48 Collection numérique : BIPFPIG48
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t53622407g
Source : Archives éditeur Lozère Nouvelle, 1 PER 212
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 18/12/2023
DIMANCHE 18 FÉVRIER 1906
Paraît tous les Dimanches
DIX-SEPTIEME ANNÉE — N° 905
LE CHRIST VAINQUEUR
PROTESTATION
MF L'EVEQUE DE MENEE
contre
L'ENVAHISSEMENT DE LA CATHEDRALE
Nous lisons dans la Semaine Religieuse:
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous signaler un
fait que je ne puis qualifier autrement
que d'attentat au libre exercice dés
Cultes inscrit à l'article 1er de la loi
de Séparation, qui a été commis ven¬
dredi matin, 9 février, dans ma ca¬
thédrale, à l'occasion de l'inventaire
auquel on allait procéder.
Non content d'empêcher l'accès de
l'édifice aux fidèles, qui voulaient y
prier librement, par un déploiement
extérieur de force armée que rien ne
justifiait, M. le Commissaire de police
s'est permis d'introduire à l'intérieur
une compagnie du 142° de ligne,
alors que rien non plus ne motivait
cet envahissement. Il a pénétré dans
le Lieu-Saint avec la troupe armée,
gardant insolemment son chapeau sur
la tête, comme s'il était dans la rue ;
il a agi ainsi alors qu'aucun membre
du clergé, chargé de la police de
l'église, ne l'avait appelé, alors qu'au¬
cune agitation extérieure, aucun dé¬
sordre intérieur ne pouvaient auto¬
riser cette invasion brutale et scan¬
daleuse. Je lui en ai fait vainement
l'observation; c'est ce qui m'oblige à
protester hautement auprès de vous
contre l'attitude inconvenante de cet
agent, contre l'acte qu'il a dirigé, qui
est, je le répète, souverainement at¬
tentatoire à la liberté du culte, contre
son illégalité par conséquent et aussi
contre son caractère de provocation
gratuite à l'adresse d'une population
croyante qui assistait, attristée et in¬
dignée, mais cependant paisible, à
cette violation de la liberté religieuse.
Je vous prie, Monsieur le Préfet,
de recevoir ma protestation et de lui
donner la suite qu'elle comporte en¬
vers celui qui est l'auteur responsable
de cet acte, me réservant d'en appeler
à la justice de l'opinion publique.
"veuillez agréer, etc.
Henri-Louis,
Evêque de Mende.
LES INVENTAIRES
Le Moniteur prétend que l'inventaire
des églises est rationnel.
C'est un mensonge.
Nous l'avons suffisamment qualifié,
avec preuves à l'appui, dans notre der¬
nier numéro, pour ne pas y revenir.
Le Moniteur compare les inventaires
des églises que vont prendre les associa¬
tions cultuelles, aux inventaires des
fermes que se transmettent les fermiers.
Pas du tout. Voici la différence:
Si, dans votre ferme, un étranger de
réputation louche, comme le gouverne¬
ment actuel, venait faire votre inven¬
taire, chez vous et malgré vous, n'est ce
pas que vous le flanqueriez à la porte,
sans forme de procès?
D'autre part, les biens des églises sont
sacrés et ne regardent pas le Gouverne-
-ment. Le Pape et l'évêque seuls ont le
droit de faire dresser les inventaires de
ces biens. Et le Gouvernement ne peut
intervenir que si on fait appel à ses tri¬
bunaux ou à sa police.
L'inventaire est donc abusif.
De plus, il est reconnu comme cer¬
tain, même au ministère, que le Pape
n'acceptera pas la loi de Séparation.
Donc les associations cultuelles ne pour¬
ront pas être établies et par suite
l'Etat n'aura pas à leur faire trans¬
mettre les biens inventoriés. Qu en
fera-t il? Il les confisquera. Et les prê¬
tres ou les fabrieiens qui auraient
prêté leur concours à 1 inventaire
seraient les coopérateurs de la
confiscation des biens d'église.
CROIX
mm
Un an
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locale pour le journal.
Et au Bureau du Journal pour les annonces locales.
L'Inventaire à la Cathédrale
Mende en état de siège
INVASION DE LA CATHÉDRALE
Le 142' d'Infanterie fracasse la porte de la Sacristie
L'état de siège
L'inventaire à la Cathédrale était
fixé au vendredi, 8 février, à 10 h.
du matin. La loi sur la Séparation est
tellement abominable qu'on ne peut
l'appliquer qu'avec le secours des
baïonnettes, sous les huées de la na¬
tion. Les opérations au Grand Sémi¬
naire de Mende furent si laborieuses,
qu'on redoutait de graves bagarres
autour de la Cathédrale. Aussi la
police avait pris des mesures sévères.
On avait appelé des gendarmes de
Marvejols, de Chanac, de St-Etienne,
de Rieutort, du Bleymard. Les 600
hommes de la garnison, mobilisés,
étaient sur pied.
Un office funèbre avait lieu à 9 h.
Cette coïncidence empêcha quelques
hardi9 manifestants de s'enfermer
dans l'édifice et d'en barricader les
portes.
