Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1947-01-31
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 31 janvier 1947 31 janvier 1947
Description : 1947/01/31 (A19,N625). 1947/01/31 (A19,N625).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5117823n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
L'ÉDITORIAL
] 19 Année - Nouvelle Série - N’ 625
4 Francs
Vendredi 31 Janvier 1947—
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d'Etnite JjJivcé
Ecoutez ceux
qui ont compris
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ou dames à des prix im - bat - ta • blés.
A Bulletin de GARANTIE LEEEM avec chaque «entre.
l’Allemagne !
Invité par la Fédération des déportés et internés résistants
et patriotes, j’ai assisté mercredi soir à une réunion bien émou
vante. En dépit du froid, deux mille personnes avaient répondu
à l’appel de ses organisateurs et elles n’ont pas eu à regretter
leur déplacement. Le spectacle qui leur a été offert fut vraiment
spectacle d’union nationale — d’union nationale au plus noble
sens du terme. De la droite à la gauche, toutes les opinions
étaient représentées à la table des orateurs, mais ils n’en expri
mèrent qu’une, la même, au regard de l’Allemagne, car ils la
connaissent bien, étant presque tous échappés de camps de
concentration, de camps de représailles nazis, ayant tous subi
durant de longs mois la menace des chambres à gaz et des fours
crématoires.
Ils comprennent l’anatomie morale du peuple allemand
comme je la comprends moi-même. Catholiques ou communistes,
ils le tiennent pour responsable des crimes commis par Hitler
et son gang et ils demeurent insensibles à ses lamentations, qui
ne sont pas lamentations de repentants, mais lamentations de
vaincus avides de revanche. Ils ne reprochent pas à Hitler d’avoir
fait la guerre, mais de l’avoir perdue. Bobert d’Harcourt, de
l'Académie française, nous'a lu une adresse de femmes chrétien
nes allemandes pour témoigner de l’immoralisme inconscient de
ses signataires. Ces pieuses dames ne se préoccupent que de leurs,
malheurs qui sont réels, nullement des malheurs des autres. C’est
charité bien ordonnée mais sophistiquée. Si on leur en fait repro
che, elles prétendront qu’elles n’ont rien vu, rien su de ce qui
se passait autour d’elles au temps où leurs maris, leurs frères
ou leurs proches victorieux applaudissaient ou participaient au
massacre des déportés, des prisonniers venus de pays occupés
par la Wehrmacht, coupables seulement de n’avoir point voulu
renier leur patrie. Et leur prétention est inadmissible comme l’a
fort bien dit Marie-Claude Vaillant-Couturier\ fille de mon cher
compagnon Lucien Vogel. Ces malheureux ne laissaient-ils pas
sur toutes les routes d’Allemagne traces affreuses des supplices
qui leur étaient infligés ?
Evidemment les Allemands abusent de la candeur des alliés
et ils continueront d’en abuser, car elle est sans borne. Des fa
milles anglaises ont invité les prisonniers allemands à s’asseoir
le jour de Noël à leur table familiale, et d’Angleterre et d’Amé
rique sont chaque jour envoyés aux enfants allemands paquets
de friandises dont sont encore privés les enfants de France.
C’est à pleurer de tristesse et de dégoût ! Un universitaire alle
mand de marque, cité par le professeur Heim, a dit un jour :
« Nous ne tolérons pas chez nous le pacifisme, mais nous l’en
courageons chez nos ennemis, c’est notre meilleur allié. » Dieu
veuille qu’il soit entendu de tous ceux, de toutes celles qui, appe
lés dans les pays alliés à décider entre la victime et son assassin,
se prononcent infailliblement pour ce dernier dans leur religio
sité' morbide ou leur mercantilisme éhonté, mais tout me porte
à croire que ce ne sera pas demain. A dire le vrai, la France n’a
rien fait pour les ramener à la raison, à la sagesse. Dans aucune
des zones d’occupation allemande, la dénazification ne s’est opé
rée, pas même dans la zone d’occupation française, et aucune
protestation ne s’est élevée' chez nous, quand le général Clay a,
dans la zone d’occupation américaine, libéré les nazis âgés de
moins de vingt-sept ans, c’est-à-dire les plus redoutables. Et puis,
il y a le scandale de notre épuration pour désarmer nos diplo
mates tentés de faire des remontrances à nos alliés anglais et
américains qui, pour leur malheur et le nôtre, retombent dans
les erreurs qu’ils commirent après la première guerre mondiale.
Sur ce point, le savant professeur Marcel Prenant nous a conté
d’invraisemblables anecdotes : de l’avancement a été demandé
et heureusement refusé pour un professeur de l’Université de
Paris, en raison du temps qu’il avait, « collaborateur » avoué,
passé en prison. A Bordeaux, le recteur de l’Université a dû dé
missionner pour empêcher la réintégration d’un autre professeur
collaborateur non moins avoué et sa démission fut acceptée à
Paris. Il est vrai que ses pairs l’ont réélu.
M. Naegelen est trahi par ses bureaux qu’il se doit de net
toyer s’il ne veut pas mériter le même blâme que M. Teitgen
qui, chargé de veiller au civisme français, a, place Vendôme,
rendu des services au mieux de ses facilités politiciennes au lieu .
de rendre la justice.
Je m’en voudrais de compromettre le B.P. Biquet, mais je
ne puis me dispenser de dire que je regrette que celui-ci ne l’ait
pas choisi pour directeur de conscience. Le grand prédicateur
de Notre-Dame a une autre conception que lui de la charité
chrétienne et ce n'est pas sur lui que les Allemands peuvent
compter dans la ferme volonté qu’ils ont de ne point se réparer,
de continuer de se perdre et de nous perdre. Quelle belle voix
il a ! Comme je lui en faisais compliment, il me dit : « C’est
Dieu qui me l’a donnée », et je ne me suis plus étonné de sa ma-
ifique éloquence.
Après la première guerre mondiale, l’Allemagne trouva chez
nous appui auprès de ceux qu’elle avait fait le plus souffrir, au
près des anciens combattants. Ceux-ci, dont le journal l’Œuvre
était l’organe préféré, disaient : « On n’va pas r’mettre ça,
hein! », et on a remis ça, d.ans les pires conditions, un peu à
cause de leur pacifisme insensé. Ils ajoutaient : « Eh quoi ! on
les a vus les Boches, ce sont des hommes comme les autres », et
leurs fils ont dû souffrir après eux pour constater qu’ils ne sont
pas « des hommes comme les autres ». Ils sont revenus de leurs
erreurs pacifistes et comme les déportés, les internés qui, au
cours de la seconde guerre mondiale, furent plus maltraités en
core qu’ils ne l’avaient été au cours de la première, ils sont prêts,
j'en suis sûr, à exiger que la sécurité française soit enfin pleine
ment assurée. Il ne faut pas revoir cela, mais pour ne pas le
revoir, il convient de faire le nécessaire.
J’ai passé trois heures réconfortantes mercredi soir au Palais
de la Mutualité et je demande aux organisateurs de la réunion qui
s’y tint, de répandre partout en France, partout dans le monde
les discours qu’ils ih’ont permis d’entendre. Ils sont d’un haut
enseignement.
RENE GROUSSET
sous la Coupole
IL EST REÇU
PAR HENRY BORDEAUX
Successeur d’André Bellessort à
l’Académie Française, M. René
Grousset a été reçu en séance pu
blique. C’est M. Henry Bordeaux qui
était chargé de lui répondre.
L’éloge de son prédécesseur of
frait à M. René Grousset quelques
difficultés. André Bellessort n’a-t-il
pas été un des maîtres de l’Action
Française et, pendant l’occupation
n’a-t-il pas collaboré aux journaux
qui se publiaient en zone occupée ?
Les deux orateurs de la journée
T en blâment, M. René Grousset
parle d’inconscience. Il dit exac
tement ceci ;
Mais Bellessort ne devait pas voir
la fin du conflit mondial. Depuis
1940, en dépit de sa robuste appa
rence, il était secrètement atteint.
Il essayait de se donner le change
en publiant encore qùelques articles
littéraires, sans d’ailleurs (dans l’in-
térêt même du défunt, disons-
le sans ambages) se rendre compte,
hélas, que sa signature était ainsi
comme usurpée par une presse in
digne d’elle où elle semblait jurer,
où elle semblait protester, de co
lonne à colonne, contre les noms
voisins.
Quant à M. Henry Bordeaux, il
observe :
« Si l’envoûtement exercé sur
lui (André Bellessort) par la litté-
rature, lui voila, durant l’occupa
tion, l’erreur évidente et grave de
continuer à donner sa signature,
même au bas d’articles uniquement
littéraires, dans une presse contami
née et justement flétrie, une mort
presque subite et imprévue, le vint
retirer ensemble des difficultés ma
térielles, le froid, la faim, et le man
que de moyens de transport dont il
souffrait avec tout Paris, et de-la
douleur intérieure mêlée d’in grand
espotr j»
Directeur politique : Émile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
Anjou : 86-40 -- 4 lignes
Publicité s Régie-Presse» 65, Champs-Elysées
Après 21 heures : TRUdaine 16-30
LES MINISTRES
ont-ils perdu
Y a-t-il une opposition
LES DESASTREUX IIFITS DU FROID
le chemin du Luxembourg ?
par André STIBIO
en Russie
Les paysans et le clergé sont satisfaits de leur sort
Notre confrère, l’hebdomadaire
suisse « Die Weltwoche », vient de
publier sur la vie en Union Soviétique
une étude fort intéressante de M. Ni-
kolaus Basseches.
Il nous paraît intéressant d’en pré
senter à nos lecteurs les principaux
passages :
M. Basseches se demande tout
d’abord s'il existe à l’intérieur du
parti communiste des courants hostiles
à Staline et à ses collaborateurs et
des luttes d’influence. .
Mais laissons-lui la parole’ :
« Les réformes de ces dernières an
nées, écrit-il, à l’intérieur du parti
ont éliminé toute possibilité de lutte
ouverte. La fusion personnelle entre
le parti et l’administration a été
poussée extrêmement loin. Le parti
forme en quelque sorte le noyau de
l’administration et ses membres pro
fitent des privilèges qui sont réservés
aujourd’hui à la classe des fonction
naires. Auparavant, les communistes
occupaient, il est vrai, les postes les
plus importants de l’État. Du point
de vue matériel cependant, ils étaient
désavantagés. Le spécialiste sans
parti, largement payé, touchait inté
gralement ses appointements, excepté
un impôt sur le revenu, d’ailleurs mi
nime. Le communiste, par contre, de
vait se contenter d’un maximum im
posé par le parti. Aujourd’hui, si le
militant paye encore un impôt spécial,
le maximum auquel il était aupara-
vent soumis est supprimé.
