La communauté des étalagistes
Ce billet vient achever le cycle consacré à « L’art de la devanture en France (XIXe-XXe siècles) ». Il aborde la question de la communauté professionnelle étalagiste, particulièrement forgée pendant l’entre-deux-guerres.
Pendant la première moitié du XXe siècle, plusieurs groupements professionnels sont formés. N’étant rattachés à aucun parti politique et souhaitant conserver cette indépendance, ils se défendent d’être des organisations syndicales mais n’en portent pas moins haut les revendications de la profession. Ils participent ainsi à créer ou à renforcer les liens entre étalagistes, à augmenter la valeur du métier, désormais reconnu comme un art commercial, et ainsi à faire augmenter les revenus et le niveau de vie des adhérents.
Si la question de la création d’une association d’étalagistes est soulevée dès 1911, l’aventure communautaire ne débute véritablement qu’en 1922. Le 9 janvier, le fabricant de cravates Fernand Massy crée l’Amicale des étalagistes parisiens (chemiserie et accessoires du vêtement) dont les ambitions, semblables à celles défendues par la rédaction de la Revue internationale de l’étalage, lui permette d’obtenir son soutien. L’organe relaie alors l’information et incite ses lecteurs à l’adhésion. L’inscription coûte 2 francs et l’adhésion annuelle 20.
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Mais cette association n’est ouverte qu’aux étalagistes parisiens. Aussi, en mars 1930, l’étalagiste Hippolyte Glévéo fonde l’Amicale des étalagistes de France (tissus, vêtements et accessoires, ameublement). Elle permet aux étalagistes français de se connaître, de faciliter leurs échanges, de leur trouver un travail, procurer une carte professionnelle ou fournir de la documentation et d’organiser des concours et des expositions. Un annuaire des adhérents est régulièrement mis à jour et publié dans la Revue internationale de l’étalage, et une bibliothèque documentaire est constituée.
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Les statuts de l’association précisent qu’elle est administrée par un bureau de cinq membres et qu’elle se compose de membres actifs et honoraires, les premiers devant verser une cotisation annuelle de 20 francs, les seconds devant être agréés par le comité et versant au minimum 50 francs chaque année. Une fois la communauté française des étalagistes créée, ses sociétaires imaginent son insigne distinctif.
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Gagnant rapidement des adhérents, elle développe aussi ses réseaux régionaux. À l’occasion de la réunion annuelle des membres tenue le 28 juillet 1935, on envisage de scinder le groupement en deux branches : l’Association des étalagistes de Paris, émanant de l’Union des étalagistes décorateurs français, et l’Association des étalagistes régionaux émanant de l’Amicale des étalagistes de France.
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Parallèlement à l’initiative de Glévéo, l’Union des étalagistes décorateurs français est en effet créée à la fin de l’année 1933 sous l’impulsion de Parade dont elle partage alors le siège social. Comme l’Amicale, elle cherche à valoriser et perfectionner la profession. Mais, à la différence de celle-ci, et dans la lignée de l’argumentation qu’avait mené Parade au moment de sa création, l’Union milite en faveur de la reconnaissance du métier d’étalagiste-décorateur et soutient ainsi les rapports entre décoration, industrie et commerce. Les conditions d’admission y sont également plus strictes. Les membres sont triés sur le volet et se répartissent en deux groupes : les actifs, des étalagistes qualifiés attestant une pratique de plusieurs années, et les aspirants, moins expérimentés, qui doivent être parrainés. Leur adhésion coûte respectivement 25 et 15 francs.
L’automne 1935 fait place à un changement majeur dans les réseaux étalagistes français. Lors de la réunion du 6 octobre 1935, le discours d’ouverture de Glévéo, défendant l’idéal communautaire de sa profession qui l’anime déjà depuis plusieurs années, annonce la création de la Fédération des étalagistes de France, fusionnant les amicales des étalagistes parisienne et régionale d’abord, en y incorporant l’Union des étalagistes décorateurs français ensuite. Pour y adhérer, les membres honoraires doivent s’acquitter de 100 francs par an contre 20 de cotisation annuelle pour les membres actifs après un droit d’entrée de 10 francs. Seuls peuvent adhérer les étalagistes professionnels sur présentation d’un duplicata de certification d’emploi. Le 27 octobre suivant, la Fédération est officiellement créée et son siège social est transféré à la Maison de la publicité au 27bis, avenue Villiers à Paris. À la fin de l’entre deux guerres, la fondation de ce groupement atteste l’essor et l’affirmation qu’a connus l’industrie étalagiste pendant les deux dernières décennies.
Le cycle consacré à l’art de la devanture en France aux XIXe et XXe siècles vous est proposé dans le cadre d’un projet de recherche associé au département Droit, économie, politique de la BnF. Retrouvez ici l’intégralité des billets du cycle.