En 1880, l'artiste expose avec les Impressionnistes, l'année même où
Degas présente sa célèbre petite danseuse. Qu'il se soit joint «
aux réprouvés et aux parias », en délaissant la bourgeoisie de l'art qu'est le Salon officiel ne put que ravir Huysmans. Les titres des oeuvres exposées donnent d'emblée le ton de son univers esthétique, « Rôdeur de barrières », « Terrains remblayés de démolitions », « Bonhomme tirant une brouette », « Balayeur souffrant du froid »... et les étiquettes tombent.
Jules Claretie voit en lui «
une sorte de Meissonier de la misère, le peintre des déshérités
» quand Huysmans, dans
L'Art moderne, le dépeint comme « le peintre des misérables hères des villes », trouvant inspiration « dans le lamentable pays des déclassés
». Ses dessins des chiffonniers, dit-il, «
l'ont douloureusement, délicieusement poigné » : « En face de ces malheureux qui cheminent, éreintés, dans ce merveilleux et terrible paysage, toute la détresse des anciennes banlieues s'est levée devant moi. Voilà donc enfin une oeuvre qui est vraiment belle et vraiment grande ! »
Loin de toute mièvrerie et sans recours au pathos, l'oeuvre de Raffaëlli tend en effet au réalisme avec une pointe de pittoresque. « Raffaëlli s'est fait
le peintre de la banlieue de Paris, qui tient entre les barrières de Clichy et de Levallois, les talus des fortifications, les berges tristes de la Seine, les carrières poussiéreuses, les terrains vagues de la zone ». Ses petites gens sont « sans enjolivement et sans nettoyage
», selon les mots de Huysmans ; ses paysages de banlieue sans «
invités bien mis » et «
sans formules de mélodrame », selon ceux du critique
Gustave Kahn.
« Nous sommes gavés de nature ventrue », celle qu'on « pomponne », dit encore Huysmans avec dégoût. Avec Raffaëlli au contraire, c'est « la mélancolique grandeur des sites anémiques couchés sous l'infini des ciels » ! Ces endroits, Raffaëlli les connait bien, lui qui habite un petit pavillon à Asnières et ne cesse d'arpenter la première périphérie de Paris.