Ce simple fait montre que le com
muniste profite matériellement en
tant qu’individu du développement de
l’Union Soviétique. Il est la preuve
aussi qu’il n’y a plus en fait à l’inté-
rieur du parti de tendance gauchiste.
Certains militants, par contre,
sont partisans de concessions éten
dues envers les éléments non commu
nistes, les paysans ou même le clergé.
Ils pensent que ces concessions per
mettraient un développement eco
nomique plus rapide et aussi qu’elles
leur donneraient la possibilité de
jouir tranquillement • des positions
qu’ils ont personnellement conquises.
Cependant, comme la politique in
térieure des Soviets incline d’elle-
même vers la modération, ces ten
dances perdront rapidement leur rai
son d’être.
La seule opposition existant dans
F parti provient de ' certaines des
Républiques soviétiques — sans ou
blier l'Ukraine ! — de l’Asie centrale.
Elle vient de militants communistes
partisans d’un renforcement du na
tionalisme local et désirant que ces
Républiques jouissent vis-à-vis de
Moscou d'une plus grande indépen
dance.
Le paysan
n^est pas à plaindre
Après avoir souligné l’effort réalisé
en Russie envers la jeunesse, M. Ni-
kolaus Basseches aborde un autre
problème : celui de la paysannerie.
« Une partie de la paysannerie, dit-
il, préférerait revenir à une écono
mie individuelle.
Mais il est préférable de ne pas
se faire d’illusion. Cette tendance
est celle d’une minorité. Le paysan
s’est habitué à l’économie collective.
Il a, en fait, réduit les fonctionnai
res locaux à une étroite dépendan
ce. Pour la majorité, sans doute, des
paysans, l’économie collective re-
présente aujourd’hui une véritable
assurance. Ils y travaillent comme
ils travaillèrent autrefois chez le
(Lire la suite en troisième page)
M. Winston Churchill
accepte la médaille militaire
Londres, 30 janvier. — A l’occa-
sion de l’attribution de la médaille
militaire à M. Winston Churchill, M.
Massi gli, ambasadeur de France à
Londres, a envoyé à l’ancien premier
ministre une lettre où .il déclare no-
tamment :
« A l’heure où les institutions cons
titutionnelles viennent d’être rétablies
en France, le gouvernement français
désire qu’une de ses premières ac
tions soit de vous remettre un sym
bole de la reconnaissance et de l’ad-
miration du peuple français tout en
tier pour votre personne. Le gouver
nement français estime que cette dis
tinction est la seule digne de l’homme
d’Etat qui fut l’âme de la coalition
et qui, dans les heures les plus som
bres, fut un symbole d’espoir pour la
résistance française. »
M. Churchill a répondu en ces ter
mes :
« Il n’y a pas plus grand honneur
qui puisse m’être accordé an nom de
la France et que j’accepterais avec
plus de 'fierté que la médaille mili
taire. Je l’accepte avec une profonde
gratitude. »
CHRONIQUES DE L’MRDRE»
par Raoul VITERBO
Harry Pilcer, danseur
des Mille et une Nuits
D’après une information londo
nienne Harry Pilcer — ex-prince
charmant de la danse romanesque
— va tourner un film sur Gaby
Delys, autre gracieuse météore du
firmament parisien. Dette de gra
titude acquittée aujourd’hui par le
brillant coryphée envers celle qui
favorisa ses premiers pas.
Qui ne se souvient d’Harry Pilcer
dans ses présentations originales,
avec cette étonnante souplesse
quasi irréelle, ses capes éblouis
santes agitées comme des ailes.
Même, certaine nuit, au Pré-Cate-
lan, les lumières ayant été éteintes
dans les salles du restaurant où
se trouvait le Tout-Paris, il dansa
dans la tenue d’un faune, brandis
sant sa cape comme un voile, au
milieu des jardins incendiés par les
sunlights, lancé à la poursuite
d’une nymphe en fuite dans le
bocage illuminé. Ce cadre féerique
bannissait toute idée choquante. A
l’encontre de Jean Cocteau qui, à
cette époque, passait pour un es
thète avide d’étonner et un peu
inquiétant dans le choix de ses
effets, Harry Pilcer, lui, dansait
sans... effets.
Un jour Harry, pour me remer
cier d’un article paru dans « Paris-
Midi », m’invita à déjeuner chez
lui, non loin de l’Ecole militaire.
Ce fut un déjeuner pittoresque.
On accédait au logis de l’artiste,
tout en haut, par un escalier dé
robé dont la rampe se drapait de
velours rouge. Une large tenture
masquait la porte d’entrée. La lon
gue salle à manger, ornée de plantes
exotiques, semblait un vaste atrium
et une baie ouverte sur la toiture,
par on ne sait quel miracle, puis
que les bombes ne tombaient point
sur le faîte des maisons en ce
temps-là, laissait filtrer les rayons
du soleil. Harry Pilcer me reçut en
péplum et m’invita à m’étendre
comme lui sur une chaise-longue
près de la table, pour déguster les
huîtres et le poulet en gelée arrosé
de champagne.
L’appartement luxueusement meu
blé dénotait cependant un goût
assez disparate par le mélange de
tous les styles. Après m’avoir mon
tré une table de toilette avec le
« nécessaire » et les flacons en
vermeil ayant appartenu à Eve
Lavallière, l’artiste me conduisit
vers une sorte de petite chapelle
dans laquelle, au pied d’un grand
portrait peint de Gaby Delys, brû
laient deux cierges en leurs can
délabres d’argent massif. Tout au
tour des lis à longue tige surgis
saient des vases : le culte de la
disparue. La forte et suave odeur
des liliacées montait comme 'un en
cens dans la pénombre et j’ai com
pris, hier, à l’annonce du film pro
jeté, que cette fidélité du danseur
à la mémoire de son Egérie n’était
point un simple caprice ou une mise
en scène.
Les écrits restent
Rien n’évoque mieux la diffé
rence entre l’existence passée et
présente, entre l’ancienne « dou
ceur de vivre » et les complications
multiples de l’heure actuelle que
la lecture de certaines inscriptions
restées sur les vitrines des bouti
ques parisiennes. Les régimes chan
gent mais les enseignes demeu
rent... Rue des Petits-Champs, à la
devanture d’un épicier, on peut
lire encore ce texte évocateur de
joies disparues : « Huile, savon,
café, chocolat vendus avec primes
(Lire la suite en troisième page)
et l’Approvisionnement en charbon
préoccupent le gouvernement
Le
sous
froid si cruel que nous subis-
a dès maintenant les consé-
quences les plus fâcheuses aussi bien
sur les récoltes en terre que pour le
chauffage des établissements publics
et des particuliers qui sont menacés
de manquer de charbon.
Cette situation préoccupe vivement
le gouvernement, les autorités repré
sentatives et les groupements profes
sionnels, qui s’inquiètent des mesu
res a prendre de toute urgence pour
y remédier.
A partir de 9 heures hier matin
M. Ramadier a eu divers entretiens
qui se sont poursuivis toute la ma-
tinée ,
Les
de
blés gelés représentent
plusieurs mois
consommation de pain
déclare M. Lamour
Les chefs socialistes turcs sont arrêtes
pour avoir combattu le gouvernement
Le président du conseil a reçu en
premier lieu une délégation de la C.
G. A., à la tête de laquelle se trou
vait M. Philippe Lamour, secrétaire
général. L’entretien a duré une heu
re. M. Philippe Lamour a fait une
courte déclaration dans laquelle il a
dit qu’il avait attiré l’attention du
président sur la situation extrême
ment grave dans laquelle se trouvent
les cultivateurs de blé.
Le 16 décembre dernier, le gou
vernement d’Ankara faisait opérer
à Istamboul des arrestations massi
ves dans les rangs de l’opposition.
L’autorité militaire, qui était char
gée de l’opération, en vertu de Fl
fiction de la loi martiale régnant
dans certains districts, publiait un
communiqué affirmant que les per
sonnes arrêtées voulaient reconsti
tuer le parti communiste, interdit
en Turquie. Les commentaires de la
presse à la solde du gouvernement
insinuaient par ailleurs que Moscou
n’était pas étranger à leur^ menées.
Or, le ministre de l’Interieur, M.
Chukru, vient de reconnaître devant
le Parlement d’Ankara, au cours de
sa séànce de mercredi dernier, que
les chefs socialistes, arrêtés le 16
décembre, étaient accusés principa
lement « d’avoir voulu substituer au
gouvernement actuel un gouverne
ment anti-fasciste ».
Ainsi en République turque le fait
de souhaiter la substitution d’un
gouvernement à un autre devient un
crime, même s’il n’y a le moindre
commencement d’action ! Mais ce
qui est le plus cocasse c’est que le
ministre a ajouté que ces « crimi-
nels » étaient accusés aussi d’être
entrés en relation avec le maréchal
Tchakmak par l’intermédiaire de
Mi. Lustu Aras.
Pour qui ne connaît ces deux per
sonnages, notons que le premier fut
le maître absolu de l’armée kéma-
liste depuis Kémal et jusqu’en 1942
et que le second dirigea la diploma
tie turque jusqu’à la mort du créa
teur de la République. Il est vrai
que le maréchal fut mis à la retraite
en 1942 pour donner satisfaction
aux Britanniques qui se plaignaient
des préparatifs antiruses d'Ankara et
que depuis il s’est mis à la tête de
l’opposition parlementaire qui grou
pe une soixantaine de députés.
Voici comment comprend la liber
té le gouvernement d'Ankara, autre
^client de M. Bevin, qui n’a pas assez
de paroles dures à l’égard des élec
tions en Pologne et ailleurs. Le gou
vernement de Londres vient de se
« Sur 3.500.000 hectares qui ont
été ensemencés cette année, a-t-il
précisé, près de 2 millions ont subi
les effets du gel; il peut en résul
ter un déficit de sept mois de pain...
Il est nécessaire, d’autre paît, de
prévoir un rajustement du prix du
blé pour la prochaine campagne. »
de
Et M. Lamour a conclu :
« Nous ne demandons pas une aug
mentation immédiate ; notre désir
est de collaborer en plein accord avec
le gouvernement et surtout de ne
pas gêner son action. »
L’approvisionnement
en charbon des hôpitaux
et écoles
reste assuré en priorité
Le président du conseil s’est entre
tenu ensuite, el présence de M. Ro
bert Lacoste, ministre de la produc-
débarrasser du boulet grec constitué
par M Tsaldaris. Il est temps qu’il
se désolidarise aussi de la clique
d’Ankara. Sinon les prêches de liber
té risqueraient de plus en plus de ne
provoquer que des sourires.