Le deuil put entrer en liberté, mais
aussitôt après, les tambours des por¬
tes du nord et du midi furent occu¬
pés par quatre ou cinq gendarmes
chacun, avec défense de laisser péné¬
trer personne. En même temps, trois
compagnies du 142e quittaient la ca¬
serne au pas accéléré et entouraient
la Cathédrale. Une trentaine de gen¬
darmes à cheval balayaient les places
Sainte-Marie, Chaptal et de la Pré¬
fecture, et fermaient toutes les rues
débouchant sur ces places: interdic¬
tion de stationner même sur les bou¬
levards. Les curieux étaient écartés à
cent mètres autour de l'édifice. Les
chevaux des gendârmes montaient
jusque sur les trottoirs des places,
pour en chasser le public. On forçait
même les habitants des maisons à
rentrer chez eux.
La foule, accompagnant le deuil, dé¬
fila entre les rangs des troupes, stu¬
péfaite de ce déploiement de forces.
On se repentit d'avoir quitté la Cathé¬
drale ; on voulut rentrer, mais on fut
repoussé de partout. 150 personnes
tout au plus étaient restées dans la
grande nef, pour attendre les événe¬
ments. Quelques intrépides s'étaient
barricadés dans le grand clocher où,
durant deux heures, ils sonnèrent
lugubrement le glas de la Liberté.
M. Arnault conspué
A 9 h. 50, l'Inspecteur Arnault et
le commissaire de police se présen¬
tent à la porte du nord. Après avoir
franchi le tambour, gardé par quatre
gendarmes, ils se trouvent en face
d'une barrière vivante: les fabriciens
au premier rang, derrière eux un
groupe compact. Ils sont accueillis
par une formidable huée : Hou ! hou!
A la porte ! Vive le Christ ! Liberté!
M. Arnault blêmit et recule. Il sort
et crie: A moi les soldats ! Un déta¬
chement se précipite vers lui. — En¬
core dit-il. D'autres escouades accou¬
rent, Alors le passage est forcé. Les
soldats, poussant et se poussant, font
une trouée dans la foule. C'est une
mêlée enragée. M. Arnault s'avance,
presque porté par les soldats, sous
les huées et les cris de réprobation.
Les hou ! hou ! résonnent effrayants
dans la nef sonore.
A voir l'énergie des manifestants,
on pouvait prévoir que s'il y avait eu,
dans la Cathédrale quelques personnes
de plus, ou bien M. Arnault n'entrait
pas, ou s'il entrait, était écharpé,
foulé, piétiné.
Protestation de Monseigneur
Monseigneur Bouquet, debout, à
l'entrée du chœur et entouré de nom¬
breux prêtres, impose silence à la
foule. Il a besoin de toute son auto¬
rité pour obtenir un calme relatif. Il
lit à M. Arnault la protestation sui¬
vante, dans laquelle le nom du Pape
est frénétiquement applaudi :
« L'Evêque de Mende déclare, au
sujet de l'inventaire de ia cathé¬
drale, ne donner aucune approba¬
tion à la loi de Séparation, en ce
qu'elle a de contraire aux droits de
l'Eglise, ni un acquiescement quel¬
conque à l'aliénation d'uie partie,
si minime qu'elle soit, ces objets
du culte appartenant à la cathé¬
drale de Mende, ou à leur trans¬
mission à qui que ce soit, tant que
le Souverain Pontife ne l'y aura pas
autorisé.
« L'Evêque de Mende déclaré, en
outre, faire toutes les réserves que
de droit au sujet de l'édifice de la
cathédrale et de certains objets
qu'elle renferme: de l'édiîce, parce
qu'il a été construit et restauré par
se^ prédécesseurs, lui-même, a con¬
tribué, pour de fortes sommes, à la
construction du portail ; des objets
du culte, entendant bien qu'on ne
devra pas comorendre dans l'in¬
ventaire susdit : 1° la chaire ac¬
tuelle qui est sa propriété; 2° le
mobilier de la chapelle qui lui est
réservée, qui est égalemmt sa pro¬
priété; 3° tout le mécanisme inté¬
rieur des orgues qui a été renou¬
velé à ses frais ; 4° l'instillation de
la lumière électrique payée de ses
deniers ; 5° tous les objets pieux
garnissant les chapelles, lesquels
objets appartiennent aux personnes
qui en ont la charge et l'entretien,
pouvant les enlever et les rempla¬
cer à leur gré.
« Ces dernières réserves ont pour
but de bien établir que les objets
mobiliers dont il s'agit, s'ils étaient
inventoriés ou ceux qui leur seraient
substitués peuvent, en tout temps,
malgré l'inventaire, être revendi¬
qués et retirés par leurs légitimes
propriétaires et ne sauraient, sans
leur consentement exprès, faire
l'objet d'une dévolution quelcon¬
que, au profit d'une association
cultuelle, même si le Souverain
Pontifo autorisait cette association. »
Après avoir lu sa protestation, Mgr
Bouquet se retire, accompagné par
ses deux vicaires généraux.
Alors les officiers organisent le ser¬
vice d'ordre. Ils rejettent les femmes
dans la nef et les hommes dans le
chœur. Les soldats se forment en
carré : Vingt s'alignent devant la table
de communion ; en face, une colonne
cerne les bancs ; les autres arrêtent
sur les côtés, la circulation dans les
déambulatoires.
Le cantique : Nous voulons Dieu est
enlevé avec entrain.
Cette invasion violente de culottes
rouges dans l'église de Dieu fait mai
à voir. Jusqu'ici nous avons constaté
l'illégalité. Illégalité, l'occupation des
portes par les gendarmes, illégalité
l'irruption des troupes dans le sanc¬
tuaire. Le curé, seul chef de la police
intérieure, n'a pas même été prévenu.
