Quand la poudre explosait
Au XIIIe siècle, la poudre noire ou poudre à canon est introduite en Europe. Ce mélange déflagrant de soufre, charbon de bois et salpêtre, hautement combustible, donna souvent lieu à des accidents dramatiques.
Un événement traumatique en 1545
En 1544, se présente aux portes de La Rochelle une caraque gênoise chargée de munitions pour la marine royale, mais elle s’échoue dans le chenal. Les deux cents barils de poudre sont rapidement déchargés et stockés dans un cellier appartenant aux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le quartier Saint-Jean du Perrot. On y trouvait alors de nombreux dépôts où l’on entreposait le vin produit dans l’arrière-pays et destiné à l’exportation.
En janvier 1545 à 10h du matin, on entend une explosion qui retentit à plus de 40 km dans l'arrière-pays. Les habitants croyant à la fin du monde paniquent ; on ferme les portes de la ville par sécurité.
Les pertes humaines sont considérables : cent vingt morts et de très nombreux blessés, sans que l'on puisse savoir combien ont survécu en cette période où la médecine était souvent impuissante à soigner. L'explosion simultanée de deux cents barils a causé d'impressionnants dégâts matériels : une douzaine de maisons, l’église Saint-Jean et partiellement le couvent des Carmes sont détruits ainsi que 30 à 40 mètres d'un rempart qui faisait 2m50 d’épaisseur !.
Après enquête, on apprend que des ouvriers avaient été dépêchés ce matin-là pour poser des barreaux de fer sur une fenêtre du cellier. La cause de la détonation serait donc accidentelle. Une question subsiste : pourquoi ne pas avoir placé ces munitions dans la poudrière sise à la Porte Saint-Nicolas ?
Les poudrières
En effet, après moult accidents de ce genre, l'architecture militaire avait créé des poudrières, c'est-à-dire des dépôts de poudre, de munitions ou d'explosifs à base de poudre. Ces magasins, devant lesquels une sentinelle était postée en permanence, se caractérisaient par des bâtiments :
- bas avec des contreforts afin de renforcer des murs déjà très épais, entourés qui plus est d’autres murs pour limiter au maximum les risques.
- percés d'étroites meurtrières permettant de ventiler et d'éviter l'humidité néfaste à la poudre
- aux toits légers pour s'élever en l'air en cas d'explosion, plutôt que de causer des dommages latéraux. Plus tard, dans cette même optique, on invente les poudrières à ciel ouvert.
- pourvus de paratonnerre
- à l'intérieur, de longs couloirs voûtés servent de chambre de décompression en cas d'explosion.
- pour les parties métalliques, on remplace le fer par du bronze ou de l'étain afin d'éviter les étincelles.
- dotés d’un plancher en bois car les gens autrefois portaient des chaussures à clous susceptibles de produire le même effet que celui mentionné précédemment.
Explosions !
Et pourtant, cela n'empêcha pas de nombreuses explosions. Une des plus connues est celle de la poudrerie installée dans le château de la plaine de Grenelle près de l'Ecole militaire à la fin du XVIIIe siècle. Il fallait alimenter les armées révolutionnaires en munitions et dans ce but, de nouvelles méthodes permettant d'augmenter la production journalière de salpêtre (nitrate de potassium) furent adoptées. Deux mille ouvriers y travaillaient dans une absence totale de précautions, broyant les ingrédients à la force des bras dans une atmosphère surchauffée. Malgré les mises en garde répétées du chimiste Jean-Antoine Chaptal auquel on avait confié la direction de la fabrication des poudres de Grenelle, le 31 août 1794, 150 tonnes de poudre explosent. La détonation est entendue jusqu'à Fontainebleau ; il y a des centaines de morts parmi les ouvriers et la population du quartier.
Explosion de la poudrerie de Grenelle. Source : BARPI.
François Arago (1786-1863) qualifie d'insignifiant le nombre de magasins à poudre ayant explosé. Avis que ne partagent pas les auteurs de : La Poudre à tirer et ses défauts qui énumèrent le nombre d'accidents survenus depuis le XVIe siècle. Le 6 mars 1899, la catastrophe survenue à Toulon fait la une des journaux.
Une des causes les plus fréquentes de ces explosions est la foudre. Cela pouvait aussi être attribué à un phénomène électrique.
Le fort de St-Denis après l'explosion d'une poudrière. Source : La Croix de l'Ain, 26 mars 1916.
Les guerres incessantes ayant justifié la présence de magasins où l'on entreposait la poudre et les munitions, on voit que progressivement leur conception va évoluer en répondant à des exigences très strictes, afin de limiter au maximum les risques inhérents à leur contenu.
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