Titre : Le Suffrage universel : organe de la démocratie radicale ["puis" organe de la démocratie républicaine-radicale-socialiste du Gard]...
Auteur : Parti radical (France). Fédération départementale (Gard). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Nîmes)
Date d'édition : 1887-07-24
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328737035
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 24 juillet 1887 24 juillet 1887
Description : 1887/07/24 (A1,N27). 1887/07/24 (A1,N27).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG30 Collection numérique : BIPFPIG30
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t51061762n
Source : Bibliothèque Carré d'art / Nîmes, 200183_2
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/05/2023
Première année. — N° 27.
Dix centimes
Dimanche 23 juillet 1887.
LE
ORGANE DE LA DÉMOCRATIE RADICALE
ïPa.jE-ej.issesfcixT!; le 21>iïxs.£a.3c».elxe
ABONNEMENTS : Un An, 5 fr.
BUREAUX : 27, rtre Saint-Philippe, Nimes
Adresser toutes les communications
AUX BUREAUX DU JOURNAL, A NIMES
LA LOI MILITAIRE
A propos de la loi militaire, M. Ana-
tole de la Forge a adressé à son collègue
M. Laisant, la lettre suivante :
A Al. Luisant, député de la Seine
Mon cher ami,
11 y a bien longtemps que je souhai-
tais pouvoir dire en public ce que je
pense de votre vaillance et de votre pa-
triotisme.
Vous êtes un des meilleurs parmi les
meilleurs, — c'est-à-dire un des plus
modestes.
Le succès que quelques-uns deman-
dent à la réclame, vous ne le cherchez
que dans le travail.
Avecquelle ardeur et quelle ténacité
vous vous êtes occupé des questions mi-
litaires pour lesquelles vous possédez
toute compétence ! L'un des premiers,
sinon le premier, vous avez parlé du
service de trois ans. Il vous a toujours
semblé que ce temps suffisait à des
Français pour faire d'excellents soldats.
Vous estimez même que cette prépara-
tion est plus que suffisante si, de bonne
heure, dans nos écoles primaires, dans
nos collèges, dans nos lycées, on donne
l'éducation militaire en même temps que
l'éducation civique.
Cette conception n'est pas seulement
d'un républicain, elle est d'un patriote
et d'un libre penseur. Il tombe, en effet,
sous le sens, que l'éducation civique et
militaire sera toujours, plus développée
dans les établissements laïques'quedans
les séminaires, où les exercices physi-
ques se bornent à la promenade en corn-
mun deux fois par semaine.
Or, quel est le véritable principe de
toute loi démocratique sur l'armée?
C'est qu'il y ait des possibilités délibéra-
tion pour ceux qui savent, au préjudice
de ceux qui ne savent pas. Critiquer vo-
trô œuvre de rapporteur, mon cher Lai-
sant, est chose facile ; ce qui ne l'est pas,
c'est de prouver le bien-fondé des objec-
lions qu'on vous adresse.
V ins avez eu cent fois raison d'accor-
der une importance capitale à l'article
49, qui consacre la possibilité de ren-
voyer en congé dans leurs foyers après
deux ans de service actif un certain
nombre d'hommes ayant justifié d'une
éducation et d'une instruction militaire
suffisantes.
Pourquoi persisterait-on à garder de
tels soldats à la caserne? Est-ce parce
qu'il y a auprès d'eux des incapables ?
On violerait en ce cas le principe qui
veut qu'il soit fait à chacun selon sa ca-
pacité. On ferait peser sur l'intelligence
constatée le poids de l'incapacité évi-
dente. Ce sont les prétendus défenseurs
de l'égalité, de la justice, les partisans
des exemptions nécessaires qui ont voté
contre l'article 49 f Ils refusent de rc-
courir aux moyens de constatation les
plus décisifs. Vous avez, mon ami, obéi
à votre conscience en mémo temps qu'à
votre raison en déclarant que le rejet
de l'article 49 faisait de la loi une co-
médie parlementaire et que vous n'en-
tendiez être ni dupe ni complice.