I. L.
DÉTENTE ENTRE ROME
ET BELGRADE
L’Italie devant ses responsabilités
Le représentant yougoslave au
Conseil consultatif allié pour l’Italie
a fait savoir à M. Nenni, ministre
des Affaires étrangères démission
naire, qui continue d’exercer ses
fonctions à titre provisoire et qui,
ces jours derniers, avait protesté
auprès des puissances contre le
traité de paix dans un sens plutôt
défavorable à la Yougoslavie, que
le gouvernement de Belgrade avait
décidé de nommer en Italie un re
présentant politique. Ce n’est pas
encore la reprise des relations di
plomatiques normales, mais c’est
du moins un geste qui permet d’es
pérer une détente progressive des
rapports de voisinage si profondé-
ment troublés entre les deux pays.
On se rappelle que le sensation
nel voyage de M. Togliatti à Bel
grade, en novembre, avait été suivi,
à New-York, de négociations entre
M. DE GASPERI
tente de faire revivre
Rome, 30 janvier. — La forma
tion du nouveau cabinet italien a
été retardée par les discussions in
térieures des trois grands partis.
Le comité directeur et le groupe
parlementaire démocrate-chrétien,
en particulier, se sont réunis ce
soir, en présence de M. de Gasperi,
pour discuter de la formule tri-
partite du futur gouvernement, for
mule sur laquelle l’accord des re
présentants socialistes, communis
tes et démocrates-chrétiens a été
réalisé.
La tendance de droite du parti
démocrate-chrétien s’est opposée à
cette solution, mais on estime que
M. de Gasperi parviendra aisément
à obtenir la majorité.
Si les démocrates-chrétiens ap
prouvent l’œuvre accomplie jus
qu’ici par leur leader, il n’est pas
exclu que les délégués des trois
partis puissent procéder, dans la
journée de demain, à la réparti
tion des portefeuilles.
les délégués italiens et yougoslaves
à l’O.N.U. Ces entretiens n’avaient
été couronnés que d’un succès mo
deste : on s’était borné à exprimer
l’espoir de pouvoir entreprendre
des pourparlers bilatéraux, à une
date ultérieure et en un autre lieu.
Depuis, l’attitude de Belgrade
avait paru marquer un nouveau
raidissement. Lê gouvernement
yougoslave n’avait répondu que par
le silence au désir formulé par l’Ita-
lie d’envoyer une délégation en
Yougoslavie pour discuter la ques
tion des minorités née de la nou
velle délimitation des frontières et
pour préparer le terrain au réta
blissement de relations normales.
Devant ce mutisme, on pouvait
craindre que la situation ne restât
tendue. L’initiative que vient de
prendre le maréchal Tito montre
que ces craintes étaient vaines. On
doit se féliciter de ce geste, qui peut
préluder à un rapprochement pro
gressif. Il est possible que M. Parr
soit désigné pour aller représenter
le gouvernement italien à Belgrade.
Il y a lieu de remarquer, toute
fois, que la décision du gouverne
ment yougoslave, bien qu’elle per
mette de conclure à un désir de
conciliation et d’apaisement de la
part du maréchal Tito, n’a fait
l’objet de presque aucun commen
taire dans la presse italienne.
Seuls, les journaux de MM. To-
gliatti et Nenni, ainsi que le Gior-
nale d’Italia, ont fait ressortir l’im
portance de la nouvelle, tandis
qu’une partie de la presse de droite
a jusqu’à présent feint de l’ignorer.
Cela est peut-être dû au fait que,
dans la crise politique créée par la
démission du cabinet Gasperi, ce
sont les éléments italiens favora
bles à la Yougoslavie qui ont le plus
besoin de mettre des atouts dans
leur jeu.
Quoi qu’il en soit, l’événement est
heureux. Il reste à savoir s’il pourra
développer ses conséquences : cela
dépend en premier lieu de l’attitude
que prendra l’Italie. Il est évident
que si elle devait décider de refuser
de signer le traité de paix, on se
trouverait en face d’une situation
entièrement nouvelle.
Claude VIVIERES.
LA QUOTIDIENNE DE PIERRE LŒWEL
COUP DOUBLE
C’est une aventure que je ne puis
naturellement pas raconter dans le
journal où elle m’advint mais je
puis en faire confidence aux lec
teurs de l’Ordre qui, eux, ne prê
teraient pas le flanc, cela va sans
dire, à des méprises de cette sorte.
Vous saurez donc qu’y ayant pu
blié un article sur les fantaisies
extraraciniennes de M. Baty telles
qu’elles prirent corps aux repré
sentations de Bérénice à la Comé
die-Française, j’avais eu l’étourderie
d’oublier tout ce qu’une expérience
sans cesse renouvelée m’a cepen
dant appris : à savoir qu’il ne faut
jamais pratiquer l’ironie avec le
lecteur, jouer au pince sans rire et
plaisanter sans l’en avertir. De
toutes les figures de rhétorique l'an
tiphrase est assurément celle qu’il
comprend le moins. Je ne sais pas
si,.comme l'a dit Boileau, «le Fran
çais né malin créa le vaudeville »
mais tiens pour certain qu’en l’état
actuel de l’intelligence, il faut que
les ficelles soient grosses comme
des câbles pour qu’on s’en aper
çoive.
Sur un ton faussement „ grave
j’énonçais donc paradoxale ment que
la littérature classique est, comme
chacun sait, la plus ennuyeuse du
monde, qu’il convenait de la ré
veiller par l’attrait d’une mise en
scène joyeuse et que notamment les
vers rocailleux de Racine (sic)
avaient grand besoin d’être adou
cis par quelque musique de ballet.
Le reste était à l’avenant et l’in
tention, croyais-je, se comprenait
d’elle-même. Mais j’eus à me dé
tromper quand une lettre de pro
testation énergique d’un lecteur in
digné vint me rappeler au respect
des convenances.
Et j’allais philosopher sur la ni-
gauderie d’un brave homme qui
n’avait pas entendu malice à mes
propos et pris ma raillerie pour ar
gent comptant quand me parvint
un autre poulet. Celui-là — c’était
le comble ! — émanait d’un lecteur
satisfait : « Bravo, m’écrivait-il
en substance, pour avoir osé dire
tout haut à propos de l’ennuyeux
Racine ce que tout le monde en
pense tout bas ! »
Une mise au point aurait vexé
le premier lecteur et déçu le second:
tion
industrielle, avec une déléga-
du conseil municipal qui était
conduite par M. Verlomme, préfet
de la Seine, et comprenait notam
ment M. Vergnolles, président, Mlle
Solange Lamblin, Mme Jean Marin,
MM. Raymond Bossus, Fosset, Fran-
tion
çais, etc.
Le ministre de la production in
dustrielle a exposé les mesures qui
avaient été prises pour assurer les
livraisons régulières de charbon. Il a
précisé que l’approvisionnement en
combustible des hôpitaux, écoles,
foyers où Se trouvent des malades et
foyers sans gaz continuerait d’être
assuré en priorité.
Confirmant la déclaration faite par
le ministre, Mlle Solange Lamblin a
insisté sur le fait que les écoles ne
seraient pas fermées à Paris par suite
du manque de charbon.
De son côté, l’inspection générale
de l’enseignement de la Seine nous a
donné ce matin l’assurance formelle
que toutes les écoles publiques de
Paris restaient ouvertes pour le mo
ment. Le plan .de détresse ne serait
appliqué que si les arrivages de char-
bon réduits par le gel des voies na
vigables devenaient insuffisants.
LES ETATS-UNIS
commencent
le réarmement
de l’Allemagne
Berlin, 30 janvier. — L’armement
des patrouilles allemandes chargées
de protéger les frontières de la zone
américaine en Allemagne a été dé
cidé par le gouvernement militaire
américain. Ce dernier leur permet
d’opérer, en outre, jusqu’aux lignes
de démarcation des zones.
Cette mesure a été prise afin de
permettre une lutte plus efficace con
tre le marché noir et contre les en
trées clandestines dans la. zone amé-
ricaine die personnes dont le nombre
ne cessait de croître. Les patrouilles
qui existaient depuis février 1944
n’étaient jusqu’à présent, pas armées
et n’avaient l’autorisation d’aller que
jusqu’à une certaine distance des
frontières.
Un par un se rétablissent, bien
que dans un cadre constitutionnel
nouveau, les échanges qui caracté
risaient la vie parlementaire
d’avant guerre. C’est un recommen-
cement timide, comme furtif, mais
nous devons nous en contenter, en
faisant tout pour accélérer petit à
petit le rythme et le volume du tra
vail législatif. Pour l’instant, le
Conseil de la République reçoit du
Palais-Bourbon le projet n° 1 qui
va lui être soumis. C’est la com
mission de la justice du Luxem
bourg qui aura l’honneur de « ré
fléchir » la première sur une loi
venue de la Chambre, puisqu’il
s’agit de la loi qui fixe les moda
lités d’élection des quatre magis
trats — et de leurs suppléants —
appelés pour six ans à représenter
au Conseil supérieur de la magis
trature les diverses catégories de
magistrats. Petit débat, mais débat
inaugural où la virtuosité juridi
que de nos anciens sénateurs se
fût jadis donné libre cours.
Cette discussion initiale a le mé
rite de poser devant l’opinion pu
blique une question qui est dans
l’esprit de tous les conseillers. Veut-
on leur laisser jouer vraiment,
jouer pleinement, le rôle que la
Constitution leur a assigné ? Cer
tains d’entre eux nous ont fait leurs
confidences. Nous ne songerons pas
à cacher qu’elles étaient assez dé
sabusées. Rien d’offensant, certes,
n’a été entrepris contre le Conseil
de la République. Pas de menace
précise à l’horizon, mais quelque
chose de plus dangereux pour lui
et pour nous qui désirons, par
souci de l’équilibre politique du
pays, qu’il ne soit pas une forme
désincarnée, une de ces ombres qui,
faute d’avoir reçu l’obole nécessaire,
ne franchissaient jamais le fleuve
des enfers. Cette obole, on la refuse
doucement, toutefois avec ténacité,
au Conseil de la République. On
tisse doucement l’indifférence au
tour de lui. On le laisse errer dans
le vide. Etonnons-nous après cela
que beaucoup de conseillers de la
République se demandent déjà :
que sommes-nous venus faire ici ?