Illégalité, tout à l'heure, dans le dé¬
faut de sommations. Illégalité dans le
défaut de crochetage.
On voit bien que les catholiques
sont traités en parias et que la Ma¬
çonnerie les rejette hors du droit
commun.
On brise Sa porte
de la sacristie
M. Arnault avait hâte de s'enfer¬
mer quelque part, pour arracher sa
personne aux manifestations hostiles.
Il se dirige vers ia porte de la sacris¬
tie. Elle est fermée. Inspecteur, com¬
missaire, commandant et capitaine de
gendarmerie sont vivement contra¬
riés. Ils n'avaient pas prévu cet acci¬
dent. Ils se concertent. Que faire?
On va chercher l'archiprêtre, M.
Thérond. Celui-ci répond qu'il n'a pas
fermé lui-même et qu'il n'a pas les
clefs.
— Alors, nous devons enfoncer la
porte ?
— Je n'ai pas d'ordres à donner,
réplique-t-il, faites ce que vous
voudrez.
On appelle quatre soldats, qui dé¬
posent leurs fusils et procèdent par
poussées. La porte gémit, mais résiste
à l'effort. Deux soldats se joignent
aux quatre premiers et on s'acharne,
avec ensemble, à coups d'épaule :
peine perdue.
Cette porte est en bois de noyer
doublé de pin. Ses quatre panneaux
sculptés ont été empruntés aux an¬
ciennes boiseries du chœur. Elle est
fort belle. Si M. Molinié, le commis¬
saire au menton de concours, eut eu
quelque souci de l'art, il aurait com¬
mencé par épuiser tous les moyens
de crochetage. Il préféra se conduire
en vandale
Il réquisitionne les sapeurs de la
garnison, qui vont chercher leurs ou¬
tils à la caserne. Entre temps, un cer¬
tain Trincot apporte de la Préfecture
un énorme levier. Il est hué par la
foule au dehors.
Les soldats se mettent à l'œuvre :
ils frappent, au droit de la serrure, à
coups d'herminette d'abord (pioche
aiguisée) puis à coups de hache. Les
premiers coups interrompent les
chants : le silence est impressionnant .
Un groupe d'hommes compact, dans la
stalle qui fait face à la sacristie, comp¬
tent, à haute voix, les coups de hache,
coupés de cris de réprobation. Puis,
dans les oreilles d'Arnault entouré de
gendarmes, on lance le cantique:
A la mort, pécheur tout finira
A la mort, le Seigneur te jugera.
Au premier mot : A la mort I les po¬
liciers croyant entendre un cri sédi¬
tieux, lèvent la tête, puis abaissent
leurs regards à terre, en mordillant
leurs moustaches. L'Inspecteur est
toujours blême. Là haut, le gros
bourdon sonne lentement son glas.
Les soldats continuentleur besogne.
La hache a découvert une partie de
la serrure. On entrebaille, en bas,
avec le levier, les deux battants et on
force celui de droite, pendant qu'on
frappe avec un marteau de forgeron
sur la serrure. Enfin la serrure se
tord sur ses deux boulons d'arrière et
le pêne sort de sa gâche : un pêne à
deux gros becs de huit centimètres
de long. On avait mis exactement
demi-heure à enfoncer la porte et les
assistants ont compté plus de deux
cents coups.
L'Inventaire
L'inspecteur et ses satellites entrent
et on commence l'inventaire. Les
deux témoins sont deux imberbes :
Léon Bringer et Dupré, beau-frère de
M. Augé, inspecteur des enfants assis¬
tés du département. Bringer fait fonc¬
tion de secrétaire.
M. Arnault est correct. Il enregis¬
tre les protestations et les réclama¬
tions des particuliers. Il exécute en¬
tièrement son travail à la sacristie et
n'a pas la moindre envie de parcourir
la cathédrale. Il en indique le motif
dans son inventaire : « Bancs et chai¬
ses dont il est impossible de détermi¬
ner le nombre, à cause de l'a/fluence et
de l'hostilité de la foule ». On voit
qu'il vise à gagner du temps et à las¬
ser la patience des manifestants. Mais
les Parce, A la mort, Nous voulons Dieu,
résonnent deux heures durant sans
interruption. L'Inspecteur s'amuse à
inventorier une pelote, un arrosoir,
un bidon de pétrole, l'essuie-main du
lavabo, etc.
— En route pour le milliard, lui
disent des facétieux.
La chapelle de Saint-Privat
A un moment donné, nous voyons
la chapelle de Saint-Privat brillam¬
ment illumiuée. Nous courons aux
informations.
Un des assistants nous dit :
— Voilà. Ce matin, on avait fait
une pancarte: Chapelle entretenue par
Mme Arnault, mère. Un condisciple
de M. Arnault, par pitié, l'a jetée
dans le poêle de la sacristie. Mais
nous voulons que cette chapelle pro¬
teste, au nom d'une sainte femme,
contre la besogne dont se charge son
fils.
Et nous nous retirons, exécrant
une fois de plus la loi scélérate, qui
oblige de malheureux employés à
briser, de leurs propres mains, les
traditions les plus sacrées de leurs
familles.
M. Arnault reconspué
Il est midi un quart. M. Arnault
sort enfin de la sacristie. Il est ac¬
cueilli et accompagné jusqu'à la
porte du nord, par de nouvelles
huées: Hou! hou! au voleur! à la
porte ! Puis, dans la clameur, se
détache sec et strident le cri scandé
sur l'air des lampions : Li-ber-té.