Après vous, le pays se demandera :
Qui trompe-t-on ici ? Qu'est-ce, en vérité,
que cette politique qui proclame la né-
cessité de faire des économies et qui rc-
pousse la faculté d'épargner annuelle-
ment plusieurs millions que lui offrait
l'article 49 ? D'un côté injustice et inéga-
lité criantes; de l'autre gaspillage finan-
cier : voilà les résultats que les déclara-
lions de M. le général Ferron, ministre
de la guerre, viennent d'obtenir ! Le
concours de la droite a naturellement
été acquis au rejet d'un article sans le-
quel la loi n'est plus une loi démocrati-
que.
La droite, qui protège le ministère,
voulait tuer la loi et elle y a réussi. Les
habiles, qui essaient de refaire l'ordre
moral, tenaient à enterrer une loi gènanie
sans se donner des apparences de fos-
soyeurs. Nous les verrons, en toute
circonstance, recourir à cette méthode
qui ne fait, du reste, de dupes que...
parmi les complices.
La droite, protectrice du gouverne-
ment, a pu vous battre, mon cher Lai-
sant, dans un incident parlementaire,
mais la conscience nationale reste avec
vous, prête à vous relever de votre échec
passager quand l'heure sera venue.
ANATOLE DE LA FORGE,
Vice-président de la Chambre des députés.
EXPÉDITIONS ARMÉES
Il se produit, en France, depuis que
le ministère Rouvier est au pouvoir, un
fait sans précédent dans l'histoire gou-
verneraentale. Les ministres ne peuvent
plus, ou n'osent plus se montrer en pu-
blic (par crainte des sifflets et des huées)
RENSEIGNEMENTS
BUREAUX : 27, rue Saint-Philippe, Nîmes
sans prendre la précaution de s'entou-
rer d'un triple rempart de soldats.
C'est ce que notre confrère et ami Ca-
mille Pelletan, a constaté avec infiniment
de gaité et d'esprit, dans un article de la
Justice, dont le succès a été énorme.
Voici le commencement de ce chef-
d'oeuvre de verve incisive et charmante :
L'armée lyonnaise a été bien singuliè-
rement employée dimanche !
Nous venons de voter un projet de mo-
bilisation. — Je commence à croire qu'il
était bien inutile. — On mobilise un
corps d'armée chaque fois qu'un des mi-
nislres actuels se déplace. — Touchant
exemple de la confiance qu'ont nos gou-
vernants dans les sympathies des popu-
lations !
Jusqu'ici, on imaginait le grand maître
de l'Université avec le cérémonial de la
Sorbonne, précédé de massiers en grand
costume, entouré de docteurs en robe ;
escorté de toques rouges et noires ; mar-
chant dans le pompeux cortège des qua-
tre facultés. Aujourd'hui tout cela est
change.
Notre ancien confrère et ami, M. Spul-
1er, va-t-il quelque part? Toutes les trou-
pes sont sur pied ; les cuirasses brillent
au soleil ; deux haies de baïonnettes se
forment; des régiments sont massés de
tous côtés. Clairons, trompettes, ophy-
cléides, éclatent avec un bruit de ton-
nerre ; de profondes précautions straté-
giques sont prises. Le ministre de la
grammaire s'avance, tout isolé de la
foule par l'arsenal de la guerre; des bat-
teries sont placées aux points propices.
Ce n'est plus un ministre, et le plus pa-
ci tique des ministres, c'est une place
Feuilleton du Suffrage Universel
N° 4.
LE CLOS DU THIEULOY
CHAP1TKE II
Les deux jeunes gens allumèrent un
cigare, et tandis que Gérard rentrait
dans sa chambre expédier son courrier
ils se disposèrent à sortir.
