Titre : Le Suffrage universel : organe de la démocratie radicale ["puis" organe de la démocratie républicaine-radicale-socialiste du Gard]...
Auteur : Parti radical (France). Fédération départementale (Gard). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Nîmes)
Date d'édition : 1887-07-17
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328737035
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 juillet 1887 17 juillet 1887
Description : 1887/07/17 (A1,N26). 1887/07/17 (A1,N26).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG30 Collection numérique : BIPFPIG30
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t510617617
Source : Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 200183_2
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/05/2023
Première année. — N° 2{T
DIX CESTI?! ES
Dimanche 17 juillet 1887.
LE
ORGANE DE LA DÉMOCRATIE RADICALE
Paraissant le Dinaaneli.
ABONNEMENTS : Un An, 5 fr.
BUREAUX : 27, rue Saint-Philippe, Nimes
Adresser toutes les communications j RENSEIGNEMENTS
AUX BUREAUX DU JOURNAL, A NIMES j BUREAUX : 27, rue Saint- Philippe, Nîmes
SOMMAIRE
Fédération de 1889.
A travers le Gard.
Les Réprouvés.
Le Curé de Saint-Quentin.
Feuilleton.
Rouvière.
FÉDÉRATION DE 1889
Appel à tons les Républicain»
de France
Citoyens,
Nous venons vous demander de vous
joindre à nous pour célébrer dans une
grande Fédération le Centenaire de 1789.
Partout on se prépare à donner à cette
glorilication du plus grand événement
de Thistoire un incomparable éclat.
L'exposition universelle, un monument
commémoratif érigé sur l'emplacement
des Tuileries, le Musée de la Révolution,
la Société d'histoire de la Révolution,
une série de fêtes réunissant à Paris,
dans le même élan de fraternité les répu-
blicains des départements aux républi-
cains de la capitale : tels sont les projets
dont on s'occupe déjà.
Mais nous pensons que ces témoigna-
ges extérieurs seraient insuffisants, s'ils
n'étaient accompagnés, appuyés par un
grand mouvement des esprits ; si le Cen-
tenaire, en un mot, ne devait pas donner
le signal d'un retour aux traditions de la
Révolution.
La Révolution française, éveil du peu-
pie, préparé par les philosophes du dix-
huitième siècle, les Voltaire, les Diderot,
les Rousseau, les Montesquieu, les d'A-
lembert, qui répandirent, à pleines mains,
sur le vieux monde, la semence des
idées ; — la Révolution française, mise
en marche de tous les parias,de tous les
déshérités, de tous les misérables vers la
justice, vers la vérité, vers la lumière;
— la Révolution française, vous le savez,
c'est la loi faite et consentie par tous,
remplaçant le bon plaisir du roi ; c'est
la conscience remplaçant le prêtre ; c'est
la liberté du travail remplaçant la cor-
poration fermée ; c'est le protestant, le
juif devenant citoyens, l'esclave, le serf
redevenant homme; c'est l'émancipation
des intelligences ; la rupture de toutes
les chaînes ; l'écroulement de toutes les
Bastilles ; l'affranchissement du genre
humain.
Liberté ! — Mais, être libre, c'est pou-
voir. On ne peut rien quand on n'a rien,
quand on ne sait rien. Si la lutte pour
l'existence est la condition des sociétés
humaines, il faut que tous les citoyens
soient armés également pour cette lutte.
De là, l'admirable série de déclarations,
de lois, de décrets, ayant pour but de dé-
livrer l'homme de la misère et de l'igno-
rance, et qui sont l'œuvre même, vivante
et agissante de la Révolution, et auxquels
se rattachent les noms de Lakanal, de
Lepelletier, de Sainl-Fargeau, de Condor-
cet qui, le premier, a parlé de l'éduca-
tion intégrale,et de tant d'autres ; institu-
tions de travaux et de secours pour les
pauvres valides « dans les temps morts
au travail ou de calamités », création de
maisons de santé pour les malades sans
domicile, d'hospices pour les vieillards
et les enfants abandonnés ; œuvres
grandioses et sereines dans lesquelles la
Révolution, terrible aux ennemis de la
liberté, s'est montrée, envers les malheu-
reux, maternelle.
