Clémence Robert (1797- 1872)
Clémence Robert (1797-1872) est une feuilletoniste qui a écrit dans les années 1840-1865 près d’une centaine de romans, essentiellement des récits historiques, avec énormément de succès, à l’égal d’un Alexandre Dumas ou d’un Eugène Sue. Les Quatre sergents de La Rochelle accompagnèrent la révolution de 1848. Mais la fin des années 1860 vit pâlir son étoile et elle est bien oubliée de nos jours.
« Si j’étais née pauvre, je me serais efforcée de gagner mon pain dans la littérature, et si le ciel m’eût fait naitre princesse, écrire aurait été mon seul bonheur. »
Cette profession de foi est signée Clémence Robert. Cette auteure de littérature populaire est née Antoinette-Henriette-Clémence Robert le 6 décembre 1797 à Macon. Son père, juge au tribunal civil de la même ville, possédait une grande bibliothèque, et la légende raconte que, petite fille, Clémence amenait un fauteuil dans la pièce pour pouvoir accéder aux volumes de Rousseau, Montesquieu et Voltaire situés sur les étagères supérieures et qu’elle lisait en cachette quand le magistrat était en session. Ces lectures auraient fortifié un sentiment républicain qui se développera par la suite. À la mort de son géniteur, Clémence a 30 ans. Avec sa mère, elle monte alors à Paris, où son frère Henri, de deux ans son aîné, va profiter du petit héritage apporté par les deux femmes pour fonder sa propre entreprise et inventer un certain nombre d’horloges nautiques et des compteurs de précision. Au départ la vie est difficile, et la jeune femme s’investit pour faire des recherches sur l’Histoire de France, ce qui lui profitera par la suite, au profit du marquis de Jouffroy d'Abbans qui avait l’intention d’écrire sur le sujet, pendant trois longues années. Mais celui-ci devient insolvable et ses biens sont saisis. Heureusement, son frère Henri est entretemps devenu prospère et Clémence peut se tourner alors vers la littérature.
En 1845, sa mère disparait. Elle se retire un temps à l’Abbaye-aux-bois, « seule et triste », selon l’expression de Pierre Larousse. Mais cela ne dure pas. À la révolution de 1848 elle va prendre sa part. Ayant fait la connaissance de la féministe Eugénie Niboyet, elles vont animer, de mars à mai 1848, le journal La Voix des femmes, où Clémence s’occupe particulièrement de questions sociales, salaires de misère ou nécessité pour les filles pauvres de se prostituer pour survivre. Mais l’échec du mouvement ruine tous ses rêves, qu’elle transposera alors dans ses romans populaires.
Clémence Robert (n°151) parmi les quelques femmes de lettres représentées dans le Panthéon Nadar, 1854
Ses romans sont construits autour de quelques personnages principaux et axés chacun sur une idée forte : justice, charité, amour, défense des humbles, luttes contre les tyrans. Le héros, en marge de la société, combat le Mal en une lutte parfois violente et toujours manichéenne. Ses personnages, souvent représentatifs des courants de son époque, sont souvent des démunis pourvus de qualités exceptionnelles ou des courtisanes rachetées par l’amour. Elle dose savamment le mystère, multiplie les sociétés secrètes, accumule les coups de théâtre, emportant l’action dans un rythme forcené vers un dénouement parfois heureux, mais pas toujours. Elle se veut socialiste, et décrit une société où une plèbe admirable combat des élites dépravées et corrompues. Ses textes se veulent les dépositaires de la volonté et des désirs du peuple qui ont culminé en 1848. Et pour cela elle utilise surtout l’Histoire.
Mais ses écrits sont très liés aux années 1840-1860. La société changeant, elle se retrouve peu à peu en porte-à-faux, et dans les années 1860, elle passe de mode. Elle ralentit donc sa production jusqu’à l’arrêter complètement. Elle emménage dans un petit appartement où elle s’enferme peu à peu, seule (ses amis sont morts), et où elle meurt le 1er décembre 1872, à près de 75 ans. Pendant plus d’une dizaine d’années ses livres seront réédités, puis elle va tomber petit à petit dans l’oubli. La dernière édition de son grand succès, Les quatre sergents de La Rochelle, date de 1906.
Le but de Clémence Robert était l’engagement politique et surtout social. Elle se méfiait des beaux romans, vides d’enseignements et écrivait :
« La littérature n’ayant qu’un mérite purement littéraire est un simple divertissement de l’esprit. […] Mais les écrivains qui ont le sentiment de l’avenir voient que le temps de ces fêtes est passé, et ils chargent la littérature de porter sa pierre à l’édifice social. »