L'unanime réprobation le pousse de¬
hors. Il est entouré de soldats, mais
au lieu de rentrer chez lui, il dispa¬
raît dans la porte orientale de la
Prélecture.
La rue de la Cathédrale est toujours
gardée, ainsi que la place de la Pré¬
fecture. Mais ça et là des groupes
ont pu se former, malgré l'activité
des gendarmes: ils ont manifesté
leur indignation et chanté des cari-
tiques. Les cloches, pendant deux
heures, n'ont cessé de sonner des
glas et des tocsins ou de carillonner
éperdûment.
A la porte de la sacristie
Soldats et gendarmes évacuent la
Cathédrale derrière M. Arnault, et la
porte du midi est libre la première.
La foule se précipite. Au dehors, le
temps est affreux ; il neige à ne pas
se voir à deux pas. On entre, blancs
comme des spectres ; les femmes ont
des bérets de neige.
Tout le monde court à la sacristie.
La porte est ouverte. Le battant de
droite est labouré de coups de hache,
et la serrure pend misérablement,
retenue par ses deux derniers bou¬
lons. Des débris de bois jonchent le
sol: on les emporte en souvenir.
Les uns pleurent, les autres lancent
tout haut leur indignation.
Une femme conduit son enfant par
la main et lui montrant la serrure
brisée, lui dit ces mots :
— T'en soubendras, moun droie,
de so que beses uèi.
L'affiuence grossit et les vicaires
sont obligés d'organiser un service
d'accès et de sortie, pour éviter l'en¬
combrement.
Allocution de M. le Curé
Le grand autel est illuminé comme
aux jours de fête. M. l'Archiprêtre se
présente devant la table de commu¬
nion et prononce une courte allocu¬
tion.
Il proteste contre l'envahissement
de la Cathédrale par la force armée,
et dit son espoir en l'avenir. Quand
la grêle tombe, l'orage est près de sa
fin. L'Eglise est immortelle et enterre
tous ses persécuteurs.
Les énergiques paroles de M. le
Curé ont été couvertes d'applaudis¬
sements.
La bénédiction a été donnée par
M. l'abbé Prieur, vicaire général, de¬
vant une foule très recueillie. Les
chants étaient enlevés avec une viva¬
cité qui leur donnait le caractère
d'une vibrante protestation contre
l'affront que venaient de subir les ca¬
tholiques mendois.
La frousse à la Préfecture
A la sortie, il était midi et demi.
Les opérations avaient duré près de
trois heures. La Préfecture était mi¬
litairement gardée. On avait cons¬
cience de la réprobation populaire et
on s'attendait à des manifestations
hostiles. Le mauvais temps a été un
excellent auxiliaire de la loi.
Le soir, un loustic, pour se payer la
tête de la police, lança le bruit:
— M. Daudé est arrivé de Paris et
va descendre avec 400 montagnards.
Le Préfet était absent. Le secré¬
taire général se fit garder par la
troupe jusqu'à dix heures du soir.
Jusqu'à la même heure, la garnison
fut sous les armes, à la caserne, prête
à partir à la première alarme.
Conclusion .
Les inventaires ne peuvent donc
être faits que sous la protection des
baïonnettes. La loi sur la Séparation
est universellement réprouvée par le
peuple. Les législateurs, qui l'ont faite
ont trahi leur mandat, et porteront
devant l'histoire, la responsabilité de
la guerre qu'ils ont déchainèe.
M. Jacques PIOU
A MENDE
Samedi dernier, arrivaient, à Men¬
de, par le train de Paris, M. Jacques
Piou et M. Daudé, sénateur.
M. Piou est descendu à l'Hôtel
Manse. Accompagné de M. Daudé, il
a fait une visite aux personnalités
mendoises et a reçu tous nos amis.
Il a produit la plus heureuse im¬
pression. De haute taille, figure très
sympathique, d'abord facile, très fin
causeur, il allie la distinction à la
bonhomie. Sa qualité maîtresse est
la bonté.
Sa candidature est accueillie à
Mende avec enthousiasme. Sa tournée
dans l'arrondissement déterminera un
mouvement irrésistible qui aboutira
au triomphe que l'Action Libérale at¬
tend, de ia Lozère, pour son vénéré et
illustre Président.
M. Piou était venu dans l'intention
d'ouvrir sa campagne électorale Mais
le mauvais temps ayant interrompu
les communications dans la monta¬
gne, il n'a pu exécuter son projet. II
est reparti lundi pour Paris avec M.
Daudé, décidé à revenir aussitôt que
le pays sera débarrassé des neiges.
M. Piou s'est retiré enchanté de
l'accueil qu'il avait trouvé parmi
nous. Son secrétaire, M. Laya, s'est
mis en Contact avec le comité men¬
dois de l'Action Libérale et a gracieu¬
sement mis à notre disposition l'in¬
fluence et l'action du Comité central
de Paris.
VIVE M. PIOU!
C'est à peine si nous nous sommes mis
en contact avec nos amis, et déjà nous
constatons que la candidature de M.
Piou est accueillie avec sympathie
dans l'arrondissement de Mende.