Certes, tous les républicains screcom-
mandent des principes de 89. Mais pro-
clamer la fidélité aux principes ne suffit
pas. La Révolution n'est pas terminée
encore. Nos mains ne peuvent encore at-
tacher le bouquet symbolique au som-
met de l'édifice. Il nous reste de la be-
sogne. Il faut travailler, il faut corn-
battre pour faire entrer ces principes
dans les mœurs, dans les lois et dans
les faits. — Souvenons-nous de nos an-
cètres, des républicains du commence-
ment de ce siècle, les hommes de l'âge
héroïque, qui, résistant à toute les ten-
tatives de réaction, nous ont, au prix
de leur fortune, de leur liberté, de leur
vie, transmis, dépôt sacré, les traditions
révolutionnaires.
La situation présente nous impose de
graves, d'impérieux devoirs. Ne sont-ils
pas en vérité, infidèles à la Révolution,
les républicains qui préconisent une po-
litique d'ajournement et d'inertie; qui,
par peur, disent-ils, de trop de hâte,
se condamnent à l'immobilité stérile ;
qui, sous prétexte de tenir compte des
forces du passé, vont jusqu'à transiger
avec elles; les républicains qui admet-
tent le concordat avec le pape et les corn-
promis avec les royalistes?
C'est contre cette doctrine funeste que
nous devons nous élever, à la veille du
Centenaire ; c'est elle que nous devons
combattre, nous qui réclamons immé-
diates les réformes depuis si longtemps
promises par la République au peuple :
la séparation des Eglises et de l'Etat,
les libertés communales, l'instruction
pour l'enfant, la protection pour la fera-
me, l'assistance pour le vieillard, le cré-
dit pour le travailleur, la justice gratuite,
l'impôt progressif, l'égalité, enfin, de
tous devant le service militaire; car nous
voulons reconstituer ce que nos aïeux
de 92 appelaient : le grand parti des Pa-
trioles, prêts à tout pour défendre le
sol de la France et l'idée de.la Révo-
lution.
Voilà donc pourquoi nous faisons ap-
pelà tous les républicains radicaux.
Voilà pourquoi nous leur demandons
de former paîtout des comités, de s'or-
ganiser, afin do poursuivre,par la parole,
par la plume, par les réunions, par le
vote, par l'action individuelle et collcc-
tive, l'œuvre do la Révolution.
Les Comités, étroitement liés par une
pensée commune, seront indépendants.
Celui de Paris ne sera pas supérieur à
celui de la plus petite commune. S'il
prend l'initiative, c'est pour centraliser,
non pour diriger les efforts épars qui
tendront tous au même but :
— La réalisation des réformes politi-
ques et sociales qu'ont voulues nos pères,
pour lesquelles ils sont morts 1
Clémenceau, Laisant, Henri Ho-
clicfort, À. Vaequerie, Auguste
Mcle, Camille Pelletan, Anatole
de la Forge, Crémieux, Schai-
cher, Gaussorgues, Desmons,
Colfaoru, Numa Gilly, et trois
cents députés, sénateurs, conseil-
1er s municipaux de Paris et
journalistes de la presse radi-
cale.
Feuilleton du Suffrage Universel
N°
LE CLOS DU THIEULOY
CHAPITRE II
La carrière du jeune avoué était brisée,
il entraînait dans sa ruine sa jeune fem-
me et son enfant. Le beau-père qui jouis-
sait, depuis le mariage de sa fille, d'un
tranquille bien-être, reprit l'administra-
tion de l'étude, en attendant des jours
meilleurs, et bien, qu'il ressentit une
amère douleur de la séparation de son
enfant il ne la dissuada pas de suivre
son époux.
La vie à Genève fut remplie d'épreu-
ves pour le pauvre ménage. Gérard ne
possédait aucune fortune, et sa femme ne
lui avait apporté d'autre dot que l'étude
d'avoué de Beaucaire. On pouvait en-
core vivoter des minces revenus qu'elle
produisait, mais c'était tout juste. Le
vieil avoué n'hésita pas à faire tous les
sacrifices qui dépendaient de lui pour ai-
der ses enfants, mais les frais du mariage
de sa fille avait déjà entamé ses ressour-
ces. D'ailleurs, il comptait sur les capa-
cités intellectuelles, et l'énergie de son
gendre pour sortir de ce mauvais pas.
— Ce fut d'abord pour Gérard un temps
de dure épreuve. Les petites épargnes
étaient épuisées, le courageux lutteur
n'avait pas encore trouvé de position. 11
prit une virile et extrême résolution. Cet
homme d'un grand savoir, d'une fière
intelligence {recourut au labeur manuel
pour donner du pain à sa femme et à
son enfant. Lors de la Réforme socia-
le, il avait appris les notions élémen-
taires de l'imprimerie, ne voulant, dans
un cas d'extrême urgence, être à la mer-
ci de personne. Ce lui fut une ressource,
et il entra comme typographe dans une
imprimerie genevoise. Sa vaillante corn-
pagne suivit son exemple ; elle travailla
à quelques travaux de couture et ne re-
cula point devant la fatigue.