La nouvelle Assemblée, qui ren
ferme dans son sein des hommes
de valeur et dont les groupes poli
tiques offrent déjà par rapport à
leurs groupes symétriques de l’As-
semblée nationale des différences
fort appréciables et fort intéressan
tes, doit se garder de deux sortes
de « conseilleurs » également per
nicieux. H y a Ceux qui, voulant
tout précipiter, risquent de tout
casser, qui entreprendraient sur-le-
champ de recréer le Sénat par des
initiatives aventureuses et qui rê
vent d’un conflit spectaculaire, po
litique au besoin, entre le Palais-
Bourbon et le Luxembourg. Pour
l’heure ce serait la lutte du pot de
terre contre le pot de fer. Il faut
plutôt éviter toute incompatibilité
constitutionnelle entre les deux
assemblées qui se traduirait vite
par une crise grave d’où le Conseil
de la République sortirait fort mal
en point. Il n’y a pas à recréer le
Sénat sous sa forme ancienne,
d’abord parce que ce n’est pas
possible, ensuite parce que ce n’est
pas désirable. La Constitution fait
loi.
Mais il y a d’autres personnages
qui réduiraient, si on les écoutait,
le Conseil de la République à des
prudences de geste et de langage
telles qu’ils lui enlèvent non la vie,
mais les raisons de vivre. Pas de
bruit ! disent-ils. Marchons sur la
pointe des pieds ! Soyons très sa
ges, très obéissants. En un mot,
faisons-nous oublier. Tendance qui
se fortifie des disciplines des partis,
où beaucoup souhaiteraient que le
conseiller de la République fût,
dans la hiérarchie parlementaire,
le vassal du membre de l’Assem
blée nationale. Ce joug doit être
secoué. Les socialistes du Luxem
bourg et les socialistes du Palais-
Bourbon peuvent, sans transgresser
la règle du parti, réagir de façon
différente. Et
des socialistes,
rellement des
ce que nous disons
nous le dirons natu-
autres groupes poli-
tiques. M. Hamon avait très judi
cieusement et très finement mon
tré dans l’ « Aube » comment
l’unité de doctrine pouvait s’ac
commoder de réactions spécifiques
ici et là. La chose est possible. En
core faut-il la vouloir et pour cela
affirmer avec suffisamment de for
ce les droits organiques du Conseil.
Un premier point à régler, avec
la netteté désirable, parce qu’il
commande tous les autres, est celui
de la collaboration entre le Conseil
de la République et le gouverne
ment. Jusqu’à présent le Luxem
bourg n’a reçu, à une heure tar
dive, que la visite de Léon Blum.
Précédent inestimable, qui s’est ac
compagné d’un discours fort péné
trant où l’ancien chef du gouver
nement dessinait la conception
qu’il se faisait du Conseil de la
République. Depuis, nul ne sait si
les ministres assisteront ou n’assis
teront pas aux séances du Luxem
bourg. Ce serait une lourde faute
de leur part si le banc des minis
tres restait vide, car à quoi servi
rait un « Parlement » dont une des
deux assemblées serait mise au pain
sec par le gouvernement ? C’est
affaire au président du Conseil de
la République de veiller dans les
débats à ce que les ministres ne
soient mis en cause, interrogés, si
non interpellés (mais pourquoi pas
interpellés ?) que dans le cadre
prévu pour l’activité de la deuxiè
me Assemblée.
Il faut demander pour les mêmes
raisons, avec une énergie égale, que
les ministres soient entendus par
les commissions. Le Conseil ne sera
à même de remplir le rôle de
« Chambre de réflexion » qui lui
est assigné que s’il est pleinement
informé, s’il peut obtenir des ex
plications complémentaires, susci
ter des éclaircissements sur des
points qui lui paraîtraient obscurs.
Toutes les commissions, plus par
ticulièrement celles des Affaires
étrangères et des Finances, doivent
à égalité avec celles de l’Assemblée
nationale travailler dans un con
tact Confiant avec les ministres.
S’il y avait chez ces derniers indif
férence ou mépris à l’égard de la
Chambre mineure, nous serions,
malgré le décor, en plein régime
d’Assemblée unique. Avec tous les
risques que le système comporte
et que l’on avait voulu écarter en
instituant précisément le Conseil
de
la République.
de
La France persiste
dans sa demande
détachement de la Ruhr
et de la Rhénanie
Le ministère des Affaires étran
gères communique :
Les informations publiées par dif
férents journaux et selon lesquel
les les projets français d’ordre éco
nomique concernant l’Allemagne
équivaudraient à l’abandon de la
thèse politique relative au détache
ment de la Ruhr et de la Rhénanie,
sont contraires à la réalité.
Le ministère des Affaires étran
gères renouvelle le démenti qu’il
avait formulé à cet égard le 28
janvier.
Le Schacht italien
acquitté à son tour
Rome, 30 janvier. — Un tribunal
de première instance a acquitté au-
jourd’hui à Rome le comte Giuseppe
Volpi,«accusé d’avoir aidé à l’établis
sement du fascisme en Italie.
Le comte. a été, de 1925 à 1928,
ministre des Finances italiennes et,
de 1925 à 1939, membre du grand
conseil fasciste. On estime générale
ment qu’il a sauvé le fascisme du
désastre économique dont il était me
nacé aux environs de 1928, en obte
nant des Etats-Unis un prêt financier.
NOTRE TR1RUNE LIBRE
LE. CAS DE L’«ORDRE»
ou: De ‘éminente nauveté des dignes
par Julien BENDA
J’entreprends aujourd’hui une tâche plutôt sca
breuse ; étant, posé que la fortune temporelle du
journal qui m’accueille est plutôt faible, en recher
cher les causes.
Ce n’est pas se leurrer d’un doux mirage, mais
reconnaître un fait, de dire que maintes personnes dé
clarent l'Ordre un des journaux les plus attachants
de l’heure présente, les plus riches de pensée (d’au-
cuns disent le plus riche). ; que ceux qui parlent ainsi
sont de plus en plus nombreux ; que ses confrères
le tiennent en singulière estime, si l’on songe à la
place qu’ils lui font dans leur compte rendu de
presse. Cependant, l'Ordre prospecte un champ assez
restreint, ignore les gros tirages, occupe une position,
comme disait Taine de Mérimée, haute mais étroite.
A quoi tient ce paradoxe ?
Précisément à sa qualité.
D’abord, son refus de donner des commande
ments à ses lecteurs en fait de politique et de mo
rale, ce que j’appellerai son absence de caporalisme.
Nombre de nos confrères procèdent par ukases à leur
public : « Pensez ainsi, votez ainsi ; hors cette voie,
point de salut. » Ici, rien de tel, non que le journal
n’ait son opinion et ne se prive pas de la dire, mais
parce qu’il ne la tient point pour une vérité révélée,
tombée du Mont-Thabor ou du Kremlin, et dont
l’humanité doit se faire l’ilote sous peine de damna
tion. Or la plupart des hommes veulent être com
mandés, veulent des directeurs de conscience, lesquels
sont loin d’être nécessairement revêtus de soutanes,
et ne pas s’entendre hurler « par file à droite » ou
« par file à gauche », les frustre profondément.
On pourrait dire encore qu’avec cette absence
de prédication d’une vérité absolue, l'Ordre n’est
pas un journal d’action, l’action était nécessaire-
ment liée — ce que les démocrates ne-veulent pas
' comprendre — à une intolérance intellectuelle, à un
élément de foi, qui est la, négation de l’esprit démo
cratique, tel du moins qu’ils l’entendent. Or
je'me suis résolu à 'manquer ce xrauguer “u enengent- Vr presque
coup double. Autant conserver au tous les, hommes, du moins en r rance, et plus que
moins un approbateur. Mais c’est jamais a une époque ou chaque parti vise au
moins un approbateur. Mais c’est lamals a une évoqué ou chaque parti vise au pou-
égal, Humour, humour, quand tu voir, veulent qu’un journal soit un instrument d’ac-
nàus tiens, on peut bien dire : tion et tiennent l’esprit renanien pour chose dénuée
adieu prudence !
de tout intérêt, voire pour une peste qu’il faut exter-
miner. Tel est l’enseignement de Marx quand il pro
nonce : « L'humanisme réel (entendez communiste)
n’a pas d’ennemi plus dangereux que l'idéalisme spé
culatif » ; d’accord avec le catholique politicien, qui
lance l’anathème sur Renan pour son « immoralisme
spéculatif » (H. Massis, Jugements, I.)
Cette indifférence de l'Ordre à constituer un or
gane d’action, un « dynamisme » politique, a pour
effet l'absence chez lui de l’insinuation perfide, de
la mauvaise foi, du mensonge, de la calomnie et au
tres mœurs indispensables à ceux dont le but est
d'avant tout perdre l’adversaire dans l’opinion. Ici,
le journal ne déçoit pas seulement les hommes pra
tiques — les « pragmatistes » —, mais de simples
dilettantes, comme cet abonné de Gringoire, qui
m’avouait il y a quelques années : « Je ne crois pas
à toutes ces médisances, mais elles m'amusent »,
race encore plus malfaisante, et plus incurable, que
ceux qui y croient.
Une autre tare de l’Ordre près de tout un monde
est de nettement clamer lé danger, quand il le croit
réel. Rappelons-nous son attitude après Munich —
il la reprend aujourd’hui et pour cause — et le titre
de « buveur de sang » dont le gratifiaient presque
tous ses confrères. Or une immense partie de nos
concitoyens entendent qu’on ne trouble pas leurs di
gestions. Un rédacteur d’un grand journal du matin
me confiait un jour.: « La consigne dans notre mai
son est de ne jamais rien écrire qui puisse inquiéter
nos lecteurs. » Et, de ce fait, en août 1 939 il leur
expliquait encore que tout allait s’arranger. Ce jour
nal-là fait fortune.
Enfin, un handicap de l’Ordre près de tout un
monde est son sérieux, le peu de place qu’il accorde
à la frivolité, à lq mondanité, au « parisianisme ».
On peut assurer que l’Ordre — l’exception plus que
jamais confirme la règle — intéresse peu les femmes. ,
Chose grave sur le marché de la popularité.
