Germinal Tenas : l'homme aux mille et une idées
Germinal Floréal Tenas est né le 30 avril 1947 à Toulouse. Dès l’âge de sept ans, il est danseur de flamenco, accompagne sur scène son père, chanteur hispano-mexicain, et se produit devant les réfugiés politiques espagnols qui ont fui le régime fasciste. Lors d’un Arbre de Noël pour les entreprises et sociétés toulousaines - où il danse et chante des chansons d’Henri Genès, il fait la connaissance de Christian Fechner, alors ventriloque et prestidigitateur, qui deviendra par la suite son ami et un des plus grands producteurs du cinéma français.

Comme de nombreux jeunes de sa génération, il est fasciné par le rock’n roll et décide de monter un premier groupe à l’âge de treize ans, "Les conquérants". Un second groupe, "Les Caïds", lui permet de gagner un concours organisé par Radio Andorre et de partir enregistrer un 45 tours pour la maison Barclay à Paris.

Captivé par la magie du studio de l’Avenue Hoche, il décide un soir de rester un peu plus tard que les autres membres du groupe. Avec la plus grande discrétion, il pousse la porte du studio A et assiste, ébahi, à l’enregistrement en direct d’une des chansons de Jacques Brel.

Quelques années plus tard, il retrouve Christian Fechner, et tous deux décident de "monter à Paris pour tenter leur chance". Pour vivre, ils déchargent des camions aux halles de Paris, tout en écrivant des chansons et en passant des auditions. Mais aucun producteur n’est intéressé. C’est alors qu’ils ont l’idée d’envoyer à chaque PDG de maison de disques un courrier pour postuler comme directeur artistique. Ils n’obtiendront qu’un seul rendez-vous, mais celui-ci sera décisif. Léon Cabat, directeur de la maison Vogue, les reçoit personnellement. Surpris par leur jeunesse et leur assurance, il décide pourtant de les engager comme "aspirant directeur artistique" et fait ainsi d’eux les plus jeunes directeurs artistiques de la place de Paris.

Tous deux vont lancer Le groupe "Les Problèmes", futurs Charlots, et Antoine, qui, avec ses Élucubrations, va écouler plus de 200 000 copies de sa chanson.

Germinal Tenas découvre également Clotilde, fille Gisèle Parry et Robert Beauvais, et Jean-Bernard de Libreville, deux artistes qui ne rencontrent pas le succès à la sortie de leurs disques 45 tours, mais dont les disques sont aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs pour leur originalité.

En effet, Germinal Tenas n’est pas un simple découvreur, il est également producteur et arrangeur des disques de ses artistes. En studio, il cherche constamment à innover, inversant les bandes des pistes de batterie enregistrées par un certain Christian Vander, doublant la contrebasse avec un violoncelle, créant ainsi une sonorité particulière, ou encore en intégrant à ces chansons l’insolite par l’apport de cors de chasse et autres bruits de scooter.

En 1967, Germinal Tenas décide de voler de ses propres ailes et fonde le label discographique Thermidor Organisation productions disques qui verra la réalisation de quatre disques 45 tours dont l’emblématique Ne poussez pas mémé dans les orties interprété par le groupe Chorus Reverendus. Ce projet se voulait plus ambitieux et allait bien au-delà d’une simple création de marque phonographique : Germinal Tenas voulait également offrir aux artistes une infrastructure qui proposerait cours de danse, de chant, d’écriture et de présence scénique. Mais un contrat de distribution retors signé avec Eddie Barclay va voir son projet capoter et plongera Germinal Tenas dans une profonde dépression pendant plusieurs années.

En 1972, de retour à Toulouse, il enregistre au tout jeune studio Condorcet un nouveau disques 45 tours : Claustrophobie et asphyxie / La femme poulpe pour son nouveau label, Compact, co-fondé avec Christian Fechner.

Après l’édition de quelques disques 45 tours sur ce label, il se consacre entre 1973 et 1975, à la co-production de titres pour Christine Corda, Patrick Arnault ou encore Twitou.

Au milieu des années 1970, il créé avec Claude Danu, ancien directeur artistique chez Vogue, un studio d’enregistrement dans une usine parisienne désaffectée. Tous deux souhaitent utiliser ce lieu pour réaliser leurs propres projets. Mais ce premier studio prend feu et il rachète avec Claude Danu et Benoit Charvet, multi-instrumentiste et beau-fils du propriétaire de la Brasserie Dumesnil, l’ancien studio Vogue, situé rue Hauteville.

Afin de rembourser les traites engendrées par le rachat du lieu et du matériel nécessaire, le studio "Family sound" accueillera Véronique Sanson, Jacques Higelin, Serge Gainsbourg ou encore AC/DC et Germinal Tenas se lance dans la publicité et créé de nombreuses campagnes notamment pour Boursin, Banania, Frosties de Kellogg’s et autre Ticket choc pour la RATP.

Au cours des années 1980, son ami Christian Fechner rachète les studios de cinéma de Boulogne-Billancourt et fait appel à lui pour la composition de musiques pour des séries télévisées, dont David Lansky avec Johnny Hallyday, Sueurs froides présentée par Claude Chabrol, ou encore Palace. Il réalise également la musique du film Chouchou (en 2003) et surtout Justinien Trouvé, ou le Bâtard de Dieu, œuvre symphonique pour laquelle il écrit en latin et en patois. Il travaille actuellement sur l’adaptation du roman d’Alexandre Dumas Le Comte de Monte-Cristo en comédie musicale.

*Photographies diffusées avec l'aimable autorisation de M. Germinal Tenas. Reproduction et utilisation interdites sans l'accord préalable de M. Germinal Tenas.
Entretien avec Germinal Tenas, réalisé par Jean-Rodolphe Zanzotto (BnF) et enregistré par Luc Verrier (Ingénieur du son, BnF), le 24 novembre 2021 à Bibliothèque nationale de France, site de Tolbiac.
Portrait de Germinal Tenas (© BnF - Luc Verrier. Photographie libre de droits).
Cet entretien appartient au corpus Rencontres autour de l'édition phonographique, où de nombreuses autres personnalités témoignent également de leur expérience du métier de producteur phonographique.
Les descriptions complètes de ces enregistrements sont consultables sur le Catalogue général et sur le catalogue BnF-Archives et manuscrits.
Pour aller plus loin
Sur la maison de disques Vogue : entretien avec Alain Chamfort du 23 octobre 2019 (plages 3 et 4)