Pour ces deux êtres qui s'aimaient, la
mauvaise fortune ne devint pas une cause
de dissentiment ; ils sentaient, au con-
traire, accroître leur tendresse avec les
difficultés ! Le bébé grandissait. — Par
malheur, une seconde grossesse aug-
menta les embarras du ménage, Madame
Gérard supportait sans se plaindre, ce
surcroit de lassitude, elle arriva pénible-
ment au terme de sa délivrance et mit au
monde une bien faible créature. La mè-
re, déjà épuisée, voulut donner la vie à
la petite fille anc seconde fois et tenta
de la nourrir. Elle ne lui offrit qu'un lait
appauvri et la vit mourir dans ses bras.
Ce fut la première douleur réelle des hé-
roïques époux.
Les années succédaient aux années
sans apporter la fin du joug odieux sous
lequel la France s'avilissait dans la mo-
lesse et un faux bien-être. Gérard se
voyant dans l'impossibilité de se charger
lui-même de l'éducation de son fils, ac-
cepta l'offre d'un grand oncle qui lui pro-
posait de prendre l'enfant chez lui et de
le faire instruire.
— Le devoir rigoureux fut une nou-
velle désolation pour ces pauvres gens.
En face l'un de l'autre, — privés des joies
légitimes de la famille, songeant aux ab-
sents, — ils n'entrevoyaient aucune
éclaircie dans le ciel sombre.
Le décret de 1859 rappela les proscrits
en France. Quelle sécurité y pouvait trou -
ver un homme de cette trempe? Gérard rc-
l'usa de rentrer. 11 avait repris la plume à
ses moments perdus. Dans Y Indépendant
de Genève de bons articles politiques si-
gnès par lui, furent remarqués, La vie
matérielle était assurée, et un éditeur
avait consenti à publier plusieurs ouvra-
ges qui n'auraient pu voir le jour en
France. D'ailleurs pouvait-on croire que
le réveil du peuple tardât beaucoup et que
les républicains ne chassassent bientôt
cette troupe de forbans couronnés ?
Le proscrit dut attendre, attendre en-
core. Sa femme, depuis longtemps affai-
blie, s'éteignit sur la terre d'exil, avec
l'âpre douleur de laisser celui qu elle ai-
mait privé d'affection et de tendresse.
Ni l'adversité, ni la privation do son
enfant, ni l'horrible désespoir que lui
causa cette perte cruelle, ne parvinrent
DIX CESTI?! ES
Dimanche 17 juillet 1887.
LE
ORGANE DE LA DÉMOCRATIE RADICALE
Paraissant le Dinaaneli.
ABONNEMENTS : Un An, 5 fr.
BUREAUX : 27, rue Saint-Philippe, Nimes
Adresser toutes les communications j RENSEIGNEMENTS
AUX BUREAUX DU JOURNAL, A NIMES j BUREAUX : 27, rue Saint- Philippe, Nîmes
SOMMAIRE
Fédération de 1889.
A travers le Gard.
Les Réprouvés.
Le Curé de Saint-Quentin.
Feuilleton.
Rouvière.
FÉDÉRATION DE 1889
Appel à tons les Républicain»
de France
Citoyens,
Nous venons vous demander de vous
joindre à nous pour célébrer dans une
grande Fédération le Centenaire de 1789.
Partout on se prépare à donner à cette
glorilication du plus grand événement
de Thistoire un incomparable éclat.
L'exposition universelle, un monument
commémoratif érigé sur l'emplacement
des Tuileries, le Musée de la Révolution,
la Société d'histoire de la Révolution,
une série de fêtes réunissant à Paris,
dans le même élan de fraternité les répu-
blicains des départements aux républi-
cains de la capitale : tels sont les projets
dont on s'occupe déjà.
Mais nous pensons que ces témoigna-
ges extérieurs seraient insuffisants, s'ils
n'étaient accompagnés, appuyés par un
grand mouvement des esprits ; si le Cen-
tenaire, en un mot, ne devait pas donner
le signal d'un retour aux traditions de la
Révolution.