Nous détachons, au hasard, quelques
extraits de notre correspondance, nous
bornant, pour ne pas encombrer :
Aurons. — Auroux a donné à deux
reprises une belle majorité à M. Daudé;
nous espérons que notre commune en
fera autant pour l'illustre Monsieur Piou
dont la candidature s'annonce bien : elle
est en effet un grand honneur pour la
Lozère.
Paraît tous les Dimanches
DIX-SEPTIEME ANNÉE — N° 905
LE CHRIST VAINQUEUR
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MF L'EVEQUE DE MENEE
contre
L'ENVAHISSEMENT DE LA CATHEDRALE
Nous lisons dans la Semaine Religieuse:
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous signaler un
fait que je ne puis qualifier autrement
que d'attentat au libre exercice dés
Cultes inscrit à l'article 1er de la loi
de Séparation, qui a été commis ven¬
dredi matin, 9 février, dans ma ca¬
thédrale, à l'occasion de l'inventaire
auquel on allait procéder.
Non content d'empêcher l'accès de
l'édifice aux fidèles, qui voulaient y
prier librement, par un déploiement
extérieur de force armée que rien ne
justifiait, M. le Commissaire de police
s'est permis d'introduire à l'intérieur
une compagnie du 142° de ligne,
alors que rien non plus ne motivait
cet envahissement. Il a pénétré dans
le Lieu-Saint avec la troupe armée,
gardant insolemment son chapeau sur
la tête, comme s'il était dans la rue ;
il a agi ainsi alors qu'aucun membre
du clergé, chargé de la police de
l'église, ne l'avait appelé, alors qu'au¬
cune agitation extérieure, aucun dé¬
sordre intérieur ne pouvaient auto¬
riser cette invasion brutale et scan¬
daleuse. Je lui en ai fait vainement
l'observation; c'est ce qui m'oblige à
protester hautement auprès de vous
contre l'attitude inconvenante de cet
agent, contre l'acte qu'il a dirigé, qui
est, je le répète, souverainement at¬
tentatoire à la liberté du culte, contre
son illégalité par conséquent et aussi
contre son caractère de provocation
gratuite à l'adresse d'une population
croyante qui assistait, attristée et in¬
dignée, mais cependant paisible, à
cette violation de la liberté religieuse.
Je vous prie, Monsieur le Préfet,
de recevoir ma protestation et de lui
donner la suite qu'elle comporte en¬
vers celui qui est l'auteur responsable
de cet acte, me réservant d'en appeler
à la justice de l'opinion publique.
"veuillez agréer, etc.
Henri-Louis,
Evêque de Mende.
LES INVENTAIRES
Le Moniteur prétend que l'inventaire
des églises est rationnel.
C'est un mensonge.
Nous l'avons suffisamment qualifié,
avec preuves à l'appui, dans notre der¬
nier numéro, pour ne pas y revenir.
Le Moniteur compare les inventaires
des églises que vont prendre les associa¬
tions cultuelles, aux inventaires des
fermes que se transmettent les fermiers.
Pas du tout. Voici la différence:
Si, dans votre ferme, un étranger de
réputation louche, comme le gouverne¬
ment actuel, venait faire votre inven¬
taire, chez vous et malgré vous, n'est ce
pas que vous le flanqueriez à la porte,
sans forme de procès?
D'autre part, les biens des églises sont
sacrés et ne regardent pas le Gouverne-
-ment. Le Pape et l'évêque seuls ont le
droit de faire dresser les inventaires de
ces biens. Et le Gouvernement ne peut
intervenir que si on fait appel à ses tri¬
bunaux ou à sa police.
L'inventaire est donc abusif.
De plus, il est reconnu comme cer¬
tain, même au ministère, que le Pape
n'acceptera pas la loi de Séparation.
Donc les associations cultuelles ne pour¬
ront pas être établies et par suite
l'Etat n'aura pas à leur faire trans¬
mettre les biens inventoriés. Qu en
fera-t il? Il les confisquera. Et les prê¬
tres ou les fabrieiens qui auraient
prêté leur concours à 1 inventaire
seraient les coopérateurs de la
confiscation des biens d'église.
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INVASION DE LA CATHÉDRALE
Le 142' d'Infanterie fracasse la porte de la Sacristie
L'état de siège
L'inventaire à la Cathédrale était
fixé au vendredi, 8 février, à 10 h.
du matin. La loi sur la Séparation est
tellement abominable qu'on ne peut
l'appliquer qu'avec le secours des
baïonnettes, sous les huées de la na¬
tion. Les opérations au Grand Sémi¬
naire de Mende furent si laborieuses,
qu'on redoutait de graves bagarres
autour de la Cathédrale. Aussi la
police avait pris des mesures sévères.
On avait appelé des gendarmes de
Marvejols, de Chanac, de St-Etienne,
de Rieutort, du Bleymard. Les 600
hommes de la garnison, mobilisés,
étaient sur pied.
Un office funèbre avait lieu à 9 h.
Cette coïncidence empêcha quelques
hardi9 manifestants de s'enfermer
dans l'édifice et d'en barricader les
portes.
Le deuil put entrer en liberté, mais
aussitôt après, les tambours des por¬
tes du nord et du midi furent occu¬
pés par quatre ou cinq gendarmes
chacun, avec défense de laisser péné¬
trer personne. En même temps, trois
compagnies du 142e quittaient la ca¬
serne au pas accéléré et entouraient
la Cathédrale. Une trentaine de gen¬
darmes à cheval balayaient les places
Sainte-Marie, Chaptal et de la Pré¬
fecture, et fermaient toutes les rues
débouchant sur ces places: interdic¬
tion de stationner même sur les bou¬
levards. Les curieux étaient écartés à
cent mètres autour de l'édifice. Les
chevaux des gendârmes montaient
jusque sur les trottoirs des places,
pour en chasser le public. On forçait
même les habitants des maisons à
rentrer chez eux.