En somme, l’Ordre, comme il est juste, paye sa
tenue. Et cela me rappelle un mot de Péguy, qui,
lui aussi, expiait son abstention des méthodes qui rap
portent : « On m’a parlé, au catéchisme, de l'émi-
nente dignité des pauvres ; on devrait bien parler
aussi de l’éminente pauvreté des dignes. »
] 19 Année - Nouvelle Série - N’ 625
4 Francs
Vendredi 31 Janvier 1947—
===== =============-=== ====== ===== = - = k= !
d'Etnite JjJivcé
Ecoutez ceux
qui ont compris
‘( Dur
• IL 0 s
MEva
Jlchetel. diectement ae
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BESANÇON • • G & sus Métro SPEeRXUS.nS%os..ar‘
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==•*—"• de mon t ria5 bracelets pour hommes
ou dames à des prix im - bat - ta • blés.
A Bulletin de GARANTIE LEEEM avec chaque «entre.
l’Allemagne !
Invité par la Fédération des déportés et internés résistants
et patriotes, j’ai assisté mercredi soir à une réunion bien émou
vante. En dépit du froid, deux mille personnes avaient répondu
à l’appel de ses organisateurs et elles n’ont pas eu à regretter
leur déplacement. Le spectacle qui leur a été offert fut vraiment
spectacle d’union nationale — d’union nationale au plus noble
sens du terme. De la droite à la gauche, toutes les opinions
étaient représentées à la table des orateurs, mais ils n’en expri
mèrent qu’une, la même, au regard de l’Allemagne, car ils la
connaissent bien, étant presque tous échappés de camps de
concentration, de camps de représailles nazis, ayant tous subi
durant de longs mois la menace des chambres à gaz et des fours
crématoires.
Ils comprennent l’anatomie morale du peuple allemand
comme je la comprends moi-même. Catholiques ou communistes,
ils le tiennent pour responsable des crimes commis par Hitler
et son gang et ils demeurent insensibles à ses lamentations, qui
ne sont pas lamentations de repentants, mais lamentations de
vaincus avides de revanche. Ils ne reprochent pas à Hitler d’avoir
fait la guerre, mais de l’avoir perdue. Bobert d’Harcourt, de
l'Académie française, nous'a lu une adresse de femmes chrétien
nes allemandes pour témoigner de l’immoralisme inconscient de
ses signataires. Ces pieuses dames ne se préoccupent que de leurs,
malheurs qui sont réels, nullement des malheurs des autres. C’est
charité bien ordonnée mais sophistiquée. Si on leur en fait repro
che, elles prétendront qu’elles n’ont rien vu, rien su de ce qui
se passait autour d’elles au temps où leurs maris, leurs frères
ou leurs proches victorieux applaudissaient ou participaient au
massacre des déportés, des prisonniers venus de pays occupés
par la Wehrmacht, coupables seulement de n’avoir point voulu
renier leur patrie. Et leur prétention est inadmissible comme l’a
fort bien dit Marie-Claude Vaillant-Couturier\ fille de mon cher
compagnon Lucien Vogel. Ces malheureux ne laissaient-ils pas
sur toutes les routes d’Allemagne traces affreuses des supplices
qui leur étaient infligés ?
Evidemment les Allemands abusent de la candeur des alliés
et ils continueront d’en abuser, car elle est sans borne. Des fa
milles anglaises ont invité les prisonniers allemands à s’asseoir
le jour de Noël à leur table familiale, et d’Angleterre et d’Amé
rique sont chaque jour envoyés aux enfants allemands paquets
de friandises dont sont encore privés les enfants de France.
C’est à pleurer de tristesse et de dégoût ! Un universitaire alle
mand de marque, cité par le professeur Heim, a dit un jour :
« Nous ne tolérons pas chez nous le pacifisme, mais nous l’en
courageons chez nos ennemis, c’est notre meilleur allié. » Dieu
veuille qu’il soit entendu de tous ceux, de toutes celles qui, appe
lés dans les pays alliés à décider entre la victime et son assassin,
se prononcent infailliblement pour ce dernier dans leur religio
sité' morbide ou leur mercantilisme éhonté, mais tout me porte
à croire que ce ne sera pas demain. A dire le vrai, la France n’a
rien fait pour les ramener à la raison, à la sagesse. Dans aucune
des zones d’occupation allemande, la dénazification ne s’est opé
rée, pas même dans la zone d’occupation française, et aucune
protestation ne s’est élevée' chez nous, quand le général Clay a,
dans la zone d’occupation américaine, libéré les nazis âgés de
moins de vingt-sept ans, c’est-à-dire les plus redoutables. Et puis,
il y a le scandale de notre épuration pour désarmer nos diplo
mates tentés de faire des remontrances à nos alliés anglais et
américains qui, pour leur malheur et le nôtre, retombent dans
les erreurs qu’ils commirent après la première guerre mondiale.
Sur ce point, le savant professeur Marcel Prenant nous a conté
d’invraisemblables anecdotes : de l’avancement a été demandé
et heureusement refusé pour un professeur de l’Université de
Paris, en raison du temps qu’il avait, « collaborateur » avoué,
passé en prison. A Bordeaux, le recteur de l’Université a dû dé
missionner pour empêcher la réintégration d’un autre professeur
collaborateur non moins avoué et sa démission fut acceptée à
Paris. Il est vrai que ses pairs l’ont réélu.
M. Naegelen est trahi par ses bureaux qu’il se doit de net
toyer s’il ne veut pas mériter le même blâme que M. Teitgen
qui, chargé de veiller au civisme français, a, place Vendôme,
rendu des services au mieux de ses facilités politiciennes au lieu .
de rendre la justice.
Je m’en voudrais de compromettre le B.P. Biquet, mais je
ne puis me dispenser de dire que je regrette que celui-ci ne l’ait
pas choisi pour directeur de conscience. Le grand prédicateur
de Notre-Dame a une autre conception que lui de la charité
chrétienne et ce n'est pas sur lui que les Allemands peuvent
compter dans la ferme volonté qu’ils ont de ne point se réparer,
de continuer de se perdre et de nous perdre. Quelle belle voix
il a ! Comme je lui en faisais compliment, il me dit : « C’est
Dieu qui me l’a donnée », et je ne me suis plus étonné de sa ma-
ifique éloquence.
Après la première guerre mondiale, l’Allemagne trouva chez
nous appui auprès de ceux qu’elle avait fait le plus souffrir, au
près des anciens combattants. Ceux-ci, dont le journal l’Œuvre
était l’organe préféré, disaient : « On n’va pas r’mettre ça,
hein! », et on a remis ça, d.ans les pires conditions, un peu à
cause de leur pacifisme insensé. Ils ajoutaient : « Eh quoi ! on
les a vus les Boches, ce sont des hommes comme les autres », et
leurs fils ont dû souffrir après eux pour constater qu’ils ne sont
pas « des hommes comme les autres ». Ils sont revenus de leurs
erreurs pacifistes et comme les déportés, les internés qui, au
cours de la seconde guerre mondiale, furent plus maltraités en
core qu’ils ne l’avaient été au cours de la première, ils sont prêts,
j'en suis sûr, à exiger que la sécurité française soit enfin pleine
ment assurée. Il ne faut pas revoir cela, mais pour ne pas le
revoir, il convient de faire le nécessaire.
J’ai passé trois heures réconfortantes mercredi soir au Palais
de la Mutualité et je demande aux organisateurs de la réunion qui
s’y tint, de répandre partout en France, partout dans le monde
les discours qu’ils ih’ont permis d’entendre. Ils sont d’un haut
enseignement.
RENE GROUSSET
sous la Coupole
IL EST REÇU
PAR HENRY BORDEAUX
Successeur d’André Bellessort à
l’Académie Française, M. René
Grousset a été reçu en séance pu
blique. C’est M. Henry Bordeaux qui
était chargé de lui répondre.
L’éloge de son prédécesseur of
frait à M. René Grousset quelques
difficultés. André Bellessort n’a-t-il
pas été un des maîtres de l’Action
Française et, pendant l’occupation
n’a-t-il pas collaboré aux journaux
qui se publiaient en zone occupée ?
Les deux orateurs de la journée
T en blâment, M. René Grousset
parle d’inconscience. Il dit exac
tement ceci ;
Mais Bellessort ne devait pas voir
la fin du conflit mondial. Depuis
1940, en dépit de sa robuste appa
rence, il était secrètement atteint.
Il essayait de se donner le change
en publiant encore qùelques articles
littéraires, sans d’ailleurs (dans l’in-
térêt même du défunt, disons-
le sans ambages) se rendre compte,
hélas, que sa signature était ainsi
comme usurpée par une presse in
digne d’elle où elle semblait jurer,
où elle semblait protester, de co
lonne à colonne, contre les noms
voisins.
Quant à M. Henry Bordeaux, il
observe :
« Si l’envoûtement exercé sur
lui (André Bellessort) par la litté-
rature, lui voila, durant l’occupa
tion, l’erreur évidente et grave de
continuer à donner sa signature,
même au bas d’articles uniquement
littéraires, dans une presse contami
née et justement flétrie, une mort
presque subite et imprévue, le vint
retirer ensemble des difficultés ma
térielles, le froid, la faim, et le man
que de moyens de transport dont il
souffrait avec tout Paris, et de-la
douleur intérieure mêlée d’in grand
espotr j»
Directeur politique : Émile BURÉ
Rédaction, Administration : 31, Rue Tronchet
Anjou : 86-40 -- 4 lignes
Publicité s Régie-Presse» 65, Champs-Elysées
Après 21 heures : TRUdaine 16-30
LES MINISTRES
ont-ils perdu
Y a-t-il une opposition
LES DESASTREUX IIFITS DU FROID
le chemin du Luxembourg ?
par André STIBIO
en Russie
Les paysans et le clergé sont satisfaits de leur sort
Notre confrère, l’hebdomadaire
suisse « Die Weltwoche », vient de
publier sur la vie en Union Soviétique
une étude fort intéressante de M. Ni-
kolaus Basseches.
Il nous paraît intéressant d’en pré
senter à nos lecteurs les principaux
passages :
M. Basseches se demande tout
d’abord s'il existe à l’intérieur du
parti communiste des courants hostiles
à Staline et à ses collaborateurs et
des luttes d’influence. .
Mais laissons-lui la parole’ :
« Les réformes de ces dernières an
nées, écrit-il, à l’intérieur du parti
ont éliminé toute possibilité de lutte
ouverte. La fusion personnelle entre
le parti et l’administration a été
poussée extrêmement loin. Le parti
forme en quelque sorte le noyau de
l’administration et ses membres pro
fitent des privilèges qui sont réservés
aujourd’hui à la classe des fonction
naires. Auparavant, les communistes
occupaient, il est vrai, les postes les
plus importants de l’État. Du point
de vue matériel cependant, ils étaient
désavantagés. Le spécialiste sans
parti, largement payé, touchait inté
gralement ses appointements, excepté
un impôt sur le revenu, d’ailleurs mi
nime. Le communiste, par contre, de
vait se contenter d’un maximum im
posé par le parti. Aujourd’hui, si le
militant paye encore un impôt spécial,
le maximum auquel il était aupara-
vent soumis est supprimé.
