Puccini : sentiments et vérités en musique
A l’occasion du centenaire de la mort du compositeur Giacomo Puccini (décédé à Bruxelles le 29 novembre 1924), redécouvrez les œuvres majeures de ce représentant de l’école italienne, à travers maquettes de costumes, de décors, photographies et extraits de presse.
Auréolé du succès international de Manon Lescaut, créé à Turin le 1er février 1893, le compositeur italien débute sa carrière française en 1898. Issu d’une famille de musiciens lucquoise, Puccini commence l’orgue dès 10 ans puis poursuit ses études au Conservatoire avant de porter un premier opéra à la scène en 1884. Il faudra pourtant attendre presque dix ans pour que les planches de l’Opéra-Comique accueillent La Vie de Bohème, adaptée de l’œuvre d’Henri Murger, qui marque également sa première collaboration avec Albert Carré, directeur de l’institution parisienne et metteur en scène. Les éloges de la presse sur le réalisme pittoresque des décors et des costumes sont unanimes.
L’intrigue, magnifiant une jeunesse en marge, empreinte de misère et de passion amoureuse séduit une partie de la critique, notamment dans la scène finale tragique où la mort de la grisette Mimi semble résumer l’ensemble des intentions dramatiques musicales de l’auteur.
Puccini incarne alors une école italienne moderne et engagée dans la représentation de la vérité des sentiments, sur le modèle « vériste » du Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni. Si certains journaux condamnent quelques faiblesses de l’harmonie (en particulier un usage excessif des quintes) et les élans lyriques parfois démonstratifs de la partition, ils saluent l’émergence d’un talent qui par sa simplicité et sa sincérité parvient à dépeindre la vraie nature de l’âme humaine.
La Bohème, photographie de scène, 1897. BnF, Bibliothèque-musée de l'Opéra, cote Est. Puccini G. 011
L’aventure française se poursuit en octobre 1903 avec Tosca, créé à Rome trois ans auparavant. Le spectacle renouvèle la collaboration avec une grande partie de l’équipe de La Vie de bohème dont Paul Ferrier à la traduction du livret et Albert Carré à la mise en scène.
Sur une histoire de Victorien Sardou, la musique alterne détails réalistes comme le tintement des clochettes de Rome à l’aube et grande intensité dramatique, tel le « Te Deum » qui termine le premier acte. Ces « trouvailles » mélodiques enchantent le public de l’Opéra-Comique, également conquis par la somptuosité de la reconstitution de la terrasse du Château Saint-Ange.
Créé pour la scène par Sarah Bernhardt en 1887, le rôle de Tosca, interprété par Claire Friché, trouve une résonnance particulière dans l’assassinat de Scarpia, sujet de nombreuses représentations iconographiques.
Enthousiasmée par ce triomphe parisien, la revue Musica de novembre 1903 consacre un numéro entier au compositeur.
L’immense succès populaire de Tosca contraste avec l’accueil réservé de la critique pour Madame Butterfly, que le public parisien découvre le vendredi 28 décembre 1906. La première à la Scala de Milan en février s’était déjà soldée par des moqueries et des sifflets ayant conduit à retirer le spectacle de l’affiche. En France, le goût pour le japonisme constitue un contexte favorable à la création de cette œuvre inspirée de la pièce à succès de David Belasco. La presse est divisée : Le journal L’Aurore fustige l’incohérence du propos et de la musique, quand le Figaro, plus nuancé, admire la capacité du compositeur à la fantaisie et à l’exaltation des sentiments. Beaucoup soulignent l’influence de Massenet et de son goût pour le pittoresque.
Le succès public est néanmoins au rendez-vous avec plus de 1270 représentations jusqu’en 1972.
Il faut ensuite attendre le 6 novembre 1922 pour que Le Tryptique ramène Puccini sur la scène française. La première new-yorkaise de 1918 propose les trois opéras en un acte joués successivement : La Houppelande, Sœur Angélique et Gianni Schicchi. Ce dernier obtient un certain succès, mais la forme originale et la longueur de l’œuvre complète surprennent et encouragent de nombreuses salles à des coupes, des remaniements ou des évictions complètes des deux premières parties. L’Opéra-Comique ne montera cette œuvre en entier qu’en 1967 puis en 2010-2011, elle rejoint la programmation de l’Opéra Bastille.
Puccini meurt en 1924, laissant inachevé un dernier opéra en trois actes : Turandot. Complétée par Franco Alfano, la partition est jouée une première fois à Rome le 25 avril 1926 et rentre au répertoire de l’Opéra en avril 1928. Jacques Drésa dessine décors et costumes dans un souci de vérité dramatique qui conquiert le public parisien.
L’œuvre, adaptée d’une fable de Carlo Gozzi et de sa réinterprétation par Schiller, sera recréée en 1968 et jouée notamment en 1972 puis en 1980-1981, sur une mise en scène de Margarita Wallmann avec Montserrat Caballe dans le rôle-titre. Deux nouvelles productions suivront en 1997 et 2022.