La foule, accompagnant le deuil, dé¬
fila entre les rangs des troupes, stu¬
péfaite de ce déploiement de forces.
On se repentit d'avoir quitté la Cathé¬
drale ; on voulut rentrer, mais on fut
repoussé de partout. 150 personnes
tout au plus étaient restées dans la
grande nef, pour attendre les événe¬
ments. Quelques intrépides s'étaient
barricadés dans le grand clocher où,
durant deux heures, ils sonnèrent
lugubrement le glas de la Liberté.
M. Arnault conspué
A 9 h. 50, l'Inspecteur Arnault et
le commissaire de police se présen¬
tent à la porte du nord. Après avoir
franchi le tambour, gardé par quatre
gendarmes, ils se trouvent en face
d'une barrière vivante: les fabriciens
au premier rang, derrière eux un
groupe compact. Ils sont accueillis
par une formidable huée : Hou ! hou!
A la porte ! Vive le Christ ! Liberté!
M. Arnault blêmit et recule. Il sort
et crie: A moi les soldats ! Un déta¬
chement se précipite vers lui. — En¬
core dit-il. D'autres escouades accou¬
rent, Alors le passage est forcé. Les
soldats, poussant et se poussant, font
une trouée dans la foule. C'est une
mêlée enragée. M. Arnault s'avance,
presque porté par les soldats, sous
les huées et les cris de réprobation.
Les hou ! hou ! résonnent effrayants
dans la nef sonore.
A voir l'énergie des manifestants,
on pouvait prévoir que s'il y avait eu,
dans la Cathédrale quelques personnes
de plus, ou bien M. Arnault n'entrait
pas, ou s'il entrait, était écharpé,
foulé, piétiné.
Protestation de Monseigneur
Monseigneur Bouquet, debout, à
l'entrée du chœur et entouré de nom¬
breux prêtres, impose silence à la
foule. Il a besoin de toute son auto¬
rité pour obtenir un calme relatif. Il
lit à M. Arnault la protestation sui¬
vante, dans laquelle le nom du Pape
est frénétiquement applaudi :
« L'Evêque de Mende déclare, au
sujet de l'inventaire de ia cathé¬
drale, ne donner aucune approba¬
tion à la loi de Séparation, en ce
qu'elle a de contraire aux droits de
l'Eglise, ni un acquiescement quel¬
conque à l'aliénation d'uie partie,
si minime qu'elle soit, ces objets
du culte appartenant à la cathé¬
drale de Mende, ou à leur trans¬
mission à qui que ce soit, tant que
le Souverain Pontife ne l'y aura pas
autorisé.
« L'Evêque de Mende déclaré, en
outre, faire toutes les réserves que
de droit au sujet de l'édifice de la
cathédrale et de certains objets
qu'elle renferme: de l'édiîce, parce
qu'il a été construit et restauré par
se^ prédécesseurs, lui-même, a con¬
tribué, pour de fortes sommes, à la
construction du portail ; des objets
du culte, entendant bien qu'on ne
devra pas comorendre dans l'in¬
ventaire susdit : 1° la chaire ac¬
tuelle qui est sa propriété; 2° le
mobilier de la chapelle qui lui est
réservée, qui est égalemmt sa pro¬
priété; 3° tout le mécanisme inté¬
rieur des orgues qui a été renou¬
velé à ses frais ; 4° l'instillation de
la lumière électrique payée de ses
deniers ; 5° tous les objets pieux
garnissant les chapelles, lesquels
objets appartiennent aux personnes
qui en ont la charge et l'entretien,
pouvant les enlever et les rempla¬
cer à leur gré.
« Ces dernières réserves ont pour
but de bien établir que les objets
mobiliers dont il s'agit, s'ils étaient
inventoriés ou ceux qui leur seraient
substitués peuvent, en tout temps,
malgré l'inventaire, être revendi¬
qués et retirés par leurs légitimes
propriétaires et ne sauraient, sans
leur consentement exprès, faire
l'objet d'une dévolution quelcon¬
que, au profit d'une association
cultuelle, même si le Souverain
Pontifo autorisait cette association. »
Après avoir lu sa protestation, Mgr
Bouquet se retire, accompagné par
ses deux vicaires généraux.
Alors les officiers organisent le ser¬
vice d'ordre. Ils rejettent les femmes
dans la nef et les hommes dans le
chœur. Les soldats se forment en
carré : Vingt s'alignent devant la table
de communion ; en face, une colonne
cerne les bancs ; les autres arrêtent
sur les côtés, la circulation dans les
déambulatoires.
Le cantique : Nous voulons Dieu est
enlevé avec entrain.
Cette invasion violente de culottes
rouges dans l'église de Dieu fait mai
à voir. Jusqu'ici nous avons constaté
l'illégalité. Illégalité, l'occupation des
portes par les gendarmes, illégalité
l'irruption des troupes dans le sanc¬
tuaire. Le curé, seul chef de la police
intérieure, n'a pas même été prévenu.
Illégalité, tout à l'heure, dans le dé¬
faut de sommations. Illégalité dans le
défaut de crochetage.