Ce simple fait montre que le com
muniste profite matériellement en
tant qu’individu du développement de
l’Union Soviétique. Il est la preuve
aussi qu’il n’y a plus en fait à l’inté-
rieur du parti de tendance gauchiste.
Certains militants, par contre,
sont partisans de concessions éten
dues envers les éléments non commu
nistes, les paysans ou même le clergé.
Ils pensent que ces concessions per
mettraient un développement eco
nomique plus rapide et aussi qu’elles
leur donneraient la possibilité de
jouir tranquillement • des positions
qu’ils ont personnellement conquises.
Cependant, comme la politique in
térieure des Soviets incline d’elle-
même vers la modération, ces ten
dances perdront rapidement leur rai
son d’être.
La seule opposition existant dans
F parti provient de ' certaines des
Républiques soviétiques — sans ou
blier l'Ukraine ! — de l’Asie centrale.
Elle vient de militants communistes
partisans d’un renforcement du na
tionalisme local et désirant que ces
Républiques jouissent vis-à-vis de
Moscou d'une plus grande indépen
dance.
Le paysan
n^est pas à plaindre
Après avoir souligné l’effort réalisé
en Russie envers la jeunesse, M. Ni-
kolaus Basseches aborde un autre
problème : celui de la paysannerie.
« Une partie de la paysannerie, dit-
il, préférerait revenir à une écono
mie individuelle.
Mais il est préférable de ne pas
se faire d’illusion. Cette tendance
est celle d’une minorité. Le paysan
s’est habitué à l’économie collective.
Il a, en fait, réduit les fonctionnai
res locaux à une étroite dépendan
ce. Pour la majorité, sans doute, des
paysans, l’économie collective re-
présente aujourd’hui une véritable
assurance. Ils y travaillent comme
ils travaillèrent autrefois chez le
(Lire la suite en troisième page)
M. Winston Churchill
accepte la médaille militaire
Londres, 30 janvier. — A l’occa-
sion de l’attribution de la médaille
militaire à M. Winston Churchill, M.
Massi gli, ambasadeur de France à
Londres, a envoyé à l’ancien premier
ministre une lettre où .il déclare no-
tamment :
« A l’heure où les institutions cons
titutionnelles viennent d’être rétablies
en France, le gouvernement français
désire qu’une de ses premières ac
tions soit de vous remettre un sym
bole de la reconnaissance et de l’ad-
miration du peuple français tout en
tier pour votre personne. Le gouver
nement français estime que cette dis
tinction est la seule digne de l’homme
d’Etat qui fut l’âme de la coalition
et qui, dans les heures les plus som
bres, fut un symbole d’espoir pour la
résistance française. »
M. Churchill a répondu en ces ter
mes :
« Il n’y a pas plus grand honneur
qui puisse m’être accordé an nom de
la France et que j’accepterais avec
plus de 'fierté que la médaille mili
taire. Je l’accepte avec une profonde
gratitude. »
CHRONIQUES DE L’MRDRE»
par Raoul VITERBO
Harry Pilcer, danseur
des Mille et une Nuits
D’après une information londo
nienne Harry Pilcer — ex-prince
charmant de la danse romanesque
— va tourner un film sur Gaby
Delys, autre gracieuse météore du
firmament parisien. Dette de gra
titude acquittée aujourd’hui par le
brillant coryphée envers celle qui
favorisa ses premiers pas.
Qui ne se souvient d’Harry Pilcer
dans ses présentations originales,
avec cette étonnante souplesse
quasi irréelle, ses capes éblouis
santes agitées comme des ailes.
Même, certaine nuit, au Pré-Cate-
lan, les lumières ayant été éteintes
dans les salles du restaurant où
se trouvait le Tout-Paris, il dansa
dans la tenue d’un faune, brandis
sant sa cape comme un voile, au
milieu des jardins incendiés par les
sunlights, lancé à la poursuite
d’une nymphe en fuite dans le
bocage illuminé. Ce cadre féerique
bannissait toute idée choquante. A
l’encontre de Jean Cocteau qui, à
cette époque, passait pour un es
thète avide d’étonner et un peu
inquiétant dans le choix de ses
effets, Harry Pilcer, lui, dansait
sans... effets.
Un jour Harry, pour me remer
cier d’un article paru dans « Paris-
Midi », m’invita à déjeuner chez
lui, non loin de l’Ecole militaire.
Ce fut un déjeuner pittoresque.
On accédait au logis de l’artiste,
tout en haut, par un escalier dé
robé dont la rampe se drapait de
velours rouge. Une large tenture
masquait la porte d’entrée. La lon
gue salle à manger, ornée de plantes
exotiques, semblait un vaste atrium
et une baie ouverte sur la toiture,
par on ne sait quel miracle, puis
que les bombes ne tombaient point
sur le faîte des maisons en ce
temps-là, laissait filtrer les rayons
du soleil. Harry Pilcer me reçut en
péplum et m’invita à m’étendre
comme lui sur une chaise-longue
près de la table, pour déguster les
huîtres et le poulet en gelée arrosé
de champagne.
L’appartement luxueusement meu
blé dénotait cependant un goût
assez disparate par le mélange de
tous les styles. Après m’avoir mon
tré une table de toilette avec le
« nécessaire » et les flacons en
vermeil ayant appartenu à Eve
Lavallière, l’artiste me conduisit
vers une sorte de petite chapelle
dans laquelle, au pied d’un grand
portrait peint de Gaby Delys, brû
laient deux cierges en leurs can
délabres d’argent massif. Tout au
tour des lis à longue tige surgis
saient des vases : le culte de la
disparue. La forte et suave odeur
des liliacées montait comme 'un en
cens dans la pénombre et j’ai com
pris, hier, à l’annonce du film pro
jeté, que cette fidélité du danseur
à la mémoire de son Egérie n’était
point un simple caprice ou une mise
en scène.
Les écrits restent
Rien n’évoque mieux la diffé
rence entre l’existence passée et
présente, entre l’ancienne « dou
ceur de vivre » et les complications
multiples de l’heure actuelle que
la lecture de certaines inscriptions
restées sur les vitrines des bouti
ques parisiennes. Les régimes chan
gent mais les enseignes demeu
rent... Rue des Petits-Champs, à la
devanture d’un épicier, on peut
lire encore ce texte évocateur de
joies disparues : « Huile, savon,
café, chocolat vendus avec primes
(Lire la suite en troisième page)
et l’Approvisionnement en charbon
préoccupent le gouvernement
Le
sous
froid si cruel que nous subis-
a dès maintenant les consé-
quences les plus fâcheuses aussi bien
sur les récoltes en terre que pour le
chauffage des établissements publics
et des particuliers qui sont menacés
de manquer de charbon.
Cette situation préoccupe vivement
le gouvernement, les autorités repré
sentatives et les groupements profes
sionnels, qui s’inquiètent des mesu
res a prendre de toute urgence pour
y remédier.
A partir de 9 heures hier matin
M. Ramadier a eu divers entretiens
qui se sont poursuivis toute la ma-
tinée ,
Les
de
blés gelés représentent
plusieurs mois
consommation de pain
déclare M. Lamour
Les chefs socialistes turcs sont arrêtes
pour avoir combattu le gouvernement
Le président du conseil a reçu en
premier lieu une délégation de la C.
G. A., à la tête de laquelle se trou
vait M. Philippe Lamour, secrétaire
général. L’entretien a duré une heu
re. M. Philippe Lamour a fait une
courte déclaration dans laquelle il a
dit qu’il avait attiré l’attention du
président sur la situation extrême
ment grave dans laquelle se trouvent
les cultivateurs de blé.
Le 16 décembre dernier, le gou
vernement d’Ankara faisait opérer
à Istamboul des arrestations massi
ves dans les rangs de l’opposition.
L’autorité militaire, qui était char
gée de l’opération, en vertu de Fl
fiction de la loi martiale régnant
dans certains districts, publiait un
communiqué affirmant que les per
sonnes arrêtées voulaient reconsti
tuer le parti communiste, interdit
en Turquie. Les commentaires de la
presse à la solde du gouvernement
insinuaient par ailleurs que Moscou
n’était pas étranger à leur^ menées.
Or, le ministre de l’Interieur, M.
Chukru, vient de reconnaître devant
le Parlement d’Ankara, au cours de
sa séànce de mercredi dernier, que
les chefs socialistes, arrêtés le 16
décembre, étaient accusés principa
lement « d’avoir voulu substituer au
gouvernement actuel un gouverne
ment anti-fasciste ».
Ainsi en République turque le fait
de souhaiter la substitution d’un
gouvernement à un autre devient un
crime, même s’il n’y a le moindre
commencement d’action ! Mais ce
qui est le plus cocasse c’est que le
ministre a ajouté que ces « crimi-
nels » étaient accusés aussi d’être
entrés en relation avec le maréchal
Tchakmak par l’intermédiaire de
Mi. Lustu Aras.
Pour qui ne connaît ces deux per
sonnages, notons que le premier fut
le maître absolu de l’armée kéma-
liste depuis Kémal et jusqu’en 1942
et que le second dirigea la diploma
tie turque jusqu’à la mort du créa
teur de la République. Il est vrai
que le maréchal fut mis à la retraite
en 1942 pour donner satisfaction
aux Britanniques qui se plaignaient
des préparatifs antiruses d'Ankara et
que depuis il s’est mis à la tête de
l’opposition parlementaire qui grou
pe une soixantaine de députés.
Voici comment comprend la liber
té le gouvernement d'Ankara, autre
^client de M. Bevin, qui n’a pas assez
de paroles dures à l’égard des élec
tions en Pologne et ailleurs. Le gou
vernement de Londres vient de se
« Sur 3.500.000 hectares qui ont
été ensemencés cette année, a-t-il
précisé, près de 2 millions ont subi
les effets du gel; il peut en résul
ter un déficit de sept mois de pain...
Il est nécessaire, d’autre paît, de
prévoir un rajustement du prix du
blé pour la prochaine campagne. »
de
Et M. Lamour a conclu :
« Nous ne demandons pas une aug
mentation immédiate ; notre désir
est de collaborer en plein accord avec
le gouvernement et surtout de ne
pas gêner son action. »
L’approvisionnement
en charbon des hôpitaux
et écoles
reste assuré en priorité
Le président du conseil s’est entre
tenu ensuite, el présence de M. Ro
bert Lacoste, ministre de la produc-
débarrasser du boulet grec constitué
par M Tsaldaris. Il est temps qu’il
se désolidarise aussi de la clique
d’Ankara. Sinon les prêches de liber
té risqueraient de plus en plus de ne
provoquer que des sourires.
