Paris vu par les utopistes du XIXe siècle

Les utopies peuvent se bâtir ex nihilo, c’est-à-dire en niant tout enracinement géographique connu, et en faisant abstraction de la temporalité. Mais elles peuvent aussi s’édifier en se substituant, d’un coup ou progressivement, à des cités ou des pays identifiables, voire nommément désignés. Tel était le cas, au XVIIIe siècle, de la vaste fresque utopique  qu’est L’an 2240 de Louis-Sébastien Mercier qui prenait Paris pour décor, en en faisant une ville devenue  idéale. Cette vision prospective de la ville ne fera que s’accentuer au siècle suivant.

La période de bouleversements architecturaux et sociaux qu’a connue la ville de Paris au XIXe siècle, en particulier sous l’impulsion des préfets de la Seine, le comte de Rambuteau (1781-1869), en fonction de 1833 à 1848, et le baron Georges-Eugène Haussmann (1809-1891), en fonction de 1853 à 1870,  ne fut pas sans retentissement sur le monde de l’édition du temps. Tour à tour, en contrepoint de polémiques sur la déploration du « vieux Paris qui n’est plus », ou, au contraire, de critiques de ce qui se bâtissait sous leurs yeux, urbanistes, hygiénistes ou romanciers s’employèrent à dresser sur la papier le plan du Paris de leur rêve. Le 2e volume du Diable à Paris  est typique à cet égard : à quelques pages de la notice nostalgique  d’Honoré de Balzac intitulée Ce qui disparaît de Paris,  prenaient place dans l'édition de 1868 les dessins légendés de Grandville (1803-1847) de la série Paris futur, exposition de l’avenir ; si certains n’avaient d’autre but que comique, d’autres prenaient une inquiétante tonalité dystopique.