On voit bien que les catholiques
sont traités en parias et que la Ma¬
çonnerie les rejette hors du droit
commun.
On brise Sa porte
de la sacristie
M. Arnault avait hâte de s'enfer¬
mer quelque part, pour arracher sa
personne aux manifestations hostiles.
Il se dirige vers ia porte de la sacris¬
tie. Elle est fermée. Inspecteur, com¬
missaire, commandant et capitaine de
gendarmerie sont vivement contra¬
riés. Ils n'avaient pas prévu cet acci¬
dent. Ils se concertent. Que faire?
On va chercher l'archiprêtre, M.
Thérond. Celui-ci répond qu'il n'a pas
fermé lui-même et qu'il n'a pas les
clefs.
— Alors, nous devons enfoncer la
porte ?
— Je n'ai pas d'ordres à donner,
réplique-t-il, faites ce que vous
voudrez.
On appelle quatre soldats, qui dé¬
posent leurs fusils et procèdent par
poussées. La porte gémit, mais résiste
à l'effort. Deux soldats se joignent
aux quatre premiers et on s'acharne,
avec ensemble, à coups d'épaule :
peine perdue.
Cette porte est en bois de noyer
doublé de pin. Ses quatre panneaux
sculptés ont été empruntés aux an¬
ciennes boiseries du chœur. Elle est
fort belle. Si M. Molinié, le commis¬
saire au menton de concours, eut eu
quelque souci de l'art, il aurait com¬
mencé par épuiser tous les moyens
de crochetage. Il préféra se conduire
en vandale
Il réquisitionne les sapeurs de la
garnison, qui vont chercher leurs ou¬
tils à la caserne. Entre temps, un cer¬
tain Trincot apporte de la Préfecture
un énorme levier. Il est hué par la
foule au dehors.
Les soldats se mettent à l'œuvre :
ils frappent, au droit de la serrure, à
coups d'herminette d'abord (pioche
aiguisée) puis à coups de hache. Les
premiers coups interrompent les
chants : le silence est impressionnant .
Un groupe d'hommes compact, dans la
stalle qui fait face à la sacristie, comp¬
tent, à haute voix, les coups de hache,
coupés de cris de réprobation. Puis,
dans les oreilles d'Arnault entouré de
gendarmes, on lance le cantique:
A la mort, pécheur tout finira
A la mort, le Seigneur te jugera.
Au premier mot : A la mort I les po¬
liciers croyant entendre un cri sédi¬
tieux, lèvent la tête, puis abaissent
leurs regards à terre, en mordillant
leurs moustaches. L'Inspecteur est
toujours blême. Là haut, le gros
bourdon sonne lentement son glas.
Les soldats continuentleur besogne.
La hache a découvert une partie de
la serrure. On entrebaille, en bas,
avec le levier, les deux battants et on
force celui de droite, pendant qu'on
frappe avec un marteau de forgeron
sur la serrure. Enfin la serrure se
tord sur ses deux boulons d'arrière et
le pêne sort de sa gâche : un pêne à
deux gros becs de huit centimètres
de long. On avait mis exactement
demi-heure à enfoncer la porte et les
assistants ont compté plus de deux
cents coups.
L'Inventaire
L'inspecteur et ses satellites entrent
et on commence l'inventaire. Les
deux témoins sont deux imberbes :
Léon Bringer et Dupré, beau-frère de
M. Augé, inspecteur des enfants assis¬
tés du département. Bringer fait fonc¬
tion de secrétaire.
M. Arnault est correct. Il enregis¬
tre les protestations et les réclama¬
tions des particuliers. Il exécute en¬
tièrement son travail à la sacristie et
n'a pas la moindre envie de parcourir
la cathédrale. Il en indique le motif
dans son inventaire : « Bancs et chai¬
ses dont il est impossible de détermi¬
ner le nombre, à cause de l'a/fluence et
de l'hostilité de la foule ». On voit
qu'il vise à gagner du temps et à las¬
ser la patience des manifestants. Mais
les Parce, A la mort, Nous voulons Dieu,
résonnent deux heures durant sans
interruption. L'Inspecteur s'amuse à
inventorier une pelote, un arrosoir,
un bidon de pétrole, l'essuie-main du
lavabo, etc.
— En route pour le milliard, lui
disent des facétieux.
La chapelle de Saint-Privat
A un moment donné, nous voyons
la chapelle de Saint-Privat brillam¬
ment illumiuée. Nous courons aux
informations.
Un des assistants nous dit :
— Voilà. Ce matin, on avait fait
une pancarte: Chapelle entretenue par
Mme Arnault, mère. Un condisciple
de M. Arnault, par pitié, l'a jetée
dans le poêle de la sacristie. Mais
nous voulons que cette chapelle pro¬
teste, au nom d'une sainte femme,
contre la besogne dont se charge son
fils.
Et nous nous retirons, exécrant
une fois de plus la loi scélérate, qui
oblige de malheureux employés à
briser, de leurs propres mains, les
traditions les plus sacrées de leurs
familles.
M. Arnault reconspué
Il est midi un quart. M. Arnault
sort enfin de la sacristie. Il est ac¬
cueilli et accompagné jusqu'à la
porte du nord, par de nouvelles
huées: Hou! hou! au voleur! à la
porte ! Puis, dans la clameur, se
détache sec et strident le cri scandé
sur l'air des lampions : Li-ber-té.