I. L.
DÉTENTE ENTRE ROME
ET BELGRADE
L’Italie devant ses responsabilités
Le représentant yougoslave au
Conseil consultatif allié pour l’Italie
a fait savoir à M. Nenni, ministre
des Affaires étrangères démission
naire, qui continue d’exercer ses
fonctions à titre provisoire et qui,
ces jours derniers, avait protesté
auprès des puissances contre le
traité de paix dans un sens plutôt
défavorable à la Yougoslavie, que
le gouvernement de Belgrade avait
décidé de nommer en Italie un re
présentant politique. Ce n’est pas
encore la reprise des relations di
plomatiques normales, mais c’est
du moins un geste qui permet d’es
pérer une détente progressive des
rapports de voisinage si profondé-
ment troublés entre les deux pays.
On se rappelle que le sensation
nel voyage de M. Togliatti à Bel
grade, en novembre, avait été suivi,
à New-York, de négociations entre
M. DE GASPERI
tente de faire revivre
Rome, 30 janvier. — La forma
tion du nouveau cabinet italien a
été retardée par les discussions in
térieures des trois grands partis.
Le comité directeur et le groupe
parlementaire démocrate-chrétien,
en particulier, se sont réunis ce
soir, en présence de M. de Gasperi,
pour discuter de la formule tri-
partite du futur gouvernement, for
mule sur laquelle l’accord des re
présentants socialistes, communis
tes et démocrates-chrétiens a été
réalisé.
La tendance de droite du parti
démocrate-chrétien s’est opposée à
cette solution, mais on estime que
M. de Gasperi parviendra aisément
à obtenir la majorité.
Si les démocrates-chrétiens ap
prouvent l’œuvre accomplie jus
qu’ici par leur leader, il n’est pas
exclu que les délégués des trois
partis puissent procéder, dans la
journée de demain, à la réparti
tion des portefeuilles.
les délégués italiens et yougoslaves
à l’O.N.U. Ces entretiens n’avaient
été couronnés que d’un succès mo
deste : on s’était borné à exprimer
l’espoir de pouvoir entreprendre
des pourparlers bilatéraux, à une
date ultérieure et en un autre lieu.
Depuis, l’attitude de Belgrade
avait paru marquer un nouveau
raidissement. Lê gouvernement
yougoslave n’avait répondu que par
le silence au désir formulé par l’Ita-
lie d’envoyer une délégation en
Yougoslavie pour discuter la ques
tion des minorités née de la nou
velle délimitation des frontières et
pour préparer le terrain au réta
blissement de relations normales.
Devant ce mutisme, on pouvait
craindre que la situation ne restât
tendue. L’initiative que vient de
prendre le maréchal Tito montre
que ces craintes étaient vaines. On
doit se féliciter de ce geste, qui peut
préluder à un rapprochement pro
gressif. Il est possible que M. Parr
soit désigné pour aller représenter
le gouvernement italien à Belgrade.
Il y a lieu de remarquer, toute
fois, que la décision du gouverne
ment yougoslave, bien qu’elle per
mette de conclure à un désir de
conciliation et d’apaisement de la
part du maréchal Tito, n’a fait
l’objet de presque aucun commen
taire dans la presse italienne.
Seuls, les journaux de MM. To-
gliatti et Nenni, ainsi que le Gior-
nale d’Italia, ont fait ressortir l’im
portance de la nouvelle, tandis
qu’une partie de la presse de droite
a jusqu’à présent feint de l’ignorer.
Cela est peut-être dû au fait que,
dans la crise politique créée par la
démission du cabinet Gasperi, ce
sont les éléments italiens favora
bles à la Yougoslavie qui ont le plus
besoin de mettre des atouts dans
leur jeu.
Quoi qu’il en soit, l’événement est
heureux. Il reste à savoir s’il pourra
développer ses conséquences : cela
dépend en premier lieu de l’attitude
que prendra l’Italie. Il est évident
que si elle devait décider de refuser
de signer le traité de paix, on se
trouverait en face d’une situation
entièrement nouvelle.
Claude VIVIERES.
LA QUOTIDIENNE DE PIERRE LŒWEL
COUP DOUBLE
C’est une aventure que je ne puis
naturellement pas raconter dans le
journal où elle m’advint mais je
puis en faire confidence aux lec
teurs de l’Ordre qui, eux, ne prê
teraient pas le flanc, cela va sans
dire, à des méprises de cette sorte.
Vous saurez donc qu’y ayant pu
blié un article sur les fantaisies
extraraciniennes de M. Baty telles
qu’elles prirent corps aux repré
sentations de Bérénice à la Comé
die-Française, j’avais eu l’étourderie
d’oublier tout ce qu’une expérience
sans cesse renouvelée m’a cepen
dant appris : à savoir qu’il ne faut
jamais pratiquer l’ironie avec le
lecteur, jouer au pince sans rire et
plaisanter sans l’en avertir. De
toutes les figures de rhétorique l'an
tiphrase est assurément celle qu’il
comprend le moins. Je ne sais pas
si,.comme l'a dit Boileau, «le Fran
çais né malin créa le vaudeville »
mais tiens pour certain qu’en l’état
actuel de l’intelligence, il faut que
les ficelles soient grosses comme
des câbles pour qu’on s’en aper
çoive.
Sur un ton faussement „ grave
j’énonçais donc paradoxale ment que
la littérature classique est, comme
chacun sait, la plus ennuyeuse du
monde, qu’il convenait de la ré
veiller par l’attrait d’une mise en
scène joyeuse et que notamment les
vers rocailleux de Racine (sic)
avaient grand besoin d’être adou
cis par quelque musique de ballet.
Le reste était à l’avenant et l’in
tention, croyais-je, se comprenait
d’elle-même. Mais j’eus à me dé
tromper quand une lettre de pro
testation énergique d’un lecteur in
digné vint me rappeler au respect
des convenances.
Et j’allais philosopher sur la ni-
gauderie d’un brave homme qui
n’avait pas entendu malice à mes
propos et pris ma raillerie pour ar
gent comptant quand me parvint
un autre poulet. Celui-là — c’était
le comble ! — émanait d’un lecteur
satisfait : « Bravo, m’écrivait-il
en substance, pour avoir osé dire
tout haut à propos de l’ennuyeux
Racine ce que tout le monde en
pense tout bas ! »
Une mise au point aurait vexé
le premier lecteur et déçu le second:
tion
industrielle, avec une déléga-
du conseil municipal qui était
conduite par M. Verlomme, préfet
de la Seine, et comprenait notam
ment M. Vergnolles, président, Mlle
Solange Lamblin, Mme Jean Marin,
MM. Raymond Bossus, Fosset, Fran-
tion
çais, etc.
Le ministre de la production in
dustrielle a exposé les mesures qui
avaient été prises pour assurer les
livraisons régulières de charbon. Il a
précisé que l’approvisionnement en
combustible des hôpitaux, écoles,
foyers où Se trouvent des malades et
foyers sans gaz continuerait d’être
assuré en priorité.
Confirmant la déclaration faite par
le ministre, Mlle Solange Lamblin a
insisté sur le fait que les écoles ne
seraient pas fermées à Paris par suite
du manque de charbon.
De son côté, l’inspection générale
de l’enseignement de la Seine nous a
donné ce matin l’assurance formelle
que toutes les écoles publiques de
Paris restaient ouvertes pour le mo
ment. Le plan .de détresse ne serait
appliqué que si les arrivages de char-
bon réduits par le gel des voies na
vigables devenaient insuffisants.
LES ETATS-UNIS
commencent
le réarmement
de l’Allemagne
Berlin, 30 janvier. — L’armement
des patrouilles allemandes chargées
de protéger les frontières de la zone
américaine en Allemagne a été dé
cidé par le gouvernement militaire
américain. Ce dernier leur permet
d’opérer, en outre, jusqu’aux lignes
de démarcation des zones.
Cette mesure a été prise afin de
permettre une lutte plus efficace con
tre le marché noir et contre les en
trées clandestines dans la. zone amé-
ricaine die personnes dont le nombre
ne cessait de croître. Les patrouilles
qui existaient depuis février 1944
n’étaient jusqu’à présent, pas armées
et n’avaient l’autorisation d’aller que
jusqu’à une certaine distance des
frontières.
Un par un se rétablissent, bien
que dans un cadre constitutionnel
nouveau, les échanges qui caracté
risaient la vie parlementaire
d’avant guerre. C’est un recommen-
cement timide, comme furtif, mais
nous devons nous en contenter, en
faisant tout pour accélérer petit à
petit le rythme et le volume du tra
vail législatif. Pour l’instant, le
Conseil de la République reçoit du
Palais-Bourbon le projet n° 1 qui
va lui être soumis. C’est la com
mission de la justice du Luxem
bourg qui aura l’honneur de « ré
fléchir » la première sur une loi
venue de la Chambre, puisqu’il
s’agit de la loi qui fixe les moda
lités d’élection des quatre magis
trats — et de leurs suppléants —
appelés pour six ans à représenter
au Conseil supérieur de la magis
trature les diverses catégories de
magistrats. Petit débat, mais débat
inaugural où la virtuosité juridi
que de nos anciens sénateurs se
fût jadis donné libre cours.
Cette discussion initiale a le mé
rite de poser devant l’opinion pu
blique une question qui est dans
l’esprit de tous les conseillers. Veut-
on leur laisser jouer vraiment,
jouer pleinement, le rôle que la
Constitution leur a assigné ? Cer
tains d’entre eux nous ont fait leurs
confidences. Nous ne songerons pas
à cacher qu’elles étaient assez dé
sabusées. Rien d’offensant, certes,
n’a été entrepris contre le Conseil
de la République. Pas de menace
précise à l’horizon, mais quelque
chose de plus dangereux pour lui
et pour nous qui désirons, par
souci de l’équilibre politique du
pays, qu’il ne soit pas une forme
désincarnée, une de ces ombres qui,
faute d’avoir reçu l’obole nécessaire,
ne franchissaient jamais le fleuve
des enfers. Cette obole, on la refuse
doucement, toutefois avec ténacité,
au Conseil de la République. On
tisse doucement l’indifférence au
tour de lui. On le laisse errer dans
le vide. Etonnons-nous après cela
que beaucoup de conseillers de la
République se demandent déjà :
que sommes-nous venus faire ici ?