Un temps superbe engageait à la pro-
menade. Léon et Lucien gagnèrent, par
les rues étroites où l'eau coule à plein
bord, les rives du Rhône, et les ombra-
ges magnifiques du champ de foire. Une
solitude complète les y attendait. L'ar-
tiste avait entraîné son compagnon sous
les platanes séculaires où il aimait a ré-
ver, où toujours il comparait les effets
de lumière et le miroitement du fleuve.
En face d'eux, le château du roi René,
massive forteresse bâtie dans le roc, se
réflétait sur le limpide miroir de l'eau
prendre stagnante a cet endroit Le clocher
de Ste Marthe de Tarascon se dessinait
sur l'azur du ciel et flamboyait au soleil.
Vers leur droite, les piliers du port, per-
dus à leur base dans la verdure des brou-
sailles plantées dans de longues bandes
de terre,coupaient la ligne scintillante du
Rhône. Bien que ce ne fut pas la meil-
leure heure du jour pour étudier la natu-
re, le grandiose spectacle qui s'offrait aux
yeux éblouis de Lucien, le transporta tout
à fait dans le domaine de l'art, et la po-
litique fut oubliée II raconta à son ca-
marade ses projets d'avenir.
— Je ne veux point, lui disait-il, re-
tourner à Paris cet été. Momentanément
j'abandonne l'école ; mes efforts ont été
si mal récompensés l'an dernier, que je
ne compte pas concourir pour lo prix de
Rome. Je veux, d'ailleurs, rester auprès
de mon père, sevré depuis si longtemps
des joies de la famille. J'espère faire son
portrait, ce sera un superbe sujet d'étude,
notre bagage n'est pas compliqué, par-
tout et en cela nous sommes mieux privi-
légiés que les autres artistes, nous pou-
vons trouver l'occasion d'apprendre. I.'é-
cole de la nature est la plus parfaite ;
celui qui s'y adonne avec sincérité ne ris-
que pas de s'égarer. Et puis, en ce pays,
ce ne sont pas les modèles qui manquent.
J'irai prendre sur le vif, l'admirable type
des Arlésiennes, non loin de Beaucaire,
la beauté des filles de Sorgues est rèpu-
tée ; enfin, sous mes yeux, chaque jour,
ne puis-je pas me servir comme modèles
de ces magnifiques tètes d'hommes, telles
qu'on n'en peut trouver qu'en Italie.
— Tout cela est très judicieusement dit
répliqua Léon d'un ton tant soit peu scep-
tique, mais voyez-vous, mon bon, lors-
qu'on a goûté de la vie de Paris, il sem-
ble insipide de végéter en province. Vos
beaux projets ne tiendront pas longtemps,
une attraction inévitable vous entraînera
vers la capitale, et vous céderez au char-
me d'y retourner.
— Je ne le crois pas ; j'ai, comme mon
père beaucoup de ténacité dans la volonté.
C'est de race. Les cévenols sont têtus —
quand ils ont mis quelque chose dans
leur caboche, il n'y a pas moyen de le
leur retirer.
— En ce cas, laissez-moi vous dire,
mou bon, que je suis fort aise de votre
détermination, puisqu'elle me permettra
de jouir de votre société.
Tout en causant, les jeunes gens repri-
rent le chemin du quai. Au-dessus do la
jetée qui endigue le Rhône, la forteresse
des comtes de Toulouse perchée sur un
bloc calcaire comme un nid d'aigle pro-
jetait sa grande ombre. Lucien, en quit-
tant son ami, regagna sa maison. C'étuit
en effet sa maisou ; mais après la mort de
son grand'pcre, il demanda qu'on ne
changeât rien â la disposition intérieure,
ne pouvant admettre que la loi dépossédât
cefui qu'il en considérait comme le véri-
table propriétaire.
CH1P1TUE III
Le comte de Sommières, sa femme, son
fils et sa fille habitaient depuis plusieurs
jours le chateau duThiouloy. Le prin-
temps ne snpassait jamais sans que les
de Sommières vinssent faire une visite à
Dix centimes
Dimanche 23 juillet 1887.