L'unanime réprobation le pousse de¬
hors. Il est entouré de soldats, mais
au lieu de rentrer chez lui, il dispa¬
raît dans la porte orientale de la
Prélecture.
La rue de la Cathédrale est toujours
gardée, ainsi que la place de la Pré¬
fecture. Mais ça et là des groupes
ont pu se former, malgré l'activité
des gendarmes: ils ont manifesté
leur indignation et chanté des cari-
tiques. Les cloches, pendant deux
heures, n'ont cessé de sonner des
glas et des tocsins ou de carillonner
éperdûment.
A la porte de la sacristie
Soldats et gendarmes évacuent la
Cathédrale derrière M. Arnault, et la
porte du midi est libre la première.
La foule se précipite. Au dehors, le
temps est affreux ; il neige à ne pas
se voir à deux pas. On entre, blancs
comme des spectres ; les femmes ont
des bérets de neige.
Tout le monde court à la sacristie.
La porte est ouverte. Le battant de
droite est labouré de coups de hache,
et la serrure pend misérablement,
retenue par ses deux derniers bou¬
lons. Des débris de bois jonchent le
sol: on les emporte en souvenir.
Les uns pleurent, les autres lancent
tout haut leur indignation.
Une femme conduit son enfant par
la main et lui montrant la serrure
brisée, lui dit ces mots :
— T'en soubendras, moun droie,
de so que beses uèi.
L'affiuence grossit et les vicaires
sont obligés d'organiser un service
d'accès et de sortie, pour éviter l'en¬
combrement.
Allocution de M. le Curé
Le grand autel est illuminé comme
aux jours de fête. M. l'Archiprêtre se
présente devant la table de commu¬
nion et prononce une courte allocu¬
tion.
Il proteste contre l'envahissement
de la Cathédrale par la force armée,
et dit son espoir en l'avenir. Quand
la grêle tombe, l'orage est près de sa
fin. L'Eglise est immortelle et enterre
tous ses persécuteurs.
Les énergiques paroles de M. le
Curé ont été couvertes d'applaudis¬
sements.
La bénédiction a été donnée par
M. l'abbé Prieur, vicaire général, de¬
vant une foule très recueillie. Les
chants étaient enlevés avec une viva¬
cité qui leur donnait le caractère
d'une vibrante protestation contre
l'affront que venaient de subir les ca¬
tholiques mendois.
La frousse à la Préfecture
A la sortie, il était midi et demi.
Les opérations avaient duré près de
trois heures. La Préfecture était mi¬
litairement gardée. On avait cons¬
cience de la réprobation populaire et
on s'attendait à des manifestations
hostiles. Le mauvais temps a été un
excellent auxiliaire de la loi.
Le soir, un loustic, pour se payer la
tête de la police, lança le bruit:
— M. Daudé est arrivé de Paris et
va descendre avec 400 montagnards.
Le Préfet était absent. Le secré¬
taire général se fit garder par la
troupe jusqu'à dix heures du soir.
Jusqu'à la même heure, la garnison
fut sous les armes, à la caserne, prête
à partir à la première alarme.
Conclusion .
Les inventaires ne peuvent donc
être faits que sous la protection des
baïonnettes. La loi sur la Séparation
est universellement réprouvée par le
peuple. Les législateurs, qui l'ont faite
ont trahi leur mandat, et porteront
devant l'histoire, la responsabilité de
la guerre qu'ils ont déchainèe.
M. Jacques PIOU
A MENDE
Samedi dernier, arrivaient, à Men¬
de, par le train de Paris, M. Jacques
Piou et M. Daudé, sénateur.
M. Piou est descendu à l'Hôtel
Manse. Accompagné de M. Daudé, il
a fait une visite aux personnalités
mendoises et a reçu tous nos amis.
Il a produit la plus heureuse im¬
pression. De haute taille, figure très
sympathique, d'abord facile, très fin
causeur, il allie la distinction à la
bonhomie. Sa qualité maîtresse est
la bonté.
Sa candidature est accueillie à
Mende avec enthousiasme. Sa tournée
dans l'arrondissement déterminera un
mouvement irrésistible qui aboutira
au triomphe que l'Action Libérale at¬
tend, de ia Lozère, pour son vénéré et
illustre Président.
M. Piou était venu dans l'intention
d'ouvrir sa campagne électorale Mais
le mauvais temps ayant interrompu
les communications dans la monta¬
gne, il n'a pu exécuter son projet. II
est reparti lundi pour Paris avec M.
Daudé, décidé à revenir aussitôt que
le pays sera débarrassé des neiges.
M. Piou s'est retiré enchanté de
l'accueil qu'il avait trouvé parmi
nous. Son secrétaire, M. Laya, s'est
mis en Contact avec le comité men¬
dois de l'Action Libérale et a gracieu¬
sement mis à notre disposition l'in¬
fluence et l'action du Comité central
de Paris.
VIVE M. PIOU!
C'est à peine si nous nous sommes mis
en contact avec nos amis, et déjà nous
constatons que la candidature de M.
Piou est accueillie avec sympathie
dans l'arrondissement de Mende.
Nous détachons, au hasard, quelques
extraits de notre correspondance, nous
bornant, pour ne pas encombrer :
Aurons. — Auroux a donné à deux
reprises une belle majorité à M. Daudé;
nous espérons que notre commune en
fera autant pour l'illustre Monsieur Piou
dont la candidature s'annonce bien : elle
est en effet un grand honneur pour la
Lozère.
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