La nouvelle Assemblée, qui ren
ferme dans son sein des hommes
de valeur et dont les groupes poli
tiques offrent déjà par rapport à
leurs groupes symétriques de l’As-
semblée nationale des différences
fort appréciables et fort intéressan
tes, doit se garder de deux sortes
de « conseilleurs » également per
nicieux. H y a Ceux qui, voulant
tout précipiter, risquent de tout
casser, qui entreprendraient sur-le-
champ de recréer le Sénat par des
initiatives aventureuses et qui rê
vent d’un conflit spectaculaire, po
litique au besoin, entre le Palais-
Bourbon et le Luxembourg. Pour
l’heure ce serait la lutte du pot de
terre contre le pot de fer. Il faut
plutôt éviter toute incompatibilité
constitutionnelle entre les deux
assemblées qui se traduirait vite
par une crise grave d’où le Conseil
de la République sortirait fort mal
en point. Il n’y a pas à recréer le
Sénat sous sa forme ancienne,
d’abord parce que ce n’est pas
possible, ensuite parce que ce n’est
pas désirable. La Constitution fait
loi.
Mais il y a d’autres personnages
qui réduiraient, si on les écoutait,
le Conseil de la République à des
prudences de geste et de langage
telles qu’ils lui enlèvent non la vie,
mais les raisons de vivre. Pas de
bruit ! disent-ils. Marchons sur la
pointe des pieds ! Soyons très sa
ges, très obéissants. En un mot,
faisons-nous oublier. Tendance qui
se fortifie des disciplines des partis,
où beaucoup souhaiteraient que le
conseiller de la République fût,
dans la hiérarchie parlementaire,
le vassal du membre de l’Assem
blée nationale. Ce joug doit être
secoué. Les socialistes du Luxem
bourg et les socialistes du Palais-
Bourbon peuvent, sans transgresser
la règle du parti, réagir de façon
différente. Et
des socialistes,
rellement des
ce que nous disons
nous le dirons natu-
autres groupes poli-
tiques. M. Hamon avait très judi
cieusement et très finement mon
tré dans l’ « Aube » comment
l’unité de doctrine pouvait s’ac
commoder de réactions spécifiques
ici et là. La chose est possible. En
core faut-il la vouloir et pour cela
affirmer avec suffisamment de for
ce les droits organiques du Conseil.
Un premier point à régler, avec
la netteté désirable, parce qu’il
commande tous les autres, est celui
de la collaboration entre le Conseil
de la République et le gouverne
ment. Jusqu’à présent le Luxem
bourg n’a reçu, à une heure tar
dive, que la visite de Léon Blum.
Précédent inestimable, qui s’est ac
compagné d’un discours fort péné
trant où l’ancien chef du gouver
nement dessinait la conception
qu’il se faisait du Conseil de la
République. Depuis, nul ne sait si
les ministres assisteront ou n’assis
teront pas aux séances du Luxem
bourg. Ce serait une lourde faute
de leur part si le banc des minis
tres restait vide, car à quoi servi
rait un « Parlement » dont une des
deux assemblées serait mise au pain
sec par le gouvernement ? C’est
affaire au président du Conseil de
la République de veiller dans les
débats à ce que les ministres ne
soient mis en cause, interrogés, si
non interpellés (mais pourquoi pas
interpellés ?) que dans le cadre
prévu pour l’activité de la deuxiè
me Assemblée.
Il faut demander pour les mêmes
raisons, avec une énergie égale, que
les ministres soient entendus par
les commissions. Le Conseil ne sera
à même de remplir le rôle de
« Chambre de réflexion » qui lui
est assigné que s’il est pleinement
informé, s’il peut obtenir des ex
plications complémentaires, susci
ter des éclaircissements sur des
points qui lui paraîtraient obscurs.
Toutes les commissions, plus par
ticulièrement celles des Affaires
étrangères et des Finances, doivent
à égalité avec celles de l’Assemblée
nationale travailler dans un con
tact Confiant avec les ministres.
S’il y avait chez ces derniers indif
férence ou mépris à l’égard de la
Chambre mineure, nous serions,
malgré le décor, en plein régime
d’Assemblée unique. Avec tous les
risques que le système comporte
et que l’on avait voulu écarter en
instituant précisément le Conseil
de
la République.
de
La France persiste
dans sa demande
détachement de la Ruhr
et de la Rhénanie
Le ministère des Affaires étran
gères communique :
Les informations publiées par dif
férents journaux et selon lesquel
les les projets français d’ordre éco
nomique concernant l’Allemagne
équivaudraient à l’abandon de la
thèse politique relative au détache
ment de la Ruhr et de la Rhénanie,
sont contraires à la réalité.
Le ministère des Affaires étran
gères renouvelle le démenti qu’il
avait formulé à cet égard le 28
janvier.
Le Schacht italien
acquitté à son tour
Rome, 30 janvier. — Un tribunal
de première instance a acquitté au-
jourd’hui à Rome le comte Giuseppe
Volpi,«accusé d’avoir aidé à l’établis
sement du fascisme en Italie.
Le comte. a été, de 1925 à 1928,
ministre des Finances italiennes et,
de 1925 à 1939, membre du grand
conseil fasciste. On estime générale
ment qu’il a sauvé le fascisme du
désastre économique dont il était me
nacé aux environs de 1928, en obte
nant des Etats-Unis un prêt financier.
NOTRE TR1RUNE LIBRE
LE. CAS DE L’«ORDRE»
ou: De ‘éminente nauveté des dignes
par Julien BENDA
J’entreprends aujourd’hui une tâche plutôt sca
breuse ; étant, posé que la fortune temporelle du
journal qui m’accueille est plutôt faible, en recher
cher les causes.
Ce n’est pas se leurrer d’un doux mirage, mais
reconnaître un fait, de dire que maintes personnes dé
clarent l'Ordre un des journaux les plus attachants
de l’heure présente, les plus riches de pensée (d’au-
cuns disent le plus riche). ; que ceux qui parlent ainsi
sont de plus en plus nombreux ; que ses confrères
le tiennent en singulière estime, si l’on songe à la
place qu’ils lui font dans leur compte rendu de
presse. Cependant, l'Ordre prospecte un champ assez
restreint, ignore les gros tirages, occupe une position,
comme disait Taine de Mérimée, haute mais étroite.
A quoi tient ce paradoxe ?
Précisément à sa qualité.
D’abord, son refus de donner des commande
ments à ses lecteurs en fait de politique et de mo
rale, ce que j’appellerai son absence de caporalisme.
Nombre de nos confrères procèdent par ukases à leur
public : « Pensez ainsi, votez ainsi ; hors cette voie,
point de salut. » Ici, rien de tel, non que le journal
n’ait son opinion et ne se prive pas de la dire, mais
parce qu’il ne la tient point pour une vérité révélée,
tombée du Mont-Thabor ou du Kremlin, et dont
l’humanité doit se faire l’ilote sous peine de damna
tion. Or la plupart des hommes veulent être com
mandés, veulent des directeurs de conscience, lesquels
sont loin d’être nécessairement revêtus de soutanes,
et ne pas s’entendre hurler « par file à droite » ou
« par file à gauche », les frustre profondément.
On pourrait dire encore qu’avec cette absence
de prédication d’une vérité absolue, l'Ordre n’est
pas un journal d’action, l’action était nécessaire-
ment liée — ce que les démocrates ne-veulent pas
' comprendre — à une intolérance intellectuelle, à un
élément de foi, qui est la, négation de l’esprit démo
cratique, tel du moins qu’ils l’entendent. Or
je'me suis résolu à 'manquer ce xrauguer “u enengent- Vr presque
coup double. Autant conserver au tous les, hommes, du moins en r rance, et plus que
moins un approbateur. Mais c’est jamais a une époque ou chaque parti vise au
moins un approbateur. Mais c’est lamals a une évoqué ou chaque parti vise au pou-
égal, Humour, humour, quand tu voir, veulent qu’un journal soit un instrument d’ac-
nàus tiens, on peut bien dire : tion et tiennent l’esprit renanien pour chose dénuée
adieu prudence !
de tout intérêt, voire pour une peste qu’il faut exter-
miner. Tel est l’enseignement de Marx quand il pro
nonce : « L'humanisme réel (entendez communiste)
n’a pas d’ennemi plus dangereux que l'idéalisme spé
culatif » ; d’accord avec le catholique politicien, qui
lance l’anathème sur Renan pour son « immoralisme
spéculatif » (H. Massis, Jugements, I.)
Cette indifférence de l'Ordre à constituer un or
gane d’action, un « dynamisme » politique, a pour
effet l'absence chez lui de l’insinuation perfide, de
la mauvaise foi, du mensonge, de la calomnie et au
tres mœurs indispensables à ceux dont le but est
d'avant tout perdre l’adversaire dans l’opinion. Ici,
le journal ne déçoit pas seulement les hommes pra
tiques — les « pragmatistes » —, mais de simples
dilettantes, comme cet abonné de Gringoire, qui
m’avouait il y a quelques années : « Je ne crois pas
à toutes ces médisances, mais elles m'amusent »,
race encore plus malfaisante, et plus incurable, que
ceux qui y croient.
Une autre tare de l’Ordre près de tout un monde
est de nettement clamer lé danger, quand il le croit
réel. Rappelons-nous son attitude après Munich —
il la reprend aujourd’hui et pour cause — et le titre
de « buveur de sang » dont le gratifiaient presque
tous ses confrères. Or une immense partie de nos
concitoyens entendent qu’on ne trouble pas leurs di
gestions. Un rédacteur d’un grand journal du matin
me confiait un jour.: « La consigne dans notre mai
son est de ne jamais rien écrire qui puisse inquiéter
nos lecteurs. » Et, de ce fait, en août 1 939 il leur
expliquait encore que tout allait s’arranger. Ce jour
nal-là fait fortune.
Enfin, un handicap de l’Ordre près de tout un
monde est son sérieux, le peu de place qu’il accorde
à la frivolité, à lq mondanité, au « parisianisme ».
On peut assurer que l’Ordre — l’exception plus que
jamais confirme la règle — intéresse peu les femmes. ,
Chose grave sur le marché de la popularité.
En somme, l’Ordre, comme il est juste, paye sa
tenue. Et cela me rappelle un mot de Péguy, qui,
lui aussi, expiait son abstention des méthodes qui rap
portent : « On m’a parlé, au catéchisme, de l'émi-
nente dignité des pauvres ; on devrait bien parler
aussi de l’éminente pauvreté des dignes. »
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