Il était une fois… Marie-Catherine d’Aulnoy (1651-1705)
En parallèle de Charles Perrault, qui va connaître un succès phénoménal avec ses Contes de ma mère l’Oye, la subversive Marie-Catherine d’Aulnoy fonde au XVIIe siècle (avec quelques consœurs de plume) ce qu’on appelle désormais, après elle, les « contes de fées ».
Charles Perrault et Marie-Catherine d’Aulnoy sont au programme de l’agrégation de lettres modernes en 2022, et par conséquent le genre du conte merveilleux, aux côtés de La Mort du roi Arthur, Du Bellay, Rousseau, Rostand et Sartre. Marie-Catherine Le Jumel de Barneville, baronne d’Aulnoy, est donc la seule femme présente au milieu de ces grandes plumes masculines. Et encore y est-elle en compagnie d’un personnage de première magnitude à son époque et dans l’histoire littéraire française, chef de file des Modernes dans la si célèbre Querelle. Loin de nous l’idée que les responsables du programme aient pensé qu’elle ne pouvait suffire pour représenter le XVIIe siècle, mais enfin, elle n’y brillera donc pas seule, alors que son œuvre est riche, variée et que nous connaissons tous ses contes de fées, titrés précisément Contes nouveaux ou Les fées à la mode, publiés pour la première fois en 1698, en deux tomes.
Les contes de fées sont bien souvent sombres, caustiques et très cruels sous des dehors qu’on prétend enfantins et fantaisistes. En parallèle, il est frappant que la vie même de Madame d’Aulnoy soit empreinte de quelque bruit et fureur. Deux gentilshommes normands, dont l’un fut son amant après avoir été a priori celui de sa mère, le marquis Crux de Courboyer et le chevalier de La Moizière, ont tout de même subi la décapitation par la faute de la Comtesse et de celle qui lui a donné le jour ! En son temps, Madame d’Aulnoy a en effet été aussi grandement connue à cause d’un scandale retentissant. Désireuse de se débarrasser de son époux - auquel elle a été mariée fort jeune, comme c’était souvent le cas à l’époque - un soudard et un coureur impénitent doublé d’une propension à la malhonnêteté, elle monte, en compagnie de sa mère et des malheureux gentilshommes, une machination accusant son mari du crime de lèse-majesté, passible de la peine de mort. Son époux, de trente ans son aîné, invivable et dépravé, sera relaxé, mais les gentilshommes y laisseront leur tête pour calomnie. On ne se joue pas ainsi de la personne du Roi… Pour Marie-Catherine d’Aulnoy et sa mère s’ouvre une période de pérégrinations, notamment dans les Flandres et en Angleterre, afin d’échapper à toute condamnation. On imagine assez aisément que tant de rebonds et de noirceur aient pu nourrir l’imagination de la fondatrice du genre si complexe qu’est le conte de fées. En tout cas, péripéties et personnages sont bien en place pour mener au grand galop ce type de narration. Comme on dit, il y a du vécu !
Et ce n’est pas tout, si nous songeons à ses aventures dignes d’un roman mené tambour battant : elle est certes de retour en France en 1690, où nous la retrouvons tenant salon dans le Faubourg Saint-Germain, mais auparavant, elle vit en Espagne et à nouveau en Angleterre. Elle y méritera son retour en grâce pour « services rendus à la cour ». Le mot de « renseignements » apparaît à son sujet. Il semblerait bien que notre Intrépide et sa mère aient su se faire pardonner en espionnant pour le bénéfice du Louis XIV. Nouvel aspect qui pourrait faire songer aux histoires à enchâssement des contes et à la science du verbe et de l’observation. Peut-être extrapolons-nous un peu, mais il est tout de même singulier de voir comment Madame d’Aulnoy s’est formée et a utilisé sa grande sagacité et sa vivacité acérée.