L'aulne
“ Au bord de la rivière les racines de l’aulne
se nouent se tordent
ruissellement ligneux
cascade de branches nouées
amarres en désordre
serpents minéralisés qui vont boire dans l’eau (...) ”
“Alnus Glutinosa”, dans Le voyage en automne de Claude Roy
Appartenant à la famille des Bétulacées, le genre Alnus compte une trentaine d’espèces réparties sur les continents européen, asiatique, américain ainsi que dans le nord de l’Afrique. L’aulne croît dans les milieux humides et apprécie particulièrement le lit des rivières. Son espérance de vie, assez courte pour un arbre, est d’environ une centaine d’années. Le système racinaire des aulnes contient des mycorhizes, lesquels participent à fixer l’azote atmosphérique. Ainsi, les aulnes peuvent se développer dans des sols pauvres et contribuer à leur fertilisation. Pour ces mêmes propriétés, les aulnes sont très utiles à la consolidation des berges érodées. L’arbre possède à la fois des fleurs mâles (des chatons comme le châtaignier) et des fleurs femelles (semblables aux petits cônes de conifères).
L’aulne est également doté d’une qualité remarquable : une fois immergé, son bois devient imputrescible. Ainsi, au 12e siècle, il a été largement utilisé dans les constructions sur pilotis de la ville de Venise. Des millions de pieux en aulne ont ainsi servi à la fondation de la ville avant d’être progressivement remplacés à partir du 15e siècle par le chêne, l’orme et le mélèze.
43e Vuë d'Optique representant l'Eglise St. Marc et le grand Canal de Venise, 1780
L’aulne est également très apprécié dans la lutherie et la marqueterie, ainsi que pour la confection de sabots. Riche en tannins, l’arbre a sans doute été utilisé dès le Moyen Âge pour le tannage des peaux. De son bois, on obtenait aussi un pigment noir utile aux teintures.
En France, on dénombre quatre espèces : l’aulne glutineux, l’aulne blanc, l’aulne vert et l’aulne de Corse.
L’aulne glutineux, Alnus glutinosa, est l’espèce dont l’aire de répartition est la plus vaste. Elle s’étend ainsi de l’Europe jusqu’au Caucase ainsi que dans le nord de l’Afrique. Présent sur l’ensemble de la France, l’aulne glutineux se distingue à sa silhouette conique et son écorce lisse et brillante de couleur gris-verte, tirant doucement vers le noir violacé au fil des années. Les aulnes les plus âgés, hauts de près de trente mètres, ont le tronc strié de crevasses. Deux éléments sont caractéristiques de cette espèce : ses feuilles ovales doublement striées et comme tronquées à leurs extrémités, ainsi que la perte tardive de son feuillage en automne. Enfin, notons qu’au printemps les feuilles de l’aulne glutineux se parent d’une légère viscosité d’où l’origine de son épithète.
Amédée Masclef, Atlas des plantes de France utiles, nuisibles et ornementales, Paris, 1891
L’aulne blanc, Alnus incana, est une espèce montagnarde de plus petite taille (jusqu’à quinze mètres de haut) et à la silhouette plus trapue. Ses feuilles ovales, doublement dentées et pointues sont de couleur vert sombre sur la face supérieure et blanchâtre sur la face inférieure.
L’aulne vert, Alnus viridis, s’assimile davantage à un arbrisseau. Petit et touffu, c’est une espèce caractéristique des hautes montagnes d’Europe. Pouvant parfois former des remparts denses et infranchissables, il prévient les avalanches et lutte ainsi contre l’érosion des sols.
L’aulne de Corse, ou Alnus cordata, est ainsi nommé en raison de ses feuilles en forme de cœur. Originaire du pourtour méditerranéen et de la Corse, il est aujourd’hui plus largement implanté sur le territoire français en raison de sa croissance rapide, laquelle est très appréciée par les forestiers.
Christiane Chaffin, Alnus cordata, Herbiers universitaires de Clermont-Ferrand
Durant la saison hivernale, il n’est pas rare d’observer le tarin des aulnes, tête en bas et dos retourné (à l’image des mésanges) se nourrissant des graines, petites mais nombreuses et facilement accessibles, qu’offrent les aulnaies montagneuses.
John Gould, Elizabeth Gould et Edward Lear, Illustrations de The Birds of Europe, t. III, Insessores, Londres, 1837
Contrairement aux apparences, l’aulne ne tire pas son origine du latin mais du francique alira qui évoluera plus tard vers alnus. Les Gaulois quant à eux le désignaient sous le terme de verno, aussi les habitants du Sud de la Loire l’appellent-ils plus communément vergne ou verne. Les déclinaisons du nom de l’aulne sont nombreuses : aune, aunette, aunois, anelle, vernasse, vargne ; et dans les régions du Sud-Ouest : bern, ber, bergnasse. Enfin, l’aulne a donné son nom à plus d’une centaine de communes. Il n’est donc pas impossible que les villages Aulnay, Aulnoy ou autres La Vergne, Bernay aient autrefois abrité des aulnes en leur cœur.
Ajouter un commentaire