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Tout autour des globes du XIXe siècle

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Globes pliables, gonflables, divisibles voire muets… La production de globes terrestres se diversifie à partir du XIXe et se prolonge au XXe siècle : illustration des évolutions de cet objet d’art et de science à partir de numérisations récemment disponibles dans Gallica.
 

Visualisation 3D du Privilegirter pneumatisch portativer Erdglobus par Philipp Cella, 1831 (BnF CPL, GE A-1775 (RES))

Dans la continuité d’un précédent billet décrivant les globes célestes et instruments astronomiques, la mise en ligne en 2023 de plus de trente globes terrestres dans la bibliothèque numérique Gallica  est l’occasion idéale d’illustrer les évolutions de la fabrication et de la diffusion de ces objets. Les mutations importantes qu’ont connues les globes au XIXe siècle -dont le plus ancien conservé remonte à la fin du XVe siècle- ont notamment été explicitées par l’historien de la cartographie Jan Mokre dans le catalogue de l’exposition Le Monde en Sphères, organisée en 2019 à la BnF.

La collection de la BnF, conservée au département des Cartes et plans et fruit d’une politique soutenue de collecte et d’acquisition, est représentative de la diversité des formes et usages exposée par J.Mokre : globes pédagogiques, thématiques, à destination de la jeunesse, et se déclinant en modèle pliables, gonflable, miniatures, lumineux...    

Dans le premier tiers du XIXe siècle, alors que le coût de fabrication des globes diminue en raison du progrès des procédés d’impression, apparaît une innovation : des globes rangés pliés –tel une simple carte- mais gonflables. Disponible dans Gallica, celui conçu et commercialisé en 1831 par l’éditeur allemand Philip Cella en est un exemple représentatif. Il s’agit d’un grand globe terrestre de plus d’un mètre de diamètre, doté de son soufflet et de sa boîte de rangement d’origine.
 

L’objet n’est pas le premier du genre, car Cella prend pour modèle une invention récente de l’éditeur anglais George Pocock. Il traduit la cartographie en allemand mais garde les aspects matériels : une carte sur fuseaux en papier, lithographiée et mis en couleur, gonflable.

Au moment de la numérisation le risque de gonfler l’objet, fragile car constitué d’un papier très fin, n’a pas été pris, afin de ne pas l’endommager de manière irréversible. Le protocole de prise de vue (dont la méthodologie standard est présentée dans ce précédent billet) a été adapté, avec une mise en scène de l’ensemble des composants de l’objet et une numérisation minutieuse de chacun des 12 fuseaux. En plus de renseigner précisément sur le contenu cartographique, les photographies ont permis une expérimentation de reconsitution en 3 dimensions, permettant d’avoir une image du globe virtuellement « regonflé ». En effet, les photographies en HD ont été projetées sur une sphère modélisée en 3D après un ensemble d’étapes de post-production menée par le service numérisation du département de la conservation de la BnF.

Cette numérisation en 3D s'ajoute aux 55 déjà disponibles dans Gallica depuis 2016 à la suite d’un mécénat de compétence. Elle diffère dans la méthodologie car les prises de vue n’ont pas initialement été pensées pour la visualisation en 3D. Elles se sont malgré tout avérées d’une résolution suffisante pour permettre cette modélisation. Au vu du résultat, la technique employée pourrait être transposable à d'autres fuseaux de globes disponibles dans Gallica

Le résultat est visible ci-dessous.

 

 

 

Cartouche du globe terrestre par A.Desmadryl et E.Benoit, 1833 (BnF CPL, GE A-2132 (RES))
 

Un autre modèle de globe terrestre des années 1830 a pu être lui gonflé avant d’être pris en photo. Comme le globe de Cella, il s’agit d’une adaptation du modèle pionnier de l’anglais Pocock mais cette fois-ci en français. L’auteur de la carte est le géographe A.Desmadryl et l’adaptateur de l’objet est un ingénieur-mécanicien troyen E.Benoit. Ce dernier est le détenteur du brevet d’importation évoqué sur le cartouche de la carte.

Le globe est décrit dans une publicité publiée dans le Journal de l'Aube du 10 décembre 1834 comme lithographié sur « papier-parchemin ». La solidité de ce papier (qui n’est pas fait de vélin comme les cartes marines malgré son appellation trompeuse de parchemin) a permis de gonfler le globe avant les prises de vue.

Globe terrestre par A.Desmadryl et E.Benoit (non gonflé), 1833 (BnF CPL, GE A-2132 (RES))

 

Dans la même publicité, tout en vantant les mérites de son objet, l’éditeur en donne les usages possibles : à la fois comme ornement pour des bibliothèques – dans la continuité des globes de grande taille des siècles précédents- et comme objet pédagogique pratique, dont le contenu scientifique est affirmé parfaitement à jour, reflétant les « dernières découvertes géographiques ». 
 

Globe terrestre par A.Desmadryl et E.Benoit (gonflé), 1833 (BnF CPL, GE A-2132 (RES))
 

Ci-dessous, le globe terrestre dit « parapluie », objet conçu dans les années 1860 par le cartographe John Betts, est encore plus pratique à manipuler et à utiliser dans les écoles, où cartes et globes sont des outils pédagogiques de plus en plus employés dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
 

Réédition de 1881 du « Globe portable » de John Betts par l’éditeur George Philip and Sons, (BnF CPL, GE A-1776 (RES))

 

Le cartouche de la carte met également en avant une cartographie dressée selon « les meilleurs sources », montrant que les éditeurs ne veulent pas réduire leur carte à un produit « fantaisie » mais le présentent comme un instrument didactique complet.

En revanche pas de cartographie « parfaitement à jour » sur les globes scolaires muets apparaissant à la même période, puisqu’ils sont par définition destinés à être complétés par les élèves. Exemple avec le modèle ci-dessous, sphère en carton recouverte de plâtre et de peinture noire, donnant une surface de type ardoise, et dont le globe -muet à l'exception du réseau des parallèles et méridiens marqués en blanc et des limites des continents marquées en rouge- s’apparente à un tableau noir sphérique pour l'enseignement de la géographie.
 

[Globe scolaire muet noir], Anonyme, vers 1900, (BnF CPL, Ge A-1919)
 

Tous ces globes ont également en commun d’être conçus et commercialisés directement par leurs auteurs ou par des petites ou moyennes entreprises, des structures d’édition connaissant pour certaines un véritable succès commercial  et déposant de nombreux brevets. Il est possible de mettre en avant un dernier exemple des années 1850, avec cet atypique globe puzzle divisible conçu par les cartographes M-J Deshais et C-V Harreaux, destiné à l’enseignement de la « Géographie élémentaire ».

Globe divisible, géographie élémentaire par M.-J. Deshais et C.-V. Harreaux, 1857, (BnF CPL, GE A-286)

 

Pour aller plus loin

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