LE
ORGANE DE LA DÉMOCRATIE RADICALE
ïPa.jE-ej.issesfcixT!; le 21>iïxs.£a.3c».elxe
ABONNEMENTS : Un An, 5 fr.
BUREAUX : 27, rtre Saint-Philippe, Nimes
Adresser toutes les communications
AUX BUREAUX DU JOURNAL, A NIMES
LA LOI MILITAIRE
A propos de la loi militaire, M. Ana-
tole de la Forge a adressé à son collègue
M. Laisant, la lettre suivante :
A Al. Luisant, député de la Seine
Mon cher ami,
11 y a bien longtemps que je souhai-
tais pouvoir dire en public ce que je
pense de votre vaillance et de votre pa-
triotisme.
Vous êtes un des meilleurs parmi les
meilleurs, — c'est-à-dire un des plus
modestes.
Le succès que quelques-uns deman-
dent à la réclame, vous ne le cherchez
que dans le travail.
Avecquelle ardeur et quelle ténacité
vous vous êtes occupé des questions mi-
litaires pour lesquelles vous possédez
toute compétence ! L'un des premiers,
sinon le premier, vous avez parlé du
service de trois ans. Il vous a toujours
semblé que ce temps suffisait à des
Français pour faire d'excellents soldats.
Vous estimez même que cette prépara-
tion est plus que suffisante si, de bonne
heure, dans nos écoles primaires, dans
nos collèges, dans nos lycées, on donne
l'éducation militaire en même temps que
l'éducation civique.
Cette conception n'est pas seulement
d'un républicain, elle est d'un patriote
et d'un libre penseur. Il tombe, en effet,
sous le sens, que l'éducation civique et
militaire sera toujours, plus développée
dans les établissements laïques'quedans
les séminaires, où les exercices physi-
ques se bornent à la promenade en corn-
mun deux fois par semaine.
Or, quel est le véritable principe de
toute loi démocratique sur l'armée?
C'est qu'il y ait des possibilités délibéra-
tion pour ceux qui savent, au préjudice
de ceux qui ne savent pas. Critiquer vo-
trô œuvre de rapporteur, mon cher Lai-
sant, est chose facile ; ce qui ne l'est pas,
c'est de prouver le bien-fondé des objec-
lions qu'on vous adresse.
V ins avez eu cent fois raison d'accor-
der une importance capitale à l'article
49, qui consacre la possibilité de ren-
voyer en congé dans leurs foyers après
deux ans de service actif un certain
nombre d'hommes ayant justifié d'une
éducation et d'une instruction militaire
suffisantes.
Pourquoi persisterait-on à garder de
tels soldats à la caserne? Est-ce parce
qu'il y a auprès d'eux des incapables ?
On violerait en ce cas le principe qui
veut qu'il soit fait à chacun selon sa ca-
pacité. On ferait peser sur l'intelligence
constatée le poids de l'incapacité évi-
dente. Ce sont les prétendus défenseurs
de l'égalité, de la justice, les partisans
des exemptions nécessaires qui ont voté
contre l'article 49 f Ils refusent de rc-
courir aux moyens de constatation les
plus décisifs. Vous avez, mon ami, obéi
à votre conscience en mémo temps qu'à
votre raison en déclarant que le rejet
de l'article 49 faisait de la loi une co-
médie parlementaire et que vous n'en-
tendiez être ni dupe ni complice.
Après vous, le pays se demandera :
Qui trompe-t-on ici ? Qu'est-ce, en vérité,
que cette politique qui proclame la né-
cessité de faire des économies et qui rc-
pousse la faculté d'épargner annuelle-
ment plusieurs millions que lui offrait
l'article 49 ? D'un côté injustice et inéga-
lité criantes; de l'autre gaspillage finan-
cier : voilà les résultats que les déclara-
lions de M. le général Ferron, ministre
de la guerre, viennent d'obtenir ! Le
concours de la droite a naturellement
été acquis au rejet d'un article sans le-
quel la loi n'est plus une loi démocrati-
que.