La Révolution française, éveil du peu-
pie, préparé par les philosophes du dix-
huitième siècle, les Voltaire, les Diderot,
les Rousseau, les Montesquieu, les d'A-
lembert, qui répandirent, à pleines mains,
sur le vieux monde, la semence des
idées ; — la Révolution française, mise
en marche de tous les parias,de tous les
déshérités, de tous les misérables vers la
justice, vers la vérité, vers la lumière;
— la Révolution française, vous le savez,
c'est la loi faite et consentie par tous,
remplaçant le bon plaisir du roi ; c'est
la conscience remplaçant le prêtre ; c'est
la liberté du travail remplaçant la cor-
poration fermée ; c'est le protestant, le
juif devenant citoyens, l'esclave, le serf
redevenant homme; c'est l'émancipation
des intelligences ; la rupture de toutes
les chaînes ; l'écroulement de toutes les
Bastilles ; l'affranchissement du genre
humain.
Liberté ! — Mais, être libre, c'est pou-
voir. On ne peut rien quand on n'a rien,
quand on ne sait rien. Si la lutte pour
l'existence est la condition des sociétés
humaines, il faut que tous les citoyens
soient armés également pour cette lutte.
De là, l'admirable série de déclarations,
de lois, de décrets, ayant pour but de dé-
livrer l'homme de la misère et de l'igno-
rance, et qui sont l'œuvre même, vivante
et agissante de la Révolution, et auxquels
se rattachent les noms de Lakanal, de
Lepelletier, de Sainl-Fargeau, de Condor-
cet qui, le premier, a parlé de l'éduca-
tion intégrale,et de tant d'autres ; institu-
tions de travaux et de secours pour les
pauvres valides « dans les temps morts
au travail ou de calamités », création de
maisons de santé pour les malades sans
domicile, d'hospices pour les vieillards
et les enfants abandonnés ; œuvres
grandioses et sereines dans lesquelles la
Révolution, terrible aux ennemis de la
liberté, s'est montrée, envers les malheu-
reux, maternelle.
Certes, tous les républicains screcom-
mandent des principes de 89. Mais pro-
clamer la fidélité aux principes ne suffit
pas. La Révolution n'est pas terminée
encore. Nos mains ne peuvent encore at-
tacher le bouquet symbolique au som-
met de l'édifice. Il nous reste de la be-
sogne. Il faut travailler, il faut corn-
battre pour faire entrer ces principes
dans les mœurs, dans les lois et dans
les faits. — Souvenons-nous de nos an-
cètres, des républicains du commence-
ment de ce siècle, les hommes de l'âge
héroïque, qui, résistant à toute les ten-
tatives de réaction, nous ont, au prix
de leur fortune, de leur liberté, de leur
vie, transmis, dépôt sacré, les traditions
révolutionnaires.
La situation présente nous impose de
graves, d'impérieux devoirs. Ne sont-ils
pas en vérité, infidèles à la Révolution,
les républicains qui préconisent une po-
litique d'ajournement et d'inertie; qui,
par peur, disent-ils, de trop de hâte,
se condamnent à l'immobilité stérile ;
qui, sous prétexte de tenir compte des
forces du passé, vont jusqu'à transiger
avec elles; les républicains qui admet-
tent le concordat avec le pape et les corn-
promis avec les royalistes?
C'est contre cette doctrine funeste que
nous devons nous élever, à la veille du
Centenaire ; c'est elle que nous devons
combattre, nous qui réclamons immé-
diates les réformes depuis si longtemps
promises par la République au peuple :
la séparation des Eglises et de l'Etat,
les libertés communales, l'instruction
pour l'enfant, la protection pour la fera-
me, l'assistance pour le vieillard, le cré-
dit pour le travailleur, la justice gratuite,
l'impôt progressif, l'égalité, enfin, de
tous devant le service militaire; car nous
voulons reconstituer ce que nos aïeux
de 92 appelaient : le grand parti des Pa-
trioles, prêts à tout pour défendre le
sol de la France et l'idée de.la Révo-
lution.
Voilà donc pourquoi nous faisons ap-
pelà tous les républicains radicaux.
Voilà pourquoi nous leur demandons
de former paîtout des comités, de s'or-
ganiser, afin do poursuivre,par la parole,
par la plume, par les réunions, par le
vote, par l'action individuelle et collcc-
tive, l'œuvre do la Révolution.
Les Comités, étroitement liés par une
pensée commune, seront indépendants.
Celui de Paris ne sera pas supérieur à
celui de la plus petite commune. S'il
prend l'initiative, c'est pour centraliser,
non pour diriger les efforts épars qui
tendront tous au même but :
— La réalisation des réformes politi-
ques et sociales qu'ont voulues nos pères,
pour lesquelles ils sont morts 1
Clémenceau, Laisant, Henri Ho-
clicfort, À. Vaequerie, Auguste
Mcle, Camille Pelletan, Anatole
de la Forge, Crémieux, Schai-
cher, Gaussorgues, Desmons,
Colfaoru, Numa Gilly, et trois
cents députés, sénateurs, conseil-
1er s municipaux de Paris et
journalistes de la presse radi-
cale.
Feuilleton du Suffrage Universel
N°
LE CLOS DU THIEULOY
CHAPITRE II
La carrière du jeune avoué était brisée,
il entraînait dans sa ruine sa jeune fem-
me et son enfant. Le beau-père qui jouis-
sait, depuis le mariage de sa fille, d'un
tranquille bien-être, reprit l'administra-
tion de l'étude, en attendant des jours
meilleurs, et bien, qu'il ressentit une
amère douleur de la séparation de son
enfant il ne la dissuada pas de suivre
son époux.
La vie à Genève fut remplie d'épreu-
ves pour le pauvre ménage. Gérard ne
possédait aucune fortune, et sa femme ne
lui avait apporté d'autre dot que l'étude
d'avoué de Beaucaire. On pouvait en-
core vivoter des minces revenus qu'elle
produisait, mais c'était tout juste. Le
vieil avoué n'hésita pas à faire tous les
sacrifices qui dépendaient de lui pour ai-
der ses enfants, mais les frais du mariage
de sa fille avait déjà entamé ses ressour-
ces. D'ailleurs, il comptait sur les capa-
cités intellectuelles, et l'énergie de son
gendre pour sortir de ce mauvais pas.
— Ce fut d'abord pour Gérard un temps
de dure épreuve. Les petites épargnes
étaient épuisées, le courageux lutteur
n'avait pas encore trouvé de position. 11
prit une virile et extrême résolution. Cet
homme d'un grand savoir, d'une fière
intelligence {recourut au labeur manuel
pour donner du pain à sa femme et à
son enfant. Lors de la Réforme socia-
le, il avait appris les notions élémen-
taires de l'imprimerie, ne voulant, dans
un cas d'extrême urgence, être à la mer-
ci de personne. Ce lui fut une ressource,
et il entra comme typographe dans une
imprimerie genevoise. Sa vaillante corn-
pagne suivit son exemple ; elle travailla
à quelques travaux de couture et ne re-
cula point devant la fatigue.
Pour ces deux êtres qui s'aimaient, la
mauvaise fortune ne devint pas une cause
de dissentiment ; ils sentaient, au con-
traire, accroître leur tendresse avec les
difficultés ! Le bébé grandissait. — Par
malheur, une seconde grossesse aug-
menta les embarras du ménage, Madame
Gérard supportait sans se plaindre, ce
surcroit de lassitude, elle arriva pénible-
ment au terme de sa délivrance et mit au
monde une bien faible créature. La mè-
re, déjà épuisée, voulut donner la vie à
la petite fille anc seconde fois et tenta
de la nourrir. Elle ne lui offrit qu'un lait
appauvri et la vit mourir dans ses bras.
Ce fut la première douleur réelle des hé-
roïques époux.
Les années succédaient aux années
sans apporter la fin du joug odieux sous
lequel la France s'avilissait dans la mo-
lesse et un faux bien-être. Gérard se
voyant dans l'impossibilité de se charger
lui-même de l'éducation de son fils, ac-
cepta l'offre d'un grand oncle qui lui pro-
posait de prendre l'enfant chez lui et de
le faire instruire.
— Le devoir rigoureux fut une nou-
velle désolation pour ces pauvres gens.
En face l'un de l'autre, — privés des joies
légitimes de la famille, songeant aux ab-
sents, — ils n'entrevoyaient aucune
éclaircie dans le ciel sombre.
Le décret de 1859 rappela les proscrits
en France. Quelle sécurité y pouvait trou -
ver un homme de cette trempe? Gérard rc-
l'usa de rentrer. 11 avait repris la plume à
ses moments perdus. Dans Y Indépendant
de Genève de bons articles politiques si-
gnès par lui, furent remarqués, La vie
matérielle était assurée, et un éditeur
avait consenti à publier plusieurs ouvra-
ges qui n'auraient pu voir le jour en
France. D'ailleurs pouvait-on croire que
le réveil du peuple tardât beaucoup et que
les républicains ne chassassent bientôt
cette troupe de forbans couronnés ?
Le proscrit dut attendre, attendre en-
core. Sa femme, depuis longtemps affai-
blie, s'éteignit sur la terre d'exil, avec
l'âpre douleur de laisser celui qu elle ai-
mait privé d'affection et de tendresse.
Ni l'adversité, ni la privation do son
enfant, ni l'horrible désespoir que lui
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