La droite, qui protège le ministère,
voulait tuer la loi et elle y a réussi. Les
habiles, qui essaient de refaire l'ordre
moral, tenaient à enterrer une loi gènanie
sans se donner des apparences de fos-
soyeurs. Nous les verrons, en toute
circonstance, recourir à cette méthode
qui ne fait, du reste, de dupes que...
parmi les complices.
La droite, protectrice du gouverne-
ment, a pu vous battre, mon cher Lai-
sant, dans un incident parlementaire,
mais la conscience nationale reste avec
vous, prête à vous relever de votre échec
passager quand l'heure sera venue.
ANATOLE DE LA FORGE,
Vice-président de la Chambre des députés.
EXPÉDITIONS ARMÉES
Il se produit, en France, depuis que
le ministère Rouvier est au pouvoir, un
fait sans précédent dans l'histoire gou-
verneraentale. Les ministres ne peuvent
plus, ou n'osent plus se montrer en pu-
blic (par crainte des sifflets et des huées)
RENSEIGNEMENTS
BUREAUX : 27, rue Saint-Philippe, Nîmes
sans prendre la précaution de s'entou-
rer d'un triple rempart de soldats.
C'est ce que notre confrère et ami Ca-
mille Pelletan, a constaté avec infiniment
de gaité et d'esprit, dans un article de la
Justice, dont le succès a été énorme.
Voici le commencement de ce chef-
d'oeuvre de verve incisive et charmante :
L'armée lyonnaise a été bien singuliè-
rement employée dimanche !
Nous venons de voter un projet de mo-
bilisation. — Je commence à croire qu'il
était bien inutile. — On mobilise un
corps d'armée chaque fois qu'un des mi-
nislres actuels se déplace. — Touchant
exemple de la confiance qu'ont nos gou-
vernants dans les sympathies des popu-
lations !
Jusqu'ici, on imaginait le grand maître
de l'Université avec le cérémonial de la
Sorbonne, précédé de massiers en grand
costume, entouré de docteurs en robe ;
escorté de toques rouges et noires ; mar-
chant dans le pompeux cortège des qua-
tre facultés. Aujourd'hui tout cela est
change.
Notre ancien confrère et ami, M. Spul-
1er, va-t-il quelque part? Toutes les trou-
pes sont sur pied ; les cuirasses brillent
au soleil ; deux haies de baïonnettes se
forment; des régiments sont massés de
tous côtés. Clairons, trompettes, ophy-
cléides, éclatent avec un bruit de ton-
nerre ; de profondes précautions straté-
giques sont prises. Le ministre de la
grammaire s'avance, tout isolé de la
foule par l'arsenal de la guerre; des bat-
teries sont placées aux points propices.
Ce n'est plus un ministre, et le plus pa-
ci tique des ministres, c'est une place
Feuilleton du Suffrage Universel
N° 4.
LE CLOS DU THIEULOY
CHAP1TKE II
Les deux jeunes gens allumèrent un
cigare, et tandis que Gérard rentrait
dans sa chambre expédier son courrier
ils se disposèrent à sortir.
Un temps superbe engageait à la pro-
menade. Léon et Lucien gagnèrent, par
les rues étroites où l'eau coule à plein
bord, les rives du Rhône, et les ombra-
ges magnifiques du champ de foire. Une
solitude complète les y attendait. L'ar-
tiste avait entraîné son compagnon sous
les platanes séculaires où il aimait a ré-
ver, où toujours il comparait les effets
de lumière et le miroitement du fleuve.
En face d'eux, le château du roi René,
massive forteresse bâtie dans le roc, se
réflétait sur le limpide miroir de l'eau
prendre stagnante a cet endroit Le clocher
de Ste Marthe de Tarascon se dessinait
sur l'azur du ciel et flamboyait au soleil.
Vers leur droite, les piliers du port, per-
dus à leur base dans la verdure des brou-
sailles plantées dans de longues bandes
de terre,coupaient la ligne scintillante du
Rhône. Bien que ce ne fut pas la meil-
leure heure du jour pour étudier la natu-
re, le grandiose spectacle qui s'offrait aux
yeux éblouis de Lucien, le transporta tout
à fait dans le domaine de l'art, et la po-
litique fut oubliée II raconta à son ca-
marade ses projets d'avenir.
— Je ne veux point, lui disait-il, re-
tourner à Paris cet été. Momentanément
j'abandonne l'école ; mes efforts ont été
si mal récompensés l'an dernier, que je
ne compte pas concourir pour lo prix de
Rome. Je veux, d'ailleurs, rester auprès
de mon père, sevré depuis si longtemps
des joies de la famille. J'espère faire son
portrait, ce sera un superbe sujet d'étude,
notre bagage n'est pas compliqué, par-
tout et en cela nous sommes mieux privi-
légiés que les autres artistes, nous pou-
vons trouver l'occasion d'apprendre. I.'é-
cole de la nature est la plus parfaite ;
celui qui s'y adonne avec sincérité ne ris-
que pas de s'égarer. Et puis, en ce pays,
ce ne sont pas les modèles qui manquent.
J'irai prendre sur le vif, l'admirable type
des Arlésiennes, non loin de Beaucaire,
la beauté des filles de Sorgues est rèpu-
tée ; enfin, sous mes yeux, chaque jour,
ne puis-je pas me servir comme modèles
de ces magnifiques tètes d'hommes, telles
qu'on n'en peut trouver qu'en Italie.
— Tout cela est très judicieusement dit
répliqua Léon d'un ton tant soit peu scep-
tique, mais voyez-vous, mon bon, lors-
qu'on a goûté de la vie de Paris, il sem-
ble insipide de végéter en province. Vos
beaux projets ne tiendront pas longtemps,
une attraction inévitable vous entraînera
vers la capitale, et vous céderez au char-
me d'y retourner.
— Je ne le crois pas ; j'ai, comme mon
père beaucoup de ténacité dans la volonté.
C'est de race. Les cévenols sont têtus —
quand ils ont mis quelque chose dans
leur caboche, il n'y a pas moyen de le
leur retirer.
— En ce cas, laissez-moi vous dire,
mou bon, que je suis fort aise de votre
détermination, puisqu'elle me permettra
de jouir de votre société.
Tout en causant, les jeunes gens repri-
rent le chemin du quai. Au-dessus do la
jetée qui endigue le Rhône, la forteresse
des comtes de Toulouse perchée sur un
bloc calcaire comme un nid d'aigle pro-
jetait sa grande ombre. Lucien, en quit-
tant son ami, regagna sa maison. C'étuit
en effet sa maisou ; mais après la mort de
son grand'pcre, il demanda qu'on ne
changeât rien â la disposition intérieure,
ne pouvant admettre que la loi dépossédât
cefui qu'il en considérait comme le véri-
table propriétaire.
CH1P1TUE III
Le comte de Sommières, sa femme, son
fils et sa fille habitaient depuis plusieurs
jours le chateau duThiouloy. Le prin-
temps ne snpassait jamais sans que les
de Sommières vinssent faire une visite à
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.39%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.39%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"
- Auteurs similaires Parti radical Parti radical /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Parti radical" or dc.contributor adj "Parti radical")La Démocratie du Nord : organe de la Fédération radicale et radicale-socialiste /ark:/12148/bd6t54523702q.highres La République de Seine-et-Marne : paraissant trois fois par semaine ["puis" paraît deux fois par semaine "puis" journal hebdomadaire, organe du Parti républicain radical] /ark:/12148/bd6t513823549.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bd6t51061762n/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bd6t51061762n/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bd6t51061762n/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bd6t51061762n/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bd6t51061762n
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bd6t51061762n
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bd6t51061762n/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest